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19/12/2024 | BELGIQUE | N°158/2024

Belgique | Belgique, Cour constitutionnel, 19 décembre 2024, 158/2024


Cour constitutionnelle
Arrêt n° 158/2024
du 19 décembre 2024
Numéro du rôle : 8133
En cause : le recours en annulation partielle du décret de la Région flamande du 26 mai 2023 « relatif aux instruments orientés vers la réalisation », introduit par l’ASBL « Natuurpunt » et autres.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents Luc Lavrysen et Pierre Nihoul, et des juges Joséphine Moerman, Michel Pâques, Emmanuelle Bribosia, Willem Verrijdt et Kattrin Jadin, assistée du greffier Frank Meersschaut, présidée par le président Luc Lavrysen,
apr

s en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant :
I. Objet du recours et procédure
Par requête ...

Cour constitutionnelle
Arrêt n° 158/2024
du 19 décembre 2024
Numéro du rôle : 8133
En cause : le recours en annulation partielle du décret de la Région flamande du 26 mai 2023 « relatif aux instruments orientés vers la réalisation », introduit par l’ASBL « Natuurpunt » et autres.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents Luc Lavrysen et Pierre Nihoul, et des juges Joséphine Moerman, Michel Pâques, Emmanuelle Bribosia, Willem Verrijdt et Kattrin Jadin, assistée du greffier Frank Meersschaut, présidée par le président Luc Lavrysen,
après en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant :
I. Objet du recours et procédure
Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 28 décembre 2023 et parvenue au greffe le 29 décembre 2023, un recours en annulation partielle du décret de la Région flamande du 26 mai 2023 « relatif aux instruments orientés vers la réalisation » (publié au Moniteur belge du 3 juillet 2023) a été introduit par l’ASBL « Natuurpunt », l’ASBL « Bond Beter Leefmilieu Vlaanderen », l’ASBL « Greenpeace Belgium », l’ASBL « Dryade », l’ASBL « Limburgse Milieukoepel », l’ASBL « Bos+ Vlaanderen », l’ASBL « Klimaatzaak »
et l’ASBL « Breekijzer », assistées et représentées par Me Hendrik Schoukens, avocat au barreau de Bruxelles, et par Me Johan Verstraeten, avocat au barreau de Louvain.
Le Gouvernement flamand, assisté et représenté par Me Bart Martel et Me Kristof Caluwaert, avocats au barreau de Bruxelles, a introduit un mémoire, les parties requérantes ont introduit un mémoire en réponse et le Gouvernement flamand a également introduit un mémoire en réplique.
Par ordonnance du 23 octobre 2024, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteures Joséphine Moerman et Emmanuelle Bribosia, a décidé que l’affaire était en état, qu’aucune audience ne serait tenue, à moins qu’une partie n’ait demandé, dans le délai de sept jours suivant la réception de la notification de cette ordonnance, à être entendue, et qu’en l’absence d’une
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telle demande, les débats seraient clos à l’expiration de ce délai et l’affaire serait mise en délibéré.
Aucune demande d’audience n’ayant été introduite, l’affaire a été mise en délibéré.
Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives à la procédure et à l’emploi des langues ont été appliquées.
II. En droit
-A-
Quant à la recevabilité
A.1. Les parties requérantes exposent qu’elles sont toutes des associations qui agissent en vue de protéger l’environnement et de préserver l’espace ouvert. Elles estiment qu’elles ont, en cette qualité, intérêt à l’annulation des articles 3, 4°, 6° et 9°, 6, 1°, 13, 14 et 66 à 71 du décret de la Région flamande du 26 mai 2023 « relatif aux instruments orientés vers la réalisation » (ci-après : le décret du 26 mai 2023), étant donné que ces dispositions prévoient une indemnisation démesurée des propriétaires de terrains qui sont confrontés à une interdiction de bâtir ou de lotir découlant d’un nouveau plan d’affectation, indemnisation qui implique que les administrations locales et autres doivent supporter une lourde charge financière lorsqu’elles souhaitent protéger des terrains comme espace ouvert. Selon elles, cette charge financière décourage les administrations locales et autres de préserver l’espace ouvert, ce qui porte également atteinte à la biodiversité. Elles soulignent que la préservation de l’espace ouvert constitue un instrument important dans la lutte contre le réchauffement climatique.
A.2.1. Le Gouvernement flamand considère que le recours en annulation est irrecevable en ce qu’il est dirigé contre les articles 3, 4°, 6° et 9°, 69, 70 et 71 du décret du 26 mai 2023. Il estime que les griefs des parties requérantes portent uniquement sur le régime d’indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale contenu dans les dispositions attaquées, alors que les articles 69, 70 et 71 du décret du 26 mai 2023 portent sur le régime de la taxe sur les bénéfices résultant de la planification spatiale. Étant donné que, dans leur requête, les parties requérantes n’articulent aucun grief portant sur la taxe sur les bénéfices résultant de la planification spatiale, le recours est, selon lui, irrecevable en ce qu’il est dirigé contre ces articles 69, 70 et 71. En ce qui concerne l’article 3, 4°, 6° et 9°, du décret du 26 mai 2023, le Gouvernement flamand constate que cette disposition contient uniquement des définitions. Il n’aperçoit pas en quoi des définitions pourraient léser les parties requérantes. Il ajoute que, dans leur requête, ces parties n’articulent aucun grief à l’encontre de cette disposition.
A.2.2. Les parties requérantes répondent que l’article 3, 4°, 6° et 9°, du décret du 26 mai 2023 est indissociablement lié aux autres dispositions attaquées.
Quant aux moyens
En ce qui concerne le premier moyen
A.3. Le premier moyen est pris de la violation, par les articles 3, 4°, 6° et 9°, 6, 1°, 13, 14 et 66 à 71 du décret du 26 mai 2023, des articles 10, 11 et 23 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 107 et 108 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (ci-après : le TFUE), en ce qu’en raison de son mode de calcul, l’indemnité de propriétaire, telle qu’elle est réglée par les dispositions attaquées, constitue une aide d’État interdite au sens de l’article 107 du TFUE, dès lors que cette mesure n’a, en violation de l’article 108 du TFUE, pas été notifiée à la Commission européenne et que le régime attaqué constitue une réduction significative du degré de protection de l’environnement, sans que cette réduction soit justifiée par un motif d’intérêt général.
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A.4.1. Les parties requérantes exposent que les dispositions attaquées prévoient un mode de calcul de l’indemnité de propriétaire qui diffère du mode de calcul de l’indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale qui était applicable auparavant. Elles relèvent que l’ancienne indemnisation était calculée sur la base de la valeur d’acquisition indexée du terrain et qu’elle s’élevait à 80 % de la moins-value du terrain par suite de la modification de l’affectation, alors que la nouvelle indemnité de propriétaire contient une compensation à concurrence de 100 % de la moins-value, calculée sur la base de la valeur actuelle ou vénale du terrain, déterminée par une commission foncière. Par ailleurs, l’ancienne réglementation prévoyait que seuls les 50 premiers mètres à partir de l’alignement entraient en considération pour une indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale, alors que la nouvelle règle ne prévoit plus cette exigence.
A.4.2. Les parties requérantes déduisent de la jurisprudence de la Cour qu’il ne convient pas d’indemniser toute forme d’atteinte à la propriété ou de restriction du droit de propriété. Les atteintes à la propriété ou les restrictions du droit de propriété qui relèvent du risque social ou professionnel normal ne doivent, selon elles, en principe pas être indemnisées. Elles relèvent que la Cour a déjà à plusieurs reprises jugé en principe constitutionnelle l’ancienne indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale et qu’elle a souligné à cet égard que ce régime n’avait pas pour objet d’indemniser le manque à gagner ou la perte de plus-values de nature accidentelle ou spéculative. Les fluctuations de prix sur le marché de l’immobilier relèvent selon elles des risques professionnels normaux, ce qui implique que le droit de propriété n’exige pas que ces fluctuations soient indemnisées dans le cadre d’un régime d’indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale. En tenant compte de la valeur vénale du bien concerné, le nouveau régime tient compte, selon elles, de l’augmentation des prix sur le marché de l’immobilier, si bien qu’il permet l’indemnisation de risques professionnels normaux.
A.5.1. En ce qu’elle profite aux entreprises, l’indemnité de propriétaire constitue, selon les parties requérantes, une aide d’État interdite par les articles 107 et 108 du TFUE. Elles considèrent que cette indemnité répond à tous les critères développés par la Cour de justice de l’Union européenne pour déterminer s’il s’agit d’une aide d’État interdite. Selon elles, il est satisfait au premier critère, plus précisément le fait qu’il doit s’agir d’une aide décidée par l’État et octroyée au moyen des ressources de l’État, étant donné que l’indemnité de propriétaire est payée par des moyens publics. Selon elles, il est également satisfait au deuxième critère, plus précisément le fait que l’aide doit influencer ou doit pouvoir influencer le commerce entre les États membres et doit fausser ou pouvoir fausser la concurrence, étant donné que l’indemnité de propriétaire renforce la position des entreprises flamandes par rapport aux entreprises établies dans d’autres États membres de l’Union européenne. Selon elles, il est également satisfait au troisième critère, plus précisément le fait que la mesure doit favoriser certaines entreprises ou productions et doit ainsi être sélective, étant donné que l’indemnité de propriétaire favorise les entreprises qui sont actives dans le secteur de la construction et de la promotion immobilière par rapport à d’autres entreprises. Enfin, selon elles, il est également satisfait au dernier critère, plus précisément le fait que la mesure doit procurer un avantage au bénéficiaire, étant donné que l’indemnité de propriétaire procure aux entreprises bénéficiaires un avantage que celles-ci n’auraient pas dans des conditions normales de marché et que cette indemnité est particulièrement favorable aux entreprises en question, en comparaison des règles applicables dans les autres États membres de l’Union européenne.
A.5.2. Les parties requérantes relèvent que, dans le cadre des critères précités relatifs à la qualification d’une mesure comme aide d’État interdite, il convient également de prendre en compte l’exception établie par la Cour de justice dans son arrêt « Altmark » du 24 juillet 2003 (CJCE, 24 juillet 2003, C-280/00, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg, ECLI:EU:C:2003:415). Selon elles, cette exception implique qu’il n’est pas question d’aide d’État interdite lorsque la mesure publique doit être considérée comme une compensation des prestations effectuées par l’entreprise bénéficiaire pour accomplir des obligations de service public. Elles considèrent qu’il n’est, en l’espèce, pas satisfait aux conditions liées à cette exception, dès lors que le respect purement passif d’une interdiction de bâtir ne peut être considéré comme le fait de remplir une obligation de service public et que l’obligation qui incombe à l’entreprise n’est pas clairement spécifiée. Par ailleurs, il n’est pas garanti, disent-elles, que la compensation ne soit pas supérieure à ce qui est nécessaire pour couvrir les coûts de l’exécution de l’obligation de service public, étant donné que la valeur vénale du terrain est prise comme point de départ et que le régime de l’indemnité de propriétaire ne semble pas viser la lutte contre la spéculation. Enfin, selon elles, il n’est pas satisfait à la condition émise par la Cour de justice selon laquelle les bénéficiaires de la mesure doivent être désignés dans le cadre d’un marché public.
