FORTIS BANQUE, s.a.,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître John Kirkpatrick, avocat à la Cour de cassation,
contre
ETAT BELGE,
défendeur en cassation,
représenté par Maître Antoine De Bruyn, avocat à la Cour de cassation
I. La décision attaquée
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 7 mars 2001 par la cour d'appel de Bruxelles.
II. La procédure devant la Cour
Le président de section Claude Parmentier a fait rapport.
L'avocat général André Henkes a conclu.
III. Les moyens de cassation
La demanderesse présente trois moyens libellés dans les termes suivants:
1. Premier moyen
Dispositions légales violées
- articles 41, §4, et 50, 7°, du Code des impôts sur les revenus (1964), ci-après désigné C.I.R. 1964, tels qu'ils ont été introduits ou modifiés par les lois du 8 août 1980 et du 4 août 1986.
Décisions et motifs critiqués
Après avoir constaté, par son précédent arrêt du 21 juin 2000, que, conformément à une convention collective d'entreprise, la demanderesse a attribué, en 1988 et en 1989, des chèques-repas émis par la société anonyme «CR» à tous les membres de son personnel qui n'ont pas la possibilité de déjeuner dans un mess de la demanderesse; qu'un chèque-repas d'une valeur faciale de 180 francs était attribué à chaque bénéficiaire par jour de présence effective, moyennant une contribution du bénéficiaire de 60 francs par chèque-repas; que les chèques-repas portaient la mention suivante: «valable pour le paiement d'un repas ou pour l'achat d'aliments prêts à la consommation» chez les commerçants affiliés à la société CR; que dans ses déclarations à l'impôt des sociétés des exercices d'imposition 1989 et 1990, la demanderesse a déduit, à titre de charges professionnelles, le coût des chèques-repas, diminué de la contribution de 60 francs par chèque-repas demandée aux bénéficiaires; que dans les fiches et relevés récapitulatifs établis pour la perception du précompte professionnel sur les rémunérations des membres du personnel, la demanderesse n'a pas mentionné les chèques-repas au titre d'avantages en nature; que par des avis de rectification relatifs aux exercices d'imposition 1989 et 1990, l'administration a considéré que les chèques-repas remis par la demanderesse aux membres de son personnel constituaient, à concurrence de leur montant nominal diminué de la contribution des travailleurs, des avantages sociaux immunisés dans le chef des bénéficiaires en vertu de l'article 41, § 4, du Code des impôts sur les revenus (1964), et que ledit montant net des chèques-repas n'était dès lors pas déductible dans le chef de la demanderesse en vertu de l'article 50, 7°, du même code; qu'en dépit du désaccord de la demanderesse, des suppléments à l'impôt des sociétés ont été enrôlés à sa charge pour les exercices d'imposition 1989 et 1990 sur ledit montant net des chèques-repas; que les réclamations de la demanderesse contre ces impositions ont été rejetées par le directeur régional des contributions,
la cour d'appel, par l'arrêt attaqué, décide que le montant nominal des chèques-repas attribués par la demanderesse en 1988 et 1989 aux membres de son personnel (180 francs par chèque-repas), diminué de la contribution demandée aux travailleurs (60 francs par chèque-repas), ne peut être déduit au titre de dépense professionnelle pour la détermination du bénéfice imposable à l'impôt des sociétés des exercices d'imposition 1989 et 1990 et rejette en conséquence le recours de la demanderesse,
pour les motifs suivants: «le chèque-repas qui satisfait aux conditions prévues par l'article 19bis, § 2, de l'arrêté royal du 28 novembre 1969 (concernant la sécurité sociale des travailleurs, article inséré par l'article 2 de l'arrêté royal du 11 décembre 1987) est (.) considéré, en vertu de l'article 38, 11°, c (du Code des impôts sur les revenus 1992), comme un menu avantage obtenu à l'occasion ou en raison d'événements sans rapport direct avec l'activité professionnelle (déclaration du ministre des Finances pendant les travaux préparatoires de l'article 10, 2°, de la loi du 8 août 1980 insérant dans le Code des impôts sur les revenus (1964) l'article 41, § 4 [38, 11° du Code des impôts sur les revenus 1992], rapport de la Chambre, travaux parlementaires, Chambre, n°323/47, pp 36-37; Com IR art. 38/80); (.) conformément à l'article 50, 7°, du Code des impôts sur les revenus (1964) (.) ne constituent pas des frais professionnels, les avantages sociaux octroyés aux travailleurs ., exonérés dans le chef des bénéficiaires, conformément à l'article 41, § 4, du Code des impôts sur les revenus (1964) (38, 11°, du Code des impôts sur les revenus 1992)».
