ETAT BELGE,ministre des Finances,
Me Ignace Claeys Bouuaert, avocat à la Cour de cassation,
contre
CUSTOMS & TRAFIC DAVA, société anonyme,
Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation.
I. La décision attaquée
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 8septembre 1999 par la cour d'appel de Bruxelles.
II. La procédure devant la Cour
Le conseiller Eric Dirix a fait rapport.
L'avocat général délégué Dirk Thijs a conclu.
III. Les faits
Les faits sont reproduits dans la requête comme suit:
La défenderesse réclame la restitution de l'excédent apparu en sa faveur dans la déclaration lors de l'établissement de la T.V.A. due au Trésor. L'administration considère au contraire que la défenderesse est redevable de sommes nettement supérieures. Elle a constaté ce supplément de dette dans son procès-verbal du 7juin 1985 qui a fait l'objet de la contrainte décernée le 12février 1986, déclarée exécutoire le 13février 1986 et notifiée à la défenderesse le 17février 1986.
Cette contrainte a fait l'objet de l'opposition de la défenderesse avec citation en justice devant le tribunal de première instance de Louvain. Le tribunal a accueilli l'opposition mais l'appel de ce jugement est encore pendant.
Entre-temps, en application des articles 76, § 1er, du Code de la T.V.A. et 81,§ 3, de l'arrêté royal n°4 du 29décembre 1969 relatif aux restitutions en matière de taxe sur la valeur ajoutée, le receveur a effectué des retenues sur le solde créditeur apparu dans les déclarations de la défenderesse. Conformément à l'article 76,§1er,alinéa3, ces retenues valent saisie-arrêt conservatoire. Toutefois, la défenderesse invoque l'illégalité de l'article81 de l'arrêté royal précité en vertu duquel les retenues valent saisie-arrêt conservatoire, conformément à l'article76,§ 1er, alinéa3, précité. Par jugement rendu le 14novembre 1995, le juge des saisies de Louvain a admis cette thèse. L'arrêt attaqué a débouté le demandeur de son appel contre ce jugement.
IV. Le moyen
Le demandeur présente un moyen de cassation, libellé dans les termes suivants:
Dispositions légales violées
- articles 10, 11, 149 et 159 de la Constitution coordonnée;
- articles76,§ 1er, de la loi du 3juillet 1969 créant le Code de la taxe sur la valeur ajoutée (dénommé ci-après Code de la T.V.A.), tel qu'il a été modifié par l'article 86 de la loi du 28décembre 1992, et 81, plus spécialement § 3, de l'arrêté royal n°4 du 29décembre 1969 relatif aux restitutions en matière de taxe sur la valeur ajoutée, tel qu'il a été modifié par l'arrêté royal du 14avril 1993;
- pour autant que de besoin, article18 de la sixième directive n°77/388/CEE du Conseil, du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme;
- articles1413, 1415, 1445 et 1446 du Code judiciaire;
- articles1319, 1320 et 1322 du Code civil;
- principe général du droit relatif à l'autonomie des parties, dit principe dispositif, consacré notamment à l'article1138,2°, du Code judiciaire.
Décisions et motifs critiqués
Après avoir indiqué les dispositions légales et réglementaires contestées et reproduit les dispositions principales de l'article81, § 3, de l'arrêté royal n°4 du 29décembre 1969 relatif aux restitutions en matière de taxe sur la valeur ajoutée, l'arrêt a confirmé la décision du premier juge et a décrit le régime instauré en des termes généraux en relevant notamment:
"Que ces règles excluent en effet que le juge des saisies (.) examine si la créance de l'administration (.) est menacée de perte;
Qu'ensuite, il est inutile que le juge des saisies (.) examine (.) les qualités de la créance requises par l'article1415;
Que l'alinéa4 dispose expressément que la retenue tend à garantir la créance de l'administration qui n'est pas certaine, liquide et exigible;
Que les alinéas5 et 6 autorisent la retenue sur la base d'un simple procès-verbal établi par l'administration même faisant état de présomptions sérieuses quant à l'existence d'une dette d'impôt et que les alinéas7 et 10 disposent que cette retenue équivaut à une saisie-arrêt conservatoire dont le juge des saisies ne peut ordonner la mainlevée aussi longtemps que la preuve administrée par les procès-verbaux n'est pas réfutée ou aussi longtemps que perdurent d'autres circonstances, indépendantes de la volonté du juge des saisies, telle une instruction pénale";
Que l'arrêt a déclaré le régime précité illégal et inconstitutionnel, par les considérations:
