Cour constitutionnelle
Arrêt n° 133/2024
du 21 novembre 2024
Numéro du rôle : 8096
En cause : la question préjudicielle relative à l’article 3, 3°, de la loi du 26 mai 2002
« concernant le droit à l’intégration sociale », tel que modifié par la loi du 21 juillet 2016
« modifiant la loi du 26 mai 2002 concernant le droit à l’intégration sociale », posée par le Tribunal du travail du Brabant wallon, division de Wavre.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents Pierre Nihoul et Luc Lavrysen, et des juges Thierry Giet, Joséphine Moerman, Michel Pâques, Yasmine Kherbache, Danny Pieters, Sabine de Bethune, Emmanuelle Bribosia, Willem Verrijdt, Kattrin Jadin et Magali Plovie, assistée du greffier Frank Meersschaut, présidée par le président Pierre Nihoul,
après en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant :
I. Objet de la question préjudicielle et procédure
Par jugement du 20 octobre 2023, dont l’expédition est parvenue au greffe de la Cour le 26 octobre 2023, le Tribunal du travail du Brabant wallon, division de Wavre, a posé la question préjudicielle suivante :
« L’article 3 3° de la loi du 26/5/2002 concernant le droit à l’intégration sociale, tel que modifié par l’article 2 de la loi du 21/7/2016 modifiant la loi du 26 mai 2002 concernant le droit à l’intégration sociale, viole-t-il les articles 10, 11, 22 et 23 de la Constitution lus isolément ou en combinaison avec l’article 29 de la Directive 2011/95/UE et l’article 13 de la Directive 2001/55/CE, en ce qu’il limite la protection sociale des bénéficiaires de la protection temporaire à l’aide sociale prévue par la loi du 8/7/1976, la conditionnant ainsi à la démonstration objective d’un état de besoin alors que les bénéficiaires de la protection subsidiaire peuvent bénéficier du droit à l’intégration sociale, sans devoir démontrer cet état de besoin, traitant de la sorte d’une façon différente des catégories de personnes, qui, in fine, sont considérés, toutes deux principalement, comme des étrangers fuyant un conflit et sont exposés dans leur pays d’origine à des risques graves (victimes de violations graves et répétées des droits de l’homme), et dès lors se trouvent dans une situation essentiellement similaire ? ».
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Le Conseil des ministres, assisté et représenté par Me Philippe Schaffner, avocat au barreau de Bruxelles, a introduit un mémoire.
Par ordonnance du 25 septembre 2024, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteurs Magali Plovie et Willem Verrijdt, a décidé que l’affaire était en état, qu’aucune audience ne serait tenue, à moins que le Conseil des ministres n’ait demandé, dans le délai de sept jours suivant la réception de la notification de cette ordonnance, à être entendu, et qu’en l’absence d’une telle demande, les débats seraient clos à l’expiration de ce délai et l’affaire serait mise en délibéré.
Aucune demande d’audience n’ayant été introduite, l’affaire a été mise en délibéré.
Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives à la procédure et à l’emploi des langues ont été appliquées.
II. Les faits et la procédure antérieure
La partie demanderesse devant la juridiction a quo, de nationalité ukrainienne, a fui l’Ukraine en raison du conflit armé en cours et est arrivée en Belgique le 12 mars 2022. Elle bénéficie d’une attestation de protection temporaire et d’une carte A l’autorisant à séjourner sur le territoire belge du 4 mars 2022 au 4 mars 2023, renouvelable jusqu’au 4 mars 2024.
Le centre public d’action sociale (ci-après : le CPAS) de Rixensart octroie à la partie demanderesse devant la juridiction a quo une aide sociale équivalente au revenu d’intégration sociale au taux isolé à partir du 28 mars 2022.
Le 20 août 2022, la partie demanderesse devant la juridiction a quo déménage à La Hulpe où elle vit en colocation. Elle introduit une demande d’aide sociale équivalente au revenu d’intégration sociale auprès du CPAS
de La Hulpe.