Griefs
Par dérogation à l'article 26, alinéa 2, 2°, du Code des impôts sur les revenus (1964) (tel qu'il a été modifié par la loi du 8 août 1980), aux termes duquel les rémunérations imposables des travailleurs comprennent notamment «les avantages de toute nature que le travailleur obtient en raison ou à l'occasion de l'exercice de son activité professionnelle», l'article 41, § 4, du même code, introduit par ladite loi du 8 août 1980, dispose: «les avantages sociaux obtenus par les travailleurs salariés . sont immunisés, pour autant qu'ils s'agisse: - soit d'avantages dont il n'est pas possible en raison des modalités de leur octroi, de déterminer le montant effectivement obtenu par chacun des bénéficiaires; - soit d'avantages qui, bien que personnalisables, n'ont pas le caractère d'une véritable rémunération; - soit de menus avantages ou cadeaux d'usage obtenus à l'occasion ou en raison d'événements sans rapport direct avec l'activité professionnelle»; assurément, «la fourniture quotidienne de déjeuners à prix social au personnel» dans un restaurant d'entreprise est visée par cet article; en effet, il s'agit d'avantages «dont il n'est pas possible, en raison des modalités de leur octroi, de déterminer le montant effectivement obtenu par chacun des bénéficiaires»; en revanche, l'attribution de chèques-repas répondant aux caractéristiques constatées en l'espèce ne répond pas à cette condition; contrairement à ce que décide l'arrêt attaqué, des chèques-repas d'une valeur faciale de 180 francs attribués, comme le constate l'arrêt du 21 juin 2000, «à tous les membres du personnel qui n'ont pas la possibilité de déjeuner dans un mess de (l'entreprise)», et ce «par jour de présence effective», ne constituent pas «de menus avantages ou cadeaux obtenus à l'occasion ou en raison d'événements sans rapport direct avec l'activité professionnelle»; la nécessité dans laquelle se trouve le travailleur de prendre quotidiennement un repas chaque «jour de présence effective» sur les lieux du travail ne constitue évidemment pas un «événement» et encore moins «un événement sans rapport direct avec l'activité professionnelle»; certes, au cours des travaux préparatoires de la loi du 8 août 1980, plusieurs membres de la commission de la Chambre ont souligné «que l'égalité de traitement entre les contribuables serait mise en cause si les chèques-restaurant ou chèques-repas qui sont délivrés par les employeurs à leur personnel n'étaient pas considérés comme de menus avantages sociaux et devenaient dès lors imposables dans le chef des bénéficiaires»; à la suite de cette observation, le ministre a déclaré «que les chèques-restaurant ou chèques-repas seront considérés comme de menus avantages sociaux, pour autant qu'il soit satisfait» à certaines conditions ; toutefois, il n'est pas permis de fonder l'interprétation de l'article 41, § 4, du Code des impôts sur les revenus (1964) sur cette déclaration, qui est inconciliable avec le texte légal; en décidant que le montant des chèques-repas attribués par la demanderesse aux membres du personnel, sous déduction de la contribution des travailleurs, constitue un avantage social visé par l'article 41, § 4, du Code des impôts sur les revenus (1964) et que ce montant n'est dès lors pas déductible au titre de dépense professionnelle en vertu de l'article 50, 7°, dudit code, l'arrêt attaqué viole ces dispositions légales.
2. Deuxième moyen
Dispositions légales violées
- article 1er de la loi du 12 juin 1992 portant confirmation du Code des impôts sur les revenus 1992, ci-après désigné Code des impôts sur les revenus 1992;
- article 46 de la loi du 28 juillet 1992 portant des dispositions fiscales et financières;
- articles 2 et 6 de l'arrêté royal du 27 août 1993 d'exécution du Code des impôts sur les revenus 1992.
Décisions et motifs critiqués
Pour décider que l'avantage en nature résultant de l'octroi de chèques-repas par la demanderesse aux membres de son personnel doit être évalué au montant nominal des chèques-repas, diminué de la contribution des travailleurs, et pour rejeter en conséquence les recours de la demanderesse relatif à des cotisations des exercices d'imposition 1989 et 1990, l'arrêt attaqué se fonde sur les articles 36 et 38 du Code des impôts sur les revenus 1992 et sur l'article 18 de l'arrêté royal d'exécution du Code des impôts sur les revenus 1992.
