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27/05/1971 | BELGIQUE | N°RANDOM1672484252

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 27 mai 1971, RANDOM1672484252


Texte (pseudonymisé)
886 JURISPRUDENCE
trat et le même fait : le contrat d’emploi liant les parties et le fait que le 8 janvier ; 1968 et le 15 février de la même année la demanderesse avait refusé au défen- deur, qui avait été victime d’un accident, de reprendre son travail ;
Attendu qu’ayant statué dans les limites de la contestation qui lui était soumise, le juge du fond n’a violé ni le principe invoqué par le moyen ni les dispositions légales indiquées par celui-
Que le moyen ne peut être accueilli ; Par ces motifs, rejette le pourvoi; condamne la demanderesse aux d

pens.
Du 26 mai 1971. — 3° ch. — Prés. M. Polet, conseiller faisant fonctions d...

886 JURISPRUDENCE
trat et le même fait : le contrat d’emploi liant les parties et le fait que le 8 janvier ; 1968 et le 15 février de la même année la demanderesse avait refusé au défen- deur, qui avait été victime d’un accident, de reprendre son travail ;
Attendu qu’ayant statué dans les limites de la contestation qui lui était soumise, le juge du fond n’a violé ni le principe invoqué par le moyen ni les dispositions légales indiquées par celui-
Que le moyen ne peut être accueilli ; Par ces motifs, rejette le pourvoi; condamne la demanderesse aux dépens.
Du 26 mai 1971. — 3° ch. — Prés. M. Polet, conseiller faisant fonctions de président. — Aa. M. Bm. — Concl. contraires (a). M. Duchatelet, avocat général. — PI. M. Ak.
1re CH — 27 mai 1971.
1° TRAITÉS INTERNATIONAUX. — ASSENTIMENT DONNÉ A UN TRAITÉ INTERNATIONAL PAR .UN ACTE DU
CONSTITUANT POINT L’EXERCICE D’UNE
2° LOIS ET ARRÊTÉS. — ASsENTI- MENT DONNÉ A UN TRAITÉ INTERNA- TIONAL. — ASSENTIMENT DONNÉ DANS LA FORME D’UNE LOI. — ACTE DÉ- POURVU DE CARACTÈRE NORMATIF.
3° TRAITÉS INTERNATIONAUX. — CONFLIT ENTRE UNE NORME ÉTABLIE PAR UN TRAITÉ INTERNATIONAL ET UNE NORME ÉTABLIE PAR UNE LOI POSTÉ- RIEURE. — CONFLIT NE CONSTITUANT POINT UN CONFLIT ENTRE DEUX LOIS,
(1) Dans l’exploit introductif d’instance et dans les conclusions prises par lui devant le conseil de prud’hommes d’appel, le défen- deur soutenait que son employeur avait rompu unilatéralement le contrat qui les liait et demandait des indemnités. La sentence attaquée, après avoir décidé que ledit contrat n’avait pas été rompu par l’employeur, mais que son exécution avait été abusivement suspendue par celui-ci, le condamne à payer les mêmes indemnités, pour réparer le préju- dice subi par le défendeur du chef de la sus- pension. Le ministère public estimait dès lors que la sentence attaquée avait, en violation de la foi due à l’exploit introductif d’instance DE BELGIQUE
4° LOIS ET ARRÊTÉS. — ABROGATION TACITE. — LOI ABROGEANT UNE LOF ANTÉRIEURE DANS LA MESURE OÙ LA SECONDE CONTREDIT LA PREMIÈRE. — RÈGLE SANS APPLICATION AU CONFLIT ENTRE UN TRAITÉ INTERNATIONAL ET UNE LOI.
5° TRAITÉS INTERNATIONAUX. — CONFLIT ENTRE UNE NORME DE DROIT INTERNATIONAL CONVENTIONNEL AYANT DÉS EFFETS DIRECTS DANS L’ORDRE JURIDIQUE INTERNE ET UNE NORME DE DROIT INTERNE. — PRÉÉMI- NENCE DE LA RÈGLE ÉTABLIE PAR LE TRAITÉ.
69 COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES. — CONFLIT ENTRE UNE DISPOSITION DE DROIT COMMUNAUTAIRE DIRECTE- MENT APPLICABLE ET UNE NORME DE DROIT INTERNE. — PRÉÉMINENCE DE LA RÈGLE DE DROIT COMMUNAUTAIRE.
79 COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES. — NATURE DE L’ORDRE JURIDIQUE COMMUNAUTAIRE.
8° COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES. — ARTICLE 12 DU TRAITÉ INSTITUANT LA COMMUNAUTÉ ÉCONOMIQUE EURO- PÉENNE. — INTERDICTION POUR LES ETATS MEMBRES D’INTRODUIRE ENTRE EUX DE NOUVEAUX DROITS DE DOUANE OU DE NOUVELLES TAXES D’EFFET ÉQUI- ALENT. — INTERDICTION D’AUGMEN- TER CES DROITS OU TAXES D’EFFET ÉQUIVALENT APPLIQUÉS DANS LEURS
9° COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES. — ARTICLE 12 DU TraITÉ CEE. — DISPOSITION PRODUISANT DES EFFETS
10° COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES. — ARTICLE 12 DU TRAITÉ C.E.E. —
et aux conclusions, prononcé sur choses non demandées.
Depuis l’entrée en vigueur de l’article 1138, 2°, du Code judiciaire, s’il a été prononcé sur choses non demandées, il n’y a plus d’ouverture à requête civile mais seulement, et contre les décisions rendues en dernier ressort, possibilité de pourvoi en cassation ; cass., 15 janvier 1970 BBBk. et PAsic., 1970, I, 403); comp. cass., 8 février 1900 (ibid, 1900, I, 142), 16 novembre 1916 (ibid, 1917, I, 316), 28 octobre 1919 (ibid, 1919, I, 285); Bruxelles, 4 février 1927 (ibid, 1928, IT, 25), et en matière d’arbitrage, cons. Bruxelles, 15 mai 1954 (Journ. trib., 1954, 576).
COUR DE CASSATION 887
OBLIGATION DU JUGE D’ÉCARTER L’AP- 8° Le conflit entre une norme de droit PLICATION DES DISPOSITIONS DE DROIT établie par un traité international et INTERNE CONTRAIRES A CET ARTICLE une norme établie par une loi posté- DU TRAITÉ C.E.E. rieure n’est pas un conflit entre deux lois.
11° COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES.
— ARTICLE 12 DU TRAITÉ C.E.E, — 40 La règle, d’après laquelle une loi INCOMPATIBILITÉ DE CETTE DISPO- abroge la loi antérieure dans la mesure SITION AVEC LA LOI DU 19 MARS 1968. où elle la contredit, est sans application — EFrETS DE LA LOI DU 19 MARS au cas où le conflit oppose un traité 1968 ARRÊTÉS DANS LA MESURE OÙ international et une lot.
ILS SONT EN CONFLIT AVEC L’ARTICLE 12
5e Lorsqu’un conflit existe entre une norme DU TRAITÉ C.E.E. de droit international conventionnel, 12° LOIS ET ARRÊTÉS. — LoI DU ayant des effets directs dans l’ordre 19 MARS 1968. — LOI RATIFIANT POUR juridique interne, ét une norme de LE PASSÉ LES ARRÊTÉS, POSTÉRIEURS droit interne, la règle établie par le AU 1°" JANVIER 1958, QUI ÉTABLIS- traité doit prévaloir, la prééminence SAIENT DES DROITS SPÉCIAUX A L’IM- de celle-ci résultant de la nature même PORTATION. du droit international conventionnel (2).
13° LOIS ET ARRÊTÉS. Loi Du 6° Lorsqu’un conflit existe entre une norme ‘interne et une norme de droit 19 MARS 1968. — LOI CONTRAILE’A
L’ARTICLE 12 DU TRAITÉ INSTITUANT communautaire directement applicable, LA COMMUNAUTÉ ÉCONOMIQUE EURO- celle-ci doit prévaloir (3).
PÉENNE DANS LA MESURE OÙ ELLE 79 Les traités qui ont créé le droit commu- RATIFIE LES ARRÊTÉS QUI ONT ÉTABLI, nautaire ont institué un nouvel ordre APRÈS L’ENTRÉE EN VIGUEUR DU juridique au profit duquel les Etats TRAITÉ, DES DROITS SPÉCIAUX A L’IM- membres ont limité l’exercice de leurs PORTATION OU DES TAXES D’EFFET Pouvoirs souverains dans les domaines ÉQUIVALENT. que ces traités déterminent.
14° LOIS ET ARRÊTÉS. — ARRÊTÉS 89 L'article 12 du traité instituant la AYANT ÉTABLI DES DROITS SPÉGIAUX Communauté économique uropéenne AL’IMPORTATION DE PRODUITS LAITIERS, interdit aux Etats membres, à partir POSTÉRIEUREMENT AU (1°r JANVIER de Vl’entrée en vigueur du Traité, tant 1958. — ARRÊTÉS CONTRAIRES A d'introduire entre eux de nouveaux L'ARTICLE 12 DU TRAITÉ C.E.E. droits de douane à l’importation et à
15° PRESCRIVANT LOIS ET ARRÊTÉS. FORMELLEMENT — DISPOSITION L’APPLI- l'exportation valent que ou d’augmenter des taxes d'effet ceux qu’ils équi- appliquaient jusqu’à cette date dans CATION DE LA LOI POSTÉRIEURE A UNE
leurs relations commerciales mutuelles. NORME DE DROIT COMMUNAUTAIRE
DIRECTEMENT APPLICABLE, MÊME SI 9e L’article 12 du traité instituant la CETTE LOI EST INCOMPATIBLE AVEC Communauté économique uropéenne LADITE RÈGLE DE DROIT COMMU- produit des effets directs et engendre NAUTAIRE. — DISPOSITION DÉNUÉE dans le chef des justiciables des droits D’EFFET. individuels que les juridictions natio- nales doivent sauvegarder (4).
16° RÉPÉTITION DE L’INDU. —_
PERCEPTION DE DROITS PORTANT SUR 10° Le juge a le devoir d’écarter l’appli- DES IMPORTATIONS PROVENANT D’ETATS cation des dispositions de droit interne, MEMBRES DE LA COMMUNAUTÉ ÉCO- contraires à l’article 12 du traité insti- NOMIQUE EUROPÉENNE, ALORS QUE tuant la Communauté économique euro- CES DROITS N'ÉTAIENT PAS DUS. — péenne, disposition directement appli- RESTITUTION DE CES DROITS SUR LA cable dans tout Etat membre.
BASE DE LA RÉPÉTITION DE L’INDU.
119 Ayant constaté que l’article 12 du 10 et 20 Même lorsque l’assentiment à un traité instituant la Communauté éco- traité international, exigé par l’arti-
cle 68, alinéa 2, de la Constitution, (1) (@) (8) et (4) Cons. les autorités citées est donné dans la forme d’une loi, le dans les conclusions du ministère public. pouvoir législatif, en accomplissant Voy. aussi la note du professeur P. PESCATORE cet acte, n’exerce pas ‘une fonction publiée sous l’arrêt in Cahiers de droit euro- normative (1). péen, 1971, p. 561 et suiv.
888 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
nomique européenne et la loi du 19 mars Les questions que pose le pourvoi 1968, dont l’application était contestée, | touchent au fondement même du droit sont incompatibles, le juge décide léga- | international, aujourd’hui plus que jamais lement que les effets de la loi du 19 mars | en constant développement, à sa nature 1968 étaient «arrêtés dans la mesure | et à ses effets sur l’exercice des pouvoirs où elle était en conflit avec une disposi- | de l’Etat. Elles portent aussi sur la tion directement applicable du droit | nature et sur les effets du droit commu- international conventionnel ». nautaire.
te passé ‘ les. arrêtée, postérieurs” fe + au | pement Vous me que pardonnerez les divers aspocts donc le des dévelop- ques- der janvier 1958, ui élablissaient des | HONS | fondamentales qui doivent être droits spéciaux à importation et qui | ©xaminées je, me déterminent à donner quotent ; “te ; aross PE Les articles ; 43 à ces La demande conclusions. originaire formée par la
os de l'arrêté SU É royal du 23 octobre | société \imitée de « Etablissements personnes à responsabilité Detry », aux
resse, tendait au remboursement de les éfets des arrêtés qui ont établi, droits spéciaux que cette société avait après instituant l'entrée la, Communauté en wigueur économique œu traite EE ayés l'importation au cours des de années produits 1958 laitiers. à 1964 Portation européenne, ou des des taxes droits d'effet spéciaux équivalent, ?m- | | La de l’indu. défenderesse Elle avait agissait fondé en son. répétition action
en a [etifiant loi du ces mars arrêtés Pour est le contraire passés | sur du des Code articles civil. 1235, 1376, 1377 et 1878 à l’article 12 du Traité. Devant le premier juge, la défenderesse 14° Les arrêtés qui, après le 1° janvier faisait valoir, à l’appui de sa demande 1958, date de l'entrée en vigueur du | © restitution de ces droits spéciaux, traité instituant la Communauté éco- | d’une part, que les arrêtés royaux en nomique européenne, ont établi des | Yertu desquels les droits avaient été droits spéciaux à l'importation notam- | perçus n’avaient pas été ratifiés, comme ment de produits laitiers étaient con- | le prescrivaient les lois des 30 juin 1931 traires à l’article 12 du traité instituant et 30 juillet Le compatibles avee la Communauté économique européenne. | Ces arrêtés étaient incompali v
serit formellement l’application de la | mesure où les droits que ces arrêtés loi postérieure à une norme de droit | établissaient frappaient l'importation de communautaire directement applicable produits en provenance des Etats mem- même dans la mesure où celte loi est | bres de la Communauté ou de l’un d’eux. incompatible commanautaire, avec est, ladite dans règle cotte de mesure, droit Dans les conclusions : qu’elle > prit ; devant dénuée d'effet. : (Décision implicite.) P : la à fonder cour d’appel, sa demande la demanderesse sur le défaut renonça de 16° Lorsque le juge constate que des droits | ratification des arrêtés royaux : depuis payés par une partie n’étaient pas dus, | la notification de l’appel du jugement dans la mesure où, en vertu d’une dispo- | du tribunal de première instance qui sition du traité instituant la Commu- | avait déclaré la demande mal fondée, nauté économique européenne, ils con- | la loi du 19 mars 1968 était entrée en cernaient des importations provenant | vigueur ; celle-ci ratifiait pour le passé les d’Etats membres de la Communauté, | arrêtés en vertu desquels les droits il en déduit légalement que celte partie | avaient été perçus.
est en principe fondée à demander la | L'article 1e" de la loi du 30 juillet restitution de ces droits en se basant | 1934, portant modification de la loi sur les règles qui régissent la répétition | du 30 juin 1981 relative à l’importation, e l’indu. l l’exportation et le transit des marchan- dises, disposait que le Roi peut, par (ÉTAT BELGE, MINISTRE DES AFFAIRES | arrêté délibéré en conseil des ministres, ÉCONOMIQUES, C. SOCIÉTÉ ANONYME | réglementer l’importation, l’exportation « FROMAGERIE FRANCO-SUISSE LE SKI ».) | €t le transit de toutes marchandises et fixer les droits spéciaux à percevoir à M. le procureur général Ah van | l’occasion de la délivrance des autorisations der Meersch a dit en substance : accordées par application de ladite régle- COUR DE CASSATION 889 … mentation. Ces arrêtés, on l’a dit, ment est irrévocable et me peut donner devaient, aux termes de l’article 2 de lieu à contestation devant quelque autorité la même loi, être soumis à la ratification que ce soit ». La loi précise que la rati- des Chambres. fication sortit ses effets rétroactivement, Un arrêté royal du 3 novembre 1958, c’est-à-dire « à compter du jour de l’entrée pris en exécution des lois des 30 juin en vigueur de ces arrêtés ».
1931 et 30 juillet 1934, mais abrogélp’r
l’article 8 de l’arrêté royal du 24 février + **
1960, avait établi un droit spécial,
perçu à l’occasion de la délivrance des La Commission de la Communauté licences d’importation de certains pro- économique européenne ayant estimé duits laitiers. La matière a aussi fait que l’Etat belge (1) avait manqué aux l’objet de plusieurs arrêtés ultérieurs, obligations qui lui incombent en vertu notamment ceux des 24 février 1960, du traité instituant la Communauté, 29 avril 1960, 26 août 1960, 12 septembre en établissant des droits spéciaux à 1960, 28 octobre 1960 et 28 juin 1962 ; l’importation des produits laitiers en ces arrêtés ne modifiaient ni le principe provenance des Etats membres, exerça de la perception ni la procédure; ils contre lui un recours devant la Cour se bornaient à modifier le taux des de justice. Cette action était fondée droits. sur la violation de l’article 12 du Traité. La loi du 30 juin 1931, telle qu’elle a été Dans cet article, les Etats membres modifiée par la loi du 30 juillet 1934, fut s’engagent notamment à ne pas établir expressément abrogée par l’article 11 de entre eux de nouveaux droits à l’impor- la loi du 11 septembre 1962. Celle-ci tation ou de taxes d’effet équivalent (2). maintient toutefois au Roi le pouvoir Cette disposition met en œuvre l’une de réglementer l’importation, l’exporta- des règles essentielles qui guident impé- tion et le transit des marchandises, rativement l’action de la Communauté notamment par un régime de licences et en vue de «l’établissement d’un Marché par l’établissement de droits spéciaux. commun » (3). L'article 3 du traité La défenderesse, qui importait de dispose, en effet, que cette action com- l’étranger, et notamment des pays mem- porte : «… a) l’élimination, entre les bres de la Communauté, des produits Etats membres, des droits de douane
tombant sous le coup de la réglemen- à Pentrée et à la sortie des marchandises, tation établie par l’arrêté royal du ainsi que de toutes autres mesures 3 novembre 1958, paya les droits spé- d'effet équivalent ».
ciaux sur le montant de ses importations, Les mots « droit de douane » doivent qui, suivant les constatations de l’arrêt, être compris dans leur sens technique : se sont élevés, pour la période s’étendant un droit figurant au tarif douanier, du 1°" novembre 1958 au 1°" novembre perçu par l’administration des douanes 1964, à une somme de 59.638.636 francs. et exigible du fait du franchissement de la Les droits spéciaux à l’importation frontière par une marchandise.
des produits laitiers ont été supprimés La notion de mesure ou de «taxe par l’arrêté ministériel du 29 octobre d’effet équivalent » à un droit de douane 1964 et par l’arrêté royal du 23 octobre ne ressort pas pleinement des termes. 1965. Mais, les arrêtés en vertu desquels Ceux-ci ont dû être interprétés par la ces droits avaient été perçus antérieure- | jurisprudence. La Cour de justice a ment ont été, comme l’arrêté royal précisé que : « la taxe d’effet équivalent du 3 novembre 1958, ratifiés pour le peut être considérée, quelles que soient passé par la loi du 19 mars 1968, dont son appellation et sa technique, comme l’article unique dispose : « Les sommes un droit unilatéralement imposé, soit versées en application de ces arrêtés au moment de l’importation, soit ulté- sont définitivement acquises. Leur paye- rieurement, et qui, frappant spécifi-
(1) L'action exercée contre l’Etat belge ayant été modifiés, quant aux taux du droit, fut jointe À une action identique exercée contre par plusieurs arrêtés postérieurs.
VEtat luxembourgeois (aff. jointes n°s 90 (2) C.E.Æ., art. 12 : « Les Etats membres et 91-63). Un arrêté grand-ducal du 17 novem- s’abstiennent d’introduire entre eux de nou- bre 1958 avait établi le même droit spécial veaux droits de douane à l’importation et à que celui qu’instituait l’arrêté royal belge du l’exportation ou taxes d’effet équivalent, et 8 novembre 1958, à l’occasion de la déli- d’augmenter ceux qu’ils appliquent dans Vrance des licences d’importation pour cer- leurs relations commerciales mutuelles ».
tains produits laitiers, ces deux arrêtés (3) CEE, art. 2.
