M. J.,
Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,
contre
PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE GAND.
1. La décision attaquée
Le pourvoi en cassation est dirigé contre la décision rendue le 23 octobre 2002 par le Conseil de discipline d'appel des barreaux du ressort de la cour d'appel de Gand.
II. La procédure devant la Cour
Le conseiller Greta Bourgeois a fait rapport.
L'avocat général Anne De Raeve a conclu.
III. Les moyens de cassation
Le demandeur présente cinq moyens dans sa requête.
1. Premier moyen
Dispositions légales violées
- les articles 6 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 et approuvée par la loi du 13 mai 1955;
- le principe général de droit selon lequel le juge doit être indépendant et impartial;
- les articles 447 et 457 du Code judiciaire.
La décision attaquée
La décision attaqué déclare fondées les première, deuxième, troisième et cinquième préventions et condamne le demandeur à une peine disciplinaire d'un mois de suspension. La décision attaquée rejette les moyens de défense du demandeur selon lesquels l'acte introductif d'instance était nul dès lors que le bâtonnier qui a saisi le conseil de l'Ordre ne répondait pas aux conditions d'indépendance et d'impartialité, sur la base des motifs que:
«Le Conseil de l'Ordre ne peut connaître des affaires disciplinaires qu'à l'intervention du bâtonnier.
Le bâtonnier qui saisit ainsi le Conseil de l'Ordre en application de l'article 457 du Code judiciaire, agit en tant qu'organe de l'Ordre mais uniquement en tant qu'organe de poursuite et nullement en tant qu'organe juridictionnel. Cette distinction est essentielle dès lors que l'article 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne s'applique que lors de la détermination du bien-fondé de l'action publique, le cas échéant, de l'action disciplinaire.
En décidant de saisir le Conseil de l'Ordre de la cause, le bâtonnier ne statue évidemment pas sur le bien-fondé de l'action disciplinaire.
Le fait que le bâtonnier a agi par le passé comme conseil personnel du demandeur lors de l'instruction d'une affaire relative à un dommage devant le tribunal de police ne peut avoir d'effet à la lumière de l'article 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales».
Griefs
1.1. Première branche
La règle selon laquelle le juge doit être indépendant et impartial est consacrée par l'article 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Cette règle constitue aussi un principe général du droit qui s'applique à toutes les juridictions.
Cette condition d'indépendance et d'impartialité s'applique aussi au bâtonnier qui saisit le conseil de l'Ordre conformément à l'article 457 du Code judiciaire. Lorsqu'il exerce sa compétence conformément à l'article 457 du Code judiciaire, le bâtonnier exerce en effet une fonction juridictionnelle (Liber Amicorum J. Van Den Heuvel 18, § 5).
Le principe général du droit selon lequel le juge doit être indépendant et impartial et l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est méconnu lorsque l'on peut craindre à juste titre de la part du bâtonnier qui a saisi le conseil de l'ordre, conformément à l'article 457 du Code judiciaire, qu'il n'offre pas les garanties d'impartialité suffisantes auxquelles le justiciable a droit.
Le demandeur a invoqué dans ses conclusions que le bâtonnier qui a décidé de poursuivre le demandeur, a été auparavant le conseil de ce dernier et qu'en cette qualité, il a été informé de beaucoup plus de données que celles qui étaient nécessaires à la défense de sa cause.
Le demandeur a invoqué que, dès lors que le bâtonnier disposait de nombreuses informations concernant le demandeur, il ne répondait plus aux conditions d'indépendance et d'impartialité, de sorte que l'acte introductif d'instance était nul. Il existait à tout le moins dans le chef du demandeur un doute légitime quant au fait que la connaissance acquise par le bâtonnier lors de la défense du demandeur a joué un rôle lorsqu'il a décidé de saisir ou non le Conseil de l'Ordre.
Les juges d'appel ont rejeté ce moyen de défense du demandeur en considérant que le bâtonnier a agi uniquement en tant qu'organe de poursuite et nullement en tant qu'organe juridictionnel, de sorte qu'il n'y a pas lieu d'appliquer l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Les juges d'appel ont ainsi violé l'article 457 du Code judiciaire, le principe général du droit selon lequel le juge doit être indépendant et impartial et l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Lorsqu'il saisit le Conseil de l'Ordre le bâtonnier agit effectivement en tant qu'organe juridictionnel. Le bâtonnier doit, dès lors, remplir la condition d'impartialité lors de l'application de l'article 457 du Code judiciaire.
1.2. Seconde branche
En vertu de l'article 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales il faut, en première instance, remédier aux violations de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au sein de l'ordre juridique national. L'aspect est double: si possible, la violation doit être évitée devant et/ou par les instances juridique nationales et en cas d'impossibilité il faut pouvoir obtenir une réparation juridique devant les juridictions nationales (comp. Cour D.H., Kudla c/ Pologne, 26 octobre 2000, J.T.Dr.Eur., 2001, 67). En l'espèce, l'ordre juridique national offre la possibilité d'éviter la violation de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale, consistant dans le fait que le bâtonnier De Smedt qui a saisi le Conseil de l'Ordre ne remplissait pas les conditions d'indépendance et d'impartialité requises.
L'article 447, § 2, du Code judiciaire prévoit la possibilité de remplacer le bâtonnier notamment lorsqu'il est empêché. Le défaut d'indépendance et d'impartialité résultant du fait que le bâtonnier De Smedt a été auparavant le conseil du demandeur constitue un cas manifeste d'empêchement contre lequel un recours est autorisé dans l'ordre juridique national par l'article 447, § 2, du Code judiciaire, conformément à l'article 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La décision attaquée admet que le bâtonnier De Smedt a été auparavant le conseil du demandeur et ne constate pas qu'en cette qualité il aurait eu une connaissance de certains faits qui lui auraient été révélés par le demandeur, et déduit à tort du dossier qu'il aurait été question d'une affaire portée devant le tribunal de police, mais estime, sur la base d'un point de départ erroné, qu'il s'agit d'une affaire mineure n'empêchant pas que le bâtonnier De Smedt puisse intervenir.
La décision attaquée viole donc l'article 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article 447, § 2, du Code judiciaire.
2. Deuxième moyen
Dispositions légales violées
- l'article 149 de la Constitution;
- les articles 6 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales signée à Rome le 4 novembre 1950 et approuvée par la loi du 13 mai 1955;
- le principe général du droit selon lequel le juge doit être indépendant et impartial;
- l'article 109 du Code judiciaire.