A.5.3. Selon les parties requérantes, l’indemnité de propriétaire ne peut pas davantage être qualifiée de réparation d’un dommage. Elles estiment qu’il convient d’établir une distinction entre, d’une part, les mesures qui allègent les charges économiques normales pour une entreprise, qui peuvent entrer en considération pour être
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qualifiées d’aide d’État et, d’autre part, les mesures qui visent à compenser un dommage, qui n’entrent en principe pas en considération pour être qualifiées d’aide d’État. Elles relèvent que les frais qui découlent des obligations légales imposées par l’État doivent en principe être considérés comme frais liés à l’exercice d’une activité économique, de sorte que d’éventuelles compensations pour ces coûts conféreraient un avantage à une entreprise, avantage qui devrait, le cas échéant, être qualifié d’aide d’État. Elles se réfèrent dans ce cadre à diverses décisions de la Commission européenne. Étant donné qu’ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle, le droit de propriété n’exige pas que la valeur de marché actuelle du terrain soit prise comme point de départ pour indemniser le dommage causé par des restrictions d’usage dans le contexte de l’aménagement du territoire, l’indemnité de propriétaire attaquée ne peut, selon les parties requérantes, être considérée comme une compensation du dommage et cette indemnité constitue une aide d’État interdite. Elles estiment que l’indemnisation d’augmentations des prix sur le marché de l’immobilier ne peut être considérée comme une indemnité fondée sur le droit de propriété. Selon elles, les fluctuations de prix relèvent, dans le contexte du secteur immobilier, des risques professionnels normaux qui ne doivent pas être indemnisés. Elles relèvent dans ce cadre qu’aux Pays-Bas, en Allemagne et en France, des indemnités moins démesurées sont octroyées. Elles estiment enfin que leurs arguments trouvent appui dans un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 27 janvier 2022 (CJUE, 27 janvier 2022, C-238/20, « Sātiņi-S » SIA, ECLI:EU:C:2022:57), dans lequel celle-ci a notamment jugé que les coûts liés au respect d’obligations légales destinées à protéger l’environnement sont des coûts normaux de fonctionnement et que le simple fait qu’un opérateur économique soit tenu de se conformer à des obligations nationales issues d’une mise en œuvre du droit de l’Union n’est pas de nature à établir que cet opérateur a été chargé de l’exécution d’une obligation de service public clairement définie.
A.6. Au cas où la Cour aurait un doute quant à la qualification de l’indemnité de propriétaire comme étant une aide d’État au sens de l’article 107 du TFUE, les parties requérantes suggèrent à la Cour de poser une question préjudicielle à ce sujet à la Cour de justice de l’Union européenne.
A.7. Le Gouvernement flamand soutient que les dispositions attaquées ne constituent pas une aide au sens de l’article 107, paragraphe 1, du TFUE, étant donné qu’il s’agit dans ces dispositions d’un régime général afférent à la réparation d’un dommage en vue de compenser des actes de l’autorité et que ce régime n’est pas sélectif.
A.8.1. Se référant à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne et à des décisions de la Commission européenne, le Gouvernement flamand fait valoir que les indemnités payées par une autorité à des entreprises pour un dommage qu’elles ont subi par suite d’actes de l’autorité, qu’il s’agisse d’actes illicites ou licites, ne constituent pas un avantage au sens de l’article 107, paragraphe 1, du TFUE. Il déduit de cette jurisprudence et de ces décisions que les aides ont un caractère fondamentalement différent des indemnités que les autorités nationales doivent payer aux particuliers pour un dommage causé à ceux-ci. Il en déduit également qu’une indemnisation n’entraîne généralement pas un avantage sélectif pour l’entreprise concernée dans la mesure où elle sert uniquement à compenser un dommage par suite d’un acte de l’autorité, l’indemnisation étant le résultat direct de cet acte de l’autorité et étant déterminée sur la base d’un régime de réparation général directement fondé sur le droit de propriété. Il estime qu’en renvoyant à un régime de réparation général, la Cour de justice souligne le caractère non sélectif de l’indemnisation. Le Gouvernement flamand déduit de plusieurs décisions de la Commission européenne que, pour qu’elle soit qualifiée de dommages et intérêts, il est indifférent que l’indemnité soit calculée conformément à la législation sur les expropriations ou conformément à d’autres règles générales applicables en matière de réparation du dommage causé par des actes de l’autorité. Il déduit également de ce qui précède qu’il n’est pas question d’un avantage au sens de l’article 107, paragraphe 1, du TFUE, en ce que l’indemnité n’est pas supérieure au préjudice subi par l’entreprise du fait de l’acte de l’autorité. Il estime que la Commission européenne n’exclut donc pas que l’autorité procède à une réparation intégrale.
A.8.2. Selon le Gouvernement flamand, le régime attaqué relatif à l’indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale prévoit simplement une compensation de la moins-value d’une parcelle qui résulte d’une interdiction de bâtir ou de lotir découlant de l’établissement définitif d’un nouveau plan d’exécution spatial.
Selon lui, ce régime fait disparaître entièrement le préjudice financier causé au propriétaire par l’intervention de l’autorité publique, mais il ne le surcompense pas, de sorte qu’il ne s’agit pas d’un avantage. Contrairement à ce que prétendent les parties requérantes, ce régime n’allège pas, selon lui, les coûts économiques normaux que doivent supporter les propriétaires. Il relève que, si la valeur du terrain concerné baisse après l’achat, le régime attaqué est défavorable au propriétaire concerné. Selon lui, il existe en outre incontestablement un lien de causalité entre l’acte de l’autorité publique – la réaffectation d’une parcelle – et le dommage qui doit être réparé. Il ne peut
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pas non plus être contesté, dit-il, que l’indemnisation est déterminée sur la base d’un régime général de réparation, étant donné que chaque propriétaire qui, moyennant les mêmes conditions, se trouve dans une situation comparable dans les faits et sur le plan juridique peut obtenir cette indemnisation. Il souligne à cet égard que le régime est indistinctement applicable aux particuliers et aux entreprises, quels que soient les secteurs économiques auxquels ils appartiennent. Contrairement à ce que semblent affirmer les parties requérantes, le régime attaqué ne s’applique pas seulement aux entreprises immobilières ou aux entreprises actives dans le secteur de la construction et de la promotion immobilière. Selon lui, le régime d’indemnisation général est en outre directement fondé sur le droit de propriété qui est garanti par la Constitution. Il se réfère dans ce cadre aux travaux préparatoires et à la jurisprudence de la Cour, qui a jugé qu’une interdiction de bâtir et de lotir constitue une ingérence dans le droit de propriété. Il relève à cet égard que, dans cette jurisprudence, la Cour a également jugé que c’est au législateur compétent qu’il appartient de déterminer les cas dans lesquels une limitation du droit de propriété peut donner lieu à indemnité et les conditions auxquelles cette indemnité peut être octroyée. La question de savoir si l’indemnité à octroyer doit être égale ou inférieure au dommage causé par l’intervention de l’autorité publique relève donc, selon lui, avant tout d’un choix d’opportunité du législateur compétent.
A.9.1. Selon le Gouvernement flamand, sous l’angle des règles européennes relatives aux aides d’État, il n’est pas pertinent que l’ancien régime d’indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale prévoyait une indemnisation inférieure au préjudice financier subi. Selon lui, il convient d’apprécier l’existence d’un avantage sélectif à la lumière de la réglementation existante et plus précisément en se demandant si l’indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale n’est pas supérieure au préjudice subi par une entreprise. La circonstance que la Cour a jugé que l’ancienne réglementation n’était pas contraire au droit de propriété ne permet pas de déduire, selon lui, qu’un régime d’indemnisation plus étendu ne serait pas compatible avec les règles européennes en matière d’aide d’État. Il fait valoir que le législateur décrétal peut revenir sur des choix politiques antérieurs et que les parties requérantes postulent tout à fait à tort que l’indemnisation d’un manque à gagner doit être qualifiée d’aide d’État interdite. Il ajoute que l’ancien régime d’indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale, en ne se basant pas sur la valeur vénale du terrain concerné, s’écartait d’autres indemnités compensatoires applicables en Région flamande.
A.9.2. Le Gouvernement flamand allègue que, sous l’angle des règles européennes en matière d’aide d’État, il n’est pas davantage pertinent de renvoyer à des réglementations étrangères. En effet, il relève de l’autonomie de chaque État membre ou de chaque région autonome de déterminer les cas où une restriction du droit de propriété peut donner lieu à une indemnisation et de déterminer les conditions auxquelles cette indemnisation peut être octroyée.
A.10. Le Gouvernement flamand conteste la thèse des parties requérantes selon laquelle l’indemnité de propriétaire indemnise les frais professionnels normaux. Il fait valoir que l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 27 janvier 2022 auquel les parties requérantes font référence n’est pas pertinent en l’espèce, étant donné que cet arrêt ne portait pas sur l’indemnisation d’un dommage causé par l’autorité publique, mais sur la réparation d’un dommage subi par l’entreprise en question en raison d’événements naturels, plus précisément un dommage causé par des oiseaux sauvages. Il relève que, dans cet arrêt, la Cour de justice a jugé que les mesures de protection de l’environnement et de la nature applicables ne rendaient pas impossibles les activités de l’entreprise concernée mais ne faisaient que régler ces activités, de sorte que l’absence de compensation n’a pas été considérée comme une atteinte disproportionnée à la substance du droit de propriété. Il estime que la situation est fondamentalement différente pour les dispositions attaquées, étant donné que la Cour a déjà jugé qu’une interdiction de bâtir ou de lotir ne peut être imposée à un propriétaire sans indemnisation raisonnable de la moins-
value de la parcelle. Il considère que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt précité de la Cour de justice, contrairement à l’affaire actuellement soumise à la Cour, il n’existait pas de lien de causalité entre l’acte de l’autorité publique et le dommage subi.
A.11. Le Gouvernement flamand fait valoir qu’il n’y a pas lieu de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne, étant donné que l’application correcte du droit de l’Union s’impose avec une telle évidence qu’elle ne laisse raisonnablement la place à aucun doute.
A.12. En ce que les parties requérantes invoquent, dans leur premier moyen, la violation de l’obligation de standstill contenue dans l’article 23, alinéa 3, 4°, de la Constitution, le Gouvernement flamand se réfère à ses arguments relatifs au second moyen.
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En ce qui concerne le second moyen
A.13. Le second moyen est pris de la violation, par les articles 3, 4°, 6° et 9°, 13, 14 et 66 à 71 du décret du 26 mai 2023, des articles 22 et 23, alinéa 3, 4°, de la Constitution, lus en combinaison avec l’article 7bis de la Constitution, avec le règlement (UE) 2021/1119 du Parlement européen et du Conseil du 30 juin 2021 « établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant les règlements (CE) n° 401/2009 et (UE) 2018/1999 (‘ loi européenne sur le climat ’) », avec le règlement (UE) 2018/841 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 « relatif à la prise en compte des émissions et des absorptions de gaz à effet de serre résultant de l’utilisation des terres, du changement d’affectation des terres et de la foresterie dans le cadre d’action en matière de climat et d’énergie à l’horizon 2030, et modifiant le règlement (UE) n° 525/2013 et la décision (UE) 529/2013 » (ci-après : le règlement (UE) 2018/841), avec le règlement (UE) 2018/842 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 « relatif aux réductions annuelles contraignantes des émissions de gaz à effet de serre par les États membres de 2021 à 2030 contribuant à l’action pour le climat afin de respecter les engagements pris dans le cadre de l’accord de Paris et modifiant le règlement (UE) n° 525/2013 » et avec le règlement (UE) 2018/1999 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 « sur la gouvernance de l’union de l’énergie et de l’action pour le climat, modifiant les règlements (CE) n° 663/2009 et (CE) n° 715/2009
du Parlement européen et du Conseil, les directives 94/22/CE, 98/70/CE, 2009/31/CE, 2009/73/CE, 2010/31/UE, 2012/27/UE et 2013/30/UE du Parlement européen et du Conseil, des directives 2009/119/CE et (UE) 2015/652
du Conseil et abrogeant le règlement (UE) n° 525/2013 du Parlement européen et du Conseil ».
