D. A. et cons.,
demandeurs en cassation,
ayant pour conseil Maître Thierry Afschrift, avocat au barreau
deBruxelles,
contre
ETAT BELGE, représenté par le ministre des Finances,
défendeur en cassation,
représenté par Maître François T'Kint, avocat à la Cour de cassation,
La décision attaquée
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 5 septembre 2003 par la cour d'appel de Mons.
La procédure devant la Cour
Le président de section Claude Parmentier a fait rapport.
L'avocat général André Henkes a conclu.
Le moyen de cassation
Les demandeurs présentent un moyen libellé dans les termes suivants:
Dispositions légales violées
- articles 32, alinéa 2, 3°, et 344, § 1er, du Code des impôts sur les revenus 1992;
- article 149 de la Constitution;
- foi due aux actes.
Décisions et motifs critiqués
Après avoir constaté «que les [demandeurs] contestent la requalifi-cation des loyers qu'ils perçoivent pour la partie professionnelle de l'immeuble sis à l'adresse de leur domicile, qui leur appartient et dans lequel [le demandeur] exerce la profession de médecin ; (...) que cet immeuble était donné en location à la s.p.r.l. Comed dont [le demandeur] est le gérant ; qu'il a ensuite été loué par la s.p.r.l. Franco-belge de Gestion Immobilière [en abrégé FBGI] qui l'a sous-loué à la s.p.r.l. Comed (...) », l'arrêt attaqué rejette le recours que les demandeurs avaient introduit contre la décision du directeur des contributions de Mons du 27 août 1998, qui, par application des articles 32, alinéa 2, 3°, et 344, § 1er, du Code des impôts sur les revenus 1992, avait conclu à la taxation des loyers payés aux demandeurs par la s.p.r.l. FBGI, à titre de « rémunérations d'administrateur », aux motifs que « les [demandeurs] n'ont pas entendu donner au locataire principal la jouissance de la chose, alors qu'il s'agit d'une caractéristique essentielle du contrat de bail ; qu'une société de gestion immobilière n'a en effet que faire de locaux à usage de cabinet médical; qu'en revanche, il est indispensable pour les [demandeurs] que la s.p.r.l. Comed dont [le demandeur] est le gérant ait la jouissance de l'immeuble litigieux dans lequel celui-ci exerce sa profession ; que l'acte sous seing privé du 30 juin 1993 prévoit notamment que le locataire principal paie le loyer dans les deux jours ouvrables de la réception du montant lui versé par le sous-locataire et qu'en cas de retard de paiement, le propriétaire exerce son recours en priorité contre le sous-locataire ; que le locataire principal n'assume donc pas pleinement l'obligation qui est la sienne de supporter la charge du loyer ; (...) que contrairement à ce que soutiennent les [demandeurs], c'est bien de la qualification juridique des opérations litigieuses qu'il est question puisqu'en prenant la décision querellée, [le défendeur] a considéré que la location principale et la sous-location devaient être qualifiées de location pure et simple ; que les effets des actes sont respectés ; qu'en effet, dans un cas comme dans l'autre, les [demandeurs] ont la possibilité de contraindre la s.p.r.l. Comed au paiement du loyer ; que l'objectif avoué est par ailleurs de mettre les lieux loués à la disposition de cette société et certes pas à celle du locataire principal ; (...) que (...) les [demandeurs] ne peuvent se prévaloir d'aucun besoin légitime de caractère financier ou économique et que leur intention d'éviter l'impôt et plus précisément l'application de l'article 32 alinéa 2, 3°, du Code des impôts sur les revenus est manifeste ; (...) qu'au vu des dispositions qui précèdent, [le défendeur], en prenant la décision querellée, a fait une exacte application des dispositions précitées ».
