FLORIDIENNE CHIMIE, s.a.,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître John Kirkpatrick, avocat à la Cour de cassation,
contre
ETAT BELGE,
défendeur en cassation,
représenté par Maître François T'Kint, avocat à la Cour de cassation,
I. La décision attaquée
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 25 mai 2001 par la cour d'appel de Mons.
II. La procédure devant la Cour
Le président de section Claude Parmentier a fait rapport.
L'avocat général André Henkes a conclu.
III. Les moyens de cassation
La demanderesse présente deux moyens libellés dans les termes suivants:
1. Premier moyen
Dispositions légales violées
- articles 23, § 1er, spécialement 1°, et § 2, spécialement 1°, 24, 37, 49, 53, 1°, 183 et 185 du Code des impôts sur les revenus 1992 ;
- articles 10 et 11 de la Constitution.
Dispositions et motifs critiqués
Après avoir constaté « que, le 18 décembre 1991, la (demanderesse) a acheté 94 options 'call', de 100 titres Royal Dutch chacune, pour le prix de 2.748.184 francs, et 94 options 'put', également de 100 titres Royal Dutch chacune, pour le prix de 6.612.818 francs ; que le lendemain, elle a exercé les options 'call' et a acquis 9.400 actions Royal Dutch pour le prix de 22.328.995 francs ; qu'elle a ensuite, le 23 décembre 1991, exercé les options 'put' et revendu les actions pour le prix de 30.917.070 francs ; qu'elle a ainsi réalisé une plus-value sur actions fiscalement immunisée de 8.588.075 francs ; qu'elle entend néanmoins déduire les coûts de l'acquisition des options 'call' et 'put', soit 9.361.002 francs au total, au titre de charges financières diverses ... ; que, par son avis de rectification du 21 septembre 1994, l'administration a ... rejeté comme dépense non-admise les 9.361.002 francs de frais d'achat des options 'call' et 'put' » ; que la décision directoriale a déclaré non fondé le grief de la demanderesse sur ce point,
l'arrêt décide que « c'est ... à bon droit que l'administration a repris en dépense non admise la somme ... de 9.361.002 francs » et confirme la décision entreprise sur ce point,
aux motifs «que des dépenses peuvent être considérées comme des charges professionnelles déductibles lorsque, d'une part, elles sont inhérentes à l'exercice de la profession et lorsque, d'autre part, elles ont été exposées en vue d'acquérir ou de conserver des revenus imposables, ainsi que l'énonce l'article 49 du Code des impôts sur les revenus 1992 ; que la [demanderesse] soutient que l'article 49 précité n'a rien à voir avec l'impôt des sociétés (...), qu'elle ne peut être suivie sur ce point; qu'en effet, si ledit article 49 du Code des impôts sur les revenus 1992 figure au titre 'impôt des personnes physiques', il n'en est pas moins applicable à l'impôt des sociétés en vertu de l'article 183 du même code ; qu'en outre, de la circonstance qu'une société commerciale est un être moral créé exclusivement en vue d'une activité lucrative, il ne se déduit pas que toutes ses dépenses peuvent être déduites de son bénéfice brut ; que pour pouvoir être considérées comme des frais professionnels déductibles, il faut au contraire que les dépenses d'une société commerciale soient inhérentes à l'exercice de sa profession, c'est-à-dire qu'elles se rattachent nécessairement à l'exercice de son activité sociale ; qu'en l'occurrence, l'objet social de la (demanderesse] est d'exercer l'industrie, la représentation et le commerce de produits chimiques, métaux non ferreux, minerais et équipements divers ; que la [demanderesse] ne démontre pas comment l'acquisition des options litigieuses dans le cadre de l'opération décrite ci-avant peut être rattachée à pareille activité, même si ses statuts précisent qu'elle peut faire toutes opérations financières qui se rattachent directement ou indirectement à son objet ; que la preuve du caractère professionnel des dépenses que le contribuable veut déduire du montant brut de ses revenus lui incombe ».