Griefs
Le Code des impôts sur les revenus 1992, coordonné par l'arrêté royal du 10 avril 1992 et confirmé par la loi du 12 juin 1992, s'applique à partir de l'exercice d'imposition 1992 (article 1er de ladite loi du 12 juin 1992). Il en est de même de l'arrêté royal du 27 août 1993 d'exécution du Code des impôts sur les revenus 1992 (articles 2 et 6, § 1er, de l'arrêté royal du 27 août 1993). Ce n'est qu'au cours des années civiles 1992 et 1993 que ne constituait pas une cause d'annulation le fait de se référer, dans un acte quelconque, à une disposition légale en mentionnant le numéro d'article que celle-ci portait avant sa coordination sous l'intitulé «Code des impôts sur les revenus 1992» (article 46 de la loi du 28 juillet 1992 portant des dispositions fiscales et financières); dès lors, en fondant sa décision sur les articles précités du Code des impôts sur les revenus 1992 et de l'arrêté royal d'exécution dudit code, l'arrêt attaqué viole les dispositions visées en tête du moyen.
3. Troisième moyen
Dispositions légales violées
- article 149 de la Constitution;
- articles 32ter, 41, § 4, 47, § 1er, 2°, et 50, 7°, du Code des impôts sur les revenus (1964), tels qu'ils ont été modifiés par les lois du 8 août 1980 et du 4 août 1986;
- article 9quater, §§ 2 et 3, 6° et 8°, de l'arrêté royal du 4 mars 1965 d'exécution du Code des impôts sur les revenus (1964), introduit par l'arrêté royal du 17 décembre 1980;
- articles 19, § 2, 11°, 19bis, § 2, et 20 de l'arrêté royal du 28 novembre 1969 concernant la sécurité sociale des travailleurs, tel qu'il a été modifié, en ce qui concerne les articles 19 et 19bis précités, par l'arrêté royal du 11 décembre 1987.
Décisions et motifs critiqués
Après avoir constaté, par son précédent arrêt du 21 juin 2000, que, conformément à une convention collective d'entreprise, la demanderesse a attribué, en 1988 et en 1989, des chèques-repas émis par la société anonyme CR à tous les membres de son personnel qui n'ont pas la possibilité de déjeuner dans un mess de la demanderesse; qu'un chèque-repas d'une valeur faciale de 180 francs était attribué à chaque bénéficiaire par jour de présence effective, moyennant une contribution du bénéficiaire de 60 francs par chèque-repas; que les chèques-repas portaient la mention suivante: «valable pour le paiement d'un repas ou pour l'achat d'aliments prêts à la consommation» chez les commerçants affiliés à la société CR; que dans ses déclarations à l'impôt des sociétés des exercices d'imposition 1989 et 1990, la demanderesse a déduit, à titre de charges professionnelles, le coût des chèques-repas, diminué de la contribution de 60 francs par chèque-repas demandée aux bénéficiaires; que dans les fiches et relevés récapitulatifs établis pour la perception du précompte professionnel sur les rémunérations des membres de son personnel, la demanderesse n'a pas mentionné les chèques-repas au titre d'avantages en nature; que par des avis de rectification relatifs aux exercices d'imposition 1989 et 1990, l'administration a considéré que les chèques-repas remis par la demanderesse aux membres de son personnel constituaient, à concurrence de leur montant nominal diminué de la contribution des travailleurs, des avantages sociaux immunisés dans le chef des bénéficiaires en vertu de l'article 41, § 4, du Code des impôts sur les revenus (1964), et que ledit montant net des chèques-repas n'était dès lors pas déductible dans le chef de la demanderesse en vertu de l'article 50, 7°, du même code; qu'en dépit du désaccord de la demanderesse, des suppléments à l'impôt des sociétés ont été enrôlés à sa charge pour les exercices d'imposition 1989 et 1990 sur ledit montant net des chèques-repas; que des réclamations de la demanderesse contre ces impositions ont été rejetées par le directeur régional des contributions,
la cour d'appel, pour rejeter le recours de la demanderesse, décide, par l'arrêt attaqué, que l'avantage en nature consistant en l'octroi de chèques-repas par la demanderesse aux membres de son personnel, suivant les modalités décrites par l'arrêt précité du 21 juin 2000, doit être évalué au montant nominal des chèques-repas diminué de la contribution du bénéficiaire,
