YES OIL, s.a.,
demanderesse en cassation,
représentée par Maître Paul Wouters, avocat à la Cour de cassation,
contre
ETAT BELGE, (Finances), et cons.,
défendeurs en cassation,
représenté par Maître Antoine De Bruyn, avocat à la Cour de cassation.
I. La décision attaquée.
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 22 juin 2000 par la cour d'appel de Bruxelles.
II. La procédure devant la Cour.
Le conseiller Claude Parmentiera fait rapport.
L'avocat général André Henkesa conclu.
III. Le moyen de cassation.
La demanderesse présente un moyen libellé dans les termes suivants:
Violation des articles 17 du Code judiciaire, 85, spécialement § 1er, 85bis, 88, 89, spécialement alinéa 2 (tel qu'en vigueur avant sa modification par l'article 59 de la loi du 15 mars 1999 relative au contentieux en matière fiscale), du Code de la taxe sur la valeur ajoutée, 2, spécialement alinéa 1er, 6 de la loi du 8 août 1997 sur les faillites, 59 et 94 de l'arrêté royal du 17 juillet 1991 portant coordination des lois sur la comptabilité de l'Etat,
en ce que
l'arrêt, qui rappelle que la recevabilité de la demande originaire était contestée par la demanderesse "en ce que celle-ci a été introduite par le directeur régional de l'inspection spéciale des impôts [I.S.I.] de Bruxelles et alors que, selon la thèse de [la demanderesse], ce dernier n'a ni qualité ni intérêt pour agir dans le cadre d'une action en déclaration de faillite", décide que cette demande était bien recevable, aux motifs qu'"il importe de rappeler que l'article 6 de la loi du 8 août 1997 sur les faillites énonce que celles-ci sont prononcées notamment sur 'citation d'un ou de plusieurs créanciers' ; [.] le créancier en l'espèce est l'Etat belge en la personne du ministre des Finances, titulaire de la créance fiscale de t.v.a. énoncée en page 1 de la citation introductive d'instance ; [.] l'I.S.I. et ses fonctionnaires, chargés de l'application du Code de la t.v.a., disposent, en vertu de l'article 87 de la loi du 8 août 1980, des pouvoirs que 'les dispositions légales et réglementaires en matière d'impôts, de droits et de taxes attribuent aux administrations fiscales et à leurs fonctionnaires' ; [.] partant, le directeur régional de l'inspection spéciale des impôts de Bruxelles , en qualité de représentant du ministre des Finances, a la qualité requise pour lancer la citation en déclaration de faillite ; [.] par ailleurs, [.] la qualité - notamment - de créancier requise par l'article 6 de la loi du 8 août 1997 pour pouvoir citer en déclaration de faillite n'a pas pour effet de transformer cette procédure en une procédure de recouvrement comme la qualifie cependant [la demanderesse] ; [.] en effet, la citation en déclaration de faillite n'est rien d'autre, comme le premier juge l'a justement rappelé, que la mise en ouvre d'une procédure collective visant à la sauvegarde des droits de tous les créanciers venant ainsi en concours ; [.] partant, la procédure litigieuse n'étant ni une mesure d'exécution ni une mesure de recouvrement, le fait que le directeur régional de l'inspection spéciale des impôts de Bruxelles ne soit pas comptable public est sans incidence sur la recevabilité de la demande en déclaration de faillite soumise à l'appréciation de la cour [d'appel]",
et en ce que
l'arrêt, après avoir jugé la demande originaire recevable, déclare l'appel portant le numéro 1999/AR/1203 irrecevable et l'appel portant le numéro 1999/AR/1460 non fondé et en déboute la demanderesse,
alors que
l'action en justice suppose intérêt et qualité (article 17 du Code judiciaire) ; que, s'agissant des personnes morales, dont l'Etat belge, la qualité à agir s'apprécie tant dans le chef de l'organe à l'intermédiaire duquel la personne morale agit que dans le chef de cette dernière, l'accomplissement des actes de procédure proprement dits pouvant être confiés, en vertu de la loi ou d'une délégation particulière, à une personne tierce, dont les "poursuites et diligences" régiront l'instance ; en matière de taxe sur la valeur ajoutée, c'est l'Etat belge, titulaire de la créance fiscale, qui a intérêt et qualité à agir, ce qu'il fait à l'intermédiaire de son organe compétent, le ministre des Finances, étant entendu que la procédure judiciaire sera menée sur les "poursuites et diligences" du fonctionnaire désigné par la loi en fonction de l'objet de la demande en justice ; que, s'agissant du recouvrement de la taxe sur la valeur ajoutée, ce fonctionnaire est le "fonctionnaire chargé du recouvrement", c'est-à -dire le receveur de la t.v.a., qui est désigné par la loi pour décerner les contraintes (articles 85, § 1er, du Code de la t.v.a. et 94 de l'arrêté royal