890 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
quement le produit importé d’un pays | membres, des droits de douane à l’impor- membre à l’exclusion du produit national | lation et à l’exportation, et de toutes taxes similaire, a pour résultat, en altérant son | d’effet équivalent (...) ».
prix, d’avoir ainsi sur la libre circulation Le recours avait été exercé par la des produits la même incidence qu’un | Commission conformément aux arti- droit de douane» (1). Il résulte de | cles 169 et 174 du Traité (4). L'article 169, cette définition, écrit M. X, | en tant qu’il attribue à la Commission que la qualification de la taxe et son | le pouvoir d’exercer ce recours devant mode de perception importent peu : | la Cour de justice (5), est un complé- seul l’effet est déterminant (2). Si les | ment de l’article 155, qui dispose que : auteurs du Traité s’en étaient tenus à | « En vue d’assurer le fonctionnement et une notion formelle, telle que celle de | le développement du Marché commun, droit de douane, ils auraient couru le | la Commission : — veille à l’application risque que le Traité ne soit pas appliqué | des dispositions du (présent) traité de façon uniforme dans les six Etats (3). | ainsi que des dispositions prises par les La règle fondamentale de l’article 3, | institutions en vertu de celui-ci (...) ». dont l’article 12 est une application, | La faculté donnée à la Commission d’exer- est précisée dans l’article 9, première | cer un recours doit lui permettre de disposition de la deuxième partie du | remplir son obligation de veiller à Traité, intitulée Des fondements de la | l’application des dispositions du traité Communauté; cet article dispose que | et des dispositions prises par les institu- la «Communauté est fondée sur une | tions de celui-ci (6). L'article 155, union douanière qui s’étend à l’ensemble | alinéa 2, constitue la Commission en des échanges de marchandises, et qui | «gardienne du traité ».
comporte l'interdiction, entre les Etats Lorsque la Commission estime qu’un
(1) C.J.C.E,, aff. jointes 2 et 3/62, Commis- (3) M. X, in : J. MEorerT, sion de la CÆ.E, c. Grand-Duché de Luxem- | J.V. Louis, Aq Bi et M. X, bourg et Royaume de Belgique, 14 décembre | Le droit de la Communauté économique 1962, Rec. VIII, p. 813; aff. 7-68, Com- | européenne, I, Presses universitaires de mission des Communautés c. Itépublique ita- | Bruxelles, 1970, p. 39 et suiv. et la ju- lienne, 10 décembre 1968, /èec. XIV, I, 1968, | risprudence citée aux pages 40 ct 41, p. 618, spéc. p. 626 et 627 ; aff. 24-68, Commis- | Cons. aussi : L VAN BUNNEN, « La notion sion des Communautés c. République italienne, | de taxe d’effet équivalent à un droit de 1er juillet 1969, Zèee. XV, p. 193, spéc. p. 201 ; | douane et l’application de l’article 12 du traité aff. 2 et 3-69, Sociaal Fonds voor Diamantar- | de Rome », f. T., 1963, p. 462; Aq Az, beiders c. S. A. Brachfeld & Sons, 1er juillet | «Die Umsatzausgleichsteuer auf Abschäpfungs- 1969, Rec. XV, p. 211, spéc. p. 222, 224 et 225 ; waren », A.W.D., 1964, p. 33 et suiv. ; Y. VAN cons. C.J.C.E., aff, 7-67, Milehwerke Wôhr- | DER MENSBRUGGHE, «La mise en œuvre mann AX Ch c. Hauptzollamt Bad Reichen- | des dispositions du traité C.E.E. relatives à la hall, € avril 1968, Rec. XIV, F, 1968, p. 262, | circulation des marchandises », C.D.F., 1966, spéc. p. 273. p. 40; du même auteur : « La libre circula- (2) La notion est parallèle à celle des taxes | tion des marchandises », in Droit des Commu- d’effet équivalant à un droit de douane à | nautés européennes. Les Novelles, Bruxelles, Vexportation. L'article 16 C.E.E. interdit, | 1970, n°8 1743 et suiv.; W. STRAUSS, « Zôlle au plus tard à l’expiration de la première | und mengenmässige Beschränkungen in der étape (de la période transitoire), dans les | Rechtsprechung des Gerichtshofs der E. G. rapports entre Etats membres tout droit | zum Recht der Europäischen Wirtschafts- de douane à l'exportation et toute taxe | gemeinschaft », in Bv Bd, Franc- ayant un effet équivalent, c’est-à-dire toute | fort 1966, p. 515.
taxe qui, en altérant le prix d’une mar- (4) Cons. Praité C.E.E.A., art. 141 et 143. chandise exportée, a sur la libre circulation | Cf. Traité C.E.C.A., art. 88.
de cette marchandise la même incidence (5) C.B.E., art. 170, al. 1er. Tout Etat restrictive qu’un droit de douane, sans qu’il { membre pout aussi saisir la Cour de justice y ait de distinction à faire selon le but pour- | s’il estime qu’un autre Etat membre a manqué suivi par la perception des droits et taxes | à une des obligations qui lui incombent en en cause. C.J.C.E., aff. 7-68, Commission | vertu du traité, Mais avant d’introduire e. République italienne, 10 décembre 1968, | pareil recours, il doit en saisir la Commission Rec. XIV, 1968, p. 618 et les conclusions de ; (art. 170, al. 2).
M. l’avocat général Gand, — Cons. J. Am- 6 (6) C.T.C.E. aff. jointes 2 et 3/62, Commission PHOUX, Chronique, C.DF.., 1969, p. 577. ! e. Etat belge et Grand-Duché de Luxembourg,
COUR DE CASSATION 891
Etat membre a manqué à ses obligations, | et organisé par l’article 173 du Traité : elle doit mettre cet Etat «en mesure | ce n’est pas un recours contre l’acte de présenter ses observations ». C’est | d’une ‘institution de la Communauté, là une phase de conciliation (1). Ce n’est | mais un recours institué à l’occasion qu’après cette phase que la Commission, | du manquement d’un Etat membre. si elle persiste à considérer que l’Etat | L’arrêt de la Cour a un effet purement membre a manqué à ses obligations, | déclaratoire (4). Le Traité ne permet « émet un avis motivé » au sujet du man- | point d’exécution forcée : si la Cour quement. Si l’Etat membre ne se con- | reconnaît que l’Etat contre qui le recours forme pas à cet avis dans le délai déter- | a été exercé a manqué à ses obligations, miné par la Commission, celle-ci peut | il «est tenu de prendre les mesures que saisir la Cour de justice (art. 169, al. 2). | comporte l’exécution de l’arrêt de la Cette procédure remarquable peut être | Cour de justice» (art. 171).
assimilée à un recours obligatoire à Les obligations découlant du Traité Parbitrage international (2), après l’échec | incombent aux Etats en tant que tels; de la conciliation. La Cour, au surplus, | la responsabilité d’un Etat membre appelée à apprécier et à préciser quelles | au regard de l’article 169 est engagée, sont les obligations des Etats, dispose | quel que soit l’organe de l’Etat dont ici d’un pouvoir qui doit lui permettre | l’action ou l’inaction est à l’origine du d’assurer «le respect du droit dans | manquement, même s’il s’agit d’une | l'interprétation et l’application du (..) | institution constitutionnellement indé- ; Traité » (art. 164). pendante (5).
| Sur le recours de la Commission Sur le recours exercé par la Commission contre un Etat membre, la Cour n’a pas | contre le demandeur, la Cour de justice | ' compétence pour annuler l’acte ou les | des Communautés européennes a, par
| actes que constater de cet le Etat manquement. (3). Elle Le ne Traité peut | arrêt qu’ «en du établissant 13 novembre et en appliquant 1964, décidé après
n’apporte même pas le moyen de prendre le 1° janvier 1958 un droit spécial directement des sanctions contre l’Etaten | perceptible à l’occasion de la délivrance faute. Mais, si l’Etat persistait dans son | de licences d’importation » de produits manquement, le renouvelait ou l’aggra- | laitiers, le gouvernement belge avait vait, la Commission pourrait exercer | enfreint les dispositions impératives de un nouveau recours. Le recours prévu | l’article 12 du traité (6).
par Particle 169 diffère fondamentale- La condamnation de l’Etat belge par ment du recours en annulation prévu | l’arrêt de la Cour de justice du 13 novem-
14 décembre 1962, Rec. VIII, spéc. p. 825. | diritto europeo, 1970, p. 99 et suiv.; G. Ras- Cons. H. VON DER GROEBEN et H. VAN | QUIN, Les manquements des Etats membres Borcx, Kommentar, 11, 1960, 121 ; E, Wonr- | des Communautés européennes devant la Cour FARTH, U. EverLiNG, H. Al BJ et | de justice, Luxembourg 1964.
R. SPrUNG, Die E.W.G., 1960, 483; J. Am- (2) Cons. P. CAnIER, op. cit., p. 159.
PHOUX, « Recours en constatation des manque- (8) C.J.C.E. aff. 6-60, Humblet c. Etat belge, ments des Etats membres », in Droit des | 16 décembre 1960, Æec. VI, 1960, p. 1128, Communautés européennes, 1969, « Recours | spéc. p. 1145 et 1146.
en manquement des Etats membres », section IT, (4) Sur la notion d'arrêt décleratoire en droit n°8 1043 à 1088, p. 379 à 389. international, cons. : Bf AK, Traité (1) Sur les recours en constatation des | de droit international public, II, 1954, p. 163 ; manquements des Etats membres dans le | Cf BI, « Des arrêts seulement déclaratoires traité C.E.C.A. et dans le traité C.E.E., | de la Cour de justice ou du règlement judi- cons. : Al Ao, « Recours en constatation | ciaire partiel des différends internationaux », des manquements des Etats », in Droit des | Travaux et Conférences, revue de la Faculté Communautés européennes, Novelles, Bruxelles, | de droit de l’Université de Bruxelles, 1963, II, 1969, n°# 1042 à 1088; du même auteur : | p. 19.
C.D.E., 1970, p. 698 et suiv.; P. CAHIER, (5) C.J.C.E. aff. 8-70, Commission des «Les recours en constatation des manque- | Communautés européennes c. République ita- ments des Etats membres devant la Cour | lienne, 18 novembre 1970, Rec, XVI, 1970, des Communautés européennes », C.D.E., | p. 961.
1967, p. 128; S. F. EyNArD, « L'article 169 (6) L'arrêt contient la même décision en du traité de Rome : douze ans d’application | ce qui concerne le gouvernement du Grand- de la procédure d’infraction à l’égard des | Duché de Luxembourg. Aff. jointes n°5 90 Etats membres de la C.E.E.», Fivista di ! et 91-63, Rec. X, 1964, p. 117 et suiv.
892 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
bre 1964 est sans lien direct avec l’action | arrêt rendu le 17 février 1970 (4), la diffé- exercée par la défenderesse. rence entre l’action exercée en raison La Gour de justice des Communautés | du manquement par un Etat membre européennes a, elle-même, clairement | à ses obligations et l’action devant le déterminé la portée des procédures rela- | juge national fondée sur les effets direc- tives aux manquements par les Etats | tement applicables d’une disposition du membres aux obligations qui leur in- | droit communautaire. Le recours intro- combent, telles qu’elles sont prévues | duit par la Commission, dans cette cause, aux articles 169, 170 et 171 du traité, | avait pour objet de faire reconnaître et indiqué combien ces seules procédures, | que l’Etat italien avait manqué aux qui ne sont accessibles qu’à la Commission, | obligations découlant pour lui des règles d’une part, et aux Etats membres, | d’organisation de marchés agricoles, en autres que l’Etat en faute, d’autre part, | s’abstenant de verser, ou en versant ne sauraient satisfaire les ressortissants, | avec retard, les restitutions de droits victimes de la violation de l’article 12 | auxquelles les exportateurs pouvaient par un Etat membre de la Communauté. | prétendre pour ces produits. La Cour de En effet, après avoir rappelé que «la | justice a estimé que, dans ce cas, les circonstance que le traité, dans les | éléments produits par la Commission articles (169, 170 et 171), permet à la | n’établissaient pas à suffisance de droit Commission et aux Etats membres | l’existence d’un manquement au sens d’attraire devant la Cour un Etat qui | de l’article 169, mais elle a expressément n’a pas exécuté ses obligations n’impli- | décidé que les constatations relatives que pas pour les particuliers l’impossi- | aux manquements des Etats membres bilité d’invoquer (.…) devant le juge | à leurs obligations « ne sauraient préju- national ces obligations », la Cour ajoute | dicier aux droits éventuels que les inté- « qu’une limitation aux seules procédures |-ressés auraient à faire valoir devant des articles 169 et 170 des garanties | les juridictions nationales des Etats contre une violation de l’article 42 par | membres ».
les Etats membres supprimerait toute Les deux actions diffèrent de nature; protection juridictionnelle directe des | elles sont indépendantes l’une de l’autre. droits individuels de leurs ressortis- | La Cour de justice admet que l’Etat sants » (1). Le particulier n’a, en effet, | puisse être condamné par l’une de ses pas accès à la procédure qu’organise | propres juridictions à des restitutions l’article 169 du Traité. de droits, alors même que la Cour elle- Il y a une différence fondamentale | même aurait admis qu’il n’y avait pas entre les effets d’une décision déclarant, | de manquement caractérisé, lorsque l’af- en vertu de cette procédure de droit | faire a été examinée dans son entier. communautaire qui est une application % % +
du principe de la responsabilité de droit L'arrêt emploie, définir la international des Etats, tic un Etat | situation qui attaqué naît de l’entrée pour en vigueur membre a violé ses obligations commu- | en droit interne d’une loi incompatible nautaires, ot ceux d’un recours sur là | avec une disposition du Traité, une base d’une disposition du Traité, direc- | Contrairement à
tement applicable (2). La, Cour, de | expression qu’affirme 16 précise. demandeur, il ne dit point ce justice a fait elle-même cette distine- que la loi est nulle parce que contraire fion : « L'action d’un particulier tend | à l'article 12 du Traité : il ne l’annule à la sauvegarde de droits individuels pas non plus; il dit que «les effets dans un cas d'espèce, tandis que l’in- de la loi du 19 mars 1968 (…) sont tervention des autorités communautaires | » ainsi les {termes vise l’observation générale et uniforme | arrêtés dont s’était reprenant servi prédécesseur de la règle communautaire > (8). M. le général mon Hayoit de Ter- Elle a à nouveau souligné, -dans un micourt, procureur en analysant ce qu’il appelait
--—— | «le conflit traité-loi interne » (5).
vrier 1963, /?ec. IX, 1963, spéc. p. 24 et 25. |. Cons, aussi : Bs AT. « Les dispositions de (2) Cons. L. J. CONSTANTINEsco, L’appli- | droit communautaire directement applica- cabilité directe dans le droit de la C.E.E., 1970, Ï bles », C.D.E., 1970, p. 3, 12.
spéc. p. 42 et suiv. Ï (4) C.J.C.E., aff. 31-69 Commission des (3) C.T.C.E., aff. 28-67 Ca Ae C Communautés européennes c. République ita- Av c. Hauptzollamt Paderborn, Rec, | lienne, 1T février 1970, Zee. XVI, 1970, XIV, 1968, p. 212, 227 et les conclusions de : p. 25 et suiv., spéc. p. 36.
M. l’avocat général Gand, ibid, p. 233, 236. (5) « Conflict tussen het verdrag en de COUR DE CASSATION 893
Le demandeur affirme, néanmoins, à | subjectifs dont ils peuvent deman- trois reprises qu’en décidant que l’arti- | der le respect aux tribunaux belges ». cle 12 du Traité arrêtait les effets de la loi Il admet donc, on ne peut plus claire- du 19 mars 1968, le juge a « annulé, » dans | ment, que les effets de la loi du 19 mars cette mesure, l’article unique de cette | 1968 sont arrêtés dans la mesure où loi. C’est là vouloir ignorer la différence | cette loi est en conflit avec l’article 12 fondamentale qui existe en droit public | du Traité.
entre le refus d’application d’une règle x >
de droit positif et son annulation. Le demandeur affirme aussi, dans L’interprétation que le demandeur | sa requête à la Cour, que le juge aurait, donne de l’arrêt, dans sa requête, est, | en statuant comme il l’a fait, contrôlé à cet égard, surprenante. Elle l’est | la constitutionnalité de la loi, pouvoir d’autant plus que le juge précise claire- | qu’il n’a pas : «Le pouvoir législatif, ment la question qu’il est appelé à | souverain dans son domaine, apprécie résoudre avant de se prononcer. Non | seul la conformité des lois à la Consti- seulement, l’arrêt décide, en effet, qu’il | tution », écrit-il. Ici encore, le demandeur a à apprécier si «les effets de la loi du | verse dans la confusion, tant au point 19 mars 1968, postérieure à l’intégration | de vue des règles du droit international du traité de Rome dans la législation | public qu’au point de vue du droit public nationale, sont arrêtés », mais il ajoute | interne. L’arrêt ne dit rien de pareil. que la question à résoudre est de savoir, | Le traité n’est pas loi. Il est l’œuvre lorsqu’une incompatibilité se manifeste | de l’exécutif : « Le Roi fait les traités », entre la norme de droit international dit l’article 68 de la Constitution, et non conventionnel et la norme de droit | le législatif. C’est un acte contractuel. interne, laquelle doit prévaloir. Il pré- | Sa source est dans la volonté et l’accord cise qu’admettre que le droit communau- | des Hautes Parties contractantes. Sans taire — en l’espèce l’article 12 du Traité | doute, les Chambres donnent-elles leur — arrête les effets de la loi du 19 mars | assentiment aux traités « qui pourraient 1968 ne revient nullement à « censurer | grever l’Etat ou lier individuellement des la loi » et que, contrairement à ce que le | Belges » (2), et il ne se concevrait pas qu’il demandeur objecte, «la prétention de | en fût autrement dans un système l’appelante (demanderesse originaire, ici | démocratique fondé sur la souveraineté défenderesse) ne conduit pas à déclarer | nationale, mais cela ne permet pas de une loi nulle et non avenue mais à con- | dire que les Chambres, ou même le stater que ses effets sont arrêtés dans la | pouvoir législatif, «font » le traité, ou mesure où elle est en conflit avec une | que celui-ci soit une «loi ». Sans doute disposition directement applicable du | aussi, quand il établit des règles géné- droit international conventionnel ». rales et impersonnelles (3), le traité Ayant décidé, conformément à l’inter- | crée-t-il, comme la loi, des normes impé- prétation qu’en a donnée la Cour de | ratives, objectives et générales (4). Ces justice des Communautés européennes (1), | normes sont des règles juridiques com- que l’article 12 du Traité « produit | munes à plusieurs Etats, c’est-à-dire des effets immédiats et engendre dans le | destinées à valoir à la fois et en même chef des justiciables des droits indivi- | temps au sein de plusieurs ordres éta- duels que les juridictions doivent sauve- | tiques différents (5). Mais, on ne saurait garder », le juge en déduit « que cette | trop y insister, la Cour me pardonnera disposition de droit communautaire a | de répéter ici ce que j'ai dit dans d’autres pris place dans l’ordre juridique belge | circonstances (6), c’est le traité lui-même et confère aux justiciables des droits | qui est le siège des normes juridiques | et non point l’acte d’assentiment.
interne wet », discours prononcé par M. le
procureur général Br AI DE TERMICOURT | LIN, « L'action réciproque des traités et des à l’audience solennelle de la Cour le 2 septem- | lois », A.D.S.P., 1953, p. 136.
bre 1963, Buil., p. 1. Traduction « Le conflit (4) et (5) Am AW, La nature juridique traité-loi interne », J. T., 1963, p. 481. des traités internationaux, Paris, 1932, p. 329. (1) C.J.C.E,, aff. 26-62, N.V. Van Gend (6) « Réflexions sur le droit international «& Loos, Rec. IX, 1963, p. 1 et suiv. Cons. \ et la revision de la Constitution », discours aussi la note F. RIGAUX sous cet arrêt, | prononcé à l’audience solennelle de la Cour J. T.…, 1963, p. 185. de cassation le 2 septembre 1968, J. T., p. 485 (2) Const, art. 68, al. 2. et suiv., spéc. p. 487 à 490; Bk. des arrêts (8) On distingue des traités normatifs, les j de la Cour de cassation, 1968, p. 8 et suiv., traités-contrats. Voy. à ce sujet : J. MasquE- | spéc. p. 14 à 25.
894 JURISPRUDENCÉ DE BELGLQ’E
L’assentiment requis par l’article 68 j subordonné à l’assentiment parlemen- de la Constitution pour que les traités | taire.
sition que le qualifie deuxième puissent alinéa avoir de cette effet, dispo- a dès pe Constitution ; ituti désigne tone l'autorité le ; com: -
l'origine de motre ,1dépendance, gi le détenteur du jus tractati; c’est l’une
forme oujours de la depuis, loi constitutionnelle. (1). Mais été donné ce n’est L’assen- dans pas là ‘à | ekerce des ; rares directement ; compétences . en vertu in toto ; de que La le one + Roi
une timent exigence pourrait, dans l’état actuel de | d’exécution de la Te (6) 0
notre droit constitutionnel, n’être donné / :
que par une résolution des Chambres. Comme l’écrit le professeur Pescatore : « L’assentiment donné par les Cham- | « Le traité doit son existence juridique bres au traité n’est pas une loi, écrivait | et ses effets non pas à l’approbation déjà Bq; c’est le consentement | du Parlement, mais à l’action de l’or- de la nation exprimé par ses repré- | gane investi du pouvoir de faire les sentants » (2). Comme Le disait M. Van | traités (.…) » (7).