pour les motifs suivants: «lorsque l'employeur ne dispose pas d'un restaurant mais entend attribuer à ses travailleurs la valeur d'un repas, il leur attribue un chèque-repas; le chèque-repas est un avantage de toute nature obtenu autrement qu'en espèces; il s'ensuit qu'il doit être compté pour la valeur réelle qu'il a dans le chef du bénéficiaire (article 36, alinéa 1er, du Code des impôts sur les revenus 1992); (.) la valeur réelle dans le chef du bénéficiaire du chèque-repas est constituée par la valeur nominale du chèque diminuée de la contribution du bénéficiaire; c'est dans la mesure où le chèque-repas confère au travailleur un pouvoir d'achat bien défini, qui se chiffre au franc près, que le chèque-repas se distingue du repas social; le repas social remplace un repas qu'aurait préparé le travailleur chez lui, évalué forfaitairement à 44 francs, s'il ne s'était pas trouvé sur le lieu de travail; le chèque-repas confère par contre au travailleur un pouvoir d'achat qui lui permet, quand il le désire, de se procurer des aliments nécessaires à préparer ou à substituer un repas; la valeur réelle de ce chèque ne diffère en rien de sa valeur nominale et n'a aucune influence sur la valeur des aliments achetés; il est injustifié de renvoyer à l'article 36, alinéa 2, du Code des impôts sur les revenus 1992 et à l'article 18, § 3, 8° et 6°, de l'arrêté royal d'exécution du Code des impôts sur les revenus 1992, pour évaluer forfaitairement la valeur du chèque-repas dans la mesure où l'article 18, § 1er, ne vise que les avantages de toute nature . visés aux §§ 2 et 3 et que les chèques-repas n'y sont pas repris; puisque le chèque-repas n'est pas expressément
prévu dans l'article 18, § 3, 8° et 6°, qui ne vise que l'octroi de repas sociaux, il s'ensuit que , contrairement à ce qu'il fit pour les repas sociaux, le Roi n'a pas fixé de règles d'évaluation forfaitaire pour l'avantage social que constitue le chèque-repas; (.) aucune discrimination injustifiée n'existe entre les employeurs qui choisissent librement de procurer à leur personnel un repas social principal et ceux qui choisissent tout aussi librement de leur octroyer un autre avantage social, à savoir le chèque-repas; il s'agit en effet de deux avantages sociaux différents, le Roi ayant, pour le premier, fixé forfaitairement la valeur dans le chef du bénéficiaire, alors que le Roi n'a pas fait usage des pouvoirs que lui offre l'article 36, alinéa 2, du Code des impôts sur les revenus 1992, pour évaluer forfaitairement la valeur du chèque-repas; (.) que le but du chèque-repas ait été de permettre au travailleur d'un employeur ne disposant pas d'un restaurant de se procurer dans les environs du lieu de travail un repas normal est sans aucune incidence sur la valeur réelle dans le chef du bénéficiaire dans la mesure où celui-ci peut disposer librement des chèques-repas soit pour se procurer le repas normal, soit pour se procurer des aliments prêts à la consommation, et voit dès lors en l'espèce son pouvoir d'achat augmenté d'une somme égale à la différence entre la valeur nominale du chèque et la cotisation du travailleur, soit en l'espèce (180 francs - 60 francs) 120 francs: la différence entre la valeur économique d'un chèque-repas et de l'argent liquide est artificielle dans la mesure où la différence entre le chèque-repas et l'argent liquide ne réside pas dans la valeur économique d'achat, mais dans le fait que les chèques-repas ne peuvent être affectés, sauf abus, qu'à l'achat d'aliments prêts à la consommation; (.) le chèque-repas., contrairement au repas social, permet de chiffrer la valeur réelle de l'avantage au franc près dans le chef du bénéficiaire, à savoir l'augmentation de son pouvoir d'achat de 120 francs par chèque en l'espèce; que cette augmentation de son pouvoir d'achat soit limitée à l'achat d'aliments prêts à la consommation n'a aucune influence sur la valeur réelle de l'avantage dans le chef du bénéficiaire; il ne peut être sérieusement contesté que chaque bénéficiaire des chèques-repas dépense une somme destinée à l'achat d'aliments prêts à la consommation supérieure à celle octroyée par les chèques-repas; il s'ensuit que la limitation que comporte le chèque-repas quant à son affectation ne réduit pas sa valeur dans le chef du bénéficiaire; dans la mesure où l'octroi des chèques-repas ne constitue pas un avantage social au sens de l'article 41, § 4, du Code des impôts sur les revenus (1964), la (demanderesse) aurait dû déclarer l'avantage de toute nature résultant de l'octroi des chèques-repas dans les fiches individuelles et les relevés récapitulatifs prescrits en matière de précompte professionnel; la déduction des avantages en nature à titre de frais professionnels devrait dès lors être refusée à la (demanderesse) par application de l'article 47, § 1er, 2°, du Code des impôts sur les revenus (1964).