du 17 juillet 1991 portant coordination des lois sur la comptabilité de l'Etat), procéder à des saisies-arrêts exécution (article 85bis du Code de la t.v.a.) prendre hypothèque (article 88 du Code de la t.v.a.) et qui doit être cité en justice lorsque le contribuable entend s'opposer à l'exécution de la contrainte (article 89 du Code de la t.v.a.) ; que seul le receveur de la t.v.a., en sa qualité de comptable du Trésor, est habilité à percevoir la taxe sur la valeur ajoutée pour compte de l'Etat (article 59 de l'arrêté royal du 17 juillet 1991 portant coordination des lois sur la comptabilité de l'Etat), de sorte qu'aucun autre fonctionnaire n'est compétent pour exercer les poursuites et diligences en matière de recouvrement de la taxe sur la valeur ajoutée,
et alors que
tout commerçant qui a cessé ses paiements de manière persistante et dont le crédit se trouve ébranlé est en état de faillite (article 2 de la loi du 8 août 1997 sur les faillites) ; la faillite est déclarée par jugement du tribunal de commerce saisi, soit sur l'aveu du commerçant, soit sur citation d'un ou de plusieurs créanciers, du ministère public, de l'administrateur provisoire visé à l'article 8 ou du syndic de la procédure principale dans le cas visé à l'article 3, §2 (article 6 de la loi du 8 août 1997 sur les faillites) ; que la faillite est une procédure d'exécution collective, comprenant un ensemble de règles destinées à assurer, sur un pied d'égalité, le désintéressement de tous ceux qui étaient créanciers chirographaires du commerçant failli au jour de la déclaration de sa faillite et, dans la mesure où la citation en faillite a pour but de préparer et de réaliser l'exécution collective des droits des créanciers sur les biens du débiteur, elle constitue une procédure de recouvrement ; de sorte que l'arrêt qui, pour conclure à la recevabilité de la citation en faillite introduite par l'Etat belge, représenté par le ministre des Finances, en la personne du directeur régional de l'inspection spéciale des impôts, décide que, la procédure litigieuse n'étant ni une mesure d'exécution ni une mesure de recouvrement, le fait que le directeur régional de l'inspection spéciale des impôts de Bruxelles ne soit pas comptable public est sans incidence sur la recevabilité de la demande en déclaration de faillite soumise à l'appréciation de la cour [d'appel], viole les articles 2 et 6 de la loi du 8 août 1997 sur les faillites, la citation en faillite constituant bien une mesure de recouvrement, contrairement à ce que décide l'arrêt, ainsi que, par voie de conséquence, les articles 17 du Code judiciaire, 85, spécialement § 1er, 85bis, 88, 89, spécialement alinéa 2, (tel qu'en vigueur avant sa modification par l'article 59 de la loi du 15 mars 1999 relative au contentieux en matière fiscale) du Code de la taxe sur la valeur ajoutée, 59 et 94 de l'arrêté royal du 17 juillet 1991 portant coordination des lois sur la comptabilité de l'Etat, dès lors que, la citation en faillite constituant bien une mesure de recouvrement, seul le fonctionnaire chargé du recouvrement aux termes des dispositions précitées, c'est-à -dire le receveur de la t.v.a., avait qualité pour mettre en ouvre la procédure, à l'exclusion du directeur régional de l'Inspection spéciale des impôts.
IV. La décision de la Cour.
Attendu que le moyen repose sur l'affirmation que la faillite constitue une procédure de recouvrement et que, s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée, l'Etat ne peut, dès lors, agir en justice que sur les poursuites et diligences du receveur de cette taxe, chargé légalement d'en poursuivre le recouvrement;
Attendu que la faillite est une procédure collective de liquiÂdation organisée au profit de la masse des créanciers représentée par un curateur et comportant la suspension des poursuites indiviÂduelles des créanciers; qu'elle n'est pas une procédure de recouvrement;
Que le moyen manque en droit;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi;
Condamne la demanderesse aux dépens.
Les dépens taxés à la somme de cinq cent quatre-vingt-deux euros cinq centimes envers la partie demanderesse et à la somme de cent trois euros quatre-vingt-quatre centimes envers la première partie défenderesse.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le conseiller Claude Parmentier, faisant fonction de président, les conseillers Philippe Echement, Christian Storck, Jean de Codt et Didier Batselé, et prononcé en audience publique du premier février deux mille deux par le conseiller Claude Parmentier, faisant fonction de président, en préÂsence de l'avocat général André Henkes, avec l'assistance du greffier Marie-Jeanne Massart.