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06/10/2003 | BELGIQUE | N°S.03.0009.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 06 octobre 2003, S.03.0009.N


OFFICE NATIONAL DES PENSIONS,
Me Adolphe Houtekier, avocat à la Cour de cassation,
contre
V. T., et cons.,
Me Paul Wouters, avocat à la Cour de cassation.
I. La décision attaquée
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 7 novembre 2002 par la cour du travail d'Anvers.
II. La procédure devant la Cour
Le président de section Robert Boes a fait rapport.
L'avocat général Anne De Raeve a conclu.
III. Les faits
Selon l'arrêt, les faits peuvent être résumés comme suit:
1. le défendeur a exercé une activité salariée tant en Belgiq

ue qu'aux Pays-Bas;
2. à partir du 1er mars 1989, le demandeur a accordé au défendeur une pension cal...

OFFICE NATIONAL DES PENSIONS,
Me Adolphe Houtekier, avocat à la Cour de cassation,
contre
V. T., et cons.,
Me Paul Wouters, avocat à la Cour de cassation.
I. La décision attaquée
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 7 novembre 2002 par la cour du travail d'Anvers.
II. La procédure devant la Cour
Le président de section Robert Boes a fait rapport.
L'avocat général Anne De Raeve a conclu.
III. Les faits
Selon l'arrêt, les faits peuvent être résumés comme suit:
1. le défendeur a exercé une activité salariée tant en Belgique qu'aux Pays-Bas;
2. à partir du 1er mars 1989, le demandeur a accordé au défendeur une pension calculée au taux de ménage;
3. à partir du 1er janvier 1989, le défendeur avait droit en application de la «Nederlandse Algemene Ouderdomswet» (A.O.W.) à une pension de retraite ainsi qu'à un supplément à cette pension de retraite en raison de l'assurance complémentaire de son épouse, défenderesse;
4. lorsque la défenderesse a atteint l'âge de 65 ans, elle s'est vu accorder en vertu de la réglementation prévue par la «Nederlandse Algemene Ouderdomswet», à partir du 1er janvier 1993, une pension de retraite et, d'autre part, la majoration accordée au défendeur a été supprimée; les ressources globales accordées aux défendeurs en vertu de la «Nederlandse Algemene Ouderdomswet» n'ont pas été modifiées;
5. dès lors que la défenderesse bénéficiait d'une pension personnelle en vertu du droit néerlandais, le demandeur a décidé de convertir la pension calculée au taux de ménage accordée au défendeur en vertu du droit belge en une pension de retraite calculée au taux d'isolé qui est inférieur.
IV. Le moyen de cassation
Le demandeur présente un moyen dans sa requête.
Dispositions légales violées
- articles 39 et 51 du Traité instituant la Communauté européenne, signé à Rome le 25 mars 1957 et approuvé par la loi du 2 décembre 1957;
- article 12, § 2, du règlement CEE n° 1408/71 du 14 juillet 1971 du Conseil relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté;
- article 10, §§ 1er et 4, de l'arrêté royal n° 50 du 24 octobre 1967 relatif à la pension de retraite et de survie des travailleurs salariés;
- article 52 de l'arrêté royal du 21 décembre 1967 portant règlement général du régime de pension de retraite et de survie des travailleurs salariés;
- articles 7, 8 et 8a de la «Nederlandse Algemene Ouderdomswet».