Griefs
1.1. Première branche
(1) En matière d'impôt des personnes physiques, le revenu imposable est constitué de l'ensemble des revenus nets des catégories suivantes : 1° les revenus des biens immobiliers ; 2° les revenus des capitaux et biens mobiliers ; 3° les revenus professionnels ; 4° les revenus divers (article 6 du Code des impôts sur les revenus 1992) ; les revenus professionnels comprennent notamment les « bénéfices » (article 23, § 1er, 1°, du Code des impôts sur les revenus 1992), c'est-à-dire les «bénéfices des entreprises industrielles, commerciales ou agricoles» (article 24 du Code des impôts sur les revenus 1992) ; «sans préjudice de l'application des précomptes, les revenus de biens immobiliers et des capitaux et biens mobiliers sont considérés comme des revenus professionnels (et, partant, dans le cas d'un exploitant, comme des bénéfices) lorsque ces avoirs sont affectés à l'exercice de l'activité professionnelle du bénéficiaire desdits revenus» (article 37 du Code des impôts sur les revenus 1992) ; aux termes de l'article 23, § 2, du Code des impôts sur les revenus 1992 «le montant net des revenus professionnels s'entend du montant total de ces revenus... après exécution des opérations suivantes : 1° le montant brut des revenus de chacune des activités professionnelles est diminué des frais professionnels qui grèvent ces revenus » ; aux termes de l'article 49 du Code des impôts sur les revenus 1992, «à titre de frais professionnels, sont déduits les frais que le contribuable a faits ou supportés pendant la période imposable en vue d'acquérir ou de conserver les revenus imposables...» ; les «frais professionnels » visés à l'article 49 sont donc les frais qui «grèvent les revenus professionnels» (article 23, § 2, 1°), par opposition, d'une part, aux frais qui grèvent d'autres catégories de revenus imposables (revenus d'immeubles, revenus de capitaux et biens mobiliers, revenus divers) et, d'autre part, aux « dépenses ayant un caractère personnel » dont l'article 53, 1°, donne des exemples, et qui ne sont pas «nécessitées par l'exercice de la profession», c'est-à-dire ne sont pas inhérentes à l'exercice de la profession ; pour que des frais supportés par un exploitant soient déductibles de ses bénéfices, il ne suffit donc pas qu'ils soient «faits ou supportés en vue d'acquérir ou de conserver des revenus imposables» : il faut en outre qu'ils soient inhérents à sa profession ; ainsi, si un exploitant entreprend une spéculation immobilière «en dehors de l'exercice de son activité professionnelle» (par exemple : achat d'un terrain en vue de le lotir pour le revendre par lots), le profit qu'il retirera de cette spéculation sera taxable distinctement au titre de revenus divers (article 90, 1°), et les frais relatifs à ces opérations seront déductibles, non de ses revenus professionnels, mais desdits revenus divers (article 97 du Code des impôts sur les revenus 1992) ; de même, les frais d'entretien ou de réparation d'un immeuble, qui sont supportés par un exploitant en vue d'acquérir ou de conserver des revenus locatifs, ne sont pas déductibles au titre de frais professionnels si l'immeuble n'est pas affecté à la profession de l'exploitant (mais sont déductibles de ses revenus d'immeubles à concurrence d'un montant forfaitaire : article 13 du Code des impôts sur les revenus 1992) ; en matière d'impôt des personnes physiques, les frais faits pour acquérir ou conserver des revenus imposables sont donc toujours déductibles, soit des revenus professionnels, lorsque ces frais sont inhérents à l'exercice de la profession, soit d'autres revenus imposables dans les autres cas ; (2) en matière d'impôt des sociétés, l'article 183 du Code des impôts sur