A.14. Dans le second moyen, en sa première branche, les parties requérantes invoquent la violation, par les dispositions attaquées, de l’obligation de standstill contenue dans l’article 23, alinéa 3, 4°, de la Constitution.
A.15.1. Selon les parties requérantes, les dispositions attaquées font augmenter considérablement le coût lié à la préservation de l’espace ouvert. Elles se réfèrent à des études et avis et en déduisent que les coûts supplémentaires liés aux dispositions attaquées, dans le cadre du but poursuivi relatif à la préservation de l’espace ouvert, sont estimés à plusieurs milliards. Elles estiment que les dispositions attaquées causent dès lors une réduction significative du degré de protection existant de l’environnement. Elles contestent que cette réduction soit hypothétique. Elles considèrent à cet égard qu’une réduction indirecte du degré de protection de l’environnement entre également dans le champ d’application de l’article 23, alinéa 3, 4°, de la Constitution, sous peine de vider de sa substance la protection offerte par cette disposition.
A.15.2. Les parties requérantes exposent que l’autorité flamande, dans le livre blanc « Beleidsplan Ruimte Vlaanderen » (Plan de politique spatiale de la Flandre), adopté par le Gouvernement flamand en 2016, s’est fixé pour objectif de limiter l’utilisation de nouveaux espaces à 3 hectares par jour pour 2025 et à 0 hectare par jour pour 2040. Afin d’atteindre ces objectifs politiques, il est, selon elles, nécessaire de réduire le nombre de zones d’habitat et de zones de réserve d’habitat, cette réduction s’accompagnant d’une indemnisation des propriétaires, conformément aux dispositions attaquées. Dès lors que, pour les autorités locales et autres, il est bien plus onéreux de protéger l’espace ouvert en réduisant le nombre de zones d’habitat et de réserve d’habitat, les dispositions attaquées entraînent, selon les parties requérantes, une réduction significative du degré de protection de l’environnement. Le nouveau régime relatif à la taxe sur les bénéfices résultant de la planification spatiale, qui fait passer la taxe de 30 à 50 %, n’est pas de nature à compenser le recul du degré de protection, étant donné que la nouvelle taxe sur les bénéfices résultant de la planification spatiale ne sera applicable qu’aux nouvelles modifications des plans, alors que l’indemnité de propriétaire indemnise également les augmentations de prix par rapport au marché immobilier du passé.
A.15.3. Selon les parties requérantes, la réduction du degré de protection de l’environnement causée par les dispositions attaquées n’est pas nécessaire pour protéger le droit de propriété, étant donné que la Cour a jugé que les anciennes règles relatives à l’indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale étaient en principe conformes à ce droit. Elles estiment que la motivation fondée sur le droit de propriété contenue dans les travaux préparatoires n’est pas de nature à justifier la réduction significative du degré de protection de l’environnement.
A.15.4. Les parties requérantes soutiennent qu’il ne saurait être considéré en l’espèce que la fixation des règles en matière d’indemnisation relève du pouvoir d’appréciation du législateur décrétal, étant donné qu’ainsi qu’il a été exposé concernant le premier moyen, les dispositions attaquées sont contraires aux règles européennes en matière d’aides d’État. Elles font valoir que le pouvoir d’appréciation du législateur décrétal est limité par le droit de l’Union européenne.
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A.16. Dans le second moyen, en sa seconde branche, les parties requérantes invoquent la violation, par les dispositions attaquées, des articles 22 et 23, alinéa 3, 4°, de la Constitution, lus en combinaison avec l’article 7bis de la Constitution et avec les règlements européens mentionnés au moyen, en ce que le législateur décrétal n’a pas expressément motivé dans quelle mesure les dispositions attaquées permettent d’atteindre les objectifs climatiques dans le contexte du secteur de l’affectation des sols.
A.17.1. Les parties requérantes font valoir que l’article 22 de la Constitution oblige l’autorité publique à protéger ses citoyens contre les effets néfastes du changement climatique et que, par suite de l’arrêt de la Cour d’appel de Bruxelles du 30 novembre 2023, l’autorité publique doit, sur la base de cette disposition constitutionnelle, tendre vers une réduction de CO2 d’au moins 55 % pour 2030. Elles estiment en outre que l’obligation de standstill qui découle de l’article 23, alinéa 3, 4°, de la Constitution s’applique également dans le contexte de l’aménagement du territoire et de la préservation de l’espace ouvert en Région flamande. Elles ajoutent que la Région flamande doit, sur la base des règlements européens cités au moyen, et plus particulièrement sur la base du règlement (UE) 2018/841, atteindre des objectifs de réduction spécifiques dans le secteur de l’affectation des sols et qu’elle est, de manière plus générale, tenue d’œuvrer à une politique climatique ambitieuse.
A.17.2. Selon les parties requérantes, les normes de référence mentionnées au moyen ont pour effet que le législateur décrétal est tenu de justifier expressément, dans l’exposé des motifs, avant l’adoption de la réglementation, dans quelle mesure celle-ci permet d’atteindre les objectifs climatiques de l’UE. Selon elles, tel est d’autant plus le cas lorsque, comme c’est le cas en l’espèce, des études techniques et avis émettent de sérieux doutes quant à la capacité de la nouvelle réglementation à permettre d’atteindre les objectifs politiques en matière de protection de l’espace ouvert.
A.18. Selon le Gouvernement flamand, le second moyen, en sa première branche, n’est pas fondé, étant donné que les dispositions attaquées n’impliquent pas de réduction de la protection de l’environnement, et encore moins une réduction significative de cette protection.
A.19.1. Le Gouvernement flamand soutient que le mode de calcul de l’indemnité de propriétaire est en soi sans rapport avec le degré de protection existant de l’environnement et n’a aucune incidence sur ce degré, dès lors que ce mode de calcul ne modifie pas l’affectation existante des parcelles. Selon lui, l’application des nouvelles règles d’indemnisation n’a pas davantage pour effet de diminuer la superficie totale de l’espace ouvert en Région flamande. Il estime dès lors que la mesure attaquée n’a pas d’incidence sur le droit à un environnement sain, visé à l’article 23, alinéa 3, 4°, de la Constitution.
A.19.2. En ce que les parties requérantes font valoir que l’atteinte au degré de protection de l’environnement découle de ce que les nouvelles règles d’indemnisation entravent la réalisation des futurs objectifs politiques concernant la préservation de l’espace ouvert (ce qu’on appelle le « bouwshift » en néerlandais, autrement dit, la transition en matière de construction) en dissuadant les administrations locales de modifier des affectations, le Gouvernement flamand estime que le risque esquissé par ces parties est à ce point hypothétique et indirect qu’il n’entre pas en considération pour démontrer une atteinte au degré de protection existant de l’environnement. Selon lui, les mesures qui ont une incidence budgétaire potentielle, mais à ce jour tout à fait incertaine, sur la réalisation d’un objectif politique qui n’est même pas prévu par une loi ne relèvent pas, en tant que telles, de l’obligation de standstill contenue dans l’article 23 de la Constitution. Il relève à cet égard que la section de législation du Conseil d’État n’a formulé aucune observation relativement à l’incompatibilité des dispositions attaquées avec l’article 23
de la Constitution.
A.19.3. Le Gouvernement flamand fait valoir également que les objectifs du « bouwshift » ne relèvent pas du degré de protection de l’environnement offert par la législation applicable, étant donné que ces objectifs n’ont pas encore été formulés dans des textes législatifs ou réglementaires contraignants. Il relève que ces objectifs ne sont actuellement formulés que dans des documents sans valeur réglementaire. Selon lui, il ne peut dès lors être postulé que les dispositions attaquées réduisent le degré de protection de l’environnement offert par la législation applicable.
Mais, même à supposer que les objectifs politiques précités puissent entrer en considération pour déterminer le degré de protection de l’environnement offert par la législation applicable, il ne peut, selon le Gouvernement flamand, être question d’une réduction du degré de protection, puisque l’effet dissuasif que, selon les parties requérantes, le nouveau régime d’indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale aurait à l’égard des administrations locales peut, dans le pire des cas, entraîner le maintien du statu quo. Il considère qu’un statu
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quo ne peut être qualifié de réduction du degré de protection. Il souligne que les plans d’exécution spatiaux et d’aménagement existants restent pleinement applicables après l’entrée en vigueur des dispositions attaquées.
A.19.4. Le Gouvernement flamand allègue ensuite que le degré de protection de l’environnement offert par la législation est renforcé par d’autres initiatives décrétales, notamment l’initiative qui a conduit au décret du 26 mai 2023 « modifiant le Code flamand de l’Aménagement du Territoire du 15 mai 2009, en ce qui concerne les zones de réserve d’habitat », qui a été approuvé le même jour que les dispositions attaquées. Il souligne en outre que le Gouvernement flamand a, depuis l’approbation des dispositions attaquées, déjà désigné provisoirement 139 zones comme zones d’espace ouvert hydrologiquement vulnérables et qu’il a approuvé un projet de décret prévoyant le principe de la compensation planologique, selon lequel l’autorité de planification doit, dans le cadre d’une offre supplémentaire d’affectations « dures », neutraliser en même temps l’offre moins bien située ou l’offre superflue dans la mesure où elle est présente sur le territoire de l’autorité de planification.
A.19.5. En ce qui concerne l’incidence budgétaire des dispositions attaquées, le Gouvernement flamand estime qu’il est impossible de prévoir avec certitude dans quelle mesure le nouveau régime d’indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale entraînera un coût supplémentaire par rapport à l’ancien système.
Il relève dans ce cadre qu’une des études citées par les parties requérantes estime le coût supplémentaire sur la base d’un minimum et d’un maximum, l’estimation minimale étant très proche des coûts liés à l’ancienne réglementation. Il relève également qu’ainsi qu’il ressort de l’article 14, § 3, du décret du 26 mai 2023, la valeur vénale d’un bien dépend de plusieurs facteurs objectifs, comme la situation dans une zone de réserve d’habitat et la perspective de développement de cette zone de réserve d’habitat, le fait d’être ou non situé près d’une voie suffisamment équipée et la constructibilité technique et urbanistique du terrain. Selon lui, cela implique que l’indemnité ne sera pas aussi élevée pour toutes les parcelles. Il relève également que la valeur vénale d’un bien peut non seulement augmenter, mais aussi baisser.
Le Gouvernement flamand fait également valoir que l’incidence budgétaire escomptée des dispositions attaquées est tempérée de plusieurs façons. Il relève que le régime des bénéfices résultant de la planification spatiale a été adapté, le législateur décrétal voulant faire en sorte que le système soit un meilleur reflet budgétaire du régime d’indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale. Selon lui, le législateur décrétal a également choisi de transférer au maximum les montants perçus vers les autorités de planification concernées. Il souligne en outre qu’il a été décidé de créer un fonds dans le cadre du « bouwshift » pour soutenir financièrement les administrations locales qui doivent payer des indemnisations des dommages résultant de la planification spatiale lorsqu’elles modifient des affectations. Il relève enfin que l’article 104 du décret du 26 mai 2023 prévoit la possibilité pour l’autorité publique qui délivre un permis d’environnement d’imposer des charges financières au demandeur du permis, les revenus de ces charges financières devant être alloués par l’autorité compétente à la politique d’aménagement du territoire.