Griefs
3.1. Première branche
(I) Dans ses conclusions prises avant l'arrêt du 21 juin 2000, la demanderesse faisait valoir: «en son § 2, l'article 9quater (de l'arrêté d'exécution du Code des impôts sur les revenus (1964), pris en exécution de l'article 32ter dudit code) dispose: 'Pour les avantages dont la valeur est déterminée par une réglementation sociale ou économique, la valeur à prendre en considération est égale à celle qui est fixée par cette réglementation'; suivant l'article 20 de l'arrêté royal du 28 novembre 1969 concernant la sécurité sociale des travailleurs, 'les avantages en nature font l'objet d'une évaluation en francs correspondant à leur valeur courante. Toutefois, la nourriture . est évaluée comme suit: deuxième repas (repas principal): 44 francs'; l'article 19, § 2, 11°, du même arrêté relatif à la sécurité sociale (introduit par un arrêté royal du 11 décembre 1987) dispose en outre que 'la fourniture de repas à un prix inférieur au prix coûtant dans le restaurant d'entreprise' n'est pas considérée comme une rémunération; de même, l'article 19bis, § 2, de cet arrêté (également introduit par l'arrêté royal du 11 décembre 1987) écarte les chèques-repas de la base de calcul des cotisations de sécurité sociale moyennant le respect de cinq conditions (.); ce n'est qu'à défaut de réglementation sociale ou économique que l'article 9quater, § 3, de l'arrêté d'exécution du Code des impôts sur le revenus détermine forfaitairement la valeur des avantages de toute nature obtenus autrement qu'en espèces par les travailleurs; malgré l'existence d'une réglementation sociale en la matière, mais en conformité avec celle-ci, l'article 9quater, § 3, évalue l'avantage résultant des 'repas sociaux fournis gratuitement aux membres du personnel d'une entreprise' comme l'avantage de même nature recueilli par le personnel domestique, c'est-à-dire à 44 francs par jour pour le deuxième repas (repas principal, [article 9quater, § 3, 8°, par référence au 6°])»; l'arrêté royal du 29 mars 1982 qui a abrogé l'article 9quater, § 3, 9°, «n'a pas supprimé l'article 9quater, § 2, qui prescrit de tenir compte, par référence à toute autre évaluation, de la valeur fixée par la réglementation sociale, s'il y en a une; il y a dès lors lieu de déterminer la valeur réelle des repas dont les bénéficiaires des chèques-repas font l'économie, par référence à l'article 20 de l'arrêté d'exécution du 28 novembre 1969 concernant la sécurité sociale des travailleurs; aux termes de cet article, la nourriture à laquelle le travailleur a droit à charge de l'employeur en raison de son engagement est évaluée à 44 francs pour le deuxième repas (repas principal)»; «l'application de l'article 9quater, §2, de l'arrêté royal d'exécution du Code des impôts sur les revenus, qui renvoie à la valeur déterminée par la réglementation sociale, conduit à la même solution (à savoir l'évaluation à 44 francs de l'économie d'un repas de midi); l'article 20 de l'arrêté royal du 28 novembre 1969 concernant la sécurité sociale des travailleurs évalue en effet la nourriture à 44 francs pour le repas de midi» .
(II) Suivant l'arrêt attaqué «il est injustifié de renvoyer à l'article 36, alinéa 2, du Code des impôts sur les revenus 1992 [article 32ter du Code des impôts sur les revenus (1964)] et à l'article 18, § 3, 8° et 6°, de l'arrêté royal d'exécution du Code des impôts sur les revenus 1992 [article 9quater, § 3, 8° et 6°, de l'arrêté d'exécution du Code des impôts sur les revenus (1964)] pour évaluer forfaitairement la valeur du chèque-repas dans la mesure où l'article 18, § 1er (9quater, §1er) ne vise que 'les avantages de toute nature . visés aux §§2 et 3' et que les chèques-repas n'y sont pas repris; puisque le chèque-repas n'est pas expressément prévu dans l'article 18, § 3, 8° et 6° (de l'arrêté royal d'exécution du Code des impôts sur les revenus 1992, correspondant à l'article 9quater, § 3, 8° et 6° de l'arrêté d'exécution du Code des impôts sur les revenus (1964), qui ne vise que l'octroi de repas sociaux; il s'ensuit que . le Roi n'a pas fixé de règle d'évaluation forfaitaire pour l'avantage social que constitue le chèque-repas»; ni par ces motifs ni par aucun autre, l'arrêt attaqué n'examine si, comme le soutenait la demanderesse dans les passages précités de ses conclusions, cette évaluation forfaitaire de l'avantage en nature que constitue le chèque-repas ne résulte pas du § 2 de l'article 9quater de l'arrêté d'exécution du Code des impôts sur les revenus (1964) et de la réglementation sociale à laquelle se réfèrent les passages précités des conclusions de la demanderesse; qu'ainsi l'arrêt attaqué laisse sans réponse ce moyen de la demanderesse et n'est pas régulièrement motivé (violation de l'article 149 de la Constitution).
