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24/06/2004 | BELGIQUE | N°S.03.0110.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 24 juin 2004, S.03.0110.N


MOENS Walter, avocat, en qualité de curateur à la faillite de la société anonyme Ateliers Mahy Frères,
AERTS Guido, avocat, en qualité de curateur à la faillite de la société anonyme Atelier Mahy Frères,
Me Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation,
contre
L. G.,
Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation.
I. La décision attaquée
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 10 janvier 2003 par la cour du travail de Gand.
II. La procédure devant la Cour
Le président de section Robert Boes a fait rapport.
L'avocat gÃ

©néral Anne De Raeve a conclu.
III. Le moyen de cassation
Les demandeurs présentent un moyen dan...

MOENS Walter, avocat, en qualité de curateur à la faillite de la société anonyme Ateliers Mahy Frères,
AERTS Guido, avocat, en qualité de curateur à la faillite de la société anonyme Atelier Mahy Frères,
Me Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation,
contre
L. G.,
Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation.
I. La décision attaquée
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 10 janvier 2003 par la cour du travail de Gand.
II. La procédure devant la Cour
Le président de section Robert Boes a fait rapport.
L'avocat général Anne De Raeve a conclu.
III. Le moyen de cassation
Les demandeurs présentent un moyen dans leur requête.
Dispositions légales violées
- articles 16, 46, alinéa 1er et 47 de la loi du 8 août 1997sur les faillites ;
- article 2.1 de la convention collective de travail du 19 avril 1999, concernant l'accord national 1999-2000, conclue au sein de la commission paritaire des constructions métallique, mécanique et électrique, rendue obligatoire par l'arrêté royal du 29 janvier 2002, dont la durée de validité a été prolongée jusqu'au 31 mars 2001 par l'article 2 de la convention collective de travail du 18 décembre 2000, conclue au sein de la commission paritaire des constructions métallique, mécanique et électrique, concernant la prolongation de l'accord national 1999-2000, rendue obligatoire par l'arrêté royal du 4 février 2002;
- articles 1147 et 1148 du Code civil;
- articles 7, 8 et 9 de la loi du 16 décembre 1851, à savoir la loi hypothécaire, qui a remplacé le livre III, titre XVIII, du Code civil;
- principe général du droit selon lequel les créanciers sont sur un pied d'égalité en cas de concours, tel que prévu aux articles 8 et 9 de la loi hypothécaire du 16 décembre 1851, 190 du Code des sociétés, 46 et 99 de la loi du 8 août 1997sur les faillites;
- articles 9.1 et 51 de loi du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires.
Décisions et motifs critiqués
Par la décision attaquée, statuant sur la demande du défendeur, en déclarant recevable et fondé l'appel des demandeurs et en confirmant le jugement critiqué du premier juge dans tous ses éléments, la cour du travail déclare recevable et fondée la demande originaire du défendeur et dit pour droit que le défendeur dispose d'une créance dans la faillite de la s.p.r.l. (il est entendu: la s.a.) Ateliers Mahy Frères à concurrence notamment de 12.340,29 euros «à titre d'indemnité de sanction», et ce aux motifs suivants:
«5.2 Quant au bien-fondé de l'appel
5.2.1 L'article 2.1 de la convention collective de travail du 19 avril 1999 concernant l'accord national 1999-2000, conclue au sein de la Commission paritaire des constructions métallique, mécanique et électrique, rendue obligatoire par l'arrêté royal du 29 janvier 2002 (M.B., 25 mai 2002), valable jusqu'au 31 décembre 2001 inclus, dont la durée de validité a toutefois été prolongée jusqu'au 31 mars 2001 par la convention collective de travail du 18 décembre 2000, rendue obligatoire par l'arrêté royal du 4 février 2002 (M.B., 20 avril 2002), est libellé comme suit:
'2.1 Sécurité d'emploi
§1 Principe:
Pendant la durée de cet accord, aucune entreprise ne pourra procéder à un licenciement multiple tant que toutes les autres mesures préservant l'emploi - y compris le chômage temporaire - n'auront pas été épuisées et que la possibilité d'une formation professionnelle pour les ouvriers concernés n'aura pas été examinée.