Décisions et motifs critiqués
L'arrêt attaqué de confirmation annule les décisions administratives attaquées prises par le demandeur les 15 avril 1995, 4 juin 1993 et 23 juin 1993, dit pour droit qu'à partir du 1er janvier 1993, le défendeur continue à pouvoir bénéficier d'une pension de retraite de travailleur salarié calculée au taux de ménage et condamne le demandeur à payer aux défendeurs les montants de pension retenus à tort à partir du 1er janvier 1993, à savoir la différence entre la pension calculée au taux de ménage et la pension calculée au taux d'isolé, majorés des intérêts moratoires, par les motifs suivants: il y a lieu de constater, tout d'abord, que la pension de retraite dont bénéficie le demandeur en vertu du droit belge a pris cours selon la réglementation applicable aux travailleurs salariés avant le 1er janvier 1991, de sorte que les dispositions de l'arrêté royal n° 50 du 24 octobre 1967 restent applicables, alors que dans la cause E. les dispositions de l'article 3, §§ 1er et 8, de la loi du 20 juillet 1990 étaient applicables. A titre de comparaison, il est utile d'invoquer les dispositions pertinentes de l'article 10 de l'arrêté royal n°50 et de l'article 3 de la loi du 20 juillet 1990. Il ressort de la lecture précise desdits articles qu'en principe les articles 10, §§ 1er et 4, et 3, §§ 1er et 8, sont identiques. Les deux textes légaux prévoient le système de la pension calculée au taux de ménage de 75 p.c. et au taux d'isolé de 60 p.c., et ce lorsque l'époux du bénéficiaire bénéficie d'un revenu personnel (notamment une pension personnelle). La différence principale entre les deux réglementations consiste en la manière dont est réglé le problème qui surgit lorsque la pension personnelle dont bénéficie l'époux est peu importante, de sorte que la transformation de la pension calculée au taux de ménage de l'autre époux en pension calculée au taux d'isolé aurait pour effet une diminution des ressources du ménage. Selon l'arrêté royal n° 50, cet effet négatif est évité en accordant à l'époux qui acquiert une pension complémentaire le droit de renoncer à sa pension. En cas d'impossibilité du fait qu'il s'agit d'une pension étrangère, cette pension peu importante (pour autant qu'elle soit inférieure à la réduction éventuelle de 75 à 60 p.c.) est déduite de la pension calculée au taux de ménage des bénéficiaires. L'objectif était que le résultat final des deux pensions atteigne à tout le moins le montant de la pension calculée au taux de ménage. La loi du 20 juillet 1990 généralise cette dernière technique: la faculté pour l'un des époux de renoncer à sa pension personnelle afin de «sauver» ainsi la pension calculée au taux de ménage n'existe plus. Si la pension personnelle du premier époux est inférieure à la différence entre la pension calculée au taux de ménage et la pension calculée au taux d'isolé du second époux, cette pension peu importante est déduite de la pension calculée au taux de ménage du premier époux. Il en résulte que le tarif de la pension se situe donc entre 75 et 60 p.c.
Dans des affaires similaires soumises à la cour du travail (telles notamment la cause ONP/Arie Bakker, RG 544/96, et la cause O.N.P./R. E., RG 960218), le demandeur a toujours défendu la thèse selon laquelle «en principe, les articles 10, §§ 1er et 4, et 3, §§ 1er et 8, combinés aux dispositions de l'article 21ter, 4°, de l'arrêté royal du 21 décembre 1967, sont identiques, mais que les dispositions relatives au fait de ne pouvoir renoncer, qui figuraient à l'article 10 précité, n'ont pas été reprises dans l'article 3 afin, d'une part, d'éviter les procédures compliquées y afférentes, alors que, d'autre part, la faculté de conserver une pension calculée au taux du ménage, fût-ce en déduisant la pension de l'autre époux, sans que la partie restante soit inférieure à la pension calculée au taux d'isolé (auquel cas l'octroi de la pension calculée au taux d'isolé à chacun des époux serait plus avantageuse), a été étendue aux cas où l'autre époux bénéficie d'une pension accordée en vertu d'un ou de plusieurs régimes belges autres que ceux qui sont prévus pour les ouvriers, employés, mineurs, marins et travailleurs salariés en vertu d'un régime applicable au personnel d'une institution de droit international public (auparavant cette faculté était limitée aux cas dans lesquels l'époux bénéficiait d'une pension étrangère à laquelle il ne pouvait renoncer)».
Le raisonnement selon lequel seule la disposition anti-cumul de l'article 3, § 8, de la loi du 20 juillet 1990 a incité la Cour de justice à conclure à la contradiction avec le droit communautaire dans la cause E. ne peut davantage être suivi; il ressort non seulement des termes généraux de l'arrêt E. que la Cour de justice a apprécié la réglementation belge dans son ensemble (voir C.E.C.J., n° C-262/97, 26 septembre 2000, n° 35 à 45) mais, en outre, il résulterait de manière aberrante de la thèse du demandeur qu'une réglementation souple (telle qu'elle est prévue par l'article 3, § 8) serait contraire au Traité alors que ce ne serait pas le cas pour la réglementation stricte (telle que prévue par l'article 3, § 1er); c'est contraire à toute logique et à tout sentiment normal de droit et d'équité.