La décision attaquée
La décision attaquée déclare fondées les première, deuxième, troisième et cinquième préventions et condamne le demandeur à une peine disciplinaire d'un mois de suspension. La décision attaquée rejette les moyens de défense du demandeur selon lesquels le Conseil de discipline d'appel n'était pas indépendant et impartial sur la base des considérations suivantes:
«Le demandeur soutient qu'il existe un problème structurel dans la composition du Conseil de discipline d'appel.
L'article 473, alinéa 6, du Code judiciaire dispose que deux assesseurs du barreau de l'avocat inculpé font partie du Conseil de discipline d'appel. Selon le demandeur, cette disposition serait inconciliable avec l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui lui accorde le droit d'avoir accès à une juridiction indépendante et impartiale.
Alors que ces assesseurs sont soumis eux-mêmes à la décision du Conseil de l'Ordre dont la validité juridique est discutée et alors que ces avocats, en raison du paiement ou du défaut de contestation de ces cotisations, se seraient déjà implicitement prononcés sur le contenu de la norme attaquée, le demandeur estime qu'il se pose un problème structurel d'impartialité et/ou d'indépendance, à tout le moins que l'apparence en est créée.
Ce point de vue du demandeur ne peut être suivi.
Les assesseurs du Conseil de discipline ne siègent pas au sein de ce conseil en tant que représentants de leur propre ordre mais à titre personnel et la composition de ce conseil ne permet pas de douter de son indépendance et de son impartialité (Cass., 15 décembre 1994, n° 560).
La Cour de cassation a considéré dans son arrêt du 22 juin 2001 rendu sur la demande de dessaisissement du Conseil de l'Ordre des avocats du barreau de Termonde, que 'le grief invoqué par le requérant n'est pas susceptible de susciter dans le chef de celui-ci ou de tiers une suspicion légitime quant à la stricte indépendance et impartialité du conseil de l'Ordre des avocats du barreau de Termonde lors de l'appréciation de la cotisation au barreau réclamée au requérant'.
Ce qui est valable pour la composition du Conseil de l'Ordre qui est entièrement composé des membres du barreau de Termonde, est a fortiori valable pour le conseil de discipline d'appel dont seulement deux assesseurs relèvent de ce barreau».
Griefs
2.1. Première branche
La règle selon laquelle le juge doit être indépendant et impartial est contenue à l'article 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Cette règle constitue aussi un principe général du droit qui s'applique à toutes les juridictions.
Ce principe général du droit et l'article 6, § 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sont méconnus lorsque la décision est rendue par des juges dont on peut craindre à juste titre qu'ils n'offrent pas les garanties nécessaires d'impartialité auxquelles le justiciable a droit.
Les juges statuant en la cause ne doivent pas seulement être personnellement impartiaux mais doivent aussi être impartiaux au sens organique. L'organisation de la procédure judiciaire peut notamment être d'une nature telle qu'elle fait naître un problème de confiance dans le chef du citoyen concerné et que le justiciable peut craindre à juste titre qu'il existe trop peu de garanties assurant l'impartialité organique de la juridiction.
En l'espèce, le demandeur a été poursuivi du chef de non-paiement des cotisations fixées par le conseil de l'Ordre. Dans ses conclusions, le demandeur a contesté la légalité des cotisations. Le demandeur a invoqué que le Conseil de discipline d'appel n'était pas impartial lors de l'appréciation de la légalité des cotisations, dès lors que deux avocats-membre du Conseil de discipline d'appel s'étaient déjà prononcés, à tout le moins implicitement, sur le contenu de la norme critiquée.
Les juges d'appel ont rejeté ce moyen de défense en considérant que les assesseurs du conseil de discipline d'appel ne siègent pas dans ce Conseil en tant que représentant de leur Ordre mais à titre personnel. Les juges d'appel ont décidé que la composition du Conseil ne permet pas de douter de son indépendance et de son impartialité.
Les juges d'appel ont ainsi omis de répondre au moyen de défense du demandeur selon lequel deux membres du Conseil d'appel ont pris implicitement position sur la légalité de la norme critiquée par le demandeur et ils ont violé l'article 149 de la Constitution.
En considérant qu'il n'y a pas de problème de partialité dès lors que les personnes concernées ne siègent pas en tant que représentant de leur Ordre mais à titre personnel, les juges d'appel n'ont pas légalement justifié leur décision. Dès lors que les personnes concernées ont pris personnellement position à propos de la légalité de la norme critiquée par le demandeur, ils ne pouvaient plus, en tant que membres du Conseil d'appel, statuer de manière impartiale sur la légalité de cette norme (cfr. Arrêt Procola du 28 septembre 1995, Publ. Cour, série A, vol. 326, § 45). En statuant autrement, les juges d'appel ont violé le principe général du droit selon lequel le juge doit être indépendant et impartial ainsi que l'article 6, §1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
2.2. Seconde branche
La décision attaquée viole non seulement l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales mais aussi l'article 13 de cette même Convention.
En vertu de l'article 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales il faut, en première instance, remédier aux violations de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au sein de l'ordre juridique national. L'aspect est double: si possible, la violation doit être évitée devant et/ou par les instances judiciaires nationales et en cas d'impossibilité, il faut pouvoir obtenir une réparation juridique devant les juridictions nationales (comp. Cour D. H., Kudla c/ Pologne, 26 octobre 2000, J. T. Dr. Eur., 2001, 67). En l'espèce, l'ordre juridique national offre la possibilité d'éviter la violation de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, consistant dans le fait que la composition du Conseil de discipline d'appel ne répond pas aux conditions d'indépendance et d'impartialité objectives/structurelles telles que garanties par l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En vertu de l'article 109 du Code judiciaire, après la constatation de la violation de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison de la composition structurelle du Conseil de discipline d'appel, la cause pouvait être renvoyée par le Conseil de discipline d'appel au premier président de la cour d'appel en vue de renvoyer la cause devant un Conseil de discipline d'appel autrement composé et structurellement conforme à l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Dans la mesure où la composition structurelle du Conseil de discipline
d'appel viole l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la décision attaquée viole aussi l'article 13 de cette même Convention en ne faisant pas usage de la faculté offerte par l'article 109 du Code judiciaire d'éviter une violation de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au sein de l'ordre juridique national et devant les instances nationales.
3. Troisième moyen
Dispositions légales violées
- l'article 456 du Code judiciaire;
- l'article 1244 du Code civil;
- l'article 149 de la Constitution.