§2 Procédure:
Au cas toutefois où des circonstances économiques et/ou financières imprévisibles et imprévues rendraient par exemple le chômage temporaire ou d'autres mesures équivalentes intenables du point de vue économique et social, la procédure de concertation sectorielle suivante sera appliquée :
1° Lorsque l'employeur a l'intention de licencier plusieurs ouvriers et que ce licenciement peut être considéré comme un licenciement multiple, il doit en informer préalablement le conseil d'entreprise ou, à défaut, la délégation syndicale.
Lorsque l'entreprise ne compte ni conseil d'entreprise ni délégation syndicale, l'employeur doit avertir préalablement, simultanément et individuellement les ouvriers concernés ainsi que le président de la section paritaire régionale compétente par écrit.
2° Les parties doivent entamer, au niveau de l'entreprise, les discussions sur les mesures à prendre en la matière dans les quinze jours calendrier qui suivent la communication aux représentants des ouvriers;
Si cette concertation ne débouche pas sur une solution, il sera fait appel au bureau régional de conciliation dans les huit jours calendrier qui suivent la constatation de l'absence d'accord au niveau de l'entreprise et ce, à l'initiative de la partie la plus diligente.
3° En l'absence de conseil d'entreprise ou de délégation syndicale dans l'entreprise, cette même procédure de concertation peut être introduite dans les quinze jours calendrier après la communication aux ouvriers et au président de la section paritaire régionale, à l'initiative des organisations syndicales représentant les ouvriers.
§ 3 Sanction:
En cas de non-respect de la procédure prévue au § 2, l'employeur en défaut est tenu de payer une indemnité de préavis supplémentaire à l'ouvrier concerné en sus du délai de préavis normal. Cette indemnité est égale au salaire dû pour le délai de préavis précité.
En cas de litige, il sera fait appel au bureau régional de conciliation à la demande de la partie la plus diligente.
L'absence de l'employeur à la réunion du bureau régional de conciliation prévue par cette procédure est considérée comme un non-respect de la procédure susmentionnée.
L'employeur peut pour cela se faire représenter par un représentant compétent appartenant à son entreprise.
La sanction s'applique également à l'employeur qui ne respecte pas l'avis unanime du bureau régional de conciliation.
§ 4 Définition:
Dans le présent article il est entendu par "licenciement multiple" tout licenciement, excepté le licenciement pour faute grave, affectant au cours d'une période ininterrompue de soixante jours calendrier un nombre d'ouvriers atteignant 10 p.c. au moins de la moyenne de l'effectif ouvrier au cours de l'année civile précédant le licenciement, avec un minimum de 3 ouvriers pour les entreprises comptant moins de 30 ouvriers. Les licenciements suite à une faillite ou fermeture tombent également sous l'application de la présente définition.
§ 5 Application de la clause de sécurité d'emploi en cas de faillite et/ou de fermeture:
Les dispositions décrites dans les paragraphes ci-dessus relatives au principe, à la procédure, à la sanction et à la définition sont également d'application en cas de faillite et/ou de fermeture d'entreprise'.
Il est certain qu'à la date du licenciement, la disposition précitée faisait partie, par incorporation, du contrat de travail individuel du (défendeur). Il est également clair que les règles des paragraphes 1 à 4 valent aussi en cas de faillite (voir les paragraphes 4, in fine, et 5 de l'article 2.1), indépendamment des termes utilisés dans le premier paragraphe'.
5.2.2 Il n'appartient évidemment pas au juge d'apprécier l'opportunité d'une disposition reprise dans une convention collective de travail. Elle doit être appliquée normalement, également lorsque cela semblerait déraisonnable.
