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09/01/2025 | BELGIQUE | N°1/2025

Belgique | Belgique, Cour constitutionnel, 09 janvier 2025, 1/2025


Cour constitutionnelle
Arrêt n° 1/2025
du 9 janvier 2025
Numéro du rôle : 8115
En cause : la question préjudicielle concernant l’article 1er, §§ 1er et 2, de la loi du 19 juillet 1991 « relative aux registres de la population, aux cartes d’identité, aux cartes des étrangers et aux documents de séjour », posée par la Cour du travail de Bruxelles.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents Pierre Nihoul et Luc Lavrysen, et des juges Thierry Giet, Joséphine Moerman, Michel Pâques, Yasmine Kherbache, Danny Pieters, Sabine de Bethune, Emmanuelle

Bribosia, Willem Verrijdt, Kattrin Jadin et Magali Plovie, assistée du greffier Nicola...

Cour constitutionnelle
Arrêt n° 1/2025
du 9 janvier 2025
Numéro du rôle : 8115
En cause : la question préjudicielle concernant l’article 1er, §§ 1er et 2, de la loi du 19 juillet 1991 « relative aux registres de la population, aux cartes d’identité, aux cartes des étrangers et aux documents de séjour », posée par la Cour du travail de Bruxelles.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents Pierre Nihoul et Luc Lavrysen, et des juges Thierry Giet, Joséphine Moerman, Michel Pâques, Yasmine Kherbache, Danny Pieters, Sabine de Bethune, Emmanuelle Bribosia, Willem Verrijdt, Kattrin Jadin et Magali Plovie, assistée du greffier Nicolas Dupont, présidée par le président Pierre Nihoul,
après en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant :
I. Objet de la question préjudicielle et procédure
Par arrêt du 27 novembre 2023, dont l’expédition est parvenue au greffe de la Cour le 4 décembre 2023, la Cour du travail de Bruxelles a posé la question préjudicielle suivante :
« L’article 1er, § 1er et § 2, alinéa 5 de la loi du 19 juillet 1991 relative aux registres de la population, aux cartes d’identité, aux cartes des étrangers et aux documents de séjour, viole-t-il les articles 10, 11, 23 et 191 de la Constitution, lus isolément ou conjointement avec les articles 18, 20, 21 et 45 du TFUE, 1er et 45 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, 2 du TUE, et avec les articles 7, 8, 14 et 24 de la Directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, en ce qu’il prive le citoyen de l’Union européenne sans-abri et sans titre de séjour du bénéfice d’une adresse de référence auprès d’un centre public d’action sociale, et par conséquent, de la possibilité de faire valoir son droit à la libre circulation des chercheurs d’emploi européens tel que prévu par les articles 40 et 42 de la loi du 15 décembre 1980 sur les étrangers, et empêche ainsi toute réinsertion sociale et administrative de ce dernier, au mépris de sa dignité humaine ? ».
Des mémoires ont été introduits par :
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- B.O., assisté et représenté par Me Noémie Segers, avocate au barreau de Bruxelles;
- le centre public d’action sociale de Saint-Gilles, assisté et représenté par Me Marc Legein, avocat au barreau de Bruxelles;
- le Conseil des ministres, assisté et représenté par Me Nicolas Bonbled et Me Sarah Fiaccaprile, avocats au barreau de Bruxelles.
Des mémoires en réponse ont été introduits par :
- B.O., assisté et représenté par Me Noémie Segers et Me Katia Melis, avocate au barreau de Bruxelles;
- le Conseil des ministres.
Par ordonnance du 9 octobre 2024, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteurs Kattrin Jadin et Danny Pieters, a décidé que l’affaire était en état, qu’aucune audience ne serait tenue, à moins qu’une partie n’ait demandé, dans le délai de sept jours suivant la réception de la notification de cette ordonnance, à être entendue, et qu’en l’absence d’une telle demande, les débats seraient clos à l’expiration de ce délai et l’affaire serait mise en délibéré.
