La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/02/2005 | BELGIQUE | N°C.02.0268.F-C.02.0274.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 24 février 2005, C.02.0268.F-C.02.0274.F


N° C.02.0268.F
V. D. A., et cons.,
demandeurs en cassation,
représentés par Maître Cécile Draps, avocat à la Cour de cassation,
contre
G. A., et cons.,
défendeurs en cassation,
représentés par Maître Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,
en présence de
P. C., et cons.,
ayant élu domicile au cabinet de Maître Lambert Matray et Maître Bruno Lhoest, avocats,
parties appelées en déclaration d'arrêt commun.
N° C.02.0274.F
P. C., et cons.,
demandeurs en cassation,
représentés par Maître John Kirkpatrick, avocat à la Cour

de cassation,
contre
G. A., et cons.,
défendeurs en cassation,
représentés par Maître Huguette Geinger, avocat à l...

N° C.02.0268.F
V. D. A., et cons.,
demandeurs en cassation,
représentés par Maître Cécile Draps, avocat à la Cour de cassation,
contre
G. A., et cons.,
défendeurs en cassation,
représentés par Maître Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,
en présence de
P. C., et cons.,
ayant élu domicile au cabinet de Maître Lambert Matray et Maître Bruno Lhoest, avocats,
parties appelées en déclaration d'arrêt commun.
N° C.02.0274.F
P. C., et cons.,
demandeurs en cassation,
représentés par Maître John Kirkpatrick, avocat à la Cour de cassation,
contre
G. A., et cons.,
défendeurs en cassation,
représentés par Maître Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,
en présence de
V. D. P., et cons.,
parties appelées en déclaration d'arrêt commun.
La décision attaquée
Les pourvois en cassation sont dirigés contre l'arrêt rendu le 27 novembre 2001 par la cour d'appel de Liège.
La procédure devant la Cour
Le président de section Philippe Echement a fait rapport.
L'avocat général Thierry Werquin a conclu.
Les faits
Tels qu'ils ressortent de l'arrêt et des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard, les faits de la cause et les antécédents de la procédure peuvent être ainsi résumés:
1. le 7 octobre 1993, le défendeur intente une action en recherche de paternité contre A. V. D. et met sa mère, ici défenderesse, à la cause;
2. le 17 février 1995, le tribunal de première instance rend un jugement déclarant l'action prescrite;
3. le 23 mars 1995, le défendeur seul, sans appeler la défenderesse à la cause, dépose une requête d'appel;
4. le 2 août 1995, A. V. D. décède;
5. le 15 février 1996, A., P. et P. V. D. déposent, en leur qualité de mandataires spéciaux désignés par l'ensemble des héritiers d'A. V. D., un acte par lequel ils déclarent reprendre l'instance initialement mue contre celui-ci;
6. le 7 mars 2001, la cour d'appel ordonne la réouverture des débats pour permettre aux parties de s'expliquer sur l'absence à la cause en degré d'appel de la défenderesse S. G.;
7. le 30 avril 2001, les deux premiers défendeurs déposent conjointement une nouvelle requête d'appel dirigée contre tous les héritiers d'A. V. D. à l'exception de sa veuve, Z. T.;
8. l'arrêt attaqué dit irrecevable l'appel du 23 mars 1995 et reçoit les appels du 30 avril 2001.
Les moyens de cassation
A. Dans la cause inscrite au rôle général sous le numéro C.02.0268.F, les demandeurs présentent trois moyens dont le premier est libellé dans les termes suivants:
Dispositions légales violées
- articles 332ter, alinéa 3, et 332quater du Code civil;
- articles 31 et 1053, alinéa 1er, du Code judiciaire.
Décisions et motifs critiqués
L'arrêt attaqué dit recevable l'appel formé par le défendeur et la défenderesse par requête du 30 avril 2001.
Griefs
A la suite du premier appel du défendeur du 23 mars 1995, les demandeurs, ainsi que le constate l'arrêt du 7 mars 2001, ont déclaré reprendre l'instance «en leur qualité de mandataires spéciaux, désignés par l'ensemble des héritiers de feu A. V. D., (.) selon actes du notaire A. C. des 7 et 8 août 1995». Le second de ces actes contenait la constitution de mandataires spéciaux de Mme Z. T., veuve [d'A. ] V. D., ici septième appelée en déclaration d'arrêt commun.