Les (demandeurs) se réfèrent à un arrêt de la Cour de cassation du
25 juin 2001 (R.W., 2001-02, 485, note Rauws, W.) et transposent la doctrine qui y est contenue au cas d'espèce. Cet arrêt a toutefois trait à une tout autre problématique, à savoir celle de l'application de l'article 3, §1er, de la loi du 19 mars 1991 portant un régime de licenciement particulier pour les délégués du personnel aux conseils d'entreprise et aux comités de sécurité, d'hygiène et d'embellissement des lieux de travail, ainsi que pour les candidats délégués du personnel et l'obligation de consultation préalable de la commission paritaire après la faillite. Même si les considérations relatives à l'obligation de principe du curateur de mettre fin aux contrats de travail en cours, ceux des travailleurs protégés comme ceux des travailleurs non protégés, et relatives à l'inutilité de cette consultation préalable déduite de l'absence d'une éventuelle discrimination, demeurent valables à la lumière de la nouvelle législation sur les faillites (voir spécialement l'article 47 de la loi du 8 août 1997 sur les faillites), elles ne permettent pas à la cour du travail de décider, en violation de la disposition claire de la convention collective de travail rendue obligatoire du 19 avril 1999 et en violation de la volonté exprimée à deux reprises par les parties contractantes, qu'après la faillite, le non-respect par les curateurs de la procédure de notification et de concertation de l'article 2, §2, de la convention collective de travail, ou leur impossibilité de la respecter, ne crée cependant pas de droit à l'indemnité de congé spéciale de l'article 2, §3, de cette convention collective de travail. Si le raisonnement des (demandeurs) était suivi, ils ne seraient pas davantage redevables d'une indemnité de préavis lorsque, à la suite de la faillite, ils ne peuvent respecter les règles normales en matière de préavis.
5.2.3. Une disposition d'une convention collective de travail rendue obligatoire ne peut toutefois pas violer une disposition légale (au sens large du terme) d'ordre supérieur (voir l'article 51 de la loi du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires).
Les (demandeurs) se réfèrent à un arrêt de la Cour d'arbitrage du 28 mars 2002 (M.B., 1er juin 2002; J.L.M.B., 2002, 811; J.T.T., 2002, 329, note) et soutiennent apparemment (car ils n'indiquent pas explicitement ces dispositions) que la disposition de la convention collective de travail viole les principes d'égalité et de non-discrimination contenus dans les articles 10 et 11 de la Constitution. Indépendamment de la constatation que cet arrêt est également relatif à la problématique susmentionnée, il ne s'avère pas quelles catégories de personnes seraient traitées différemment par la disposition de la convention collective de travail. Au contraire, elle est relative à tous les travailleurs soumis à la convention collective de travail. Il est évident qu'elle ne s'applique pas aux employés, ceci étant l'effet du champ d'application ratione personae de la commission paritaire au sein de laquelle la convention collective de travail a été conclue.
Les (demandeurs) ne peuvent pas davantage être suivis dans leur thèse que l'application de l'article 2 de la convention collective de travail du 19 avril 1999 violerait les articles 7 et 8 de la loi hypothécaire. Cette dernière disposition prévoit le principe de l'égalité de traitement des créanciers en cas de concours, à moins qu'il n'existe entre eux des causes légitimes de préférence et, contrairement à ce que allèguent (les demandeurs), ne relève pas de l'ordre public (voir en effet Dirix, E., 'Artikel 8 Hypotheekwet', in Voorrechten en hypotheken, Story, feuillets mobiles, n° 5; 't Kint, F., Sûretés et principes généraux du droit de poursuite des créanciers, Bruxelles, 2000, n° 159-160). La convention collective de travail du 19 avril 1999 ne crée pas de cause illégitime de préférence. Comme précisé, c'est en raison de l'incompétence de la commission paritaire concernée pour les employés qu'elle ne s'applique pas à ceux-ci. L'absence de création d'un règlement analogue pour les employés par la commission paritaire compétente n'implique pas de discrimination injustifiée de ce groupe de travailleurs. Les (demandeurs) remettent implicitement en cause toute la structure de la loi du
5 décembre 1968 sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires. La cour du travail ne considère pas que le moment est opportun pour discuter d'office de l'existence même de la distinction entre les ouvriers et les employés.