À la suite de la demande d’une partie à être entendue, la Cour, par ordonnance du 23 octobre 2024, a fixé l’audience au 20 novembre 2024.
À l’audience publique du 20 novembre 2024 :
- ont comparu :
. Me Noémie Segers, pour B.O.;
. Me Marc Legein, pour le centre public d’action sociale de Saint-Gilles;
- les juges-rapporteurs Kattrin Jadin et Danny Pieters ont fait rapport;
- les avocats précités ont été entendus;
- l’affaire a été mise en délibéré.
Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives à la procédure et à l’emploi des langues ont été appliquées.
II. Les faits et la procédure antérieure
En 2007, B.O., qui est de nationalité polonaise et est né en 1960, entre sur le territoire belge en justifiant son droit d’y séjourner par sa qualité de travailleur salarié. Le 14 août 2007, il est inscrit en cette qualité au registre
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des étrangers de la commune de Saint-Gilles. Entre le 6 mai 2009 et le 20 mars 2012, il séjourne sur le territoire belge en qualité de travailleur indépendant, en application de l’article 40, § 4, 1°, de la loi du 15 décembre 1980
« sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers » (ci-après : loi du 15 décembre 1980).
Le 20 mars 2012, l’Office des étrangers constate que B.O. ne remplit plus les conditions énoncées dans cette disposition législative, et il décide donc, en application de l’article 42bis, § 1er, de la loi du 15 décembre 1980, de mettre fin au droit de séjour de ce dernier. Le même jour, il lui notifie un ordre de quitter le territoire. Le 31 juillet 2012, le Conseil du Contentieux des étrangers rejette le recours que B.O. a introduit contre cette décision. Durant les années qui suivent, B.O. continue à séjourner dans un immeuble sis sur le territoire de la commune de Saint-
Gilles. En 2018, il est expulsé de cet immeuble. Le 23 novembre 2018, il est radié des registres de la population.
Le 26 avril 2021, alors qu’il n’a plus de résidence depuis 2018 et qu’il reçoit régulièrement du centre public d’action sociale de la commune de Saint-Gilles l’« aide médicale urgente » à laquelle l’étranger qui séjourne illégalement dans le Royaume a droit en application de l’article 57, § 2, alinéa 1er, 1°, de la loi du 8 juillet 1976
organique des centres publics d’action sociale (ci-après : loi du 8 juillet 1976), B.O. demande au centre public d’action sociale de l’« inscrire » à l’adresse de ce dernier, en application de l’article 1er, § 2, de la loi du 19 juillet 1991 « relative aux registres de la population, aux cartes d’identité, aux cartes des étrangers et aux documents de séjour » (ci-après : loi du 19 juillet 1991).
Le 17 mai 2021, le centre public d’action sociale de Saint-Gilles refuse de faire droit à cette demande, au motif qu’à l’égard d’un étranger qui séjourne illégalement sur le territoire du Royaume, la mission d’un centre public d’action sociale se limite à l’octroi de l’aide médicale urgente. Par jugement du 2 mai 2022, le Tribunal du travail de Bruxelles rejette le recours introduit contre ce refus. Il observe notamment que, dès lors que c’est illégalement que le demandeur séjourne en Belgique, la commune serait en tout état de cause tenue, en application de l’article 1er de la loi du 19 juillet 1991, de refuser de l’inscrire aux registres de la population.
