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25/09/2003 | BELGIQUE | N°C.03.0139.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 25 septembre 2003, C.03.0139.N


PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR DE CASSATION,
contre
ORDE VAN DE VLAAMSE BALIES,
Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,
Me Dirk Vandermeersch, avocat au barreau de Bruxelles et
Me Piet Taelman, avocat au barreau de Gand,
et en présence de
ORDRE DES BARREAUX FRANCOPHONES ET GERMANPHONE,
Me John Kirkpatrick, avocat à la Cour de cassation.
La demande
La demande tend à l'annulation du règlement de l'Ordre des barreaux flamands relatif à la collaboration professionnelle avec des non-avocats adopté le 22 janvier 2003.
La demande est libellée comm

e suit:
«Le procureur général près la Cour de cassation demande, conformément à l'articl...

PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR DE CASSATION,
contre
ORDE VAN DE VLAAMSE BALIES,
Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,
Me Dirk Vandermeersch, avocat au barreau de Bruxelles et
Me Piet Taelman, avocat au barreau de Gand,
et en présence de
ORDRE DES BARREAUX FRANCOPHONES ET GERMANPHONE,
Me John Kirkpatrick, avocat à la Cour de cassation.
La demande
La demande tend à l'annulation du règlement de l'Ordre des barreaux flamands relatif à la collaboration professionnelle avec des non-avocats adopté le 22 janvier 2003.
La demande est libellée comme suit:
«Le procureur général près la Cour de cassation demande, conformément à l'article 501 du Code judiciaire, l'annulation du règlement relatif à la collaboration professionnelle avec des non-avocats» adopté par 'l'Orde van de Vlaamse Balies le 22 janvier 2003.
Il a reçu la notification prescrite par l'article 497 du Code judiciaire le 27 janvier 2003.
L'avis de notification, le texte du règlement et le commentaire joint par l'Orde van de Vlaamse Balies, sont annexés à la présente requête.
La demande tend à l'annulation du règlement relatif à la collaboration professionnelle avec des non-avocats (nommé ci-dessous le Règlement) aux motifs que les articles 2 et 3 de ce règlement sont contraires aux lois et, dès lors, sont entachés d'un excès de pouvoir;
L'article 2 instaure pour les avocats une interdiction générale de former un groupe ou de convenir d'un accord de coopération avec des non-avocats en vue d'une collaboration professionnelle. Il énumère aussi un certain nombre de cas de collaboration interdite.
L'article 3 énumère aussi un certain nombre de circonstances de fait ou juridiques qui sont constitutives de l'existence et qui démontrent l'existence d'un groupe ou d'un accord de collaboration interdits.
Les articles 2 et 3 du Règlement sont contraires aux articles 81, alinéa 1er, et 49 du Traité CEE, conclu à Rome le 25 mars 1957 modifié par le Traité d'Amsterdam du 2 octobre 1997 et 2, § 1er, de la loi coordonnée du 1er juillet 1999 sur la protection de la concurrence économique.
L'interprétation donnée par la Cour aux dispositions conventionnelles précitées ressort de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, spécialement de l'arrêt du 19 février 2002 dans la cause C-309/99 ( l'arrêt Wouters).
Le Règlement est donc censé être une décision d'une association d'entreprises au sens de l'article 81, alinéa 1er du Traité CE, il restreint la concurrence et il est néfaste au commerce au sein de la communauté; les mesures restrictives de concurrence qui en résultent excèdent ce qui s'avère nécessaire au bon exercice de la profession d'avocat.
L'article 2 du Règlement instaure une interdiction générale pour les avocats de former un groupe ou de convenir d'un accord de coopération avec des membres de tout autre groupe professionnel et l'article 3 interdit certaines formes de coopération entre les avocats et les membres de tout autre groupe professionnel et instaure une présomption de collaboration interdite pour ces formes de coopération, sans qu'une telle interdiction ou présomption s'avèrent nécessaires au bon exercice de la profession d'avocat.
L'interdiction de coopération et la présomption de coopération interdite avec des groupes professionnels autres que les avocats, contenues aux articles 2 et 3 du Règlement, sans qu'il soit tenu compte des caractéristiques spécifiques de ces groupes professionnels doivent être considérés, à la lumière de l'arrêt Wouters, comme une mesure disproportionnée qui excède ce qui s'avère nécessaire au bon exercice de la profession d 'avocat.
L'effet restrictif de la concurrence résultant de l'interdiction est incontestable dès lors qu'elle interdit toute forme de coopération organisée entre les avocats et les non-avocats, sans exception ou possibilité de dérogation.
Le justiciable ne pourra ainsi non seulement jamais bénéficier des avantages d'un service intégré mais il devient en outre très difficile pour son avocat de collaborer avec des non-avocats de manière non intégrée lorsque cela s'avère objectivement nécessaire.