Cleemputte, teur dla Chambre en sa de qualité plusieurs de rappor- projets dos > tà d'assentiment, , ; que celui-ci ini en goit
d’approbation « (Aussi bien) l’approbation d’un traité | | des Chambres lois ou Ta es freanes Ju] es est différente de la confection | |: qui font les ; et dans £a forme une (elle) bien loi, par acte du pouvoir législatif, n’est
d’une sont 3 L’assentiment (ils) loi À et différents les pouvoirs est (aussi) ; l’acte de » la (3). législation TEE lequel Pie as contient une loi van au Pa point à non d © ve juridique ii matériel pre ( : )»
textes qui ont législatives élé « établis, écrit M. Ce des termes 5 Pa ement nets (9). quelin, par un organe de la puissanceL L’assentiment, lorsqu’il est donné par publique autre que le législatif, et leur | acte du pouvoir législatif, n’est pas confèrent en principe les caractères qui | non plus une loi au point de vue de son s’attachent à la loi proprement dite » (4). | effet : bien que sanctionné, promulgué Si l’on doit souscrire sans réserves à la | et publié, il suffira au Roi de ne pas première partie de la proposition, la | ratifier le traité pour que celui-ci de- seconde n’est exacte que si elle n’impli- | meure sans effet en droit international. qu de prise de position sur le | _ Non seulement le Roi pourra donc tenir «rang » du traité approuvé, par rapport | Je traité en échec, malgré l’acte d’assen- à la Le loi. pouvoir de traiter correspond 1° | timent pour le du surplus, pouvoir à à ordonner législatif qui que se le borne, traité ; dans l’ensemble ; des fonctions - étatiques, Lg | « sortira son plein et entier effet », à qui une appartient fonction au propre Roi, en et ce originale compris (5) le | intervention mais il pourra des aussi Chambres mettre ou Tr régis pouvoir d’engager définitivement la Bel- | Jateur, aux effets du traité qui a recueilli gique par la ratification, mais ce pouvoir, | J’assentiment de celles-ci : il peut dénon- pour avoir effet, en droit interne, est | cer le traité, en se conformant aux règles ——— | du droit des gens, alors que la loi ne (1) Doc. parl., Sénat, sess. 1957-1958, n° 291,
p. 10, note P. DE VisscHER; P. SLE’S,
L’assentiment des Chambres législatives aux (5) Cons. Am AW, op. cit., p. 334.
traités internationaux, Bruxelles, 1964, p. 39. (6) Le pouvoir du Roi n’est limité que pour (2) Principes de droit civil, Bruxelles et | les traités territoriaux : ceux-ci ne peuvent Paris, 1869, t. Ie’, p. 50, n° 2. être faits « qu’en vertu d’une loi »; ici donc (8) Ann. parl., Chambre, sess. 1903-1904, | le pouvoir est conditionné : le législatif décide séance du 14 avril 1904, n° 107, p. 140. et décide préalablement à la conclusion du (&) Les procédés de législation, A.D.S.P., traité (Constit., art. 68, al. 3). C’est le seul XX, 1960, p. 386. Cons. aussi : F. Muûrs, | cas, et c’est une dérogation à la procédure «Le traité international et la Constitution | constitutionnelle de droit commun.
belge », R.D.I.L.C., 1934, p. 472; J. NrsoT, (7) Note sous Cour supérieure de justice «La conclusion et l’exécution des traités | du Luxembourg, 14 juillet 1954, J. T., internationaux envisagés par rapport à l’Etat | p. 697.
belge », in Mélanges offerts à Ernest Mahaim, (8) « Réflexions sur le droit international … » Paris, 1935, II, p. 229; P. DE Vissoner, | (op. cit.), p. 488.
De la conclusion des traités internationaux, (9) Cass., 16 janvier 1968, BBBk. et Pas1c., Bruxelles, 1934, p. 46. 1968, I, 625) ; 12 mars 1968 (ibid, 1968, I, 874).
COUR DE CASSATION 895
peut être abrogée que par le législa- ; eux qu’une alternative : donner l’assen- teur (1). timent ou le refuser; le traité est un Je regrette de devoir, ici encore, répéter ! accord entre les Parties contractantes ; ce que j’ai dit précédemment (2); la | il n’appartient pas à l’une d’elles de Cour voudra bien m’en excuser : l’assen- | modifier ou de reviser cet accord.
timent est un acte de haute tutelle des Vous vous êtes engagés dans cetle Chambres législatives ; c’est l’acte qui | voie sur un terrain parallèle. Vous l’avez doit permettre au Roi de lier définiti- | fait dans une matière de droit interne, vement la Belgique par la ratification. Le | il est vrai, mais où les principes de répar- constituant a voulu que, dans le cas du’ | tition des compétences sont proches de traité qui pourrait grever l’Etat ou lier | ceux qu’énonce l’article 68 de la Gon- individuellement des Belges, comme dans | stitution. J’entends parler des décisions celui d’un traité qui comporte des clauses | des commissions paritaires et du pouvoir commerciales, le Roi ne puisse engager | attribué au Roi par l’article 12 de la Belgique par un accord applicable | l’arrêté-loi du 9 juin 1945, remplacé en droit interne et obligatoire pour | aujourd’hui par les articles 28, 29 et 30 les tribunaux, sans que la représentation | de la loi du 5 décembre 1968. La décision nationale y ait au préalable consenti (3). | normative est prise par la Commission ; Cest un acte qu’une doctrine clair- | le Roi lui donne force obligatoire. De ce voyante a appelé permissif (4). que le Roi, par arrêté royal, peut donner L’acte du pouvoir législatif « doit être | ou refuser force obligatoire à la décision compris(e) comme un contrôle préalable | de la commission paritaire, on ne peut à la mise en vigueur des traités (...) », | déduire qu’il exerce un pouvoir de nature écrit à juste titre le professeur Pesca- | réglementaire. Comme dans la matière tore (5); «ce contrôle s’exprime sous | des traités prévus à l’alinéa 2 de l’arti- la forme d’une approbation de ce qui a | cle 68 de la Constitution, l’autorité qui été négocié ou d’une autorisation de faire | va rendre la décision obligatoire n’a les actes décisifs qui entraîneront la | qu’une alternative : faire sortir à la déci- mise en vigueur internationale du | sion son plein effet ou s’y refuser; elle traité » (6). ne peut l’amender. « Le Roi, en exerçant L’assentiment des Chambres n’est pas | ce pouvoir, ne devient point l’auteur de un acte de législation (7). Il est de | la mesure organique ou réglementaire l’essence du pouvoir législatif de com- | rendue obligatoire » (8). Le siège de la porter plein et libre pouvoir de décision. | règle est la décision que seule la Commis- Or, les Chambres ou le pouvoir législatif, | sion peut prendre. Vous l’avez rappelé appelés à donner leur assentiment à | dans votre arrêt du 29 février 1968 (9). l’acte contractuel qu’est le traité, n’ont On le voit, il ne saurait y avoir de qu’une compétence liée. Il n’y a pour | «conflit de lois », dans la confrontation 0 du traité approuvé par un acte du pou- voir législatif et une loi.
(1) Al BA, « L'action réciproque des En présence du système adopté par traités et des lois », op. cit, p. 149. le demandeur dans son pourvoi, cela (2) « Réflexions sur le droit international
(….) », op. cit, p. 489.
(3) Bf Bq, op. cit, p. 50, n° 2; (7) Comp. J. MASQqUELIN, Théorie élémen- voy. aussi : Doc. parl., Ch, sess. 1959-1960, | taire des traités internationauæ, n° 291.
374/1, p. 8. (8) Cass., 5 décembre 1957, Bk. et PAs1C.. (4) F. Muûs, op. cit, p. 475; J. MAsqUE- 1958, I, 357, et les conclusions de M. le LIN, « Les pouvoirs du Roi en matière d’exé- | procureur général Hayoit de Termicourt ; cution de traités », A.D.S.P., XXVII, 1967, | voy. aussi Cons. d’Etat, 27 octobre 1961 p. 59; P. SMETs, op. cit, p. 66. et le rapport de M. l’auditeur Diderich, FRec. (5) Le professeur Pescatore n’envisage que | J.C.E.D.A., 1962, p. 95 ; cons. cass., 14 février le seul cas de l’assentiment donné par une 1964, Bk. et Pasic., 1964, I, 635; H. LE- loi. La Constitution luxembourgeoise, revisée NAERTS, « De verordenende bevoegdheid van en 1956, ignore, en effet, l’assentiment « des de organen der bedrijfsorganisatie », T.B.W., Chambres », Elle exige que cet assentiment 1957, p. 159-162 ; notre étude : Pouvoir de soit donné au traité sous la forme d’une loi.f | ait et règle de droit dans le fonctionnement Const. lux, art. 37 : «Les traités n’auront | des ‘institutions politiques, Bruxelles, 1957, d’effet avant d’avoir été approuvés par la loi | p. 99-100.
et publiés dans les formes prévues pour la (9) Bk. et Pasic., 1968, I, 819 et les con- publication des lois ». clusions de M. le procureur général Hayoit (6) Conclusion et effet des traités internatio- | de Termicourt. Cons. cass., 14 février 1964, maux, Luxembourg, 1964, p. 46. ibid, 1964, I, 685.
896 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
devait être dit et dit de manière précise ; | tations de produits laitiers, en les rati- mais, ce n’est pas là la justification | fiant «pour le temps où ils étaient fondamentale du refus par la cour d’appel | appliqués », l’arrêt décide donc que cette de reconnaître un effet à la loi du 19 mars | loi « est incompatible avec l’article 12 du 1968. Traité dans la mesure où celui-ci inter- Le juge s’est tenu à l’écart de l’adage | disait d’introduire ces droits ».
Lex posterior derogat legi priori. Il a La Cour me permettra de reproduire entendu résoudre le conflit en se fondant | ici les termes de l’arrêt, qui, suivant sur la hiérarchie des normes et non en | immédiatement la décision relative à appliquant les règles du conflit de lois | l’incompatibilité de la loi avec l’arti- dans le temps. cle 12 du Traité, doivent, dans le raison- Des reproches que le demandeur fait | nement de la cour d’appel, être considérés ici à l’arrêt, la Cour n’en retiendra aucun : | comme une justification, sinon la justi- la cour d’appel n’a ni annulé une loi | fication, de cette partie du dispositif : ni contrôlé la constitutionnalité d’une | «les Etats ont le devoir de veiller à ce loi, griefs que l’on est surpris, je le répète, | qu’une norme de droit interne incompa- de voir faire à l’arrêt; tous deux sont | tible avec une norme de droit interna- fondés sur une interprétation inexacte | tional conventionnel qui répond aux de l’arrêt attaqué. engagements qu’ils ont pris, ne puisse … pas être valablement opposée à celle-ci ; cette obligation doit avoir pour corollaire La cour d’appel a décidé qu’en éta- la supériorité de la norme conventionnelle blissant et en percevant ces taxes spé- | sur la norme interne ».
ciales, le demandeur avait violé l’arti- L'arrêt poursuit en disant pourquoi cle 12 du Traité et a dit pour droit la norme de droit international conven- que la défenderesse était fondée à obte- tionnel est supérieure à la norme de nir restitution des droits spéciaux qu’elle | droit interne : Attendu la
avait payés à l’occasion de d'importation du droit international « s’impose que supériorité à la fois
membres | parce que la supériorité du droit interne L’arrêt justifie ce sa décision apiei de refuser , | serait la condamnation du droit interna- tout effet à la loi du 19 mars 1968, en | tional, puisqu'elle consacrerait la menace ce qui concerne la ratification des arrêtés | constante qui pèse sur le caractère général établissant une taxe spéciale sur certains | de celui-ci, par l'impossibilité, pour les produits laitiers, en se fondant à la fois | règles du droit international, d'atteindre sur deux considérations : la règle con- | caractère
ventionnelle de droit international ayant &t Je de crois maintenir que vous ce permettrez ‘au » magis- prééminence sur la règle de droit interne, | trat qui a l’honneur de conclure devant la loi du 19 mars 1968 ne peut être | et à qui sont
valablement opposée À Particle 22 du yous, sidérants de l’arrêt attaqué empruntés (1), de ces ne con- pas traité de Rome ; l’article 12 du Traité, | se soustraire, pour cette seule raison, disposition de droit communautaire di- | dans un sentiment de réserve qui serait rectement applicable, engendrant dans | déplacé ici, au devoir de s’y référer en le chef du justiciable des droits indivi- | concluant dans la présente cause
duels, la loi du 19 mars 1968 ne peut être La doctrine de la prééminence de la valablement opposée aux titulaires de | règle de droit international sur la règle ces droits. !' de droit interne, telle la Î l Ces règles, énoncées ; ; toutes deux dans l’arrêt, est exacte. Elle > que ne trouve la formule son
les dela motifs cour à de Le appel, Parrêt, 1e justifient, dispositil U en de aux pole yeux eus applicati la pplication règle de droit ici Fes qu’en international ; ce qui ; concerne conven-
Is q dajvent ; done nn être à pris À en considéra- “Agun. | tionnel. que la question Ce n’est a que été dans posée cette au juge limite ct PA ex logique tranchée par lui. Ge n’est que dans cette légalité je pense, l’application d'examiner imite qu elle doit donc en d’abord règle qui la est d'application de la plus large, de la même Pemps reste être même. ot matière ot
mauté à ‘a norme de croit tnternattonat sant à même
sur la regle de EE A loi du | | N€ peut un être à sujet la fois : une valable même et norme non
19 mars 1968 avait pour objet de « vali- vs der » les perceptions de droits spéciaux (1) « Réflexions sur le droit international établis par arrêtés royaux sur les impor- | (.…) », op. cit, p. 494, col. 2 et 8.
COUR DE CASSATION 897
valable, obligatoire et non obligatoire | condamnation du droit international pour un même sujet de droit», écrit | constamment menacé de ne pouvoir M. le conseiller d’Etat Masquelin (1). atteindre ou maintenir son caractère Or les Etats ont le devoir de veiller | général (4). Le professeur Virally a à ce qu’une norme de droit interne | ramassé en une formule frappante ta incompatible avec une norme de droit | démonstration de la supériorité de la règle international conventionnel qui répond | de droit international sur la règle de droit aux engagements qu’ils ont pris, ne | étatique : « tout ordre juridique confère puisse pas être valablement opposée à | aux destinataires de ses normes des droits celle-ci. Cette obligation que sanctionne | et pouvoirs juridiques qu’ils ne sauraient la responsabilité de droit international | s’attribuer sans lui»; il «leur impose pèse sur le législateur. Elle pèse sur le | des obligations qui les lient». Par là juge. Malgré l’indépendance statutaire | même, tout ordre juridique s’affirme de celui-ci, «les décisions judiciaires | supérieur à ses sujets. « Le droit interna- dont l’effet est contraire au droit inter- | tional est inconcevable autrement que national ne délient pas les Etats de leur | supérieur aux Etats, ses sujets. Nier sa responsabilité vis-à-vis de l’extérieur » (2). | supériorité revient à nier son exis- La Commission du droit international tence » (5).
des Nations Unies a inscrit les articles a soumission de de P’Etat l'Etat — et donc donc à de
suivants sur les droits dans le et « devoirs Projet de des déclaration Etats » : | son d dans droit doper — ts au S interétatiques, interétati droit international, trouve
culer Art. de 13 bonne : Tout Etat a le devoir d’exé- | Porter international ne (6). Cette dans soumission l'ordre juridique impli- des traités et autres foi ses sources obligations du droit nées u ernational a T1 sur la règle ee droit "on international, et il ne peut invoquer pour | terne (7).
manquer à ce devoir les dispositions de La supériorité du traité se justifie sa constitution ou de sa législation. comme acte exprimant une règle de Art. 14 : Tout Etat a le devoir de con- | droit international, dont la nature est duire ses relations avec les autres con- | conventionnelle; l'Etat qui viole ses formément au droit international et au obligations engage en principe sa res- principe que la souveraineté de l’Etat | ponsabilité.
est subordonnée à la primauté du droit La Cour ne s’est pas jusqu’ici prononcée international (3). expressément sur le principe de la préémi- Pareilles affirmations revêtent néces- | nence de la règle de droit international. sairement le caractère déclaratif. Aujourd’hui la question lui est formelle- L'obligation qu’ont les Etats de ne pas | ment posée.
créer une règle de droit interne incompa- La question a été tranchée par la Cour tible avec une règle de droit internatio- | supérieure de justice du Grand-Duché nal doit avoir pour corollaire la supério- | de Luxembourg, dont la Constitution, rité de la norme conventionnelle de droit | comme la Constitution belge, est muette international sur la norme de droit | concernant le rapport traité-loi in- interne. Si la règle de droit international | terne (8). La Cour suprême du Luxem- devait ne pas prévaloir, ce serait la | ———
interne », Mélanges offerts à Ba BI, (1) Al BA, « L'action réciproque … », | 1964, p. 497.
op. cit., p. 188; cons. aussi p. 153. (6) P. DE VIsscHER, « Les tendances (2) Cf AJ, « L'application du droit | internationales des constitutions modernes », international public par les tribunaux natio- | R.C.A.D.I., 1952/I, t. 80, p. 515.
naux », R.C.A.D.I., 1957/1, p. 628. Cons. (7) Voy. notre étude : « Le droit commu- aussi Am AK, Trailé de droit inter- | nautaire et ses rapports avec les droits des national public, II, 1954, p. 11. DBtats membres », in Le droit des Communautés (8) O.N.U., La Commission du droit inter- | européennes, Les Novelles, 1969, spéc. n°s 191 national et son œuvre, 1968, p. 69. et suiv.; aussi notre étude : « Vues compara- (4) Cons. sur ce sujet : Cf AJ, « L’appli- | tives sur l’ordre juridique communautaire cation du droit international public par les | et l’ordre juridique national », R.Z.D.C., 1966, tribunaux nationaux », R.C.A.D.I., 1957/1, | n°8 49 et 50 ; voy. aussi : Al B, « Toetsing p. 625 et suiv. Voy. aussi : « Réflexions | van de interne overheidsdaad aan het ver- sur le droit international et la revision de | drag», T'ijdschrift voor Bestuurswetenschap- la Constitution », op. cit., p. 494. pen, 1970, n° 6, p. 396 et suiv.
(5) Am AL, « Sur un pont aux ânes : les (8) La Constitution luxembourgeoise a été rapports entre droit international et droit | revisée par la loi constitutionnelle du 9 octobre 898 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
bourg a expressément affirmé la primauté | acte international. Ce qui est en cause, de la règle de droit international con- | c’est en effet non seulement la préémi- ventionnel, dans un arrêt de cassation, | nence de l’ordre international sur l’ordre devenu célèbre (1). interne (…). Servant les finalités de L’arrêt, dont je voudrais lire le prin- | l’ordre international, le droit internatio- cipal considérant, après avoir rappelé le | nal dépasse en valeur les dispositions principe suivant lequel en droit interne | législatives particulières qui régissent «l'effet des lois successives dépend de la | chaque communauté nationale. C’est date de leur mise en vigueur, les dispo- | pour cette raison que le traité est d’une sitions contraires aux lois antérieurés | essence supérieure à la loi, conformément abrogeant celles-ci», ajoute qu’il «ne | aux termes de la Cour» (2).
saurait pourtant en être ainsi lorsque Le professeur Paul De Visscher, invo- les deux lois sont d’une inégale valeur, | quant lui aussi l’autorité de l’arrêt, et se c’est-à-dire lorsque l’une des lois est un | plaçant au point de vue du juge belge, traité international incorporé dans la | écrit : « (..) nombreux sont ceux qui législation interne par une loi ap- | pensent aujourd’hui que la Cour de cas- probative; qu’en effet pareil traité | sation pourrait, à plus ou moins brève est une loi d’une essence supérieure | échéance, tracer la voie à un courant ayant une origine plus haute que la | de jurisprudence semblable à celui qui, volonté d’un organe interne; qu’en | au Grand-Duché du Luxembourg, a conséquence, en cas de conflit entre les | permis d’assurer le contrôle juridictionnel dispositions d’un traité international et | de la conformité des lois par rapport celles d’une loi nationale postérieure, la | aux traités. Pour justifier les espoirs loi internationale doit prévaloir sur la loi | que certains fondént aujourd’hui sur nationale (.….) ». une évolution jurisprudentielle, il con- Sans doute, eût-on pu souhaiter que la | vient de rappeler que si, depuis plus d’un règle fût exprimée de manière plus | siècle, les cours et tribunaux se sont nuancée, tant concernant le sens donné | inclinés devant les lois édictées en au mot «loi» que concernant la nature | violation manifeste des traités anté- des traités internationaux qui -sont | rieurs, cette solution ne leur avait pas été susceptibles d’être en conflit avec une | dictée par un texte formel de la Constitu- loi « nationale », mais le principe exprimé | tion » (3).
est fondamentalement juste. Une disposition expresse de la Con- Le professeur Pescatore commente ce | stitution affirmant cette primauté n’est remarquable arrêt dans les termes sui- | pas indispensable dans un système con- vants : « Le traité prévaut sur la loi | stitutionnel comme celui de la Belgique, non seulement en tant qu’il est un acte | qui, comme celui du Luxembourg, n’est contractuel; il prévaut encore .comme
1956. Le projet déposé par le gouvernement | entre les dispositions d’un traité. internatio- contenait plusieurs dispositions relatives au | nal et celles d’une loi interne, même posté- droit international. Il affirmait que «les | rieure, la loi internationale doit prévaloir règles du droit international font partie | sur ‘la loi interne (Cour sup. just, 8 juin de l’ordre juridique national » et qu’elles | 1950, Pas, lux. XV, 41). Le Conseil d'Etat « prévalent sur les lois et toutes autres dispo- luxembourgeois a adopté la même doctrine sitions nationales ». (Doc, Ch., sess. ord. | dans un arrêt du 28 juillet 1951 (en cause 1955-1956, n° 516, Projet, art. 42 et 45). | Dieudonné, Pas. lux, XV, 263).
Mais la Chambre constituante rejeta les pro- (1) Cour sup. just, (Cass.), 14 juillet 1954, positions qui consacraient la prééminence | Chambre des métiers c. Pagani, Pas. lux, des règles du droit international. Constatant | XVT, 150.
qu’une tendance se dessinait dans la jurispru- (2) Am AH, Conclusion et effets des dence à attribuer «un rang prioritaire au | traités inlernalionaux, selon le droit constitu- droit international conventionnel par rapport | tionnel, les usages et la jurisprudence du au droit national », elle estima devoir attendre | Grand-Duché de Luxembourg, Luxembourg, la confirmation de cette tendance (ibid, | 1964, p. 107; voy. aussi la note du même n° 516, Rapport de la commission pour la | auteur sous l’arrêt cité, J. T., 1954, 697.
revision de la Constitution, 15). ) } (8) P. DE VIsscHER, « Les positions actuelles Dès 1950, une évolution «internationa- | de la doctrine et de la jurisprudence belges à liste » s’était manifestée dans la jurisprudence. | l’égard du conflit entre le traité et la loi », Un arrêt de la Cour supérieure de justice | in Recueil d’études de droit international en du 8 juin 1950 marqua à cet égard une étape | hommage à Aw AK, Genève, décisive, en affirmant qu’en cas de conflit 1968, p. 608 et 609.