Saisie de l’appel de ce jugement, la Cour du travail de Bruxelles note que l’octroi d’une « adresse de référence » par le centre public d’action sociale, prévu à l’article 1er, § 2, alinéa 5, de la loi du 19 juillet 1991, constitue, au sens de l’article 57 de la loi du 8 juillet 1976, une forme d’aide sociale préventive à laquelle un étranger en séjour illégal ne peut prétendre, compte tenu de la règle énoncée à l’article 57, § 2, alinéa 1er, 1°, de la même loi. La Cour du travail observe cependant que B.O. affirme vouloir introduire, en application des articles 40, § 4, 1°, et 42, de la loi du 15 décembre 1980, une demande de reconnaissance de son droit de séjour de plus de trois mois, en sa qualité de chercheur d’emploi. Elle constate que la commune qui reçoit une telle demande de la part d’un citoyen de l’Union européenne doit inscrire celui-ci au registre d’attente, puis vérifier si ce citoyen réside effectivement sur son territoire, avant de reconnaître le droit de séjour de ce dernier et de l’inscrire au registre des étrangers. La Cour du travail considère donc que la demande de B.O. ne pourra pas mener à une reconnaissance de son droit, puisqu’il ne dispose pas d’une résidence fixe dont la réalité pourrait être vérifiée par la commune. Elle estime cependant que, si B.O. était autorisé à utiliser l’adresse du centre public d’action sociale, il serait en mesure de prouver à la commune qu’il est habituellement présent sur son territoire, de s’inscrire auprès du service public régional de l’emploi et de recevoir les courriers de ce service ainsi que ceux des administrations chargées de l’examen de sa demande de reconnaissance du droit de séjour. À la demande de B.O., la Cour du travail décide donc de poser à la Cour la question préjudicielle reproduite plus haut.
III. En droit
-A-
A.1. La partie appelante devant la juridiction a quo soutient que l’article 1er de la loi du 19 juillet 1991 est incompatible avec les normes mentionnées dans la question préjudicielle.
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A.2.1. Elle observe que, par l’arrêt n° 106/2023 du 29 juin 2023 (ECLI:BE:GHCC:2023:ARR.106), la Cour a jugé qu’il était pertinent de ne pas permettre aux étrangers qui séjournent illégalement sur le territoire belge d’avoir recours à une « adresse de référence » au sens de l’article 1er, § 2, de la loi du 19 juillet 1991.
Elle relève cependant que cet arrêt a été prononcé dans une affaire relative à un étranger qui n’était pas citoyen de l’Union européenne, qui séjournait illégalement sur le territoire belge et qui était incapable de rentrer dans son pays pour des raisons médicales. Elle considère donc que la prise de position de la Cour ne peut être transposée à sa propre situation, à savoir celle d’un citoyen de l’Union européenne qui a le droit d’être inscrit au registre d’attente de la commune dès qu’il a communiqué à cette dernière son adresse et la preuve de sa nationalité.
A.2.2. La partie appelante devant la juridiction a quo souligne qu’un étranger citoyen de l’Union européenne qui ne dispose pas d’une résidence doit pouvoir utiliser une « adresse de référence » pour introduire une demande de reconnaissance de son droit de séjour, en application des articles 40 et 42 de la loi du 15 décembre 1980. Sans adresse, il ne peut pas être inscrit au registre d’attente de la commune.
A.2.3. La partie appelante devant la juridiction a quo remarque que l’objectif de l’article 1er de la loi du 19 juillet 1991 n’est pas seulement d’obliger les personnes qui séjournent légalement sur le territoire belge à s’inscrire aux registres de la population. Elle remarque que la modification de cette disposition par la loi du 24 janvier 1997 « modifiant la loi du 19 juillet 1991 relative aux registres de la population et aux cartes d’identité et modifiant la loi du 8 août 1983 organisant un Registre national des personnes physiques, en vue d’imposer l’inscription aux registres de la population des personnes n’ayant pas de résidence en Belgique » avait pour but de rétablir le lien entre les personnes sans résidence et l’administration communale, afin d’éviter leur marginalisation.
A.3. Le centre public d’action sociale de Saint-Gilles soutient que la question préjudicielle appelle une réponse négative.
A.4. Il observe qu’une réponse affirmative de la Cour ne permettrait de toute façon pas à la Cour du travail de Bruxelles de déclarer fondée la demande de la partie appelante devant la juridiction a quo. Il précise que cette dernière ne pourrait obtenir la reconnaissance de son droit de séjour, en application de l’article 40, § 4, 1°, de la loi du 15 décembre 1980, puisqu’elle n’est pas entrée sur le territoire belge pour y chercher un emploi, qu’elle fait l’objet d’un ordre de quitter le territoire et qu’elle séjourne illégalement sur celui-ci. Il ajoute que la partie appelante devant la juridiction a quo ne produit pas les preuves indispensables à une telle reconnaissance.