Dès lors qu'il n'existe pas de différence essentielle entre le texte de l'article 3, §§ 1er et 8, de la loi du 20 juillet 1990 et le texte de l'article 10, §§ 1er et 4, de l'arrêté royal n° 50 du 24 octobre 1967 qui est examiné en l'espèce, la décision de la Cour européenne de justice dans la cause E. conserve toute sa valeur pour la solution du présent litige.
Dans cet arrêt du 26 septembre 2000, la Cour européenne de justice a adopté un point de vue clair et a exposé les principes préliminaires suivants : - bien que l'article 51 du Traité laisse subsister des différences entre les régimes de sécurité sociale des divers Etats membres et, en conséquence, dans les droits des personnes qui y travaillent, il est constant que le but des articles 48 à 51 du Traité ne serait pas atteint si, par suite de l'exercice de leur droit de libre circulation, les travailleurs migrants devaient perdre des avantages de sécurité sociale que leur assure la législation d'un Etat membre (arrêt Van Munster C-165/91, considérant 27, et arrêt E., considérant 37); - il appartient au juge national d'interpréter la loi interne qu'il doit appliquer, dans toute la mesure du possible, à la lumière des exigences du droit communautaire (arrêt Van Munster et arrêt du 13 novembre 1990, Marleasing, C-106/89, Rec., I-4135, point 8) (considérant 39); - si une telle application conforme au droit communautaire n'est pas possible, le juge national a l'obligation d'appliquer intégralement le droit communautaire et de protéger les droits que celui-ci confère au particulier, en laissant au besoin inappliquée toute disposition dans la mesure où son application aboutirait à un résultat contraire au droit communautaire (arrêt du 21 mai 1987, Albako, 249/85, Rec., 2345, points 13 et svts; arrêt E., C-262/97, considérant 40); - il est question d'une entrave à la liberté consacrée par l'article 48 du Traité en cas de perte ou de réduction d'un avantage social dont bénéficie un travailleur du simple fait de la prise en compte d'une prestation de même nature octroyée à son conjoint sous la législation d'un autre Etat membre, lorsque, d'une part, l'octroi de cette prestation n'a suscité aucune augmentation des ressources globales du ménage et, d'autre part, il a été concomitant à une réduction de même ampleur de la pension personnelle du travailleur sous la législation de ce même Etat (arrêt E., C-262/98, considérant 41 et 42); - l'article 48 du Traité s'oppose à ce que les autorités compétentes se bornent à réduire la pension du travailleur sans vérifier si la pension accordée au conjoint a pour effet d'augmenter les ressources globales du ménage (arrêt E., C-262/98, considérant 44).
Partant de ces principes, la Cour de justice a décidé dans son arrêt du 26 septembre 2000 que l'article 48 du Traité CEE (actuellement article 39 CEE après sa modification) s'oppose à ce que les autorités compétentes se bornent à réduire la pension du travailleur sans vérifier si la pension accordée au conjoint a ou non pour effet d'augmenter les ressources globales du ménage et que le droit communautaire interdit, dans ce cas, d'appliquer la disposition nationale relative au cumul.
Il ressort des faits non contestés en l'espèce que, lorsque son épouse a atteint l'âge de 65 ans, la pension accordée au défendeur à partir du 1er janvier 1993 en vertu de la «Nederlandse Algemene Ouderdomswet» a été partagée entre lui et son épouse, sans que cela ait pour effet d'augmenter les ressources globales du ménage.
Vu l'arrêt de la Cour de justice du 26 septembre 2000 et la primauté du droit communautaire sur la législation nationale, les dispositions de l'article 10 de l'arrêté royal n° 50 ne peuvent s'appliquer à l'égard du défendeur et il continue à bénéficier à partir du 1er janvier 1993 d'une pension de retraite en tant que travailleur salarié calculée au taux du ménage. Il y a lieu, dès lors, de confirmer le jugement du premier juge de sorte que l'appel du demandeur est non fondé.