Griefs
1. Première branche
Les demandeurs faisaient valoir en conclusions que l'article 344, § 1er, du Code des impôts sur les revenus 1992 permet à l'administration des contributions directes de déclarer inopposable la qualification juridique donnée par les parties à un acte (ou à des actes distincts réalisant une même opération), lorsque cette qualification a pour but d'éviter l'impôt, à moins que le contribuable ne prouve que cette qualification réponde à des besoins légitimes de caractère financier ou économique ; que ce n'est donc pas l'acte lui-même, mais bien sa qualification, qui est inopposable ; que « pour pouvoir 'requalifier', l'administration doit nécessairement trouver une qualification qui respecte les effets juridiques des actes posés, c'est-à-dire ayant les mêmeseffets juridiques»; qu' «en l'espèce, les effets des actes posés sont les suivants: la s.p.r.l. FBGI verse au [demandeur] un loyer mensuel de 56.000 francs ; le [demandeur] peut contraindre la s.p.r.l. FBGI à payer ce loyer, au besoin par voie judiciaire ; la société FBGI peut contraindre le [demandeur] à exécuter ses obligations de bailleur (obligations de délivrance, d'entretien et de réparation autres que locatives) ; le [demandeur] n'est pas administrateur de sa société locataire ; la société Comed verse un loyer de 58.000 francs à la s.p.r.l. FBGI ; la s.p.r.l. FBGI peut contraindre la s.p.r.l. Comed à payer ce loyer, au besoin par la voie judiciaire ; la s.p.r.l. Comed peut contraindre la s.p.r.l. FBGI à exécuter ses obligations de bailleur (obligations de délivrance, d'entretien et de réparation autres que locatives) » ; qu'« en requalifiant la location/sous-location de location pure et simple entre le [demandeur] et la s.p.r.l. Comed, l'administration ne respecte pas ces effets » ; qu'« en effet, les effets d'une telle location, pure et simple, seraient les suivants : la société Comed paierait 58.000 francs au [demandeur] (alors que celui-ci ne reçoit qu'un loyer de 56.000 francs de la s.p.r.l. FBGI) ; le [demandeur] pourrait contraindre la s.p.r.l. Comed à payer ses loyers, au besoin par la voie judiciaire ; la société Comed pourrait contraindre le [demandeur] à exécuter ses obligations de bailleur ; le [demandeur] serait administrateur de la société réputée locataire; il n'y aurait plus aucune raison que la société FBGI paie un loyer au [demandeur] ; le [demandeur] et la société FBGI n'auraient aucun lien juridique ; en réalité, la société FBGI serait exclue de toute relation juridique entre le [demandeur] et la société Comed » ; qu' « en d'autres termes, les effets juridiques d'une location qui existerait entre le [demandeur] et la s.p.r.l. Comed ne sont nullement les mêmes que ceux d'une location entre le [demandeur] et la s.p.r.l. FBGI suivie d'une sous-location par cette société à la s.p.r.l. Comed, ce qui rend l'article 344, § 1er, inapplicable » ; qu'en définitive, « en croyant 'requalifier' deux actes, l'administration fait abstraction d'une personne (FBGI) et de deux relations juridiques qui existent pourtant réellement (C. / s.p.r.l. FBGI et s.p.r.l. FBGI / s.p.r.l. Comed)»; qu'en décidant pourtant que « les effets des actes sont respectés » parce que dans un cas comme dans l'autre, les [demandeurs] ont la possibilité de «contraindre la s.p.r.l. Comed au paiement du loyer » et « que l'objectif avoué est par ailleurs de mettre les lieux loués à la disposition de cette société et certes pas à celle du locataire principal », l'arrêt attaqué ne répond pas à ces conclusions ; que ce n'est pas parce que dans les deux cas le demandeur peut contraindre la s.p.r.l. Comed à payer les loyers et que le but est de mettre les lieux à la disposition de cette société, que les effets juridiques du contrat de bail suivi du contrat de sous-location, tels qu'ils sont énumérés et analysés par les demandeurs dans leurs conclusions précitées, seraient identiques aux effets d'une seule convention de location ; que la cour d'appel n'a pas répondu aux conclusions des demandeurs sur ce point (violation de l'article 149 de la Constitution).
2. Deuxième branche
Les demandeurs faisaient également valoir en conclusions que «l'inapplication de l'article 344, § 1er, dans le type de situation envisagée est également confirmée lorsqu'il s'agit de rechercher, dans le raisonnement de l'administration, quel est le montant des loyers à prendre en considération pour la requalification » ; qu' « en l'espèce, l'administration a estimé qu'elle devait prendre pour base 'la prise en charge par la société des associés' (avis de rectification du 15 juin 1995), c'est-à-dire le montant du loyer payé par la s.p.r.l. Comed à la s.p.r.l. FBGI (soit 58.000 francs). Or, le [demandeur] ne perçoit effectivement que 56.000 francs de la s.p.r.l. FBGI » ; « l'application de l'article 344, § 1er, par l'administration conduit donc à ce qu'un effet extérieur des conventions, tout à fait réel et incontestable (le [demandeur] perçoit 56.000 francs de loyer et non 58.000 francs), n'est pas respecté, puisque l'administration attribue fictivement au [demandeur] un loyer de 58.000 francs » ; « si l'article 344 permet la requalification d'une convention productrice de revenus, il ne permet en revanche pas d'augmenter fictivement le montant de ces revenus, si cela ne correspond pas à la réalité » ; « il faut noter, par ailleurs - ce qui vient encore confirmer l'impossibilité d'appliquer l'article 344 à ce type de situation - que si l'administration avait, inversement, tenu compte du loyer payé par la s.p.r.l. FBGI au [demandeur] (56.000 francs), l'application de l'article 344 serait tout aussi non fondée, puisque, si l'on requalifie en une seule location la double convention de location/sous-location, il faut nécessairement en déduire (comme le fait d'ailleurs l'administration) que la s.p.r.l. FBGI 'n'existe pas', que la location unique existe entre le [demandeur] et la société Comed et que 'c'est donc bien le loyer payé par cette société (58.000 francs) qui, logiquement, doit constituer la base imposable» ; « l'article 344 n'est donc applicable dans aucune des deux hypothèses envisagées » ; par aucun des motifs repris au moyen, ni aucun autre, la cour d'appel ne répond à ces conclusions (violation de l'article 149 de la Constitution).