Le litige, étant une action d'état, était indivisible au sens de l'article 31 du Code judiciaire; les défendeurs étaient, à la suite du décès de feu A. V.D. et de la reprise d'instance au nom de tous les héritiers, tenus, en vertu des articles 332quater du Code civil et 1053, alinéa 1er, du Code judiciaire combinés, de diriger leur requête d'appel contre tous les héritiers de celui-ci, qui, de son vivant, devait être mis à la cause en vertu de l'article 332ter, alinéa 3, du Code civil; or, le second acte d'appel n'est pas dirigé contre la septième appelée en déclaration d'arrêt commun; la cour d'appel eût, dès lors, dû, d'office, eu égard au caractère d'ordre public de l'état des personnes dont relève la filiation, déclarer cet appel irrecevable; en le disant recevable, l'arrêt a violé les dispositions légales visées au moyen.
B. Dans la cause inscrite au rôle général sous le numéro C.02.0274.F, les demandeurs présentent deux moyens dont le premier est libellé dans les termes suivants:
Dispositions légales violées
- articles 31 et 1053, alinéa 1er, du Code judiciaire;
- articles 332ter, alinéa 3, et 332quater, alinéa 1er, du Code civil, introduits par la loi du 31 mars 1987 modifiant diverses dispositions légales relatives à la filiation.
Décisions et motifs critiqués
Saisie (1) d'une première requête d'appel déposée par le défendeur le 23 mars 1995 contre le jugement du tribunal de première instance de Liège du 17 février 1995 qui a débouté le défendeur de son action en recherche de paternité contre feu A. V. D., (2) d'un acte déposé au greffe de la cour d'appel le 15 février 1996 par lequel les héritiers de feu A. V. D., à savoir l'auteur des deux premières demanderesses, l'auteur des demandeurs sub 3 à 6, les parties appelées en déclaration d'arrêt commun et la veuve de feu A. V. D., ici défenderesse sub 3, ont repris l'instance d'appel mue contre leur auteur, (3) d'actes par lesquels les demandeurs sub 3 à 6 et les deux premières demanderesses ont repris les instances mues contre leurs auteurs respectifs, décédés respectivement le 19 juin 1998 et le 1er février 1999, et (4) d'une seconde requête d'appel déposée conjointement par les deux premiers défendeurs le 30 avril 2001 contre le même jugement, laquelle était dirigée contre les demandeurs et les parties appelées en déclaration d'arrêt commun, mais non contre la veuve de feu A. V. D., ici défenderesse sub 3,
la cour d'appel, par l'arrêt attaqué, déclare recevable cette seconde requête d'appel.
Griefs
En vertu de l'article 332ter, alinéa 3, du Code civil, l'action en réclamation d'état doit être formée de manière que l'enfant ou ses descendants et celui de ses auteurs dont la paternité ou la maternité est déjà établie soient appelés à la cause aussi bien que la personne dont la paternité ou la maternité est recherchée.
En vertu de l'article 332quater, alinéa 1er, du même code, si l'un de ceux qui doivent être cités en vertu des articles précédents est décédé, l'action en réclamation d'état est intentée contre les autres et les héritiers du défunt.
Aux termes de l'article 1053, alinéa 1er, du Code judiciaire, lorsque le litige est indivisible, l'appel doit être dirigé contre toutes les parties dont l'intérêt est opposé à celui de l'appelant. Le litige est indivisible lorsque l'exécution conjointe des décisions distinctes auxquelles il donnerait lieu serait matériellement impossible (article 31 du Code judiciaire).
En l'espèce, la seconde requête d'appel déposée par les deux premiers défendeurs le 30 avril 2001 après le décès de feu A. V. D. était dirigée contre un jugement du 17 février 1995 qui avait déclaré non recevable l'action en recherche de paternité introduite contre celui-ci par le défendeur.