Par extension de leur demande dans leurs quatrièmes conclusions d'appel déposées au greffe de la cour [du travail] le 9 novembre 2000, les défendeurs demandent la condamnation de l'Office national des Pensions au paiement de la pension retenue à tort, majorée des intérêts légaux à partir de la date de prise de cours de la pension. Conformément à une jurisprudence constante de la Cour de cassation, les dispositions de l'article 807 du Code judiciaire, relatives à l'extension ou à la modification de la demande, sont applicables en degré d'appel en vertu de l'article 1042 du Code judiciaire (Cass., 3 mai 1978 , Pas., 1978, I, 1006; Cass., 7 janvier 1980, Pas., 1980, I, 522 et J.T.T., 1981, 71). Dès lors que la décision administrative de l'Office national des pensions du 4 juin 1993 a été annulée et qu'il a été dit pour droit qu'à partir du 1er janvier 1993, le défendeur continue à pouvoir bénéficier d'une pension de retraite en tant que travailleur salarié calculée au taux de ménage, il y a lieu de condamner le demandeur au paiement des montants de pension retenus indûment à partir du 1er janvier 1993, à savoir la différence entre la pension calculée au taux de ménage et la pension calculée au taux d'isolé. . La demande incidente des défendeurs est recevable et fondée.
Griefs
1. Première branche
Conformément à l'article 10, § 1er, de l'arrêté royal n° 50 du 24 octobre 1967, le droit à la pension de retraite est acquis par année civile, à raison d'une fraction des rémunérations brutes réelles, fictives et forfaitaires, prises en considération à concurrence de 75 p.c. pour les travailleurs dont l'épouse a cessé toute activité professionnelle et ne jouit pas d'une pension de retraite ou de survie ou d'un avantage en tenant lieu ou d'une des indemnités ou allocations visées à l'article 25, et à concurrence de 60 p.c. pour les autres travailleurs. Conformément au § 4 de cette même disposition, chacun des époux peut renoncer au paiement des avantages dont il jouit en vue de permettre à l'autre époux d'obtenir une pension calculée en application du §1er, alinéa 1er, a), de cet article ou en application de l'article 9, § 1er, alinéa 1er, 1°, de l'arrêté royal n° 72 du 10 novembre 1967 relatif à la pension de retraite et de survie des travailleurs indépendants. On ne peut toutefois pas renoncer à une pension de retraite accordée anticipativement en vertu de cet arrêté ou en vertu du régime de pension des travailleurs indépendants, sauf si cette pension n'a pas été réduite pour cause d'anticipation ou lorsque l'intéressé n'était pas marié à la date de prise de cours de cette pension. Lorsqu'en vertu d'une législation étrangère, l'époux jouit d'un avantage auquel il ne peut renoncer, la pension du bénéficiaire est fixée conformément au § 1er, alinéa 1er, a).
Le montant de la pension dont bénéficie l'époux est toutefois déduit de la pension qui peut être accordée au bénéficiaire. C'est, dès lors, à tort que l'arrêt attaqué dit pour droit qu'à partir du 1er janvier 1993, le défendeur pouvait continuer à prétendre à une pension de retraite en tant que travailleur salarié calculée au taux de ménage dès lors que
son épouse avait obtenu un revenu personnel ensuite du partage de la pension accordée en vertu de la «Nederlandse Algemene Ouderdomswet» accordée à l'origine uniquement au défendeur, de sorte que la pension de retraite du défendeur devait être établie sur la base d'une pension de retraite calculée au taux d'isolé. Le fait qu'ensuite de ce partage, les ressources globales du ménage n'ont pas été augmenté, n'y déroge pas (violation de l'article 10, §§ 1er et 4, de l'arrêté royal n° 50 du 24 octobre 1967).