3. Troisième branche
L'article 344, § 1er, du Code des impôts sur les revenus 1992 permet à l'administration des contributions directes de déclarer inopposable la qualification juridique donnée par les parties à un acte (ou à des actes distincts réalisant une même opération), lorsque cette qualification a pour but d'éviter l'impôt, à moins que le contribuable ne prouve que cette qualification réponde à des besoins légitimes de caractère financier ou économique ; ce n'est donc pas l'acte lui-même, mais bien sa qualification, qui est inopposable; pour pouvoir requalifier, l'administration doit nécessairement trouver une qualification qui respecte les effets juridiques des actes posés, c'est-à-dire ayant les mêmes effets juridiques ; en l'espèce, les effets des actes posés étaient les suivants : la s.p.r.l. FBGI verse au [demandeur] un loyer mensuel de 56.000 francs ; le demandeur peut contraindre la s.p.r.l. FBGI à payer ce loyer, au besoin par voie judiciaire ; la société FBGI peut contraindre le demandeur à exécuter ses obligations de bailleur (obligations de délivrance, d'entretien et de réparation autres que locatives) ; le demandeur n'est pas administrateur de sa société locataire ; la société Comed verse un loyer de 58.000 francs à la s.p.r.l. FBGI ; la s.p.r.l. FBGI peut contraindre la s.p.r.l. Comed à payer ce loyer, au besoin par la voie judiciaire ; la s.p.r.l. Comed peut contraindre la s.p.r.l. FBGI à exécuter ses obligations de bailleur (obligations de délivrance, d'entretien et de réparation autres que locatives) ; les effets d'une seule location seraient les suivants : la société Comed paierait 58.000 francs au demandeur (alors que celui-ci ne reçoit qu'un loyer de 56.000 francs de la s.p.r.l. FBGI) ; le demandeur pourrait contraindre la s.p.r.l. Comed à payer ses loyers, au besoin par la voie judiciaire ; la société Comed pourrait contraindre le [demandeur] à exécuter ses obligations de bailleur ; le [demandeur] serait administrateur de la société réputée locataire ; il n'y aurait plus aucune raison que la société FBGI paie un loyer au demandeur; le demandeur et la société FBGI n'auraient aucun lien juridique ; la société FBGI serait exclue de toute relation juridique entre le demandeur et la société Comed ; en d'autres termes, les effets juridiques d'une location qui existerait entre le demandeur et la s.p.r.l. Comed ne seraient nullement les mêmes que ceux d'une location entre le demandeur et la s.p.r.l. FBGI suivie d'une sous-location par cette société à la s.p.r.l. Comed.
En décidant pourtant que « les effets des actes sont respectés » parce que « dans un cas comme dans l'autre, les [demandeurs] ont la possibilité de contraindre la s.p.r.l. Comed au paiement du loyer » et « que l'objectif avoué est par ailleurs de mettre les lieux loués à la disposition de cette société et certes pas à celle du locataire principal », l'arrêt attaqué ne constate pas que les effets juridiques d'un seul contrat de location, entre les demandeurs et leur société, seraient identiques aux effets juridiques des actes qui ont été effectivement posés par les parties ; ce n'est pas parce que dans les deux cas le demandeur peut contraindre la s.p.r.l. Comed à payer les loyers et que le but est de mettre les lieux à la disposition de cette société, que les effets juridiques d'un contrat de bail suivi d'un contrat de sous-location, tels qu'ils sont énumérés ci-dessus, sont identiques aux effets juridiques d'une seule convention de location ; les effets juridiques de ces deux situations ne sont donc pas identiques ; le fait - comme le constate la cour d'appel - que « dans un cas comme dans l'autre, le [demandeur] a la possibilité de contraindre la s.p.r.l. Comed au paiement des loyers » et que « l'objectif avoué est (...) de mettre les lieux loués à la disposition de cette société et certes pas à celle du locataire principal », n'implique pas que les effets juridiques d'une location suivie d'une sous-location sont identiques à ceux d'une location simple; en particulier, en requalifiant les contrats de location et de sous-location conclus par les parties en l'espèce, en un seul contrat de location, la cour d'appel ne respecte donc pas l'ensemble des effets juridiques des actes que celles-ci ont posés ; l'arrêt attaqué viole par conséquent l'article 344, § 1er, du Code des impôts sur les revenus 1992.