les revenus 1992, qui figure sous le titre III «Impôt des sociétés», dispose : «Sous réserve des dérogations prévues au présent titre, les revenus soumis à l'impôt des sociétés ou exonérés dudit impôt sont, quant à leur nature, les mêmes que ceux qui sont envisagés en matière d'impôt des personnes physiques ; leur montant est déterminé d'après les règles applicables aux bénéfices» visés aux articles 23, § 1er, 1°, et 24 du Code des impôts sur les revenus 1992 ; une société commerciale soumise est un être moral créé exclusivement en vue d'une activité lucrative, de sorte que tous les avoirs de la société sont « affectés à l'exercice de l'activité professionnelle » de la société au sens de l'article 37 du Code des impôts sur les revenus 1992 précité et que tous les revenus de ces avoirs sont, sans préjudice de l'application des précomptes, imposables au titre de revenus professionnels et, en particulier, de bénéfices au sens des articles 23, § 1er, 1°, et 24 du Code des impôts sur les revenus 1992 ; aux termes de l'article 185 du Code des impôts sur les revenus 1992, « les sociétés sont imposables sur le montant total des bénéfices... » ; ni cet article ni aucune autre disposition du Code des impôts sur les revenus 1992 ne permet de soumettre à un régime particulier les revenus ou plus-values qui proviennent d'opérations étrangères à l'objet statutaire de la société ou d'opérations isolées sortant du cadre des activités habituelles de la société ; les articles 183 et 185 du Code des impôts sur les revenus 1992 excluent que l'on applique aux sociétés la distinction applicable aux personnes physiques entre les revenus professionnels et les revenus d'opérations faites « en dehors de l'exercice d'une activité professionnelle», taxables au titre de revenus divers (article 90, 1°, du Code des impôts sur les revenus 1992) ; (3) en vertu de l'article 183 précité, les articles 23, § 2, 1°, et 49 du Code des impôts sur les revenus 1992 sont applicables en matière d'impôt des sociétés ; toutefois, contrairement aux frais supportés par une personne physique pour acquérir ou conserver des revenus, qui ne sont pas nécessairement professionnels, tous les frais supportés par une société soumise à l'impôt des sociétés sont des frais professionnels, puisque tous les revenus d'une telle société sont des revenus professionnels; de même que tous les revenus et plus-values d'une société présentent un caractère professionnel, même s'ils résultent d'opérations étrangères à l'objet statutaire ou à l'activité habituelle de la société, de même tous les frais supportés par une société sont des frais professionnels, même s'ils se rapportent à des opérations étrangères à l'objet statutaire de la société ou à son activité habituelle ; (4) du fait que tous les frais d'une société sont des frais professionnels, il ne se déduit évidemment pas que tous les frais d'une société soient déductibles pour la détermination de son bénéfice net imposable ; encore faut-il, lorsqu'il s'agit de dépenses engagées volontairement, que ces frais soient « faits ou supportés (...) en vue d'acquérir ou de conserver les revenus imposables » ; du moment que cette condition est remplie, la déduction des frais supportés par une société doit être admise, même si, comme dit supra, 3, ils se rapportent à des opérations étrangères à l'objet statutaire de la société commerciale ou à ses activités habituelles ; en décider autrement aboutirait à soumettre sans texte les opérations accomplies par une société en dehors de son objet statutaire ou de ses activités habituelles à un régime exorbitant selon lequel les revenus bruts seraient taxables, sans déduction des frais engagés pour acquérir ceux-ci, contrairement au principe