Non informé de ce déménagement, le CPAS de Rixensart continue de verser à la partie demanderesse devant la juridiction a quo l’aide sociale précitée jusqu’en septembre 2022.
Le 28 août 2022, la partie demanderesse devant la juridiction a quo informe le CPAS de La Hulpe qu’elle doit partir en Ukraine pour quelques semaines. Elle rentre en Belgique le 25 septembre 2022.
Par une décision du 15 septembre 2022, le CPAS de La Hulpe refuse d’octroyer à la partie demanderesse devant la juridiction a quo l’aide sociale équivalente au revenu d’intégration sociale ou le revenu d’intégration sociale au taux cohabitant à partir du 22 août 2022, au motif qu’en raison de son départ pour l’Ukraine, elle n’établit pas sa résidence sur le territoire belge.
Par une décision du 22 septembre 2022, le CPAS de Rixensart supprime l’aide sociale équivalente au revenu d’intégration sociale au taux isolé à partir du 22 août 2022 et réclame le remboursement de l’aide perçue indûment entre cette date et le 30 septembre 2022.
Le 30 septembre 2022, la partie demanderesse devant la juridiction a quo introduit une nouvelle demande d’aide sociale équivalente au revenu d’intégration sociale auprès du CPAS de La Hulpe.
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Par une décision du 27 octobre 2022, le CPAS de La Hulpe octroie à la partie demanderesse devant la juridiction a quo une aide sociale équivalente au revenu d’intégration sociale au taux cohabitant à partir du 30 septembre 2022.
Par une décision du 16 décembre 2022, le CPAS de La Hulpe refuse de faire droit à la demande de la partie demanderesse devant la juridiction a quo de lui octroyer une aide sociale équivalente au revenu d’intégration sociale au taux cohabitant entre le 22 août 2022 et le 29 septembre 2022.
La partie demanderesse introduit un recours devant la juridiction a quo contre les décisions du CPAS de La Hulpe du 15 septembre 2022 et du 16 décembre 2022 précitées. Elle demande, à titre principal, à bénéficier du droit à l’intégration sociale organisé par la loi du 26 mai 2002 « concernant le droit à l’intégration sociale » (ci-
après : la loi du 26 mai 2002). Ce n’est qu’à titre subsidiaire qu’elle sollicite le bénéfice de l’aide sociale équivalente au revenu d’intégration sociale.
La juridiction a quo constate que, pour bénéficier de l’aide sociale équivalente au revenu d’intégration sociale, le demandeur doit objectiver son état de besoin, alors qu’il ne doit pas apporter une telle preuve pour bénéficier du droit à l’intégration sociale; que le droit à l’intégration sociale a été étendu aux étrangers bénéficiant d’une protection subsidiaire par la loi du 21 juillet 2016 « modifiant la loi du 26 mai 2002 concernant le droit à l’intégration sociale » (ci-après : la loi du 21 juillet 2016); que le statut du bénéficiaire de protection subsidiaire et le statut du bénéficiaire de la protection temporaire présentent des caractéristiques similaires; et que la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 « concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection (refonte) » (ci-après : la directive 2011/95/UE) et la directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 « relative à des normes minimales pour l’octroi d’une protection temporaire en cas d’afflux massif de personnes déplacées et à des mesures tendant à assurer un équilibre entre les efforts consentis par les États membres pour accueillir ces personnes et supporter les conséquences de cet accueil » (ci-après : la directive 2001/55/CE) visent l’une et l’autre à garantir à leurs bénéficiaires une protection sociale suffisante. Après avoir observé que les travaux préparatoires de la loi du 21 juillet 2016 ne permettent pas de comprendre la raison pour laquelle le législateur a exclu les bénéficiaires de la protection temporaire du droit à l’intégration sociale, la juridiction a quo pose à la Cour la question préjudicielle reproduite ci-dessus.
Dans l’attente de l’arrêt de la Cour, la juridiction a quo condamne à titre provisoire et avant dire droit le CPAS de La Hulpe à octroyer à la partie demanderesse devant elle une aide équivalente au revenu d’intégration sociale au taux isolé.