Le centre public d’action sociale de Saint-Gilles observe en outre que l’article 57, § 2, alinéa 1er, 1°, de la loi du 8 juillet 1976 lui interdit d’accorder une aide sociale autre que l’aide médicale urgente à un étranger qui séjourne illégalement sur le territoire belge.
Il affirme aussi que la cour du travail n’est pas compétente pour décider de l’inscription d’une personne aux registres de la population dans le cadre de l’examen du bien-fondé d’une demande d’aide sociale, dès lors que ce type d’inscription relève de la compétence exclusive des autorités communales.
A.5.1. Le Conseil des ministres soutient, à titre principal, que la question préjudicielle n’appelle pas de réponse.
A.5.2. Premièrement , il expose que la Cour a déjà répondu à cette question par l’arrêt n° 106/2023, précité, jugeant qu’il était pertinent de ne pas permettre aux étrangers qui séjournent illégalement sur le territoire belge d’avoir recours à une « adresse de référence » au sens de l’article 1er, § 2, de la loi du 19 juillet 1991.
A.5.3. Deuxièmement, le Conseil des ministres expose que la question préjudicielle repose sur une lecture manifestement erronée de l’article 1er de la loi du 19 juillet 1991.
Il observe que cette disposition législative n’empêche aucunement un étranger citoyen de l’Union européenne sans résidence fixe et sans titre de séjour d’introduire une demande de reconnaissance de son droit de séjour, en application des articles 40 et 42 de la loi du 15 décembre 1980, en sa qualité de chercheur d’emploi. Il remarque
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que l’utilisation d’une « adresse de référence » n’est ni une condition, ni une garantie d’obtention de la reconnaissance demandée.
Le Conseil des ministres observe aussi que l’article 1er, § 2, de la loi du 19 juillet 1991 n’a pas pour objectif d’autoriser un étranger à utiliser une « adresse de référence » en vue d’obtenir un titre de séjour, mais d’autoriser une personne sans résidence sur le territoire qui dispose déjà d’un titre de séjour à utiliser une telle adresse pour satisfaire à l’obligation de demander son inscription aux registres de la population énoncée à l’article 1er, § 1er, 1°, de la même loi.
Le Conseil des ministres souligne enfin que l’obtention d’une autorisation de séjour sur le territoire belge doit toujours précéder la demande d’utilisation d’une « adresse de référence » et que l’objectif premier de l’article 1er de la loi du 19 juillet 1991 est de permettre à chaque commune d’être informée de l’identité des personnes qui séjournent légalement sur son territoire. Il précise que l’usage d’une « adresse de référence » est exclusivement conçu comme un moyen d’atteindre cet objectif pour celles de ces personnes qui n’ont pas de résidence.
A.5.4. Troisièmement, le Conseil des ministres remarque que l’identité de traitement que la disposition en cause ferait naître entre, d’une part, le citoyen de l’Union européenne à la recherche d’un emploi, qui pourrait demander son inscription dans les registres de la population et, d’autre part, l’étranger sans titre de séjour, qui ne pourrait pas demander cette inscription, ne saurait être examinée par la Cour, dès lors que la Cour du travail qui interroge la Cour n’a pas identifié cette identité de traitement.