A.19.6. Même s’il fallait admettre qu’il est question d’une réduction significative du degré de protection de l’environnement, cette réduction serait, selon le Gouvernement flamand, raisonnablement justifiée. Il fait valoir que le législateur décrétal a, par les dispositions attaquées, recherché un équilibre entre la protection de l’environnement et la protection du droit de propriété et qu’il a estimé, dans le cadre de la mise en balance de ces intérêts, qu’il est raisonnablement justifié que les propriétaires de parcelles qui sont confrontés à une interdiction de bâtir ou de lotir découlant d’un plan d’exécution spatial soient intégralement indemnisés pour le dommage subi.
Il relève que l’ancien régime d’indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale a, dans certains cas, donné lieu à des indemnisations injustes de propriétaires, notamment lorsque la parcelle avait été achetée longtemps avant l’entrée en vigueur d’un plan d’exécution spatial ou lorsque la parcelle, en raison de sa situation, n’entrait absolument pas en ligne de compte pour une indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale, ce qui a, à son tour, suscité une incompréhension auprès des propriétaires concernés et entraîné des contestations juridiques. Il relève dans ce cadre que, par son arrêt n° 66/2018 du 7 juin 2018
(ECLI:BE:GHCC:2018:ARR.066), la Cour a jugé que l’ancien régime d’indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale pourrait, dans certains cas, porter atteinte au droit de propriété des propriétaires concernés. Selon lui, en vue de promouvoir l’assise sociale du « bouwshift », le législateur décrétal a dès lors pu légitimement choisir de prévoir une indemnisation intégrale du dommage.
A.20.1. En ce qui concerne le second moyen, en sa seconde branche, le Gouvernement flamand soutient que cette branche est irrecevable, à tout le moins partiellement, et ce pour deux raisons.
Premièrement, les parties requérantes ne précisent selon lui pas quelles dispositions des règlements européens invoqués impliqueraient une obligation de motivation formelle pour le législateur décrétal. Il estime qu’en ce qui
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concerne le second moyen, en sa seconde branche, la requête ne satisfait dès lors pas aux exigences de l’article 6
de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle.
Deuxièmement, la Cour n’est selon lui pas compétente pour apprécier l’élaboration d’une norme législative.
Il souligne qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour que celle-ci s’estime incompétente pour statuer sur le mode d’élaboration d’une norme législative, même lorsqu’une formalité déterminée découle du droit de l’Union européenne. Selon lui, les normes de référence citées au moyen n’impliquent pas qu’une obligation de motivation formelle soit imposée au législateur décrétal lorsqu’il édicte une nouvelle réglementation sur l’affectation des sols.
A.20.2. À le supposer recevable, le second moyen, en sa seconde branche, n’est, selon le Gouvernement flamand, pas fondé, puisque le législateur décrétal n’est pas soumis à une obligation de motivation formelle. Il relève que la loi du 29 juillet 1991 « relative à la motivation formelle des actes administratifs » n’est pas applicable aux actes ayant une portée générale, adoptés par le pouvoir exécutif ou le pouvoir législatif. Il déduit en outre de la jurisprudence de la Cour que la simple circonstance qu’un motif n’a pas été exprimé au cours des travaux préparatoires n’implique pas en soi qu’il ne puisse plus être invoqué par la suite devant la Cour.
Quant à la portée d’une éventuelle annulation
A.21. Le Gouvernement flamand demande à la Cour, si elle devait juger que le mode de calcul de l’indemnité de propriété visé à l’article 14 du décret du 26 mai 2023 est inconstitutionnel, d’annuler l’article 6, 1°, de ce décret et donc pas les articles 13 et 14 de celui-ci. Il souligne que l’annulation de l’article 6, 1°, du décret du 26 mai 2023
aurait pour effet que l’indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale visée à l’article 2.6.1 du Code flamand de l’aménagement du territoire ne devrait plus être considérée comme une indemnité compensatoire au sens du décret du 26 mai 2023. Selon lui, pareille annulation modulée permettrait de pouvoir encore appliquer les articles 13 et 14 du décret du 26 mai 2023 pour calculer d’autres indemnités compensatoires mentionnées à l’article 6 du décret du 26 mai 2023, qui ne sont pas critiquées par les parties requérantes. Selon lui, si l’article 6, 1°, du décret du 26 mai 2023 était annulé, les articles 66 à 69 de ce décret devraient cependant également être annulés en tant que dispositions indissociablement liées à la disposition annulée, faute de quoi les justiciables risqueraient d’être confrontés à un système hybride, ce qui pourrait aboutir à une insécurité juridique en ce qui concerne la procédure à suivre.
-B-
Quant aux dispositions attaquées et à leur contexte
B.1. Les parties requérantes demandent l’annulation des articles 3, 4°, 6° et 9°, 6, 1°, 13, 14 et 66 à 71 du décret de la Région flamande du 26 mai 2023 « relatif aux instruments orientés vers la réalisation » (ci-après : le décret du 26 mai 2023).
B.2. Par le décret du 26 mai 2023, le législateur décrétal a, dans le cadre de la politique de l’environnement, entendu « regrouper et harmoniser les instruments environnementaux en vue de réalisations spatiales sur le terrain » (Doc. parl., Parlement flamand, 2019-2020, n° 194/1, p. 10). Le décret règle « les instruments environnementaux en vue de réalisations sur le terrain, comme les indemnités, les obligations d’achat et les charges », qui peuvent être mis en œuvre
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« après la phase de conception et de concrétisation des visions par zone », et il ne porte pas sur « les plans ou autres instruments réglementaires, tels un plan d’aménagement de la nature ou une délimitation du Vlaams Ecologisch Netwerk (Réseau écologique flamand) » (Doc. parl., Parlement flamand, 2019-2020, n° 194/10, p. 5).
En ce qui concerne l’objectif général du décret du 26 mai 2023, les travaux préparatoires mentionnent :
« L’objectif est d’inciter l’autorité publique à étudier et motiver la mise en œuvre des instruments et à réfléchir aux instruments les plus adéquats pour atteindre un but déterminé.
Quelles mesures peut-elle prendre pour organiser efficacement une zone d’espace ouvert déterminée ? Comment peut-elle ou doit-elle compenser financièrement les propriétaires ou usagers dans une zone de projet ? Quelle est la meilleure manière de gérer la structure de la propriété dans une zone de projet et comment peut-elle faciliter le remembrement de biens ?
Pareille technique figure aussi dans le décret relatif à la rénovation rurale. Le projet décrit en outre une boîte à outils. Le contexte est celui de la politique de l’environnement. Le décret relatif aux instruments existe parallèlement à d’autres cadres réglementaires et à leurs objectifs » (ibid., p. 6).
B.3.1. En vertu de l’article 3, 11°, du décret du 26 mai 2023, il convient d’entendre par « instrument » un moyen de permettre et de réaliser un projet spatial.
B.3.2. L’un des instruments réglés par le décret, plus précisément sous le titre 2, concerne l’indemnité compensatoire.
En vertu de l’article 3, 4°, attaqué, du décret du 26 mai 2023, il convient d’entendre par « indemnité compensatoire » :
« une indemnité unique payée par une autorité administrative pour compenser les dommages de capital du titulaire du droit réel et les pertes de revenus de l’usager en raison des restrictions d’usage ».
En vertu de l’article 3, 9°, de ce décret, il convient d’entendre par « restriction d’usage » :
« une restriction de l’usage d’un bien immobilier résultant de mesures contraignantes d’intérêt public imposées par les autorités administratives sur la base de la réglementation, visée à l’article 6 ».
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En ce qui concerne l’indemnité compensatoire, les travaux préparatoires mentionnent :
« Une indemnité compensatoire est une indemnité unique que l’autorité publique paie afin d’indemniser les dommages de capital dans le chef du propriétaire et la perte de revenus dans le chef de l’usager en raison de restrictions d’usage résultant de mesures d’intérêt général obligatoires mentionnées dans le décret. Ces mesures sont les décisions planologiques (par exemple, une modification d’affectation en zone naturelle), d’autres mesures de protection (qui vont au-delà de la qualité de base en matière d’environnement et de nature, par exemple, une interdiction d’utiliser des pesticides), des mesures d’organisation et de gestion (par exemple, une modification du niveau d’eau) et éventuellement aussi d’autres restrictions d’usage (par exemple, une servitude publique en rapport avec des sentiers de randonnée). Les indemnités compensatoires tendent à indemniser les effets préjudiciables de la politique pour le citoyen et, par la même occasion, à promouvoir l’assise sociale pour la réalisation de la politique » (Doc.
parl., Parlement flamand, 2019-2020, n° 194/1, p. 21).
B.3.3. Par la nouvelle réglementation relative à l’indemnité compensatoire, le législateur décrétal a entendu harmoniser les régimes de compensation contenus dans plusieurs décrets (Doc. parl., Parlement flamand, 2019-2020, n° 194/10, p. 7). Par cette harmonisation, il a entendu parvenir à « une seule procédure, un seul guichet de demande et une seule méthode de calcul » (ibid.). Le décret du 26 mai 2023 instaure une nouvelle réglementation pour la procédure et la méthode de calcul, mais « les conditions d’application de ces indemnités, donc l’accès à l’indemnité, restent réglées dans les diverses réglementations sectorielles » (ibid.).
Les compensations auxquelles la nouvelle réglementation est applicable sont fixées à l’article 6 du décret du 26 mai 2023, qui dispose :
« Le titre 2 du présent décret vise à aligner les indemnités compensatoires suivantes en termes de procédure et de calcul de l’indemnité, sur la base d’un cadre uniforme, transparent et équitable pour le bénéficiaire de l’indemnité compensatoire et l’initiateur :
1° l’indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale, visée à l’article 2.6.1, § 1er, du Code flamand de l’Aménagement du Territoire;
2° la compensation de modification de la destination, visée au livre 6, titre 2, du décret du 27 mars 2009 relatif à la politique foncière et immobilière;
3° la compensation en conséquence de prescriptions de protection, visée au livre 6, titre 3, du décret du 27 mars 2009 relatif à la politique foncière et immobilière;
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4° la compensation des usagers, visée au décret du 27 mars 2009 établissant un cadre pour la compensation des usagers lors de modifications d’affectation, surimpressions et servitudes d’utilité publique;
5° l’indemnité pour l’exécution d’un projet d’aménagement de la nature, visée à l’article 47, § 2, alinéa 2, du décret du 21 octobre 1997 concernant la conservation de la nature et le milieu naturel;
6° l’indemnité suite à l’insertion active dans la gestion des eaux, visée à l’article 1.3.3.3.1, § 2, du décret du 18 juillet 2003 relatif à la politique intégrée de l’eau, coordonné le 15 juin 2018;
7° l’indemnité, visée à l’article 8 du décret du 16 avril 1996 relatif aux retenues d’eau;
8° l’indemnité pour la perte de valeur des terres, visée à l’article 2.1.4 du décret du 28 mars 2014 relatif à la rénovation rurale ».
