N° C.00.0567.F
IMMOSMASH, s.a., et cons.,
demanderesses en cassation,
représentées par Maître Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation,
contre
M. M., et cons.,
N° C.01.0004.F
IMMOBILIERE DU BERCUIT, s.a.,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître John Kirkpatrick, avocat à la Cour de cassation,
contre
M. M.,
défenderesse en cassation,
représentée par Maître Pierre Van Ommeslaghe, avocat à la Cour de cassation,
en présence de
IMMOSMASH, s.a. et cons.,
parties appelées en déclaration d'arrêt commun.
I. La décision attaquée
Les pourvois en cassation sont dirigés contre l'arrêt rendu le 3 mai 2000 par la cour d'appel de Bruxelles.
II. La procédure devant la Cour
Le conseiller Sylviane Velu a fait rapport.
L'avocat général Xavier De Riemaecker a conclu.
III. Les faits
Tels qu'ils ressortent de l'arrêt attaqué et des pièces auxquelles la Cour peut avoir égard, les faits de la cause et les antécédents de la procédure peuvent être résumés succinctement comme suit :
En 1978, M. M. a acheté trois terrains contigus dans le lotissement d'un domaine sis à Grez-Doiceau et appartenant à la société Immobilière du Bercuit.
La société Immosmash a acquis en 1984 un terrain contigu à la propriété de M. M., sur lequel se trouvait la ferme du Bercuit, et y a fait construire un complexe de tennis, exploité par la société Tennis Club Le Châtaignier.
Par exploits signifiés le 9 juin 1986, M. M. cita les sociétés Immosmash et Immobilière du Bercuit ainsi que la commune de Grez-Doiceau, en invoquant que les constructions érigées par la société Immosmash n'étaient pas conformes aux prescriptions du permis de lotir du 19 septembre 1977 ni aux servitudes conventionnelles du lotissement. Sa demande tendait à entendre condamner la société Immosmash à cesser l'exploitation du centre sportif et à démolir les constructions, sous peine d'astreinte, et à entendre condamner in solidum les sociétés Immosmash et Immobilière du Bercuit au paiement de dommages et intérêts évalués provisoirement à 5.000.000 francs, le jugement devant être déclaré opposable à la commune. M. M. dirigea ensuite son action également contre la société Tennis Club Le Châtaignier, à laquelle la société Immosmash avait consenti un bail emphytéotique et qui était intervenue volontairement à la cause.
Par acte notarié du 22 mai 1992, M. M. fit donation à son fils, M. D., de ses biens immobiliers sis dans le domaine du Bercuit.
Après deux jugements rendus avant dire droit, le premier juge constata, par un jugement rendu le 27 mai 1993, que les constructions litigieuses n'étaient pas conformes au permis de lotir du 19 septembre 1977 et aux servitudes conventionnelles du lotissement. Considérant toutefois que la demande de réparation en nature présentait un caractère abusif, il condamna seulement in solidum les trois sociétés au paiement d'une somme provisionnelle de 200.000 francs et déclara le jugement commun à la commune.
La société Immobilière du Bercuit interjeta appel des trois jugements intervenus. Les deux autres sociétés, la commune et M. M. formèrent des appels incidents.
Par requête déposée le 12 avril 1996, M. D. intervint volontairement à la cause devant la cour d'appel, en déclarant se joindre aux demandes formées par sa mère.
Par l'arrêt attaqué, la cour d'appel a déclaré l'appel principal irrecevable en tant qu'il était dirigé contre les deux jugements rendus avant dire droit et a dit la requête en intervention volontaire de M. D. recevable uniquement dans la mesure où son intervention tendait à soutenir la thèse de sa mère ; déclarant seul fondé l'appel incident formé par M. M. contre le jugement du 27 mai 1993, la cour d'appel a condamné les sociétés Immosmash et Tennis Club Le Châtaignier à cesser l'exploitation du centre sportif, à démolir les constructions et à remettre les lieux dans leur état antérieur ; elle a condamné ces sociétés, in solidum avec la société Immobilière du Bercuit, à défaut de s'exécuter dans le délai prescrit, à payer une astreinte à M. M., cette dernière étant autorisée à faire démolir les constructions à leurs frais et la société Immobilière du Bercuit étant condamnée, in solidum avec elles, au remboursement de ces frais ; la cour d'appel a condamné enfin lesdites sociétés, in solidum avec la société Immobilière du Bercuit, à payer 180.000 francs à M. M. à titre de réparation des troubles de jouissance qu'elle avait subis au cours des six années précédant la donation, outre les intérêts et les dépens. L'arrêt a été déclaré commun à la commune de Grez-Doiceau.
IV. Les moyens de cassation
A l'appui du pourvoi inscrit sous le numéro C.00.0567.F du rôle général, les demanderesses présentent trois moyens libellés comme suit:
1. Premier moyen
Dispositions légales violées
- articles 17, 18, alinéa 1er, et 1042 du Code judiciaire;
- article 1165 du Code civil;
- article 1er de la loi hypothécaire du 16 décembre 1851 modifié par la loi du 8 juillet 1929.
Décisions et motifs critiqués
L'arrêt attaqué considère que la première défenderesse, bien que n'étant plus propriétaire de l'immeuble depuis le 22 mai 1992, avait intérêt et qualité pour relever, le 17 avril 1996, appel incident du jugement du 27 mai 1993 qui l'a déboutée de sa demande tendant à la cessation de l'exploitation des tennis et à la démolition des bâtiments érigés en méconnaissance des prescriptions urbanistiques applicables, aux motifs que «l'intérêt à agir en justice doit exister au moment de l'introduction de la demande et que les événements postérieurs à l'acte introductif d'instance demeurent, en principe, sans incidence sur la régularité de la procédure et sa poursuite; que [la première défenderesse] avait intérêt et qualité pour former la demande introduite devant le premier juge, [la première défenderesse] étant, à l'époque, propriétaire des biens et faisant état d'un important préjudice résultant du non-respect des prescriptions urbanistiques régissant le lotissement; qu'après la donation de ses biens, elle conserve intérêt pour poursuivre l'action qu'elle a mise en ouvre, la qualité, en ce qui la concerne, se confondant avec l'intérêt, ayant agi en son nom personnel; qu'il n'appartient pas aux sociétés précitées de soulever le manque d'intérêt et de qualité de [la première défenderesse], sous peine de violer l'article 1165 du Code civil, puisqu'elles devraient, pour ce faire, se prévaloir des effets internes d'un accord existant peut-être entre [la première défenderesse] et son fils; que si ces sociétés peuvent se prévaloir de l'existence du contrat, ses conséquences internes leur restent totalement étrangères; qu'il faut, d'autre part, souligner l'inconséquence de ces sociétés qui poursuivent dans l'instance d'appel la réformation des décisions attaquées à l'égard de [la première défenderesse], alors que, dans leur thèse, celle-ci ne devrait plus être à la cause avec la conséquence qu'elles auraient dû citer [le défendeur] en reprise d'instance».
Griefs
1.1. Première branche
L'article 17 du Code judiciaire dispose que l'action ne peut être admise si le demandeur n'a pas qualité et intérêt pour la former, l'article 18, alinéa 1er, du même code dispose que l'intérêt doit être né et actuel et l'article 1042 du même code dispose que les règles relatives à l'instance sont applicables aux voies de recours.
Le défaut d'intérêt et de qualité d'un demandeur ne peut certes être déduit de la seule circonstance que, soit au moment de l'intentement d'une action relative à la réparation d'un dommage qu'il a subi antérieurement en qualité de propriétaire d'un immeuble, il n'en est plus propriétaire, soit qu'il cesse de l'être en cours de procédure. Ce demandeur ne conserve un intérêt direct et certain à exercer l'action ou à poursuivre l'exercice de l'action, que lorsque sa demande tend à la réparation du dommage passé subi par lui pendant la période où il était propriétaire de l'immeuble. En revanche, son intérêt à agir ou à poursuivre l'exercice de l'action, et notamment à former appel, fait défaut lorsque sa demande tend à la réparation du dommage subi ou à subir par l'actuel propriétaire.
En l'espèce, la première défenderesse, bien que n'étant plus propriétaire du bien depuis le 22 mai 1992, a, le 17 avril 1996, relevé appel incident des trois jugements entrepris et notamment du jugement du 27 mai 1993 en vue de demander, à titre principal, la cessation de l'exploitation des tennis et la démolition des bâtiments érigés en méconnaissance des prescriptions urbanistiques applicables et, à titre complémentaire, la réparation par équivalent du préjudice passé et subsidiairement du préjudice passé limité à la période précédant la donation par elle de l'immeuble à son fils. Son intérêt à agir et donc son intérêt pour former appel était limité à la demande de réparation par équivalent du préjudice qu'elle avait personnellement subi avant cette donation. Cet intérêt à agir faisait défaut en tant qu'il portait sur la demande de réparation en nature, laquelle ne concernait que le préjudice futur subi par son fils, actuel propriétaire, et non le préjudice passé subi par elle lorsqu'elle était propriétaire de l'immeuble.
L'arrêt attaqué ne constate ni les éléments constitutifs ni partant l'existence d'un intérêt moral dont pourrait se prévaloir la première défenderesse pour former appel contre les jugements entrepris, en tant que le troisième jugement la déboute de sa demande de réparation en nature, intérêt moral qui serait distinct de l'intérêt prétendu qu'elle aurait à poursuivre une procédure tendant à obtenir la réparation en nature d'un dommage futur subi non par elle mais par son fils.
Il s'ensuit qu'en admettant le maintien de l'intérêt à agir de la défenderesse et, par voie de conséquence, son intérêt pour former appel relativement à la demande de réparation en nature qu'elle sollicitait, l'arrêt attaqué viole les articles 17, 18, alinéa 1er, et 1042 du Code judiciaire.
1.2. Deuxième branche
Si, en vertu de l'article 1165 du Code civil, les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes, ce principe ne règle que les droits et obligations qui procèdent des conventions. Il ne fait pas obstacle à ce que des tiers se prévalent de l'existence des conventions dont les parties contractantes se prévalent elles-mêmes à l'égard de ces tiers.
En invoquant la donation intervenue pour dénier la qualité et l'intérêt de la première défenderesse qui requérait, pour le futur, une condamnation en nature, les demanderesses ne se prévalaient par des effets internes de cette convention mais bien de l'existence de cette convention et de son effet externe, à savoir la transmission de propriété invoquée par les parties contractantes elles-mêmes et par surcroît opposable aux tiers par l'effet de sa transcription conformément à l'article 1er de la loi hypothécaire.
Il s'ensuit qu'en considérant qu'il n'appartenait pas aux demanderesses de soulever le manque d'intérêt et de qualité de la première défenderesse, sous peine de violer l'article 1165 du Code civil, au motif qu'elles devraient, pour ce faire, se prévaloir des effets internes de la convention de donation existant entre la première défenderesse et son fils, l'arrêt attaqué fait une mauvaise application du principe de la relativité des conventions, méconnaît ce principe et viole donc l'article 1165 du Code civil et, pour autant que de besoin, l'article 1er de la loi hypothécaire.
1.3. Troisième branche
Il n'incombe pas à la partie défenderesse ou intimée qui conteste, comme exception ou défense opposée à l'action ou à l'appel dirigés contre elle, l'intérêt et la qualité à agir du demandeur, de prendre l'initiative de citer en reprise d'instance la partie tierce qui, dans cette thèse, aurait seule qualité et intérêt actuels pour agir. C'est à cette tierce partie qu'incombe l'initiative de mettre en ouvre, soit par une nouvelle citation, soit le cas échéant par une reprise d'instance, l'action dont elle est devenue titulaire.
Il s'ensuit qu'en relevant «l'inconséquence des (demanderesses) qui poursuivent dans l'instance d'appel la réformation des décisions attaquées à l'égard de la [première défenderesse], alors que, dans leur thèse, celle-ci ne devrait plus être à la cause avec la conséquence qu'elles auraient dû citer [le défendeur] en reprise d'instance», l'arrêt attaqué viole les articles 17, 18, alinéa 1er, et 1042 du Code judiciaire.