COUR DE CASSATION . 899
point un texte complet et se situe à | l’Atlantique Nord, des représentants na- mi-chemin des systèmes de constitution | tionaux et du personnel international, écrite et non écrite. La souplesse de ce | signée- par la Belgique'le 20 septembre système a permis, comme l’écrit le | 1951 et approuvée par acte du pouvoir professeur Mast (1), une sage évolution, | législatif du 1°" février 1955, qui exempte en évitant les revisions formelles nom- | d’impôts les appointements et émolu- breuses des pays à constitution rigide. | ments des fonctionnaires de l’Organisa- La Constitution est, en effet, muette en | tion. Vous étiez saisis, dans l’autre ce qui concerne les rapports entre le | affaire, d’un pourvoi analogue au premier, traité et la loi interne. Nulle disposition | émanant d’un fonctionnaire du Conseil ne donne à cette dernière une préémi- | de coopération douanière, créé par une nence sur la règle de droit international. | convention signée à Bruxelles le 15 dé- La Constitution ne contient d’ailleurs, | cembre 1950, approuvée par acte du de manière générale, à quelques rares | pouvoir législatif du 10 décembre 1952, exceptions près, que des principes et non | et qui exonérait les fonctionnaires du point des règles complètes et précises. | Conseil de tout impôt sur leurs traite- Cette méthode, qui a été jusqu'ici celle | ments et émoluments. Dans les deux du constituant belge, favorise par les | arrêts rendus le 7 novembre 1961, en «blancs » que laisse subsister le texte | audience ‘plénière, la Cour a reconnu et que la confrontation d’un certain | la prééminence des traités qui exemp- nombre de principes permet de combler, | taient les demandeurs de l’impôt, sur le l’évolution de notre droit constitutionnel | système des lois coordonnées belges et son expression par la jurisprudence. | relatives aux impôts sur les revenus. On peut affirmer l’absence de toute | Elle l’a fait implicitement sans distin- incompatibilité non seulement du texte | guer, parmi ces dispositions, celles qui mais du système constitutionnel avec | étaient antérieures de celles qui étaient la primauté de la règle de droit interna- | postérieures aux traités régulièrement tional. C’est avant tout dans la nature | approuvés. Or, les conventions dont le même de la règle de droit international, | bénéfice était invoqué par les demandeurs comme l’a dit la Cour supérieure de | dans les-deux affaires étaient antérieures Justice du Grand-Duché de Luxembourg, | à plusieurs dispositions de la loi fiscale que le juge trouve la justification de sa | belge (3).
primauté. Le droit international, comme on l’a Si la Constitution devait demain con- | écrit récemment (4), régit aujourd’hui, tenir, en s’inspirant du principe exprimé | dans une si large mesure, les droits et dans des constitutions étrangères (2), | les obligalions des hommes que les l’affirmation de la supériorité des traités | juridictions nationales, plus que les juri- ou accords régulièrement approuvés et | dictions internationales, dans la plupart ratifiés sur les lois, pareille disposition | des pays’ du monde, sont amenées à aurait, je pense, le caractère déclaratif. | appliquer le droit international.
Si vous n’avez pas, jusqu’ici, comme je La multiplicité sans cesse croissante viens de le rappeler, formulé expressé- | des traités normatifs, l’extension des ment la règle, vous vous y êtes référés | matières que ces traités embrassent et, implicitement à deux reprises. Dans | comme le disait déjà mon prédécesseur l’une des causes, vous aviez à apprécier, | M. le procureur général Hayoit de Ter- au regard du système des impôts sur les | micourt dans un propos qui prend sà revenus tel qu’il est établi par la loi | pleine valeur dans la cause qui vous est belge, l’article 19 de la convention sur | soumise, « la difficulté aujourd’hui pour le statut de l’Organisation du traité de | le législateur lui-même d’apercevoir toute contradiction entre une loi nouvelle et
(1) A. MasT, « Une constitution du temps
de Louis-Philippe », R.D.P.S.P., 1957, spéc. (2) Const. franç., art. 55; cf. Constitution p. 1015, 1016, 1019 et 1020 ; voy. notre étude : | des Pays-Bas, art. 58 à 67 et 84 ; Loi fonda- « De l’influence de la Constitution dans la vie | mentale de la République fédérale d’Alle- politique et sociale en Belgique », Revue de | magne, artl ’5,
l’Université de Bruxelles, 1954, p. 172 et suiv. ; (8) Cass., 7 novembre 1961, deux arrêts, cons. aussi : « Réflexions sur le droit interna- | Bk. et Pasic., 1962, I, 281 et 201, et 1
tional et la revision de la Constitution », | conclusions du ministère public. es discours prononcé à l'audience solennelle (£) Ay Bg BK, « General Co
de la Cour de cassation le 2 septembre 1968, | of Public law », R.C.A.D.T., 1965, IT, p UrS6 J. T., 1968 spéc. p. 495. et 195. - 194 900 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
des traités en vigueur» (1) ne vous | trine du droit international classique ; permet pas de vous abstenir de prendre | celle-ci n’épuise pas la justification nettement position sur la solution | juridique de la décision du juge.
qu’appellent ces conflits qui n’ont jus- Le traité instituant la Communauté qu’ici pas trouvé d’échos décisifs dans la | économique européenne, comme d’ailleurs jurisprudence et qu’une « interprétation | aussi ceux qui instituent les deux autres conciliatrice » ne pourrait résoudre. Communautés européennes, présentent, La doctrine que je viens de rappeler | par rapport aux traités internationaux vous a été proposée aussi par mon | classiques, des particularités qui doivent prédécesseur déjà, qui, en conclusion | faire considérer comme spécifique le d’un exposé qui n’avait, il est vrai, en | problème des rapports entre le droit réalité pour Gbjet que l’effet de la règle | communautaire et les droits nationaux. du droit communautaire directement | _ L’arrêt fonde aussi son dispositif, on applicable sur la règle de droit interne, | l’a dit, sur le caractère propre du droit disait néanmoins : « Quoique certains ar- | communautaire et spécialement sur la guments, que j'ai exposés, ne soient | considération que l’article 12 du Traité point pertinents, lorsque sont en con- | « produit des effets immédiats et engen- flit un traité, ne présentant pas les | dre dans le chef des justiciables des droits caractères spécifiques des traités de Paris | individuels que les juridictions internes et de Rome, et une loi interne postérieure, | doivent sauvegarder ». La Cour observera la même conclusion peut-elle, dans ce cas | que ce sont là les termes mêmes du dispo- aussi, être admise ? J’incline à le penser, | sitif de l’arrêt rendu le 5 février 1963 car il reste vrai que le traité ne relève, | par la Cour de justice des Communautés ni dans son origine ni quant à sa dénon- | européennes en cause de la société ano- ciation, du domaine souverain du légis- | nyme de droit néerlandais Van Gend en lateur national (...) » (2). Loos (4). La Cour connaît cet arrêt, Cette réflexion appelle, toutefois, une | rendu sur une question préjudicielle en mise au point : tout traité international ne | interprétation conformément à l’arti- prime pas la loi interne ; ainsi assurément | cle 177 du traité, par la Cour de justice, le traité qui n’imposerait aux parties | requise par une juridiction fiscale des contractantes que de légiférer suivant des | Pays-Bas, la Tariefcommissie à Amster- principes déterminés dans le traité (3) | dam, de dire «si l’article 12 du traité ne créerait, même pas dans cette mesure, | C.E.E. a un effet interne, en d’autres de conflit. Mais, par contre, toute règle | termes, si les justiciables peuvent faire de droit international directement appli- } valoir, sur la base de cet article, des cable dans l’ordre interne doit prévaloir | droits individuels que le juge doit sauve- sur la norme de droit interne. garder » (5).
La disposition de droit international La société Van Gend en Loos avait directement applicable résout, pour le | exercé devant la Tariefcommissie un juge interne, le conflit. Elle sera appli- | recours contre le rejet de sa réclamation quée par lui nonobstant toute loi natio- | concernant l’application, après l’entrée nale. en vigueur du traité instituant la Commu- *** nauté économique européenne, d’un nou- telle été énoncée veau droit d'entrée à l'importation Si la règle, qu’elle a soutenant que la règle du standstill international ar la cour d’appel conventionnel, dans le cadre est du droit donc | I” Po ! article, si qu braité était exacte, de la restriction | L1°,0SPOSIHON Cons ‘es particuliers ro 20e vient sous d >à être réserve faite. Te il va $e soi û que la pouvaient de l’article se 20 prévaloir. du protocole En sur application le statut our ne saurait se tenir à fa s € | de la Cour du 17 avril 1957, la Commis-
(1) Op. cit, p. 484.
(2) «CoFflict tussen het verdrag en de (4) AfF. 26/62, Rec. IX, 1963, p. 3. Cons. interne wet», op. cit, Bull, 1963, p. 1. | sur l’arrêt notamment : Al Ao, « A Traduction « Le conflit traité-loi interne », | propos de l’arrêt 26/62 », R.G.D.I.P., 1964, op. cit, spéc. p. 486. n° 1, p. 110 à 154, spéc. p. 141-142; F. Ri- (8) Ainsi la convention de Genève sur la | GAUX, J. T., 1968, p. 190; S.B.W., 1963, circulation routière du 19 septembre 1949, | p. 95. Voy. aussi L. P. SUETENS, « Hebben de art. 6, approuvée par acte du pouvoir légis- | bepalingen van het E.E.G.-Verdrag recht- latif du 1er avril 1954, Moniteur belge, 4 juin | streekse werking? », R. W., 1962-1963, 1954. Cons. cass., 13 avril 1964, Bk. et | col. 1939.
Pasrc., I, 849. (5) Rec. IX, 1963, p. 7.
COUR DE CASSATION 901
sion, ainsi que le gouvernement belge, j membres (.…) et qui s’impose à leurs
-celui de la République fédérale d’Alle- | juridictions ( Ceux-ci (les Etats mem- magne et celui des Pays-Bas intervinrent | bres) ont limité, bien que dans des do- à la procédure. Déjà les objections déve- | maines restreints, leurs droits souverains loppées aujourd’hui par l’Etat belge | et créé ainsi un corps de droit applicable devant vous furent dans les grandes | à leurs ressortissants et àeux-mêmes (…) ». lignes soumises par le gouvernement | C’est là un rappel de ce que la Cour néerlandais et le gouvernement belge à la | avait déjà, plus sommairement, déclaré Cour de justice, en contestant que la | dans un arrêt antérieur, consacré princi- question puisse faire l’objet d’une ques- | palement à la notion de disposition tion préjudicielle en interprétation con- | directement applicable (5).
formément à l’article 177 du traité : Le droit communautaire est intégré l’appréciation de la prééminence d’une | au droit des Etats membres. De sa nature disposition du traité ne peut être résolue | même il se déduit qu’une mesure de droit que selon les normes du droit interne. | étatique ultérieure ne saurait lui être Les trois gouvernements soutenaient, | opposée : « Attendu que cette intégra- d’autre part, que l’article 12 ne faisait | tion au droit de chaque pays membre de peser d’obligation que sur les Etats | dispositions (...) de source communau- membres seulement, obligés de faire | taire, et plus généralement les termes respecter la règle par leur législation | et l’esprit du traité ont pour corollaire nationale, et qu’il ne créait « pas un droit | l’impossibilité pour les l£tats de faire immédiatement applicable que les natio- | prévaloir, contre un ordre juridique naux pourraient invoquer et faire res- | accepté par eux sur une base de récipro- pecter » (1). cité, une mesure unilatérale ultérieure C’était donc à la fois la question de la | qui ne saurait ainsi lui être opposa- prééminence du droit communautaire | ble».
et celle de l’effet direct de l’article 12 S’il y avait une divergence dans la du Traité, qui étaient ainsi posées. «force exécutive» du droit commu- Aujourd’hui où, pour la première | nautaire au sein des Etats membres, fois, la question de la prééminence du | cela provoquerait nécessairement une droit communautaire est pleinement | discrimination que le traité prohibe : « La posée à la Cour (2), et où vous avez | force exécutive du droit communautaire à déterminer aussi la légalité des effets | ne saurait (...) varier d’un Etat à l’autre d’une disposition directement applicable | à la faveur des législations internes ulté- du Traité, il convient de rappeler com- | rieures, sans mettre en péril la réalisa- ment cette prééminence a été justifiée | tion des buts du traité ni provoquer par la Cour de justice, tout en ne per- | une discrimination interdite par l’arti- dant pas de vue que la jurisprudence de | cle 7 (du traité C.E.E.) ».
celle-ci, comme telle, sous réserve de la Cette prééminence du droit commu- compétence exercée en vertu de l’arti- | nautaire, qui résulte donc de sa nature cle 177 du Traité, ne vous lie pas. et de son but, trouve une confirmation C’est dans le mémorable arrêt rendu | dans le texte du Traité : « La préémi- le 15 juillet 1964, sur les conclusions de | nence du droit communautaire est con- M. l’avocat général Lagrange, dans | firmée par l’article 189, aux termes l’affaire Costa c. E.N.E.L. (3), que le | duquel les règlements ont valeur obli- principe de la prééminence du droit | gatoire et sont directement applicables communautaire sur le droit interne a été | dans tout Etat membre. Cette disposi- pleinement exprimé et justifié (4). | tion, qui n’est assortie d’aucune réserve, La Cour de justice affirme, comme | serait sans portée si un Etat pouvait prémisses de son raisonnement, l’autono- | unilatéralement en annihiler les effets mie et la spécificité du droit commu- | par un acte législatif opposable aux textes nautaire : « à la différence des traités in- | communautaires ». On observera que ternationaux ordinaires, le traité C.E.E. | la Cour use du terme « confirmée ». a institué un ordre juridique propre,
intégré au système juridique des Etats | -— — (8) Af£. 6/64, Rec. X, 1964, spéc. p. 1158 et suiv.; conclusions p. 1169 et suiv.
(1) Rec. TX, 1963, p. 17. (4) Cons. pourtant aussi l’arrêt de la C.J.C.E. (2) Cons. cass., 13 avril 1964, Bk. et PAsIC., | dans l’affaire Humblet, n° 6/60, rendu le I, 849; cass., 8 juin 1967, Bk. et Pasic., | 16 décembre 1960, Rec. VI, p. 1146.
1967, I, 1193 et les conclusions de M. l’avocat (5) Aff. 26/62 Van Gend en Loos, Rec. IX, général Ac, J. T., 1967, p. 459 et suiv. | 1963, spéc. p. 23.
902 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
Elle entend par là souligner que ce , sont à la fois ceux des personnes publi- n’est pas au règlement expressément | ques et privées. Il est difficile de discerner mentionné dans l’alinéa 2 de l’arti- | avec certitude si, là où elle use des mots cle 189 que se limite, dans le système | «limitation définitive de leurs droits du traité, la règle de la prééminence. | souverains» (ceux des Etats), la Cour Cette disposition est déclarative sur | a entendu éviter d’user des mots « com- ce point : la règle commande aussi, | pétences» ou « pouvoirs », qui eussent pour des raisons que l’arrêt rappelle, | paru plus exacts lorsqu’il s’agit d’un les dispositions du traité lui-même, tant | transfert définitif, pour permettre de ne par l’intention des Parties contractantes | voir là que le droit souverain de trans- que par leur contenu et par leurs termes. | mettre l’exercice seulement des compé- On le voit, la Cour de justice associe | tences ou des pouvoirs étatiques (2). ici dans son raisonnement le droit com- La Cour de justice a renouvelé son munautaire et a fortiori ses dispositions | raisonnement en des termes analogues directement applicables. dans un arrêt rendu, le 13 février 1969, La conclusion est fermement formulée ; | sur une question préjudicielle, concer- elle vise le droit du Traité comme tel : | nant les problèmes que pose la coexistence « Attendu qu’il résulte de l’ensemble | des législations nationales en matière de ces éléments qu’issu d’une source | de concurrence et des règles des arti- autonome, le droit du Traité ne pourrait | cles 85 et suivants du traité C.E.B. : « Il donc, en raison de sa nature spécifique | serait contraire à la nature d’un tel originale, se voir judiciairement opposer | système d’admettre que les Etats mem- un texte interne quel qu’il soit, sans per- | bres puissent prendre ou maintenir dre son caractère communautaire et sans | en vigueur des mesures susceptibles de que soit mise en cause la base juridique | compromettre l’effet utile du traité. de la Communauté elle-même … ». Gomme | La force impérative du traité (...) ne P’écrit, ici encore, le professeur Pescatore : | saurait varier d’un Etat à l’autre par «11 est permis de penser que c’est dans | l’effet d’actes internes, sans que soit ce dernier passage qu’il faut trouver | entravé le fonctionnement du système l’argument fondamental : l’existence | communautaire et mise en péril la réali- même de la Communauté est mise en | sation des buts du traité (..) : les conflits cause dès lors que l’ordre juridique com- | entre la règle communautaire et les munautaire ne peut pas se réaliser avec | règles nationales doivent être résolus des effets identiques et avec une efficacité | par l’application du principe de la pri- uniforme sur l’ensemble de l’aire géo- | mauté de la règle communautaire » (3). graphique de la Communauté » (1). La prééminence des règles du droit En ce qui concerne les effets du droit | communautaire a une double justification communautaire sur le droit interne ulté- | juridique.
rieur, la Cour de justice, répétant en D’une part, par leur accord sur le partie ce qu’elle a dit dans ses premiers | transfert de leurs droits et obligations considérants, sur le moyen déduit de | tels qu’ils résultent du Traité, à l’ordre l’obligation pour le juge d’appliquer la | juridique communautaire, les Etats ont loi interne, ramasse en un dernier motif | limité définitivement «leurs droits sou- sa doctrine : « (..…) le transfert opéré par | verains» : on dirait plus exactement les Etats, de leur ordre juridique interne | « l’exercice de leurs pouvoirs souverains ». au profit de l’ordre juridique communau- | La structure communautaire implique taire, des droits et obligations correspon- | des abandons de souveraineté et le dant aux dispositions du traité, entraîne | droit communautaire est un droit spé- {…) une limitation définitive de leurs | cifique qui consacre ces abandons. L’ob- droits souverains contre laquelle ne | jectif d’intégration des traités de Paris saurait prévaloir un acte unilatéral | et de Rome se réalise par une attribu- ultérieur incompatible avec la notion | tion aux institutions communautaires de communauté ». Les « droits et obli- | de pouvoirs qui ont pour but et pour gations » auxquels la Cour se réfère ici | effet de déterminer une limitation cor- respondante des pouvoirs des Etats
(1) « Droit communautaire et droit natio-
nal », D.S., 1969, Chr. XXIIT, spéc. p. 183. | « Le droit communautaire prévaut-il sur le Cons. aussi : J. MERTENS DE WILMARS, « Les | droit national? », J. T., 1970, p. 605 à 608. enseignements communautaires des jurispru- (2) C£ Constitution, art. 25bis.
dences nationales », Mtev. trim. dr. eur, 1970,( (8) Af£. n° 14/68, Bu Ag et autres. p. 454 et suiv.; L. GOFFIN et À. BURLION, | 13 fevrier 1969, Rec. XV, p. 3, 15 et suiv,
COUR DE CASSATION 903
membres (1). Ainsi est né pour ceux-ci | ment naissance à des discriminations un devoir d’abstention dans les domaines | proscrites par les traités, que les obliga- qui sont réglés par le traité et un de- | tions ne pèseraient pas également sur tous voir d’exécution là où ils doivent appor- | et que tous ne bénéficieraient pas éga- ter un complément à la législation | lement des droits qui trouvent leur communautaire. source dans les traités (5).
D'autre part, le droit communautaire On sait qu’un article 25bis a été intro- est un droit spécifique et autonome ; duit dans la Constitution par une dispo- qui s’impose aux juridictions des Etats | sition promulguée le 20 juillet 1970 (6). membres et ne permet pas de lui opposer | « L'exercice de pouvoirs déterminés peut un droit interne quel qu’il soit. La nature | être attribué par un traité ou par une loi même de l’ordre juridique institué par | à des institutions de droit international les traités de Rome (2) confère à cette | public » (7). La disposition, ici encore, primauté un fondement propre, indépen- | ne peut être que déclarative ; elle inter- dant des dispositions constitutionnelles | vint en effet, après que, depuis plus des Etats (3). Ce caractère spécifique du | de vingt ans, la Belgique eut reconnu droit communautaire tient aux objectifs | successivement dans plusieurs traités du Traité qui a en vue la création d’un | à des organisations internationales ou ordre juridique nouveau dont les sujets | aux institutions de celles-ci le pouvoir sont non seulement les Etats mais aussi | d’exercer des compétences que la Con- les ressortissants de ces Etats. Il tient | stitution réserve aux institutions natio- aussi au fait que le Traité crée des insti- | nales : ainsi, la Convention de sauve- tutions disposant de pouvoirs propres et | garde des droits de l’homme et des notamment de celui de produire des | libertés fondamentales, qui institue la sources de droit. Par leurs structures | « Commission européenne des droits de mêmes ces institutions témoignent de la | l’homme » (8) et la « Cour européenne volonté des auteurs du traité de dépasser | des droits de l’homme » (9), a été signée les cadres étatiques pour imposer direc- | le 4 novembre 1950 (10) ; le traité insti- tement des obligations aux particu- | tuant la Communauté européenne du liers ou les faire bénéficier directement | charbon et de l’acier a été signé le 18 avril de droits (4). 1951 (11) ; le traité instituant la Commu- A défaut d’admettre la primauté de | nauté économique européenne et celui Pordre communautaire, la règle ne serait | qui institue la Communauté européenne pas la même au sein de chacun des Etats | de l’énergie atomique ont été tous deux membres, avec la conséquence que | signés le 25 mars 1957 (12). M. Cj, pareille situation donnerait nécessaire-
(1) Cons. P. PEscaTorE, « L'application | communautaire et ses rapports avec les droits directe des traités européens par les juridic- | des Etats membres », in Droit des Communautés tions nationales », Rev. trim. dr. eur, 1969, | européennes, Novelles, 1969, n°° 166 et 202. p. 697. (6) Moniteur belge, 18 août 1970.