B.3.4. Dans le régime harmonisé de l’indemnité compensatoire, « il est encore établi une distinction entre les indemnités de propriétaire et les indemnités d’usager », parce qu’« il s’agit de différents types de bénéficiaires et de différentes formes de perte de valeur » (Doc. parl., Parlement flamand, 2019-2020, n° 194/10, p. 7). Cette distinction porte notamment sur le calcul de l’indemnité compensatoire.
En vertu de l’article 3, 6°, attaqué, du décret du 26 mai 2023, l’on entend par « indemnité de propriétaire » :
« la compensation d’une diminution de la valeur de propriétaire à la suite d’une restriction d’usage relevant de l’article 6, 1°, 2°, 3°, 5°, 7° et 8° ».
En vertu de l’article 3, 8°, non attaqué, du décret du 26 mai 2023, l’on entend par « indemnité d’usager » :
« la compensation d’une diminution de la valeur d’usage résultant d’une perte de revenus professionnels à la suite d’une restriction d’usage relevant de l’article 6, 4°, 5°, 6° et 8° ».
B.4.1. Les griefs des parties requérantes portent sur le calcul de l’indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale visée à l’article 2.6.1, § 1er, du Code flamand de l’aménagement du territoire, qui, en vertu de l’article 6, 1°, attaqué, du décret du 26 mai 2023, entre dans le champ d’application du nouveau régime afférent à l’indemnité compensatoire.
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B.4.2. L’article 66, attaqué, du décret du 26 mai 2023 remplace l’article 2.6.1 du Code flamand de l’aménagement du territoire comme suit :
« § 1er. Les plans d’exécution spatiaux peuvent faire naître des servitudes d’utilité publique et comporter des restrictions de propriété, y compris une interdiction de construire.
Dans les cas visés aux paragraphes 2 et 3, une interdiction de construire ou de lotir résultant de l’établissement définitif d’un nouveau plan d’exécution spatial peut donner lieu à une indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale.
§ 2. L’indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale est accordée lorsque, selon les prescriptions urbanistiques du nouveau plan d’exécution spatial applicables à une parcelle, cette parcelle n’entre plus en ligne de compte pour un permis de construire, tel que visé à l’article 4.2.1, 1°, ou de lotir, alors que, selon les prescriptions urbanistiques applicables à la parcelle et reprises aux plans d’aménagement ou plans d’exécution spatiaux en vigueur le jour précédant l’entrée en vigueur de ce plan définitif, elle entrait bien en ligne de compte pour un permis de construire ou de lotir, ou pour une décision du conseil communal de libérer tout ou partie d’une zone de réserve résidentielle telle que visée à l’article 5.6.11.
§ 3. Aucune indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale n’est due dans les cas suivants :
1° en cas d’interdiction de construire ou de lotir à la suite d’une décision d’expropriation établie et, le cas échéant, approuvée;
2° en cas d’interdiction de construire sur une superficie plus grande d’une parcelle que celle autorisée par le plan d’exécution spatial, ou en cas de lotissement, de dépasser la densité de construction déterminée par le plan;
3° en cas d’interdiction de poursuivre l’exploitation d’établissements dangereux, insalubres et incommodes à l’expiration du délai pour lequel l’autorisation écologique ou le permis d’environnement pour l’exploitation d’un établissement ou d’une activité classé(e) avait été accordé(e);
4° en cas d’interdiction de construire sur un terrain qui ne présente pas les dimensions minimales fixées dans un plan d’exécution spatial;
5° en cas d’interdiction de construire ou de lotir en dehors des agglomérations en raison d’exigences impératives de la sécurité routière;
6° en cas d’interdiction de lotir un terrain pour lequel le permis de lotir ou le permis d’environnement pour le lotissement de terrains accordé antérieurement était échu à la date de l’entrée en vigueur du plan d’exécution spatial ou du plan d’aménagement contenant l’interdiction visée;
7° en cas de refus d’une demande de modification de la fonction d’un bâtiment;
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8° si la dépréciation éligible à une indemnisation, et calculée conformément à l’article 2.6.2, § 1er, ne dépasse pas 20 % de la valeur du bien au moment de l’acquisition, actualisée jusqu’à la date de naissance du droit à l’indemnisation et majorée des charges et frais ».
B.4.3. Il découle de l’article 2.6.1 du Code flamand de l’aménagement du territoire, tel qu’il a été remplacé par l’article 66 du décret du 26 mai 2023, que l’indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale est une indemnité qui est en principe octroyée lorsque, selon les prescriptions d’urbanisme du nouveau plan d’exécution spatial, une parcelle n’entre plus en considération pour un permis de bâtir ou de lotir, alors que, selon les prescriptions d’urbanisme des plans d’aménagement ou des plans d’exécution spatiaux qui étaient applicables le jour précédant l’entrée en vigueur de ce plan définitif, cette parcelle entrait en considération pour un permis de bâtir ou de lotir ou pour une décision du conseil communal de libérer tout ou partie d’une zone de réserve résidentielle.
B.4.4. L’article 13, attaqué, du décret du 26 mai 2023 fixe le moment auquel naît le droit à une indemnité de propriétaire, et donc aussi le droit à une indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale. Cette disposition énonce :
« § 1er. Le droit à une indemnité de propriétaire naît lors de l’entrée en vigueur de prescriptions urbanistiques contraignantes d’un plan d’exécution spatial ou plan d’aménagement et de mesures de protection.
§ 2. En cas de restrictions d’usage autres que celles visées au paragraphe 1er, le droit à une indemnité de propriétaire naît au moment où la restriction d’usage prend effectivement cours sur la parcelle concernée, entraînant une diminution de la valeur du bien du bénéficiaire.
§ 3. L’exercice du droit à une indemnité de propriétaire est suspendu tant qu’un plan d’expropriation ou une décision d’expropriation s’applique au bien.
Les échéances visées à l’article 11 sont également suspendues dans le cas visé à l’alinéa 1er.
Le Gouvernement flamand peut arrêter des modalités relatives à l’application des alinéas 1er et 2 ».
B.4.5. L’article 14, attaqué, du décret du 26 mai 2023 règle le mode de calcul de l’indemnité de propriétaire, et donc aussi de l’indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale. Cet article dispose :
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« § 1er. L’indemnité de propriétaire est calculée conformément à la formule suivante :
A = B – C, où :
1° A : l’indemnité conjointe pour les titulaires d’un droit réel;
2° B : la valeur de propriétaire de la partie de la parcelle à laquelle s’applique la restriction d’usage, avant que celle-ci ne prenne effectivement cours;
3° C : la valeur de propriétaire de la partie de la parcelle à laquelle s’applique la restriction d’usage, après que celle-ci a effectivement pris cours.
§ 2. La commission foncière détermine B et C et calcule l’indemnité de propriétaire conformément à la formule visée au paragraphe 1er, dans son rapport des dommages visé à l’article 7, § 2.
§ 3. La valeur de propriétaire est la valeur vénale qui est déterminée, entre autres, à l’aide des facteurs objectifs suivants :
1° la superficie;
2° la localisation;
3° la zone d’affectation en vigueur dans le cadre de l’aménagement du territoire, en particulier la localisation dans une zone de réserve résidentielle et la perspective de développement pour cette zone de réserve résidentielle;
4° l’emplacement ou non sur une route suffisamment équipée, et la distance par rapport à cette route équipée;
5° les constructions et élévations présentes;
6° la valeur culturelle;
7° l’existence de baux ou de servitudes;
8° la valeur d’acquisition, si elle est connue;
9° le moment d’acquisition et l’affectation au moment de l’acquisition;
10° la sensibilité aux inondations, la perspective de développement approuvée par le Gouvernement flamand lorsqu’il s’agit d’une zone prédéterminée, ou la désignation comme zone d’espace ouvert vulnérable du point de vue de l’eau comme mentionné à l’article 5.6.8, § 1, du Code flamand de l’Aménagement du Territoire;
11° la nature et l’impact de la restriction d’usage;
12° la constructibilité technique;
13° l’éligibilité urbanistique à la construction.
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La localisation de la parcelle, visée à l’alinéa 1er, 2°, comme facteur objectif de détermination de la valeur est influencée en particulier par :
1° l’emplacement sur une route suffisamment équipée conformément à l’article 4.3.5, § 2, du Code flamand de l’Aménagement du Territoire;
2° l’emplacement à partir des 50 premiers mètres à partir de l’alignement dans les zones qui relèvent de l’affectation ‘ zone d’habitat ’, visée à l’article 5 de l’arrêté royal du 28 décembre 1972 relatif à la présentation et à la mise en œuvre des projets de plans et des plans de secteur, ou qui relèvent de la catégorie d’affectation ‘ habitat ’, visée à l’article 2.2.6, § 2, alinéa 2, 1°, du Code flamand de l’Aménagement du Territoire;
3° l’affectation comme zone de réserve résidentielle et la perspective de développement correspondante.
§ 4. Le Gouvernement flamand arrête les modalités relatives au calcul de l’indemnité de propriétaire en vue d’une méthodologie similaire auprès des commissions foncières.
Il détermine que les indemnités de propriétaire inférieures à un montant minimal déterminé, qui ne dépasse pas 500 euros, ne sont pas accordées. Il détermine que les subventions d’acquisition sont déduites au prorata de la durée de la subvention et des tranches déjà versées de cette subvention ».
B.4.6. Avant le décret du 26 mai 2023, le calcul de l’indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale et les cas dans lesquels il pouvait être prétendu à cette indemnisation étaient réglés aux articles 2.6.1 et 2.6.2 du Code flamand de l’aménagement du territoire. Ces articles disposaient :
« Art. 2.6.1. § 1er. [...]
§ 2. L’indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale est accordée lorsque, en vertu d’un plan d’exécution spatial entré en vigueur, une parcelle n’entre plus en ligne de compte pour un permis de construire, tel que visé à l’article 4.2.1, 1°, ou pour le lotissement de sols, alors qu’il entrait encore en ligne de compte pour un permis de construire ou pour le lotissement de sols la veille de l’entrée en vigueur de ce plan définitif.
§ 3. Pour l’application de l’indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale, les critères cumulatifs suivants doivent de surcroît être remplis la veille de l’entrée en vigueur du plan définitif :
1° la parcelle doit être située le long d’une route suffisamment équipée, conformément à l’article 4.3.5, § 1er;
2° la parcelle doit entrer en ligne de compte pour l’édification d’une construction sur le plan de l’urbanisme et de la technique de construction;
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3° la parcelle doit être située dans une zone constructible, comme définie dans un plan d’aménagement ou dans un plan d’exécution spatiale;
4° dans les zones qui relèvent de l’affectation de zone ‘ zone d’habitat ’, visée à l’article 5
de l’arrêté royal du 28 décembre 1972 relatif à la présentation et à la mise en œuvre des projets de plans et des plans de secteur, ou qui relèvent de la catégorie d’affectation de zone ‘ habitation ’, visée à l’article 2.2.6, § 2, alinéa 2, 1°, seuls les 50 premiers mètres à partir de l’alignement sont pris en compte pour les dommages résultant de la planification spatiale.
Le critère visé au premier alinéa, 1°, ne s’applique toutefois pas aux parcelles sur lesquelles sont situés les bâtiments d’entreprise et l’habitation des exploitants d’une entreprise agricole ou horticole existante.
[...] ».
« Art. 2.6.2. § 1er. La moins-value entrant en ligne de compte pour une indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale doit être estimée comme étant la différence entre la valeur du bien au moment de l’acquisition, actualisée jusqu’au jour de la naissance du droit à l’indemnisation, majorée des charges et frais, avant l’entrée en vigueur du plan d’exécution spatial et la valeur de ce bien au moment de la naissance du droit à l’indemnisation après l’entrée en vigueur de ce plan d’exécution spatial.