"(3) que l'article81, § 3, de l'arrêté royaln°4 du 29décembre 1969instaure un traitement inégal des créanciers qui, comme (la défenderesse), bénéficient d'un crédit d'impôt en matière de T.V.A. mais ont une autre dette fiscale envers (le demandeur) et dont le crédit d'impôt peut être retenu suivant une procédure qui déroge aux articles1413 et 1415 du Code judiciaire;
Que ce traitement est différent de celui des autres débiteurs, également créanciers de leur propre créancier, qui ne sont obligés d'admettre la saisie-arrêt conservatoire pratiquée entre leurs mains par leur créancier que s'il est satisfait aux conditions des articles1413 et 1415;
(...) que cette inégalité de traitement n'est pas, en soi, contraire au principe de l'égalité consacré aux articles10 et 11 de la Constitution et qu'en matière fiscale, la dérogation à certaines dispositions de droit commun du Code judiciaire se justifie par l'intérêt du Trésor ou la lutte contre la fraude fiscale;
Que, toutefois, cette dérogation ne peut avoir pour effet de priver l'assujetti de la garantie essentielle du contrôle juridictionnel effectif de la régularité et de la validité de la retenue de la dette fiscale dans le cadre de la saisie;
(.) que, dès lors qu'il exclut tout contrôle du juge des saisies, l'article81, § 3, de l'arrêté royal n°4 du 29décembre 1969 précité est contraire tant aux articles10 et 11 de la Constitution qu'à l'article76,§ 1er, du Code de la T.V.A.;
Qu'en vertu de cet article, le Roi peut instaurer le régime de la retenue valant saisie-arrêt conservatoire mais il ne saurait être déduit des termes utilisés ou des travaux préparatoires (reproduits dans les arrêts précités de la Cour d'arbitrage) qu'à l'intervention du législateur, le Roi pourrait instaurer un système inconciliable avec le principe constitutionnel de l'égalité;
Que la cour d'appel, juridiction ordinaire, ne peut appliquer la disposition d'un arrêté réglementaire qui n'est pas conforme aux lois et à la Constitution [article159 (ancien article107) de la Constitution];
(4) que l'article81, § 3, de l'arrêté royal n°4 du 29décembre 1969 ne trouve pas davantage de fondement dans le droit européen, au contraire:
(.) qu'en réponse à des questions préjudicielles, la Cour de justice a décidé récemment que l'article18, § 4, de la sixième directive 77/388/C.E.E. du Conseil, du 17mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - système commun de taxe sur la valeur ajoutée: assiette uniforme, suivant lequel, quand le montant des déductions autorisées dépasse celui de la taxe due pour une période de déclaration, les États membres peuvent soit faire reporter l'excédent sur la période suivante, soit procéder au remboursement, ne s'oppose en principe pas à ce qu'une mesure de retenue soit prise en garantie des dettes fiscales, mais requiert que, conformément au principe de la proportionnalité, cette mesure entrave le moins possible la réalisation des buts et le respect des principes de la directive, qui est le droit à la déduction de la T.V.A.;
Que la cour relève notamment qu'il n'y a pas lieu d'avoir égard aux dispositions nationales (.) qui font obstacle à un contrôle juridictionnel efficace, tel que notamment le contrôle de l'urgence et de la nécessité de la retenue de l'excédent de la T.V.A. restituable (.) ou qui empêcheraient la suppression totale ou partielle de la retenue pendant toutes les phases de la procédure (dispositif);
(5) qu'en conséquence, les retenues litigieuses n'ont pas de fondement légal ou réglementaire auquel la cour doit avoir égard;
Qu'en effet, l'article 81, § 3, de l'arrêté royal n°4 du 29décembre 1969 n'étant pas applicable, les retenues litigieuses ne sauraient être justifiées par le seul article76, § 1er, du Code de la T.V.A. en vertu duquel le Roi peut instaurer le régime des retenues valant saisie-arrêt conservatoire;
(.) qu'en conséquence, il y a lieu de confirmer la décision du premier juge qui oblige (le demandeur) à mettre fin aux retenues, fût-ce sur la base de ce seul motif;
(.) que, par ailleurs, (le demandeur) a seulement défendu dans ses conclusions la retenue visée à l'article 81, § 3, de l'arrêté royaln°4 du 29décembre 1969 en faisant essentiellement valoir, à l'encontre de la jurisprudence précitée de la Cour d'arbitrage et de la Cour de justice, que le juge des saisies conserve le contrôle juridictionnel, fût-ce dans une moindre mesure que pour les saisies ordinaires - défense réfutée ci-avant;