(2) Cons. notamment : Doc. n° 43, Parlement | (7) Cons. J. Cc Aj, « L'article 25bis européen, sess. 1965-1966, Rapport M. Bf BG | de la Constitution belge », Revue du Marché HOUSSE au nom de la commission juridique; | commun, 1970, n° 136, p. 411.
M. AR, note sur ce rapport, Rev. trim. (8) Convention, art. 19 et 37. Voy. aussi dr. eur, 1965, p. 247; voy. aussi les con- l’article 2 de la loi du 13 mai 1955 relatif clusions de M. l’avocat général Lagrange | à la déclaration de la Belgique reconnaissant sous C.J.C.E. en cause Cosia c. Enel, Rec. | la compétence de la Commission à recevoir X, p. 1178; « Bundesverfassungsgericht », | les requêtes individuelles (Moniteur belge, 18 octobre 1967, Rev. trim. dr. eur, 1968, | 19 août 1955).
p. 203 à 206. (9) Convention, art. 19 et 38 à 56. Voy. aussi (8) D. TarLoN, « Le droit communautaire », | l’article 3 de la loi du 13 mai 1955 — citée C.D.E., 1966, p. 571 et suiv. à la note précédente — relatif à la déclaration (4) Notre étude : « Le droit communautaire | de la Belgique reconnaissant la juridiction et ses rapports avec les droits des Etats mem- | de la Cour (Moniteur belge, 19 août 1955). bres », in Droit des Communautés européennes, (10) La Convention a été approuvée par Les Novelles, 1969, spéc. n°* 138 et 139. | l’acte du pouvoir législatif du 13 mai 1955. Cons. aussi : « Bundesverfassungsgericht », (11) Le traité a été approuvé par acte du 18 octobre 1967, Entscheidungen. pouvoir législatif du 25 juin 1952.
(5) Cons. « Réflexions sur le droit interna- (12) Les deux traités ont été approuvés par tional et la revision de la Constitution », | acte du pouvoir législatif du 2 décembre Bull, 1969, p. 42; voy. aussi : «Le droit | 1957.
904 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
dans le remarquable rapport qu’il a fait | paraît « douteuse » chez les auteurs de la au nom de la Commission de revision | loi du 19 mars 1968, «l’analyse des de la Constitution sur la revision du | travaux préparatoires ne condui(sant) titre III par l’insertion dans la Constitu- | point à la certitude que le Parlement tion d’un article 25bis (1), ne se prononce | a(it) voulu ou cru voter une telle injonc- pas formellement sur la question de | tion »; la seconde, parce que ce ne serait savoir si la disposition nouvelle a un | « point à la jurisprudence de créer pareille caractère déclaratif. On est enclin à le | obligation ».
penser en se référant aux interprétations Là n’est pas la raison d’écarter cet auxquelles a donné lieu la seconde phrase | argument que la cour d’appel n’a pas de l’article 25 de la Constitution ; | retenu : l’argument constitue une in- M. Cj paraît d’ailleurs implicitement | admissible pétition de principe, en par- l’admettre en se reportant à ce que | tant do l’idée que l’autorité nationale, «la Constitution serait ultérieurement | soumise à la prééminence de la règle revisée pour justifier expressément notre | communautaire, pourrait néanmoins adhésion (celle de la Belgique) à cette | quand elle a ‘clairement exprimé sa nouvelle organisation », celle des traités | volonté, se soustraire à cette prééminence de Paris et de Rome et même celle de la qui s’impose à elle; il va à l’encontre Communauté européenne de défense (2), | de toute logique juridique; le droit ne qui toutes trois impliquaient un transfert | permet pas de superposer à la priorité de l'exercice de la souveraineté (3). de la règle proclamée et démontrée une x + « superpriorité » de l’opportunisme. Si la L'arrêt attaqué, tout en fondant sa règle de droit international directement décision sur la primauté de la règle | applicable et la règle de droit commu- de droit international conventionnel et | Näutaire priment la règle de droit interne, de la règle de droit communautaire, | ON Ne saurait soutenir que celle-ci peut exprime une réserve : le cas où une loi | Néanmoins s'imposer à elles lorsque la « prescrirait formellement aux tribunaux | Volonté de son auteur est clairement d'appliquer en tout état de cause, même | ©Xprimée à l’égard de règles de droit dans la mesure où elle le (le traité) international et de droit communautaire contredirait, une loi postérieure à un | Antérieures (6). La règle de droit interne traité approuvé et publié, encore en | N° saurait être à la fois soumise et domi- vigueur ». I semble que le juge estime | Nênte dans ses rapports avec la règle que, dans ce cas, le principe de la pri- de droit international et la règle de droit mauté de la règle de droit international | COMMUNautaire.
doive fléchir. Mais, après avoir formulé | En réalité, c’est le principe sn même A de la cette réserve, exprimée avec prudence | Téserve qui ne saurait se justifier. Si la le X (4), qui règle de droit international conventionnel par cite à cet professeur égard l’hypothèse qu’a envi- prime la règle de droit interne, c’est en sagée M. le procureur général Hayoit | laison de sa nature même, et les autorités de Termicourt en lui réservant le même | Nationales doivent respecter cette préémi- sort (5), la cour d’appel décide que la | Nence, à peine d’engager la responsabilité réserve ne se justifie pas en l’espèce ; | internationale de l’Etat; il n'appartient elle l’écarte pour deux raisons : la pre- | Pas à un des organes de celui-ci, fût-ce mière, î parce que pareille ill volonté Jonté lui lui | | le | judiciaire Le soustraire ou à même obligation le législatif qu’il a (7), de la respecter. Le législateur — ou le
Revision de la Constitution, 10; sess. extr. (5) «Conflict tussen het verdrag en de 1968, ne 16/2°. interne wet », op. cit, Bull, 1963, p. 1. Trad. : (2) Traité instituant une Communauté | « Le conflit traité-loi interne », J. T., 1963, européenne de défense, signé à Paris le 27 mai | spéc. p. 486.
1952 et approuvé par l’acte du pouvoir (6) Cons. la question écrite n° 102/71, législatif du 12 avril 1954, non publié. Une | posée par M. Bp, membre du Par- motion préalable fut votée à l’Assemblée | lement européen, à la Commission des Commu- nationale française le 30 août 1954, qui devait | nautés européennes et la réponse de la Com- entraîner le rejet du projet d’approbation | mission : Communautés européennes. Le du traité. Conseil, 9 juillet 1971-139571 (Ass. 980).
(8) Doc. parl., cité à la note 1 ci-dessus, p. 3. (7) C.J.C.E., af£. 8-70, Commission des (4) Traités internationaux et juridictions | Communautés européennes c. République ita- internes dans les pays du Marché commun, | lienne, 18 novembre 1970, Rec. XVI, 1970, 1969, n° 144, p. 276. p. 961.
COUR DE CASSATION 905
Parlement — a d’ailleurs pu décider | aussi les ressortissants de ceux-ci (3). souverainement s’il donnait ou non | Par leurs structures, ils témoignent de la son approbation au traité : il était | volonté de leurs auteurs de dépasser le maître souverain de la situation ; | les cadres étatiques et d’imposer direc- l’assentiment qu’il a donné a permis | tement des obligations ou des interdic- au Roi de lier définitivement la Belgique | tions aux particuliers, ou de les faire par un traité qualifié au deuxième | bénéficier directement de droits; par alinéa de l’article 68 de la Constitution. | les pouvoirs qu’ils attribuent aux insti- Si la situation s’est modifiée, après que | tutions communautaires qu’ils créent, cet assentiment a été donné par les | ils sont en mesure d’atteindre ces objec- Chambres ou par le pouvoir législatif, | tifs (4). La technique de la disposition l’Etat qui souhaite se soustraire à la règle | directement applicable, qui est l’expres- contractuelle à laquelle il a souscrit | sion, sans doute, la plus caractéristique en pleine connaissance de cause et dans | donnée à l’objectif d’intégration, occupe le plein exercice de son pouvoir constitu- | une place essentielle dans le droit com- tionnel, peut dénoncer le traité en con- | munautaire dérivé. Son principe est formité avec les règles de droit inter- | inscrit dans le texte même du traité national, ou prendre, conformément à | instituant la communauté économique celui-ci, telle autre initiative de nature | européenne, mais le phénomène dépasse à permettre de modifier la situation | le texte de l’article 189 du Traité, qui que le traité consacre. attribue expressément ce caractère au
Les règles à de droit 43 international ; direc irec- de Vous la avez directement tait fait application ; de la théorie droit
prééminence interne. tement applicables sur les ont, normes on de l’a droit dit, pren u 8 règle juin 1967, taire aire dérivé où dérivé vous applicable à dans avez votre implicite- de arrêt .
Sans vouloir m'étendre ici Ja | ent décidé que l’article 9 du règlement
international (1), je pense qu’il est, par a dns Ta di C.E.E., faisait par A contre, utile d’en rappeler brièvement | de P l’ordre juridique interne et qu’i la mature et les effets en droit i commu . | les était tribunaux susceptible (5). d’application Vous n’avez directe pas défini par
exceptionnellement, la disposition direc- | P&8 à le faire. Les règlements sont tement applicable, ce caractère est un directement applicables (6) en vertu éément Bees i i du droit î commu _ | d’une La jurisprudence disposition expresse du Conseil du Traité. d’Etat Les traités de Rome ont en vue, s’est > fermement engagée ; dans la même â au-delà des gouvernements des Etats | Yoie que la Cour. La haute juridiction membres, les ressortissants de-ces Etats | @dministrative a, en effet, rendu le et la création d’un ordre juridique com- | 2* Mars 1967 un arrêt dans lequel elle a mun à ces Etats, dont les sujets sont implicitement décidé que les règlements non seulement les Etats eux-mêmes, a mais , | QU Conseil i n°8 os 3 et 4, concernant la
(1) Cons. « Le juge belge à l’heure du droit C Ae Av c. Hauptzollamt Paderborn, international et du droit communautaire », | Rec. XIV, 1968, p. 212.
op. cit, p. 541 et les autorités citées en note ; (4) « Le droit communautaire et ses rapports voy. aussi Bs AT, « Les dispositions de | avec les droits des Etats membres », in Droit droit communautaire directement applica- | des communautés européennes, Les Novelles, bles », C.D.E., 1970, p. 3 et suiv. n°8 139 et suiv.
(2) Le caractère directement applicable est le (5) Bk. et Pasic., 1967, I, 1193; J. T., trait spécifique du règlement communautaire : | 1967, p. 459 et les conclusions de M, l'avocat C.E.E., art. 189, al. 2 : «Le règlement a | général Ac; C.D.F., 1968, p. 436 et la une portée générale. Il est obligatoire dans | note de Am Be et L. Simont; voy. aussi tous ses éléments et il est directement appli- | la note de M. X, Rev. crit. jur. cable dans tout Etat membre ». Voy. aussi : | belge, 1968, n° 1, p. 1 et suiv.
C.E.C.A., art. 161, al. 2. (6) CEE, art. 189, al. 2; CEC.A, (8) Cons. notamment : C.T.C.E., aff. n°26/62, | art. 161, al. 2. Cons. sur le caractère direc- Van Gend en Loos, Rec. IX, 1963, p. 3, cité | tement applicable du règlement : J. V. LoU1s, précédemment; n° 6/64, Costa c. Enel, | Les règlements de la Communauté économique Rec. X, 1964, p. 1143; n° 28/67, Môlkerei- | européenne, 1969, spéc. p. 247 à 307.
906 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
sécurité sociale des travailleurs migrants, | du 19 août 1966, parce que «la mesure étaient susceptibles d’application di- | incriminée a été prise en violation de recle’(1). l’article 3 de la directive du 25 février Suivant une conception restrictive, les | 1964 » (5). Cet article dispose que : « les directives (2) ne sauraient obliger que les | mesures d’ordre public ou de sécurité Etats seulement et ne seraient pas sus- | publique doivent être fondées exclusi- ceptibles d’avoir, comme telles, effet | vement sur le comportement personnel dans l’ordre interne (3). Cette conception, | de l’individu qui en fait l’objet ». L’arti- que je pense être inexacte, n’a pas été | cle 3 ajoute : « La seule existence de suivie par les tribunaux. L’acte des | condamnations pénales ne peut automa- institutions communautaires imposant | tiquement motiver ces mesures». Or, une obligation précise et définie aux | l’arrêté expulsait une personne con- Etats contractants — notamment une | damnée en France et il se référait exclu- obligation d’abstention — est suscepti- | sivement à cette condamnation pour ble d’avoir des effets internes, en ce | justifier la mesure. Le Conseil d’État, sens que les autorités étatiques sont | en annulant l’arrêté d’expulsion, a donc tenues de le respecter, et qu’une éven- | nécessairement admis que l’article 3 tuelle violation peut faire l’objet d’un | de la directive pouvait être directement recours devant les tribunaux (4). applicable (6).
Le 7 octobre 1968, le Conseil d’Etat La doctrine s’est progressivement enga- a annulé un arrêté ministériel d’expulsion | gée dans cette voie (7).
(1) C. E., 24 mars 1967, Guissart, n° 12808, | de la justice, C.D.F., 1969, p. 343 et la note R.J.D,A.C,E., 1967, p. 177 et suiv. et l’avis | d’observations de M. Am Z; voy. aussi de M. l’auditeur Dumont. sur le même arrêt la note Am AY, (2) Cette conception met les recommanda- | R.J.D.A.C.E., 1969, p. 268 et suiv.
tions de la O.E.C.A. sur le même pied que les (7) SAMKALDEN, « Ophelfing van de beper- directives de la C.E.E. et de la C.E.E.A. kingen tot vestiging en dienstverlening in de (8) W. VAN GERVEN, « Vergelijkende ; Gemeenschappelijke Markt», Sociaal-Fco- aantekeningen bij het Benelux en E.E.G. | nomische Wetgeving, 1965, p. 89, spéc. p. 96; vestigingsrecht », Sociaal-Economische Wetge- | M. X, « L'application du droit ving, 1965, p. 195, spéc. p. 209; E. W. Fuss, | communautaire par le juge national », dans «Rechtsschutz gegen deutsche Hoheitakte | De individuele rechtsbescherming in de Euro- zur Ausführung des Europäischen Gemein- | pese Gemeenschappen, Bb, 1967, p. 169 ; schaftsrechts », Ax Bc Cd | « The Application of E.E.C. Law by National 1966, p. 1782, spéc. p. 1785 et suiv. ; U. EvER- | Courts », Bz By Au, 1967, p. 1248, LING, « Europäisches Gemeinschaftsrecht und | spéc. 1272; note sur C.J.C.E. aff. 57-65, nationales Recht in der praktischen Ci C Cn Cb c. Hauptzollamt Sarrelouis, wendung », Ax Bc Cd, | 16 juin 1966, in C.D.Æ., 1967, n° 180, spéc. 1967, p. 465, spéc. 467 et 472-473; P. H, | p. 192-193; H. A. A, « Les deux direc- AS, « De richtlijn van het Europese | tives du Conseil de la C.E.E. concernant la Gemeenschapsrecht. Karakter, functie en | police des étrangers », C.D.F., 1966, n° 1, rechtsgevolg », S.E.W., 1967, p. 122 et suiv. | p. 55, spéc. p. 70. L’applicabilité directe des (£) Cons. M. X, qui applique | directives a aussi été défendue dans le rapport le raisonnement aux dispositions des traités | établi par M. Bf Ac, « La notion de dispo- elles-mêmes : « Nature juridique des actes | sition directement applicable en droit euro- des organisations et des juridictions interna- | péen », C.D.E., 1968, p. 369, spéc. p. 387 et tionales et leurs effets en droit intemne », | suiv. ; J. Cc Aj, Les règlements de la Commu- Rapports au VIII© congrès international de | nauté économique européenne, 1969, p. 286 et droit comparé, éd. Bruxelles, C.T.D.C., 1970, | suiv. Voy. aussi notre étude : « Le droit com- p. 508 et suiv., spéc. p. 509 à 512. Cons, du | munautaire et ses rapports avec les droits même auteur : Traités internationaux et juri- | des Etats membres », in Le droit des Commu- dictions internes, 1969, p. 170-171 et les auto- | nautés européennes, Les Novelles, Bruxelles, rités citées, notamment aux notes 38 et 41. 1969, n° 157 et les autorités citées, ainsi que (5) Directive, 25 février 1964, pour la coor- | « De Belgische Rechter tegenover het Inter- dination des mesures spéciales aux étrangers | nationaal recht en het Gemeenschapsrecht », en matière de déplacement et de séjour justi- | disc. prononcé à l’audience solennelle de la fiées par des raisons d’ordre public, de sécurité | cour de cassation le le" septembre 1969, publique et de santé publique, J. O. des | Arr. van het Iof van cassatie, trad. : « Le juge Communautés européennes, 4 avril 1964. belge à l’heure du droit international et du (6) C.E. n° 13146, en cause Corveleyn | droit communautaire », J. T., 1969, p. 587, Bw c. l’Etat belge, représenté par le Ministre | spéc. p. 452.
COUR DE CASSATION 907
La Cour de justice, elle non plus, | « Si, en vertu des dispositions de l’arti- n’exclut ni la décision (1) ni la directive | cle 189, les règlements sont directement des actes qui produisent des effets directs | applicables et, par conséquent, par leur en droit interne. Ecartant le très discu- ; nature susceptibles de produire des effets table raisonnement a contrario qui a été | directs, il n’en résulte pas que d’autres parfois tiré de l’article 189, alinéa 2, | catégories d’actes visés par cet article elle a étendu à l’ensemble du droit | ne peuvent jamais produire des effets communautaire dérivé la portée de la | analogues » (2).
jurisprudence relative aux effets directs La Cour de justice a reconnu à d’autres des dispositions du traité. C’est le con- | dispositions que l’article 12 du traité tenu de l’acte et non sa qualification | C.E.E. le caractère directement appli- qui détermine son effet direct ou non. | cable (3).
Article 12 :
(1) C.J.C.B., aff. jointes 106 et 107-683, — aff. n° 26-62, van Gend en Loos, 5 février A. Toepfer & Getreide Import Gesellschaft, | 1963, Rec. IX, p. 8;
1er juin 1965, Rec. XI, p. 525. — aff. n°8 2 et 3-69, Sociaal Fonds voor de (2) C.J.C.E,, aff. 9-70, Ck AM Bt Ar c. Brachfeld et Bn Bj, 6 octobre 1970, Fec. XVI, p.825 | Diamond, 1°" juillet 1969, Rec. XV, p. 211, et suiv., spéc. p. 844. Dans le même sens : Article 13, $ 2 : aff. n° 33-70, S.P.A. S.A. aff. 20-70, Transport. Lesage et C!° c. Hauplzoll- | CE. de Bergame c. Ministère des finances, amt Freiburg à. B., 21 octobre 1970, ibid, | 17 décembre 1970, Rec, XVI, p. 1228.
P- 861 et suiv. ; aff. 23-70, Bo c. Finenz- Articles 31 et 32, al. 1° : aff. n° 13-68, amt Düsseldorf-Altstadt, 21 octobre 1970, C Ad c. Ministère du commerce extérieur ibid, p. 881 et suiv.; aff. 33-70, S.p.a. S.A. | de la République ‘italienne, 19 décembre CF. de: Bergame c. Ministère des finances | 1968, Rec. XIV, p. 661.
de la République italienne, 17 décembre 1970 Articles 37, $ 2, et 53 + aff. n° 6-34, Costa et les conclusions de M. l’avocat général
ROEMER (inédit). Cons. sur l’arrêt Grad, | % Ÿ-NF-L, 15 juillet Ai 1964, Rec. X, p. 1141, cité ci-dessus, la très intéressante note : Article 95, al, 198 2
E. GnaBrrz, « Entscheidungen und Richt- — aff. n° 57-65, Lütticke c. Hauptzollamt linien als unmittelbar Wirksames Gemein- | Ze Sarrelouis, 16 juin 1966, f'ec. XII, p 293; schaftsrecht », in Europarecht, 1971, p. 1; — aff. n° 28-67, AQ Av Cl, Bürow, «Das Verhältnis des Rechts | © Hauptzollamt Paderborn, 3 avril 1968, der europäischen Gemeinschaften zum na- | Fec. XIV, p. 211;
tionalen Recht», in Akfuelle Fragen des | _ —_ aff. n° 29-68, Mileh-, Fett- und Bierkontor europäischen Gemeinschaftsrechts, Stuttgart, | © Ai Cm, 24 juin 1969, 1965, spéc. p. 55 et suiv.: voy. aussi | fee XV, p. 165.
LJ. BRINKHORST, note sous l’arrêt Grad, Article 95, al. 2 : aff. n° 27-67, Fink-Frucht in Ars Aequi, 1971, p. 148; Bs AO, | c. Ai AV, note sous le même arrêt, D.V.BL.. 1971, p. 46; | 4 avril 1968, Rec. XIV, p. 327.