[...]
La valeur du bien au moment de l’acquisition est actualisée en la multipliant par l’indice des prix à la consommation du mois calendrier précédant celui pendant lequel l’indemnisation a été fixée et en divisant le nombre ainsi obtenu par l’indice moyen des prix à la consommation de l’année de l’acquisition par l’ayant droit de l’indemnité, le cas échéant, converti sur la même base que l’indice cité en premier lieu. La valeur ainsi obtenue est majorée des frais d’acquisition et des dépenses que l’ayant droit de l’indemnité a supportés en vue de la réalisation de l’affectation du bien au jour précédant l’entrée en vigueur du plan tel que visé au premier alinéa.
[...]
§ 2. L’indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale s’élève à quatre-
vingts pour cent de moins-value.
[...] ».
B.4.7. En ce qui concerne le nouveau calcul de l’indemnité de propriétaire, et donc également de l’indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale, les travaux préparatoires du décret du 26 mai 2023 mentionnent :
« Le décret relatif aux instruments uniformise le calcul de toutes les indemnités de propriétaire. [...]
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Conformément aux principes du projet de note, ces différentes indemnités compensatoires sont harmonisées, tant au niveau de la procédure qu’au niveau du calcul de l’indemnité, sur la base d’un cadre uniforme, transparent et équitable, tant pour le bénéficiaire de l’indemnité compensatoire que pour l’autorité publique.
Au paragraphe 1er, il est prévu que l’indemnité de propriétaire est calculée comme étant la différence entre la valeur de propriétaire de la partie de la parcelle sur laquelle porte la restriction d’usage avant que commence effectivement la restriction d’usage et la valeur de propriétaire de la partie de la parcelle sur laquelle porte la restriction d’usage après que cette dernière est devenue effective. Ce calcul est basé sur l’actuel mode de calcul de l’arrêté relatif à la rénovation rurale. Dès que le décret relatif aux instruments entrera en vigueur, la proportion sera toujours de 100 % de la différence de valeur, alors que, jusqu’à présent, ce rapport était de 80 % (à l’exception de l’indemnité dans le cadre de l’aménagement de la nature, qui atteignait déjà 100 %). Cette augmentation est défendable, étant donné qu’il a été décidé au niveau politique qu’un propriétaire concerné doit être intégralement indemnisé en raison de l’incidence sur le droit de propriété. L’augmentation de l’indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale de 80 à 100 % est ensuite motivée par une augmentation simultanée des plafonds de pourcentage de perception pour les bénéfices résultant de la planification spatiale, de 30 à 50 %. Cet aspect est développé dans l’exposé relatif aux articles (discussion sur les bénéfices résultant de la planification spatiale).
Ce sont les commissions foncières (territorialement compétentes) qui calculent la valeur de propriétaire et l’indemnité de propriétaire dans un rapport relatif aux dommages (paragraphe 2). Le Gouvernement flamand précisera les règles afférentes au mode de calcul uniforme et fera également une évaluation annuelle.
La valeur de propriétaire elle-même sera ensuite déterminée au paragraphe 3 comme la valeur vénale, qui est notamment fixée sur la base de treize facteurs objectifs. Ces facteurs objectifs sont énumérés dans le décret.
Plusieurs facteurs objectifs trouvent leur source dans l’article 2.1.65, § 2, du décret relatif à la rénovation rurale (relotissement légal avec remembrement planologique) [...].
Quelques facteurs sont ajoutés, lesquels seront principalement appliqués à l’indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale, étant donné qu’ils portent sur la constructibilité des parcelles : situation le long d’une voie suffisamment équipée et distance jusqu’à cette voie équipée, évaluation aquatique, constructibilité technique et urbanistique. Ces facteurs trouvent leur origine dans les actuelles dispositions relatives aux dommages résultant de la planification spatiale (Code flamand de l’aménagement du territoire).
[...]
Le législateur décrétal fait remarquer aux commissions foncières que la ‘ situation ’ est en particulier influencée par la situation le long d’une voie suffisamment équipée et par l’affectation du terrain, et, dans les zones d’habitat, il faut se demander si le terrain est situé dans les 50 premiers mètres à partir de l’alignement ou est situé plus loin et n’est donc pas immédiatement constructible. L’affectation comme zone de réserve résidentielle (et la perspective de développement qui s’ensuit) jouera également un rôle important dans la détermination de la valeur de propriétaire.
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[...] Le montant de l’indemnité de propriétaire (en ce compris l’indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale) est un choix politique, comme l’ont également indiqué les experts. Les propriétaires qui sont frappés par des mesures de l’autorité publique qui ont pour effet de faire baisser la valeur de leur propriété doivent être correctement indemnisés. Cela sera également nécessaire pour trouver une assise pour la transition en matière de construction (le ‘ bouwshift ’) et la préservation de l’espace ouvert restant.
Les commissions foncières détermineront la valeur de propriétaire avant et après l’entrée en vigueur de la restriction d’usage en se basant notamment sur treize facteurs. Afin de veiller à ce que les estimations des commissions foncières soient harmonisées sur l’ensemble du territoire flamand, le Gouvernement flamand précisera les règles dans un arrêté d’exécution, qui prévoira une méthode analogue au sein des commissions foncières en ce qui concerne ces treize facteurs et l’importance particulière de certains facteurs dans le calcul » (Doc. parl., Parlement flamand, 2019-2020, n° 194/7, pp. 70 et 71).
B.4.8. Il ressort des travaux préparatoires que le législateur décrétal a également entendu rendre les règles relatives à l’indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale plus accessibles aux propriétaires, « en remplaçant la procédure devant le tribunal de première instance par une procédure administrative » (Doc. parl., Parlement flamand, 2019-2020, n° 194/1, p. 56).
Cette procédure administrative commence par l’introduction, par la personne qui prétend à l’indemnité, d’une demande en vue d’une indemnité compensatoire auprès de l’autorité administrative responsable de la décision imposant les restrictions d’usage. Cette demande doit être introduite dans les deux ans après la naissance du droit à une indemnité compensatoire (article 11 du décret du 26 mai 2023). Ensuite, l’autorité administrative en question demande à la commission foncière territorialement compétente d’établir un rapport des dommages (article 7, § 2), ensuite de quoi l’autorité administrative établit un projet de décision sur la base de ce rapport. Le demandeur peut introduire une réclamation auprès de l’autorité administrative en question contre le projet de décision dans un délai déterminé, à défaut de quoi le projet de décision devient la décision définitive. En cas de réclamation, l’autorité administrative prend une décision définitive compte tenu du rapport des dommages et des griefs du demandeur (article 8, § 1er). Cette décision définitive peut faire l’objet d’un recours devant le juge civil (article 9).
B.4.9. Les articles 67 et 68, attaqués, du décret du 26 mai 2023 modifient les articles 2.6.2
et 2.6.3 du Code flamand de l’aménagement du territoire afin d’harmoniser ces articles avec le nouveau régime relatif aux indemnités compensatoires.
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B.5. Il ressort de ce qui précède que le nouveau régime d’indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale diffère sur plusieurs points de l’ancien régime. Ces différences portent notamment sur les éléments suivants :
- dans l’ancien régime, l’indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale devait être déterminée et octroyée par le tribunal de première instance, tandis que, dans le nouveau régime, l’indemnité est déterminée et octroyée selon une procédure administrative et la décision administrative qui résulte de cette procédure peut faire l’objet d’un recours auprès du juge civil;
- dans l’ancien régime, « la valeur du bien au moment de l’acquisition, actualisée jusqu’au jour de la naissance du droit à l’indemnisation, majorée des charges et frais, avant l’entrée en vigueur du plan d’exécution spatial » était prise en compte pour calculer l’indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale, tandis que, dans le nouveau régime, la « valeur vénale » du bien « avant que [la restriction d’usage] ne prenne effectivement cours » constitue la base et cette valeur vénale est déterminée sur la base notamment de treize facteurs objectifs;
- dans l’ancien régime, l’indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale s’élevait à 80 % de la moins-value, tandis que, dans le nouveau régime, elle atteint 100 %; et
- dans l’ancien régime, pour l’application de l’indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale, plusieurs critères devaient être remplis le jour précédant l’entrée en vigueur du plan définitif (notamment la condition selon laquelle la parcelle doit être située le long d’une voie suffisamment équipée et le critère selon lequel seuls les 50 premiers mètres à partir de l’alignement entrent en considération pour une indemnisation), tandis que, dans le nouveau régime, ces critères ne sont pas des critères d’exclusion, mais bien des facteurs objectifs qui codéterminent la valeur vénale du bien.
B.6. Les articles 69, 70 et 71, attaqués, du décret du 26 mai 2023 modifient les articles 2.6.4, 2.6.5 et 2.6.10 du Code flamand de l’aménagement du territoire. Ces articles ne portent pas sur l’indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale, mais sur la taxe sur les bénéfices résultant de la planification spatiale.
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B.7. Selon l’article 115 du décret du 26 mai 2023, le Gouvernement flamand fixe la date d’entrée en vigueur des articles attaqués.
Selon les articles 95 et 96 de l’arrêté du Gouvernement flamand du 22 mars 2024 « relatif aux instruments orientés vers la réalisation », les articles 3, 6, 13, 14, 66, 67 et 68 du décret du 26 mai 2023 entrent en vigueur le 15 avril 2024.
Quant à la recevabilité
B.8. Le Gouvernement flamand fait valoir que le recours en annulation est irrecevable en ce qu’il est dirigé contre les articles 3, 4°, 6° et 9°, 69, 70 et 71 du décret du 26 mai 2023, les parties requérantes ne développant aucun grief à l’encontre de ces articles dans leur requête. Il relève que l’article 3, 4°, 6° et 9°, du décret du 26 mai 2023 contient uniquement des définitions de plusieurs notions utilisées dans le décret et que les articles 69, 70 et 71 de ce décret portent sur les règles relatives à la taxe sur les bénéfices résultant de la planification spatiale, alors que les griefs des parties requérantes portent sur l’indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale.
B.9.1. La Cour doit déterminer l’étendue d’un recours en annulation sur la base du contenu de la requête.
La Cour peut uniquement annuler des dispositions législatives explicitement attaquées contre lesquelles des moyens sont invoqués et, le cas échéant, des dispositions qui ne sont pas attaquées mais qui sont indissociablement liées aux dispositions qui doivent être annulées.
B.9.2. Pour satisfaire aux exigences de l’article 6 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, les moyens de la requête doivent faire connaître, parmi les règles dont la Cour garantit le respect, celles qui seraient violées ainsi que les dispositions qui violeraient ces règles et exposer en quoi ces règles auraient été transgressées par ces dispositions.
B.10. La Cour examine les moyens invoqués par les parties requérantes dans la mesure où
ils satisfont aux exigences précitées.
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Dans la mesure où les moyens invoqués seraient fondés, ils peuvent donc seulement entraîner l’annulation de dispositions contre lesquelles ces moyens ont été invoqués et au sujet desquelles les parties requérantes ont exposé en quoi ces dispositions législatives violeraient les normes de référence invoquées. Les dispositions législatives qui sont indissociablement liées aux dispositions qui doivent être annulées, comme les dispositions qui définissent des notions qui sont utilisées dans les dispositions à annuler, peuvent toutefois, le cas échéant, également être annulées.