2. Deuxième moyen
Dispositions légales violées
- articles 1382 et 1383 du Code civil;
- article 67 de la loi du 29 mars 1962 organique de l'aménagement du territoire et de l'urbanisme;
- article 157 du Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme et du patrimoine du 14 mai 1984 (C.W.A.T.U.P.).
Décisions et motifs critiqués
L'arrêt attaqué, après avoir constaté que la première défenderesse a fait donation à son fils de ses biens sis dans le domaine du Bercuit aux termes d'un acte reçu par notaire le 22 mai 1992 et qu'elle n'a pu subir de dommage réparable après la date de la donation de l'immeuble, décide que la défenderesse «est fondée à demander, sur la base de l'article 67 de la loi du 29 mars 1962, la réparation en nature» et condamne par conséquent les [demanderesses] à cesser l'exploitation du centre sportif de tennis Le Châtaignier dans le domaine du Bercuit, à démolir les constructions érigées en contravention aux prescriptions d'urbanisme du permis de lotir du 19 septembre 1977 et à remettre les lieux dans leur état antérieur dans les six mois de sa signification.
Griefs
2.1. Première branche
Les articles 1382 et 1383 du Code civil obligent celui qui, par sa faute, a causé à autrui un dommage, à le réparer intégralement, ce qui implique que la partie lésée doit se retrouver dans la situation dans laquelle elle se serait trouvée si la faute qu'elle allègue n'avait pas été commise. Il en résulte que le juge doit accorder à la partie lésée la réparation de tout le dommage mais uniquement de ce dommage, et que le juge ne peut lui accorder la réparation d'un dommage qu'elle n'a pas personnellement subi.
En l'espèce, l'arrêt constate que la première défenderesse a fait, aux termes d'un acte reçu par notaire le 22 mai 1992, donation à son fils de ses biens sis dans le domaine du Bercuit et a donc cessé d'en être propriétaire. Depuis cette date, elle n'a pu subir et ne subira pas dans l'avenir de dommage personnel dû à l'exploitation du centre sportif et à la présence des constructions, ni du fait de troubles de jouissance, ce que l'arrêt attaqué admet en limitant la réparation, sous la forme de dommages et intérêts, du dommage subi du fait de troubles de jouissance, à la période antérieure à la donation, ni du fait de la perte de valeur de la propriété.
La cessation de l'exploitation du centre sportif et la démolition des bâtiments sont de nature à réparer exclusivement le dommage à subir
dans le futur par le fils de la première défenderesse, actuel propriétaire des biens.
Il s'ensuit qu'en condamnant les demanderesses à la cessation de l'exploitation du centre sportif et à la démolition des constructions, l'arrêt attaqué accorde à la première défenderesse la réparation d'un dommage qu'elle n'a pas personnellement subi et viole par conséquent les articles 1382 et 1383 du Code civil.
2.2. Seconde branche
En vertu des articles 67 de la loi organique du 29 mars 1962 et 157 du C.W.A.T.U.P., le tiers lésé peut demander la remise des lieux en état. La première défenderesse, qui n'est plus propriétaire des biens sis dans le domaine du Bercuit ni voisine du centre sportif, ne peut plus être considérée comme un tiers lésé, au sens des articles 67 de la loi organique du 29 mars 1962 et 157 du C.W.A.T.U.P., à la demande duquel la remise des lieux en état peut être ordonnée.
Il s'ensuit qu'en considérant que la première défenderesse «est fondée à demander, sur la base de l'article 67 de la loi du 29 mars 1962, la réparation en nature», l'arrêt attaqué viole les articles 67 de la loi organique du 29 mars 1962 et 157 du C.W.A.T.U.P.
3. Troisième moyen
Dispositions légales violées
Articles 1382 et 1383 du Code civil.
Décisions et motifs critiqués
L'arrêt attaqué, après avoir constaté que «l'aménagement de tennis couverts constitue un équipement communautaire autorisé dans la zone», qu'«en construisant un hall dont les dimensions et le volume sont manifestement supérieurs de plus du double à l'ancien bâtiment, (les demanderesses) ont méconnu la seule prescription urbanistique qui devait être respectée, à savoir les limites du gabarit de la ferme du Bercuit», que «la seule circonstance, pour les (demanderesses), d'exercer une activité commerciale dans une zone réservée aux habitations groupées ne constitue pas une violation des prescriptions d'urbanisme» et qu'il n'est pas établi que les mesures édictées par le permis de bâtir pour lutter contre les nuisances sonores n'auraient pas été prises, décide que la défenderesse était fondée à se plaindre de «la présence du centre de tennis couvert - le bâtiment construit étant d'un type industriel en tôles ondulées [.] -, [dénaturant] totalement le caractère de standing et de lotissement hautement résidentiel des propriétés qui l'entourent et dévalorisant sa propriété» et «des nuisances sonores résultant de l'exploitation à caractère commercial de ce centre sportif (bruits d'échanges de balles le jour, soirées organisées ou dansantes visant à animer le centre, trafic important des voitures, etc.)», et qu'elle pouvait obtenir la réparation de ce préjudice résultant selon l'arrêt attaqué de la violation par les demanderesses des prescriptions d'urbanisme.
Griefs
Le juge du fond ne peut accorder la réparation d'un dommage que s'il établit l'existence d'un lien de causalité entre la faute constatée et le dommage subi. Le juge du fond ne peut légalement retenir l'existence de ce lien de causalité que s'il ressort de ses constatations que le dommage, tel qu'il s'est produit, ne se serait pas produit de la même manière sans cette faute.
En l'espèce, l'arrêt attaqué affirme sans doute que le dommage subi par la première défenderesse résulte de la violation par les demanderesses des prescriptions urbanistiques.
Il ressort toutefois des constatations mêmes de l'arrêt attaqué que la faute des demanderesses est uniquement celle d'avoir construit un hall dont les dimensions et le volume sont manifestement supérieurs de plus du double à l'ancien bâtiment, et d'avoir ainsi méconnu la seule prescription urbanistique qui devait être respectée, à savoir les limites du gabarit de la ferme du Bercuit. Il résulte également de l'arrêt attaqué que le dommage dont il ordonne la réparation est celui qui résulte non seulement de la présence de l'immeuble litigieux et de son gabarit irrégulier, mais aussi de la dévalorisation du bien voisin en raison des caractéristiques esthétiques de l'immeuble et des nuisances sonores résultant de l'exploitation commerciale qui y est exercée. Les caractéristiques esthétiques de l'immeuble et les nuisances sonores liées à son exploitation ne constituent pas, selon l'arrêt attaqué, des faits fautifs dans le chef des demanderesses et le dommage en résultant se serait produit de la même manière en l'absence du seul fait fautif imputé aux demanderesses.
Il s'ensuit que l'arrêt attaqué, en ordonnant la réparation d'un dommage qui, au moins en partie, ne procède pas de la faute reprochée aux demanderesses, viole la notion légale de la causalité nécessaire liant la faute et le dommage (violation des articles 1382 et 1383 du Code civil).
A l'appui du pourvoi inscrit sous le numéro C.01.0004.F du rôle général, la demanderesse présente six moyens libellés comme suit:
1. Premier moyen
Dispositions légales violées
- article 149 de la Constitution;
- articles 17, 18, alinéa 1er, 815, 816, 1050, 1054 et, pour autant que de besoin, 1042 du Code judiciaire;
- article 1165 du Code civil;
- article 1er, alinéa 1er, de la loi hypothécaire du 16 décembre 1851.
Décisions et motifs critiqués
Après avoir constaté que la demanderesse était propriétaire à Grez-Doiceau d'un terrain faisant partie du domaine du Bercuit, qui fit l'objet d'un plan de lotissement et d'un acte de division; que la défenderesse acheta en 1978 trois terrains contigus dans le domaine du Bercuit; que, par acte du 9 juillet 1984, la [première partie appelée en déclaration d'arrêt commun] a acquis de la demanderesse un terrain contigu à la propriété de la défenderesse pour y édifier un complexe sportif, comprenant un foyer («club house»), trois tennis couverts et cinq tennis en plein air, pour lequel elle avait obtenu un permis de bâtir le 2 mai 1984; que ce permis imposait à la [première partie appelée en déclaration d'arrêt commun] de respecter les prescriptions urbanistiques du permis de lotir et de prendre les mesures qui s'imposaient en vue de lutter contre le bruit; que le centre sportif est exploité par la [deuxième partie appelée en déclaration d'arrêt commun] en vertu d'un bail emphytéotique; que la défenderesse a assigné la demanderesse et les sociétés précitées devant le premier juge pour faire constater que les constructions érigées par la [première partie appelée en déclaration d'arrêt commun] n'étaient pas conformes au permis de lotir et aux servitudes conventionnelles du lotissement, faire condamner les [première et deuxième parties appelées en déclaration d'arrêt commun] à cesser l'exploitation du centre sportif et à démolir les constructions érigées en contravention aux prescriptions du permis de lotir et faire condamner les sociétés précitées et la demanderesse à lui payer des dommages et intérêts; que, par jugement du 27 mai 1993, le premier juge a considéré que les constructions érigées par la [première partie appelée en déclaration d'arrêt commun] n'étaient pas conformes aux prescriptions urbanistiques régissant le lotissement et que le permis de bâtir était irrégulier mais qu'il serait abusif d'autoriser la réparation en nature; que le premier juge a condamné la demanderesse et les [première et deuxième parties appelées en déclaration d'arrêt commun], in solidum, à payer à la défenderesse une somme de 200.000 francs à titre provisionnel; que la demanderesse a interjeté appel; que, par conclusions déposées au greffe de la cour d'appel les 17 avril et 26 août 1996, la défenderesse et les [première et deuxième parties appelées en déclaration d'arrêt commun] ont formé des appels incidents; que, par son appel incident, la défenderesse «poursuit les fins de sa demande originaire, dans la mesure où le premier juge a refusé la réparation en nature»; que «par requête en intervention volontaire déposée au greffe de la cour [d'appel] le 12 avril 1996, [la quatrième partie appelée en déclaration d'arrêt commun], fils de la [défenderesse] et de feu son mari, expose que sa mère lui a fait donation de ses biens sis dans le domaine du Bercuit aux termes d'un acte reçu le 22 mai 1992 par le notaire D., qu'il est dès lors en droit de voir condamner à titre principal [les première et deuxième parties appelées en déclaration d'arrêt commun] à démolir le hall de sport et les terrains jouxtant sa propriété; qu'il déclare intervenir volontairement à la cause pour se joindre aux demandes formulées par sa mère»,
et après avoir décidé que l'intervention volontaire de [la quatrième partie appelée en déclaration d'arrêt commun] dans l'instance d'appel n'est pas recevable, en vertu de l'article 812, alinéa 2, du Code judiciaire, «en ce qu'elle tend à diverses condamnations in solidum des [première et deuxième parties appelées en déclaration d'arrêt commun] et (de la demanderesse)» mais est recevable «dans la mesure où [la quatrième partie appelée en déclaration d'arrêt commun] se borne, dans l'instance d'appel, à soutenir les prétentions de sa mère»,
l'arrêt attaqué déclare recevable l'appel incident de la défenderesse, en tant que celui-ci est dirigé contre la décision du premier juge de la débouter de sa demande en cessation d'exploitation du club de tennis et en démolition des bâtiments érigés en méconnaissance des prescriptions urbanistiques du permis de lotir,
aux motifs «que (la défenderesse) admet (.) que, par l'effet de la donation des biens situés dans le domaine du Bercuit, son fils, [la quatrième partie appelée en déclaration d'arrêt commun], est actuellement titulaire du droit d'exercer les actions qu'elle a formées, ces actions étant les accessoires de ces biens; qu'elle fait cependant valoir qu'elle avait qualité et intérêt pour former la demande devant le premier juge et que la modification de sa situation au cours de la procédure n'a aucune incidence sur l'appréciation, dans son chef, des conditions de l'action telles qu'elles résultent des articles 17 et 18 du Code judiciaire; que cette thèse doit être admise; qu'en effet, l'intérêt à agir en justice doit exister au moment de l'introduction de la demande et les événements postérieurs à l'acte introductif d'instance demeurent, en principe, sans incidence sur la régularité de la procédure et sa poursuite; que les [première et deuxième parties appelées en déclaration d'arrêt commun] et (la demanderesse) ne contestent pas que (la défenderesse) avait intérêt et qualité pour former la demande introduite devant le premier juge, (la défenderesse) étant à l'époque propriétaire des biens et faisant état d'un important préjudice résultant du non-respect des prescriptions urbanistiques régissant le lotissement; qu'après la donation de ses biens, elle conserve intérêt pour poursuivre l'action qu'elle a mise en ouvre, la qualité, en ce qui la concerne, se confondant avec l'intérêt, ayant agi en son nom personnel; que surabondamment, d'une part, (.) il n'appartient pas aux sociétés précitées de soulever le manque d'intérêt et de qualité de (la défenderesse), sous peine de violer l'article 1165 du Code civil, puisqu'elles devraient, pour ce faire, se prévaloir des effets internes d'un accord existant peut-être entre (la défenderesse) et son fils; que si ces sociétés peuvent se prévaloir de l'existence du contrat, ses conséquences internes leur restent totalement étrangères; qu'il faut, d'autre part, souligner l'inconséquence de ces sociétés qui poursuivent dans l'instance d'appel la réformation des décisions attaquées à l'égard de (la défenderesse), alors que dans leur thèse, celle-ci ne devrait plus être à la cause avec la conséquence qu'elles auraient dû citer [la quatrième partie appelée en déclaration d'arrêt commun] en reprise d'instance; que (la défenderesse) avait intérêt et qualité pour relever appel incident du jugement du 27 mai 1993; (.) que (la défenderesse) demandait au premier juge, à titre principal, d'ordonner la cessation de l'exploitation des tennis et la démolition des bâtiments érigés en méconnaissance des prescriptions urbanistiques applicables; que le premier juge l'a déboutée de cette demande qu'il a considérée comme abusive; que n'ayant pas obtenu ce qu'elle demandait, (la défenderesse) était recevable à relever appel de cette décision définitive et à soumettre sa prétention au juge d'appel».