La décision attaquée
La décision attaquée déclare fondées les première et deuxième préventions et condamne le demandeur à une peine disciplinaire d'un mois de suspension. La décision attaquée rejette le moyen de défense du demandeur selon lequel la seule existence d'une dette ne suffit pas pour porter atteinte à l'honneur et à la dignité de la fonction mais qu'il faut qu'il existe des circonstances annexes et que l'avocat doit aussi avoir le droit de demander, le cas échéant, des délais de répit au juge, par les motifs que:
«1. Le défaut de paiement ou le paiement tardif des termes échus du crédit professionnel contracté par le demandeur, alors que ce défaut de paiement n'est fondé sur aucune contestation, porte incontestablement atteinte aux principes de dignité, de probité et de délicatesse auxquels chaque avocat doit se conformer.
Cette constatation est encore renforcée par le fait qu'en raison de sa profession, un avocat dispose de manière permanente de sommes d'argent appartenant à des tiers et que tout risque de confusion doit en principe être évité.
2. Une même motivation vaut incontestablement en ce qui concerne le défaut de paiement des cotisations sociales dans le cadre du statut social de travailleur indépendant».
Griefs
La dignité consiste en la qualité de mériter le respect. La probité implique la qualité d'être incorruptible. La délicatesse implique la connaissance de ce qu'il faut faire ou non.
L'article 1244 du Code civil permet au juge d'accorder au débiteur des délais modérés pour le paiement de sa dette. Un débiteur peut, en effet, être malheureux et de bonne foi.
Le comportement qui consiste à demander un sursis de paiement, fût-ce à l'amiable, ce qui est implicitement prévu par l'article 1244 du Code civil, dès lors que le juge tient compte des délais dont le débiteur a déjà usé, n'est pas contraire à la capacité de mériter le respect et un tel comportement ne fait pas preuve d'une qualité qui ne serait ni probe ni incorruptible et qui manquerait de délicatesse.
Le demandeur a invoqué que le fait d'avoir une dette ne porte pas atteinte à la dignité dès lors que chacun peut demander au juge d'obtenir des délais de grâce.
Le demandeur a invoqué plus spécialement que:
«La sanction disciplinaire du demandeur du chef de l'apurement tardif de l'emprunt contracté par le demandeur auprès de la Banque Fortis est entaché d'excès de pouvoir.
Il y a lieu de constater, en première instance, que la sentence du 12 octobre 2001 n'indique aucun fait concret duquel il ressort que l'apurement tardif a, a eu ou risque d'avoir des conséquences négatives sur la qualité des services dispensés par le demandeur. La décision attaquée ne constate pas davantage qu'il y aurait encore une dette ou que le créancier aurait agi en justice.
Le Conseil de l'Ordre a, dès lors, utilisé son pouvoir disciplinaire non pas pour garantir la qualité des services dispensés par le demandeur mais pour assurer la pression que le créancier veut exercer sur le demandeur à l'intermédiaire de l'instance disciplinaire du demandeur. Cela ne constitue toutefois pas le but légal de la compétence disciplinaire du conseil de l'Ordre.
Il n'appartient pas un tiers, en l'espèce la Banque Fortis, d'offrir la faculté d'utiliser de manière impropre une plainte déposée auprès du bâtonnier comme moyen de pression pour obtenir le paiement d'une dette purement civile et pour détourner ainsi l'usage du droit disciplinaire de son objectif. Le contrôle disciplinaire et les mesures disciplinaires ne sont pas créées dans ce but et ne peuvent se prêter à un tel usage impropre. Quoi qu'il en soit, une telle utilisation impropre par un tiers de la faculté de porter plainte devant le bâtonnier ne peut avoir des conséquences disciplinaires à peine d'abus de pouvoir. Si le bâtonnier cède à tort à une telle pression, le juge disciplinaire ne peut y céder sous aucun prétexte. Evidemment, aucun membre du Conseil de l'Ordre, ni du Conseil de discipline d'appel ne pourra être le conseil d'une personne, comme la Banque Fortis, lors de l'instruction de l'affaire disciplinaire du demandeur.
En seconde instance, il y a lieu de constater que le conseil de l'Ordre a sanctionné disciplinairement le demandeur du chef d'apurement tardif d'une dette alors que le créancier lui-même n'insiste plus à l'égard du demandeur ni manifestement à l'égard de l'Ordre des avocats.
Aucune procédure civile n'a été entamée. L'emprunt semble en outre avoir été fait au nom de deux personnes, sans que l'on puisse savoir de laquelle des deux il s'agit ou pour quelle raison la Banque Fortis pourrait réclamer l'entièreté de l'emprunt au demandeur.
La plainte de la Banque Fortis concerne des numéros de comptes. La Banque Fortis soutient dans la plainte elle-même (lettre du 3 mai 2000) que le demandeur a encore effectué des remboursements le 14 avril 2000. Dans sa lettre du 22 novembre 2000, la Banque Fortis énonce en outre que le demandeur respecte de manière précise l'apurement de son prêt personnel n° 011-1691237-05.
La Banque Fortis n'a plus insisté auprès du demandeur et n'a rien réclamé en justice en ce qui concerne le compte à vue 001-1557093-28 et à propos duquel on ignore de quoi le demandeur serait tenu de l'entièreté de la somme. On ne peut plus décider par ces motifs que le demandeur n'aurait pas respecté ses obligations à l'égard de la Banque Fortis et la prévention ne doit pas être déclarée établie.
Un avocat a, comme tout citoyen, le droit de soumettre à l'appréciation du juge des litiges éventuels avec un cocontractant ou un tiers, le cas échéant, dans le but, tout comme chaque citoyen, de formuler une demande afin d'obtenir des délais de grâce.
A défaut d'initiative de la Banque Fortis, qui est la seule partie a avoir un intérêt à ce que le paiement soit effectué en temps utile, il ne peut être constaté que le demandeur se rendrait coupable du défaut de paiement qui pourrait porter atteinte à la dignité des fonctions.
La décision attaquée se réfère à un usage constant du parquet général de transmettre systématiquement au bâtonnier les citations, les jugements ou arrêts à charge d'avocats éventuellement à toutes fins utiles.
Cela concerne en première instance la transmission soit de l'acte introductif d'une procédure judiciaire soit de la décision judiciaire subséquente. Il s'agit dès lors toujours de cas dans lesquels le pouvoir judiciaire est saisi d'un litige entre un avocat et un tiers. En l'espèce, le bâtonnier a exercé des poursuites disciplinaires du chef de faits pour lesquels la Banque Fortis, partie la plus diligente pour obtenir le paiement et donc pour introduire une procédure civile à cette fin, n'a introduit aucune procédure judiciaire.
La transmission de ces actes au bâtonnier a d'ailleurs lieu à toutes fins utiles. On peut, dès lors, ne pas donner, ipso facto, de suite disciplinaire à une procédure civile exercée contre un avocat et, le cas échant, à une condamnation civile. Il faut toujours constater si concrètement la qualité du service est mise en péril.