Finalement il y a lieu de remarquer que les articles 17 à 20 de la loi du 8 août 1997 sur les faillites ne permettent pas d'affirmer que les dispositions de la convention collective de travail du 19 avril 1999 ne sont pas opposables à la masse. Outre toutes autres considérations éventuelles, il est un fait que la convention collectivede travail a un caractère contractuel, mais n'est toutefois pas une convention qui a été conclue par le failli. De surcroît, la convention collective de travail, étant rendue obligatoire, a acquis un caractère réglementaire (voir Rauws, W., 'De rechtsaard van de algemeen verbindend verklaarde collectieve arbeidsovereenkomst', in C.A.O. recht, Diegem, feuillets mobiles, CAO.-1.2/1).
L'article 2 de la convention collective de travail du 19 avril 1999 doit donc recevoir une application entière».
Griefs
La cour du travail constate :
1. que le 1er mars 1999 (lisez 2001), la sa Ateliers Mahy Frères a été déclarée en faillite par le tribunal de commerce de Gand et que les demandeurs ont été désignés comme curateurs, sans que la cour du travail ne fasse savoir si le tribunal de commerce avait ordonné la poursuite des opérations commerciales ou s'il y avait une poursuite des activités sous quelque forme que ce soit ;
2. que le 2 mars 2001 (la cour du travail mentionne par erreur le 2 mars 2002), les demandeurs ont mis fin au contrat de travail du défendeur;
3. que le défendeur a introduit dans la faillite une créance relative notamment à un montant «d'indemnité de congé spéciale» égal à l'indemnité de préavis qu'il a demandée et qu'il demandait dans la procédure devant le premier juge et devant la cour du travail qu'il soit dit pour droit que c'est à juste titre qu'il demande l'enregistrement de sa créance et que la cause soit renvoyée, à cette fin, au tribunal de commerce ;
4. que le défendeur fonde sa demande relative à «l'indemnité de congé supplémentaire» sur l'accord national 1999-2000 conclu au sein de la commission paritaire des constructions métallique, mécanique et électrique, qui était encore applicable au moment du licenciement et qui contient une clause de «sécurité d'emploi» qu'il estime également applicable en cas de faillite.
1.1. Première branche
La convention collective de travail du 19 avril 1999 concernant l'accord national 1999-2000, conclue au sein de la commission paritaire des constructions métallique, mécanique et électrique, rendue obligatoire par l'arrêté royal du 29 janvier 2002, établit dans son article 2.1, §1er, le principe selon lequel aucune entreprise ne pourra procéder à un licenciement multiple tant que toutes les autres mesures préservant l'emploi - y compris le chômage temporaire - n'auront pas été épuisées et que la possibilité d'une formation professionnelle pour les ouvriers concernés n'aura pas été examinée.
Le paragraphe 2 de cette même disposition prescrit que
lorsque des circonstances économiques et/ou financières imprévues rendent par exemple le chômage temporaire ou d'autres mesures équivalentes intenables du point de vue économique et social, une procédure de concertation est appliquée qui prévoit l'information préalable notamment du conseil d'entreprise, de la délégation syndicale ou des ouvriers concernés, ainsi que des discussions, au niveau de l'entreprise, sur les mesures à prendre en vue de parvenir à une solution.
En vertu du paragraphe 3 de l'article 2.1 de la convention collective de travail précitée, en cas de non-respect de la procédure prévue au §2, l'employeur en défaut est tenu de payer une indemnité de préavis supplémentaire à l'ouvrier concerné, en sus du délai de préavis normal, égale au salaire dû pour le délai de préavis précité.