Griefs
1.1. Première branche
La partie qui forme un appel, principal ou incident, sur pied des articles 1050 et 1054 du Code judiciaire, doit posséder la qualité et l'intérêt pour former ce recours. Cet intérêt doit être né et actuel, en vertu des articles 17 et 18, alinéa 1er, dudit code, applicables à l'instance d'appel en vertu de l'article 1042 dudit code. Une partie qui possédait la qualité et l'intérêt requis pour former une demande devant le premier juge ne conserve pas nécessairement la qualité et l'intérêt requis pour former appel de la décision du premier juge qui la déboute de sa demande. Une partie qui, en sa qualité de propriétaire d'un bien immobilier, agit devant le premier juge pour demander la cessation de l'activité exercée sur un fonds voisin et la démolition des constructions érigées sur ledit fonds, n'a pas l'intérêt requis pour interjeter appel de la décision du premier juge qui la déboute de cette demande, si, avant son acte d'appel, elle a cédé la propriété du bien immobilier qui fondait son intérêt à exercer l'action précitée.
En l'espèce, il ressort des constatations de l'arrêt attaqué:
(1) que la défenderesse était propriétaire de biens immobiliers contigus à la parcelle acquise à la demanderesse par la [première partie appelée en déclaration d'arrêt commun], sur laquelle furent construits un hall de tennis couvert avec un foyer («club house») et des tennis en plein air, exploités par la [deuxième partie appelée en déclaration d'arrêt commun];
(2) que la défenderesse possédait la qualité et l'intérêt requis pour demander au premier juge la cessation de l'activité exercée sur ladite parcelle contiguë à la sienne et la démolition des constructions qui y étaient érigées;
(3) que la défenderesse a été déboutée de cette demande par jugement rendu le 27 mai 1993;
(4) qu'entre-temps, la défenderesse a fait donation de sa propriété immobilière à son fils, par acte notarié du 22 mai 1992.
Il se déduit de ces constatations que, par l'effet de cette donation, la défenderesse n'était plus propriétaire de biens immobiliers voisins de celui sur lequel étaient érigées les constructions en cause et sur lequel avait lieu l'exploitation du club de tennis, avant même que soit rendu le jugement contre lequel elle a formé un appel incident tendant notamment à obtenir, en degré d'appel, la démolition des constructions et la cessation de l'exploitation qui avaient été refusées par le premier juge. N'ayant plus, depuis lors, la qualité de propriétaire d'un bien immobilier voisin, la défenderesse n'avait pas la qualité et l'intérêt légalement requis pour interjeter appel du jugement du premier juge en tant que celui-ci l'a déboutée de sa demande tendant
à la démolition des constructions et à la cessation d'activité.
En décidant que la défenderesse «avait intérêt et qualité pour relever appel du jugement du 27 mai 1993», en tant que ce jugement l'avait déboutée de sa demande de cessation d'activité du club de tennis et de démolition des constructions, aux motifs qu'elle avait possédé l'intérêt et la qualité requis pour agir devant le premier juge, puisqu'elle était propriétaire de biens immobiliers voisins lorsqu'elle a introduit son action devant le premier juge, et «qu'après la donation de ses biens, elle conserve son intérêt pour poursuivre l'action qu'elle a mise en ouvre, la qualité, en ce qui la concerne, se confondant avec l'intérêt, ayant agi en son nom personnel», l'arrêt attaqué méconnaît les effets du transfert de propriété de l'immeuble de la défenderesse à son fils, réalisé le 22 mai 1992, sur la qualité et l'intérêt de celle-ci à interjeter appel du jugement du 27 mai 1993 (violation des articles 17, 18, alinéa 1er, 1050 et 1054 du Code judiciaire et, pour autant que de besoin, violation de l'article 1042 dudit code).
1.2. Deuxième branche
L'arrêt attaqué admet, d'une part, que «par l'effet de la donation des biens situés dans le domaine du Bercuit, (le) fils (de la défenderesse), [la quatrième partie appelée en déclaration d'arrêt commun], est actuellement titulaire du droit d'exercer les actions que (la défenderesse) a formées, ces actions étant les accessoires des biens», et considère, d'autre part, «qu'après la donation de ses biens, (la défenderesse) conserve intérêt pour poursuivre l'action qu'elle a mise en ouvre». Ces motifs sont contradictoires. L'arrêt attaqué n'est dès lors pas régulièrement motivé (violation de l'article 149 de la Constitution).
1.3. Troisième branche
Selon l'article 1165 du Code civil, «les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes; elles ne nuisent point aux tiers, et elles ne leur profitent que dans le cas» de la stipulation pour autrui. Cet article n'interdit pas à un tiers d'invoquer l'existence d'un contrat et les effets que celui-ci a produits sur le patrimoine des parties contractantes, à l'appui de sa défense contre une demande dirigée contre lui par l'une de ces parties. En vertu de l'article 1er de la loi hypothécaire, un acte translatif de droits réels immobiliers transcrit dans le registre de la conservation des hypothèques est opposable aux tiers, lesquels peuvent se prévaloir de son existence.
En faisant valoir que la défenderesse avait, avant la décision du premier juge, transféré à son fils, par donation constatée devant notaire, la propriété des biens immobiliers qu'elle possédait dans le domaine du Bercuit et sur laquelle elle avait fondé son action en cessation de l'exploitation du club de tennis érigé sur le fonds contigu et en démolition des constructions, et qu'elle ne possédait dès lors pas la qualité et l'intérêt requis pour interjeter appel de la décision du premier juge qui l'avait déboutée de cette action, la demanderesse et les [première et deuxième parties appelées en déclaration d'arrêt commun] n'invoquaient pas à leur profit les effets internes de la donation, convention à laquelle elles n'étaient pas parties, mais se prévalaient de l'existence de cette convention et de ses effets sur le patrimoine des parties pour se défendre contre l'action exercée contre elles par la défenderesse.
En décidant que la défenderesse «avait intérêt et qualité pour relever appel du jugement du 27 mai 1993» en tant que celui-ci l'a déboutée de sa demande en cessation de l'exploitation du club de tennis et en démolition des constructions, bien qu'elle ne fût plus, au moment de son appel, propriétaire de biens immobiliers voisins pour en avoir fait la donation à son fils par acte notarié, pour le motif «qu'il n'appartient pas [aux première et deuxième parties appelées en déclaration d'arrêt commun] (et à la demanderesse) de soulever le manque d'intérêt et de qualité de (la défenderesse) sous peine de violer l'article 1165 du Code civil, puisqu'elles devraient pour ce faire se prévaloir des effets internes d'un accord existant peut-être entre (la défenderesse) et son fils; que si ces sociétés peuvent se prévaloir de l'existence du contrat, ses conséquences internes lui restent totalement étrangères», l'arrêt attaqué viole les articles 1165 du Code civil et 1er, alinéa 1er, de la loi hypothécaire.
1.4. Quatrième branche
Il n'y a lieu à reprise d'instance, volontaire ou forcée, que lorsque l'instance a été interrompue par l'une des causes visées à l'article 815 du Code judiciaire (le décès d'une partie, son changement d'état, la modification de la qualité en laquelle elle a agi), dont le notification a été faite en cours d'instance ( articles 815 et 816 du Code judiciaire).
En l'espèce, il ressort des constatations de l'arrêt attaqué que la demanderesse a cessé d'être propriétaire des biens immobiliers voisins du club de tennis avant la décision du premier juge. Cette circonstance ne constitue pas une modification de la qualité en laquelle la défenderesse a agi, au sens de l'article 815 du Code judiciaire. Au surplus, cette circonstance s'est produite avant l'instance d'appel et non pendant cette instance. Il n'y a donc eu ni interruption de l'instance d'appel, ni partant motif à reprise d'instance.
En considérant que les [première et deuxième parties appelées en déclaration d'arrêt commun] et la demanderesse font preuve d'« inconséquence» en poursuivant «dans l'instance d'appel la réformation des décisions attaquées à l'égard de la (défenderesse), alors que, dans leur thèse, celle-ci ne devait plus être à la cause avec la conséquence qu'elles auraient dû citer [la quatrième partie appelée en déclaration d'arrêt commun] en reprise d'instance», l'arrêt attaqué viole les articles 815 et 816 du Code judiciaire applicables à l'instance d'appel en vertu de l'article 1042 du même code (violation desdites dispositions légales).
En outre, le défendeur à une action intentée contre lui n'a aucune obligation de citer en reprise d'instance la partie qui aurait eu qualité à agir contre lui, dans le cas où il conteste que le demandeur possède cette qualité.
En considérant que la demanderesse aurait dû citer [la quatrième partie appelée en déclaration d'arrêt commun] en reprise d'instance, l'arrêt attaqué viole l'article 816, alinéa 2, du Code judiciaire, applicable à l'instance d'appel en vertu de l'article 1042 du même code (violation de ces deux dispositions légales).
2. Deuxième moyen
Dispositions légales violées
- article 149 de la Constitution;
- articles 637, 639, 686, 1382 et 1383 du Code civil;
- articles 64, 65 et 67 de la loi du 29 mars 1962 organique de l'aménagement du territoire et de l'urbanisme;
- articles 154, alinéa 1er, 4, 155, §§ 2, 3, 4, et 157 du Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme et du patrimoine (CWATUP) du 14 mai 1984, tel que modifié par le décret du 27 novembre 1997.