III. En droit
-A–
A.1.1. Le Conseil des ministres fait valoir que la question préjudicielle est irrecevable en ce qu’elle vise l’article 29 de la directive 2011/95/UE et l’article 13 de la directive 2001/55/CE, dès lors que ces dispositions sont dépourvues d’effet direct. Il observe que ces dispositions ont été transposées, respectivement, par l’article 3, 3°, de la loi du 26 mai 2002 et par la loi du 8 juillet 1976 organique des centres publics d’action sociale (ci-après : la loi du 8 juillet 1976).
A.1.2. Le Conseil des ministres soutient, à titre principal, que les bénéficiaires de la protection subsidiaire et les bénéficiaires de la protection temporaire ne se trouvent pas dans des situations suffisamment comparables, dès lors qu’ils sont soumis à des régimes juridiques distincts, tant au niveau européen qu’au niveau belge.
Le statut de la protection subsidiaire est permanent. Il est accordé à l’étranger qui ne peut être considéré comme un réfugié et qui ne peut pas bénéficier de l’article 9ter de la loi du 15 décembre 1980 « sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers » (ci-après : la loi du 15 décembre 1980) et à
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l’égard duquel il y a de sérieux motifs de croire que, s’il était renvoyé dans son pays d’origine, il encourrait un risque réel de subir des atteintes graves à sa personne (articles 48/4 et 49/2 de la même loi). Au terme de cinq années de séjour, les bénéficiaires de la protection subsidiaire disposent d’un droit de séjour illimité, sans passer par les procédures classiques du droit des étrangers pour obtenir un titre de séjour. C’est pour ces motifs que le législateur a estimé que les bénéficiaires de la protection subsidiaire devaient être traités comme les réfugiés sur le plan du droit à l’intégration sociale.
Le statut de la protection temporaire n’a qu’une durée limitée et intervient au terme d’une procédure exceptionnelle. L’ouverture du droit à la protection temporaire suppose, d’une part, un afflux massif ou un afflux massif imminent de personnes déplacées vers les États membres de l’Union européenne et, d’autre part, que cet afflux soit constaté par une décision du Conseil de l’Union européenne (article 57/29, § 1er, de la loi du 15 décembre 1980). La protection temporaire repose sur le postulat qu’une fois le conflit terminé, les personnes qui bénéficient de ce statut retourneront en principe dans leur pays d’origine. S’ils souhaitent rester en Belgique, ils devront introduire les procédures classiques du droit des étrangers pour obtenir un titre de séjour. À défaut d’introduire de telles procédures ou d’obtenir satisfaction au terme de celles-ci, les anciens bénéficiaires de la protection temporaire seront susceptibles de faire l’objet d’un ordre de quitter le territoire.
Selon le Conseil des ministres, il s’ensuit que la question préjudicielle n’appelle pas de réponse.
A.1.3. À titre subsidiaire, le Conseil des ministres fait valoir que la différence de traitement en cause repose sur le statut du séjour des étrangers, qui est un critère objectif, comme la Cour l’a déjà admis par son arrêt n° 112/2019 du 18 juillet 2019 (ECLI:BE:GHCC:2019:ARR.112). Il ressort des articles 13, 17 et 19 de la directive 2001/55/CE qu’un régime distinct peut être réservé aux bénéficiaires de la protection temporaire. Le même raisonnement doit être appliqué en droit belge.
Ce critère est pertinent au regard du but poursuivi par le législateur de conférer aux personnes qui bénéficient d’une protection subsidiaire un droit à l’intégration sociale identique à celui des réfugiés visés par l’article 49 de la loi du 15 décembre 1980. Ces deux catégories de personnes sont dans des situations similaires, en ce qu’elles disposent d’un titre de séjour limité, appelé à devenir illimité. Compte tenu de cette circonstance et du lien suffisant qui les rattache à la Belgique, il est raisonnablement justifié de les assimiler à des personnes de nationalité belge en ce qui concerne le droit à l’intégration sociale.
