DEUTSCHE BANK, société anonyme,
Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,
contre
ETAT BELGE, et cons.
I. La décision attaquée
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 27 avril 2000 par la cour d'appel de Gand.
II. La procédure devant la Cour
Le président Ivan Verougstraete a fait rapport.
L'avocat général Guy Dubrulle a conclu.
III. Les faits
Il ressort de l'arrêt que:
1. la S.A. Rosseel Energy a donné des marchandises en dépôt à la S.A. Warrantageservice suite à un warrant conclu avec la S.A. Crédit Lyonnais Belgium;
2. la S.A.Warrantageservice a stocké les marchandises dans des entrepôts prêtés à usage par les S.A. Hasseltse Behandelings- en huurmaatschappij et Belgische Behandelings- en huurmaatschappij (nommées ci-dessous HBH et BBH);
3. la S.A. Rosseel Energy a été dissoute le 23 avril 1994 et mise en liquidation de sorte qu'à partir de ce moment il y a eu concours de créanciers;
4. un séquestre a été désigné pour cette dernière société le 29 avril 1994 et celui-ci a vendu les marchandises;
5. l'Etat belge, en tant que créancier des sociétés BBH et HBH, a réclamé, en vertu de l'article 313, § 2, de la Loi Générale sur les Douanes et Accises, un privilège spécial sur les marchandises qui étaient entreposées chez BBH et HBH et a demandé le paiement du produit de la vente des marchandises de la S.A. Rosseel Energy et de la S.A. Rosseel Bunkering qui avaient été vendues par le séquestre de ces sociétés;
6. la créance de l'Etat belge sur BBH et HBH, les débiteurs en entrepôt, excède le produit de la vente des marchandises qui étaient entreposées dans les entrepôts douaniers d'Anvers et de Hasselt;
(.)
V. La décision de la Cour
Attendu que, d'une part, en vertu de l'article 313, § 2, alinéa 2, de l'arrêté royal du 18 juillet 1977 portant coordination des dispositions générales relatives aux douanes et accises, l'administration sera préférée à tous autres créanciers sur les marchandises qui se trouvent dans les entrepôts au nom de son débiteur;
Que le législateur a voulu que les privilèges du régime d'exception dont les agents économiques pouvaient bénéficier grâce au système d'entrepôt n'excède pas certaines limites du fait que l'Etat serait préféré à tous autres créanciers;
Attendu que, d'autre part, aux termes de l'article 17 de la loi du 18 novembre 1862 portant institution du système des warrants, «le créancier est payé de sa créance sur le prix directement, et sans formalité de justice, par préférence à tous créanciers, sans autre déduction que les sommes dues pour le recouvrement: 1° des droits de douanes et accises dus sur la marchandise; 2° (.)»;
Qu'il résulte de cette disposition que les droits de douanes et accises sont payables par préférence et que le produit de la vente des marchandises faisant l'objet du warrant ne revient au porteur de ce titre que dans la mesure où ces droits ont été acquittés;
Qu'il ne peut être déduit de la disposition dudit article 17 qui se réfère uniquement aux obligations du débiteur mais ne contient pas de disposition relative au privilège de l'Etat, que la préférence absolue dont l'administration bénéficie en vertu de l'article 313, § 2, ne porte nécessairement que sur les droits de douanes et accises dus sur les marchandises faisant l'objet du warrant qui ont été réalisées;
Que la préférence peut également s'exercer sur d'autres marchandises entreposées;
Attendu que l'arrêt considère que l'Etat belge peut exercer son privilège sur le produit de la vente des marchandises entreposées dans les dépôts de Hasselt et d'Anvers et que le privilège de l'Etat prime celui de la demanderesse, le porteur du warrant;
Que l'arrêt ne viole pas ainsi les dispositions légales citées par le moyen;
Que le moyen ne peut être accueilli;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi;
Condamne la demanderesse aux dépens.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président Ivan Verougstraete, le président de section Robert Boes, les conseillers Greta Bourgeois, Ghislain Londers et Eric Dirix, et prononcé en audience publique du vingt-sept mars deux mille trois par le président Ivan Verougstraete, en présence de l'avocat général Guy Dubrulle, avec l'assistance du greffier adjoint délégué Johan Pafenols.
Traduction établie sous le contrôle du président Ivan Verougstraete et transcrite avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.
Le greffier, Le président,