Br BC, « Zur Wirkung von Entschei- B. — Par contre, la Cour a dénié le caractère dungen und Richtlinien des E.W.G. Rats », in | directement applicable aux dispositions sui- A.W.D., 1970, p. 481 et suiv.; voy. aussi : | vantes du traité :
W. STRAUSS, juge à la’ Cour de justice des
Articles 32, dernière phrase de l’alinéa 2, Communautés européennes, L’applicabilité
et 33, $$ let et 2 :
directe du traité CEE, aux justiciables des
— aff. n° 13-68, Ad c. Ministère du Etats membres selon la jurisprudence de la
commerce extérieur de la République italienne, Cour de justice. Communication aux magistrats
19 décembre 1968, Rec. XIV, p. 662.
des Cours suprêmes des six Etats membres,
Luxembourg, 11 mars 1969. Article 93 : aff. n° 6-64, Costa c. E.N.E.L., (3) A. — La Cour de justice a reconnu 15 juillet 1964, Rec. X, p. 1141.
le caractère directement applicable aux dispo- Article 97 :
sitions suivantes du traité : -— aff. n° 57-65, Lütticke c. Hauptzollamt de Sarrelouis, 16 juin 1965, Rec. XII, 1966, Article ; 9 : p. 293;
— af£. n°8 2 et 3-69, Sociaal Fonds voor de -— aff. n° 13-67, As Bx c. Hauptzoll- Diamantarbeiders c. Brachfeld et Chougol | amt München-Landsbergerstrasse, 4 avril 1968, Diamond, 1er juillet 1969, Rec. XV, p. 211; | Rec. X1V, p. 275.
— aff. n° 33-70, S.P.A. S.A.C.B. de Ber- — aff. n° 25-67, Mileh-, Fett- und Fierkontor game c. Ministère des finances, 17 décembre | c. Ai Cm, Rec. XIV, 1970, Mec. XVI, p. 1223. 1968, p. 305;
908 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
La question de savoir si une dispo- Pour déterminer si une disposition sition de l’un des traités de Rome «est | est directement applicable, le texte ne directement applicable dans tout Etat | suffit pas. Les droits attribués directe- membre » est une question d’interpréta- | ment aux particuliers n’existent point tion de cette disposition. Si donc la | seulement quand les traités les leur question est «soulevée» (1) devant | attribuent expressément; la Cour re- la Cour et qu’une décision sur cette ques- | cherche si la disposition discutée «se tion est nécessaire pour vous permettre de | prête par sa nature » à produire pareil statuer sur le pourvoi, vous renverrez, en | effet (5).
vous conformant à l’article 177 du traité Elle a d’autant plus sagement évité C.E.E. ou à l’article 150 du traité | l’ambiguïté de l’expression « disposition C.E.E.A., à la Cour de justice pour être | self-executing », si fréquemment — et statué par celle-ci à titre préjudiciel. | parfois diversement — utilisée dans la C’est à celle-ci qu’en dernière analyse | doctrine qu’elle n’est point nécessaire. appartient le pouvoir de décider si la | Elle a préféré, comme le fait observer disposition est directement applicable (2). | encore M. AT (6), lorsqu’elle a été S’il devait être décidé par les juridictions | appelée à interpréter pareille disposi- nationales du caractère directement appli- | tion sur une question préjudicielle en cable des traités, cela aurait nécessaire- | vertu de l’article 177, qualifier « direc- ment pour conséquence que la protection | tement applicable » la disposition du que la règle directement applicable doit | Traité, en relation avec sa fonction.
reconnaître violation de leurs aux obligations particuliers par contre les Etats la | | « l’arrêt Il faut van et il Gend suffit », en a dit Loos, la Cour « que dans la membres pourrait être différemment | disposition invoquée du Traité se prête, appréciée suivant les juridictions. Or, | par sa nature même, à produire des effets la Cour de justice des Communautés a | directs dans les relations juridiques entre déclaré à plusieurs reprises que «la | les Etats membres et leurs justicia- règle communautaire doit s’imposer avec | bles» (7). La disposition directement la même force dans tous les Etats mem- | applicable « produit des effets immédiats bres » (3). et engendre des droits individuels que les Le but même de la primauté du droit | juridictions doivent sauvegarder (8). La communautaire ne serait pas atteint, | disposition est directement applicable, écrit M. AT, dans une remarquable | non seulement quand le Traité le prévoit étude publiée récemment, si les dispo- | expressément » (...) mais aussi en raison sitions directement applicables étaient | d’obligations que le Traité impose d’une déterminées par les juridictions natio- | manière bien définie tant aux particu- nales en fonction de leur droit (4). liers qu’aux Etats membres et aux institutions communautaires (9).
Lippe c. Hauptzollamt Paderborn, 3 avril | recht en het Gemeenschapsrecht », Arr. 1968, Rec. XIV, p. 211; cass., 1970, p. 49 et suiv.; trad. : « Le juge — aff. n° 34-67, Ap Ab c. Haupt- | belge à l'heure du droit international et du zollamt Kôln-Rheinau, 4 avril 1968, Rec. | droit communautaire », op. cif., p. 546 et 547. XIV, p. 359; (2) Cons. Al Ao, « A propos de l’arrêt — aff. n° 29-68, Milch-, Fett- und Eier- | 26-62 », R.G.D.I.P., 1964, p. 110, 141-142. kontor c. Ai Cm, Rec. 8 (8) AfF. n° 13-68, Ad c. Ministère du XV, 1969, p. 165; commerce extérieur de la République italienne, — aff. n° 1-69, Gouvernement de la Républi- | Rec. XIV, 1968, p. 662.
que italienne c. Commission des Communautés (4) « Les dispositions de droit communautaire européennes, 9 juillet 1969, Rec. XV, 1969, | directement applicables », C.D.F., 1970, p. 9. Pp. 277. (5) Aff, n° 26-62, Rec. IX, 1963, p. 3.
P- 8 et suiv.
C. — La Cour a été saisie récemment d’une (7) AfF. n° 26-62, Rec. IX, p. 24.
demande de décision d’interprétation à titre (8) Aff. no 26-62, Rec. IX, p. 28; n° 57-65, Ppréjudiciel portant sur le caractère directe- | Lütticke c. Hauptzollamt Sarrelouis, Rec. XII, ment applicable de : l’article 16 : aff. n° 18-71, | p. 294, 304; n° 28-67, AQ AG c. Etat italien, demande émanant | c. Ai Cg, Rec. XIV, p. 212, du tribunal de Turin, procédure en cours. | 232; n° 34-67, Lück, Rec. XIV, p. 359; (1) Sur le sens du mot « soulevée » dans | n° 13-68, Ad, Rec. XIV, p. 661.
Particle 177 du traité C.E.E., voy. «De (9) Aff. n° 26-62, citée aux notes 7 et 8 ci- Belgische rechter tegenover het internationaal | dessus; n° 28-87, citée à la note 8 ci-dessus.
COUR DE CASSATION 909
C’est dans l’arrêt van Gend en Loos | qu’est directement applicable en droit que la Cour de justice a reconnu à l’arti- | communautaire la disposition claire du cle 12 du traité le caractère de disposi- | traité, consacrant une obligation juridi- tion directement applicable. La haute | quement complète (5), qui impose aux juridiction communautaire a eu égard | États, soit de s’abstenir, soit d’agir à ce que l’article énonce «une obli- | d’une manière déterminée (6), et qui gation de ne pas faire » et à ce que « cette | peut être invoquée, comme un droit obligation n’est assortie d’aucune réserve | qui leur est propre par les ressortissants des Etats de subordonner sa mise en | de ces Etats (7), ressortissants auxquels œuvre à un acte positif de droit in- ; elle peut aussi imposer des charges. La terne » (1). Cela paraît logique : l’obli- | règle directement applicable ne saurait gation « de ne pas faire » sans condition | laisser à l’Etat de pouvoir discrétion- ni réserve est, en effet, par sile-même en | naire (8)
njoute par rincipe pet à cette article directement - considération de désigner applicable. pas « que les La le plats , fait Cour | Ç caractère Comme . E.N.E.L., Ya directement >a qe di cr applicable da arrê ete de , la
e Savstenir n'Imp'ique pas que ‘eurs | clut le pouvoir du législateur de modifier ressortissants ne puissent en être les | le droit issu de cette disposition. La bénéficiaires » (2) : on aurait pu croire, | Cour l’affirme : « Il résulte de l’ensemble en effet, à défaut de cette précision, | de ces éléments qu’issu d’une source que la mention des Etats membres comme | droit Traité
sujet de l’obligation négative ne consacre, | autonome, donc, en raison le de du sa nature ne spécifique pourrait en ce qui concerne les ressortissants de ces | originale, se voir judiciairement
Etats, qu’un droit indirectement appli- | texte interne opposer cable : & four gt Lrès, Fermoment, A | un perdre son caractère quel qu’il communautaire soit, sans propos de ‘article 12 du Traité, que et sans soit mise en cause la base pareille mention n’implique pas que la | juridique que de la Communauté elle- disposition n’ait que cette seule portée. même...L»’(9).
L’arrêt est intéressant aussi en ce qu’il Se
se réfère à ce que la disposition, pour À l’effet direct ; est associée . la préémi- PP avoir le caractère directement applicable, | Nence de la norme de droit communau- doit être claire (3). Elle doit enfin être | taire sur la règle de droit interne. Cette juridiquement complète : «(.….) attendu prééminence est exigée, on l’a dit, par que l’exécution de l’article 12 ne néces- | là nature du droit communautaire afin site pas une intervention législative des | de garantir à celui-ci une application Etats » (4). uniforme par toutes les juridictions des En s’inspirant de la jurisprudence de la Etats membres.
Cour de justice, on doit donc admettre La juridiction nationale ; est tenue de
(1) et (2) Rec. IX, p. 24, Etats conservent une marge d'appréciation (3) Voy. aussi : n° 13-68, Ad, Rec. XIV, | au sujet des modalités de leur mise en œuvre. 1968, p. 662, 674. Cons. Bs AT, op. cit, | Aff£. n° 28-67, Molkerei-Zentrale, Rec. XIV, p. 17 et 18. = 1968, p. 2231 et suiv.
(4) Cons. aff. n° 57-65, Lütticke, et n° 28-67, (7) Cons. sur cette notion, en plus de l'étude Moôlkerei-Zentrale, indiquées à la note 8, | de M. Bs AT, déjà citée, L. Al BF, p. 908; n° 27-67, Fink-Frucht, Rec. XIV, | «'Tenuitvoerlegging van gemeenschapsrecht 1968, p. 328, 341; n° 13-68, Ad, indi- | door de Nederlandse overheid », Geschriften quée à læ note précédente. La disposition |} van de vereniging voor administratief recht, dont le contenu ne nécessite aucun complé- | L. X. 1968, p. t et suiv. ; Rapport d’une com- ment a parfois été appelée en doctrine « self | mission de la F.I.D.E,, établi par M. Ac, sufficient » : Bf Ac, « La notion de dispo- | président de cette commission, C.D.E., sition directement applicable en droit euro- |; 1968, p. 369 et suiv. ; J. MERTENS DE WILMARS, péen », Rapport sur les travaux de la 2e com- | « De directe werking van het Europese recht », mission de la F.I.D.E., C.D.E., 1968, p. 369 | S.E.W., 1969, p. 62 et suiv. ; L. J. CONSTAN- et suiv.; J. Cc Aj, Les règlements de la | TrNEsco, L'applicabilité directe dans le droit Communauté économique européenne, 1969, | de la C.E.E., 1970, n°° 5 et suiv. et n°° 32 p. 256, 258 et 272. et suiv.
(5) C.J.C.B., aff. n° 6-64, Costa c. E.N.E.L., (8) J. MERTENS DE WILMARS, étude citée Rec. X, 1964, p. 1162-1164, à la note précédente (S.E.W., 1969, p. 75). (6) Les dispositions qui imposent aux (9) C.J.C.E., aff. n° 6-64 Costa c. E.N.B.L., Etats membres une obligation de faire ne | Rec. X, 1964, p. 1162-1164. Voy. la note 5 sont pas directement applicables lorsque les | ci-dessus et la note 3, supra, p. 901.
910 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
« sauvegarder les intérêts des justiciables | est exact que les articles du Gode judi- affectés par une méconnaissance éven- | ciaire que le demandeur soutient avoir tuelle (d’une norme directement appli- | été viclés sont applicables aux arrêts cable) en leur assurant une protection | de la Cour de justice rendus en appli- directe et immédiate de leurs intérêts » (1). | cation de l’article 171 du traité.
L'effet direct d’une disposition du traitéL L’exécution des arrêts par lesquels la «exclut l’application de toute mesure | Cour de justice, sur le recours de la d’ordre interne incompatible avec ce | Commission ou d’un autre Etat membre, texte » (2). constate qu’un Etat membre a manqué *# à une des obligations qui lui incombent Dans la seconde branche du deuxième | en vertu du traité, est réglée par un moyen, le demandeur invoque la viola- | Système propre : alors que les arrêts tion des articles 23 à 27 du Code judi- | de la Cour de justice ont force exécutoire ciaire, qui sont relatifs à l’autorité de la dans les conditions fixées à l’article 192 chose jugée en droit interne. du traité (3) — hormis ceux qui sont A vrai dire, le système est difficile | Tendus sur une question préjudicielle à saisir. en vertu de l’article 177 du traité et Le demandeur discute l’autorité de | qui lient le juge quant à l'interprétation l’arrêt du 13 novembre 196% dans lequel de la règle communautaire, mais ne la Cour de justice a constaté que l’État | comportent pas d’exécution forcée — belge avait manqué à ses obligations. | l’article 171 stipule que l'Etat qui est Il soutient avoir exécuté cet arrêt «en | Teconnu comme ayant manqué à ses prenant » la loi du 19 mars 1968, qui | Obligations «est tenu de prendre les ratifie pour le passé les arrêtés qu’il lui | Mesures que comporte l’exécution de étail interdit de prendre. Il semble qu’en | l’arrêt de la Cour de justice ».
invoquant la violation des dispositions La constatation du manquement est relatives à l’autorité de la chose jugée, | définitive. L'arrêt est déclaratoire : il Îl entende soutenir que l’arrêt attaqué | n’annule pas l’acte. Mais à la décision aurait, en ne s’inclinant pas devant | Qui constate le manquement s'attache l’exécution que le demandeur a donnée | pour l’Etat membre ou les Etats mem- ainsi à l’arrêét n° 90-91/63 rendu par la | bres contre qui le recours a été exercé Cour de justice, porté atteinte à l’auto- | l’autorité de la chose jugée. L'Etat en rité de la chose jugée par cet arrêt et | faute a l’obligation de prendre les mesures violé les articles 23 à 27 du Code judi- | que comporte l’exécution de l’arrêt de la ciaire. Cela paraît être la seule interpré- | Cour.
tation qui puisse être donnée de la C’est à lui seul qu’il , appartient ; de les seconde branche du deuxième moyen. | prendre, Il est, en effet, exact, comme Cela paraît d’autant plus certain que, | le dit le demandeur, que le traité laisse dans les développements de cette branche | l’Etat membre dont le manquement du moyen, citant un auteur, il écrit : | à été constaté maître de l’exécution « L'arrêt n’en jouit pas moins de l’auto- | de l’arrêt rendu contre lui. La Cour rité qui s'attache aux décisions de | l’a dit dans l’arrêt Humblet (4).
justice. La constatation du manque- Mais, cela ne veul pas dire que l’Etat ment passée en force de chose jugée est | en faute puisse donner à l’arrêt n im- définitive et l’Etat membre est tenu de | porte quelle suite et prétendre qu’il prendre les mesures nécessaires à son | l’exécute en renouvelant ou en con- exécution {...) ». firmant son manquement. C’est l’exé- Si donc vous considérez que c’est là cution de l’arrêt qu’il aslu’e.
l’interprétation du moyen en tant qu’il Sans doute, si la situation qui - consti- ; vise les articles 23 à 27 du Code judi- | tuc une infraction aux règles du traité ciaire, il vous appartient de vérifier sil | --————————--——_iiiiii —— vo | décisions des Communautés européennes (Mon. (1) Af. 28-67, Molkerei-Zentrale, Rec. | belge, 20 septembre 1967).
XIV, p. 211; Afi. 34-67, Lück, Rec. XIV, (4) C.J.C.E., aff. n° 6-60, Rec. VT, spéc. p. 359 ; Aff. 13-68, Ad, Rec. XIV, p. 661. | p. 1145 et 1146. Le système diffère, on le sait, (2) A. 28-67, Lüek, Rec. XIV, p. 359. | de la procédure qu’institue dans ce cas l’arti- Cons. A. Pépy, « Le rôle de la Cour de justice | cle 88 du traité instituant la Communauté des Communautés européennes dans l’appli- | européenne du charbon et de l’acier. Cons. cation de l’article 177 du traité de Rome », | Bs AU, « Recours en constatation C.DÆE., 1966, spécialement p. 478. des manquements des Etats. Le traité (8) C.B.ÆE., art. 187. Cons. loi du 6 août | C.E.C.A. », in Droit des Communautés euro- 1967 relative à l’exécution des arrêts ct des | péennes, Novelles, 1969, n°5 1023 et suiv.
COUR DE CASSATION 911
subsiste, l’Etat en faute doit-il mettre | pourvoi la violation des articles 23 à 27 fin à ce manquement pour l’avenir : | du Code judiciaire, entend soutenir mais là ne s’arrête pas son obligation. | que l’arrêt, en ne reconnaissant pas Ce ne sont pas là toutes les mesures | d’effet à la loi du 19 mars 1968, qu’il que comporte l’exécution de l’arrêt. | dit être une mesure d’exécution de l’arrêt Comme l’écrit M. Ao, l’exécution | du 13 novembre 1964, a violé l’autorité «n’implique pas seulement que l’Etat | de la chose jugée par cet arrêt.
supprime celui-ci (le manquement) pour Ce système, à vrai dire singulier, ne l’avenir en abrogeant les mesures qui | tient compte ni de la nature même de la étaient à son origine ou en adoptant | chose jugéo ni de l’étendue de l’autorité celles dont l’omission a été considérée | de la chose jugée par un arrêt rendu dans comme fautive. Il lui incombe encore de | la procédure de droit communautaire faire disparaître juridiquement les effets | que prévoient et organisent les arti- passés du manquement » (1). { cles 169 et 171 du traité de Rome.
«Très souvent, poursuit l’auteur, cet Une première observation s’impose. anéantissement rétroactif du manque- | L'autorité de la chose jugée, vous l’avez ment pourra se révéler difficile, sinon | décidé à maintes reprises (5), s’attache impossible (..…) », mais «le cas échéant, | à ce qui a été certainement et nécessai- l’exécution de l’arrêt pourra impliquer | rement jugé par le juge, en prenant des mesures de réparation » (2). Et il | en considération tant le dispositif que les ajoute : « Comme l’expérience l’a démon- | motifs qui en sont le soutien nécessaire. tré, l’autorité des décisions de la Cour Les mesures d’exécution d’une décision a toujours suffi. Toutes les fois qu’elle | de justice ne sont pas une partie inté- a été mise en œuvre, la procédure de | grante de cette décision. Se situant en l’article 169 a toujours abouti à l’élimi- | dehors de ce qui est jugé, elles sont nation effective du manquement con- | destinées à donner effet à ce qui a été staté » (3). Il semble que ce soit la pre- | jugé. Leur autorité varie avec leur mière fois qu’un Etat membre, dans une | nature et la forme qui leur est donnée. situation analogue, en guise de mesures | Leur force exécutoire est déterminée en d’exécution de l’arrêt, entende conso- | droit interne par la loi. Dans la mesure lider, par la voie du droit interne, les | où la loi du 19 mars 1968 pourrait être mesures qui constituaient le manquement | considérée comme une mesure d’exécu- qui lui était reproché. tion de l’arrêt du 13 novembre 1964, au Le demandeur me paraît d’ailleurs | sens de l’article 171 du traité, elle est n’apercevoir qu’un aspect partiel du | étrangère au principe même de l’auto- problème, en soutenant ici paradoxale- | rité de la chose jugée.
ment qu’il est sans réserves maître On comprend mal comment le deman- d’apprécier quelles mesures il prend pour deur peut, dans ces conditions, invoquer exécuter l’arrêt qui constate son manque- ; | la violation de l’autorité de la chose jugée ment, ces mesures dussent-elles renou- ; par la Cour de justice et fonder ce grief veler ou consolider la situation qui a été | sur la violation des articles 23 à 27 du considérée par la Cour, dans l’arrêt | Code judiciaire.
même qu’il prétend exécuter, comme un Lorsque la Cour de justice, statuant manquement à une disposition directe- | sur le recours de la Commission ou d’un ment applicable du traité. Ne perd-il | autre Etat membre, en application pas de vue que, si les mesures qu’il | de l’article 171 du traité, reconnaît prend, sous couleur d’exécuter l’arrêt, | qu’un Etat membre a manqué à une des devaient être considérées comme un | obligations qui lui incombent en vertu manquement nouveau et autonome à une | du traité, elle ne prononce pas de con- obligation qui lui incombe en vertu du | damnation proprement dite; elle rend traité, la Commission ou l’un des Etats | un arrêt déclaratoire. Ici, point d’exé- membres pourraient exercer contre lui | cution forcée; c’est l’Etal en faute un nouveau recours en vertu des arti- | lui-même qui «est tenu de prendre cles 169 ou 170 du Traité? (4). les mesures que comporte l’exécution de Le demandeur, en visant dans le | l’arrêt (...) ».
(1) Al Ao, « Recours en constatation (8) Op. cit., n° 1087.
des manquements des Etats. Les traités C.E.E. (4) Cons. JF. Ao, op. cit., n° 1087.
et Euratom », in Droit des Communautés (5) Cass., 22 mai 1969, Bk. et Pasic., I, européennes, Novelles, n°5 1084 à 1087, | 870; voy. aussi les conclusions du ministère spéc. 1086. public précédant cass., 21 mai 1970, ibid, (2) Op. cit, n° 1086. I, 827, spéc. 834.