que, toutefois, il ne demande pas l'autorisation de pratiquer une saisie-arrêt conservatoire satisfaisant aux conditions prescrites aux articles1413 et 1415 du Code judiciaire, et n'invoque pas l'accomplissement de ces conditions pour justifier la retenue valant saisie-arrêt conservatoire;
(6) (.) qu'en outre, s'il est décidé que l'inapplicabilité de l'article 81, §3, de l'arrêté royal n°4 du 29décembre 1969 concerne uniquement les dispositions excluant le contrôle juridictionnel du juge des saisies et que le principe de la retenue instauré par cet article reste applicable et doit être complété par les dispositions du droit commun de la saisie, il y a lieu de constater que les conditions légales ne sont pas remplies;
(.) que (le demandeur) n'apporte pas la preuve que la dette fiscale résultant du procès-verbal du 7juin 1985 et de la contrainte du 12février 1986 ne pourrait plus être exigible;
Que, dans le pire des cas, comme le premier juge l'a judicieusement considéré, en ne faisant pas preuve de diligence dans la contestation au fond, il en serait la cause;
(.) que, de surcroît, la dette ne peut plus raisonnablement être considérée comme certaine, exigible et liquide dès lors que le jugement du 12novembre 1996 a annulé la contrainte et qu'en conséquence, sur le plan du droit matériel, (le demandeur) a été débouté de sa demande à l'égard de (la défenderesse);
Que la saisie ne peut être maintenue alors que la demande a été rejetée par le jugement statuant sur le fond (.)",
Par ces motifs, la cour d'appel a confirmé la décision du premier juge qui ordonne la mainlevée des retenues et a condamné le demandeur à la restitution des sommes litigieuses, intérêts inclus, et aux dépens.
Griefs
1.Généralités
Suivant le Code de la taxe sur la valeur ajoutée, l'excédent résultant pour une période déterminée de la différence entre la somme de la taxe déductible et la taxe due au Trésor est en principe restitué à l'assujetti.
Le législateur a toutefois voulu prévoir une mesure de sécurité au cas où la déclaration ferait apparaître un droit à restitution alors qu'une procédure pendante pourrait établir l'existence d'une dette fiscale plus importante.
C'est ainsi qu'en vertu de l'article76, § 1er, alinéa3, du Code de la T.V.A., le Roi peut prévoir "une retenue valant saisie-arrêt conservatoire au sens de l'article 1445 du Code judiciaire".
Ces termes impliquent que l'instrument juridique créé constitue non pas une saisie-arrêt conservatoire au sens de l'article 1445 du Code judiciaire, mais une notion juridique sui generis, dotée de caractéristiques et produisant des effets juridiques autres que ceux de la saisie-arrêt conservatoire prévue au Code judiciaire.
Ainsi, les dispositions du Code judiciaire relatives à la saisie-arrêt conservatoire ne seront applicables à cette notion que dans la mesure où le Roi n'aura pas prévu de règlement spécifique.
Les mesures ordonnées en application de la disposition légale précitée, consacrée notamment à l'article81, § 3, de l'arrêté royaln°4 du 29décembre 1969, tel qu'il a été modifié par les arrêtés royaux des 29décembre 1992 et 14avril 1993, impliquent d'une part que la condition de célérité requise par l'article 1413 du Code judiciaire soit remplie et d'autre part que la retenue soit effectuée pour une créance dont l'existence est constatée dans un procès-verbal de l'administration, même si cette créance n'est pas certaine, exigible ou liquide comme l'édicte l'article1415 du Code judiciaire.
L'arrêt ne nie pas le contenu ni le sens de l'article81, § 3, de l'arrêté royal n°4 du 29décembre 1969 mais refuse d'appliquer celui-ci:
a) aux motifs qu'ayant instauré un traitement inégal entre des catégories de créanciers et ayant exclu plus spécialement tout contrôle de la part du juge des saisies, cet article est contraire aux articles10 et 11 de la Constitution et 76, § 1er, du Code de la T.V.A.;
b) au motif qu'il ne trouve aucun fondement dans le droit européen;
c) en outre, au motif que la contrainte visant le recouvrement de la dette fiscale litigieuse a été annulée par jugement du 12novembre 1996.
L'arrêt a considéré de surcroît que l'article81, § 3, de l'arrêté royal n°4 du 29décembre 1969 n'étant pas applicable, les retenues litigieuses ne sauraient être justifiées par le seul article76, §1er, du Code de la T.V.A.
2.Première branche
L'article76 du Code de la T.V.A., dispose expressément que le Roi peut prévoir une retenue valant saisie-arrêt conservatoire mais n'impose ni conditions ni formalités à cet égard et, plus spécialement, n'exclut pas l'existence d'une présomption quant à ces conditions d'application.