Le paragraphe 4 de ce même article dispose que dans cet article il est entendu par «licenciement multiple» tout licenciement, excepté le licenciement pour faute grave, affectant au cours d'une période ininterrompue de soixante jours calendrier un nombre d'ouvriers atteignant 10 p.c. au moins de la moyenne de l'effectif ouvrier au cours de l'année civile précédant le licenciement, avec un minimum de trois ouvriers pour les entreprises comptant moins de trente ouvriers et que les licenciements suite à une faillite ou fermeture tombent également sous l'application de cette définition.
Finalement, en vertu du paragraphe 5 de l'article 2.1 de la convention collective de travail du 19 avril 1999 précitée, les dispositions décrites dans les paragraphes ci-dessus relatives au principe, à la sanction et à la définition sont également d'application en cas de faillite et/ou de fermeture d'entreprise.
En vertu de l'article 16 de la loi du 8 août 1997 sur les faillites, le failli, à compter du jour du jugement déclaratif de la faillite, est dessaisi de plein droit de l'administration de tous ses biens, même de ceux qui peuvent lui échoir tant qu'il est en état de faillite.
A partir de l'acceptation de sa mission, le curateur exerce les droits collectifs de l'ensemble des créanciers que la loi lui assigne et il est tenu de liquider l'actif au profit de ces créanciers.
Sous réserve de cas exceptionnels qui résultent de la loi, le curateur ne peut pas poursuivre les opérations commerciales du failli. Il est dès lors obligé, dès son entrée en fonction, de mettre fin aux contrats de travail existants, dès lors qu'il est établi définitivement que les travailleurs ne fourniront plus les prestations de travail convenues et qu'il ne pourra pas davantage confier les prestations de travail convenues aux travailleurs.
Il suit de tout ce qui précède que le jugement déclaratif de la faillite est une décision judiciaire qui, en règle, impose la cessation de toute opération commerciale.
Les opérations commerciales peuvent toutefois être poursuivies dans des circonstances spécifiques, telles que spécifiées à l'article 47 de la loi du 8 août 1997 sur les faillites, mais il ne peut être déduit de ce régime dérogatoire que le jugement de faillite perd sa nature essentielle de décision judiciaire qui impose la cessation de l'activité commerciale.
Les obligations résultant du jugement déclaratif de la faillite, de cesser immédiatement toute opération commerciale et de mettre fin aux contrats de travail existants, font obstacle aux mesures préservant l'emploi, y compris le chômage temporaire, qui doivent être épuisées en vertu de l'article 2.1, §1er, de la convention collective de travail du 19 avril 1999, ainsi qu'à la possibilité d'une formation professionnelle pour les ouvriers concernés qui, en vertu de la même disposition, doit être examinée en vue de la préservation de l'emploi, à tout le moins rendent-elles inutiles ces mesures et cet examen. Ces obligations empêchent également que la procédure d'information et de concertation visée au paragraphe 3 de l'article 2.1 soit suivie, à tout le moins empêchent-elles que par ces informations, discussions et concertation au niveau de l'entreprise l'objectif visé soit atteint et en enlèvent-elles tout sens.
Le curateur qui ne respecte pas la procédure déterminée au §2 de l'article 2.1 de la convention collective de travail du 19 avril 1999, ne peut, dès lors, pas être considéré comme étant «en défaut» au sens du paragraphe 3 de cet article.