Se référant à l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 6 septembre 2017 en cause de République slovaque et Hongrie c. Conseil de l’Union européenne (grande chambre, C-643/15 et C-647/15, ECLI:EU:C:2017:631, point 257), le Conseil des ministres soutient que le choix d’accorder une protection internationale plutôt qu’un statut conférant des droits plus limités, tel que celui de la protection temporaire prévu par la directive 2001/55/CE, est un choix politique et qu’il n’appartient pas à la Cour d’en contrôler l’opportunité.
La différence de traitement entre les bénéficiaires de la protection subsidiaire et les bénéficiaires de la protection temporaire en ce qui concerne le droit à l’intégration sociale est justifiée au regard du but de l’article 3, 3°, de la loi du 26 mai 2002, qui est d’assurer un droit à l’intégration sociale aux catégories de personnes qui peuvent être assimilées aux personnes de nationalité belge. Tel n’est pas le cas des bénéficiaires de la protection temporaire, dès lors qu’ils disposent uniquement d’un droit de séjour limité, qui ne peut pas devenir illimité.
La circonstance que les bénéficiaires de la protection temporaire pourraient, par ailleurs, se voir offrir la protection subsidiaire n’y change rien. Ils bénéficieront du droit à l’intégration sociale lorsqu’ils bénéficieront, le cas échéant, de ce statut. Le Conseil des ministres observe par ailleurs que la question préjudicielle ne porte pas sur la constitutionnalité de la suspension du traitement des demandes de protection internationale pendant la durée de la protection temporaire, suspension qui résulte d’une disposition étrangère à la disposition en cause.
Enfin, les bénéficiaires de la protection temporaire bénéficient d’une protection sociale suffisante, dès lors qu’ils ont droit à l’aide sociale en vertu de l’article 1er de la loi du 8 juillet 1976. Le droit à l’intégration sociale et le droit à l’aide sociale ne sont par ailleurs pas absolus et sont résiduaires. Si, contrairement à l’aide sociale au sens de la loi du 8 juillet 1976, la loi du 26 mai 2002 ne subordonne pas l’octroi du droit à l’intégration sociale à la condition de prouver un état de besoin ni ne fait référence à une forme de violation de la dignité humaine, il faut
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néanmoins que le demandeur ne possède pas les ressources suffisantes afin de mener une vie conforme à la dignité humaine et qu’il ait, au préalable, épuisé les possibilités d’acquérir un revenu (article 3, 4°, de la loi du 26 mai 2002). Selon le Conseil des ministres, il s’ensuit que les conséquences concrètes de la différence de traitement dénoncée doivent être nuancées et que celle-ci n’entraîne pas des effets disproportionnés.
Il conclut que la disposition en cause ne viole ni les articles 10 et 11 de la Constitution, ni, par identité de motifs, les articles 22 et 23 de la Constitution.
-B-
Quant à la disposition en cause et à son contexte
B.1. La question préjudicielle porte sur la compatibilité de l’article 3, 3°, de la loi du 26 mai 2002 « concernant le droit à l’intégration sociale » (ci-après : la loi du 26 mai 2002), tel qu’il a été modifié par l’article 2 de la loi du 21 juillet 2016 « modifiant la loi du 26 mai 2002
concernant le droit à l’intégration sociale » (ci-après : la loi du 21 juillet 2016), avec les articles 10, 11, 22 et 23 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec l’article 29 de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 « concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection (refonte) » (ci-après : la directive 2011/95/UE) et avec l’article 13 de la directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 « relative à des normes minimales pour l’octroi d’une protection temporaire en cas d’afflux massif de personnes déplacées et à des mesures tendant à assurer un équilibre entre les efforts consentis par les États membres pour accueillir ces personnes et supporter les conséquences de cet accueil » (ci-après : la directive 2001/55/CE).