L'application du Règlement aura probablement pour conséquence qu'un certain nombre de bureaux qui visent une coopération non intégrée avec des non-avocats disparaîtront du marché ou, à tout le moins, fonctionneront moins bien. Cela entraînera une restriction sensible de la concurrence sur le marché du service juridique.
L'interdiction vaut en outre pour toute forme de collaboration durable avec des non-avocats qui exercent des professions juridiques comme les fiscalistes et les notaires. Aucune dérogation n'est davantage prévue pour ces professions.
La notion «d'accord de coopération» comprend tout le spectre des formes de collaboration. L'interdiction de l'article 2 s'applique aux formes de collaboration allant de la collaboration «intégrée» effective à des formes plus libres de collaboration comme la coopération opérationnelle, l'apparentement de cabinets, l'offre d'avis ou le service intégrés , les références interprofessionnelles.
Dans la mesure où l'interdiction de l'article 2 du Règlement ne s'applique pas uniquement à la collaboration intégrée mais aussi aux formes plus libres de collaboration, la restriction de la concurrence résultant de l'article 2 excède dès lors ce qui s'avère nécessaire à une bonne administration de la justice.
Il y a lieu aussi de constater que l'interdiction de l'article 2, alinéa 4, du Règlement «de partager directement ou indirectement entre les avocats et ces personnes des honoraires ou des frais communs» n'est pas conforme au principe de proportionnalité. Dans certains cas, les honoraires et les frais peuvent être partagés entre un avocat et un non-avocat. Lors du traitement d'un dossier un avocat doit pouvoir demander l'aide d'un non-avocat, comme les huissiers de justice, les notaires, les comptables etc et imputer les frais de ces prestations à son client. Le bon exercice de la profession d'avocat ne requiert pas l'interdiction du partage direct ou indirect des honoraires ou des frais.
L'article 3 du Règlement interdit certaines formes d'accords de coopération aux motifs qu'ils mettraient en péril le bon exercice de la profession d'avocat à savoir l'indépendance, la partialité, le secret professionnel et l'exigence de l'exercice d'une activité professionnelle sans conflits d'intérêts.
Les accords de coopération précités comprennent toutefois aussi les collaborations limitées, non intégrées et même très libres ou occasionnelles pour lesquelles on ne conçoit pas de quelle manière l'introduction d'une interdiction serait nécessaire pour assurer le bon exercice de la profession d'avocat. Le fait pour des avocats et des non avocats de s'installer ensemble, d'utiliser ou de mettre à la disposition de l'autre des bureaux, des immeubles de bureaux ou d'autres biens immobiliers (article 3, alinéa 1er) ne doit évidemment pas porter atteinte à l'indépendance et aux autres valeurs de l'avocat citées à l'article 1er du Règlement.
Dans la mesure où l'article 2 du Règlement contient une interdiction totale et générale de coopération entre les avocats et les non-avocats et concerne ainsi tant les formes de coopération intégrées et que les formes de coopération libres et dans la mesure où l'article 3 du Règlement interdit certaines formes de coopération entre les avocats et les non-avocats qui concernent aussi la coopération libre et instaure une présomption de coopération interdite, ces dispositions excèdent ce qui s'avère nécessaire à un exercice correct de la profession d'avocat.
Ces dispositions sont, dès lors, contraires à l'article 81, alinéa 1er, du traité CEE et aussi à l'article 2, § 1er, de la loi du 1er juillet 1999 sur la protection de la concurrence économique.
Dès lors que l'article 2 du Règlement contient une interdiction générale de toute forme de coopération entre les avocats et les non-avocats, et que l'article 3 instaure une interdiction de certaines formes de coopération et une présomption de coopération interdite pour ces formes de collaboration, ils sont en outre contraires à l'article 49 du Traité CEE.
Selon la jurisprudence constante de la Cour de Justice, la disposition de l'article 49 du Traité CEE sétend aussi aux règles qui ne sont pas de droit public et qui visent à régler de manière collective la prestation des services.
Une réglementation est contraire à l'article 49 du traité CEE lorsqu'elle limite le droits de prestataires de services établis dans un Etat-membre d'offrir leurs services à des clients d'un autre Etat-membre.