-B-
B.1. L’article 1er de la loi du 19 juillet 1991 « relative aux registres de la population, aux cartes d’identité, aux cartes des étrangers et aux documents de séjour » (ci-après : la loi du 19 juillet 1991) dispose, depuis sa modification par l’article 9 de la loi du 9 novembre 2015
« portant dispositions diverses Intérieur » :
« § 1er. Dans chaque commune sont tenus :
1° des registres de la population dans lesquels sont inscrits au lieu où ils ont établi leur résidence principale, qu’ils y soient présents ou qu’ils en soient temporairement absents, les Belges et les étrangers admis ou autorisés à séjourner plus de trois mois dans le Royaume, autorisés à s’y établir, ou les étrangers inscrits pour une autre raison conformément aux dispositions de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers, à l’exception des étrangers qui sont inscrits au registre d’attente visé au 2° ainsi que les personnes visées à l’article 2bis de la loi du 8 août 1983 organisant un Registre national des personnes physiques;
Les personnes qui s’établissent dans un logement dont l’occupation permanente n’est pas autorisée pour des motifs de sécurité, de salubrité, d’urbanisme ou d’aménagement du territoire, tel que constaté par l’instance judiciaire ou administrative habilitée à cet effet, ne peuvent être inscrites qu’à titre provisoire par la commune aux registres de la population. Leur inscription reste provisoire tant que l’instance judiciaire ou administrative habilitée à cet effet n’a pas pris de décision ou de mesure en vue de mettre fin à la situation irrégulière ainsi créée. L’inscription
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provisoire prend fin dès que les personnes ont quitté le logement ou qu’il a été mis fin à la situation irrégulière;
2° un registre d’attente dans lequel sont inscrits au lieu où ils ont établi leur résidence principale, les étrangers qui introdui[sen]t une demande d’asile et qui ne sont pas inscrits à un autre titre dans les registres de la population.
Lorsqu’un étranger qui a introduit une demande d’asile est rayé des registres de la population mais continue à séjourner dans la commune, il est inscrit au registre d’attente.
Le Roi peut, par arrêté délibéré en Conseil des Ministres, prescrire l’inscription dans le registre d’attente d’autres ressortissants étrangers qui se trouvent dans une situation administrative précaire de résidence en Belgique ne permettant pas leur inscription ou le maintien de celle-ci dans les registres de la population.
Les articles 3, 4, 5, 7 et 8 sont applicables au registre d’attente.
§ 2. Les personnes visées au § 1er, alinéa 1er, 1°, sont, à leur demande, inscrites à une adresse de référence par la commune où elles sont habituellement présentes :
- lorsqu’elles séjournent dans une demeure mobile;
- lorsque, pour des raisons professionnelles ou par suite de manque de ressources suffisantes, elles n’ont pas ou n’ont plus de résidence.
Par adresse de référence, il y [a] lieu d’entendre l’adresse soit d’une personne physique inscrite au registre de la population au lieu où elle a établi sa résidence principale, soit d’une personne morale, et où, avec l’accord de cette personne physique ou morale, une personne physique dépourvue de résidence fixe est inscrite.
La personne physique ou la personne morale qui accepte l’inscription d’une autre personne à titre d’adresse de référence s’engage à faire parvenir à celle-ci tout courrier ou tous les documents administratifs qui lui sont destinés. Cette personne physique ou cette personne morale ne peut poursuivre un but de lucre. Seules des associations sans but lucratif, des fondations et des sociétés à finalité sociale jouissant de la personnalité juridique depuis au moins cinq ans et ayant notamment dans leur objet social le souci de gérer ou de défendre les intérêts d’un ou plusieurs groupes de population nomades, peuvent agir comme personne morale auprès de laquelle une personne physique peut avoir une adresse de référence.
Par dérogation à l’alinéa précédent, les ressortissants belges attachés aux Forces armées et les membres de leur famille qui les accompagnent, en garnison à l’étranger, et qui n’ont plus de résidence en Belgique sont inscrits à l’adresse de référence fixée par le Ministre de la Défense nationale.
De même, les personnes qui, par manque de ressources suffisantes n’ont pas ou n’ont plus de résidence et qui, à défaut d’inscription dans les registres de la population, se voient privées du bénéfice de l’aide sociale d’un centre public d’aide sociale ou de tout autre avantage social,
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sont inscrites à l’adresse du centre public d’aide sociale de la commune où elles sont habituellement présentes.