3.2. Deuxième branche
(I) Aux termes de l'article 26, alinéa 2, 2°, du Code des impôts sur les revenus (1964) (tel qu'il a été modifié par la loi du 8 août 1980 relative aux propositions budgétaires 1979-1980), les rémunérations taxables des travailleurs visées à l'article 20, 2°,a, comprennent notamment «les avantages de toute nature que le travailleur obtient en raison ou à l'occasion de l'exercice de son activité professionnelle»; l'article 32ter du Code des impôts sur les revenus (1964), introduit par la loi du 8 août 1980, précise que «les avantages de toute nature qui sont obtenus autrement qu'en espèces sont comptés pour la valeur réelle qu'ils ont dans le chef du bénéficiaire. Dans les cas qu'Il détermine, le Roi peut fixer des règles d'évaluation forfaitaire de ces avantages»; en vertu de cette disposition, un arrêté royal du 17 décembre 1980 a inséré un article 9quater dans l'arrêté d'exécution du Code des impôts sur les revenus (1964); aux termes du § 2 de cet article (reproduit dans l'article 18, § 2, de l'arrêté d'exécution du Code des impôts sur les revenus 1992), «pour les avantages dont la valeur est déterminée par une réglementation sociale ou économique, la valeur à prendre en considération est égale à celle qui est fixée par cette réglementation»; en l'occurrence, la valeur de la nourriture que permettent d'obtenir les chèques-repas attribués aux travailleurs est «fixée par une réglementation sociale»; en effet, suivant l'article 20 de l'arrêté royal du 28 novembre 1969 concernant la sécurité sociale des travailleurs, «les avantages en nature font l'objet d'une évaluation en francs correspondant à leur valeur courante. Toutefois, la nourriture . est évaluée comme suit: deuxième repas (repas principal): 44 francs»; suivant l'article 19, § 2, 11°, du même arrêté (introduit par un arrêté royal du 11 décembre 1987), «la fourniture de repas à un prix inférieur au prix coûtant dans un restaurant d'entreprise» n'est pas considérée comme une rémunération; suivant l'article 19bis, § 2, du même arrêté (également introduit par l'arrêté royal du 11 décembre 1987), les chèques-repas ne sont pas considérés comme des rémunérations moyennant le respect de cinq conditions, à savoir: 1° octroi des chèques-repas en vertu d'une convention collective de travail ou d'une convention individuelle; 2° octroi d'un nombre de chèques-repas égal au nombre de journées de travail effectivement fournies par le travailleur; 3° délivrance des chèques-repas au nom des travailleurs ou inscription à leur compte individuel des données y relatives (nombre des chèques-repas, montant brut de ceux-ci diminué de la part personnelle du travailleur); 4° indication sur les chèques de leur utilisation exclusive en paiement d'un repas ou d'aliments prêts à la consommation; 5° coût unitaire des chèques-repas de 180 francs maximum; il ressort des constatations précitées de l'arrêt du 21 juin 2000 et de l'arrêt attaqué que ces conditions étaient remplies en l'espèce; il ressort implicitement mais certainement des dispositions précitées de l'arrêté royal du 28 novembre 1969 concernant la sécurité sociale des travailleurs qu'aux conditions précitées, cette réglementation sociale assimile l'octroi de chèques-repas (article 19bis, §2) à la fourniture de repas à un prix inférieur au prix coûtant dans un restaurant d'entreprise (article 19bis, § 2, 11°); dans les deux cas, l'avantage en nature qui résulte de la nourriture du repas principal est évalué à 44 francs (article 20); dès lors, en vertu du § 2 de l'article 9quater de l'arrêté d'exécution du Code des impôts sur les revenus (1964), cette valeur des chèques-repas déterminée par une réglementation sociale s'applique à la détermination de l'avantage en nature imposable dans le chef des travailleurs, indépendamment de la question de savoir si est applicable aux chèques-repas le § 3 de cet article 9quater, qui évalue à 44 francs par repas l'avantage résultant des «repas sociaux fournis gratuitement aux membres du personnel d'une entreprise» (§ 3, 8°, se référant au § 3, 6°); dès lors, en évaluant l'avantage résultant de l'octroi de chèques-repas, suivant les modalités constatées en l'espèce, à leur montant nominal (180 francs) diminué de la contribution des bénéficiaires (60 francs), l'arrêt attaqué viole les articles 32ter du Code des impôts sur les revenus (1964), 9quater, § 2, de l'arrêté d'exécution du Code des impôts sur les revenus (1964), 19, 19bis, § 2, et 20 de l'arrêté royal du 28 novembre 1969 concernant la sécurité sociale des travailleurs, modifié par l'arrêté royal du 11 décembre 1987.