4. Quatrième branche
L'article 32, alinéa 2, 3°, du Code des impôts sur les revenus 1992 prévoit que « les rémunérations des dirigeants d'entreprise (...) comprennent notamment (...) par dérogation à l'article 7, le loyer et les avantages locatifs d'un bien immobilier bâti donné en location par les personnes visées à l'alinéa 1er, 1° (c'est-à-dire les dirigeants d'entreprises) à la société dans laquelle elles exercent un mandat ou des fonctions analogues, dans la mesure où ils excèdent les 5/3 du revenu cadastral revalorisé (...) » ; cette disposition crée une fiction selon
laquelle les loyers perçus par un administrateur d'une société dans laquelle il exerce ses fonctions, et qui, a priori, ont donc la nature de revenus immobiliers, doivent en réalité être considérés comme des rémunérations d'administrateur ; sous certaines conditions prévues par la loi, des revenus - a priori immobiliers - sont donc légalement disqualifiés et requalifiés en revenus professionnels ; une de ces conditions est qu'un administrateur de société donne son immeuble en location à sa société ; s'il donne son immeuble en location à une autre société, les conditions de la fiction légale ne sont pas remplies, et l'article 32, alinéa 2, 3°, ne s'applique pas ; l'application de cette disposition est donc subordonnée à la constatation d'un fait, matériel, réel (et non fictif) ; la cour d'appel ne pouvait donc pas [décider], après avoir constaté de facto que les demandeurs avaient bien donné leur immeuble en location à la s.p.r.l. FBGI (dont ils ne sont pas administrateurs), que les loyers perçus par eux devaient néanmoins être taxés à titre de « rémunérations d'administrateur» par application de l'article 32, alinéa 2, 3°, du Code des impôts sur les revenus 1992 ; le fait que les deux contrats de location et de sous-location puissent, le cas échéant, être requalifiés - fictivement (par application de l'article 344, § 1er, du Code des impôts sur les revenus 1992) - en un seul contrat de location, n'implique nullement que - de facto - les demandeurs auraient alors donné leur immeuble en location à leur propre société ; l'article 344, § 1er, du Code des impôts sur les revenus 1992 ne permet en effet pas de faire abstraction des actes eux-mêmes mais permet seulement à l'administration de décider que leur qualification ne lui est pas opposable ; les actes eux-mêmes continuent donc d'exister ; l'application de l'article 344, § 1er, ne permet donc pas de constater, in specie, que les demandeurs auraient donné leur immeuble en location à leur propre société ; les conditions d'application de l'article 32, alinéa 2, 3°, du Code des impôts sur les revenus ne sont donc pas remplies ; en décidant que par application de l'article 344, § 1er, du Code des impôts sur les revenus 1992, les conventions de location et de sous-location pouvaient être requalifiées en une seule convention de location, la cour d'appel ne constate donc pas que les demandeurs ont donné leur immeuble en location à la société dont ils sont administrateurs, comme l'exige l'article 32, alinéa 2, 3°, du Code des impôts sur les revenus 1992, mais donne seulement aux conventions conclues une autre qualification ; en considérant néanmoins que les loyers perçus par le demandeur, de leur locataire, la s.p.r.l. FBGI, doivent être taxés comme des «rémunérations d'administrateur », l'arrêt attaqué viole par conséquent l'article 32, alinéa 2, 3°, du Code des impôts sur les revenus 1992.