La juridiction a quo demande si l’article 3, 3°, de la loi du 26 mai 2002 est compatible avec les normes de contrôle précitées, en ce qu’il introduit une différence de traitement entre, d’une part, les étrangers bénéficiaires de la protection temporaire, qui ont uniquement droit à l’aide sociale fondée sur la loi du 8 juillet 1976 organique des centres publics d’action sociale (ci-
après : la loi du 8 juillet 1976), conditionnée à « la démonstration objective d’un état de
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besoin », et, d’autre part, les étrangers bénéficiaires de la protection subsidiaire, qui ont droit à l’intégration sociale prévue par la loi du 26 mai 2002, « sans devoir démontrer cet état de besoin ».
Il ressort de la formulation de la question préjudicielle et des motifs de la décision de renvoi que la question préjudicielle doit être interprétée en ce sens qu’elle porte sur la non-inclusion des étrangers bénéficiaires de la protection temporaire parmi les bénéficiaires du droit à l’intégration sociale. La différence de traitement soumise au contrôle de la Cour consiste en ce que les étrangers bénéficiaires de la protection subsidiaire ont droit à l’intégration sociale et en particulier au revenu d’intégration, alors que les bénéficiaires de la protection temporaire n’ont pas droit à l’intégration sociale mais uniquement à l’aide sociale et, en particulier, à une « aide sociale [financière] équivalente au revenu d’intégration ».
B.2.1. La loi du 26 mai 2002 abroge la loi du 7 août 1974 « instituant le droit à un minimum de moyens d’existence » (article 54), remplace celui-ci par le droit à l’intégration sociale et charge les centres publics d’action sociale d’assurer ce droit (article 2, alinéa 2).
B.2.2. La loi du 26 mai 2002 accorde, sous certaines conditions, un revenu d’intégration à des personnes ne disposant pas de ressources suffisantes, pour leur permettre de mener une vie conforme à la dignité humaine. Le droit à l’intégration sociale peut aussi prendre la forme d’un emploi et peut être assorti d’un projet individualisé d’intégration sociale (article 2, alinéa 1er).
B.2.3. L’article 3, 3°, de la loi du 26 mai 2002 liste les bénéficiaires de ce droit.
En vertu du sixième tiret inséré dans cette disposition par l’article 2 de la loi du 21 juillet 2016, les bénéficiaires de la protection subsidiaire peuvent bénéficier du droit à l’intégration sociale. L’article 3, 3°, sixième tiret, de la loi du 26 mai 2002 dispose :
« Pour pouvoir bénéficier du droit à l’intégration sociale, la personne doit simultanément et sans préjudice des conditions spécifiques prévues par cette loi :
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[...]
3° appartenir à une des catégories de personnes suivantes :
[...]
- soit bénéficier de la protection subsidiaire au sens de l’article 49/2 de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers ».
B.3. La protection subsidiaire et la protection temporaire sont deux statuts issus du droit de l’Union européenne.
B.4.1. La directive 2011/95/UE vise à établir des normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés et les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire et au contenu de cette protection (article 1er).
L’article 2, point a), de la directive 2011/95/UE définit la « protection internationale »
comme « le statut de réfugié et le statut conféré par la protection subsidiaire définis aux points e) et g) ».
L’article 2, point e), de la même directive définit le « statut de réfugié » comme « la reconnaissance, par un État membre, de la qualité de réfugié pour tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride ».
L’article 2, point f), de la même directive définit la « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire » comme « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 15, l’article 17, paragraphes 1 et 2, n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».
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Le statut de protection subsidiaire concerne les personnes qui ne peuvent prétendre au statut de réfugié mais qui, pour d’autres raisons que celles qui sont énumérées par la Convention internationale relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 (ci-après : la Convention relative au statut des réfugiés), bénéficient d’une protection internationale parce qu’elles courent un risque réel, si elles sont renvoyées dans leur pays d’origine ou dans le pays où elles résidaient habituellement, de subir des atteintes graves au sens de l’article 15 de la directive 2011/95/UE, notamment des traitements inhumains ou dégradants au sens de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Cette directive, qui fait de la Convention relative au statut des réfugiés la pierre angulaire du régime juridique international de protection des réfugiés (considérant n° 4), complète la protection prévue par cette Convention par une protection subsidiaire (considérant n° 33). Elle prévoit que les États membres délivrent aux bénéficiaires de la protection subsidiaire un titre de séjour d’une durée minimale d’un an renouvelable (article 24, paragraphe 2) et que, sauf indication contraire, les dispositions définissant le contenu de la protection internationale s’appliquent à la fois aux réfugiés et aux personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire (article 20, paragraphe 2).