général exprimé notamment par l'article 6 du Code des impôts sur les revenus 1992, selon lequel l'impôt sur les revenus n'atteint que les revenus nets ; (5) en l'espèce, en décidant que la demanderesse n'est pas fondée à déduire, au titre de frais professionnels, certaines dépenses pour le motif qu'elle ne démontre pas que celles-ci « se rattachent nécessairement à l'exercice de son activité sociale » ou à son objet social, l'arrêt méconnaît que tous les revenus, y compris les plus-values, d'une société soumise à l'impôt des sociétés sont des bénéfices imposables à l'impôt des sociétés, même s'ils résultent d'opérations étrangères à son objet social ou à son activité habituelle (violation des articles 23, § 1er, spécialement 1°, 24, 37, 183 et 185 du Code des impôts sur les revenus 1992) et que tous les frais supportés par la société en vue d'acquérir ou de conserver de tels revenus sont des frais professionnels au sens de l'article 49 du Code des impôts sur les revenus 1992 (violation des articles 23, § 2, spécialement 1°, et 49 du Code des impôts sur les revenus 1992, et, pour autant que de besoin, violation de l'article 183 du Code des impôts sur les revenus 1992) ; en décidant que, pour être déductibles, il faut que les dépenses de la société «se rattachent nécessairement à l'exercice de son activité sociale », 1'arrêt paraît s'être fondé sur l'article 53, 1°, du Code des impôts sur les revenus 1992, qui vise « les dépenses non nécessitées par l'exercice de la profession» ; si telle est la portée de l'arrêt, il a étendu illégalement aux sociétés soumises à l'impôt des sociétés une disposition qui ne concerne que les personnes physiques (violation des articles 53, 1°, et 183 du Code des impôts sur les revenus 1992).
1.2. Seconde branche (subsidiaire):
Si de la combinaison des articles 49, 183 et 185 du Code des impôts sur les revenus (1992), il ressort que lorsqu'une société soumise à l'impôt des sociétés fait des opérations étrangères à son objet statutaire ou à ses activités habituelles, les bénéfices qui en résultent sont imposables sur leur montant brut, sans que puissent en être déduits les frais supportés par la société pour acquérir ou conserver ces bénéfices, ces dispositions violent le principe constitutionnel d'égalité consacré par les articles 10 et 11 de la Constitution, en créant, d'une part, une différence de traitement injustifiable entre les sociétés soumises à l'impôt des sociétés, selon la définition de leur objet statutaire ou leurs activités habituelles, et, d'autre part, une différence de traitement injustifiable entre les sociétés soumises à l'impôt des sociétés, dont une partie des frais faits pour acquérir ou conserver des revenus seraient non déductibles, et les personnes physiques, dont les frais faits pour acquérir ou conserver des revenus sont toujours déductibles, soit de leurs revenus professionnels, soit de leurs autres revenus, et, dont les revenus ne sont imposables que sur leur montant net ; en appliquant les articles 49 et 183 du Code des impôts sur les revenus (1992) ainsi interprétés, l'arrêt a violé les articles 10 et 11 de la Constitution.
2. Second moyen
Dispositions légales violées
- articles 49 et 183 du Code des impôts sur les revenus 1992;
- article 77 du titre IX du livre 1er du Code de commerce, modifié par la loi du 24 mars 1978, spécialement alinéas 1er et 2;
- article 7, § 1er, et 11, alinéa 1er, de l'arrêté royal du 8 octobre 1976 relatif aux comptes annuels des entreprises et du schéma de compte de résultats
formant la section II du chapitre 1er de l'annexe audit arrêté, remplacée par l'arrêté royal du 12 septembre 1983, spécialement rubriques IX, X, XI et XIII dudit schéma de compte de résultats.