Décisions et motifs critiqués
Après avoir constaté que la demanderesse était propriétaire d'une partie des terrains formant le domaine du Bercuit, sis à Grez-Doiceau, qui a fait l'objet d'un plan de lotissement et d'un acte de division; que le permis de lotir contenait des prescriptions urbanistiques; que la défenderesse a acquis en 1978 trois terrains contigus dans ce domaine; que, par acte du 9 juillet 1984, la [première partie appelée en déclaration d'arrêt commun] a acquis de la demanderesse un terrain contigu à la propriété de la défenderesse pour y édifier un complexe sportif comprenant un foyer ('club house'), trois tennis couverts et cinq tennis en plein air, pour lequel elle avait obtenu un permis de bâtir le 2 mai 1984; que la défenderesse cita devant le premier juge la demanderesse, la [première partie appelée en déclaration d'arrêt commun et la troisième partie appelée en déclaration d'arrêt commun] qui avait délivré le permis de bâtir, pour faire constater que le permis de bâtir n'était pas conforme aux prescriptions urbanistiques du permis de lotir et aux servitudes conventionnelles du lotissement, faire condamner la [première partie appelée en déclaration d'arrêt commun] à cesser l'exploitation du club de tennis et à démolir les constructions, sous peine d'astreinte, et faire condamner la [première partie appelée en déclaration d'arrêt commun] et la demanderesse à des dommages et intérêts; que la [deuxième partie appelée en déclaration d'arrêt commun] est intervenue volontairement devant le premier juge, étant la seule exploitante du club de tennis en vertu d'un bail emphytéotique; que la défenderesse a fait donation à son fils, [la quatrième partie appelée en déclaration d'arrêt commun], de ses biens sis dans le domaine du Bercuit, aux termes d'un acte reçu le 22 mai 1992 par le notaire D.,
l'arrêt attaqué «condamne les [première et deuxième parties appelées en déclaration d'arrêt commun] à cesser l'exploitation du centre sportif de tennis Le Châtaignier dans le domaine du Bercuit, à démolir les constructions érigées en contravention aux prescriptions d'urbanisme du permis de lotir du 19 septembre 1977 et à remettre les lieux dans leur état antérieur dans les six mois de la signification de l'arrêt; les condamne, à défaut de s'exécuter volontairement dans ce délai, in solidum avec la (demanderesse), à payer à (la défenderesse) 200.000 francs par jour de retard à titre d'astreinte; autorise, dans la même hypothèse, (la défenderesse) à faire démolir les constructions aux frais, risques et périls des [première et deuxième parties appelées en déclaration d'arrêt commun] (.); condamne dans la même hypothèse la (demanderesse) à rembourser à (la défenderesse), in solidum avec les [première et deuxième parties appelées en déclaration d'arrêt commun], les frais de démolition exposés par (la défenderesse)»,
aux motifs «que (la défenderesse) considère avec raison que la présence du centre de tennis couvert - le bâtiment construit étant d'un type industriel en tôles ondulées - dénature totalement le caractère de standing et de lotissement hautement résidentiel des propriétés qui l'entourent et dévalorise sa propriété, contiguë au terrain sur lequel il a été construit; qu'elle peut incriminer les nuisances sonores résultant de l'exploitation à caractère commercial de ce centre sportif (bruits d'échanges de balles le jour, soirées organisées ou dansantes visant à animer le centre, trafic important des voitures, etc.), alors que les dispositions régissant le domaine du Bercuit tendent toutes à créer un lotissement résidentiel de haut standing et à assurer aux propriétaires le calme et la tranquillité; que (la défenderesse) puise dans les dispositions régissant le domaine du Bercuit, insérées dans les actes de vente, un droit au respect de ces avantages érigés par lesdites dispositions non seulement en servitudes d'utilité publique mais en servitudes conventionnelles s'imposant à tous les propriétaires de parcelles dans le lotissement; [.] que (la défenderesse) demande, d'une part, la suppression d'un état de fait contraire aux dispositions d'urbanisme régissant le lotissement, dont la violation a créé une situation illicite, et, d'autre part, la restauration des droits violés et la protection de ces droits pour l'avenir; que la violation des prescriptions d'urbanisme apparaît importante (.); que (la défenderesse) est fondée à demander, sur la base de l'article 67 de la loi du 19 mars 1962, la réparation en nature; qu'il y a lieu de faire droit à sa demande principale; qu'il est constant que (la défenderesse) a subi des troubles de jouissance depuis l'exploitation du centre de tennis jusqu'au moment où elle a fait donation des biens contigus audit centre à son fils; (.) que le préjudice subi justifie qu'une indemnité de 30.000 francs par an lui soit allouée», et ce pendant six ans.
Griefs
2.1. Première branche
L'arrêt attaqué considère, d'une part, «que [la défenderesse] a subi des troubles de jouissance depuis l'exploitation du centre de tennis jusqu'au moment où elle a fait donation des biens contigus audit centre à son fils» par acte notarié du 22 mai 1992, raison pour laquelle elle ne peut obtenir une indemnité pour troubles de jouissance que pendant une période limitée à six ans. L'arrêt attaqué considère, d'autre part, que la défenderesse a droit à «la protection pour l'avenir» des avantages découlant des dispositions urbanistiques du permis de lotir au profit de tous les propriétaires de parcelles dudit lotissement (résidence de haut standing, calme et tranquillité), raison pour laquelle elle peut obtenir la cessation de l'activité du club de tennis et la démolition des constructions. L'arrêt attaqué considère ainsi, d'une part, que la défenderesse n'a pas subi de troubles de jouissance au-delà du 22 mai 1992 parce qu'à partir de cette date elle n'était plus propriétaire de biens immobiliers dans le domaine du Bercuit et, d'autre part, qu'en sa qualité de propriétaire de biens immobiliers dans ledit domaine, elle subira des troubles de jouissance dans l'avenir. Ces motifs sont contradictoires. L'arrêt attaqué n'est dès lors pas régulièrement motivé (violation de l'article 149 de la Constitution).
2.2. Deuxième branche
Saisi d'une action en réparation d'un dommage causé par une faute, le juge ne peut allouer la réparation d'un préjudice inexistant (articles 1382 et 1383 du Code civil). Lorsque le propriétaire d'un bien immobilier agit en réparation du dommage qu'il prétend subir, dans la jouissance de sa propriété, du fait de constructions érigées fautivement sur le fonds contigu au sien par le propriétaire voisin ou du fait de l'activité exercée fautivement sur ledit fonds contigu, le juge ne peut légalement condamner le propriétaire dudit fonds contigu à démolir les constructions ou l'exploitant à cesser l'activité exercée sur ledit fonds, à titre de réparation en nature du préjudice prétendument subi, s'il constate que le demandeur à l'action n'est plus propriétaire du bien immobilier sur lequel il fondait son action pour l'avoir cédé à un tiers. En effet, n'étant plus propriétaire dudit bien immobilier, le demandeur à l'action ne peut plus subir de préjudice du fait de la présence de constructions sur un fonds dont il n'est plus le voisin ou du fait de l'activité exercée sur un tel fonds. Certes, un préjudice peut subsister dans le chef de cet ancien propriétaire, pour ce qui concerne le passé (trouble de jouissance passé ou moins-value réalisée en cas de vente du bien immobilier). Toutefois, ce préjudice ne peut être réparé que par équivalent. Une réparation en nature, par la démolition des constructions ou la cessation de l'activité, ordonnées nécessairement pour l'avenir, à un moment où le demandeur à ladite action n'est plus propriétaire du bien immobilier, constitue la réparation d'un préjudice qui a cessé d'exister dans son chef, cet ancien propriétaire ne pouvant plus subir dans l'avenir, ni trouble
de jouissance (sauf dans l'hypothèse, étrangère à l'espèce, où il resterait occupant de l'immeuble à un autre titre), ni perte de valeur d'un bien qui ne lui appartient plus.
En l'espèce, après avoir constaté que, depuis le 22 mai 1992, la défenderesse n'est plus propriétaire de biens dans le domaine du Bercuit pour en avoir fait donation à son fils, l'arrêt attaqué accorde à la défenderesse la réparation en nature du préjudice prétendument subi par elle du fait de l'existence de constructions érigées par [la première partie appelée en déclaration d'arrêt commun] sur le fonds voisin et de l'exploitation du club de tennis par la [deuxième partie appelée en déclaration d'arrêt commun] sur ce fonds voisin, en ordonnant la démolition des constructions et la cessation de l'activité, aux motifs «que (la défenderesse) considère avec raison que le bâtiment construit (.) dévalorise sa propriété, contiguë au terrain sur lequel il a été construit; qu'elle peut incriminer les nuisances sonores résultant de l'exploitation à caractère commercial de ce centre sportif». Pourtant, il ressort des constatations de l'arrêt que la défenderesse, n'étant plus propriétaire de biens immobiliers dans le domaine du Bercuit, ne peut plus subir dans l'avenir de dommage du fait de la situation existant dans ledit domaine et du fait de la construction des bâtiments du centre sportif et de l'exploitation de celui-ci. L'arrêt attaqué ne justifie dès lors pas légalement sa décision (violation des articles 1382 et 1383 du Code civil).
2.3. Troisième branche
Il ressort des articles 64 à 67, spécialement dernier alinéa, de la loi du 29mars 1962, ainsi que des articles 154, alinéa 1er, 4, 155, §§ 2 à 4, et 157, spécialement dernier alinéa, du C.W.A.T.U.P., que le tiers lésé par l'exécution ou le maintien de travaux qui enfreignent notamment les prescriptions d'un plan particulier d'aménagement, auxquelles sont assimilées les prescriptions d'urbanisme d'un permis de lotir, peut requérir la remise des lieux en état. Le tiers lésé ne peut être que le propriétaire d'un fonds voisin de celui où ont été exécutés lesdits travaux. Celui qui cesse d'être propriétaire d'un fonds voisin ne peut être considéré comme un tiers lésé au sens de l'article 67 de la loi du 29 mars 1962 ou de l'article 157 du C.W.A.T.U.P.
En l'espèce, après avoir constaté que la défenderesse n'était plus propriétaire de biens sis dans le domaine du Bercuit depuis le 22 mai 1992, l'arrêt attaqué ne pouvait légalement ordonner en faveur de celle-ci la remise en état du fonds contigu à celui dont elle avait cessé d'avoir la propriété et ordonner la démolition des ouvrages érigés en méconnaissance des prescriptions d'urbanisme du permis de lotir régissant le domaine du Bercuit (violation des articles 64 à 67 de la loi du 29 mars 1962, 154, alinéa 1er, 4, 155, §§ 2 à 4, et 157 du C.W.A.T.U.P.).
2.4. Quatrième branche
Selon l'article 637 du Code civil, une servitude est une charge imposée sur un héritage pour l'usage et l'utilité d'un héritage appartenant à un autre propriétaire. Selon l'article 639 du même code, les servitudes peuvent dériver de conventions entre les propriétaires. Selon l'article 686 du Code civil, «il est permis aux propriétaires d'établir sur leur propriété, ou en faveur de leur propriété, telles servitudes que bon leur semble, pourvu néanmoins que les servitudes ne soient imposées ni à la personne ni en faveur de la personne, mais seulement à un fonds et pour un fonds, et pourvu que ces services n'aient rien de contraire à l'ordre public». Celui qui a aliéné le bien au profit duquel une servitude est établie par convention, ne peut plus exiger du propriétaire du fonds servant le respect de la servitude. Le droit au respect de la servitude est passé au nouveau propriétaire du fonds dominant.
En l'espèce, après avoir constaté que la défenderesse n'était plus propriétaire de biens sis dans le domaine du Bercuit depuis le 22 mai 1992, l'arrêt attaqué ne pouvait légalement ordonner en faveur de celle-ci ni la cessation des activités pratiquées sur le fonds contigu à celui dont elle avait cessé d'avoir la propriété ni la démolition de constructions érigées sur ledit fonds, dans le but d'assurer «pour l'avenir» le respect des avantages découlant des dispositions régissant le domaine du Bercuit insérées dans les actes de vente et «érigées en servitudes conventionnelles» (violation des articles 637, 639 et 686 du Code civil).
3. Troisième moyen
Dispositions légales violées
- article 149 de la Constitution;
- article 1382 et 1383 du Code civil.
