M. R., J., G., et cons.,
demandeurs en cassation,
représentés par Maître Cécile Draps, avocat à la Cour de cassation,
contre
W.N., et cons.,
défendeurs en cassation.
I. La décision attaquée
Les pourvois sont dirigés contre un arrêt rendu le 27 janvier 2003 par la cour d'appel de Liège, chambre des mises en accusation.
II. La procédure devant la Cour
Le conseiller Francis Fischer a fait rapport.
L'avocat général Jean Spreutels a conclu.
III. Les moyens
Les demandeurs présentent un moyen libellé comme suit:
Dispositions légales violées
- Article 135, § 3, du Code d'instruction criminelle, tel qu'il a été modifié par l'article 30 de la loi du 12 mars 1998.
Décisions et motifs critiqués
L'arrêt attaqué reçoit l'appel interjeté par les deuxième et troisième défendeurs aux motifs: «que l'appel a été interjeté le 4 octobre 2001, alors que l'ordonnance entreprise a été rendue le 19 du mois précédent; (.) qu'aux termes de l'article 135 du Code d'instruction criminelle, dans la rédaction issue de l'article 30 de la loi du 12 mars 1998, entrée en vigueur le 2 octobre de la même année, l'appel du ministère public et de la partie civile et dans certaines circonstances, de l'inculpé, est interjeté dans un délai de quinze jours par une déclaration au greffe du tribunal qui a rendu l'ordonnance, le texte précisant: 'Ce délai court à compter du jour de l'ordonnance' (§ 3, alinéa 1er); (.) que les (deuxième et troisième demandeurs) en déduisent que le jour même de l'ordonnance compterait dans ledit délai, de sorte que, en l'occurrence, le recours (des [.] défendeurs) contre l'ordonnance de non-lieu aurait été exercé un jour trop tard; (.) qu'en application de l'article 2 du Code judiciaire, les articles 52 et 53 du même code doivent être appliqués en matière répressive à défaut d'une disposition spéciale de procédure pénale et que, partant, le dies a quo - jour de la prononciation ou, comme en l'espèce, de la signature de la décision - n'est pas compris dans le délai, mais bien le dies ad quem, dès lors que le délai n'est pas qualifié de franc; que cette règle est justifiée par la circonstance qu'il suffit que l'événement qui donne cours au délai se soit passé après minuit, pour que ce dernier jour soit incomplet et ne compte, tout au plus, qu'un certain nombre d'heures (.); (.) que, pour tous les délais relatifs à l'appel, le dies a quo ne compte pas (.); (.) qu'ainsi, ce jour n'est pas inclus dans le délai, que l'expression employée soit, par exemple, 'quinze jours au plus tard après celui où (le jugement) a été prononcé' (Code d'instruction criminelle, article 203, § 1er) ou 'dans les vingt-cinq jours à compter du prononcé du jugement' (même code, article 205) (.); (.) que, sous le régime de l'article 20 de la loi du 20 avril 1874, le délai de vingt-quatre heures dans lequel l'appel devait être interjeté courait contre le ministère public 'à compter du jour de l'ordonnance'; qu'il était admis que ce même délai ne se comptait pas de momento ad momentum, mais de die ad diem, le jour de l'ordonnance ou celui de la signification ne comptant pas (.); (.) que, suivant l'article 31, § 1er, de la loi du 20 juillet 1990, les arrêts et jugements par lesquels la détention préventive est maintenue sont signifiés à l'inculpé dans les vingt-quatre heures, dans les formes prévues à l'article 18; que le délai de vingt-quatre heures se compte non de momento ad momentum, mais comprend toute la journée suivant la date de la décision (.); (.) qu'il n'apparaît en aucune façon que le législateur de 1998, qui a usé d'une expression identique à celle de l'article 20 précité, ait entendu, à l'égard de la partie civile intervenant devant la juridiction d'instruction, lors du règlement de la procédure, modifier le mode de calcul d'un délai non réputé franc; que sa volonté a été de faire courir, contre cette partie, le délai d'appel - porté de vingt-quatre heures à quinze jours - non plus depuis le jour de la signification de l'ordonnance, mais à compter de celle-ci (.); (.) que cette solution n'est pas remise en cause par les arrêts de la Cour d'arbitrage invoqué(s) par (les deuxième et troisième demandeurs), cette jurisprudence s'inscrivant dans un tout autre registre; qu'en effet, saisie de la question de savoir si l'article 135, § 3, précité, viole ou non le principe d'égalité et de non-discrimination en tant qu'il fait courir le délai d'appel de la partie civile du jour où l'ordonnance de la chambre du conseil a été rendue, cette haute juridiction a constaté que ledit délai était raisonnable et que son calcul s'opérait de la même manière pour toutes les parties devant la chambre du conseil (.); (.) qu'il s'ensuit que l'appel (des deuxième et troisième défendeurs) a été interjeté le dernier jour utile et, l'ayant été dans la forme légale, il est recevable».