2. Deuxième branche
Conformément à l'article 10, § 1er, de l'arrêté royal n° 50 du 24 octobre 1967, le droit à la pension de retraite est acquis par année civile, à raison d'une fraction des rémunérations brutes réelles, fictives et forfaitaires, prises en considération à concurrence de 75 p.c. pour les travailleurs dont l'épouse a cessé toute activité professionnelle et ne jouit pas d'une pension de retraite ou de survie ou d'un avantage en tenant lieu ou d'une des indemnités ou allocations visées à l'article 25, et à concurrence de 60 p.c. pour les autres travailleurs. Conformément au § 4 de cette même disposition, chacun des époux peut renoncer au paiement des avantages dont il jouit en vue de permettre à l'autre époux d'obtenir une pension calculée en application du §1er, alinéa 1er, a) de cet article ou en application de l'article 9, § 1er, alinéa 1er, 1°, de l'arrêté royal n° 72 du 10 novembre 1967 relatif à la pension de retraite et de survie des travailleurs indépendants. On ne peut toutefois pas renoncer à une pension de retraite accordée anticipativement en vertu de cet arrêté ou en vertu du régime de pension des travailleurs indépendants, sauf si cette pension n'a pas été réduite pour cause d'anticipation ou lorsque l'intéressé n'était pas marié à la date de prise de cours de cette pension. Lorsqu'en vertu d'une législation étrangère, l'époux jouit d'un avantage auquel il ne peut renoncer, la pension du bénéficiaire est fixée conformément au § 1er, alinéa 1er, a).
Le montant de la pension dont bénéficie l'époux est toutefois déduit de la pension qui peut être accordée au bénéficiaire. C'est, dès lors, à tort que l'arrêt attaqué a dit pour droit qu'à partir du 1er janvier 1993, le défendeur pouvait continuer à prétendre à une pension de retraite en tant que travailleur salarié calculée aux taux du ménage dès lors que son épouse avait obtenu un revenu personnel ensuite du partage de la pension accordée en vertu de la «Nederlandse Algemene Ouderdomswet» accordée à l'origine uniquement au défendeur, de sorte que la pension de retraite du défendeur devait être réduite à une pension de retraite calculée au taux d'isolé.
Cette réglementation nationale ne constitue pas une disposition anticumul au sens de l'article 12, § 2, du règlement communautaire n° 1408/11 du Conseil du 14 juin 1971, dès lors qu'une disposition anticumul concerne l'octroi de plusieurs pensions à une même personne et qu'il s'agit dans l'article 10, § 1er, de pensions accordées à plusieurs personnes et qu'une disposition anticumul a, en outre, pour objet l'interdiction d'avantages illicites. Dès lors, la disposition de l'article 10, §§ 1er et 4, n'est pas contraire à la réglementation communautaire, de sorte qu'il n'y a pas de violation de la primauté de ce droit (violation des articles 39, 51 du Traité CEE, 12, § 2, du règlement CEE n° 1408/71 du 14 juin 1971 du Conseil, 10, §§ 1er et 4, de l'arrêté royal n° 50 du 24 octobre 1967, 52 de l'arrêté royal du 21 décembre 1967).

3. Troisième branche
La pension de retraite accordée à la défenderesse conformément aux articles 7, 8 et 8a de la «Nederlandse Algemene Ouderdomswet», fût-elle née du partage de la pension de retraite accordée à l'origine dans son entièreté au défendeur, constitue une pension ou un avantage au sens de l'article 10, § 1er, de l'arrêté royal n° 50 du 24 octobre 1967, de sorte que l'arrêt attaqué décide à tort que le défendeur avait droit à une pension de retraite calculée au taux de ménage. Le fait de bénéficier d'une pension de retraite personnelle en vertu du droit néerlandais constitue en effet un revenu pour la défenderesse et, dès lors, le défendeur doit bénéficier d'une pension de retraite en vertu du droit belge calculé au taux d'isolé (violation des articles 10, § 1er, de l'arrêté royal n° 50 du 24 octobre 1967, 7, 8, 8a de la «Nederlandse Algemene Ouderdomswet»). Les articles 7, 8 et 8a de la «Nederlandse Algemene Ouderdomswet» accordent directement à la défenderesse un droit propre à sa pension de retraite, de sorte que l'arrêt attaqué considère à tort ce droit du défendeur comme un partage de la pension de retraite (violation des articles 7, 8, 8a de la Nederlandse Algemene Ouderdomswet).