(II)En conséquence de cette illégalité, en considérant que l'octroi de chèques-repas comportait un avantage social au sens de l'article 41, § 4, du Code des impôts sur les revenus (1964) en dépit du fait que les contributions des bénéficiaires excédaient en l'espèce 44 francs par chèque-repas, et en considérant que cet avantage social n'était dès lors pas déductible au titre de frais professionnels en vertu de l'article 50, 7°, du Code des impôts sur les revenus (1964), l'arrêt attaqué a violé ces deux dispositions du Code des impôts sur les revenus (1964).
(III) En conséquence de l'illégalité dénoncée supra, I, en considérant que si les chèques-repas ne constituent pas des avantages sociaux au sens de l'article 41, § 4, précité, la demanderesse ne pouvait non plus déduire au titre de frais professionnels leur montant diminué de la contribution des bénéficiaires, cette fois en vertu de l'article 47, § 1er, 2°, du Code des impôts sur les revenus (1964), pour n'avoir pas indiqué un avantage en nature de 120 francs par chèque-repas dans les fiches individuelles et relevés récapitulatifs prescrits en matière de précompte professionnel sur les rémunérations des travailleurs, l'arrêt attaqué a violé l'article 47, § 1er, 2°, précité.
3.3. Troisième branche
Aux termes de l'article 26, alinéa 2, 2°, du Code des impôts sur les revenus (tel qu'il a été modifié par la loi du 8 août 1980 relative aux propositions budgétaires 1979-1980), les rémunérations taxables des travailleurs visées à l'article 20, 2°, a, comprennent notamment «les avantages de toute nature que le travailleur obtient en raison ou à l'occasion de l'exercice de son activité professionnelle»; l'article 32ter du Code des impôts sur les revenus (1964), introduit par ladite loi du 8 août 1980, précise: «les avantages de toute nature qui sont obtenus autrement qu'en espèces sont comptés pour la valeur réelle qu'ils ont dans le chef du bénéficiaire. Dans les cas qu'Il détermine, le Roi peut fixer des règles d'évaluation forfaitaires de ces avantages»; en vertu de cette disposition, un arrêté royal du 17 décembre 1980 a inséré dans l'arrêté d'exécution du Code des impôts sur les revenus (1964) un article 9quater qui évalue forfaitairement certains avantages en nature obtenus autrement qu'en espèces, notamment selon les règles prévues au § 3 de cet article (§ 1er); aux termes de ce § 3, la valeur à retenir est fixée forfaitairement
comme suit: «8. repas sociaux fournis gratuitement aux membres du personnel d'une entreprise: pour les repas servis gratuitement, les montants visés sub 6 servent de base à l'évaluation des avantages»; ledit point 6, relatif aux avantages recueillis par le personnel domestique, fixe à 44 francs la valeur du deuxième repas (repas principal); aux termes du § 4 du même article, modifié par arrêté royal du 29 mars 1982, lorsque l'avantage visé notamment au § 3, point 8, n'est pas consenti à titre gratuit, l'avantage à prendre en considération est celui qui est déterminé audit § 3, point 8, «diminué de l'intervention du bénéficiaire de cet avantage»; l'article 9quater, § 3, point 8, précité évalue à 44 francs le repas fourni gratuitement par l'employeur aux membres de son personnel sans distinguer selon que ce repas est fourni directement dans un restaurant d'entreprise par un employeur qui dispose d'un tel restaurant, ou indirectement, en équivalent, sous forme de chèques-restaurant donnant droit à un repas dans un restaurant extérieur à l'entreprise, ou sous forme de chèques-repas tels que ceux émis par la demanderesse, répondant notamment à la condition que le nombre de chèques-repas corresponde au nombre de journées de travail effectives et que la valeur d'un chèque-repas corresponde au prix d'un repas normal; dès lors, en considérant que «le Roi n'a pas fixé de règle d'évaluation forfaitaire pour l'avantage social que constitue le chèque-repas» et que la valeur du chèque-repas s'identifie à son montant nominal, l'arrêt attaqué viole les articles 32ter du Code des impôts sur les revenus (1964) et 9quater, § 3, 8° et 6° de l'arrêté d'exécution du Code des impôts sur les revenus (1964).