L’article 29 de la directive 2011/95/UE prévoit ce qui suit à propos de la protection sociale des bénéficiaires d’une protection internationale :
« 1. Les États membres veillent à ce que les bénéficiaires d’une protection internationale reçoivent, dans l’État membre ayant octroyé ladite protection, la même assistance sociale nécessaire que celle prévue pour les ressortissants de cet État membre.
2. Par dérogation à la règle générale énoncée au paragraphe 1, les États membres peuvent limiter aux prestations essentielles l’assistance sociale accordée aux bénéficiaires du statut conféré par la protection subsidiaire, ces prestations essentielles étant servies au même niveau et dans les mêmes conditions d’accès que ceux applicables à leurs propres ressortissants ».
B.4.2. En droit belge, le statut de protection subsidiaire est régi par l’article 48/4 de la loi du 15 décembre 1980 « sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers » (ci-après : la loi du 15 décembre 1980), qui dispose :
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« § 1er. Le statut de protection subsidiaire est accordé à l’étranger qui ne peut être considéré comme un réfugié et qui ne peut pas bénéficier de l’article 9ter, et à l’égard duquel il y a de sérieux motifs de croire que, s’il était renvoyé dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, il encourrait un risque réel de subir les atteintes graves visées au paragraphe 2, et qui ne peut pas ou, compte tenu de ce risque, n’est pas disposé à se prévaloir de la protection de ce pays et ce, pour autant qu’il ne soit pas concerné par les clauses d’exclusion visées à l’article 55/4.
§ 2. Sont considérées comme atteintes graves :
a) la peine de mort ou l’exécution; ou
b) la torture ou les traitements ou sanctions inhumains ou dégradants du demandeur dans son pays d’origine; ou
c) les menaces graves contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
Le statut de protection subsidiaire permet à celui qui en bénéficie de disposer d’un titre de séjour pour une durée d’un an, renouvelable pendant cinq ans; au-delà de cette période de cinq ans, l’intéressé est admis au séjour pour une durée illimitée (article 49/2, §§ 2 et 3, de la loi du 15 décembre 1980) mais le statut de protection subsidiaire est appelé à prendre fin lorsque les circonstances qui ont justifié son octroi viennent à disparaître (article 55/5).
Une demande de reconnaissance du statut de protection subsidiaire se fait sous la forme d’une demande de protection internationale. Cette demande est d’office examinée d’abord au regard de la Convention relative au statut des réfugiés, puis au regard du statut de la protection subsidiaire (article 49/3 de la même loi).
B.5.1. La directive 2001/55/CE vise à instaurer des normes minimales pour l’octroi d’une protection temporaire en cas d’afflux massif de personnes déplacées en provenance de pays tiers et qui ne peuvent rentrer dans leur pays d’origine, et à contribuer à un équilibre entre les efforts consentis par les États membres pour accueillir ces personnes et supporter les conséquences de cet accueil.
L’article 2, point a), de cette directive définit la « protection temporaire » comme « une procédure de caractère exceptionnel assurant, en cas d’afflux massif ou d’afflux massif imminent de personnes déplacées en provenance de pays tiers qui ne peuvent rentrer dans leur
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pays d’origine, une protection immédiate et temporaire à ces personnes, notamment si le système d’asile risque également de ne pouvoir traiter cet afflux sans provoquer d’effets contraires à son bon fonctionnement, dans l’intérêt des personnes concernées et celui des autres personnes demandant une protection ».