En l'espèce, les articles 2 et 3 du Règlement limitent la possibilité pour les avocats et non-avocats établis en Belgique d'offrir des services intégrés et multidisciplinaires à des clients potentiels dans d'autres Etats-membres. Cette limitation de la circulation des services à l'intérieur de la communauté est réelle dès lors que d'autres pays, comme les Pays-bas, autorisent des formes intégrées et plus libres de collaboration entre avocats et non-avocats (à l'exception des comptables). Dans d'autres pays, comme l'Allemagne, des accords de coopération intégrés sont autorisés entres les avocats et les non-avocats.
Cette limitation dans la libre circulation des services ne peut être justifiée par des motifs graves d'intérêt public, à savoir l'a garantie du bon exercice de la profession d 'avocat en Belgique. Les articles 2 et 3 du Règlement excèdent ce qui est nécessaire au bon exercice de la profession d'avocat en Belgique.
Ils sont dès lors contraires à l'article 49 du traité CEE.
Par ces motifs, le procureur général près la Cour de cassation soussigné demande l'annulation du règlement relatif à la collaboration professionnelle entre avocats et non-avocats».
La procédure devant la Cour
Le président Ivan Verougstraete a fait rapport.
L'avocat général Guido Bresseleers a conclu.
Me Huguette Geinger a conclu au nom de l'Orde van de Vlaamse balies.
Les faits
Lors de l'assemblée générale du 22 janvier 2003 l'Orde van de Vlaamse Balies a adopté le règlement suivant «relatif à la collaboration professionnelle avec les non-avocats».
Article 1: Dans sa collaboration professionnelle avec des non-avocats, l'avocat doit préserver son indépendance, sa partialité et le respect de son secret professionnel. Il doit éviter tout conflit d'intérêts.
Article 2. Il n'est pas permis que des avocats forment un groupe ou conviennent d'un accord de coopération avec des non-avocats en vue d'une collaboration professionnelle car cela mettrait en péril l'indépendance, la partialité, le secret professionnel et l'exigence de l'exercice d'une activité professionnelle sans conflits d'intérêts.
Sont entre autres interdits:
1. le fait que des personnes qui n'ont pas la qualité d'avocat possèdent directement ou indirectement la totalité ou une partie du capital du groupe ou de l'accord de coopération;
2. l'utilisation par ces personnes de la dénomination sous laquelle le groupe ou l'accord de coopération exerce ses activités;
3. le fait que ces groupes exercent en fait ou en droit l'autorité à l'intérieur du groupe ou de l'accord de coopération;
4. le partage direct ou indirect entre les avocats et ces personnes d'honoraires ou de frais communs.
Article 3: L'existence d'un groupe ou d'un accord de coopération interdit au sens de l'article 2 est entre autre présumé lorsque, directement ou indirectement, contre rétribution ou pas, des avocats ou des non-avocats:
1. s'installent ensemble, utilisent ou mettent à la disposition de l'autre des bureaux, des immeubles de bureaux ou d'autres biens immobiliers;
2. utilisent ensemble ou mettent à la disposition de l'autre des biens mobiliers tels que des meubles de bureaux, la bureautique, le hardware et le software, des réseaux;
3. rétribuent l'autre pour le «goodwill» ou l'apport de clientèle que ce soit réciproque ou non;
4. sollicitent ensemble des crédits, des prêts, des avances, constituent des sûretés ou consentent à l'autre, que ce soit réciproque ou non, des crédits, des prêts ou des avances ou des sûretés;
5. engagent ensemble du personnel ou fassent appel ensemble aux services de tiers ou mettent à la disposition de l'autre du personnel ou les services d'un tiers;
6. ne facturent pas directement à leurs clients mais via l'autre, les services prestés, les biens et les frais;
7. développent ensemble ou par l'intermédiaire de l'autre l'information, la communication ou la publicité;
8. s'attribuent ou reçoivent de l'autre tout avantage financier ou autre, direct ou indirect, dans qu'en contrepartie il y ait des prestations d'avocats démontrables.
Article 4: Un avocat ne peut pas tolérer que soit suggéré ou prétendu qu'il fait partie d'un groupe non autorisé et si cela arrive, il doit réagir de manière adéquate.
Article 5: Le présent règlement n'empêche pas qu'un avocat forme un groupe ou établisse un lien de collaboration avec des avocats dans d'autres pays de l'Union européenne lorsque ces avocats respectent les règles légales et déontologiques de leurs propres pays et que, lorsqu'ils exercent leurs activités en Belgique, ils respectent les lois applicables et les règles déontologiques en vigueur en Belgique.
La décision de la Cour
A. La recevabilité de la demande
Attendu que conformément à l'article 501, § 1er, du Code judiciaire, la demande visée à l'article 611 de ce même code est introduite par le procureur général près la Cour de cassation dans les deux mois de la notification du règlement;
Que le Règlement attaqué a été notifié au procureur général le 27 janvier 2003;
Que la requête déposée au greffe de la Cour le 24 mars 2003 est recevable quelle que soit la date à laquelle la demande du procureur général a été notifiée à l'Orde van de Vlaamse balies;