3. La prévention concernant le défaut de paiement des cotisations sociales.
En ce qui concerne le défaut de paiement des cotisations sociales, le demandeur se réfère à ce qui est énoncé à propos de la prévention concernant l'emprunt contracté auprès de la Banque Fortis.
Un avocat a le droit, comme chaque citoyen, de soumettre ce litige au pouvoir judiciaire, le cas échéant, pour demander des délais de grâce.
Il ressort d'ailleurs des pièces du dossier que l'intention de la caisse sociale de procéder à une citation en paiement n'a pas été réalisée. Un confrère a demandé au bâtonnier du barreau de Termonde l'autorisation de citer en paiement des cotisations sociales. Le demandeur a réagi tant à l'égard du bâtonnier qu'à l'égard de ce confrère. Il n'a jamais été insisté pour obtenir l'autorisation demandée.
Dès lors que le créancier lui-même, seule partie intéressée ou partie la plus diligente, n'insiste pas, il y a lieu de décider sur la base de la déclaration faite par le demandeur au bâtonnier selon laquelle il a payé ses arriérés, que la dette est apurée. Il peut donc difficilement être constaté que le défaut de paiement des cotisations sociales irait de pair avec des circonstances qui porteraient atteinte à la dignité de la profession d'avocat. Ce sont en effet uniquement les circonstances éventuelles allant de pair avec le défaut de paiement qui pourraient donner lieu à une intervention disciplinaire et pas le seul fait du défaut de paiement en tant que tel dès lors que, comme chaque citoyen, un avocat doit avoir la possibilité de contester sa dette.
D'ailleurs, on ne peut décider sur la base des éléments du dossier que le demandeur n'aurait pas respecté ses obligations à l'égard de la caisse sociale. Suite à une lettre du 31 octobre 2001 envoyée par l'avocat de la caisse sociale au bâtonnier et qui a été notifiée par ce dernier au demandeur le 6 novembre 2001, le bâtonnier s'est entretenu avec le demandeur le 8 novembre et celui-ci l'a informé du fait que tout était payé. La caisse sociale n'ayant plus insisté on ne peut décider sur la base du dossier produit que le demandeur n'aurait pas rempli ses obligations à l'égard de la caisse sociale.
La prévention n'est donc pas établie.
Une sanction disciplinaire impliquerait en l'espèce que le demandeur serait sanctionné du chef du défaut de paiement de dettes alors que le créancier ne poursuit pas lui-même en justice le paiement ou la sanction du chef de défaut de paiement et qu'en outre les arriérés ont été payés.
Les juges d'appel ont rejeté ce moyen de défense en considérant que le fait d'avoir une dette porte atteinte en soi aux principes de dignité, de probité et de délicatesse et n'ont pas précisé en quoi consiste la violation de ces principes. Les juges d'appel n'ont dès lors pas répondu au moyen de défense du demandeur et ils ont violé les articles 456 du Code judiciaire et 1244 du Code civil.
Les juges d'appel n'ont pas répondu au moyen de défense selon lequel les principes de dignité, de probité et de délicatesse auxquels doit veiller le Conseil de l'Ordre en vertu de l'article 456 du Code judiciaire, ne sont violés que pour autant que les actes posés par l'avocat et qui sont contraire à la dignité, à la probité et à la délicatesse, se manifestent de manière négative dans la qualité du service. Dans cette mesure, la décision attaquée viole l'article 149 de la Constitution.
Les juges d'appel ont violé l'article 456 du Code judiciaire dans la mesure où les notions de dignité, de probité et de délicatesse échappent à tout lien avec la qualité concrète du service presté par l'avocat.
Le juges ont ainsi violé les articles 456 du Code judiciaire, 1244 du Code civil et 149 de la Constitution.
4. Quatrième moyen
Dispositions légales violées
- l'article 443 du Code judiciaire;
- l'article 456 du Code judiciaire;
- l'article 42bis des lois coordonnées du 1er juillet 1999 sur la protection de la concurrence économique.
La décision attaquée
La décision attaquée déclare établie la cinquième prévention dès lors que le caractère légal des cotisations professionnelles a été admis sur la base des considérations suivantes:
«Le demandeur ne conteste manifestement pas n'avoir pas payé les cotisations fixées par le Conseil de l'Ordre du barreau de Termonde, mais conteste la légalité de cette cotisation.
La question préalable est de savoir si le Conseil de discipline peut statuer sur la légalité de la cotisation fixée par le Conseil de l'Ordre.
Le demandeur soulève plus spécialement que la cotisation litigieuse est contraire aux lois coordonnées du 1er juillet 1999 sur la protection de la concurrence économique. Dans son arrêt du 19 février 2002, la Cour de justice des Communautés européennes a décidé que l'Ordre des avocats agit en tant 'qu'organe de régulation de la profession dont l'exercice constitue par ailleurs une activité économique' (C.J.C.E. 19 février 2002, J.L.M.B., 2002, 444).
La Cour de cassation a déjà admis en 1999 à l'égard d'une autre catégorie de profession libérale, à savoir en ce qui concerne les pharmaciens, que l'Ordre des pharmaciens doit être considéré comme une association d'entreprises (Cass., 7 mai 1999, T.B.H., 1999, 490 et svtes).
La Cour considère à ce propos que le fait que les pouvoirs publics ont confié certaines missions à l'Ordre, notamment celle de veiller au respect de la déontologie et au maintien de l'honneur, de la discrétion, de la probité et de la dignité de ses membres et que l'Ordre ne poursuit pas ainsi un but économique mais remplit des tâches légales pour lesquelles il s'est d'ailleurs vu accorder une compétence réglementaire par ces autorités, n'est pas inconciliable avec la constatation qu'il s'agit, en l'espèce, d'une association d'entreprises au sens des lois coordonnées du 1er juillet 1999 sur la protection de la concurrence économique.
Il n'y a aucune raison d'admettre que l'Ordre des avocats ne doit pas aussi être considéré comme une association d'entreprises.
Dans la mesure où les décisions d'une telle association tendent à ou ont pour effet de porter atteinte à la concurrence, elles doivent, selon la Cour de cassation, être examinées par les organes disciplinaires de l'Ordre à la lumière des exigences des lois coordonnées du 1er juillet 1999 sur la protection de la concurrence économique.
Une décision d'un organe de l'Ordre qui impose à un ou à plusieurs de ses membres des limitations de la concurrence qui ne sont pas requises dans le but de maintenir les règles fondamentales de la profession, mais qui tend en réalité à favoriser certains intérêts matériels de ses membres ou à instaurer ou à maintenir un régime économique, peut constituer une décision d'une association d'entreprises dont la nullité peut être constatée de plein droit par le conseil d'appel.