V. La décision de la Cour
1. Quant à la troisième branche:
Attendu que les juges d'appel ont constaté que depuis le 1er avril 1985, «tout homme ou femme marié qui est ou a été ressortissant néerlandais a droit, lorsqu'il atteint l'âge de 65 ans, à une pension de retraite personnelle» et que «lorsque 'l'époux à charge' atteint lui-même l'âge de la pension, (.) le montant qu'il ou elle perçoit à titre de pension personnelle est déduit de la pension que la personne la plus âgée percevait jusqu'alors. La pension propre remplace dès lors la majoration de sorte que les ressources globales demeurent inchangées en vertu de l'A.O.W.»;
Que, si les juges d'appel ont considéré, en outre, que la pension accordée en vertu de la «Nederlandse Algemene Ouderdomswet» au défendeur à partir du 1er janvier 1993, alors que son épouse avait atteint l'âge de 65 ans, a été partagée entre lui-même et son conjoint sans que cela ait pour effet d'augmenter les ressources globales», ils n'ont nullement décidé que la pension accordée à la défenderesse en vertu de la «Nederlandse Algemene Ouderdomswet» ne constituerait pas une pension personnelle de la défenderesse;
Qu'en cette branche, le moyen manque en fait;
2. Quant aux première et deuxième branches:
Attendu qu'en vertu de l'article 10, § 1er, de l'arrêté royal n° 50 du 24 octobre 1967, une pension calculée au taux de ménage de 75 p.c. de la rémunération de référence est accordée au travailleur dont l'épouse a cessé toute activité professionnelle, sauf celle autorisée par le Roi, et ne jouit pas d'une pension de retraite ou de survie ou d'un avantage en tenant lieu ou d'autres allocations prévues par la loi; que, dans les autres cas, le travailleur a droit à une pension calculée au taux inférieur d'isolé correspondant à 60 p.c. de la rémunération de référence;
Qu'en son paragraphe 4, alinéa 1er, ce même article dispose que chacun des époux peut renoncer au paiement des avantages dont il jouit en vue de permettre à l'autre époux d'obtenir une pension calculée au taux de ménage;
Que, conformément au § 4, alinéa 3, lorsque le conjoint jouit, en vertu d'une législation étrangère, d'une prestation à laquelle il ne peut renoncer, la pension du bénéficiaire est établie au taux de ménage, alors que le montant de la prestation dont bénéficie le conjoint est déduit de la pension allouable au bénéficiaire; que cette réglementation évite que l'octroi d'une pension étrangère peu importante, à laquelle le conjoint ne peut renoncer, empêche l'octroi au bénéficiaire de la pension de retraite de droit belge calculée au taux de ménage éventuellement plus avantageuse;
Attendu que, comme l'a constaté la Cour de justice des Communautés européennes dans son arrêt Van Munster du 5 octobre 1994, le droit communautaire, spécialement les articles 48 et 51 du Traité CEE, actuellement les articles 39 et 52, et l'article 4, alinéa 1er, de la directive 79/7/CEE du Conseil du 19 décembre 1978 ne s'opposent pas à ce qu'une législation nationale, s'appliquant sans considération de nationalité aux nationaux et aux ressortissant des autres Etats membres, prévoie le droit à une pension au taux de ménage pour le travailleur dont l'époux a cessé toute activité professionnelle et ne jouit pas d'une pension de retraite ou d'un avantage en tenant lieu mais applique le «taux d'isolé» moins avantageux dans le cas où le conjoint du travailleur jouit d'une pension ou d'un avantage en tenant lieu;
Que, toutefois, comme la Cour de justice l'a constaté dans l'arrêt E. du 26 septembre 2000, l'exercice du droit à la libre circulation à l'intérieur de la Communauté peut être entravé en cas de perte ou de réduction d'un avantage social dont jouit un travailleur du simple fait de la prise en compte d'une prestation de même nature octroyée à son conjoint sous la législation d'un autre Etat membre, bien que l'octroi de cette dernière prestation, d'une part, n'ait suscité aucune augmentation des ressources globales du ménage et que, d'autre part, il ait été concomitant à une réduction de même ampleur de la pension personnelle du travailleur sous la législation de ce même Etat;
Attendu que l'article 10 du Traité CEE impose aux Etats membres de prendre toutes mesures générales ou particulières propres à assurer l'exécution des obligations découlant du droit communautaire;