De même, les détenus, notamment les Belges et les étrangers admis ou autorisés à séjourner plus de trois mois dans le Royaume, qui sont incarcérés dans un établissement pénitentiaire et qui n’ont pas ou n’ont plus de résidence, sont inscrits à l’adresse du centre public d’action sociale de la commune où ils étaient inscrits en dernier lieu au registre de la population. Les détenus, notamment les Belges et les étrangers admis ou autorisés à séjourner plus de trois mois dans le Royaume, qui n’ont jamais été inscrits dans les registres de la population d’une commune, sont inscrits à l’adresse du centre public d’action sociale de la commune où se trouve l’établissement pénitentiaire ».
B.2. En vertu de l’article 1er, § 2, alinéa 1er, de la loi du 19 juillet 1991, parmi les personnes qui se trouvent dans la situation décrite à l’article 1er, § 2, alinéa 5, de cette loi, seules celles qui sont visées à l’article 1er, § 1er, alinéa 1er, 1°, de cette même loi peuvent demander leur inscription aux registres de la population à l’adresse d’un centre public d’action sociale (Cass., 12 octobre 2020, ECLI:BE:CASS:2020:ARR.20201012.3F.2).
B.3. L’article 3, alinéas 1er et 2, de la loi du 19 juillet 1991, tel qu’il a été modifié par l’article 3 de la loi du 24 janvier 1997 « modifiant la loi du 19 juillet 1991 relative aux registres de la population et aux cartes d’identité et modifiant la loi du 8 août 1983 organisant un Registre national des personnes physiques, en vue d’imposer l’inscription aux registres de la population des personnes n’ayant pas de résidence en Belgique », dispose :
« La résidence principale est soit le lieu où vivent habituellement les membres d’un ménage composé de plusieurs personnes, unies ou non par des liens de parenté, soit le lieu où vit habituellement une personne isolée.
Le Roi fixe les règles complémentaires permettant de déterminer la résidence principale et l’adresse de référence ».
B.4. L’article 20, § 3, de l’arrêté royal du 16 juillet 1992 « relatif aux registres de la population et au registre des étrangers » (ci-après : l’arrêté royal du 16 juillet 1992), tel qu’il a été remplacé par l’article 1er d’un arrêté royal du 21 février 1997, dispose :
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« Entrent en considération pour l’inscription à l’adresse du centre public d’aide sociale d’une commune en raison de manque de ressources suffisantes, les personnes qui, n’ayant pas ou n’ayant plus de résidence, sollicitent l’aide sociale au sens de l’article 57 de la loi du 8 juillet 1976 organique des centres public d’aide sociale ou le minimum de moyens d’existence prévu par la loi du 7 août 1974 instituant le droit à un minimum de moyens d’existence.
En vue de leur inscription dans les registres de population, le centre public d’aide sociale leur délivre un document attestant que les conditions d’inscription à l’adresse du centre sont remplies.
Après inscription sur base du document précité, les personnes concernées sont tenues de se présenter au centre public d’aide sociale une fois au moins par trimestre.
Le centre public d’aide sociale signale au collège des bourgmestre et échevins celles d’entre elles qui ne réunissent plus les conditions nécessaires au maintien de leur inscription à l’adresse du centre. Sur le vu des documents produits par le centre public d’aide sociale, le collège des bourgmestre et échevins procède à leur radiation ».
B.5.1. L’article 40 de la loi du 15 décembre 1980 « sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers » (ci-après : la loi du 15 décembre 1980), tel qu’il a été remplacé par l’article 19 de la loi du 25 avril 2007 « modifiant la loi du 15 décembre 1980
sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers » (ci-après : la loi du 25 avril 2007), dispose :
« § 1er. Sans préjudice de dispositions plus favorables contenues dans les lois ou les règlements européens dont le citoyen de l’Union pourrait se prévaloir, les dispositions ci-après lui sont applicables.