:942 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
Le système est proche du système | vigueur dans l’Etat sur le territoire d’exécution des arrêts de la Cour inter- | duquel elle a lieu et la formule exécutoire nationale de justice et de celui de la Cour | est apposée, sans autre contrôle que celui européenne des droits de l’homme. de la vérification de l’authenticité du Les arrêts de la Cour internationale | titre, par l’autorité nationale que le de justice n’ont pas de véritable force | 8oUvernement de chacun des Etats exécutoire: la faculté, inscrite dans | Membres désigne à cet effet. Après l’article 94, $ 2, de la Charte des Nations | l’accomplissement de ces formalités, à Unies, et réservée au Conseil de sécurité | là demande de 1 inféressé, celui-ci peut «s’il le juge nécessaire » de recommander | POUrsuivre 1 exécution forcée en saisis- ou de décider à la demande d’une partie sant directement l’organe compétent, « des mesures de nature à prendre pour | Svivant la législation nationale. En Bel- faire exécuter l’arrêt », est dépourvue | Bique, cette exécution forcée est régie de précision et n’est accompagnée d’au- | PAT la loi du 6 août 1967 (5), qui a rem- règle de procédure; elle reste de | Placé celle du 2 mai 1957 relative à cune portée théorique (1). l'exécution ades arrêts de la Cour de La convention ; puropéennie ; de sau- | justice C.E.C.A. et La de vérification certaines de décisions l’authenticité de la prévoit pas, opus ; de procédure des documents produits en vue de l’exé-
d’exécution européenne forcée des droits arrêts de l’homme. Si | documents authentiques sont transmis, ie LE) une exécution à l’intervention du Ministre de la justice, dell’ l’article au greffier de Ja cour d'appel de Bruxelles, se (de borne l’arrêt à dire que Cour)», « Les Hautes Parties 53 qui appose la formule exécutoire.
contractantes s’engagent à se conformer Ici rien de pareil. L’arrêt de la Cour de aux décisions de la Cour dans les litiges | justice se borne à constater qu’un Etat auxquels ils sont parties ». La sanction | membre a manqué à ses obligations. Cet de cet engagement ne se situe que sur | arrêt a un caractère propre qui se tra- le plan des principes de la responsabilité | duit dans ses effets et dans son autorité. de l’Etat en droit international (2). Tl est déclaratoire d’une situation juri- Les arrêts n’ont pas d'effet direct en | dique déterminée qui vaut erga omnes. droit interne (3) et les Etats ne se sont | UN autre Etat membre pourrait s’en engagés à leur reconnaître pareil | Prévaloir et les tiers aussi qui y auraient pas effet (4). intérêt. Comme l’écrit le professeur X, « l’interprétation d’une dis-
», AUX | qui, si elles désirent s’en écarter, devront termes de cette dernière L disposition Jà | préalablement saisir la Cour de justice du traité, l’exécution forcée est régie | d’une question préjudicielle (...) » (6).
par les règles de la procédure civile en
Les articles 23 à 27 du Code judiciaire ne sont applicables qu’en droit interne, (1) Cons. H. RoLIN, op. cit, p. 22, qui
cite : BORCHARD, « Declaratory judgment
in international law ». American Journal of
international Law, p. 488-492; voy. aussi (4) Cons. M. X, Op. cit, p. 516 M. X, op. cit., p. 515 et 516. et 517; voy. aussi At Y, La Convention (2) L'article 50 de la Convention prévoit | européenne des droits de l’homme, Paris, que, si le droit interne d’un Etat ne permet | 1964, p. 186 ; Tr. BUERGENTHAL, « The Effect qu’imparfaitement d'effacer les conséquences | of the European Convention on Human d’une décision ou d’une mesure jugée contraire | Rights on the Internal Law of Member à la Convention, la Cour peut accorder « une | States », The European Convention on Human satisfaction équitable » à la partie lésée. Rights, Londres, 1965, p. 79, spéc. p. 95 et (8) Cons. Cf AP, J. VELU | suiv.
et À. BD, « La convention (5) Voy. sur cette loi : C. AZ, « La loi de sauvegarde des droits de l’homme et des | du 6 août 1967 et l'exécution forcée de certains libertés fondamentales et le fonctionnement | arrêts communautaires », R.B.D.I., 1969, des juridictions belges », Chronique de politique | p. 69 et suiv.
étrangère, 1962, p. 199. (6) Op. cit., p. 520.
COUR DE CASSATION 913
encore ne le sont-ils que dans certaines Dans le troisième moyen, le demandeur matières (1). fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir décidé Non seulement ils ne régissent pas | Que la défenderesse pouvait réclamer l’autorité des arrêts rendus par la Cour | là restitution des droits spéciaux qu’elle de justice, en vertu de l’article 171 du | à payés, alors que ces droits étaient dus, Traité, mais ils sont étrangers à ces | ©t d’avoir justifié la légalité de la déci- arrêts dont l’autorité est régie par des | Sion de restitution du montant des droits règles propres (2). payés en application de l’arrêté royal du Aussi sommaire le soutènement du | $ Novembre 1958 et d’arrêtés subsé- demandeur soit-il, en cette branche du | BE à l’occasion de l'importation deuxième moyen, j'ai considéré de mon | de produits laitiers, en se fondant sur devoir de l’examiner. Si vous estimez | l’article 1235 du Gode civil.
qu’il est suffisamment formulé, vous direz À l’entendre, la décision de restitution qu’il manque en droit. Si vous considérez, | de ces droits spéciaux ne pouvait se par contre, qu’il est insuffisamment précis | fonder sur la règle de la répétition de dans son soutènement fondé sur la vio- | l’indu ; elle ne pouvait trouver de fonde- lation des articles 23 à 27 du Code judi- | ment légal que dans les dispositions qui ciaire, vous le direz irrecevable. Je | concernent les restitutions à la suite pense qu’en tous cas la Cour doit le | de l’annulation des obligations et con- rencontrer. ventions, étant donné que l’arrêt a x déclaré nulles les obligations de la défen-
Dans la troisième branche du deuxième Les prémisses du raisonnement, on le moyen, le demandeur reproduit sous une | voit, sont celles qui ont été présentées autre forme et en les réunissant, les | à la Cour dans le premier moyen du griefs qu’il a formulés dans le premier | pourvoi : le juge a déclaré la loi du moyen et dans la deuxième branche du | 19 mars 1968 nulle et partant annulé deuxième moyen. les obligations qui en découlaient.
Ici encore, le moyen manque en droit. J’ai dit, en vous faisant part des En effet, d’une part, interdire la resti- | réflexions que m'’inspirait le premier tution de droits payés indûment parce | moyen, que l’arrêt n’annule pas la loi que payés en application d’arrêtés in- | du 19 mars 1968 qui ratifie les dispo- compatibles avec l’article 12, c’est con- | sitions réglementaires établissant les tredire cette disposition directement | taxes spéciales, mais qu’il constate que applicable ; d’autre part, la loi du 19 mars | ses effets sont arrêtés dans la mesure 1968 ne peut être considérée comme une | où cette loi est en conflit avec une dispo- mesure d’exécution de l’arrêt du 13 no- | sition directement applicable du Traité, vembre 1964 ; mais, fût-il exact que cette | et que la même conclusion s’imposerait loi puisse être considérée comme une | si cette loi était en conflit avec une dispo- mesure que l’exécution de l’arrêt com- | sition directement applicable d’un autre porte, elle ne peut aller à l’encontre | traité international.
d’une disposition directement applicable Contrairement à ce qu’affirme le du traité. demandeur, qui-a adopté, dans les trois
européennes, 17 juin 1965, Rec. XI, p. 409, (1) « Propos sur le texte de la loi et les | spéc. p. 515 et jurisprudence constante. Voy. principes généraux du droit », discours pro- | aussi les conclusions de M. l’avocat général noncé à l’audience solennelle de la Cour de | GAND précédant l’arrêt : aff. jointes 50, 51, cassation le le" septembre 1970, Bk. des | 53, 54 et 57-64, Loebisch e. les Conseils des arrêts de la Cour de cassation, spéc. p. 85 à | Commumaulés européennes, 14 juillet 1965, 90; J. T., p. 581 et suiv., spéc. p. 585 et | Rec. XI, p. 1015 et 1025.
suiv. Les arrêts interprétatifs, rendus sur question (2) Les arrêts d’annulation, rendus en vertu | préjudicielle, conformément à l’article 177 de la compétence qu’attribue à la Cour de | du traité, ont une autorité qui dépasse l’auto- justice l’article 173 du traité, ont l’autorité | rité relative : C.J.C.E., aff. jointes 28 à 30-62, absolue : « Les effets juridiques d’un acte | da Costa et Schaake, Rec, IX, p. 59, spéc. ne concernent, outre les parties, que les per- | p. T5 et 76; cons. aff. 25-67 Cn An, sonnes concernées directement par l'acte | Fett- und Eierkontor, 4 avril 1968, Rec. XIV, annulé lui-même». C.J.C.E., aff. 43-64. | p. 305 ; cass., 24 décembre 1970, supra, p. 392 Br AJ c. les Conseils des Communautés ‘ et les conclusions du ministère public.
914 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
moyens qu’il développe à l’appui du
pourvoi, la singulière technique de repro- ARRÊT.
duire quasi intégralement entre guille-
mets l’arrêt attaqué, ce qui ne contribue LA COUR; — Vu l’arrêt attaqué, pas à la clarté du pourvoi et noie le | rendu le 4 mars 1970 par la cour d’appel système dans l’encombrement des textes, | de Bruxellls’;
l’arrêt attaqué n’a ni déclaré nulle ni
annulé l’obligation au payement des Sur les trois . moyens réunis, LL,
droits spéciaux. Il a constaté que les le premier, pris de la violation des droits n’étaient pas dus. Et l’ayant articles 1°" de l'arrêté royal du 3 novem- constaté, il s’est borné à dire pour bre 1958 établissant un droit spécial à
droit es fondée que la de défenderesse poursuivre a était restitution en prin- l’importation tiers, 1er des arrêtés de certains royaux produits subséquents lai-
pu vs Pin ton e ee payés. en matière de droits spéciaux des 24 fé- obligation de restituer est soumise | vrier 1960, 29 avril 1960, 26 août 1960 dans l’article 1235 à deux conditions : | 12 septembre 1960, 28 octobre 1960 et il faut qu’il y ait eu payement, et que ce | 28 juin 1962, de l’article unique de la loi payement ait été indu (1). du 19 mars 1968 portant jatification sa C’est décision à juste sur le titre droit que à le la juge répétition fonde | | lois d’arrêtés des 30 royaux juin 1931 pris en et 30 application juillet 1934, des de l’indu, proprement dite, dont le siège | abrogées par la loi du 11 septembre 1962, est l’article 1235 du Code civil (2). 2 de la loi du 11 septembre 1962 relative à l’importation, à l’exportation et au Les articles ; 1377 - et 1378 du Code civil :, | | transit des marchandises, 25, 26, 28, 30 consacrent aussi le droit à répétition 68, 92, 93, 107, 130, 131, 138 de la Con- de Lee y à été payé. Mais la Tee Se stitution, 1er de la loi du 2 décembre mulée dans ces articles diffère de celle | 1957 portant approbation du traité que contient l’article 1235. instituant la Communauté économique L'article 1235 vise le cas où il n’y a | européenne, 12, 169 à 171, 177, 187 et pas de dette. Dans le cas de l’article 1376, | 192 du traité instituant la Communauté une dette existe, répétons-le, mais elle à | économique européenne,
été payée par le débiteur à une personne
qui n’est pas créancière : dans le cas de en ce que l’arrêt attaqué, recevant la Particle 1377 une personne a payé demande de la défenderesse, a dit pour qui n’était point débitrice (3). droit que celle-ci est « en principe fondée | à postuler la restitution des droits Comme l’écrit Sani Demogue (4), c’est > celui , | spéciaux qu’elle a payés, en application « dont les deniers ont servi à payer» | de l’arrêté royal du 3 novembre 1958 qui peut exercer l’action. Celle-ci appar- | ct d’arrêtés subséquents, à l’occasion de tient donc à celui qui a effectivement | l'importation de produits laitiers en pro- payé (5). venance d’Etats membres de la Commu- La défenderesse a effectivement payé | nauté économique européenne », pour les les droits spéciaux. Ceux-ci, qui ont | motifs que la défenderesse «soutient été établis et perçus, après l’entrée en | que lesdits droits ne pouvaient. être vigueur du Traité, n’étaient pas dus. | exigés de la demanderesse originaire Le moyen manque en droit en tant | Parce qu’ils furent établis en violation qu’il critique l’arrêt pour avoir justifié | dU traité de Rome instituant la Commu- lobligation du demandeur à la restitu- | NAuté économique européenne, lequel tion des droits spéciaux qu’elle a payés | fut approuvé par la loi du 2 décembre ; Pa oneuaion le droit à : 1 eee épétiti fon de C6 l’indu. PMU: | | 1957; ja Cour … de que Justice le 13 des novembre Communautés 1964, européennes, saisie en conformité de
(1) DE PAGE, op. cit., IIT, 1967, n°: 5, 6 et 7,
p. 10 et suiv, (8) COLIN et CAPITANT, par L. JULLIOT (2) Sur Ia répétition de l’indu, cons. cass., | DE LA MORANDIÈRE, op. cit. IT, 1959; De 17 septembre 1970, supra, p. 40 ; 18 septembre | PAGE, op. cit., III, 1967, n°8 7 à 10.
1970, supra, p. 48 et les conclusions du (4) Br Bl, Traité des obligations en ministère public; 25 septembre 1970, supra, | général, I, 1923, n° 97, p. 161,
p. 65 et les conclusions de M. le premier (5) PLANIOL et RIPERT, VII, 1954, n° 744, avocat général Mahaux, Arr. cass, 1971, | p. 32; Mawry et Af, II, ler vol, T, 78. 1962, n° 630, p. 662.
COUR DE CASSATION l9’5
l’article 169, alinéa 2, du traité de Rome, | un Etat membre que la procédure de arrêta que le Royaume de Belgique, en | constat de manquement qui ne comporte établissant et en appliquant après le | aucun pouvoir d’annuler ou de faire 1er janvier 1958 un droit spécial à l’im- | déclarer nul ab ‘initio l’acte censuré ; portation de produits laitiers, taxe | que la procédure visant à établir un d’effet équivalant à des droits de douane, | constat de manquement est celle qui est avait manqué aux obligations prévues à | intentée par la Commission contre un l’article 12 du traité susdit; qu’il sied | Etat membre en vertu des articles 169 de rappeler que, par cet article 12, les | et 171 du Traité ; qu’elle n’exige pas que | Etats membres étaient convenus de ne | la disposition violée soit « self-executing »
| droits point introduire de douane entre à l’importation eux de nouveaux et à | | (c’est-à-dire qu’elle ne concerne directement pas les applicable), droits indi- l’exportation ou taxes d’effet équivalent | viduels que les justiciables peuvent et de ne point augmenter ceux qu’ils | tirer d’une disposition « self-executing » appliquaient dans leurs relations commer- | et exercèr devant les juridictions inter- ciales mutuelles; qu’il était prescrit | nes; que l’argument de l’Etat ne tient par les lois des 30 juin 1931 et 30 juillet | pas compte de ce que l’article 12 pré- 1934 que les arrêtés royaux pris en exé- | mentionné a ce caractère ; que la loi du cution de ces lois seraient soumis dans | 19 mars 1968 valide indistinctement des délais prévus à la ratification des | toutes perceptions de droits spéciaux Chambres législatives; que la ratifica- | établis par les arrêtés royaux qu’elle tion de huit arrêtés de cette sorte, | ratifie pour le temps où ils étaient appli- dont celui précité du 3 novembre | qués; qu’elle est incompatible avec l’arti- 1958, s’est opérée pour le passé en | cle 12 du Traité dans la mesure où celui-ci vertu de la loi du 19 mars 1968 qui, au | interdisait d’introduire ces droits; que surplus, à décrété ce qui suit : « Les | «les Etats ont le devoir de veiller à ce sommes versées en application de ces | qu’une norme de droit interne incompa- arrêtés sont définitivement acquises. | tible avec une norme de droit interna- Leur payement est irrévocable et ne | tional conventionnel, qui répond aux peut donner lieu à contestation dovant | engagements qu’ils ont pris, ne puisse quelque autorité que ce soit. Cette | pas être valablement opposée à celle-ci ; ratification sortit ses effets à compter du | Que cette obligation doit avoir pour corol- jour de l’entrée en vigueur de ces ar- | laire la supériorité de la norme conven- rêtés »; … qu’en acceptant de connaître | tionnelle sur la norme interne » ; que « la du litige tel qu’il se présente devant | Supériorité du droit international s’im- elle, la Cour n’excède pas ses pouvoirs | Pose à la fois pour des raisons de morale s’il se vérifie qu’en ce qui concerne ces | Sociale et parce que la supériorité du mêmes importations, les effets de la loi | droit interne serait la condamnation du 19 mars 1968, postérieure à l’intégra- | du droit international, puisqu’elle consa- tion du traité de Rome dans la législa- | crerait la menace constante qui pèse tion nationale, sont arrêtés ; qu’admettre | SUT le caractère général de celui-ci, par l’affirmative ne revient nullement à | l'impossibilité, pour les règles du droit « censurer la loi»; que la question à | international, d’atteindre et de mainte- résoudre, si une incompatibilité se mani- | Nir ce caractère »; … que, contrairement festait entre la norme de droit interna- | À ce qu’objecte l’intimé, la prétention tional conventionnel et la norme de | de l’appelante ne conduit pas à déclarer droit interne, reviendrait à décider | Une loi nulle et non avenue mais à con- laquelle doit prévaloir; que l’article 2 | Stater que ses effets sont arrêtés dans la du traité instituant la Communauté | Mesure où elle est en conflit avec une économique européenne doit être inter- disposition directement applicable du prété en ce sens qu’it produit des effets droit international conventionnel ; qu il immédiats et engendre dans le chef des | Yessort des diverses considérations qui justiciables des droits individuels que | Précèdent que les droits spéciaux encoro les juridictions internes doivent sauve- | €n litige étaient indus »;
garder; que cette disposition de droit alors que 1° les sommes versées en tant communautaire a pris place dans l’ordre | que droits spéciaux par la défenderesse juridique belge et confère aux justi- | en vertu des arrêtés royaux ratifiés ciables des droits subjectifs dont ils | par la loi du 19 mars 1968 sont défini- peuvent demander le respect aux tribu- | tivement acquises dans le chef du de- naux belges; que l’intimé fait valoir | mandeur et que leur payement est irré- que le Traité ne prévoit d’autre sanction | vocable et ne peut donner lieu à contes- à l’inobservation de ses dispositions par | tation devant quelque autorité que ce soit 916 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
et que cette ratification sortit ses effets | tembre 1962 relative à l’importation, à compter du jour de l’entrée en vigueur | à l’exportation et au transit des marchan- de ces arrêtés (violation des articles 1e" | dises, 25, 26, 28, 30, 68, 92, 93, 107, des arrêtés royaux des 3 novembre 1958, | 130, 131 et 138 de la Constitution, 1er 24 février 1960, 29 avril 1960, 26 août | de la loi du 2 décembre 1957 portant 1960, 12 septembre 1960, 28 octobre | approbation du traité instituant la 1960, 28 juin 1962, et de l’article unique | Communauté économique européenne, de la loi du 19 mars 1968) ; 12, 169, 170, 1, 177, 187 et 192 du juges 2° les de cours la constitutionnalité et tribunaux ne sont des fois pas | traité mique instituant européenne, la 23 Communauté à 27 du Code écono- judi- et que le pouvoir législatif, souverain claire,
dans son domaine, apprécie seul la con- en ce que l’arrêt attaqué se fonde sur formité des lois à la Constitution et aux | les motifs reproduits au premier moyen traités liant l’Etat belge et que l'arrêt | et en outre sur les considérations « qu’en attaqué n’a pas pu légalement annuler, | vain l’intimé se retranche derrière la même partiellement, la loi du 19 mars | prescription de la loi du 19 mars 1968 1968 sous le couvert d’en «arrêter » | qui, dit-il, est formeile lorsqu’elle édicte les effets et que ces motifs sont obscurs, | que les payements sont dus et demeurent contradictoires et insuffisants (violation | acquis au Trésor; que ce texte légal des articles 25, 26, 28, 30, 68, 92, 93, | n’exprime point la volonté d’imposer 97, 107, 130, 131, 138 de la Constitu- | ses dispositions en dépit des dispositions tion) ; contraires, même directement applicables, 3° l’arrêt attaqué a dès lors à tort | du traité de Rome ; qu’en l’absence d’une refusé d’appliquer l’article unique de | disposition constitutionnelle — ce qui la loi du 19 mars 1968, qui est postérieure | ©St bien le cas — ou législative prescri- à la loi du 2 décembre 1957 instituant la | Yant formellement aux tribunaux d’appli- Communauté économique européenne, et | QUer en tout état de cause, même dans que cette dernière loi et le traité qu’elle | la mesure où elle le contredirait, une loi a approuvé n’ont donné aux cours et postérieure à un traité approuvé et tribunaux belges ni compétence, ni la publié, encore en vigueur, ce n est point faculté de refuser d'appliquer une loi | À là jurisprudence qu’il incombe de postérieure à ce traité, cette loi lui | créer pareille obligation; qu’une déter- fût-elle même contraire (violation des mination implicite de contraindre à articles 25, 26, 28, 30, 68, 92, 93, 107, l’application de ia loi interne contreve- 130, 131, 138 de la Constitution et 1er | nant aux engagements du traité inter- de la loi du 2 décembre 1957, 12, 169 à | National ne saurait être acceptée que si 171, 187 et 192 du Traité) ; elle n’était en rien douteuse; qu’une telle détermination ne résulte pas ipso 40 le caractère d’application directe facto de ce que la loi considérée en de l’article 12 du traité de la Commu-