Que cette obligation vaut pour toutes les institutions et donc aussi pour les instances judiciaires dans le cadre de leurs compétences;
Que, ainsi qu'il ressort de l'arrêt E. rendu par la Cour de justice, il résulte de cette obligation que, lorsqu'une disposition nationale considérée en soi n'est pas contraire au droit communautaire mais que son application entraînerait un résultat contraire au droit communautaire, le juge doit éviter d'appliquer cette disposition afin de protéger les droits accordés aux particuliers par le droit communautaire;
Attendu que les juges d'appel ont constaté que la pension accordée au défendeur en vertu de la «Nederlandse Algemene Ouderdomswet» a, à partir du 1er janvier 1993, alors que son épouse avait atteint l'âge de 65 ans, été partagée entre les époux, sans entraîner une augmentation des ressources globales du ménage, et ont considéré que l'application concomitante des régimes de pension belge et néerlandais crée en l'espèce un conflit avec le principe de la libre circulation des travailleurs, telle qu'elle est prévue par l'article 48, actuellement 39, du Traité CEE;
Qu'en se référant à l'arrêt E. rendu par la Cour de justice, ils ont considéré que l'article 48 du traité CEE, actuellement article 39, fait obstacle à ce que les autorités compétentes se bornent à réduire la pension du travailleur sans vérifier si la pension accordée au conjoint a ou non pour effet d'augmenter les ressources globales du ménage et que le droit communautaire interdit, dans ce dernier cas, d'appliquer la disposition nationale relative au cumul;
Qu'ils ont ensuite décidé que, vu la primauté du droit communautaire sur la législation nationale, les dispositions de l'article 10 de l'arrêté royal n°50 du 24 octobre 1967, applicable en l'espèce parce que la pension du défendeur a pris cours avant le 1er janvier 1991 dans le régime de pension des travailleurs salariés, ne doivent pas s'appliquer au défendeur, de sorte qu'il reste bénéficiaire d'une pension de retraite calculée au taux de ménage;
Que les juges d'appel n'ont, dès lors, pas violé les dispositions légales invoquées et ont justifié légalement leur décision;
Qu'en ces branches, le moyen ne peut être accueilli;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi;
Condamne le demandeur aux dépens.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Robert Boes, les conseillers Ernest Waûters, Ghislain Dhaeyer, Eric Dirix et Eric Stassijns, et prononcé en audience publique du six octobre deux mille trois par le président de section Robert Boes, en présence de l'avocat général Anne De Raeve, avec l'assistance du greffier adjoint principal Lisette De Prins.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Christian Storck et transcrite avec l'assistance du greffier-chef de service Karin Merckx.
Le greffier-chef de service, Le conseiller,


Synthèse
Numéro d'arrêt : S.03.0009.N
Date de la décision : 06/10/2003
1re chambre (civile et commerciale)

Analyses

UNION EUROPEENNE - DROIT MATERIEL - Généralités - Libre circulation des travailleurs - Champ d'application de la directive - Sécurité sociale - Pensions - Prestation en matière de vieillesse du chef de droits dérivés de l'épouse - Législation nationale - Pension au taux de ménage - Perte d'un bénéfice de la sécurité sociale - Admissibilité /

L'exercice du droit de libre circulation à l'intérieur de la Communauté peut être empêché si un avantage social dont bénéficie un travailleur, est perdu ou réduit uniquement parce qu'il est tenu compte d'une prestation similaire accordée à son épouse en vertu de la législation d'un autre Etat-membre bien que l'octroi de cette prestation, d'une part, n'ait pas entraîné une augmentation des revenus du ménage et, d'autre part, allait de pair avec une diminution à concurrence du même montant de la pension propre dont bénéficiait le travailleur en vertu de la législation de ce même Etat-membre.


Références :

C.J.C.E., Engelbrecht, cause C-262/97, 26 septembre 2000, Jur. C.J.C.E., 2000, I - 7321.


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2003-10-06;s.03.0009.n ?
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