Décisions et motifs critiqués
Après avoir constaté « que, le 18 décembre 1991, la (demanderesse) a acheté 94 options 'call', de 100 titres Royal Dutch chacune, pour le prix de 2.748.184 francs, et 94 options 'put', également de 100 titres Royal Dutch chacune, pour le prix de 6.612.818 francs ; que le lendemain, elle a exercé les options 'call' et a acquis 9.400 actions Royal Dutch pour le prix de 22.328.995 francs, qu'elle a ensuite, le 23 décembre 1991, exercé les options 'put' et revendu les actions pour le prix de 30.917.070 francs ; qu'elle a ainsi réalisé une plus-value sur actions, fiscalement immunisée de 8.588.075 francs ; qu'elle entend néanmoins déduire les coûts de l'acquisition de l'option 'call' et 'put', soit 9.361.002 francs au total, au titre de charges financières diverses ... ; que, par son avis de rectification du 21 septembre 1994, l'administration a ... rejeté comme dépense non admise les 9.361.002 francs de frais d'achat des options 'call' et 'put' »; que la décision directoriale a déclaré non fondé le grief de la demanderesse sur ce point,
l'arrêt décide que « c'est ... à bon droit que l'administration a repris en dépense non-admise la somme ... de 9.361.002 francs » et confirme la décision entreprise sur ce point,
aux motifs « qu'il est manifeste que les dépenses en cause n'ont pas été faites en vue d'acquérir ou de conserver des revenus imposables, mais, au contraire, avec le seul but de transformer un revenu imposable en une plus-value immunisée et d'obtenir une diminution de la charge d'impôt ; que des frais qui sont exclusivement exposés en vue de réduire, non le revenu net imposable, mais le montant de l'impôt lui-même, n'ont pas de caractère professionnel ; qu'en effet, l'impôt n'intervient qu'après la détermination du revenu net et doit être considéré comme une utilisation du revenu, en sorte que la recherche d'une économie d'impôt ne répond pas à la condition d'intention prévue à l'article 49 du Code des impôts sur les revenus (1992)».
Griefs
(1) En droit des sociétés et en droit comptable, l'impôt sur le résultat de l'exercice social est une charge qui grève ce résultat, ainsi que cela ressort clairement du schéma du compte de résultats formant la section II du chapitre 1er de l'annexe à l'arrêté royal du 8 octobre 1976 précité ; en effet, les impôts sur le résultat figurent dans la rubrique X, avant la détermination du bénéfice ou de la perte de l'exercice, qui figure en rubrique XI, et l'affectation de ceux-ci, qui figurent en rubrique XIII ; pour une société, seule l'affectation du résultat conformément à cette rubrique XIII constitue une « utilisation du revenu » ; c'est donc à tort que l'arrêt considère l'impôt sur le résultat comme une « utilisation du revenu » ; (2) certes, en droit fiscal, depuis la loi du 20 novembre 1962 portant réforme des impôts sur les revenus, l'impôt des sociétés ne constitue plus une charge déductible, en vertu d'une disposition explicite (article 198, 1°, du Code des impôts sur les revenus 1992) ; on ne peut toutefois déduire de cette règle que les frais supportés par une société dans le but d'augmenter son bénéfice net, au sens du droit des sociétés et du droit comptable (c'est-à-dire son bénéfice net après impôt sur le résultat), et non son bénéfice avant impôt sur le résultat, ne seraient pas supportés en vue d'acquérir ou de conserver des « revenus imposables » au sens de l'article 49 du Code des impôts sur les revenus 1992 ; ainsi, il n'a jamais été contesté que soient déductibles les intérêts de dettes contractées par une société pour faire des versements anticipés destinés à éviter la majoration d'impôt prévue par l'article 218 du Code des impôts sur les revenus 1992, ou pour payer un impôt enrôlé, non exigible par l'effet d'une réclamation, de manière à éviter, en cas de rejet de la réclamation, la débition d'intérêts de retard, fiscalement non déductibles ; de même, il n'a jamais été contesté que soient déductibles les honoraires payés par une société à un avocat en vue d'obtenir en justice l'annulation d'une cotisation à l'impôt des sociétés ou les honoraires payés à un conseiller fiscal en vue de la rédaction de la déclaration à l'impôt des sociétés ; ces dépenses ont pourtant pour but d'augmenter, non la base imposable, mais le revenu net après impôt ; pour rendre compte de ces solutions, il faut admettre que, dans l'article 49 du Code des impôts sur les revenus 1992, 1'expression « revenus imposables » doit s'entendre au sens de « revenus professionnels », les revenus professionnels constituant une des catégories de revenus imposables visées à l'article 6 du Code des impôts sur les revenus 1992 ; (3) en l'espèce, en considérant que l'impôt des sociétés constitue une utilisation du revenu et non une charge, l'arrêt viole les dispositions du Code du commerce et les dispositions de la réglementation comptable visées en tête du moyen ; en considérant qu'une dépense faite par une société en vue de réduire, non le résultat avant impôt des sociétés, mais le résultat net après impôt, n'est pas déductible en vertu de l'article 49 du Code des impôts sur les revenus 1992, l'arrêt viole cet article, applicable en matière d'impôt des sociétés en vertu de l'article 183 du Code des impôts sur les revenus 1992 (article dont la violation est également invoquée pour autant que de besoin).
