K. M., et cons.,
demandeurs en cassation.
I. La décision attaquée
Les pourvois de M. K., D. M. et S. D. sont dirigés contre l'arrêt rendu le 19 octobre 2004 sous le numéro 2686 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation.
Les pourvois de K.T. sont dirigés, d'une part, contre l'arrêt précité et, d'autre part, contre l'arrêt rendu le 19 octobre 2004 sous le numéro 2685 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation, statuant comme juridiction de renvoi ensuite de l'arrêt de la Cour du 29 septembre 2004.
II. La procédure devant la Cour
L'avocat général Raymond Loop a déposé des conclusions écrites.
A l'audience du 5 janvier 2005, le conseiller Benoît Dejemeppe a fait rapport et l'avocat général précité a conclu oralement.
III. Les moyens de cassation
M. K. présente trois moyens, D. M. et S. D. en présentent deux, chacun dans un mémoire annexé au présent arrêt, en copie certifiée conforme.
IV. La décision de la Cour
A. Sur le pourvoi de M. K.:
Sur le deuxième moyen:
Attendu que l'article 88bis du Code d'instruction criminelle a été inséré dans ce code par la loi du 11 février 1991 à l'effet de donner une base légale à l'ingérence dans l'exercice du droit au respect de la vie privée consistant, à l'insu de l'abonné d'un réseau de télécommunications et de son correspondant, à repérer, au moment où elles s'échangent, l'origine ou la destination de télécommunications ;
Attendu qu'il ressort des travaux parlementaires de cette loi que le texte originaire du projet ne prévoyait pas que le repérage puisse avoir lieu pour les communications passées; que les termes «ou ont été adressés» figurant à la fin de l'article 88bis, § 1er, 1°, ont été ajoutés par un amendement tendant, selon la justification qui en fut donnée, à couvrir la possibilité technique de repérer des communications effectuées dans le passé;
Attendu que l'ordonnance motivée requise par l'article 88bis doit préciser la durée pendant laquelle la mesure pourra s'appliquer; que cette durée ne peut excéder deux mois à dater de ladite ordonnance, sans préjudice de renouvellement;
Attendu que ces termes impliquent que ladite ordonnance n'est prévue à titre de forme obligatoire qu'à l'égard des télécommunications qui seront échangées et non à l'égard de celles qui l'ont été, même si ces dernières peuvent y être visées;
Mais attendu que, de la circonstance que la recherche relative à une période révolue au moment où elle est prescrite ne doit pas faire l'objet d'une ordonnance répondant aux conditions visées à l'article 88bis, il ne se déduit pas que pareille investigation pourrait, hors les cas visés aux cinquième et sixième alinéas du paragraphe 1er de cet article, être menée par le procureur du Roi;
Attendu qu'en effet, si l'article 28ter, § 1er, du Code d'instruction criminelle attribue au procureur du Roi un devoir et un droit général d'information, les actes d'information ne peuvent, en vertu de l'article 28bis,
§ 3, alinéa 1er, porter atteinte aux libertés et aux droits individuels; que l'article 56, § 1er, alinéa 5, réserve, en règle, au juge d'instruction le pouvoir de décider de la nécessité d'accomplir les actes comportant une telle atteinte;
Que la recherche portant sur les relations téléphoniques d'une personne, fût-elle ordonnée pour une période révolue au moment où elle est prescrite, comporte une atteinte à l'exercice du droit au respect de la vie privée;
Que, partant, l'arrêt ne décide pas légalement qu'une telle recherche constitue un acte d'information de la compétence du ministère public;
Qu'à cet égard, le moyen est fondé;
Sur les pourvois de D. M., de S. D. et de K. T. contre l'arrêt rendu le 19 octobre 2004 sous le numéro 2686:
Sur le moyen pris, d'office, de la violation des articles 28bis, § 3, 28ter, § 1er, et 56, § 1er, alinéa 5, du Code d'instruction criminelle:
Attendu que, pour les motifs énoncés ci-dessus en réponse au moyen, déclaré fondé, invoqué par M. K., les juges d'appel n'ont pas légalement justifié leur décision;
Sur le pourvoi de K. T. contre l'arrêt rendu le 19 octobre 2004 sous le numéro 2685:
Attendu que l'arrêt constate que la procédure est devenue sans objet;
Que, dénué d'intérêt, le pourvoi est irrecevable;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse l'arrêt rendu le 19 octobre 2004 sous le numéro 2686;
Rejette le pourvoi dirigé contre l'arrêt rendu le même jour sous le numéro 2685;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt cassé;
Laisse à charge de l'Etat les frais des pourvois dirigés contre l'arrêt cassé et condamne K.T. aux frais de celui qu'il a dirigé contre l'arrêt rendu sous le numéro 2685;
Renvoie la cause à la cour d'appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation, autrement composée.
Lesdits frais taxés en totalité à la somme de quatre cent deux euros trente-cinq centimes dus, dont I. sur les pourvois de M. K., D. M., S. D. et K. T.: trois cent quarante-huit euros trente-six centimes dus et II. sur le pourvoi de K.T. (contre l'arrêt rendu sous le numéro 2685): cinquante-trois euros nonante-neuf centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Francis Fischer, président de section, Jean de Codt, Frédéric Close, Sylviane Velu et Benoît Dejemeppe, conseillers, et prononcé en audience publique du dix-neuf janvier deux mille cinq par Francis Fischer, président de section, en présence de Raymond Loop, avocat général, avec l'assistance de Fabienne Gobert, greffier adjoint principal.