B. Quant au fond
1. Attendu que conformément au Règlement attaqué il n'est pas permis que «des avocats forment un groupe ou conviennent d'un accord de coopération avec des non-avocats en vue d'une collaboration professionnelle»;
Que le règlement donne des exemples de formes de groupement ou d'accords de coopération interdits; que selon les renseignements donnés par l'Ordre, toutes les formes possibles de coopération sont visées, comme une collaboration intégrée, une association de moyens ou un contrat de groupement, un réseau ou une correspondance organique «mais qu'il existe encore de nombreuses autres formules qui peuvent être utilisées, comme les partenariats nationaux ou internationaux, la coopération opérationnelle, l'apparentement de cabinets, l'offre d'avis ou le service intégrés, la référence interprofessionnelle ou un lien de coopération économique»;
Que l'article 3 du règlement dresse une liste non limitative de données faisant apparaître une présomption de groupe ou de lien de coopération prohibés;
2. Attendu qu'en
vertu de l'article 81 du traité CEE, sont inconciliables avec le marché commun et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et toutes pratiques concertées qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun;
Attendu que dans le cadre du droit de la concurrence, la notion d'entreprise renvoie à toute entité qui exerce une activité économique quelles que soient sa forme juridique et la manière dont elle est financée;
Que l'activité économique s'entend notamment d'une activité qui consiste dans l'offre de services sur un marché déterminé;
Que les avocats, membres des barreaux affiliés à l'Orde van de Vlaamse balies, offrent contre rémunération, des services dans le domaine de l'aide juridique, consistant à donner des avis, rédiger des contrats et autres documents ainsi qu'à représenter en justice leur client, et assument eux-mêmes les risques afférents à ces services; que les membres de ces barreaux constituent, dès lors, des entreprises au sens de l'article 81 précité;
Attendu qu'en vertu de l'article 495 du Code judiciaire, l'Orde van de Vlaamse balies, pour les barreaux qui en font partie et qui sont exclusivement constitués d'avocats, a pour tâche de veiller à l'honneur, aux droits et intérêts professionnels communs de ses membres; qu'il prend également les initiatives et les mesures utiles en matière de formation, de règles disciplinaires et de loyauté professionnelle ainsi que pour la défense des intérêts de l'avocat et du justiciable; qu'en ces matières, il fait des propositions aux autorités compétentes;
Attendu que dans la mesure où il s'agit des dispositions entreprises par la requête, le règlement attaqué ne se rapporte pas directement à la tâche essentielle de l'autorité comme le droit à l'aide juridique garanti par l'article 23, alinéa 3, de la Constitution, mais vise principalement à régler l'organisation interne de la profession d'une manière que l'organisation professionnelle elle-même considère comme la plus performante du point de vue des intérêts professionnels de ses membres; que sa portée première n'est pas de déterminer les règles fondamentales de la profession, même s'il peut exercer une influence sur le maintien de ces règles; que les règles édictées le sont seulement pour le compte de l'Ordre;
Que le Règlement établi par l'Orde van de Vlaamse balies doit, dès lors, être considéré comme une décision d'une association d'entreprises au sens de l'article 81, alinéa 1er, du Traité CEE;
Attendu que l'interdiction imposée, qui concerne toutes les formes de coopération et limite la liberté économique de tous les avocats flamands, peut influencer défavorablement la circulation des services et le commerce entre les Etats membres et avoir pour conséquence une restriction de la concurrence à l'intérieur du marché commun;
3. Attendu que, comme la Cour de Justice des Communautés européennes l'a décidé dans son arrêt du 19 février 2002 rendu dans l'affaire 309/99, l'interdiction établie à l'article 81 du traité n'est pas illimitée dans les affaires dans lesquelles les règles nationales d'ordre public doivent être maintenues, telles celles qui règlent l'exercice de la profession d'avocat; que, selon l'arrêt précité, tout accord d'entreprises ou toute décision d'une association d'entreprises qui restreignent la liberté d'action des parties ou de l'une d'elles ne tombent pas nécessairement sous le coup de l'interdiction; que cet arrêt énonce: «En effet, aux fins d'application de cette disposition à un cas d'espèce, il y a lieu tout d'abord de tenir compte du contexte global dans lequel la décision de l'association d'entreprise en cause a été prise ou déploie ses effets et plus particulièrement de ses objectifs, liés en l'occurrence à la nécessité de concevoir des règles d'organisation, de qualification, de déontologie, de contrôle et de responsabilité qui procurent la nécessaire garantie d'intégrité et d'expérience aux consommateurs finaux des services juridiques et à la bonne administration de la justice (.). Il convient ensuite d'examiner si les effets restrictifs de la concurrence qui en découlent sont inhérents à la poursuite desdits objectifs»;