IV. La décision de la Cour
Sur le troisième moyen:
Quant à la première branche:
Attendu que l'arrêt énonce à propos des chèques-repas «qu'il s'agit d'avantages de toute nature qui faisaient partie de la rémunération avant d'être qualifiés comme avantage(s) socia(ux) et [.] qui doivent, en vertu de l'article 36, alinéa 1er, du Code des impôts sur les revenus 1992, être évalués pour la valeur réelle qu'ils ont dans le chef du bénéficiaire» et «qu'il est injustifié de renvoyer à l'article 36, alinéa 2, du Code des impôts sur les revenus 1992 et à l'article 18, § 3, 8° et 6°, de l'arrêté royal d'exécution du Code des impôts sur les revenus 1992 pour évaluer forfaitairement la valeur du chèque-repas dans la mesure où l'article 18, § 1er, ne vise que les avantages de toute nature . visés aux §§ 2 et 3 et que les chèques-repas n'y sont pas repris»;
Que l'arrêt répond ainsi, en les contredisant, aux conclusions visées au moyen;
Qu'en cette branche, le moyen manque en fait;
Quant aux deuxième et troisième branches réunies:
Attendu qu'aux termes de l'article 32ter, alinéa 1er, du Code des impôts sur les revenus (1964), les avantages de toute nature qui sont obtenus autrement qu'en espèces sont comptés pour la valeur réelle qu'ils ont dans le chef du bénéficiaire;
Que suivant l'article 32ter, alinéa 2, du même code, dans les cas qu'Il détermine, le Roi peut fixer des règles d'évaluation forfaitaire de ces avantages;
Attendu que, d'une part, l'article 9quater de l'arrêté royal du 4 mars 1965 pris en exécution de l'article 32ter dudit code dispose, en son paragraphe 2, que, pour les avantages dont la valeur est déterminée par une réglementation sociale ou économique, la valeur à prendre en considération est égale à celle qui est fixée par cette réglementation;
Attendu qu'aux termes de l'article 20 de l'arrêté royal du 28 novembre 1969 pris en exécution de la loi du 27 juin 1969 révisant l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs, les avantages en nature font l'objet d'une évaluation en francs correspondant à leur valeur courante; que, toutefois, ce même article évalue la nourriture du deuxième repas (repas principal)à 44 francs;
Qu'en vertu de l'article 19, § 2, 11°, du même arrêté, la fourniture de repas à un prix inférieur au prix coûtant dans un restaurant d'entreprise n'est pas considérée comme une rémunération;
Que, suivant l'article 19bis, § 2, dudit arrêté, les chèques-repas ne sont pas considérés comme des rémunérations moyennant le respect des cinq conditions qu'il énonce;
Attendu qu'il ressort de ces dispositions que l'arrêté royal du 28 novembre 1969 ne fixe que la valeur des repas fournis dans un restaurant d'entreprise sans assimiler cet avantage à celui qui résulte de l'octroi de chèques-repas;
Que, s'agissant de ce dernier avantage, il détermine les cas dans lesquels celui-ci est considéré ou non comme une rémunération, sans qu'il puisse s'agir d'une évaluation forfaitaire au sens des articles 32ter du Code des impôts sur les revenus (1964)et 9quater, § 2, de l'arrêté royal du 4 mars 1965;
Attendu que, d'autre part, l'article 9quater, § 3, de cet arrêté royal évalue forfaitairement certains avantages de toute nature obtenus autrement qu'en espèces, en l'absence de réglementation sociale ou économique;
Qu'en ses points 6 et 8, ce paragraphe prévoit notamment que l'avantage consistant dans la fourniture gratuite de repas sociaux aux membres du personnel d'une entreprise est évalué forfaitairement à 44 francs;
Attendu que cette disposition n'est pas davantage applicable à l'avantage résultant de l'octroi de chèques-repas;
Qu'en ses deuxième et troisième branches, le moyen manque en droit;
Sur le premier moyen:
Attendu que l'arrêt considère que, «dans la mesure où l'octroi des chèques-repas ne constitue pas un avantage social au sens de l'article 41, § 4, du Code des impôts sur les revenus (1964), la [demanderesse] aurait dû déclarer l'avantage de toute nature résultant de l'octroi des chèques-repas dans les fiches individuelles et les relevés récapitulatifs prescrits en matière de précompte professionnel» et que «la déduction des avantages en nature à titre de frais professionnels devait dès lors être refusée à la [demanderesse] par application de l'article 47, § 1er, 2°, du Code des impôts sur les revenus (1964)»;
Attendu que cette considération, vainement critiquée par le troisième moyen, suffit à justifier légalement la décision de l'arrêt;
Que le moyen, qui ne saurait entraîner la cassation, est irrecevable;
Sur le deuxième moyen:
Attendu qu'il résulte de la réponse aux premier et troisième moyens que l'arrêt est légalement justifié sur la base des dispositions du Code des impôts sur les revenus (1964) et de son arrêté d'exécution;
Que le moyen est irrecevable;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi;
Condamne la demanderesse aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de trois cent deux euros et un centime payés par la demanderesse.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Claude Parmentier, les conseillers Didier Batselé, Albert Fettweis, Daniel Plas et Sylviane Velu, et prononcé en audience publique du huit mai deux mille trois par le président de section Claude Parmentier, en présence de l'avocat général André Henkes, avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.