A la suite du décès de feu A. V. D., le litige soumis à la cour d'appel était indivisible entre, d'une part, le défendeur, et d'autre part, tous les héritiers de feu A. V. D. En effet, il ne se concevrait pas qu'il reste jugé à l'égard de certains héritiers de celui-ci que la paternité de leur auteur à l'égard du défendeur n'est pas établie alors qu'il serait jugé à l'égard des autres héritiers que cette paternité est établie. Il résulte au surplus de l'article 332quater, alinéa 1er, du Code civil que tous les héritiers du père prétendu devaient être à la cause.
Or il ressort de l'acte de reprise d'instance déposé au greffe de la cour d'appel le 15 février 1996 par A., P. et P. V. D. «en leur qualité de mandataires spéciaux, désignés par l'ensemble des héritiers de feu A. V. D.», et des actes du notaire C. des 7 et 8 août 1995 joints à cet acte de procédure (l'acte de reprise d'instance du 15 février 1996 et les actes précités du notaire C. étant visés par l'arrêt avant dire droit du 7 mars 2001) qu'au nombre des héritiers de feu A. V.D. figurait sa veuve, Mme Z. T.
Dès lors, eu égard au caractère d'ordre public de l'état des personnes auquel ressortit la filiation et de l'article 1053 du Code judiciaire, la cour d'appel aurait dû opposer d'office au second appel des défendeurs une fin de non-recevoir déduite du fait qu'ils n'avaient pas intimé la veuve du défunt.
Le point de savoir si la veuve était ou non à la cause dans le cadre du premier appel est sans pertinence en l'espèce, puisque seul le second appel est déclaré recevable par l'arrêt attaqué. Pour satisfaire aux exigences de l'article 1053, alinéa 1er, du Code judiciaire, il ne suffit pas que toutes les parties soient en cause, à un titre quelconque, devant le juge d'appel. L'article 1053, alinéa 1er, n'est respecté que si l'appel est dirigé contre toutes les parties dont l'intérêt est opposé à celui de l'appelant.
En déclarant recevable la seconde requête d'appel des défendeurs, alors que cette requête n'intimait pas la défenderesse sub 3, l'arrêt attaqué a, dès lors, violé toutes les dispositions légales visées en tête du moyen.
La décision de la Cour
Attendu que les pourvois sont dirigés contre le même arrêt; qu'il y a lieu de les joindre;
A. Sur le pourvoi inscrit au rôle général sous le numéro C.02.0268.F:
Sur le premier moyen:
Sur la fin non-recevoir opposée au moyen par les défendeurs et déduite de ce qu'il obligerait la Cour à vérifier en fait si Z. T. a la qualité d'héritière d'A. V. D.:
Attendu que l'examen de la fin de non-recevoir est lié à celui du moyen;
Que la fin de non-recevoir ne peut être accueillie;
Sur le fondement du moyen:
Attendu que l'article 1053 du Code judiciaire dispose que, lorsque le litige est indivisible, l'appel doit être dirigé contre toutes les parties dont l'intérêt est opposé à celui de l'appelant et, en cas d'inobservation de cette règle, l'appel ne sera pas admis;
Qu'en vertu de l'article 31 de ce code, le litige n'est indivisible au sens de l'article 1053 que lorsque l'exécution conjointe des décisions distinctes auxquelles il donnerait lieu, serait matériellement impossible;
Attendu que le litige relatif à la filiation est indivisible au sens de ces dispositions;
Attendu qu'il ressort de l'arrêt avant dire droit du 7 mars 2001, auquel l'arrêt attaqué se réfère, que, par un acte déposé le 15 février 1996 au greffe de la cour d'appel, A., P. et P. V. D. ont, en se prévalant de leur qualité de mandataires spéciaux de l'ensemble des héritiers d'A. V. D., déclaré reprendre l'instance mue contre celui-ci; qu'il appert des pièces jointes à cet acte que, eût-elle ou non la qualité d'héritière dont elle se prévaut, Z. T. figure au nombre des personnes qui, ayant ainsi repris l'instance, sont devenues parties au litige;
Que les défendeurs, qui ont ensemble déposé une nouvelle requête d'appel, étaient dès lors tenus d'intimer aussi Z. T., dont l'intérêt est opposé au leur;
Attendu qu'en déclarant ces appels recevables, la cour d'appel a violé l'article 1053 du Code judiciaire, dont les dispositions sont d'ordre public;
Que, dans cette mesure, le moyen est fondé;
Sur les autres griefs:
Attendu qu'il n'y a pas lieu d'examiner les autres moyens, qui ne sauraient entraîner une cassation plus étendue;