L’article 13 de cette directive dispose :
« 1. Les États membres veillent à ce que les bénéficiaires de la protection temporaire aient accès à un hébergement approprié ou reçoivent, le cas échéant, les moyens de se procurer un logement.
2. Les États membres prévoient que les bénéficiaires de la protection temporaire reçoivent le soutien nécessaire en matière d’aide sociale et de subsistance, lorsqu’ils ne disposent pas de ressources suffisantes, ainsi que de soins médicaux. Sans préjudice du paragraphe 4, le soutien nécessaire en matière de soins médicaux comprend au moins les soins d’urgence et le traitement médical essentiel.
3. Lorsque les bénéficiaires exercent une activité salariée ou non salariée, il est tenu compte, lors de la fixation du niveau de l’aide envisagée, de leur capacité à subvenir à leurs besoins.
4. Les États membres prévoient l’aide nécessaire, médicale ou autre, en faveur des bénéficiaires de la protection temporaire ayant des besoins particuliers, tels que les mineurs non accompagnés ou les personnes qui ont subi des tortures, des viols ou d’autres formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle ».
B.5.2. Le 4 mars 2022, le Conseil a adopté la décision d’exécution (UE) 2022/382
« constatant l’existence d’un afflux massif de personnes déplacées en provenance d’Ukraine, au sens de l’article 5 de la directive 2001/55/CE, et ayant pour effet d’introduire une protection temporaire ».
Conformément à l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2001/55/CE, la protection temporaire a d’abord été appliquée pour une durée initiale d’un an, jusqu’au 4 mars 2023, puis a été automatiquement prorogée d’une année supplémentaire, jusqu’au 4 mars 2024.
Conformément à l’article 4, paragraphe 2, de la même directive, la protection temporaire a ensuite été prolongée jusqu’au 4 mars 2025 par la décision d’exécution (UE) 2023/2409 du Conseil du 19 octobre 2023 « prorogeant la protection temporaire introduite par la décision d’exécution (UE) 2022/382 », puis jusqu’au 4 mars 2026 par la décision d’exécution (UE) 2024/1836 du Conseil du 25 juin 2024 portant le même intitulé.
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B.5.3. La directive 2001/55/CE a été transposée en droit belge aux articles 57/29 à 57/36
de la loi du 15 décembre 1980, tels qu’ils ont été introduits par la loi du 18 février 2003
« modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers (1) ».
L’article 57/29 de la loi du 15 décembre 1980 dispose :
« § 1. En cas d’afflux massif ou d’afflux massif imminent de personnes déplacées vers les Etats membres de l’Union européenne, constaté par une décision du Conseil de l’Union européenne prise en application de la directive 2001/55/CE du Conseil de l’Union européenne du 20 juillet 2001, relative à des normes minimales pour l’octroi d’une protection temporaire en cas d’afflux massif de personnes déplacées et à des mesures tendant à assurer un équilibre entre les efforts consentis par les Etats membres pour accueillir ces personnes et supporter les conséquences de cet accueil, les personnes qui appartiennent aux groupes spécifiques décrits par cette décision bénéficient, à partir de la date fixée par celle-ci, d’une protection temporaire.
§ 2. Sous réserve de l’application de l’article 57/32 et à moins qu’une décision du Conseil de l’Union européenne adoptée conformément à la directive 2001/55/CE du Conseil de l’Union européenne du 20 juillet 2001 visée au § 1, ne mette fin à la protection temporaire antérieurement, celle-ci est accordée aux personnes visées pour une période d’un an à partir de la date de mise en œuvre de la protection temporaire et est prorogée automatiquement, par période de six mois, pour une seconde période d’un an.
Cette période totale de deux ans peut être prorogée par une nouvelle décision du Conseil de l’Union européenne adoptée conformément à la directive 2001/55/CE du Conseil de l’Union européenne du 20 juillet 2001 visée au § 1, pour une nouvelle période d’un an au maximum ».