Un organe disciplinaire de cet Ordre ne peut dès lors pas imposer légalement des mesures limitatives de la concurrence (accompagnées d'une sanction disciplinaire) qui ne sont pas puisées strictement dans ces règles de déontologie.
Dans le même sens, la Cour d'arbitrage a décidé que les activités professionnelles des avocats ne peuvent échapper aux règles de concurrence qui sont compatibles avec les règles essentielles
du barreau. En d'autres termes, les autorités du barreau ne pourraient organiser ou favoriser des pratiques restrictives de concurrence sans que ces restrictions soient justifiées par la nécessité de garantir l'indépendance des avocats, d'assurer la qualité de leurs services ou de faire respecter leur déontologie. (Cour d'arbitrage, 30 avril 1997, arrêt n° 23/97 en cause de Tambue).
La Cour de Justice admet aussi, dans son arrêt précité, que suite à cette mission légale de l'Ordre, des limitations à la libre concurrence peuvent être imposées. Il faut examiner si d'éventuelles mesures limitatives de la concurrence peuvent être admises lorsqu'elles s'avèrent nécessaires au bon exercice de la profession d'avocat et qu'un même résultat ne peut être atteint par une mesure moins restrictive.
Concrètement, le demandeur estime que ces cotisations litigieuses sont contraires à la loi sur la concurrence dans la mesure où elles servent au financement de frais autres que les frais de fonctionnement. Le fait que le montant des cotisations est fixé en fonction du nombre d'années de pratique est aussi considéré comme étant contraire à la loi sur la concurrence.
Une circulaire du Conseil de l'Ordre du 16 janvier 2001 qui se trouve dans le dossier énonce que ces cotisations comprennent des primes de diverses assurances collectives contractées par le barreau. Il s'agit plus particulièrement d'une assurance de la responsabilité professionnelle dont la couverture de base s'élève à 50 millions de francs belges. En second lieu, il s'agit d'une assurance contre la maladie et les accidents et enfin on y retrouve la prime de solidarité pour la caisse de prévoyance.
S'y ajoute la cotisation à la 'Vereninging voor Vlaamse balies' de sorte qu'un montant global de 20.000 francs belges par avocat inscrit au tableau de l'Ordre est justifié. Il peut être admis que le solde sert au financement des frais de fonctionnement propres à l'Ordre des avocats du barreau de Termonde, et il ressort en effet de la même circulaire qu'il est fait usage d'une certain élément de solidarité entre les avocats ayant plus ou moins la même ancienneté.
Il est à remarquer tout d'abord qu'une même distinction en fonction des années de pratique est utilisée par les assureurs eux-mêmes. Une telle distinction semble justifiée dès lors que la prime est fixée à la lumière du risque à assurer et qu'il peut être admis que ce risque dépend notamment du nombre de dossiers à traiter et de leur degré de difficulté et des intérêts financiers allant de pair avec ces dossiers. Dans la mesure où , lorsqu'il fixe les primes respectives des membres du barreau, le Conseil de l'Ordre impute ces différentes primes aux membres, sa décision n'est en tout cas pas contraire aux lois coordonnées du 1er juillet 1999 sur la protection de la concurrence économique.
Mais il peut être admis que le Conseil va plus loin et impose une certaine solidarité entre les membres de l'association professionnelle. Il utilise à cet égard un critère objectif qui n'est pas manifestement déraisonnable.
Il faut se poser la question de savoir si cette distinction est raisonnablement justifiée dans le cadre de l'exercice de sa compétence liée, telle que prévue par l'article 456 du Code judiciaire.
L'obligation imposée par le Conseil de l'Ordre à ses membres consistant à s'affilier aux polices qu'elle a contractées collectivement doit aussi être examinée à la lumière de ce même critère.
Il semble au Conseil de discipline d'appel que tant l'idée de solidarité entre les jeunes avocats et les avocats plus âgés que l'obligation de s'affilier à des polices de groupe, relève de la compétence conférée par le législateur au Conseil de l'Ordre dans l'article 456 du Code judiciaire.
Dans le cadre d'un service professionnel, le justiciable a non seulement le droit de pouvoir bénéficier des services d'un juriste professionnel bien formé, mais il doit aussi avoir l'assurance que si ce juriste commet une faute professionnelle mettant en cause sa responsabilité, il peut avoir recours à une assurance sérieuse et solide.
Le fait que le Conseil impose, pour cette raison, aux membres de son barreau l'obligation d'assurer leur responsabilité professionnelle constitue donc une mesure qui peut être justifiée à la lumière de cette disposition.
Une autre question est de savoir s'il peut obliger ses membres à conclure une police collective. Les avantages en sont évidents. Il peut être admis que le Conseil peut négocier des conditions plus intéressantes et peut aussi veiller à l'élaboration de la police et de la couverture. Lors de la conclusion collective d'un contrat d'assurance il a aussi la garantie que tous ses membres sont affiliés et il doit uniquement veiller au paiement de la prime via la cotisation du barreau qu'il a fixée. Si, au contraire, elle permet à ses membres de choisir une police, il court le risque que certains de ses membres ne concluent pas de police ou soient privés de couverture en cas de défaut de paiement de la prime annuelle. Cela porte atteinte à la concurrence et est contraire au but visé de garantir au justiciable que la responsabilité professionnelle du juriste auquel il s'adresse est assurée.
Cela vaut mutatis mutandis pour l'assurance maladie et accidents. Afin de garantir précisément l'indépendance financière de l'avocat, il est important que celui-ci puisse encore bénéficier de revenus raisonnables en cas d'incapacité temporaire de travail.
De telles primes constituent incontestablement une lourde charge pour certains avocats, et l'on peut partir de la prémisse que les ressources financières des jeunes avocats sont moins importantes que celles de leurs confrères qui ont de nombreuses années d'ancienneté et qui ont une clientèle qui leur est propre. L'indépendance de tels avocats pourrait être mise en péril en raison du paiement de primes qui sont disproportionnées.
Il est évident que la cotisation ne peut être fixée pour chaque membre séparément dans un association professionnelle. Le fixation de cette cotisation, en fonction du nombre d'années de barreau, peut être justifiée par la nécessité de garantir l'indépendance des avocats.
On ne peut donc pas retenir d'infraction aux lois coordonnées du 1er juillet 1999 sur la protection de la concurrence économique.
5. Si le caractère légal des cotisations professionnelles est admis, la prévention qui consiste à ne pas payer ces cotisations nonobstant un rappel est aussi établie».