La décision de la Cour
Quant à la première et à la troisième branche:
Attendu qu'il ressort des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard que:
1° par une convention du 30 juin 1993, les demandeurs ont donné en location la partie professionnelle d'un immeuble, dans lequel le demandeur exerce la médecine, à la s.p.r.l. Franco-belge de Gestion Immobilière; celle-ci l'a donnée en sous-location à la s.p.r.l. Comed, dont le demandeur est le gérant;
2° le 7 septembre 1993, trois actes ont été passés devant le même notaire, avec pour objet:
- la résiliation du bail verbal conclu initialement entre le demandeur et la s.p.r.l. Comed;
- la conclusion d'un bail entre les demandeurs et la s.p.r.l. Franco-belge de Gestion Immobilière;
- la conclusion d'un bail entre cette dernière société et la s.p.r.l. Comed;
3° dans sa décision, le directeur régional des contributions a considéré que «lorsque le fisc constate qu'un mécanisme de location/sous-location avec le concours d'une tierce personne (.) a pour but d'éviter l'impôt ou d'en réduire la charge, il peut invoquer la disposition anti-abus [de l'article 344 du Code des impôts sur les revenus] et requalifier les conventions en contrats de location pure et simple»;
Attendu que l'article 344, § 1er, du Code des impôts sur les revenus 1992 dispose que n'est pas opposable à l'administration des contributions directes la qualification juridique donnée par les parties à un acte ainsi qu'à des actes distincts réalisant une même opération lorsque l'administration constate, par présomptions ou par d'autres moyens de preuve visés à l'article 340, que cette qualification a pour but d'éviter l'impôt, à moins que le contribuable ne prouve que cette qualification réponde à des besoins légitimes de caractère financier ou économique;
Que cette disposition légale permet à l'administration de requalifier dans son ensemble l'opération qui a été artificiellement décomposée en actes distincts, afin que soit imposée l'opération que les parties ont réellement conclue;
Attendu que l'arrêt relève que «comme les [demandeurs] le reconnaissent eux-mêmes, il s'agit bien en l'espèce d'actes distincts réalisant une même opération»;
Qu'il énonce que «les [demandeurs] n'ont pas entendu donner au locataire principal la jouissance de la chose, alors qu'il s'agit d'une caractéristique essentielle du contrat de bail; qu'une société de gestion immobilière n'a, en effet, que faire de locaux à usage de cabinet médical; qu'en revanche, il est indispensable pour les [demandeurs] que la s.p.r.l. Comed dont [le demandeur] est le gérant ait la jouissance de l'immeuble litigieux dans lequel celui-ci exerce sa profession» et que «l'acte sous seing privé du 30 juin 1993 prévoit (.) qu'en cas de retard de paiement, le propriétaire exerce son recours en priorité contre le sous-locataire»;
Qu'il considère que «contrairement à ce que soutiennent les [demandeurs], c'est bien de la qualification juridique des opérations litigieuses qu'il est question puisqu'en prenant la décision querellée, [le défendeur] a considéré que la location principale et la sous-location devaient être qualifiées de location pure et simple; que les effets des actes sont respectés; qu'en effet, dans un cas comme dans l'autre, les [demandeurs] ont la possibilité de contraindre la s.p.r.l. Comed au paiement du loyer»;
Qu'il considère enfin que les demandeurs ne peuvent se prévaloir d'aucun besoin légitime de caractère financier ou économique, comme l'exige l'article 344, § 1er, précité;
Attendu que, par ces motifs, l'arrêt justifie légalement sa décision que l'administration fiscale a fait une exacte application de l'article 344, § 1er, et répond, en les contredisant, aux conclusions des demandeurs visées en la première branche;
Que le moyen, en ces branches, ne peut être accueilli;
Quant à la deuxième branche:
Attendu que l'arrêt considère que «la différence de 2.000 francs par mois, entre le loyer relatif à la location principale et le loyer concernant la sous-location, représente la rémunération du service rendu aux [demandeurs] par la société Franco-belge de Gestion Immobilière et visant à permettre à ceux-ci de donner à leurs opérations la qualification juridique souhaitée par eux»;
Qu'ainsi, l'arrêt répond aux conclusions des demandeurs visées en cette branche;
Que le moyen, en cette branche, manque en fait;
Quant à la quatrième branche:
Attendu qu'ayant considéré que les demandeurs avaient conclu un bail avec la s.p.r.l. Comed dont le demandeur est le gérant, l'arrêt justifie légalement sa décision que les loyers constituent un revenu professionnel dans le chef du demandeur, par application de l'article 32 du Code des impôts sur les revenus 1992;
Que le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi;
Condamne les demandeurs aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de trois cent sept euros quatre-vingt-huit centimes payés par les demandeurs.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Claude Parmentier, les conseillers Didier Batselé, Albert Fettweis, Daniel Plas et Christine Matray, et prononcé en audience publique du vingt et un avril deux mille cinq par le président de section Claude Parmentier, en présence de l'avocat général André Henkes, avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.