l’espèce interdit toute contestation au nauté économique européenne ne peut sujet des sommes perçues ; que le texte
être invoqué à l’encontre de la loi du légal ne dit pas que l’interdiction a vise 19 mars 1968 disposant que le payement aussi le cas où elle irait à l’encontre du des sommes litigieuses est irrévocable- traïté de Rome; que l’analyse des tra- ment acquis par le demandeur et qu’il vaux préparatoires ne conduit point à ne quelque peut donner autorité lieu que à contestation ce soit (violation devant | la Ou certitude cru voter que une le Parlement tolle injonction voulu ; de toutes les dispositions) ; qu’ainsi, l’avis du Conseil d’Etat joint le deuxième, pris de la violation des | à l’exposé des motifs et soumis comme articles 1er de l’arrêté royal du 3 novem- | lui au Parlement, énonce que, selon les bre 1958 établissant un droit spécial | explications données audit Conseil d’Etat, à l'importation de certains produits | l’objet de la disposition n’était pas d’ex- laitiers, 1er des arrêtés royaux sub- | clure toute contestation qui serait fon- séquents en matière de droits spéciaux | dée sur une autre cause que l’irrégularité des 24 février 1960, 29 avril 1960, | provenant de la non-ratification des 26 août 1960, 12 septembre 1960, 28 oc- | arrêtés royaux dans les délais qu’avaient tobre 1960 et 28 juin 1962, de l’article | prévus les lois en exécution desquelles unique de la loi du 19 mars 1968 portant | ils furent pris; que la commission des ratification d’arrêtés royaux pris en | affaires économiques du Sénat entendit application des lois des 30 juin 1931 | un exposé du Ministre des affaires éco- et 30 juillet 1934 abrogées par la loi du | nomiques qu’elle résume en ces termes 11 septembre 1962, 2 de la loi du 11 sep- | dans son rapport : «… la thèse du COUR DE CASSATION 917
Ministre revient à constater que la Bel- | vembre 1964 de la Cour de Justice des gique a rempli ses obligations à l’égard | Communautés européennes, a abrogé de la G.E.E. en abrogeant en 1964 les | lesdits droits spéciaux pour l’avenir arrêtés incriminés » ; que semblable thèse | et pouvait légalement, en droit interne, ne pouvait impliquer dans l’esprit de la | régler l’exécution de cet arrêt du 13 no- Commission que le projet de loi enfrei- | vembre 1964 par la loi du 19 mars 1968 gnait le traité de Rome; que l’un des | en lui refusant l’effet rétroactif en membres de la Commission souligna | raison des incidences économiques et de cependant que les arrêtés étaient illé- | la nature des droits litigieux calculés gaux parce que contraires au traité | dans le prix (violation des articles 1er de la C.E.E., mais qu’au vote, acquis | de la loi du 2 décembre 1957, 12, 169, à l’unanimité, la Commission passa | 170, 171, 177, 187, 192 du Traité, 23 à outre à cet avis en vue, d’une part, | 27 du Code judiciaire) ;
d'éviter à l’Etat des remboursements b) le caractère directement applicable élevés, d’autre part, en raison de la | de l’article 12 du traité instituant la possibilité pour la Commission de la | Communauté économique européenne C.E.. et les autres Etats membres | n’est pas incompatible avec le pouvoir «de déterminer leur attitude en la | du législateur belge, en exécution de matière »; que ce vote ne trahit pas | l’arrêt précité du 13 novembre 1964, de indubitablement la volonté d’enjoindre | statuer en droit interne sur le sort des aux tribunaux d'appliquer la loi interne | droits spéciaux litigieux et de disposer, contre le traité; que rien n’autorise à | pour les motifs susmentionnés, que ces penser que cette volonté fut celle du | droits payés, définitivement acquis, ne Parlement; qu’elle n’est pas traduite | peuvent ‘plus faire l’objet d’aucune dans le texte de la loi ; que contraire- | contestation (violation de toutes les dis- mont à pi objecte Pintimé, … np5r4 positions visées au moyen) ;
déclarer enlicn de une ‘ appétante loi nulle ne et non concul avenue articles le troisième, Le de Phrrôté pris de royal la du violation à move
mais À constater que ses effets font | bre 1958 établissant un droit spécial à arrêtés dans ‘a mesure où ce est en | l’importation de certains produits laitiers, conflit avec une disposition directement | jer des arrêtés subséquents en applicable du droit international con- | matière de droits royaux spéciaux des 24 février ventionnel; qu’il ressort des diverses | 1969, 29 avril 1960, 26 août 1960, 12
considérations qui précèdent que les | tembre octobre 1960 et 28 sep- droits spéciaux encore en litige étaient 1962, de 1960, l’article 28 unique de la loi juin du indus»; 19 mars 1968 portant ratification d’arrê- alors que, première branche, les dispo- | tés royaux pris en application des lois sitions de la loi du 19 mars 1968, d’après | du 30 juin 1931 et 30 juillet 1934 abrogées lesquelles les sommes versées en appli- | par la loi du 11 septembre 1962, 6, 1131, cation des arrêtés royaux ratifiés sont | 1133, 1235, 1376, 1377 et 1378 du Code définitivement acquises et leur payement | civil, 1er de la loi du 2 décembre 1957 est irrévocable et ne peut donner lieu | portant approbation du traité instituant à contestation devant quelque autorité | la Communauté économique européenne, que ce soit et cette ratification sortit | 12, 169, 171, 187 et 192 du traité insti- ses effets à compter du jour de l’entrée | tuant la Communauté économique euro- en vigueur de ces arrêtés, impliquent | péenne, 1°" de l’arrêté-loi du 14 mai 1946 la volonté du législateur belge de faire | sur le contrôle des prix et 97 de la Con- appliquer cette loi nonobstant toute autre | stitution,
disposition contraire, de quelque nature en ce que l'arrêt attaqué, recevant qu’elle soit, et notamment des dispo- | la demande de la défenderesse, a dit sitions de l’article 12 du Traité (violation | pour droit que celle-ci est «en prin- des articles 1er des arrêtés royaux des | cipe fondée à postuler la restitution des 3 novembre 1958, 24 février 1960, 29 avril | droits spéciaux qu’elle à payés, en appli- 1960, 26 août 1960, 12 septembre 1960, | cation de l’arrêté royal du 3 novembre 28 octobre 1960, 28 juin 1962, de l’arti- | 1958 et d’arrêtés subséquents, à l’occa- ele unique de la loi du 49 mars 1968, | sion de l’importation de produits laitiers 2 de la loi du 11 septembre 1962, 25, 26, | en provenance d’Etats membres de la 28, 30, 68, 92, 98, 107, 130, 131, 138 | Communauté économique européenne de Ja Constitution, 1e" de la loi du 2 dé- pour les motifs qu’il ressort de l’ajour- cembre 1957, 12 du traité C.B.E.); | pement donné par la demanderesse seconde branche, a) le demandeur, en | (ici défenderesse) qu’elle agissait d’abord exécutant l’arrêt n° 90-91/63 du 13 no- | en répétition de l’indu sur le fonde- 918 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
ment des articles 1235, 1376, 18377 | la défenderesse en vertu d’obligations et 1378 du Code civil ; … que l’appelante | déduites de l’arrêté royal du 3 novembre (ici défenderesse) poursuit la restitution | 1958, des arrêtés subséquents et de la loi
- de ce qui n'aurait pas été dû à l’accipiens | du 19 mars 1968 et que ces obligations et qu’il a néanmoins reçu ; que la récla- | ont été déclarées nulles par l’arrêt liti- mation garde pour cause l’absence de | gieux au motif que ces dispositions régle- dette en raison de la non-applicabilité | mentaires et légales étaient contraires des droits restés en litige aux produits | à l’article 12 du Traité (violation des laitiers importés par la demanderesse | articles 1°" des arrêtés royaux des originaire (ici défenderesse) des Etats | 3 novembre 1958, 24 février 1960, 29 avril membres; que le principe générateur | 1960, 26 août 1960, 12 septembre 1960, git, comme devant le premier juge, dans | 28 octobre 1960, 28 juin 1960, de l’arti- les effets de l’article 12 du Traité à | cle unique de la loi du 19 mars 1968, l’égard de ces droits … qu’il peut être | 1131 et 1133 du Code civil);
souligné du solvens, que dirige l’appelante, ses reproches ayant contre droit 90 la distinction faite par l’arrêt l’exécutif, l’accipiens en l’occurrence, attaqué entre le fait de ne pas déclarer pour avoir perçu des droits en vertu nulle la loi, d’une part, mais de constater d’arrêtés royaux et de la loi qui les a simplement que ses effets seraient arrêtés dans la mesure où la loi est contraire ratifiés rétroactivement, bien que le
traité de Rome s’oppose à ce que de à une disposition de droit conventionnel telles mesures légales et réglementaires international directement applicable, aient pu s’appliquer à des importations d’autre part, est inopérante et n'empêche en provenance des pays membres de la aucunement que, dans les deux cas, les obligations dérivant de la loi sont annu- Communauté ; … que la loi du 19 mars
lées (violation des articles 1131 et 1133 1968 valide indistinctement toutes les
du Code civil, 1er de la loi du 2 décem- perceptions de droits spéciaux établis
les arrêtés qu’elle ratifie bre 1957, 12, 16, 171, 187, 192 du Traité, 46 par pour le temps où royaux ils étaient appliqués ; article unique de !a loi du 19 mars 1968) ; qu’elle est incompatible avec l’article 12 3° en cas d’annulation d’obligations, du Traité dans la mesure où celui-ci | l’action en restitution des sommes payées interdisait d’introduire ces droits; que | ne trouve pas son fondement dans les «les Etats ont le devoir de veiller à ce | dispositions gouvernant la répétition de qu’une norme de droit interne incompa- | l’indu, mais dans les dispositions concer- tible avec une norme de droit interna- | nant l’annulation des obligations et con- tional conventionnel qui répond aux | ventions (violation des articles 6, 1181, engagements qu’ils ont pris, ne puisse | 1133, 1235, 1376, 1377 et 1378 du Code pas être valablement opposée à celle-ci »; | civil) ;
que contrairement à ce qu’objlc’e
l’intimé (ici demandeur) la prétention 49 les observations faites par le de- de l’appelante ne conduit pas à déclarer mandeur dans ses conclusions régulière- une loi nulle et non avenue mais à con- ment déposées et dans lesquelles il stater que ses effets sont arrêtés dans la invoquait « qu’à juste titre, du reste, le mesure où elle est en conflit avec une premier juge a retenu le moyen déduit disposition directement applicable du de l’absence de tout dommage subi; droit international conventionnel ; qu’il qu’en effet les droits spéciaux perçus et ressort des diverses considérations qui payés sans aucune réclamation quelcon- précèdent que Jes droits spéciaux encore que de la firme Detry ont été incorporés en litige sont indus ; que suivant l’arti- dans le prix de revient des produits cle 1235 du Code civil, ce qui a été payé mis en vente par elle, si bien que la sans être dû est sujet à répétition, sauf charge fiscale à été supportée, en fin — et cette restriction est la seule énon- de compte, par tous les acheteurs; cée — en cas d’obligations naturelles qu’il convient de relever, enfin, que le volontairement acquittées; que sont procès fait conduit en réalité à procurer étrangères aux conditions mises par le à l’appelante un bénéfice indu; que Gode civil à la répétition de l’indu les si elle avait été exonérée du payement observations de l’intimé quant au béné- des droits spéciaux dont s’agit l’appelante fice, anormal soutient-il, que la restitu- eût dù, en effet, pour se conformer à la tion des droits perçus procurerait à législation sur le contrôle des prix, Pappelante ; réduire le prix qu’elle a obtenu sur la vente de ses produits », sont applicables alors que 19 les droits spéciaux liti- | et ont été à tort rejetées (violation des gieux étaient dus et ont été payés par | articles 6, 1131 et 1133 du Code civil,
COUR DE CASSATION 919
1er de l’arrêté-loi du 14 mai 1946 et 97 | une loi postérieure n’est pas un conflit de la Constitution) : entre deux lois;
Attendu que la règle, d’après laquelle I. En tant que les moyens invoquent ; | une loi abroge la loi antérieure dans la la violation des articles 25, 26, 28, 30, | mesure où elle la contredit, est sans 68, 92, 93 de la Constitution, 12, 169, | application au cas où le conflit oppose un 170, 171, 177, 187, 192 du traité insti- | traité et une loi ;
tuant la Communauté économique euro- Attendu que, lorsque le conflit existe péenne, et de l’article unique de la loi du | entre une norme de droit interne et une 19 mars 1968 : norme de droit international qui a des Attendu que, suivant l’article 12 du effets directs dans l’ordre juridique in-
doivent traité nomique instituant s'abstenir européenne, la d'introduire Communauté les Etats entre membres éco- eux | prévaloir terne, lésulte la de ; règle que la la établie nature prééminence par même ‘ le traité de du celle-ci droit doit ;
de nouveaux droits de douane à l’impor- | international conventionnel;
tation et à l’exportation ou taxes d’effet Attendu qu’il en est a fortiori ainsi équivalent, et d’augmenter ceux qu’ils | lorsque le conflit existe, comme en appliquent dans leurs relations commer- | l’espèce, entre une norme de droit in- ciales mutuelles ; tone et une norme de droit communau- Pimportation: Attendu que dont les la droits défenderesse spéciaux ré- à | “aire; Qu'en effet, les traités ; qui ; ont créé sa clame la restitution, ont été le droit communautaire ont institué un le demandeur application perçus d’arrêtés par | NOUYel ordre juridique au profit duquel d’arrêtés en les Etats membres ont limité l’exercice royaux sont tous et postérieurs ministériels au 1°" janvier qui de leurs pouvoirs souverains dans les 1958, date de l’entrée en vigueur du domaines que ces traités déterminent ; Traité ; Attendu que l’article 12 du traité Attendu que ces arrêtés royaux ont été | instituant la Communauté économique abrogés par l’article 13 de l'arrêté royal | européenne produit des effets immédiats du 28 décembre 1961 et par l’article 1er | et engendre dans le chef des justiciables de l’arrêté royal du 23 octobre 1965; | des droits individuels que les juridictions Attendu que la loi du 19 mars 1968 nationales doivent sauvegarder ;
ratifia néanmoins pour le passé les Attendu qu’il résulte des considé- arrêtés postérieurs au 1°" janvier 1958 | rations qui précèdent que le juge avait en vertu desquels les droits spéciaux le devoir d’écarter l’application des dis- dont la défenderesse réclame la restitu- | positions de droit interne qui sont con- tion ont été perçus ; que l’article unique | iraires à cette disposition du Traité ;
de cette loi dispose que les sommes versées Attendu qu’ayant constaté qu’en l’es- en application de ces arrêtés sont « dé- | pèce les normes du droit communautaire finitivement acquises », que « leur paye- | et les normes du droit interne étaient ment est irrévocable et ne peut donner | incompatibles, l’arrêt attaqué a pu lieu à contestation devant quelque | décider, ‘sans violer les dispositions autorité que ce soit»; légales indiquées dans les moyens, que Attendu que les arrêtés qui, après le | les effets de la loi du 19 mars 1968 1er janvier 1958, ont établi des droits étaient « arrêtés dans la mesure où ‘elle spéciaux à l’importation de certains | était en conflit avec une disposition direc- produits laitiers, étaient contraires à | tement applicable du droit international l’article 12 du Traité ; conventionnel » ;
Attendu que, dans la mesure où elle Qu’à cet égard les moyens manquent consolide les effets de ces arrêtés, la loi | en droit ;
du 19 mars 1968 est aussi contraire à II. En tant que le premier moyen cette Attendu disposition que, ; même lorsque l’assen- l’article invoque 97 spécialement de la Constitution la violation : de
timent alinéa 2, à un de traité, la Constitution, exigé par l’article est donné 68, Attendu que l’arrêt a pu, sans se con-
latif, dans la en forme accomplissant d’une loi, cet le acte, pouvoir n’exerce légis- | | tredire, prétention affirmer, de l’appelante d’une part, (ici que défende- «la pas une fonction normative ; resse) ne conduit pas à déclarer une loi norme Que le de conflit droit établie qui existe par entre un traité une | | nulle» tention et, conduit d’autre «à part, constater que cette que pré- ses international et une norme établie par | effets sont arrêtés »; que le motif criti- 920 JURISPRUDENCE DE BELGIQUE
qué n’est pas entaché d’obscurité ni de MANDE DE PENSION ALIMENTAIRE DE contradiction ; L’UN DES ÉPOUX. — PREUVE A FOUR- Qu’en tant qu’il invoque la violation NIR PAR L’ÉPOUX DEMANDEUR.
de l’article 97 de la Constitution, le
moyen manque en fait; 3° MARIAGE. — DROITS ET DEVOIRS RESPECTIFS DES ÉPOUX. OBLIGA- III. En tant que le troisième moyen TION DE SECOURS ET DE — CONTRIBU- invoque spécialement la violation des
TION AUX CHARGES DU MÉNAGE.
articles ; 1285, 1376 et 1377 du Code civil 5 : EPOUX SÉPARÉS DE FAIT. — DEMANDE — Attendu qu’ayant constaté que les DE PENSION ALIMENTAIRE DE L’UN DES droits payés par la défenderesse n’étaient ÉPOUX FONDÉE SUR LA PERSISTANCE pas dus dans la mesure où ils concer- DE LA SÉPARATION DE FAIT. — PREUVE naient des importations provenant A FOURNIR PAR L’ÉPOUX DEMANDEUR. d’Etats membres de la Communlu’é,
l’arrêt en a légalement déduit que la
défenderesse était en principe fondée à 10 Le devoir de secours prévu par l’arti- demander la restitution de ces droits; cle 212 du Code civil doit en principe Qu’en se basant à cet égard sur les être exécuté à la résidence conjugale (1). (Code civil, art. 212, 213 et 218, rem- règles et notamment qui régissent sur Particle la répétition 1235 de du l’indu Code placés Par par Saqti tiele 1er de la loi ; du civil, la décision entreprise, loin de violer av >
cette disposition légale, en a fait une | 20 L’époux séparé de fait, qui réclame exacte application ; une pension alimentaire à son conjoint, Qu’en tant qu’il invoque la violation doit prouver que la séparation est due des articles 1235, 1376 et 1377 du Code à la faute de celui-ci (2). (Code civil, civil, le moyen ne peut être accueilli ; art. 212 et 218, remplacés par l’arti- Par ces motifs, rejette le pourvoi; cle 1er de la loi du 30 avril 1958.)
condamne le dem demandeur aux dépens . 80 Lorsque la séparation ; persiste : entre Du 27 mai 1971, — 1re ch. — Prés. époux séparés de fait, l’époux qui Chevalier Rutsaert, conseiller faisant demande une pension alimentaire à fonctions de président. — Aa. M. Bh son conjoint doit prouver que le main- let. — Concl. conf. M. Ah van der tien de la séparation est dû à une faute Meersch, procureur général. — PI de celui-ci (3). (Code civil, art. 212 MM. Houtekier et Faurès. et 218, remplacés par l’article 1er de la loi du 30 avril 1958.)
1re CH. — 27 mai 1971.
ARRÊT.
1° MARIAGE. — DROITS ET DEVOIRS
RESPECTIFS DES ÉPOUX. — OBLIGA- LA COUR ; — Vu le jugement :; attaqué, TION DE SECOURS ET DE CONTRIBU- | léNdu en degré d’appel par le tribunal de TION AUX CHARGES DU MÉNAGE. — | Première instance de Liège le 2 mars EXÉCUTION A LA RÉSIDENCE GONJU- | 1970;
GALE. Sur le premier moyen, pris de la viola- ; tion des articles 203, 212, 218 du Code 2° MARIAGE. — DROITS ET DEVOIRS | civil, 870 du Code judiciaire et 97 de la RESPECTIFS DES ÉPOUX. — OBLIGA- | Constitution,
TION DE SECOURS ET DE CONTRIBU-
TION AUX CHARGES DU MÉNAGE. — en ce que le jugement ; entrepris ; con- EPOUX SÉPARÉS DE FAIT. — DE- | damne, par confirmation partielle du
(1) Cass., 18 octobre 1951 BBBk. et PAsic., | 14 janvier 1971 indiqués à la note précédente ; 1952, I, 85); 21 mars 1957 (ibid, 1957, I, | DE Pack, F, n°8 545bis et 70Gbis ; cons. cass., 883); 12 février 1959 (ibid, 1959, I, 600); | 17 mai 1951 (Bk. et Pasic., 1951, I, 624). 4 novembre 1960 (ibid, 1961, I, 239) ; 14 mai 8 (8) Cass., 4 novembre 1960, 14 mai 1970 1970 (ibid, 1970, I, 808) et 14 janvier 1971, | et 14 janvier 1971 indiqués à la note 1 ci- supra, p. 447. dessus ; 30 avril 1964 BBBk. et PAsic., 1964, (2) Cass., 12 février 1959, 14 mai 1970 et | I, 931).


Synthèse
Numéro d'arrêt : RANDOM1672484252
Date de la décision : 27/05/1971

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;1971-05-27;random1672484252 ?
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