Griefs
La décision attaqué admet que les lois coordonnées du 1er juillet 1999 sur la protection de la concurrence économique s'appliquent à la cotisation qui est fixée par le Conseil de l'Ordre et qui excède le frais de fonctionnement de l'Ordre des avocats.
La décision attaquée admet aussi que les lois coordonnées du 1er juillet 1999 sont violées par le fait que la cotisation qui est fixée n'est pas la même pour tous les avocats.
La décision attaquée examine si cette violation des lois coordonnées du 1er juillet 1999 ne peut être justifiée par la compétence liée de l'Ordre des avocats telle qu'elle est prévue par l'article 456 du Code judiciaire.
Ce n'est pas l'examen auquel le Conseil de discipline d'appel devait procéder. Le non-respect des lois coordonnées du 1er juillet 1999 ne peut être justifiée que par les principes essentiels constituant le fondement de la profession d'avocat. Ces principes sont consacrés par l'article 456 du Code judiciaire, à savoir la dignité, la probité et la délicatesse.
Le Conseil de discipline d'appel estime que l'idée de solidarité peut s'inscrire dans la compétence conférée par le législateur au Conseil de l'Ordre dans l'article 456 du Code judiciaire. En constatant que l'idée de solidarité est inscrite dans l'article 456 du Code judiciaire le conseil de discipline d'appel ajoute une compétence dans ce texte légal dès lors que cette «idée» ne peut être contenue dans l'article 456 du Code judiciaire.
Un même raisonnement s'applique à l'affiliation obligatoire à un certain groupe de polices.
Le Conseil de discipline d'appel énonce à la page 7 de la décision attaquée qu'il faut examiner si des mesures limitatives de concurrence peuvent être admises parce qu'elles s'avèrent nécessaires au bon exercice de la profession d'avocat et qu'un même résultat ne peut être obtenu par une mesure moins limitative.
Le Conseil de discipline d'appel n'examine toutefois pas si cette mesure limitative de concurrence s'avère nécessaire au bon exercice de la profession ni si le même résultat ne peut être atteint avec moins de mesures limitatives.
Le Conseil de discipline d'appel qui estime qu'il existait une pratique de la concurrence et que la solution du litige dépendait du caractère licite de celle-ci était tenu, ensuite de l'article 42bis des lois coordonnées du 1er juillet 1999 sur la protection de la concurrence économique de poser une question préjudicielle à la cour d'appel de Bruxelles et ne pouvait procéder lui-même à cet examen. Les juges d'appel ont ainsi violé l'article 42bis des lois coordonnées du 1er juillet 1999 sur la protection de la concurrence économique.
L'article 443 du Code judiciaire est violé dans la mesure où une cotisation est fixée qui est destinée à financer d'autres buts que l'accomplissement de la tâche confiée par le législateur à l'Ordre des avocats.
Le législateur n'a pas chargé l'Ordre des avocats de développer l'idée de solidarité.
Les articles 443 et 456 du Code judiciaire et l'article 42bis des lois coordonnées du 1er juillet 1999 sur la protection de la concurrence économique sont violés.
5. Cinquième moyen
Dispositions légales violées
- l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales signée le 4 novembre 1950 et approuvée par la loi du 13 mai 1955;
- les articles 10, 11 et 149 de la Constitution;
- l'article 42 de la loi du 26 juin 1964 créant un Ordre des architectes;
- l'article 5, § 6, de la loi du 22 avril 1999 relative à la discipline professionnelle des experts-comptables et des conseils fiscaux.
La décision attaquée
La décision attaquée déclare fonder les préventions un à cinq et condamne le demandeur à une peine disciplinaire d'un mois de suspension sur la base des considérations suivantes:
«Le demandeur ne peut plus se fonder sur le défaut de sanctions disciplinaires dans son chef. Vu la gravité de l'infraction retenue, la période au cours de laquelle ces infractions ont été commises et vu enfin le fait que le demandeur a persisté malgré de nombreuses chances de régularisation, la sanction prononcée ci-dessous semble convenable.
.
Déclare établies les autres préventions citées dans la citation et condamne le demandeur à une sanction disciplinaire de un mois de suspension».
Griefs
5.1. Première branche
Le demandeur a invoqué dans ses conclusions que lors de la détermination de la sanction disciplinaire il ne peut être tenu compte des sanctions disciplinaires encourues auparavant. Le demandeur a notamment invoqué que:
«La décision attaquée implique dans l'appréciation de la sanction à infliger des sanctions disciplinaires déjà encourues par le demandeur pour lesquelles aucune décision ne se trouve dans le dossier de sorte que l'on ne peut se fonder sur des notes figurant dans le dossier.
Ni les sanctions disciplinaires encourues antérieurement ni les faits du chef desquels elles sont infligées ne peuvent légalement constituer la base de la sanction des faits actuels.
Tout d'abord, parce que l'on ne peut être sanctionné une nouvelle fois pour un fait ou pour des faits anciens pour lesquels on a déjà été sanctionné.
Ensuite, parce que des faits qui ont déjà été sanctionnés ne peuvent être sanctionnés une nouvelle fois par une sanction disciplinaire supérieure parce qu'il y a déjà eu sanction auparavant.
De ce point de vue, la sanction infligée n'est pas légalement motivée».
La décision attaquée fonde la mesure de la peine sur le passé judiciaire du demandeur sans répondre au moyen de défense invoqué selon lequel il ne peut y avoir une seconde sanction pour des faits qui ont déjà été sanctionnés et que des faits ne peuvent être sanctionnés plus gravement parce que des faits antérieurs différents ont déjà été sanctionnés.
Dans cette mesure, la décision attaquée viole l'article 149 de la Constitution.
5.2. Deuxième branche
La décision attaquée fonde aussi le taux de la peine sur le fait que le demandeur «a persisté malgré de nombreuses chances de régularisation». En d'autres termes, le taux de la peine est aussi motivé par le fait même que le demandeur a contesté les préventions et a présenté ses moyens de défense au lieu d'admettre les préventions dans le sens où l'autorité disciplinaire poursuivante estimait qu'il fallait les admettre.
Dans cette mesure, le demandeur est donc sanctionné pour avoir invoqué des moyens de défense disciplinaires et pour avoir fait apprécier par une instance judiciaire les contestations à propos des faits mis à charge.
Chacun a droit à l'accès au juge et à un procès équitable pour faire décider sur des contestations sur ses droits et obligations aussi sur le plan disciplinaire. L'exercice de ce droit international fondamental ex article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut avoir de répercussions sur le taux de la peine à peine de violation de ce même article.