§ 2. Pour l’application de la présente loi, un citoyen de l’Union est un étranger qui possède la nationalité d’un État membre de l’Union européenne et qui séjourne ou se rend dans le Royaume.
§ 3. Tout citoyen de l’Union a le droit de séjourner dans le Royaume pour une période de trois mois au maximum sans autres conditions ou formalités que celles mentionnées à l’article 41, alinéa 1er.
§ 4. Tout citoyen de l’Union a le droit de séjourner dans le Royaume pour une période de plus de trois mois s’il remplit la condition prévue à l’article 41, alinéa 1er, et :
1° s’il est un travailleur salarié ou non salarié dans le Royaume ou s’il entre dans le Royaume pour chercher un emploi, tant qu’il est en mesure de faire la preuve qu’il continue à chercher un emploi et qu’il a des chances réelles d’être engagé;
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[…] ».
B.5.2. L’article 41, § 1er, de la loi du 15 décembre 1980, tel qu’il a été remplacé par l’article 18 de la loi du 19 mars 2014 « modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers » (ci-après : la loi du 19 mars 2014), dispose :
« Le droit d’entrée est reconnu au citoyen de l’Union sur présentation d’une carte d’identité ou d’un passeport, en cours de validité ou s’il peut faire constater ou prouver d’une autre façon sa qualité de bénéficiaire du droit de circuler ou de séjourner librement.
Lorsque le citoyen de l’Union ne dispose pas des documents requis, le ministre ou son délégué lui accorde tous les moyens raisonnables afin de lui permettre d’obtenir ou de se procurer, dans un délai raisonnable, les documents requis ou de faire confirmer ou prouver par d’autres moyens sa qualité de bénéficiaire du droit de circuler et de séjourner librement, avant de procéder à son refoulement ».
B.5.3. L’article 42 de la loi du 15 décembre 1980, tel qu’il a été remplacé par l’article 25
de la loi du 25 avril 2007, puis modifié entre autres par l’article 10 de la loi du 8 juillet 2011
« modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers en ce qui concerne les conditions dont est assorti le regroupement familial », dispose :
« § 1er. Le droit de séjour de plus de trois mois dans le Royaume est reconnu le plus rapidement possible et au plus tard six mois après la date de la demande telle que prévue au § 4, alinéa 2, au citoyen de l’Union […], conformément aux règlements et directives européens. La reconnaissance tient compte de l’ensemble des éléments du dossier.
[…]
§ 2. Le droit de séjour de plus de trois mois des citoyens de l’Union est constaté par une déclaration d’inscription. Ils sont inscrits, selon le cas, dans le registre des étrangers ou dans le registre de la population.
[…].
§ 4. La déclaration d’inscription [...][est] délivré[e] selon les modalités fixées par le Roi, conformément aux règlements et directives européens.
Ils doivent être demandés au plus tard à l’expiration de la période de trois mois suivant la date d’entrée, auprès de l’administration communale du lieu de leur résidence. Lorsqu’à l’expiration de cette période, aucune déclaration d’inscription […] n’a été demandé, le ministre
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ou son délégué peut infliger une amende administrative de 200 euros. Cette amende est perçue conformément à l’article 42octies ».
B.5.4. L’article 42bis, § 1er, de la loi du 15 décembre 1980, tel qu’il a été inséré par l’article 26 de la loi du 25 avril 2007 puis modifié par l’article 19 de la loi du 19 mars 2014, dispose :
« Le ministre ou son délégué peut mettre fin au droit de séjour du citoyen de l’Union lorsqu’il ne satisfait plus aux conditions fixées à l’article 40, § 4, […]. Le ministre ou son délégué peut, si nécessaire, vérifier si les conditions pour l’exercice du droit de séjour sont respectées.
[…]
Lors de la décision de mettre fin au séjour, le ministre ou son délégué tient compte de la durée du séjour de l’intéressé dans le Royaume, de son âge, de son état de santé, de sa situation familiale et économique, de son intégration sociale et culturelle dans le Royaume et de l’intensité de ses liens avec son pays d’origine ».