Décisions et motifs critiqués
Après avoir constaté les faits suivants: par acte du 9 juillet 1984, la [première partie appelée en déclaration d'arrêt commun] a acquis de la demanderesse dans le lotissement domaine du Bercuit situé à Grez-Doiceau un terrain sur lequel se trouvait la ferme du Bercuit, contigu à la propriété de la défenderesse, «pour y édifier un complexe sportif comprenant un 'club house' (foyer), trois tennis couverts et cinq tennis en plein air»; le permis de bâtir, délivré le 2 mai 1984, «précisait qu'il était délivré dans le cadre du permis de lotir du 19 septembre 1977 à charge pour la [première partie appelée en déclaration d'arrêt commun] d'en respecter les prescriptions urbanistiques et de prendre toutes les mesures qui s'imposaient en vue de lutter contre le bruit, et notamment d'établir des relevés de terre et de procéder à des plantations serrées de taille moyenne à feuillage (persistant)»; la [deuxième partie appelée en déclaration d'arrêt commun] exploite le centre sportif de tennis, étant titulaire d'un bail emphytéotique; il n'est pas établi que les [première et deuxième parties appelées en déclaration d'arrêt commun] n'ont pas respecté les prescriptions du permis de bâtir imposant, pour lutter contre le bruit, d'établir des relevés de terre et des plantations; selon les prescriptions d'urbanisme du permis de lotir et du cahier des charges, le terrain acquis par la [première partie appelée en déclaration d'arrêt commun] est situé en «zone 1» du lotissement, zone «destinée aux constructions groupées» et non en «zone 4», réservée aux sports; «il est précisé relativement aux zones de type 1: 'les zones de constructions groupées comporteront un ensemble de maisons accolées ou non, ainsi que l'équipement communautaire tels que squares, pelouses, commerces, lieux de réunion, restaurants et tous les services intéressant la collectivité' . (article 2 des prescriptions d'urbanisme); les articles 13 et 14 édictent les prescriptions urbanistiques applicables aux zones de constructions groupées mais prévoient 'qu'elles ne s'appliquent pas à la ferme du Bercuit, laquelle pourra être aménagée sous n'importe quelle forme, à la seule condition de ne pas dépasser le gabarit actuel'»; le hall de tennis couvert, construit à la place de la ferme du Bercuit, dépasse manifestement le gabarit de celle-ci; « il ressort de la disposition ci-avant précisée des prescriptions d'urbanisme que des commerces, restaurants . peuvent être implantés dans les zones résidentielles de construction groupées; la seule circonstance, pour les [première et deuxième parties appelées en déclaration d'arrêt commun], d'exercer une activité commerciale dans une zone réservée aux habitations groupées, ne constitue (.) pas une violation des prescriptions d'urbanisme»,
l'arrêt attaqué «condamne les [première et deuxième parties appelées en déclaration d'arrêt commun] à cesser l'exploitation du centre sportif de tennis Le Châtaigner dans le domaine du Bercuit, à démolir les constructions érigées en contravention aux prescriptions d'urbanisme du permis de lotir du 19 septembre 1977 et à remettre les lieux dans leur état antérieur dans les six mois de la signification de l'arrêt; les condamne, à défaut de s'exécuter volontairement dans ce délai, in solidum avec la (demanderesse), à payer à (la défenderesse) 200.000 francs par jour de retard à titre d'astreinte; autorise, dans la même hypothèse, (la défenderesse) à faire démolir les constructions aux frais, risques et périls des [première et deuxième parties appelées en déclaration d'arrêt commun] (.); condamne dans la même hypothèse la (demanderesse) à rembourser à (la défenderesse), in solidum avec les [première et deuxième parties appelées en déclaration d'arrêt commun], les frais de démolition exposés par (la défenderesse); condamne les [première et deuxième parties appelées en déclaration d'arrêt commun] et (la demanderesse) à payer à (la défenderesse) (30.000 x 6) soit 180.000 francs à titre de troubles de jouissance augmentés des intérêts compensatoires depuis le 9 juin 1986 jusqu'au prononcé du présent arrêt, ensuite des intérêts moratoires sur ces montants jusqu'au parfait paiement»,
aux motifs «qu'en construisant un hall dont les dimensions et le volume sont manifestement supérieurs de plus du double à l'ancien bâtiment, les [première et deuxième parties appelées en déclaration d'arrêt commun] ont méconnu la seule prescription urbanistique qui devait être respectée, à savoir les limites du gabarit de la ferme du Bercuit; qu'il est constant que les [première et deuxième parties appelées en déclaration d'arrêt commun] ont, aux alentours du hall abritant des tennis, fait construire au moins quatre tennis en plein air; que les terrains sur lesquels ces tennis sont construits sont situés en zone 1 (habitations groupées), terrains qui ne sont pas visés par l'exception prévue, dans les prescriptions d'urbanisme, pour la ferme du Bercuit; que ces tennis ont été construits en méconnaissance des prescriptions d'urbanisme, notamment de l'article 2.1 et 4, alinéa 2; que (la défenderesse) fait justement observer que l'ensemble des dispositions qui régissent le lotissement tendent toutes à créer un lotissement de haut standing et à assurer aux propriétaires, le calme, la tranquillité et une jouissance paisible; que la construction du centre sportif de tennis en zone 1 n'était pas compatible avec la destination même des lieux; qu'outre le caractère inesthétique du hall de tennis couverts qui n'est manifestement pas en harmonie avec le type de constructions érigées dans la même zone, (la défenderesse) est fondée à se plaindre du bruit des balles, des tournois (.), des bruits de soirées (.), des intrusions de joueurs venant récupérer dans son jardin des balles perdues, du bruit résultant d'un important trafic de voitures; qu'en admettant que l'aménagement de tennis couverts représente un équipement communautaire, la [troisième partie appelée en déclaration d'arrêt commun] ne pouvait en tous cas délivrer un permis de bâtir pour un bâtiment dont le gabarit dépassait manifestement celui de l'ancienne ferme du Bercuit, alors que le respect de ce gabarit était la seule prescription d'urbanisme contraignante concernant la construction nouvelle; que, dans cette mesure, le permis de bâtir est irrégulier; (que) les violations des prescriptions d'urbanisme et des dispositions du cahier des charges régissant le lotissement du domaine du Bercuit sont avérées»; «que (la défenderesse) considère avec raison que la présence du centre de tennis couvert, - le bâtiment construit étant du type industriel en tôles ondulées -, dénature totalement le caractère de standing et de lotissement hautement résidentiel des propriétés qui l'entourent et dévalorise sa propriété, contiguë au terrain sur lequel il a été construit; qu'elle peut incriminer les nuisances sonores résultant de l'exploitation à caractère commercial de ce centre sportif».
Griefs
3.1. Première branche
D'une part, l'arrêt attaqué constate que, selon l'article 2 des prescriptions d'urbanisme du permis de lotir, la zone 1 où est situé le terrain acquis par la [première partie appelée en déclaration d'arrêt commun] peut comporter «l'équipement communautaire» et admet que l'aménagement de tennis couverts représente un équipement communautaire autorisé par lesdites prescriptions d'urbanisme. Il ressort de ces motifs que le principe même de la construction d'un centre de tennis n'était pas interdit par les prescriptions d'urbanisme du permis de lotir. D'autre part, l'arrêt attaqué considère que la «construction du centre sportif de tennis en zone 1 était incompatible avec la destination même des lieux». Ces deux ordres de motifs sont contradictoires. En tant qu'il se fonde sur la considération que la construction d'un centre de tennis était incompatible avec la destination des lieux pour faire droit à la demande de la défenderesse, l'arrêt attaqué n'est dès lors pas régulièrement motivé (violation de l'article 149 de la Constitution). A tout le moins, les motifs de l'arrêt ne permettent pas de comprendre en quoi la construction du centre de tennis serait incompatible avec la destination des lieux dès lors que l'arrêt considère par ailleurs que, dans la zone où il est bâti, l'aménagement de tennis couverts est autorisé. Cette obscurité de motifs équivaut à l'absence des motifs (violation de l'article 149 de la Constitution).
3.2. Deuxième branche
La cour d'appel considère que les terrains de tennis en plein air ont été construits en méconnaissance de l'article 2 des prescriptions d'urbanisme du permis de lotir. En revanche, la cour d'appel admet que l'aménagement de tennis couverts représente un équipement communautaire autorisé en zone 1 en vertu dudit article 2. Les motifs de l'arrêt ne permettent pas de comprendre pourquoi des terrains de tennis en plein air ne constitueraient pas un équipement communautaire autorisé par ledit article, contrairement à ce que l'arrêt admet pour les terrains de tennis couverts. A cet égard, les motifs de l'arrêt sont obscurs. L'arrêt attaqué n'est pas régulièrement motivé (violation de l'article 149 de la Constitution).
3.3. Troisième branche
Il ressort des constations de l'arrêt:
(1) que l'exploitation d'une activité à caractère commercial n'était pas interdite dans la zone 1 où a été érigé le centre de tennis;
(2) que le permis de bâtir prescrivait des mesures pour lutter contre le bruit généré par l'exploitation de ce centre sportif et
(3) qu'il n'est pas établi que celles-ci n'auraient pas été respectées. Dès lors, l'arrêt attaqué ne pouvait légalement considérer que les nuisances sonores résultant de l'exploitation à caractère commercial du centre de tennis étaient dues aux fautes des [première et deuxième parties appelées en déclaration d'arrêt commun]. En tant qu'il condamne les sociétés précitées et la demanderesse à réparer le préjudice résultant de ces nuisances sonores, l'arrêt attaqué viole les articles 1382 et 1383 du Code civil.
3.4. Quatrième branche
L'arrêt attaqué constate que l'ensemble des prescriptions urbanistiques du permis de lotir applicables aux constructions groupées de la zone 1 n'était pas applicable à la ferme du Bercuit, «laquelle pourra être aménagée sous n'importe quelle forme, à la seule condition de respecter le gabarit actuel» et que la seule
prescription urbanistique à respecter en ce qui concerne le bâtiment à construire à la place de la ferme du Bercuit était celle relative à son gabarit, qui ne pouvait pas être supérieur à celui de l'ancienne ferme du Bercuit. Il ressort de ces constatations que la construction d'un bâtiment inesthétique ne pouvait être considérée comme fautive au regard des prescriptions urbanistiques. La considération de l'arrêt selon laquelle «le caractère inesthétique du hall de tennis couverts» construit à la place de la ferme du Bercuit «n'est manifestement pas en harmonie avec le type de constructions érigées dans la même zone» (zone 1), ne suffit dès lors pas à justifier légalement la décision selon laquelle la demande de la défenderesse, en réparation du préjudice subi ensuite de la construction du centre de tennis, «est fondée en son principe, les violations des prescriptions d'urbanisme et des dispositions du cahier des charges régissant le lotissement du domaine du Bercuit étant avérées». En tant qu'il décide que la demanderesse doit, avec les [première et deuxième parties appelées en déclaration d'arrêt commun], réparer le dommage résultant pour la défenderesse du caractère inesthétique du bâtiment construit, qui dénature le standing de sa propriété et dévalorise celle-ci, l'arrêt attaqué viole les articles 1382 et 1383 du Code civil.
3.5. Cinquième branche
La seule considération que les [première et deuxième parties appelées en déclaration d'arrêt commun] sont en faute pour avoir fait construire un bâtiment dont le gabarit dépassait celui de l'ancienne ferme du Bercuit, ne suffit pas à justifier légalement la décision selon laquelle la demande formée par la défenderesse est fondée. En effet, l'arrêt attaqué ne constate pas que cette faute aurait engendré un quelconque dommage dans le chef de la défenderesse. En déclarant néanmoins la demande fondée, l'arrêt attaqué viole les articles 1382 et 1383 du Code civil.
4. Quatrième moyen
Dispositions légales violées
- article 149 de la Constitution;
- articles 736, 737, 739 et 740 du Code judiciaire.