La cour du travail ne décide pas légalement que les règles des paragraphes 1er à 4 de l'article 2.1 de ladite convention collective de travail doivent être aussi appliquées, en cas de faillite, même si cela semble déraisonnable (violation des articles 16, 46, alinéa 1er, et 47 de la loi du 8 août 1997 sur les faillites, article 2.1 de la convention collective de travail du 19 avril 1999 concernant l'accord national 1999-2000, conclue au sein de la commission paritaire des constructions métallique, mécanique et électrique, rendue obligatoire par l'arrêté royal du 29 janvier 2002, dont la durée de validité a été prolongée jusqu'au 31 mars 2001 par l'article 2 de la convention collective de travail du 18 décembre 2000, concernant la prolongation de l'accord national 1999-2000, rendue obligatoire par l'arrêté royal du 4 février 2002et des articles 1147 et 1148 du Code civil).
1.2. Seconde branche
Les articles 7, 8 et 9 de la loi hypothécaire du 16 décembre 1851, 190 du Code des sociétés, 23 et 99 de la loi du 8 août 1997 sur les faillites, posent le principe de l'égalité des créanciers, qui est la règle en cas de concours de créances.
En vertu du principe de l'égalité des créanciers, dont ces articles sont une application, tous les biens du débiteur sont le gage commun de ses créanciers et le prix s'en distribue entre eux par contribution, à moins qu'il n'y ait entre les créanciers des causes légitimes de préférence.
Le principe de l'égalité des créanciers fait obstacle à ce que des créanciers autres que ceux dont la créance est garantie par un privilège spécial ou par une sûreté réelle, se voient reconnaître en cas de concours des droits qui pourraient nuire aux droits des autres créanciers.
Le principe de l'égalité des créanciers et les articles 7, 8 et 9 de la loi hypothécaire ont pour effet qu'un privilège non prévu par la loi ne peut être opposé aux créanciers en concours.
Lors de la liquidation d'une société suite à sa faillite, une situation de concours se crée entre ses créanciers.
Dans la mesure où l'article 2.1 de la convention collective de travail du 19 avril 1999 concernant l'accord national 1999-2000, conclue au sein de la commission paritaire des constructions métallique, mécanique et électrique, à savoir aux paragraphes 4 et 5, déclare le principe, la procédure, la sanction et la définition qui figurent en cet article applicables en cas de faillite, il reconnaît aux travailleurs dont le contrat de travail prend fin suite à la faillite et dont la créance est dès lors en concours avec celle des autres créanciers du failli, un droit à une indemnité de préavis supplémentaire égale au salaire dû pour le délai de préavis.
L'article 2.1 de la convention collective de travail du 19 avril 1999 fait ainsi naître au profit des travailleurs concernés un privilège par lequel leur créance relative à l'indemnité de préavis échappe aux règles normales du concours suite à la liquidation du failli.
Nonobstant le fait que les dispositions normatives d'une convention collective de travail rendue obligatoire forment une loi au sens de l'article 608 du Code judiciaire, sont nulles, en vertu de l'article 9.1 de la loi du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires, les dispositions d'une convention contraires aux dispositions impératives des lois et arrêtés, des traités et règlements internationaux obligatoires en Belgique et l'article 51 de cette même loi dispose que lorsque deux normes sont incompatibles, la norme de rang inférieur doit être écartée, de sorte qu'une convention collective de travail rendue obligatoire doit s'effacer devant une disposition impérative de la loi.
La convention collective de travail du 19 avril 1999 concernant l'accord national 1999-2000, conclue au sein de la commission paritaire des constructions métallique, mécanique et électrique, rendue obligatoire par l'arrêté royal du 29 janvier 2002, et plus spécifiquement son article 2.1, ne constitue dès lors pas une cause légitime de préférence au sens des articles 8 et 9 de la loi hypothécaire.
La cour du travail décide que l'article 2 de la convention collective de travail du 19 avril 1999 doit recevoir une application entière.
Ainsi, en donnant effet, après la naissance du concours, à cette convention collective de travail qui reconnaît un privilège au défendeur au préjudice des autres créanciers du failli, la cour méconnaît le principe de l'égalité des créanciers.