B.11. En ce que le Gouvernement flamand fait valoir, concernant le second moyen, en sa seconde branche, que la Cour n’est pas compétente pour contrôler le mode d’élaboration d’une norme législative et que cette branche est partiellement irrecevable au motif que les parties requérantes ne précisent pas quels articles des règlements européens qu’elles invoquent sont visés, l’examen des exceptions en question se confond avec l’examen du fond.
Quant au fond
En ce qui concerne le premier moyen
B.12. Le premier moyen est pris de la violation, par les articles 3, 4°, 6° et 9°, 6, 1°, 13, 14 et 66 à 71 du décret du 26 mai 2023, des articles 10, 11 et 23 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 107 et 108 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (ci-après : le TFUE), en ce qu’en raison de son mode de calcul, l’indemnité de propriétaire réglée par les dispositions attaquées constitue une aide d’État interdite au sens de l’article 107
du TFUE, en ce que cette mesure n’a, en violation de l’article 108 du TFUE, pas été notifiée à la Commission européenne et en ce que le régime attaqué entraîne une réduction significative du degré de protection de l’environnement, sans que cette réduction soit justifiée par un motif d’intérêt général.
B.13. Bien que, dans leur premier moyen, les parties requérantes invoquent notamment la violation de l’obligation de standstill contenue dans l’article 23 de la Constitution, elles
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n’indiquent pas clairement, dans le cadre de ce moyen, en quoi les dispositions attaquées violeraient cette obligation. Étant donné que, dans le second moyen, en sa première branche, elles invoquent également la violation de l’obligation de standstill contenue dans l’article 23 de la Constitution et exposent clairement, dans le cadre de ce second moyen, en quoi les dispositions attaquées violeraient cette obligation, la Cour examine la violation alléguée de l’article 23 de la Constitution dans le cadre de ce second moyen et limite son examen du premier moyen à la violation alléguée des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 107 et 108 du TFUE.
B.14.1. Les articles 10 et 11 de la Constitution ont une portée générale. Ils interdisent toute discrimination, quelle qu’en soit l’origine : les règles constitutionnelles de l’égalité et de la non-
discrimination sont applicables à l’égard de tous les droits et de toutes les libertés, en ce compris ceux résultant des conventions internationales liant la Belgique.
B.14.2. L’article 107, paragraphe 1, du TFUE dispose :
« Sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ».
L’article 108, paragraphe 3, du TFUE dispose :
« La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu’un projet n’est pas compatible avec le marché intérieur, aux termes de l’article 107, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L’État membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale ».
B.15.1. L’article 107, paragraphe 1, du TFUE prohibe, en principe, les aides accordées aux entreprises par les États, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres.
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B.15.2. Pour qu’une mesure puisse être qualifiée d’aide d’État, quatre conditions cumulatives doivent être remplies. « Premièrement, il doit s’agir d’une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État. Deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d’affecter les échanges entre États membres. Troisièmement, elle doit accorder un avantage à son bénéficiaire. Quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence »
(CJUE, 10 juin 2010, C-140/09, Fallimento Traghetti del Mediterraneo, ECLI:EU:C:2010:335, point 31).
À cet égard, selon une jurisprudence constante de la Cour de justice, « la notion d’aide est plus générale que celle de subvention, étant donné qu’elle comprend non seulement des prestations positives, telles que les subventions elles-mêmes, mais également des interventions d’État qui, sous des formes diverses, allègent les charges qui normalement grèvent le budget d’une entreprise et qui, par-là, sans être des subventions au sens strict du mot, sont de même nature et ont des effets identiques » (CJUE, 4 juin 2015, C-5/14, Kernkraftwerke Lippe-Ems GmbH c. Hauptzollamt Osnabrück, ECLI:EU:C:2015:354, point 71).
B.15.3. Il ressort également de la jurisprudence de la Cour de justice que « l’article 107, paragraphe 1, TFUE interdit les aides ‘ favorisant certaines entreprises ou certaines productions ’, c’est-à-dire les aides sélectives » et qu’en ce qui concerne « l’appréciation de la condition de sélectivité, il résulte d’une jurisprudence constante que l’article 107, paragraphe 1, TFUE impose de déterminer si, dans le cadre d’un régime juridique donné, une mesure nationale est de nature à favoriser certaines entreprises ou certaines productions par rapport à d’autres, qui se trouveraient, au regard de l’objectif poursuivi par ledit régime, dans une situation factuelle et juridique comparable » (ibid., points 73 et 74).
B.15.4. Selon la Cour de justice, les aides doivent être distinguées des dommages et intérêts :
« À cet égard, il convient de rappeler que les aides publiques, qui constituent des mesures de l’autorité publique favorisant certaines entreprises ou certains produits, revêtent une nature juridique fondamentalement différente des dommages et intérêts que les autorités nationales sont, éventuellement, condamnées à verser à des particuliers, en réparation d’un préjudice qu’elles leur ont causé. Aussi les dommages et intérêts ne constituent-ils pas des aides d’État, au sens du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 27 septembre 1988, Asteris e.a., 106/87 à
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120/87, EU:C:1988:457, points 23 et 24) » (CJUE, grande chambre, 12 janvier 2023, C-702/20
et C-17/21, « DOBELES HES » SIA, ECLI:EU:C:2023:1, point 59).
B.16.1. Il ressort des travaux préparatoires cités en B.4.7 que le législateur décrétal a voulu harmoniser « toutes les indemnités de propriétaire », en ce qui concerne la procédure de demande de ces indemnités et leur calcul, et que, pour le mode de calcul de ces indemnités, il s’est « basé sur l’actuel mode de calcul de l’arrêté relatif à la rénovation rurale ». Il a ainsi voulu créer un « cadre uniforme, transparent et équitable, tant pour le bénéficiaire de l’indemnité compensatoire que pour l’autorité publique ».
Il ressort également de ces travaux préparatoires que le législateur décrétal a considéré que « les propriétaires qui sont frappés par des mesures de l’autorité publique qui ont pour effet de faire baisser la valeur de leur propriété doivent être correctement indemnisés » et doivent plus précisément « être intégralement indemnisé[s] en raison de l’incidence sur le droit de propriété ». Selon ces travaux préparatoires, le but est notamment de trouver une « assise pour la transition en matière de construction [...] et la préservation de l’espace ouvert restant ».
B.16.2. Il apparaît ainsi que le législateur décrétal a conçu le régime attaqué comme un régime général destiné à compenser la diminution de valeur d’une propriété causée par des mesures édictées par les autorités publiques.
B.17. Le droit de propriété est garanti par l’article 16 de la Constitution, l’article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme (ci-après : le Premier Protocole additionnel) et l’article 17 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
Ainsi que la Cour l’a jugé par ses arrêts nos 140/2016 (ECLI:BE:GHCC:2016:ARR.140), 164/2016 (ECLI:BE:GHCC:2016:ARR.164) et 66/2018 (ECLI:BE:GHCC:2018:ARR.066), le seul fait que l’autorité publique impose des restrictions au droit de propriété dans l’intérêt général n’a pas pour conséquence qu’elle est tenue à indemnisation et une indemnité n’est requise que lorsque et dans la mesure où les effets de la servitude d’utilité publique excèdent la charge qui peut être imposée à un particulier dans l’intérêt général.
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Par ces arrêts, la Cour a toutefois également jugé qu’une mesure restrictive du droit de propriété qui consiste à interdire toute construction ou tout lotissement sur des parcelles qui étaient constructibles ou lotissables antérieurement affecte fondamentalement le propriétaire dans son droit de propriété.
Pareille mesure ne peut pas toujours être imposée sans indemnité raisonnable pour la moins-value de la parcelle (CEDH, 19 juillet 2011, Varfis c. Grèce, ECLI:CE:ECHR:2011:0719JUD004040908, § 30; 11 octobre 2016, Barcza e.a. c. Hongrie, ECLI:CE:ECHR:2016:1011JUD005081110, § 47). Lorsque, dans un tel cas, aucune indemnité n’est accordée, la décision doit être justifiée sur la base des particularités du cas, telles que les comportements antérieurs du propriétaire ou l’attente raisonnable qu’une telle mesure restrictive du droit de propriété soit imposée (CEDH, 13 juillet 2006, Kortessi c. Grèce, ECLI:CE:ECHR:2006:0713JUD003125904, § 40; 6 octobre 2016, Malfatto et Mielle c. France, ECLI:CE:ECHR:2016:1006JUD004088606, § 69).
B.18.1. Étant donné que le droit de propriété exige en principe qu’un propriétaire soit raisonnablement indemnisé pour la perte de valeur de sa parcelle qui découle d’une interdiction de bâtir ou de lotir, l’indemnité de propriétaire réglée dans les dispositions attaquées, dans la mesure où elle vise à indemniser les dommages résultant de la planification spatiale, doit en principe être qualifiée de dommages et intérêts que l’autorité doit payer pour le dommage qu’elle a causé.
B.18.2. Comme la Cour de justice l’a jugé dans son arrêt, cité en B.15.4, du 12 janvier 2023, les dommages et intérêts ont un caractère fondamentalement distinct d’une aide au sens de l’article 107, paragraphe 1, du TFUE.
B.19.1. Les parties requérantes font toutefois valoir que, dès lors que la Cour a jugé, par son arrêt n° 66/2018, précité, que l’ancien régime d’indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale qui, comme il est dit en B.5, prévoyait une indemnité inférieure à l’indemnité réglée dans les dispositions attaquées était en principe conforme au droit de propriété, garanti par l’article 16 de la Constitution, lu en combinaison avec l’article 1er du Premier Protocole additionnel, l’indemnité supérieure réglée par les dispositions attaquées doit
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être qualifiée de mesure allégeant les charges qui pèsent normalement sur le budget d’une entreprise. Cette indemnité serait ainsi de même nature qu’une mesure d’aide.
B.19.2. La circonstance que le législateur décrétal a prévu une indemnisation supérieure à l’ancienne indemnisation que la Cour a jugée en principe conforme au droit de propriété n’implique pas en soi que l’indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale réglée dans les dispositions attaquées ne puisse plus, dans le cadre du respect de l’article 107, paragraphe 1, du TFUE, être qualifiée de dommages et intérêts payés par l’autorité publique pour un dommage qu’elle a causé.
Par décision du 20 janvier 1999 « concernant l’acquisition de terres en vertu de la loi sur les compensations », la Commission européenne a jugé que, pour « l’indemnisation du dommage (en nature ou en espèces) subi par l’opérateur à la suite d’une expropriation ou d’une action analogue », il n’est pas question d’une action consistant à favoriser les bénéficiaires au sens de l’article 107, paragraphe 1, du TFUE « dans la mesure où le montant du dédommagement n’est pas supérieur au préjudice subi par l’opérateur économique à la suite des interventions en cause » (JO, 1999, L 107, p. 36).
En l’espèce, le législateur décrétal n’a pas prévu de dédommagement supérieur au préjudice subi par l’opérateur économique à la suite de l’intervention de l’autorité publique, de sorte qu’il n’est pas question de favoriser certaines entreprises ou productions au sens de l’article 107, paragraphe 1, du TFUE.
