M. L.,
Me Ludovic De Gryse, avocat à la Cour de cassation,
contre
REGION FLAMANDE,
Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation.
La décision attaquée
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 16 octobre 2001 par la cour d'appel d'Anvers.
La procédure devant la Cour
Le président Ivan Verougstraete a fait rapport.
L'avocat général délégué Dirk Thijs a conclu.
Les faits
Il ressort de la requête et de la décision attaquée que:
1. le jugement rendu le 24 octobre 1995 par le tribunal correctionnel de Tongres a condamné le demandeur à la remise en état des lieux dans un délai d'un an en lui ordonnant de démolir le centre fitness et ses dépendances bâti sur la parcelle à Bilzen;
2. L'arrêt rendu le 28 mars 1996 par la cour d'appel d'Anvers a confirmé le jugement précité et a condamné le demandeur au paiement d'une astreinte de 5000 FB «par jour en cas d'inexécution de l'arrêt dans un délai d'un an commençant à courir à partir de la date où le présent arrêt aura acquis force de chose jugée»;
3. l'arrêt de la cour d'appel a fait l'objet d'un pourvoi en cassation, rejeté par la Cour dans son arrêt du 8 octobre 1996;
4. le 16 mars 1998, le jugement et l'arrêt de la cour ont été signifiés au demandeur avec le commandement de payer la contrainte «à partir de ce jour»;
5. le 10 juin 1998, l'astreinte encourue de 87 X 5000 FB, pour la période du 16 mars 1988 au 10 juin 1998, a été saisie;
6. le demandeur a fait opposition contre cette saisie auprès du juge des saisies de Tongres;
7. celui-ci décida par le jugement interlocutoire du 24 juin 1999 que l'astreinte était encourue à partir de la signification de l'arrêt du 28 mars 1996, à savoir le 16 mars 1998;
8. le demandeur a interjeté appel contre cette ordonnance;
.
La décision de la Cour
1. Second moyen
Attendu qu'aux termes de l'article 1385bis, alinéa 3, du Code judiciaire, qui correspond à l'article 1er, alinéa 3, de la Loi Uniforme, l'astreinte ne peut être encourue avant la signification du jugement qui l'a prononcée;
Qu'aux termes de l'alinéa 4 de cet article, qui correspond à l'article 1er, alinéa 4, de la Loi Uniforme, le juge peut accorder au condamné un délai pendant lequel l'astreinte ne peut être encourue;
Attendu que le délai accordé par le juge pour l'exécution de la condamnation principale et le délai pendant lequel l'astreinte n'est pas encourue selon cette décision, sont d'un nature et d'une portée juridiquement différentes; que le premier délai tend en effet à permettre au débiteur de satisfaire à la condamnation prononcée contre lui;
Que le délai visé à l'article 1er, alinéa 4, de la Loi Uniforme entend accorder au débiteur un répit pour exécuter la condamnation sans qu'une astreinte puisse être encourue en raison de l'inexécution;
Que, tel qu'il ressort de l'arrêt A 2000/3 qui a été rendu le 25 juin 2002 par la Cour de justice Benelux, «la signification a pour but d'avertir le débiteur que le créancier exige l'exécution de la décision judiciaire et que le débiteur doit, dès lors, être informé de ce que le juge de l'astreinte lui a accordé encore un certain délai pour satisfaire à la condamnation avant qu'une astreinte ne soit encourue» et qu'il en résulte «que le délai visé à l'article 1er, alinéa 4, de la Loi Uniforme ne prend cours qu'à partir de la signification de la décision fixant l'astreinte»;
Attendu qu'il s'ensuit que lorsque le juge de l'astreinte fixe un délai pour l'exécution de la condamnation principale et décide que l'astreinte infligée ne sera due qu'à l'expiration de ce délai, ce délai, en ce qu'il concerne l'astreinte, entend accorder au condamné un répit pour exécuter la condamnation sans qu'une astreinte puisse être encourue en raison de l'inexécution; qu'en ce qui concerne l'astreinte, ce délai doit être considéré comme un délai visé à l'article 1385bis, alinéa 4, du Code judiciaire;
Attendu que le juge d'appel constate que le jugement rendu le 24 octobre 1995 et l'arrêt rendu le 28 mars 1996, avec le commandement indiquant expressément la contrainte dont il était constaté qu'elle était due «à partir de ce jour», ont été signifiés le 16 mars 1998 et que le 10 juin 1998 une saisie a été pratiquée pour l'astreinte encourue de 87 X 2000 francs belges, pour la période du 16 mars 1998 au 10 juin 1998; qu'il décide ensuite que le défendeur a dès lors agi correctement;
Que le juge d'appel décide ainsi que l'astreinte peut être encourue avant l'expiration du délai d'un an à compter de la signification de la décision infligeant l'astreinte, qui avait été accordée à fin d'exécuter la condamnation avant que l'astreinte soit encourue;
Qu'en décidant ainsi il a violé l'article 1385bis;
Que le moyen est fondé;
2. Autres griefs
Attendu que les autres griefs ne sauraient entraîner une cassation plus étendue;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse l'arrêt attaqué sauf en tant qu'il déclare l'appel recevable;
Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l'arrêt partiellement cassé;
Réserve les dépens pour qu'il soit statué sur ceux-ci par le juge du fond;
Renvoie la cause, ainsi limitée, devant la cour d'appel de Bruxelles.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président Ivan Verougstraete, les conseillers Greta Bourgeois, Eric Dirix, Eric Stassijns et Albert Fettweis, et prononcé en audience publique du vingt-huit mars deux mille trois par le président Ivan Verougstraete, en présence de l'avocat général délégué Dirk Thijs, avec l'assistance du greffier adjoint délégué Johan Pafenols.
Traduction établie sous le contrôle du président Ivan Verougstraete et transcrite avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.
Le greffier, Le président,