La cour du travail décide illégalement que l'application de l'article 2 de la convention collective de travail du 19 avril 1999 ne viole pas les articles 7 et 8 de la loi hypothécaire et que cette convention collective de travail ne crée pas de cause illégitime de préférence (violation des articles 16, 46, alinéa 1er, et 47 de la loi du 8 août 1997 sur les faillites, de l'article 2.1 de la convention collective de travail du 19 avril 1999 concernant l'accord national 1999-2000, conclue au sein de la commission paritaire des constructions métallique, mécanique et électrique, rendue obligatoire par l'arrêté royal du 29 janvier 2002, dont la durée de validité a été prolongée jusqu'au 31 mars 2001 par l'article 2 de la convention collective de travail du 18 décembre 2000, concernant la prolongation de l'accord national 1999-2000, rendue obligatoire par l'arrêté royal du 4 février 2002, des articles 7, 8 et 9 de la loi du 16 décembre 1851, à savoir la loi hypothécaire, qui a remplacé le livre III, titre XVIII, du Code civil, du principe général du droit selon lequel les créanciers sont sur un pied d'égalité en cas de concours, tel que prévu aux articles 8 et 9 de la loi hypothécaire du 16 décembre 1851, 190 du Code des sociétés et 46 et 99 de la loi du 8 août 1997sur les faillites et des articles 9.1 et 51 de la loi du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires).
IV. La décision de la Cour
1. Fin de non recevoir du moyen
Sur la fin de non-recevoir opposée au moyen par le défendeur, déduite de ce que le moyen indique les arrêtés royaux du 29 janvier 2002 et du 4 février 2002, par lesquels la convention collective de travail du 19 avril 1999 et sa prolongation ont été rendues obligatoires, mais non les articles 1er de ces arrêtés royaux qui contiennent plus précisément cette déclaration rendant cette convention collective de travail obligatoire:
Attendu que les dispositions légales violées visées sont indiquées avec suffisamment de précision;
Qu'il y a lieu de rejeter la fin de non-recevoir;
2. Le moyen
Quant à la première branche
Attendu que le jugement déclaratif de la faillite est une décision judiciaire qui, en vertu des articles 16 et 46 de la loi du 8 août 1997 sur les faillites, ordonne en règle l'arrêt de toute opération commerciale;
Que le curateur est en principe obligé, dès sa désignation, de mettre fin aux contrats de travail existants, puisqu'il est établi définitivement que les travailleurs ne fourniront plus les prestations de travail convenues et qu'il ne pourra pas non plus confier ces prestations de travail convenues aux travailleurs;
Que toutefois les opérations commerciales peuvent être temporairement poursuivies dans des circonstances spécifiques, telles que spécifiées à l'article 47 de la loi du 8 août 1997 sur les faillites; qu'il ne peut toutefois être déduit de cette règle dérogatoire que le jugement déclaratif de la faillite perd sa nature essentielle de décision judiciaire qui impose la cessation des opérations commerciales;
Qu'un jugement déclaratif de faillite exclut en règle que le curateur soit tenu à l'égard des travailleurs de prendre des mesures spécifiques convenues par une convention collective de travail en vue de la préservation de l'emploi et d'appliquer dans ce contexte une procédure d'information et de concertation qui impose des restrictions complémentaires à la façon dont la loi détermine que le curateur doit remplir sa mission;
Que de telles mesures et procédure en cas de faillite ne peuvent contribuer à la sécurité d'emploi visée et violent les dispositions légales impératives qui spécifient de quelle façon le curateur doit administrer la masse;
Attendu qu'en vertu de l'article 2.1, §1er, de la convention collective de travail du 19 avril 1999 concernant l'accord national 1999-2000, conclue au sein de la commission paritaire des constructions métallique, mécanique et électrique, rendue obligatoire par l'arrêté royal du 29 janvier 2002, l'employeur est tenu, avant de procéder à un licenciement multiple, de prendre des mesures préservant l'emploi, y compris le chômage temporaire, et d'examiner préalablement la possibilité d'une formation professionnelle pour les ouvriers concernés;