Décisions et motifs critiqués
Après avoir constaté que la défenderesse était propriétaire, dans un lotissement, le domaine du Bercuit, qui avait appartenu en grande partie à la demanderesse, de trois terrains contigus à celui acquis par la [première partie appelée en déclaration d'arrêt commun]; que sur ce terrain, cette dernière société a fait construire un centre sportif de tennis, exploité par la [deuxième partie appelée en déclaration d'arrêt commun],
et après avoir décidé que cette construction avait été érigée en violation de certaines prescriptions d'urbanisme du permis de lotir; que la défenderesse pouvait se plaindre de la dévalorisation de sa propriété résultant du caractère inesthétique du bâtiment construit et de certaines nuisances sonores,
l'arrêt attaqué décide que la demanderesse «est fondée à demander (.) la réparation en nature»; en conséquence «condamne les [première et deuxième parties appelées en déclaration d'arrêt commun] à cesser l'exploitation du centre sportif de tennis Le Châtaigner dans le domaine du Bercuit, à démolir les constructions érigées en contravention aux prescriptions d'urbanisme du permis de lotir du 19 septembre 1977 et à remettre les lieux dans leur état antérieur dans les six mois de la signification de l'arrêt; les condamne, à défaut de s'exécuter volontairement dans ce délai, in solidum avec la (demanderesse), à payer à (la défenderesse) 200.000 francs par jour de retard à titre d'astreinte; autorise, dans la même hypothèse, (la défenderesse) à faire démolir les constructions aux frais, risques et périls des [première et deuxième parties appelées en déclaration d'arrêt commun] (.); condamne dans la même hypothèse la (demanderesse) à rembourser à (la défenderesse), in solidum avec les [première et deuxième parties appelées en déclaration d'arrêt commun], les frais de démolition exposés par (la défenderesse)»,
aux motifs «que [les première et deuxième parties appelées en déclaration d'arrêt commun] ont agi de concert et sciemment, en méconnaissance des droits des propriétaires voisins; qu'il convient de relever, à cet égard, qu'avant la vente des parcelles à la [première partie appelée en déclaration d'arrêt commun], le projet d'implantation du centre de tennis n'a qu'été évoqué à la commission d'aménagement, sans que l'ampleur du projet soit révélée et sans communication des plans; que bien que s'étant expressément engagée à communiquer ces plans aux riverains et à leur donner une information complète (voir procès-verbal de la réunion du 7 octobre 1983), la commission d'aménagement s'abstint de le faire; que la (demanderesse) fait état des réunions de la commission d'aménagement en novembre et décembre 1983, sans préciser toutefois ce qui aurait été dit ou montré lors de ces réunions, dont elle ne produit pas les procès-verbaux; qu'en réalité, les riverains et propriétaires du lotissement n'ont pu prendre connaissance du projet que lors de l'enquête de commodo et incommodo organisée par la [troisième partie appelée en déclaration d'arrêt commun]; que, pour déterminer s'il y a abus de droit, le juge doit, dans l'appréciation des intérêts en présence, tenir compte de toutes les circonstances de la cause, et vérifier notamment si l'auteur de la violation du droit d'autrui n'a pas agi délibérément, sans se soucier du droit qu'il devait respecter, commettant ainsi une faute qui le priverait de la faculté d'invoquer à son profit l'exception d'abus de droit; que tel est le cas en l'espèce; que la politique du fait accompli pratiquée par les trois sociétés exclut qu'elles puissent se prévaloir du préjudice important qu'elles vont subir du fait de la réparation en nature, pour s'y opposer».
Griefs
4.1. Première branche
Dans leurs conclusions prises en degré d'appel, les [première et deuxième parties appelées en déclaration d'arrêt commun] faisaient valoir «que la [première partie appelée en déclaration d'arrêt commun], en tant que propriétaire de la parcelle dénommée 'Ferme du Bercuit', obtint, le 2 mai 1984 un permis de bâtir délivré par la [troisième partie appelée en déclaration d'arrêt commun]; que la demande ainsi agréée avait pour objet la construction d'un ensemble de tennis avec club house, sur la parcelle en question, ledit ensemble devant comprendre trois terrains couverts et cinq terrains extérieurs; que quelques mois auparavant, l'assemblée générale des propriétaires, le 7 octobre 1983, assemblée à laquelle était représentée (la défenderesse), avait été avisée du projet de construction d'un club house et de tennis couverts et non couverts, à l'emplacement de la ferme du Bercuit; qu'en novembre et décembre 1983, se tinrent également plusieurs réunions de la commission d'aménagement du lotissement, -où (la défenderesse) était également représentée-, qui approuvèrent les plans du futur aménagement et suggérèrent certains choix de matériaux et de couleurs; que [la première partie appelée en déclaration d'arrêt commun] se conforma entièrement aux prescriptions du permis de bâtir et à celles édictées par la commission d'aménagement du lotissement quant aux matériaux à utiliser, quant à la couleur de ceux-ci et quant aux plantations à effectuer, dispositions visant à sauvegarder le caractère boisé et champêtre du lotissement (procès-verbal de réunion de la commission - pièce 7); que l'accord donné résulte complémentairement du procès-verbal de l'assemblée générale des propriétaires du 7 octobre 1983, à laquelle étaient présentes ou représentées [la quatrième partie appelée en déclaration d'arrêt commun et la défenderesse], où a été évoquée la construction de tennis couverts et annonçant une réunion à ce sujet; qu'il résulte de la réunion de la commission de l'aménagement du 17 novembre 1983, que les plans concernant cet avant-projet de construction de tennis firent l'objet d'une première consultation 'avec les propriétaires habitant à côté de la ferme' (et que) 'diverses modifications ont été apportées suite à cette consultation et des plans définitifs de permis de construire seront introduits dans les quinze jours'; que, contrairement aux dénégations de (la défenderesse), il y eut plusieurs réunions de la commission d'aménagement du lotissement, puisqu'après celle du 17 novembre, se tint encore une réunion le 2 décembre et le 20 décembre 1983, où l'on approuva les plans sous réserve de respecter certains types de couleurs et de matériaux; qu'il est absolument faux d'écrire, comme l'a fait (la défenderesse), qu'elle a été mise (.) 'devant le fait accompli'».
L'arrêt attaqué estime que les [première et deuxième parties appelées en déclaration d'arrêt commun] et la demanderesse ont «pratiqué la politique du fait accompli» de sorte qu'elles ne peuvent se prévaloir du préjudice important qui résulterait pour elles de la réparation en nature, dès lors que, après la réunion du 7 octobre 1983 de la commission d'aménagement, celle-ci n'a pas communiqué les plans aux propriétaires riverains et ne leur a pas donné une information complète.
L'arrêt attaqué ne rencontre pas le moyen précité des conclusions des [première et deuxième parties appelées en déclaration d'arrêt commun] (1) en tant que celles-ci invoquaient, d'une manière précise, qu'au cours des réunions ultérieures de la commission d'aménagement du lotissement, qui se sont tenues en novembre et décembre 1983 et auxquelles la défenderesse était représentée, les plans du futur aménagement ont été approuvés et le choix de certains matériaux et de couleurs a été suggéré et (2) en tant que ces conclusions se référaient à un procès-verbal de réunion de la commission d'aménagement formant, selon les conclusions précitées, la pièce n° 7 de leur dossier, pour contester la pratique du fait accompli qui leur était reproché. L'arrêt attaqué n'est dès lors pas régulièrement motivé (violation de l'article 149 de la Constitution).
4.2. Seconde branche
En vertu des articles 736, 737, 739 et 740 du Code judiciaire, les parties ont l'obligation de se communiquer les pièces qu'elles produiront devant le juge. Les pièces communiquées deviennent communes aux parties, chacune d'elles pouvant s'en prévaloir. Dès lors, le défendeur à une action exercée contre lui peut invoquer à l'appui de sa défense les pièces produites par le demandeur à l'action, sans avoir l'obligation de produire de son côté les mêmes pièces.
En l'espèce, il ressort de l'inventaire annexé aux conclusions de la défenderesse que celle-ci produisait devant la cour d'appel les procès-verbaux des réunions de la commission d'aménagement des 17 novembre et 2 décembre 1983 (voir «inventaire du dossier de Me Pierre Van Ommeslaghe dans le litige opposant Madeleine Melotte aux sociétés Immosmash, Tennis Club Le Châtaigner, Immobilière du Bercuit et la commune de Grez-Doiceau», annexé aux «conclusions de synthèse» de la demanderesse, pp. 61 et suivantes de ces conclusions, spécialement p. 64, documents n° 9 et 10). Ces procès-verbaux étaient donc régulièrement soumis à la cour d'appel. Pour considérer que les [première et deuxième parties appelées en déclaration d'arrêt commun] et la demanderesse ont pratiqué «la politique du fait accompli», l'arrêt se fonde sur les motifs que «bien que s'étant expressément engagée à communiquer (les plans) aux riverains et à leur donner une information complète (v. procès-verbal de la réunion du 7 octobre 1983), la commission d'aménagement s'abstint de le faire; que la [demanderesse] fait état des réunions de la commission d'aménagement en novembre et décembre 1983, (.) dont elle ne produit pas les procès-verbaux». Pour se prévaloir de ces procès-verbaux, la demanderesse n'était pas tenue de les produire puisqu'ils étaient soumis à la cour d'appel par la partie adverse. Dès lors, l'arrêt attaqué viole les articles 736, 737, 739 et 740 du Code judiciaire.
5. Cinquième moyen
Dispositions légales violées
- article 149 de la Constitution;
- principe général du droit imposant au juge de respecter les droits de la défense.
Décisions et motifs critiqués
Après avoir constaté que la demanderesse avait été propriétaire de terrains dans le domaine du Bercuit qui ont fait l'objet d'un permis de lotir; que la défenderesse a acquis dans ce domaine trois terrains contigus; que la demanderesse a vendu à la [première partie appelée en déclaration d'arrêt commun] un terrain contigu à celui appartenant à la défenderesse sur lequel cette société fit construire un centre sportif de tennis qui était exploité par la [deuxième partie appelée en déclaration d'arrêt commun]; que cette construction a été faite en méconnaissance de certaines prescriptions d'urbanisme du permis de lotir, notamment de celle relative au gabarit maximum du bâtiment; que la défenderesse a subi un dommage résultant de la dévalorisation de sa propriété et de nuisances sonores,
et après avoir décidé que la défenderesse peut obtenir la réparation de ce préjudice en nature et qu'il y a lieu d'ordonner la cessation de l'exploitation du centre de tennis et la démolition des constructions, outre le versement d'une somme de 180.000 francs à titre de dommages et intérêts pour les troubles de jouissance,
l'arrêt attaqué décide «que les fautes concurrentes de (la demanderesse) et des [première et deuxième parties appelées en déclaration d'arrêt commun] justifient leur condamnation in solidum à réparer le dommage causé à (la défenderesse)»; en conséquence, condamne la demanderesse, in solidum avec les [première et deuxième parties appelées en déclaration d'arrêt commun], à payer à la défenderesse 200.000 francs par jour de retard à titre d'astreinte dans le cas où, dans les six mois de la signification de l'arrêt, les sociétés précitées n'auraient pas cessé l'exploitation du centre sportif de tennis et démoli les constructions, et à rembourser à la défenderesse, in solidum avec les sociétés précitées, les frais de démolition exposés par la défenderesse; condamne la demanderesse, avec les sociétés précitées, à payer à la défenderesse 180.000 francs à titre de troubles de jouissance,
aux motifs que «quant à la (demanderesse), promoteur du lotissement, sa responsabilité à l'égard de (la défenderesse) est engagée, au motif que la violation des prescriptions d'urbanisme et des dispositions du cahier des charges par les [première et deuxième parties appelées en déclaration d'arrêt commun] n'ont pu se réaliser sans sa collaboration active; qu'il est en effet incontestable que la (demanderesse) avait l'obligation, en vendant le terrain sur lequel était située la ferme du Bercuit, de veiller au respect, par l'acheteur, des prescriptions d'urbanisme, cette obligation s'imposant à elle comme à tout autre vendeur; qu'il faut souligner que l'article 15 du cahier des charges institue une commission d'aménagement, composée de deux représentants désignés par la société venderesse (la demanderesse) dont l'un assure
la présidence, d'un représentant désigné par le syndic général des copropriétaires et d'un représentant désigné par l'association sans but lucratif Golf Club du Bercuit; que l'article 15.4 donne au président une voix prépondérante en cas de parité des voix, la commission statuant à la majorité simple des voix des membres présents; qu'il résulte de ces dispositions que, par l'intermédiaire de ses représentants, la (demanderesse) était maître des décisions de ladite commission; que l'article 15 du cahier des charges donne mission à la commission d'aménagement d'assurer le développement harmonieux et esthétique du lotissement du domaine du Bercuit et, de manière générale, de veiller à la bonne tenue de celui-ci; qu'à cette fin, elle a, notamment, dans ses attributions: a) .b). c). 'de veiller au respect de toutes les prescriptions du permis de lotir, du présent cahier des charges, des décisions prises en vertu de celui-ci et des dispositions particulières (. illisible) de vente»; qu'il résulte des motifs ci-avant exposés que la (demanderesse), promoteur et vendeur des parcelles acquises par la [première partie appelée en déclaration d'arrêt commun], était efficacement armée pour lui imposer le respect des prescriptions d'urbanisme, et notamment, celui du gabarit de la ferme du Bercuit; qu'indépendamment de son rôle prépondérant au sein de la commission d'aménagement, la (demanderesse) devait, en sa seule qualité de venderesse des terrains acquis par la [première partie appelée en déclaration d'arrêt commun], lui imposer le respect des prescriptions d'urbanisme et des dispositions du cahier des charges; qu'à bon droit, (la défenderesse) qualifie de tierce complicité la collaboration apportée par la (demanderesse) à la violation, par les [première et deuxième parties appelées en déclaration d'arrêt commun], des prescriptions d'urbanisme et des dispositions du cahier des charges».
