LE PROCUREUR GENERAL PRES LA COUR D'APPEL DE BRUXELLES,
demandeur en cassation,
contre
T. K., accusé,
ayant pour conseils Maîtres Pierre Chomé et Olivier Bastyns, avocats au barreau de Bruxelles.
La décision attaquée
Le pourvoi est dirigé contre un arrêt rendu le 13 septembre 2002 par la cour d'assises de l'arrondissement administratif de Bruxelles-Capitale.
La procédure devant la Cour
Le conseiller Jean de Codt a fait rapport.
L'avocat général Raymond Loop a conclu.
Les moyens de cassation
Le demandeur présente un moyen libellé comme suit:
Dispositions légales violées
- Article 14 de la Constitution;
- Articles 2, 25, 79, 80, 467 du Code pénal;
- Loi du 17 avril 2002 instaurant la peine de travail comme peine autonome en matière correctionnelle et de police.
Décisions et motifs critiqués
L'arrêt attaqué condamne [le défendeur], après admission de circonstances atténuantes, du chef de la prévention de vol à l'aide d'effraction, d'escalade ou de fausses clefs, comme auteur ou coauteur, à une peine de deux cents heures de travail en application de la loi du 17 avril 2002.
Griefs
Les faits dont [le défendeur] est déclaré coupable ont été commis le 3 juin 1992, date à laquelle la peine de travail n'était pas prévue dans notre arsenal juridique.
L'arrêt méconnaît ainsi la portée de l'article 14 de la Constitution, des articles 2, 25, 79, 80 et 467 du Code pénal ainsi que la portée de la loi du 17 avril 2002; la peine prononcée est dès lors illégale.
La décision de la Cour
Attendu que l'article 2 du Code pénal interdit de donner à la loi pénale un effet rétroactif au préjudice de l'inculpé mais prescrit en revanche d'appliquer la loi qui, entrée en vigueur après la commission de l'infraction, sanctionne celle-ci moins sévèrement;
Que, contrairement à ce que le moyen soutient, l'alinéa premier de la disposition légale précitée ne subordonne pas la rétroactivité de la loi pénale favorable à l'inculpé, à la condition que la peine plus douce que celle-ci institue ait existé au temps où l'infraction fut commise;
Attendu que la gravité relative de deux peines se mesure non seulement par rapport à leur durée ou à leur taux, mais également en fonction de leur nature, de leur caractère, de leur espèce ou de leur objet;
Que la peine de travail est, en raison de son objet, moins sévère que l'emprisonnement puisque son incidence sur la liberté individuelle est plus limitée;
Attendu que l'arrêt constate que le demandeur a été reconnu coupable de vol avec effraction, escalade ou fausses clefs, faits commis le 3 juin 1992;
Que l'arrêt admet en faveur du défendeur des circonstances atténuantes;
Que les faits constituent dès lors un délit puni d'une peine d'emprisonnement d'un mois à cinq ans;
Qu'en prononçant, à raison de ce délit, une peine de travail de deux cents heures, en application de la loi du 17 avril 2002 instaurant la peine de travail comme peine autonome en matière correctionnelle ou de police, l'arrêt donne à ladite loi un effet rétroactif favorable au défendeur;
Qu'ainsi, la cour d'assises a fait une exacte application de l'article 2 du Code pénal;
Attendu que le demandeur ne déduit la violation des autres dispositions, constitutionnelle et légales, citées dans le moyen, que de la méconnaissance, vainement alléguée, du principe consacré par l'article 2 précité;
Que le moyen ne peut être accueilli;
Et attendu que les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été observées et que la décision est conforme à la loi;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi;
Laisse les frais à charge de l'Etat.
Lesdits frais taxés à la somme de vingt-quatre euros treize centimes dus.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre, à Bruxelles, où siégeaient Marc Lahousse, président de section, Francis Fischer, Jean de Codt, Frédéric Close et Benoît Dejemeppe, conseillers, et prononcé en audience publique du huit janvier deux mille trois par Marc Lahousse, président de section, en présence de Raymond Loop, avocat général, avec l'assistance de Fabienne Gobert, greffier adjoint principal.