Qu'il s'ensuit que l'article 81, alinéa 1er, du traité CEE n'est pas violé par le fait que les titulaires de professions libérales comme les avocats ou l'Ordre de leurs barreaux déterminent par autorégulation des règles éthiques, si ces règles restent proportionnées à l'objectif poursuivi et imposé par l'autorité publique nationale;
Qu'il appartient à la Cour d'examiner si ces règles répondent à cette exigence de proportionnalité;
Attendu qu'en Belgique, pour l'exercice de la profession d'avocat, il est d'une importance essentielle que la défense du client soit assurée en toute indépendance et dans l'intérêt de celui-ci; qu'à cet égard, l'avocat doit éviter tout risque de conflit d'intérêts et respecter strictement le secret professionnel;
Que cette obligation déontologique a pour conséquence que certaines formes de coopération avec certains professionnels ne sont pas compatibles avec ces objectifs; que c'est le cas en particulier pour les formes de collaboration où, eu égard à la nature de la profession des personnes avec lesquelles cette collaboration a lieu et dans la mesure de l'intégration avec d'autres professionnels , le risque de conflits d'intérêts est considérable;
Attendu que le règlement contient une interdiction générale de tout groupement ou collaboration sans préciser les professions avec lesquelles la collaboration est interdite; que cette interdiction s'applique quelle que soit la forme de cette collaboration, sans distinguer entre une collaboration intégrée ou non;
Que le règlement interdit de former un «groupe» et déduit par présomption l'existence d'un «groupe» à partir de formes assez libres de collaboration; que le règlement admet, dans un exposé des motifs, que les intéressés puissent apporter la preuve qu'il n'existe pas de groupe ou de collaboration, mais admet également que les présomptions ne sont pas limitativement mentionnées, de telle manière que le comportement à suivre n'est pas suffisamment déterminé et que les formes de collaboration interdites demeurent dans l'incertitude;
Qu'aucune dérogation à l'interdiction n'est tolérée, même lorsque l'application de celle-ci peut avoir pour conséquence sur le plan national que certaines associations soient contraintes, compte tenu de la divergence des règles applicables dans les différentes communautés, de se dissoudre , ou qu'au niveau européen, la concurrence devienne impossible avec des ensembles des pays voisins qui imposent des règles moins contraignantes aux avocats en matière d'association avec d'autres professions libérales;
Que ces limitations considérées dans leur ensemble ne sont pas manifestement requises pour la défense des intérêts que le législateur a confié à l'Ordre des barreaux flamands dans l'article 495 du Code judiciaire;
4. Attendu qu'il suit de l'ensemble de ces éléments que les articles 2 et 3 du règlement contiennent une limitation trop importante de la possibilité de collaboration entre les avocats et d'autres personnes et constituent, dès lors, une atteinte à l'article 81,alinéa 1er, du Traité CEE; qu'ils doivent, en conséquence, être annulés;
Que la demande est fondée;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Annule les articles 2 et 3 du Règlement du 22 janvier 2003 relatif à la collaboration professionnelles avec des non-avocats;
Laisse les dépens à charge de l'Etat.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président Ivan Verougstraete, les conseillers Ernest Waûters, Ghislain Londers, Eric Dirix et Eric Stassijns, et prononcé en audience publique du seize mai deux mille trois par le président Ivan Verougstraete, en présence de l'avocat général Guido Bresseleers, avec l'assistance du greffier Philippe Van Geem.
Traduction établie sous le contrôle du président Ivan Verougstraete et transcrite avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.
Le greffier, Le président,


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.03.0139.N
Date de la décision : 25/09/2003
1re chambre (civile et commerciale)

Analyses

AVOCAT - Barreau - "Orde van Vlaamse balies" - Exercice de la profession - Entreprise /

Les avocats, membres d'un barreau relevant de l'"Orde van Vaamse balies", sont des entreprises au sens de l'article 81.1 du Traité C.E.


Références :

Voir C.J.C.E., 19 février 2002, en cause C-309/99, considérations 45 à 49.


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2003-09-25;c.03.0139.n ?
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