Griefs
5.1. Première branche
Ni la défenderesse ni aucune autre partie n'avait, dans ses conclusions prises devant la cour d'appel, invoqué que la demanderesse serait en faute pour n'avoir pas imposé aux [première et deuxième parties appelées en déclaration d'arrêt commun] le respect des prescriptions d'urbanisme du permis de lotir en vertu des pouvoirs qu'elle aurait pu exercer au sein de la commission d'aménagement instituée par l'article 15 du cahier des charges relatif au lotissement. La demanderesse n'a donc pas eu l'occasion de se défendre contre ce grief. En décidant que la violation des prescriptions d'urbanisme par les [première et deuxième parties appelées en déclaration d'arrêt commun] n'a pu se réaliser qu'avec la collaboration active de la demanderesse, pour le motif que celle-ci était maître des décisions de la commission instituée par l'article 15 du cahier des charges précité et qu'elle aurait pu exercer les pouvoirs qui en résultaient pour imposer à la [première partie appelée en déclaration d'arrêt commun] le respect des prescriptions d'urbanisme, sans donner à la demanderesse la possibilité de faire valoir ses moyens à cet égard, au besoin en ordonnant la réouverture des débats, l'arrêt attaqué viole le principe général du droit imposant au juge le respect des droits de la défense.
5.2. Seconde branche
La demanderesse faisait valoir, dans ses conclusions prises devant la cour d'appel, qu'elle n'avait commis aucune faute «en vendant le bien litigieux [à la première partie appelée en déclaration d'arrêt commun]; qu'en effet, l'acte de vente sous seing privé et l'acte authentique notarié obligent l'acquéreur au respect des prescriptions urbanistiques en vigueur (.) et reprennent l'obligation de l'acquéreur de respecter les servitudes d'utilité publique découlant du permis de lotir; [.] que l'existence éventuelle de fautes commises par l'acquéreur, ultérieurement à la vente, demeure étrangère à la (demanderesse)». L'arrêt attaqué considère que la demanderesse est en faute parce que, en sa qualité de venderesse, elle aurait dû imposer à la [première partie appelée en déclaration d'arrêt commun] le respect des prescriptions d'urbanisme et des dispositions du cahier des charges. L'arrêt attaqué laisse sans réponse le moyen précité des conclusions de la demanderesse selon lequel celle-ci avait imposé ce respect à la [première partie appelée en déclaration d'arrêt commun] tant dans le compromis de vente que dans l'acte de vente. L'arrêt attaqué n'est dès lors pas régulièrement motivé (violation de l'article 149 de la Constitution).
6. Sixième moyen
Dispositions légales violées
- article 149 de la Constitution;
- article 1385bis, alinéa 1er, du Code judiciaire.
Décisions et motifs critiqués
Après avoir constaté que la demanderesse a vendu en 1984 à la [première partie appelée en déclaration d'arrêt commun] un terrain situé dans le lotissement dénommé domaine du Bercuit, sur lequel la [première partie appelée en déclaration d'arrêt commun] a fait construire un hall de tennis couvert avec un foyer («club house») et des terrains de tennis en plein air, en méconnaissance de certaines dispositions d'urbanisme; que le club de tennis est exploité par la [deuxième partie appelée en déclaration d'arrêt commun]; que la défenderesse, qui était propriétaire de biens immobiliers contigus, a subi un dommage,
et après avoir décidé que la défenderesse peut obtenir la réparation de ce préjudice en nature et qu'il y a lieu d'ordonner la cessation de l'exploitation du centre de tennis et la démolition des constructions,
l'arrêt attaqué condamne la demanderesse, in solidum avec [les première et deuxième parties appelées en déclaration d'arrêt commun], (1) à payer à la défenderesse 200.000 francs par jour de retard à titre d'astreinte, à défaut pour les sociétés précitées d'avoir exécuté volontairement leur condamnation principale à cesser l'exploitation du centre sportif et à démolir les constructions, dans les six mois de la signification de l'arrêt; (2) à rembourser à la défenderesse les frais de démolition éventuelle exposés par elle, dans le cas où les sociétés précitées n'exécuteraient pas volontairement ladite condamnation principale et où la défenderesse ferait elle-même procéder à la démolition.
Griefs
6.1. Première branche
Aux termes de l'article 1385bis, alinéa 1er, du Code judiciaire, «le juge peut, à la demande d'une partie, condamner l'autre partie, pour le cas où il ne serait pas satisfait à la condamnation principale, au paiement d'une somme d'argent, dénommée astreinte, le tout sans préjudice des dommages-intérêts, s'il y a lieu». La condamnation à une astreinte est donc subordonnée à l'existence d'une condamnation principale à laquelle il ne serait pas satisfait. Cette condamnation principale doit avoir été prononcée à charge de la partie qui se voit infliger une astreinte à titre de condamnation secondaire, et non à charge d'une tierce partie. En l'espèce, l'arrêt attaqué ne condamne pas la demanderesse à cesser l'exploitation du centre sportif et à démolir les constructions. En condamnant la demanderesse à une astreinte pour le cas où les [première et deuxième parties appelées en déclaration d'arrêt commun] ne satisferaient pas à la condamnation principale prononcée contre celles-ci seules, l'arrêt attaqué viole l'article 1385bis, alinéa 1er, du Code judiciaire.
6.2. Seconde branche
A l'encontre de la demande de réparation formulée contre elle par la défenderesse, la demanderesse faisait valoir, dans ses conclusions prises devant la cour d'appel, «qu'étrangère aux actes reprochés à la [première partie appelée en déclaration d'arrêt commun], la (demanderesse) ne pourrait être tenue de les réparer, en nature ou en espèce, à défaut de pouvoir intervenir sur le bien d'un tiers». L'arrêt attaqué ne rencontre pas ce moyen des conclusions de la demanderesse. Il n'est dès lors pas régulièrement motivé (violation de l'article 149 de la Constitution).
V. La décision de la Cour
Attendu que les pourvois inscrits sous les numéros C.00.0567.F et C.01.0004.F du rôle général sont dirigés contre le même arrêt ; qu'il y a lieu de les joindre ;
Sur le pourvoi inscrit sous le numéro C.00.0567.F du rôle général :
Sur le premier moyen :
Quant à la première branche :
Attendu que, d'une part, l'intérêt à agir visé aux articles 17 et 18 du Code judiciaire s'apprécie en fonction du moment où la demande est introduite;
Attendu que, d'autre part, une partie qui, en tant que propriétaire d'un immeuble, avait intérêt pour agir justifie de l'intérêt requis pour interjeter appel du seul fait qu'elle a été déboutée par le premier juge de l'un des chefs de sa demande, la propriété de ce bien eût-elle été cédée avant la prononciation de cette décision;
Que le moyen, qui, en cette branche, soutient le contraire, manque en droit;
Quant aux deuxième et troisième branches réunies :
Attendu que l'arrêt énonce qu'«après la donation de ses biens, [la première défenderesse] conserve intérêt pour poursuivre l'action qu'elle a mise en ouvre, la qualité, en ce qui la concerne, se confondant avec l'intérêt»;
Que cette considération, vainement critiquée par le moyen en sa première branche, suffit à justifier la décision de l'arrêt de déclarer l'appel incident de la première défenderesse recevable en tant qu'il est dirigé contre le jugement du 27 mai 1993;
Qu'en ces branches, le moyen, qui critique des motifs surabondants de l'arrêt, est, comme la première défenderesse et le défendeur le soutiennent, sans intérêt;
Que le moyen, en ces branches, est irrecevable;
Sur le deuxième moyen:
Quant à la première branche:
Attendu que l'arrêt considère que la première défenderesse «est fondée à demander, sur la base de l'article 67 de la loi du 29 mars 1962, la réparation en nature»;
Que, dès lors, pour ordonner cette réparation, l'arrêt ne fait pas application des articles 1382 et 1383 du Code civil dont la violation est invoquée ;
Qu'il n'a pas davantage été soutenu que la cour d'appel aurait dû appliquer ces dispositions;
Que le moyen, en cette branche, est irrecevable;
Quant à la seconde branche:
Attendu que la circonstance que la première défenderesse ne soit plus propriétaire d'un bien sis dans le domaine du Bercuit ni voisine du centre sportif n'exclut pas qu'elle puisse être considérée comme un tiers lésé au sens de l'article 67 de la loi du 29 mars 1962 organique de l'aménagement du territoire et de l'urbanisme ou de l'article 157 du Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme et du patrimoine;
Que le moyen, en cette branche, ne peut être accueilli;
Sur le troisième moyen:
Attendu que l'arrêt considère que la première défenderesse «est fondée à demander, sur la base de l'article 67 de la loi du 29 mars 1962, la réparation en nature»;
Que, dès lors, pour ordonner cette réparation, l'arrêt ne fait pas application des articles 1382 et 1383 du Code civil dont la violation est invoquée par le moyen;
Qu'il n'a pas davantage été soutenu que la cour d'appel aurait dû appliquer ces dispositions;
Que, dans cette mesure, le moyen est irrecevable;
Attendu que, pour le surplus, l'arrêt énonce que les tennis en plein air «ont été construits en méconnaissance des prescriptions d'urbanisme, notamment de l'article 2.1 et 4, alinéa 2» et, à la lumière de l'article 9 des prescriptions urbanistiques ainsi que du préambule et de diverses stipulations du cahier des charges, que «la construction du centre sportif de tennis en zone 1 n'était pas compatible avec la destination même des lieux» telle qu'elle résultait de «l'ensemble des dispositions [régissant] le lotissement [, lesquelles] tend[ai]ent toutes à créer un lotissement de haut standing et à assurer aux propriétaires le calme, la tranquillité et une jouissance paisible»;
Qu'en conclusion de son analyse de la responsabilité des demanderesses, l'arrêt considère que «la demande originaire de [la première défenderesse] est [.] fondée dans son principe, les violations [des] prescriptions d'urbanisme et [des] dispositions du cahier des charges régissant le lotissement du domaine du Bercuit étant avérées»;
Attendu que, dans la mesure où il soutient que la faute retenue par l'arrêt dans le chef des demanderesses «est uniquement celle d'avoir [.] méconnu la seule prescription urbanistique qui devait être respectée, à savoir les limites du gabarit de la ferme du Bercuit», le moyen manque en fait;
Sur le pourvoi inscrit sous le numéro C.01.0004.F du rôle général:
Sur le premier moyen:
Quant à la première branche:
Attendu qu'une partie qui, en tant que propriétaire d'un immeuble, avait qualité et intérêt pour agir, au sens des articles 17 et 18 du Code judiciaire, justifie de l'intérêt et de la qualité requis pour interjeter appel du seul fait qu'elle a été déboutée par le premier juge de l'un des chefs de sa demande, la propriété de ce bien eût-elle été cédée avant la prononciation de cette décision;
Que le moyen, qui, en cette branche, soutient le contraire, manque en droit;
Quant à la deuxième branche:
Attendu que l'examen de la contradiction alléguée par le moyen, en cette branche, suppose l'interprétation des dispositions légales dont l'arrêt fait application;
Que ce grief n'équivaut pas à un défaut de motifs et est, dès lors, étranger à la règle inscrite dans l'article 149 de la Constitution;
Que le moyen, en cette branche, est irrecevable;
Quant aux troisième et quatrième branches réunies:
Attendu que l'arrêt énonce qu'«après la donation de ses biens, [la défenderesse] conserve intérêt pour poursuivre l'action qu'elle a mise en ouvre, la qualité, en ce qui la concerne, se confondant avec l'intérêt»;