Il ne peut être déduit du fait qu'il déroge sur certains points à la saisie-arrêt conservatoire visée au Code judiciaire que l'article81, § 3, de l'arrêté royal n°4 du 29décembre 1969 est contraire à l'article76, § 1er, du Code de la T.V.A. En effet, le législateur a uniquement voulu que l'instrument juridique prévu produise les mêmes effets que la saisie-arrêt conservatoire visée au Code judiciaire, ce qui implique qu'il ne l'a pas subordonné aux mêmes conditions d'existence ou d'application.
Ainsi, la spécificité de l'instrument juridique créé découle de la loi même et, en conséquence, l'arrêté royal précité vise uniquement l'exécution de la disposition légale de l'article76, § 1er, du Code de la T.V.A.
L'arrêt a reconnu en outre, en ce qui concerne le principe de l'égalité, qu'une inégalité de traitement n'est pas, en soi, contraire au principe constitutionnel et qu'une différence de traitement entre des intérêts particuliers, d'une part, et, d'autre part, l'intérêt public lié au bon fonctionnement des institutions publiques et, plus spécialement, la perception correcte des taxes, peut se justifier en
soi.
En outre, l'existence d'un contrôle juridictionnel n'est pas inconciliable avec la condition de la présomption de célérité et de la subordination du droit de retenue à l'existence d'un procès-verbal établi par l'administration pour autant que la preuve administrée par ce procès-verbal ne soit pas réfutée ou les conditions prévues à la loi remplies.
La question de savoir s'il s'agit d'une présomption iuris et de iure ou d'une présomption iuris tantum n'est pas pertinente en l'espèce. La présomption iuris tantum implique que l'assujetti est tenu d'apporter la preuve de sa solvabilité.
Il y a lieu de relever à cet égard qu'il ressort d'une lecture correcte de l'arrêt rendu le 7juillet 1998 par la Cour d'arbitrage, cité dans l'arrêt attaqué, que le juge des saisies doit pouvoir exercer un contrôle effectif sur la régularité et la validité de la retenue et non sur la dette même. Son contrôle doit s'étendre sur les conditions de fond et de forme propres à l'instrument juridique utilisé, tel qu'il a été créé par la loi. Il n'est pas dit que ces conditions de fond et de forme spécifiques seraient, en soi, illicites mais que les dérogations au droit commun ne peuvent faire obstacle à ce que ces conditions de fond et de forme spécifiques soient soumises à un contrôle juridictionnel effectif.
En effet, dans le régime décrit en l'espèce, le juge conserve le contrôle de l'application de la réglementation prévue à l'arrêté royal d'exécution de la loi.
Il s'ensuit qu'en excluant l'application de l'article81, § 3, de l'arrêté royal n°4 du 29décembre 1969, l'arrêt n'a pas appliqué correctement l'article159 de la Constitution, a déclaré à tort que la réglementation prévue à l'arrêté royal précité n'est pas conciliable avec le principe constitutionnel de l'égalité, a subordonné l'application de l'article76, § 1er, du Code de la T.V.A. à des restrictions qui sont incompatibles avec la teneur de cette disposition légale et, en outre, n'a pas appliqué correctement les dispositions du Code judiciaire relatives à la saisie-arrêt conservatoire (violation de toutes les dispositions légales citées au début du moyen, à l'exception des articles1319, 1320 et 1322 du Code civil et du principe dispositif).
(.)