B.5.5. L’article 44ter, § 1er, alinéa 1er, de la loi du 15 décembre 1980, tel qu’il a été inséré par l’article 17, 2°, de la loi du 8 mai 2019 « modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers », dispose :
« Lorsqu’un citoyen de l’Union […] n’a pas ou n’a plus le droit de séjourner sur le territoire, le ministre ou son délégué peut lui donner un ordre de quitter le territoire, en application de l’article 7, alinéa 1er ».
B.6. Il ressort des motifs de la décision de renvoi que, pour trancher le litige qui lui est soumis, la juridiction de renvoi doit dire si le centre public d’action sociale qui est partie à la cause est obligé ou non de délivrer à la personne physique qui est partie à la même cause le document visé à l’article 20, § 3, alinéa 2, de l’arrêté royal du 16 juillet 1992, c’est-à-dire le « document attestant que les conditions d’inscription à l’adresse du centre sont remplies ».
La Cour est donc interrogée sur la constitutionnalité de l’article 1er, § 1er, et § 2, alinéa 5, de la loi du 19 juillet 1991, en ce que cette disposition législative interdirait la délivrance du
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document précité à un étranger citoyen de l’Union européenne sans titre de séjour sur le territoire.
B.7. Il ressort aussi des motifs de la décision de renvoi que le demandeur dudit document séjourne illégalement sur le territoire belge depuis plusieurs années, et que la demande de délivrance du document qu’il formule est une demande d’aide sociale au sens de l’article 57 de la loi du 8 juillet 1976 « organique des centres publics d’action sociale » (ci-après : la loi du 8 juillet 1976).
B.8. Selon l’article 57, § 2, alinéa 1er, 1°, de cette loi, tel qu’il a été remplacé par l’article 483 de la loi-programme du 22 décembre 2003 et modifié par l’article 3 de la loi du 7 janvier 2002 « modifiant la loi du 8 juillet 1976 organique des centres publics d’aide sociale en vue de modifier la dénomination des centres publics d’aide sociale », la mission d’un centre public d’action sociale à l’égard d’un étranger qui séjourne illégalement dans le Royaume se limite à l’octroi de l’aide médicale urgente.
L’article 57, § 2, alinéa 1er, 1°, de la loi du 8 juillet 1976 interdit donc à la juridiction de renvoi d’obliger le centre public d’action sociale à délivrer à une personne qui séjourne illégalement sur le territoire le document visé à l’article 20, § 3, alinéa 2, de l’arrêté royal du 16 juillet 1992.
Un éventuel constat d’inconstitutionnalité de la disposition législative qui est l’objet de la question préjudicielle ne pourrait donc aboutir à ce qu’un centre public d’action sociale soit tenu de délivrer ce document à la personne physique qui est partie au litige à l’origine de cette question.
B.9. La réponse à la question préjudicielle n’est donc manifestement pas utile à la solution du litige.
12
Par ces motifs,
la Cour
dit pour droit :
La question préjudicielle n’appelle pas de réponse.
Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l’article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 9 janvier 2025.
Le greffier, Le président,
Nicolas Dupont Pierre Nihoul


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1/2025
Date de la décision : 09/01/2025
Type d'affaire : Droit constitutionnel

Analyses

La question préjudicielle n'appelle pas de réponse

COUR CONSTITUTIONNELLE - DROIT PUBLIC ET ADMINISTRATIF - COUR CONSTITUTIONNELLE - la question préjudicielle concernant l'article 1er, §§ 1er et 2, de la loi du 19 juillet 1991 « relative aux registres de la population, aux cartes d'identité, aux cartes des étrangers et aux documents de séjour », posée par la Cour du travail de Bruxelles. Etrangers - Etranger en séjour illégal - Citoyen de l'Union européenne - Demande d'aide sociale - Centre public d'action sociale (CPAS) - Refus d'octroi d'une adresse de référence


Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2025
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.constitutionnel;arret;2025-01-09;1.2025 ?

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