B. Sur le pourvoi inscrit au rôle général sous le numéro C.02.0274.F:
Sur les fins de non-recevoir opposées au pourvoi par les deux premiers défendeurs et déduite de l'irrégularité de la significationde la requête :
Attendu que, d'une part, les deux premiers défendeurs soutiennent qu'il n'ont pas élu domicile chez l'huissier de justice N. en l'étude duquel la requête en cassation a été signifiée;
Attendu qu'il ressort de l'exploit de signification de l'arrêt attaqué, réalisée à la requête des deux premiers défendeurs le 4 mars 2002, que ceux-ci ont fait élection de domicile, notamment, en l'étude de l'huissier de justice P. N.;
Attendu que, d'autre part, les deux premiers défendeurs invoquent qu'en méconnaissance des règles régissant le mandat, la requête en cassation fut signifiée en l'étude de l'huissier de justice N. par l'huissier de justice suppléant B. substituant l'huissier P. dont l'étude est située au même endroit que celle de P. N. et qui forme avec lui, ainsi que deux autres huissiers, une association de fait;
Attendu que s'agissant de deux études différentes, celle de l'huissier de justice N. et celle de l'huissier P., la règle de l'interdiction du double mandat ne trouve pas à s'appliquer;
Que les fins de non-recevoir ne peuvent être accueillies;
Attendu que le pourvoi a été signifié aux deux premiers défendeurs le 31 mai 2002;
Attendu qu'il n'y a pas lieu d'avoir égard au mémoire en réponse des deux premiers défendeurs, remis au greffe de la Cour le 23 décembre 2002, soit en dehors du délai prévu par l'article 1093 du Code judiciaire;
Sur le premier moyen:
Attendu que, pour les motifs exposés dans la réponse au premier moyen du pourvoi inscrit au rôle général sous le numéro C.02.0268.F, le moyen est fondé;
Sur les autres griefs:
Attendu qu'il n'y a pas lieu d'examiner le second moyen, qui ne saurait entraîner une cassation plus étendue;
C. Sur l'étendue de la cassation:
Attendu que la cassation de la décision relative aux appels formés le 30 avril 2001 par les défendeurs A. et S. G. s'étend aux décisions d'irrecevabilité de l'appel d'A. G. du 23 mars 1995 et de l'intervention volontaire de S. G.; qu'en effet, ces décisions ne pouvant faire l'objet d'un pourvoi recevable d'aucune des parties à l'instance en cassation, elles ne sont pas, du point de vue de l'étendue de la cassation, des dispositifs distincts du dispositif attaqué;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Joint les pourvois inscrits au rôle général sous les numéros C.02.0268.F et C.02.0274.F;
Casse l'arrêt attaqué, sauf en tant qu'il ordonne la jonction des appels;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé;
Délaisse aux défendeurs A. et S. G. les dépens du mémoire en réponse au pourvoi inscrit sous le numéro C.02.0274.F du rôle général;
Réserve les autres dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d'appel de Bruxelles.
Les dépens concernant le mémoire en réponse dans la cause C.02.0274.F du rôle général taxés à la somme de deux cent vingt-sept euros cinq centimes envers les première et deuxième parties défenderesses.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Philippe Echement, les conseillers Christian Storck, Didier Batselé, Albert Fettweis et Philippe Gosseries, et prononcé en audience publique du vingt-quatre février deux mille cinq par le président de section Philippe Echement,
en présence de l'avocat général Thierry Werquin, avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.02.0268.F-C.02.0274.F
Date de la décision : 24/02/2005
1re chambre (civile et commerciale)

Analyses

APPEL - MATIERE CIVILE (Y COMPRIS LES MATIERES COMMERCIALE ET SOCIALE) - Appel principal - Forme - Délai - Litige indivisible - Litige indivisible - Nature des dispositions /

Les dispositions de l'article 1053 du Code judiciaire sont d'ordre public.


Références :

Voir les conclusions du ministère public.


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2005-02-24;c.02.0268.f.c.02.0274.f ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award