V. La décision de la Cour
1.Quant à la première branche:
Attendu que l'article 76, § 1er, alinéa3, du Code de la T.V.A. dispose, en ce qui concerne l'excédent de la T.V.A. revenant à l'assujetti, que le Roi peut prévoir, au profit de l'administration de la T.V.A., de l'enregistrement et des domaines, une retenue valant saisie-arrêt conservatoire au sens de l'article1445 du Code judiciaire;
Que, soucieuse d'assurer un recouvrement efficace de la taxe, cette disposition légale a conféré au Roi le pouvoir de prévoir un mode spécifique de retenues entraînant, comme une saisie-arrêt, l'indisponibilité de la demande de l'assujetti;
Que, s'il résulte de cette disposition légale que la retenue produit les mêmes effets que la saisie-arrêt conservatoire, plus spécialement en ce qui concerne le droit pour l'assujetti de soumettre la validité de la retenue à un contrôle juridictionnel, il ne s'ensuit pas qu'elle ne peut être appliquée que s'il est satisfait à toutes les conditions de la saisie conservatoire; qu'à cet égard, les conditions prévues au Code judiciaire en matière de saisie-arrêt conservatoire ne peuvent être appliquées que par analogie;
Qu'ainsi, cette disposition légale ne peut priver les personnes faisant l'objet d'une retenue d'un crédit d'impôt de tout contrôle juridictionnel effectif de la régularité et de la validité de cette retenue;
Attendu qu'en vertu de l'article81, § 3, alinéa4, de l'arrêté royal n°4 du 29décembre 1969 relatif aux restitutions en matière de taxe sur la valeur ajoutée, si la dette d'impôt visée à l'alinéa1er ne constitue pas une créance certaine, liquide et exigible, en tout ou en partie, au profit de l'administration, ce qui est notamment le cas lorsqu'elle est contestée ou lorsqu'elle a donné lieu à une contrainte visée à l'article85 du Code dont l'exécution est interrompue par l'opposition prévue à l'article 89 du Code, le crédit d'impôt est retenu à concurrence de la créance de l'administration;
Que cette retenue vaut saisie-arrêt conservatoire jusqu'à ce que le litige soit définitivement terminé, soit par la voie administrative, soit par un jugement ou un arrêt coulé en force de chose jugée; que, pour la mise en ouvre de cette retenue, la condition exigée par l'article1413 du Code judiciaire est censée être remplie;
Attendu qu'en vertu de l'article81, § 3, alinéa7, de l'arrêté royal n°4 du 29décembre 1969, la retenue visée aux alinéas4 et 5 vaut saisie-arrêt conservatoire jusqu'au moment où la preuve, contenue dans les procès-verbaux visés à l'alinéa précédent, est réfutée, ou jusqu'au moment où la véracité des transactions apparaît des données obtenues conformément aux procédures prévues par la réglementation établie par les Communautés européennes en matière d'échange de renseignements entre les Etats membres de la Communauté;
Qu'en vertu de l'article81, § 3, alinéa10, de l'arrêté royal n°4 du 29décembre 1969, l'assujetti peut uniquement faire opposition à la retenue visée aux alinéas4 et 5 en faisant application de l'article 1420 du Code judiciaire; que cette disposition prévoit néanmoins que le juge des saisies ne peut pas ordonner la mainlevée de la saisie aussi longtemps que la preuve administrée par les procès-verbaux visés à l'alinéa6 n'est pas réfutée, aussi longtemps que les données issues de l'échange de renseignements entre les Etats membres de la Communauté ne sont pas obtenues ou pendant le temps d'une information du parquet ou d'une instruction du juge d'instruction;
Que, conformément à l'article 159 de la Constitution, les cours et tribunaux ne peuvent appliquer les dispositions du règlement contenu à l'article 81, § 3, de l'arrêté royal n°4 du 29décembre 1969 qui font obstacle à un contrôle juridictionnel effectif; qu'en outre, les dispositions de cet arrêté doivent être interprétées de manière à être essentiellement conciliables avec la portée de l'article76 du Code de la T.V.A. précité;
Attendu que la circonstance que la créance de l'administration en vertu de laquelle le crédit d'impôt est retenu en application de l'article 81, § 3, alinéa4, de l'arrêté royal n°4 du 29décembre 1969 n'est en principe pas certaine, exigible et liquide ne fait pas obstacle à ce que le juge des saisies contrôle si, bien que contestée, la créance constitue prima facie une créance certaine et liquide au sens de l'article 1415 du Code judiciaire;
Qu'il incombe au juge des saisies appelé à exercer le contrôle juridictionnel de la régularité et de la validité de la retenue de vérifier si les éléments de preuve ou indices de fraude invoqués dans les procès-verbaux de l'administration de la T.V.A. justifient la retenue des excédents de la T.V.A., compte tenu des circonstances de la cause, de la nécessité de préserver les intérêts du Trésor public et de la proportionnalité requise entre les moyens utilisés et le but poursuivi;
Attendu que la branche du moyen fait valoir que le droit de contrôle du juge des saisies ne s'étend pas au contrôle de la dette fiscale même;
Que le moyen, en cette branche, manque en droit;
(.)
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux dépens.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président Ivan Verougstraete, les conseillers Greta Bourgeois, Ghislain Londers, Eric Dirix et Eric Stassijns, et prononcé en audience publique du trois janvier deux mille trois par le président Ivan Verougstraete, en présence de l'avocat général délégué Dirk Thijs, avec l'assistance du greffier en chef Etienne Sluys.
Traduction établie sous le contrôle du conseiller Daniel Plas et transcrite avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.
Le greffier, Le conseiller,