Que cette considération, vainement critiquée par le moyen en ses première et deuxième branches, suffit à justifier la décision de déclarer l'appel incident de la défenderesse recevable en tant qu'il est dirigé contre le jugement entrepris du 27 mai 1993;
Qu'en ces branches, le moyen, qui critique des motifs surabondants de l'arrêt, est, comme la défenderesse et la quatrième partie appelée en déclaration d'arrêt commun le soutiennent, sans intérêt et, partant, irrecevable;
Sur le deuxième moyen:
Quant à la première branche:
Attendu que l'arrêt considère que la défenderesse a droit à «la protection de ses droits» découlant des dispositions d'urbanisme régissant le lotissement «pour l'avenir»;
Qu'ainsi, l'arrêt ne décide pas qu'«en sa qualité de propriétaire de biens immobiliers dans [le] domaine, [la défenderesse] subira des troubles de jouissance dans l'avenir»;
Que le moyen, cette branche, manque en fait;
Quant à la deuxième branche:
Attendu que l'arrêt considère que la défenderesse «est fondée à demander, sur la base de l'article 67 de la loi du 29 mars 1962, la réparation en nature»;
Que, dès lors, pour ordonner cette réparation, l'arrêt ne fait pas application des articles 1382 et 1383 du Code civil, dont la violation est invoquée ;
Qu'il
n'a pas davantage été soutenu que la cour d'appel aurait dû appliquer ces dispositions;
Que le moyen, en cette branche, est irrecevable;
Quant à la troisième branche:
Attendu qu'il ne ressort ni de l'article 67 de la loi du 29 mars 1962 organique de l'aménagement du territoire et de l'urbanisme, ni de l'article 157 du Code wallon de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme et du patrimoine que le tiers lésé auquel ces dispositions reconnaissent le droit de demander la remise des lieux en état doit être propriétaire d'un fonds voisin de celui sur lequel les travaux ont été illégalement exécutés;
Que le moyen, en cette branche, manque en droit;
Quant à la quatrième branche:
Sur la fin de non-recevoir opposée par la défenderesse et par la quatrième partie appelée en déclaration d'arrêt commun et déduite de ce que le moyen, en cette branche, est nouveau:
Attendu qu'aucune partie n'a invoqué devant la cour d'appel que le respect d'une servitude ne peut plus être exigé par une personne qui n'est plus propriétaire du fonds dominant; que la cour d'appel n'a pas statué sur une contestation portant sur ce point;
Que le moyen, en cette branche, est fondé sur des dispositions légales qui ne sont ni d'ordre public ni impératives;
Que la fin de non-recevoir est fondée;
Sur le troisième moyen:
Quant à la première branche:
Attendu qu'il n'est pas contradictoire de décider, d'une part, que l'aménagement de tennis couverts représente un équipement communautaire autorisé par les prescriptions d'urbanisme du permis de lotir et, d'autre part, que la construction en zone 1 d'un centre sportif, comprenant également des tennis en plein air, est incompatible avec la destination des lieux, telle qu'elle résulte de ces prescriptions et des stipulations du cahier des charges du lotissement;
Attendu que, pour le surplus, ces motifs permettent de comprendre les raisons pour lesquelles la cour d'appel a considéré que la construction du centre de tennis était incompatible avec la destination des lieux;
Que le moyen, en cette branche, manque en fait;
Quant à la deuxième branche:
Attendu que, pour le même motif que celui indiqué dans la réponse à la première branche, le moyen qui dénonce, en cette branche, l'obscurité des motifs de l'arrêt manque en fait;
Quant aux troisième, quatrième et cinquième branches réunies:
Attendu que l'arrêt considère que la défenderesse «est fondée à demander, sur la base de l'article 67 de la loi du 29 mars 1962, la réparation en nature»;
Que, dès lors, pour ordonner cette réparation, l'arrêt ne fait pas application des articles 1382 et 1383 du Code civil dont la violation est invoquée ;
Qu'il n'a pas davantage été soutenu que la cour d'appel aurait dû appliquer ces dispositions;
Attendu que, pour le surplus, l'arrêt énonce que les tennis en plein air «ont été construits en méconnaissance des prescriptions d'urbanisme, notamment de l'article 2.1 et 4, alinéa 2» et, à la lumière de l'article 9 des prescriptions urbanistiques ainsi que du préambule et de diverses stipulations du cahier des charges, que «la construction du centre sportif de tennis en zone 1 n'était pas compatible avec la destination même des lieux» telle qu'elle résultait de «l'ensemble des dispositions [régissant] le lotissement [,lesquelles] tend[ai]ent toutes à créer un lotissement de haut standing et à assurer aux propriétaires le calme, la tranquillité et une jouissance paisible»;
Attendu que l'arrêt relève encore que la défenderesse «puise dans les dispositions régissant le domaine du Bercuit, insérées dans les actes de vente, un droit au respect [des] avantages [consistant dans la garantie d'un environnement esthétique et calme] érigés par lesdites dispositions non seulement en servitudes d'utilité publique mais en servitudes conventionnelles s'imposant à tous les propriétaires de parcelles dans le lotissement»;
Que ces considérations, qui ne sont pas critiquées ou le sont vainement, suffisent à justifier la décision de condamner la demanderesse à la réparation par équivalent des troubles de jouissance encourus par la défenderesse;
Que, dans la mesure où il critique cette décision, le moyen, en ces branches, ne saurait entraîner la cassation et est, partant, sans intérêt;
Que le moyen, en ces branches, est irrecevable;
Sur le quatrième moyen:
Quant à la première branche:
Attendu que, par les considérations reproduites par le moyen, l'arrêt répond aux conclusions de la demanderesse visées au moyen, en cette branche;
Que le moyen, en cette branche, manque en fait;
Quant à la seconde branche:
Attendu que le moyen, en cette branche, reproche à l'arrêt de fonder sa décision sur le fait que la demanderesse ne produit pas les procès-verbaux des réunions tenues par la commission d'aménagement du lotissement en novembre et décembre 1983, alors que les procès-verbaux des réunions tenues par cette commission les 17 novembre et 2 décembre 1983 étaient produits par la défenderesse;
Que ce grief est étranger aux règles relatives à la communication des pièces entre les parties, prévues par les articles 736, 737, 739 et 740 du Code judiciaire;
Que le moyen qui invoque exclusivement la violation de ces dispositions est, en cette branche, irrecevable;
Sur le cinquième moyen:
Quant à la seconde branche:
Attendu que l'arrêt énonce que la responsabilité de la demanderesse est engagée «au motif que la violation des prescriptions d'urbanisme et des dispositions du cahier des charges par [la première et la deuxième partie appelée en déclaration d'arrêt commun] n'a pu se réaliser sans sa collaboration active», qu'«indépendamment de son rôle prépondérant au sein de la commission d'aménagement, la [demanderesse] devait, en sa seule qualité de venderesse des terrains acquis par la [première partie appelée en déclaration d'arrêt commun], lui imposer le respect [desdites] prescriptions [..] et [.] dispositions» et que «les trois sociétés ont agi de concert et sciemment, en méconnaissance des droits des propriétaires voisins»;
Attendu que, par ces considérations, l'arrêt répond aux conclusions de la demanderesse visées au moyen;
Que le moyen, en cette branche, manque en fait;
Quant à la première branche:
Attendu que les considérations qui sont reproduites dans la réponse à la seconde branche et qui ne sont pas critiquées suffisent à justifier la décision de l'arrêt de retenir la responsabilité de la demanderesse;
Que, dirigé contre des énonciations surabondantes de l'arrêt, le moyen, en cette branche, est dénué d'intérêt et, partant, irrecevable;
Sur le sixième moyen:
Quant à la première branche:
Sur la fin de non-recevoir opposée par la défenderesse et par la quatrième partie appelée en déclaration d'arrêt commun et déduite de ce que le moyen, en cette branche, est nouveau:
Attendu que l'article 1385bis du Code judiciaire, dont le moyen, en cette branche, invoque la violation et qui a pour objet de fixer les conditions dans lesquelles la condamnation à une astreinte peut être prononcée, est d'ordre public;
Que la fin de non-recevoir ne peut être accueillie;
Attendu qu'aux termes de l'article 1385bis, alinéa 1er, du Code judiciaire, le juge peut, à la demande d'une partie, condamner l'autre partie, pour le cas où il ne serait pas satisfait à la condamnation principale, au paiement d'une somme d'argent, dénommée astreinte, le tout sans préjudice des dommages-intérêts, s'il y a lieu;
Qu'une astreinte, qui est une contrainte pécuniaire tendant à assurer autant que possible l'exécution d'une condamnation, ne peut être infligée, à titre de condamnation accessoire, qu'à la partie à la charge de laquelle une condamnation principale a été prononcée;
Attendu que l'arrêt condamne les seules première et deuxième parties appelées en déclaration d'arrêt commun à cesser l'exploitation du centre sportif, à démolir les constructions et à remettre les lieux dans leur état antérieur;
Qu'il ne justifie, partant, pas légalement sa décision de condamner la demanderesse, in solidum avec lesdites parties, à payer une astreinte à la défenderesse pour le cas où ces parties ne s'exécuteraient pas volontairement;
Quant à la seconde branche:
Attendu que, par aucune considération, l'arrêt ne répond aux conclusions de la demanderesse visées au moyen, en cette branche;
Que le moyen est fondé;
Sur la demande en déclaration d'arrêt commun:
Attendu que la demanderesse a intérêt à ce que l'arrêt soit déclaré commun aux parties appelées à la cause devant la Cour à cette fin;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Joint les pourvois inscrits sous les numéros C.00.0567.F et C.01.0004.F du rôle général;
I. Statuant en la cause n° C.00.0567.F du rôle général:
Rejette le pourvoi;
Condamne les demanderesses aux dépens;
II. Statuant en la cause n° C.01.0004.F du rôle général:
Casse l'arrêt attaqué en tant qu'il condamne la demanderesse, in solidum avec les première et deuxième parties appelées en déclaration d'arrêt commun, à payer une astreinte à la défenderesse et à rembourser à celle-ci les frais de démolition qu'elle exposerait dans l'hypothèse qu'il précise et en tant qu'il statue sur les dépens, à l'exception de ceux exposés par les troisième et quatrième parties appelées en déclaration d'arrêt commun;
Rejette le pourvoi pour le surplus;
Déclare le présent arrêt commun à la société Immosmash, à la société Tennis Club Le Châtaignier, à la commune de Grez-Doiceau et à Michel Descampe;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé;
Condamne la demanderesse à la moitié des dépens;
Réserve l'autre moitié pour qu'il soit statué sur celle-ci par le juge du fond;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d'appel Liège.
Les dépens taxés, dans la cause numéro C.00.0567.F, à la somme de cinq cent soixante-sept euros et un centime envers la partie demanderesse et à la somme de cent cinquante-sept euros trente-six centimes envers la troisième partie appelée en déclaration d'arrêt commun et, dans la cause numéro C.01.0004.F, à la somme de six cent quarante-six euros soixante-cinq centimes envers la partie demanderesse et à la somme de cent cinquante-sept euros trente-six centimes envers la quatrième partie appelée en déclaration d'arrêt commun.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le conseiller Philippe Echement, faisant fonction de président, les conseillers Christian Storck, Didier Batselé, Sylviane Velu et Benoît Dejemeppe, et prononcé en audience publique du vingt-quatre avril deux mille trois par le conseiller Philippe Echement, faisant fonction de président, en présence de l'avocat général André Henkes, avec l'assistance du greffier adjoint Christine Danhiez.