IV. La décision de la Cour
Sur le premier moyen:
Quant à la première branche:
Attendu que l'arrêt constate que grâce à l'exercice d'options d'achat et de vente d'actions la demanderesse a réalisé une plus-value fiscalement immunisée et entend déduire les coûts liés à l'achat de ces options au titre de frais professionnels;
Attendu que de la circonstance qu'une société commerciale est un être moral créé en vue d'une activité lucrative, il ne se déduit pas que toutes ses dépenses peuvent être déduites de son bénéfice brut;
Attendu que les dépenses d'une société commerciale peuvent être considérées comme des frais professionnels déductibles lorsqu'elles sont inhérentes à l'exercice de la profession, c'est-à-dire qu'elles se rattachent nécessairement à l'activité sociale;
Attendu qu'après avoir relevé que «l'objet social de la [demanderesse] est d'exercer l'industrie, la représentation et le commerce de produits chimiques, métaux non ferreux, minerais et équipements divers», l'arrêt considère que la demanderesse «ne démontre pas comment l'acquisition des options litigieuses (.) peut être rattachée à pareille activité, même si ses statuts précisent qu'elle peut faire toutes opérations financières qui se rattachent directement ou indirectement à son objet»;
Qu'il justifie ainsi légalement sa décision;
Attendu que l'arrêt ne se fonde pas sur l'article 53, 1°, du Code des impôts sur les revenus 1992;
Que le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli;
Quant à la seconde branche:
Attendu que, s'agissant du premier grief d'illégalité, le moyen ne précise pas en quoi l'arrêt, qui se borne à énoncer que, pour être considérées comme des frais professionnels déductibles, les dépenses d'une société doivent se rattacher nécessairement à l'exercice de son activité sociale, violerait les articles 10 et 11 de la Constitution;
Que, s'agissant du second grief d'illégalité, le moyen ne dénonce pas une distinction opérée par la loi entre différents sujets de droit ou catégories de sujets de droit se trouvant dans la même situation juridique mais une distinction entre des personnes morales et des personnes physiques qui n'obéissent pas aux mêmes règles et ne se trouvent pas, dès lors, dans la même situation juridique;
Qu'il s'ensuit que la question proposée par la demanderesse à l'appui du grief de violation des articles 10 et 11 de la Constitution ne doit pas être posée à la Cour d'arbitrage;
Sur le second moyen:
Attendu qu'il résulte de la réponse au premier moyen, en sa première branche, que l'arrêt justifie légalement sa décision de refuser aux charges litigieuses le caractère de frais professionnels;
Que le moyen qui, fût-il fondé, ne saurait entraîner la cassation est, comme le soutient le défendeur, irrecevable;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi;
Condamne la demanderesse aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de trois cent quinze euros septante-sept centimes payés par la demanderesse.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Claude Parmentier, les conseillers Philippe Echement, Didier Batselé, Albert Fettweis et Daniel Plas, et prononcé en audience publique du dix-neuf juin deux mille trois par le président de section Claude Parmentier, en présence de l'avocat général André Henkes, avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.