Griefs
En vertu de l'article 135, § 3, alinéa 1er, du Code d'instruction criminelle, l'appel est interjeté dans un délai de quinze jours par une déclaration faite au greffe du tribunal qui a rendu l'ordonnance. Ce délai court à compter du jour de l'ordonnance.
En vertu de l'article 2 du Code judiciaire, les dispositions que porte ce code ne régissent toutes les procédures qu'à titre supplétif, afin d'en combler les lacunes. Les articles 52 et 53 du Code judiciaire ne s'appliquent dès lors pas à la procédure pénale lorsqu'un délai est fixé par le Code d'instruction criminelle.
L'article 135, § 3, alinéa 1er, in fine, dudit code est un texte clair dont la portée est confirmée par les travaux préparatoires de la loi du 12 mars 1998. Le délai d'appel de quinze jours «court à compter du jour de l'ordonnance». Le dernier jour utile pour interjeter appel de cette ordonnance est donc le quatorzième jour qui suit celui du prononcé.
La Cour d'arbitrage décide par ailleurs que «le fait que le délai de quinze jours prenne cours le jour où l'ordonnance est rendue et non le lendemain ne permet pas de conclure à une violation des articles 10 et 11 de la Constitution» et ce, notamment aux motifs que «la procédure devant la chambre du conseil, tant en ce qui concerne ses caractéristiques générales qu'en ce qui concerne la situation de la partie civile, diffère fondamentalement de la procédure devant les juridictions de jugement» et que «le Code d'instruction criminelle garantit à la partie civile qu'elle sera informée en [temps] utile de l'ordonnance de la chambre du conseil et lui accorde un délai raisonnable pour décider de l'opportunité d'un éventuel appel».
Il s'ensuit qu'en déclarant recevables les appels interjetés par les deuxième et troisième défendeurs, l'arrêt attaqué viole l'article 135, § 3, du Code d'instruction criminelle.
III. La décision de la Cour
A. En tant que les pourvois sont dirigés contre la décision qui, statuant en application de l'article 135 du Code d'instruction criminelle, reçoit les appels des défendeurs :
Attendu que les demandeurs se désistent de leur pourvoi notamment au motif que l'arrêt ne statue pas en application de cette disposition légale;
Que ces désistements sont entachés d'erreur;
Sur le moyen:
Attendu qu'en vertu de l'article 135, § 3, du Code d'instruction criminelle, le délai d'appel contre une ordonnance de la chambre du conseil court à compter du jour de l'ordonnance;
Qu'ainsi cet article se borne à définir l'acte à partir duquel le délai qu'il institue prend cours;
Attendu que, le législateur n'ayant pas prévu de mode de computation de ce délai, il y a lieu, en application de l'article 2 du Code judiciaire, de le déterminer conformément à l'article 52 du même code;
Que ledit article 52 dispose que le délai est calculé depuis le lendemain du jour de l'acte qui y donne cours;
Que, dès lors, le jour où l'ordonnance est rendue n'est pas compris dans le délai d'appel précité, même s'il fait courir celui-ci;
Que le moyen manque en droit;
Et attendu que les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et que la décision est conforme à la loi ;
B. En tant que les pourvois sont dirigés contre la décision qui ordonne «un plus ample informé», réserve les frais et reporte la cause sine die:
Attendu que les demandeurs se désistent de leur pourvoi;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Décrète le désistement des pourvois en tant qu'ils sont dirigés contre la décision qui ordonne «un plus ample informé», réserve les frais et reporte la cause sine die;
Rejette les pourvois pour le surplus;
Condamne chacun des demandeurs aux frais de son pourvoi.
Lesdits frais taxés à la somme de septante-deux euros quatre-vingt centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Marc Lahousse, président de section, Francis Fischer, Jean de Codt, Frédéric Close et Benoît Dejemeppe, conseillers, et prononcé en audience publique du neuf avril deux mille trois par Marc Lahousse, président de section, en présence de Jean Spreutels, avocat général, avec l'assistance de Fabienne Gobert, greffier adjoint principal.