5.3. Troisième branche
Le demandeur a invoqué dans ses secondes conclusions que les avocats sont victimes de discrimination lorsque leur profession fait l'objet d'une comparaison avec d'autres professions libérales comme les architectes, les experts-comptables et les conseils fiscaux dans la mesure où les avocats ne peuvent obtenir la réhabilitation pour les peines disciplinaires encourues alors que les autres professions libérales peuvent obtenir cette réhabilitation.
Le demandeur a notamment invoqué que:
«En outre, les avocats sont victimes de discrimination à cet égard en comparaison avec d'autres professions libérales comme les architectes, les experts-comptables et les conseils fiscaux.
Pour les 'petites peines disciplinaires' les architectes obtiennent automatiquement la réhabilitation, alors que pour les 'peines disciplinaires plus importantes' ils peuvent demander la réhabilitation (comp. art. 42 de la loi du 26 juin 1963 créant un Ordre des architectes).
Les experts-comptables et les conseils fiscaux bénéficient du même statut (art. 5, § 6, de la loi du 22 avril 1999) alors que ces groupes professionnels peuvent en partie être considérés comme des concurrents directs des avocats, à tout le moins être considéré comme des professions qui dispensent régulièrement des avis sur le plan juridique et offrent ainsi partiellement les mêmes services qu'un avocat (le marché de l'avis juridique en Belgique est totalement libre).
Dès lors que le statut disciplinaire d'une
profession, à savoir celui d'experts comptables et de conseils fiscaux, qui est partiellement en concurrence directe avec celui d'avocat est plus favorable que le statut disciplinaire d'un avocat, cette différence de statut constitue une violation du principe d'égalité et est, dès lors, contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution dès lors qu'elle ne peut être raisonnablement justifiée.
La nouvelle procédure disciplinaire pour les magistrats instaurée par la loi du 7 mai 1999 prévoit la possibilité de réhabilitation (voir notamment X. De Riemaecker in Statuut en deontologie van de magistraat, Die Keure 2000, p. 405) selon ces mêmes principes (automatique pour les petites peines disciplinaires et subordonnée à la demande pour les peines disciplinaires plus importantes).
La possibilité d'obtenir la réhabilitation est prévue non seulement par le droit disciplinaire mais en outre par le droit pénal qui prévoit que la réhabilitation liée au taux de la peine, est soit automatique soit subordonnée à la demande du justiciable.
Le ministère public estimant qu'il peut être tenu compte du passé disciplinaire du demandeur, celui-ci demande au Conseil d'appel de poser à la Cour d'arbitrage une question préjudicielle libellée comme suit:
'Le statut disciplinaire de l'avocat qui ne prévoit pas de réhabilitation soit automatique soit sur demande, viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution dès lors qu'il n'existe aucune justification objective et raisonnable d'exclure les avocats du bénéfice de la réhabilitation alors que d'autres professions libérales comme les experts-comptables et les conseils fiscaux et les architectes bénéficient de la réhabilitation automatique ou sur demande'».
La décision attaquée ne répond pas au moyen de défense invoqué selon lequel il ne peut être tenu compte du passé disciplinaire du demandeur par le motif que les avocats se voient discriminés par comparaison à d'autres professions libérales comme les architectes et les experts-comptables qui obtiennent automatiquement la réhabilitation pour les 'petites peines disciplinaires' (article 42 de la loi du 26 juin 1963 créant un Ordre des architectes et article 5, § 6, de la loi du 22 avril 1999 en ce qui concerne les experts-comptables) et que les avocats sont en concurrence avec ces groupes professionnels dès lors qu'ils dispensent aussi régulièrement des avis juridiques et offrent partiellement les mêmes services que les avocats.
Les juges d'appel n'ont pas répondu au moyen de défense selon lequel dans ces circonstances la violation des articles 10 et 11 de la Constitution ne peut être exclue lorsqu'il est tenu compte du passé disciplinaire du demandeur lors de la détermination du taux de la peine.
Dans cette mesure, la décision attaquée viole les articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 149 de la Constitution.
5.4. Quatrième branche
Les articles 10 et 11 de la Constitution impliquent que quiconque se trouvent dans une même situation est traité de la même façon, mais n'excluent pas qu'il y ait une différence de traitement entre certaines catégories de personnes pour autant que le critère de distinction se justifie objectivement et raisonnablement. L'existence d'une telle justification doit être appréciée à la lumière de l'objectif poursuivi par la mesure et de ses conséquences. Le principe d'égalité est dès lors violé lorsqu'il est établi qu'il n'existe pas de lien raisonnable de proportionnalité entre les moyens utilisés et l'objectif poursuivi.
Conformément à l'article 42, § 1er, de la loi du 26 juin 1963 créant un Ordre des architectes, toutes les sanctions disciplinaires inférieures à celle de la suspension sont effacées après un délai de cinq ans depuis l'exécution de la dernière sanction à condition que le membre de l'Ordre n'ait pas été frappé de la peine de suspension et n'ait encouru aucune sanction nouvelle pendant ce délai. Conformément au paragraphe 2 de cette disposition, tout membre de l'Ordre qui a encouru une ou plusieurs sanctions disciplinaires n'ayant pas été effacées en application du § 1er peut introduire une demande en réhabilitation auprès du conseil d'appel. Ainsi, conformément à l'article 42 de la loi du 26 juin 1963 créant un Ordre des architectes, un architecte peut demander la réhabilitation.
Les experts-comptables et les conseils fiscaux peuvent aussi obtenir la réhabilitation conformément à l'article 5, § 6 de la loi du 22 avril 1999 relative à la discipline professionnelle des experts-comptables et conseils fiscaux, qui dispose que toutes les sanctions disciplinaires inférieures à celle de la suspension sont effacées après un délai de cinq ans à compter de la date de la décision définitive prononçant une peine disciplinaire à condition que le membre n'ait pas été frappé de la peine de suspension et n'ait encouru aucune sanction nouvelle pendant ce délai.
Dès lors que les architectes, experts-comptables et conseils fiscaux peuvent obtenir la réhabilitation à certaines conditions, alors que les avocats ne peuvent jamais l'obtenir, il existe une différence de traitement entre deux catégories de citoyens sans qu'elle soit raisonnablement et objectivement justifiée (violation des articles 10 et 11 de la Constitution).
En décidant de manière implicite mais certaine qu'il n'y a pas de violation du principe d'égalité sur ce point, les juges d'appel ont violé les articles 10 et 11 de la Constitution.
La question soulevée par le demandeur concerne une question telle que celle visée à l'article 26, § 1er, 3°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage.