B.20. Le régime d’indemnisation contenu dans les dispositions attaquées est un régime de dommages et intérêts fondamentalement différent des aides visées à l’article 107, paragraphe 1, du TFUE. Ce régime, eu égard à son objectif, ne satisfait pas davantage à la sélectivité requise par la Cour de justice pour être qualifié d’aide. En effet, l’indemnité réglée par les dispositions attaquées est destinée à toutes les personnes qui satisfont aux conditions objectivement décrites dans ces dispositions, qu’il s’agisse de personnes physiques ou d’entreprises, et quel que soit le secteur auquel ces entreprises appartiennent.
B.21. La circonstance que, dans d’autres États membres de l’Union européenne, des régimes d’indemnisation moins étendus sont applicables n’est, contrairement à ce que semblent
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alléguer les parties requérantes, pas pertinente pour apprécier la compatibilité des dispositions attaquées avec l’article 107, paragraphe 1, du TFUE. Il relève en effet de l’autonomie de chaque État membre de l’Union européenne et, le cas échéant, d’une entité fédérée d’un État membre de déterminer les cas où une restriction du droit de propriété peut donner lieu à indemnisation et de régler les conditions auxquelles cette indemnisation peut être octroyée.
B.22. Il découle de ce qui précède que les dispositions attaquées ne peuvent être qualifiées d’aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, du TFUE et que la mesure contenue dans ces dispositions ne devait donc pas être communiquée à la Commission européenne avant son adoption, conformément à l’article 108, paragraphe 3, du TFUE.
B.23. Compte tenu de ce qui précède, il n’y a pas lieu d’accéder à la suggestion des parties requérantes de poser à ce sujet une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne.
B.24. Le premier moyen n’est pas fondé.
En ce qui concerne le second moyen
B.25. Le second moyen est pris de la violation, par les articles 3, 4°, 6° et 9°, 13, 14 et 66
à 71 du décret du 26 mai 2023, des articles 22 et 23, alinéa 3, 4°, de la Constitution, lus en combinaison avec l’article 7bis de la Constitution, avec le règlement (UE) 2021/1119 du Parlement européen et du Conseil du 30 juin 2021 « établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant les règlements (CE) n° 401/2009 et (UE) 2018/1999 (‘ loi européenne sur le climat ’) », avec le règlement (UE) 2018/841 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 « relatif à la prise en compte des émissions et des absorptions de gaz à effet de serre résultant de l’utilisation des terres, du changement d’affectation des terres et de la foresterie dans le cadre d’action en matière de climat et d’énergie à l’horizon 2030, et modifiant le règlement (UE) n° 525/2013 et la décision (UE) 529/2013 » (ci-après : le règlement (UE) 2018/841), avec le règlement (UE) 2018/842 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 « relatif aux réductions annuelles contraignantes des émissions de gaz à effet de serre par les États membres de 2021 à 2030 contribuant à l’action pour le climat afin de respecter les engagements pris dans le cadre de l’accord de Paris et modifiant le
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règlement (UE) n° 525/2013 » et avec le règlement (UE) 2018/1999 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 « sur la gouvernance de l’union de l’énergie et de l’action pour le climat, modifiant les règlements (CE) n° 663/2009 et (CE) n° 715/2009 du Parlement européen et du Conseil, les directives 94/22/CE, 98/70/CE, 2009/31/CE, 2009/73/CE, 2010/31/CE, 2012/27/UE et 2013/30/UE du Parlement européen et du Conseil, les directives 2009/119/CE et (UE) 2015/652 du Conseil et abrogeant le règlement (UE) n° 525/2013 du Parlement européen et du Conseil ».
B.26.1. Dans le second moyen, en sa première branche, les parties requérantes invoquent la violation de l’obligation de standstill contenue dans l’article 23, alinéa 3, 4°, de la Constitution, en ce que les dispositions attaquées font augmenter le coût lié à la préservation de l’espace ouvert, ce qui aboutit à une réduction significative du degré de protection de l’environnement, sans que cette réduction soit raisonnablement justifiée.
B.26.2. Les parties requérantes font valoir en substance que le Gouvernement flamand s’est fixé pour objectif, dans le livre blanc « Beleidsplan Ruimte Vlaanderen » (Plan de politique spatiale de la Flandre) du 30 novembre 2016, de limiter l’utilisation de nouveaux espaces pour 2025 et de l’exclure entièrement pour 2040, et qu’il est nécessaire, afin d’atteindre ces objectifs, de diminuer le nombre de zones d’habitat et de zones de réserve résidentielle, cette diminution s’accompagnant d’une indemnisation des propriétaires concernés conformément aux dispositions attaquées. Étant donné que le coût lié à la transformation de zones d’habitat et de réserve résidentielle en espaces ouverts augmente du fait des dispositions attaquées, ces dispositions empêchent selon elles les autorités locales d’atteindre les objectifs politiques précités en matière de préservation de l’espace ouvert, ce qui aboutit, à leur estime, à une réduction significative du degré de protection de l’environnement, sans que cette réduction soit raisonnablement justifiée.
B.27.1. L’article 23 de la Constitution dispose :
« Chacun a le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine.
À cette fin, la loi, le décret ou la règle visée à l’article 134 garantissent, en tenant compte des obligations correspondantes, les droits économiques, sociaux et culturels, et déterminent les conditions de leur exercice.
Ces droits comprennent notamment :
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[...]
4° le droit à la protection d’un environnement sain;
[...] ».
B.27.2. L’article 23 de la Constitution contient une obligation de standstill qui interdit au législateur compétent de réduire significativement, sans justification raisonnable, le degré de protection offert par la législation applicable.
B.28.1. En prévoyant un nouveau régime relatif à l’indemnisation des propriétaires qui sont confrontés à une interdiction de bâtir ou de lotir sur une parcelle qui était précédemment constructible ou lotissable, le législateur décrétal ne modifie pas en soi l’affectation des parcelles situées en Région flamande telle qu’elle est fixée dans des plans ayant une portée normative. Comme il est dit en B.2, le décret du 26 mai 2023 ne porte pas sur les « plans ou autres instruments réglementaires, tels un plan d’aménagement de la nature ou une délimitation du Vlaams Ecologisch Netwerk (Réseau écologique flamand) ».
B.28.2. S’il fallait admettre que les dispositions attaquées, en raison du coût lié à l’indemnisation des dommages résultant de la planification spatiale, sont susceptibles de décourager les autorités locales de transformer des parcelles planologiquement affectées à l’habitat en parcelles destinées à l’« espace ouvert » en adoptant ou modifiant un plan d’exécution spatial, ces dispositions pourraient avoir pour effet qu’aucune parcelle supplémentaire ne soit affectée à l’« espace ouvert » dans les plans ayant une portée normative.
Toutefois, les dispositions attaquées ne sauraient en soi causer une diminution de la superficie totale en Région flamande, telle qu’elle existait avant l’adoption de ces dispositions, des parcelles planologiquement affectées à l’« espace ouvert ».
B.28.3. La conservation de la superficie existante des parcelles qui sont affectées à l’« espace ouvert » en vertu de plans ayant une portée normative, sans diminution de cette superficie, ne saurait en soi être qualifiée de réduction significative du degré de protection de l’environnement, au sens de l’obligation de standstill contenue dans l’article 23 de la Constitution.
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Il ne pourrait en aller autrement que si les dispositions attaquées remettaient en cause une augmentation du degré de protection prévu par la législation applicable.
B.28.4. Comme il est dit en B.27.2, la réduction significative du degré de protection doit être appréciée, dans le cadre de l’obligation de standstill contenue dans l’article 23 de la Constitution, à la lumière du degré de protection existant « offert par la législation applicable ».
En ce que les parties requérantes font référence au livre blanc « Beleidsplan Ruimte Vlaanderen », dans lequel est formulé l’objectif consistant à limiter l’utilisation de nouveaux espaces pour 2025 et à l’exclure pour 2040, il convient de constater que ce document contient uniquement des objectifs politiques et n’a pas de portée normative, même indicative. Le livre blanc « Beleidsplan Ruimte Vlaanderen » et les objectifs qu’il contient ne peuvent dès lors être considérés, dans le cadre de l’obligation de standstill contenue dans l’article 23 de la Constitution, comme relevant du degré de protection existant « offert par la législation applicable ». La circonstance que les dispositions attaquées pourraient, comme le font valoir les parties requérantes, entraver la réalisation des objectifs formulés dans le livre blanc « Beleidsplan Ruimte Vlaanderen » ne peut dès lors être considérée comme une réduction significative du degré de protection de l’environnement « offert par la législation applicable », au sens de l’obligation de standstill contenue dans l’article 23 de la Constitution.
B.29. Le second moyen, en sa première branche, n’est pas fondé.
B.30. Dans le second moyen, en sa seconde branche, les parties requérantes invoquent la violation, par les dispositions attaquées, des articles 22 et 23, alinéa 3, 4°, de la Constitution, lus en combinaison avec l’article 7bis de la Constitution et avec les règlements européens mentionnés au moyen, en ce que le législateur décrétal n’a pas expressément motivé dans quelle mesure les dispositions attaquées permettent d’atteindre les objectifs climatiques de l’Union européenne dans le contexte du secteur de l’affectation des sols.
Les parties requérantes font valoir en substance que les normes de référence précitées obligent le législateur décrétal, avant qu’il adopte les dispositions attaquées, à motiver
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expressément, dans l’exposé des motifs, dans quelle mesure ces dispositions permettent d’atteindre les objectifs climatiques de l’Union européenne.
B.31.1. Comme le fait valoir le Gouvernement flamand, les parties requérantes ne précisent pas, dans leur requête, de quelle(s) disposition(s) des règlements européens qu’elles citent découlerait une obligation pour le législateur décrétal de motiver expressément, dans l’exposé des motifs, avant d’adopter les dispositions attaquées, dans quelle mesure ces dispositions permettent d’atteindre les objectifs climatiques de l’Union européenne dans le contexte du secteur de l’affectation des sols.
Bien que les parties requérantes fassent valoir dans leur mémoire en réponse que l’obligation de motivation précitée découle de l’article 2 du règlement (UE) 2018/841, lu en combinaison avec les dispositions constitutionnelles citées au moyen, il convient de constater que cet article 2 règle uniquement le champ d’application de ce règlement, sans prévoir une obligation pour les législateurs des États membres de l’Union européenne de motiver expressément cette législation avant de l’adopter.
B.31.2. Le second moyen, en sa seconde branche, est irrecevable en ce qu’il est pris de la violation des règlements européens mentionnés au moyen.
B.32. En ce qui concerne la violation alléguée des articles 22 et 23, alinéa 3, 4°, de la Constitution, lus en combinaison avec l’article 7bis de la Constitution, il suffit de constater, sans qu’il soit nécessaire d’examiner l’exception du Gouvernement flamand relative à l’incompétence de la Cour pour contrôler l’élaboration de la législation, que ces dispositions constitutionnelles ne permettent pas de déduire une obligation pour le législateur décrétal de motiver expressément, avant d’adopter les dispositions attaquées, dans quelle mesure ces dispositions permettent d’atteindre les objectifs climatiques de l’Union européenne dans le contexte du secteur de l’affectation des sols.
B.33. Dans la mesure où il est recevable, le second moyen, en sa seconde branche, n’est pas fondé.
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Par ces motifs,
la Cour
rejette le recours.
Ainsi rendu en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l’article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 19 décembre 2024.
Le greffier, Le président,
Frank Meersschaut Luc Lavrysen


Synthèse
Numéro d'arrêt : 158/2024
Date de la décision : 19/12/2024
Type d'affaire : Droit constitutionnel

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2025
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.constitutionnel;arret;2024-12-19;158.2024 ?

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