Qu'en vertu du paragraphe 2 de cette disposition, une procédure de concertation doit être observée par l'employeur en cas de circonstances économiques ou financières imprévues décrites à ce paragraphe; qu'en vertu du paragraphe 3 de cette disposition, en cas de non-respect de la procédure prévue au § 2, l'employeur en défaut est tenu de payer une indemnité de préavis supplémentaire à l'ouvrier concerné en sus du délai de préavis normal;
Que le paragraphe 5 dudit article 2.1 prescrit que les dispositions décrites dans les paragraphes précédents de cet article, relatives au principe de la sécurité d'emploi, à la sanction et à la définition du licenciement multiple sont «en tout cas» également d'application en cas de faillite;
Attendu que le paragraphe 5 de cet article ne peut être appliqué lorsque, tel qu'en cas de faillite, l'objectif visé de la préservation de l'emploi ne peut être atteint et que la procédure visée est contraire à la façon dont, en vertu de la loi, le curateur doit remplir sa mission;
Que le curateur qui en exécution du jugement déclaratif de la faillite met fin aux contrats de travail, sans appliquer la procédure visée au paragraphe 2 de l'article 2.1 de la convention collective de travail mentionnée, ne peut être réputé en défaut au sens du paragraphe 3 de cet article;
Attendu que l'arrêt constate que le 1er mars 2001 la s.a. Ateliers Mahy Frères a été déclarée en faillite et que le 2 mars 2001, suite à cette faillite, le défendeur a été licencié, mais qu'il applique toutefois le paragraphe 3 de l'article 2.1 de la convention collective de travail du 19 avril 1999 et décide que l'indemnité visée à ce paragraphe est due au défendeur à défaut de respect de la procédure, prévue au paragraphe 2 de l'article 2.1 de cette convention collective de travail;
Qu'ainsi, l'arrêt viole les articles 16, 46 et
47 de la loi du 8 août 1997 sur les faillites;
Qu'en cette branche, le moyen est fondé;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse l'arrêt attaqué ;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt cassé;
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond;
Renvoie la cause devant la cour du travail d'Anvers.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président Ivan Verougstraete, le président de section Robert Boes, les conseillers Ernest Waûters, Ghislain Dhaeyer et Greta Bourgeois, et prononcé en audience publique du vingt-quatre juin deux mille quatre par le président Ivan Verougstraete, en présence de l'avocat général Anne De Raeve, avec l'assistance du greffier Philippe Van Geem.


Synthèse
Numéro d'arrêt : S.03.0110.N
Date de la décision : 24/06/2004
3e chambre (sociale)

Analyses

FAILLITE ET CONCORDATS - EFFETS (PERSONNES, BIENS, OBLIGATIONS) / Contrat liant le failli / Résiliation par le curateur / Limitation

La compétence puisée par le curateur dans l'article 46 de la loi du 8 août 1997 sur les faillites concerne tous les contrats opposables conclus par le failli mais se limite à ce qui est requis dans le cadre d'une bonne administration de la masse et de la garantie du respect du principe de l'égalité des créanciers. L'arrêt rendu par la Cour d'arbitrage le 10 décembre 2003 (n° 16/2003, M.B. 20 février 2004) part aussi de l'hypothèse que l'article 46 vise l'ensemble des contrats (considérant n° B.4); l'arrêt précité ne décide pas que la créance du cocontractant est soumise à la loi du concours (considérant n° B.7).

CONVENTION - FIN / Faillite d'une des parties / Résiliation / Compétence du curateur / Etendue


Références :

I. Verougstraete, Manuel de la faillite et du concordat, Kluwer 1998, 338, n° 575-576;H. Braeckmans, E. Dirix et E. Wymeersch, Faillissement en gerechtelijk akkoord, 1998, 331, n° 42.


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2004-06-24;s.03.0110.n ?
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