Conformément à l'article 26, § 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour d'arbitrage, Votre Cour doit demander à la Cour d'arbitrage de statuer sur cette question. Le demandeur requiert, dès lors, Votre Cour, de demander à la Cour d'arbitrage de statuer sur la question suivante:
'Le statut disciplinaire de l'avocat qui ne prévoit pas la possibilité soit d'obtenir automatiquement la réhabilitation soit de demander la réhabilitation, viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution dès lors qu'il n'existe pas de justification objective et raisonnable d'exclure les avocats de toute réhabilitation en matière disciplinaire alors que d'autres professions libérales comme les experts-comptables, les conseils fiscaux et les architectes peuvent bénéficier de la réhabilitation automatique ou la demander?'.
IV. La décision de la Cour
1. Sur le premier moyen:
1.1. Quant à la première branche:
Attendu que, conformément à l'article 457 du Code judiciaire, le Conseil de l'Ordre connaît des affaires disciplinaires à l'intervention du bâtonnier, soit d'office, soit sur plainte, soit sur les dénonciations écrites du procureur général;
Que le bâtonnier agit en tant qu'organe de l'Ordre mais n'a pas en tant que tel la qualité de magistrat;
Qu'en cette branche, le moyen, manque en droit;
1.2. Quant à la seconde branche:
Attendu qu'il résulte de la réponse au moyen, en sa première branche, que l'article 447, § 2, du Code judiciaire et l'article 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne s'appliquent pas en l'espèce;
Qu'en cette branche, le moyen ne peut être accueilli;
2. Sur le deuxième moyen:
2.1. Quant à la première branche:
Attendu que le demandeur a conclu que lors de l'appréciation de la légalité de cotisations, le Conseil de discipline d'appel n'est pas impartial dès lors que deux avocats membres de ce conseil s'étaient prononcés, à tout le moins, implicitement, sur le contenu de la norme attaquée;
Attendu que la décision attaquée considère que la thèse du demandeur ne peut être admise, que les assesseurs du Conseil de discipline d'appel ne siègent pas au Conseil de discipline en qualité de représentant de l'Ordre mais à titre personnel et que la composition du Conseil de discipline ne permet pas de douter de son indépendance et de son impartialité;
Que la décision attaquée rejette ainsi le moyen de défense du demandeur et y répond;
Attendu qu'en outre la décision attaquée ne constate pas que «les personnes concernées prenaient en effet personnellement position à propos de la légalité de la norme attaquée par le demandeur»;
Qu'en cette branche, le moyen manque en fait;
2.2. Quant à la seconde branche:
Attendu qu'en cette branche, le moyen estime que l'article 109 du Code judiciaire aurait dû être appliqué;
Que cet article est étranger au grief invoqué;
Qu'en cette branche, le moyen est irrecevable;
3. Sur le troisième moyen:
Attendu que le demandeur n'a pas déposé de conclusions quant au contenu des notions de dignité, de probité et de délicatesse;
Qu'à défaut de conclusions allant en ce sens, le juge n'est pas tenu de mentionner tous les éléments de fait sur lesquels il fonde sa décision;
Que, dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli;
Attendu que la décision attaquée considère que le défaut de paiement ou le paiement tardif des termes échus, si ce défaut de paiement n'est fondé sur aucune contestation, met incontestablement en péril les principes de dignité, de probité et de délicatesse; que cette constatation est renforcée par le fait qu'un avocat dispose de manière permanente en raison de sa profession de sommes d'argent appartenant à des tiers et que tout risque de confusion doit en principe être évité;
Que la décision attaquée rejette ainsi le moyen de défense invoqué par le demandeur et y répond;
Que, dans cette mesure, le moyen manque en fait;
Attendu qu'en vertu de l'article 456 du Code judiciaire, le Conseil de l'Ordre est chargé de sauvegarder l'honneur de l'Ordre des avocats, de maintenir les principes de dignité, de probité et de délicatesse qui font la base de leur profession, de réprimer ou de punir par voie de discipline les infractions et les fautes, sans préjudice de l'action des tribunaux, s'il y a lieu;
Attendu que les principes de dignité, de probité et de délicatesse ne se limitent pas exclusivement à la qualité concrète des services dispensés par un avocat;
Que, dans cette mesure, le moyen manque en droit;
Attendu qu'il n'appartient pas au conseil de l'Ordre d'accorder des délais modérés pour le paiement d'une dette d'un avocat à un autre créancier;
Que, dans la mesure où il invoque la violation de l'article 1244 du Code civil, le moyen est irrecevable;
4. Sur le quatrième moyen:
Attendu que la décision attaquée constate qu'il y a lieu d'examiner si d'éventuelles mesures limitatives de concurrence peuvent être acceptées dès lors qu'elles sont nécessaires au bon exercice de la profession d'avocat et si un même résultat ne peut être atteint par une mesure moins limitative;
Que le Conseil de discipline d'appel n'était donc pas tenu de surseoir à statuer et de consulter la cour d'appel de Bruxelles;
Que dans cette mesure la violation invoquée de l'article 42bis des lois coordonnées du 1er juillet 1999 sur la protection de la concurrence économique ne peut être accueillie;
Attendu que par les motifs reproduits au moyen, la décision attaquée considère l'obligation de contracter les polices collectives relatives à la responsabilité professionnelle et à l'assurance maladie et accident en tenant compte des conditions prévues par les lois coordonnées du 1er juillet 1999 et des règles de déontologie;
Que le maintien d'une certaine solidarité entre les avocats et l'affiliation obligatoire à une police de groupe qui ont été constatés en l'espèce, pouvaient être considérés par la décision attaquée comme relevant des tâches confiées limitativement par le législateur à l'Ordre;
Qu'ainsi, la décision attaquée ne viole pas les articles 443 et 456 du Code judiciaire;
Que, dans cette mesure, le moyen ne peut être accueilli;
5. Sur le cinquième moyen:
Quant à la première branche:
Attendu que la décision attaquée ne répond pas à ce moyen de défense;
Que le moyen est fondé;
6. Sur les autres griefs:
Attendu que les autres griefs ne sauraient entraîner une cassation plus étendue;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse la décision attaquée en tant qu'elle se prononce sur le taux de la peine;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de la décision partiellement cassée;
Condamne le demandeur aux quatre cinquièmes des dépens; condamne l'Etat à un cinquième des dépens;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant le Conseil de discipline d'appel des barreaux du ressort de la cour d'appel d'Anvers.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président Ivan Verougstraete, le président de section Robert Boes, les conseillers Ernest Waûters, Ghislain Dhaeyer et Greta Bourgeois, et prononcé en audience publique du vingt-quatre juin deux mille quatre par le président Ivan Verougstraete, en présence de l'avocat général Anne De Raeve, avec l'assistance du greffier Philippe Van Geem.