Quant à la recevabilité
B.6. Selon le Conseil des ministres, la question préjudicielle est irrecevable en ce qu’elle vise l’article 29 de la directive 2011/95/UE et l’article 13 de la directive 2001/55/CE.
B.7.1. La Cour est compétente pour vérifier si les dispositions soumises à son contrôle violent les normes d’une directive européenne, lues en combinaison avec les dispositions constitutionnelles au regard desquelles la Cour peut exercer son contrôle en vertu de l’article 142 de la Constitution, comme en l’espèce les articles 10 et 11 de la Constitution.
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B.7.2. L’exception est rejetée.
Quant au fond
B.8. Selon le Conseil des ministres, les deux catégories d’étrangers visées en B.1 ne sont pas comparables.
B.9. Les bénéficiaires de la protection subsidiaire et les bénéficiaires de la protection temporaire sont deux catégories d’étrangers qui ont fui leur pays d’origine ou leur pays de résidence et qui séjournent légalement sur le territoire belge. Ces deux catégories d’étrangers sont suffisamment comparables en ce qui concerne le type de prestation sociale dont elles peuvent bénéficier.
B.10. L’article 2 de la loi du 21 juillet 2016 a étendu le champ d’application de la loi du 26 mai 2002 aux bénéficiaires de la protection subsidiaire. Cette extension a été justifiée dans les travaux préparatoires par la volonté « d’intégrer d’une manière similaire dans notre société »
les bénéficiaires de la protection subsidiaire et les réfugiés :
« Le nombre total de demandes d’asile a augmenté considérablement ces derniers temps.
Bon nombre de ces demandes déboucheront finalement sur une reconnaissance du statut de réfugié ou de bénéficiaire de la protection subsidiaire. Peu de temps après avoir été reconnues, ces personnes quitteront les structures d’accueil de FEDASIL et feront, si nécessaire, appel aux centres publics d’action sociale. Si toutes les autres conditions sont remplies, le droit de séjour d’un réfugié donne droit à l’intégration sociale dans le cadre de la loi du 26 mai 2002 concernant le droit à l’intégration sociale (dénommée ci-après loi DIS).
Le droit de séjour d’un bénéficiaire de la protection subsidiaire donnait droit préalablement à cette modification légale à l’aide sociale financière dans le cadre de la loi du 8 juillet 1976
organique des centres publics d’action sociale si toutes les autres conditions étaient remplies.
Il est cependant important d’intégrer d’une manière similaire dans notre société ces deux groupes de personnes résidant légalement sur notre territoire.
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Il a dès lors été décidé pour cette raison d’intégrer la catégorie des bénéficiaires de la protection subsidiaire dans le champ d’application personnel de la loi DIS » (Doc. parl., Chambre, 2015-2016, DOC 54-1864/001, pp. 5-6).
B.11. En accordant le droit à l’intégration sociale aux bénéficiaires de la protection subsidiaire, le législateur a transposé l’article 29, paragraphe 1, de la directive 2011/95/UE, précité en B.4.1, qui exige, sous réserve de la possibilité de dérogation énoncée au paragraphe 2
de la même disposition, que les réfugiés et les bénéficiaires de la protection subsidiaire reçoivent, dans l’État membre ayant octroyé l’une de ces deux formes de protection internationale, « la même assistance sociale nécessaire que celle prévue pour les ressortissants de cet État membre ». Par la disposition en cause, les bénéficiaires de la protection subsidiaire se voient en effet octroyer, avec les réfugiés, la même prestation sociale que celle qui est reconnue aux Belges.
La Cour doit toutefois examiner si, en n’incluant pas les bénéficiaires de la protection temporaire parmi les bénéficiaires du droit à l’intégration sociale, le législateur a introduit entre les étrangers de cette catégorie et les étrangers bénéficiaires de la protection subsidiaire une différence de traitement qui est compatible avec les articles 10, 11, 22 et 23 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec l’article 29 de la directive 2011/95/UE et avec l’article 13 de la directive 2001/55/CE.
B.12.1. Le principe d’égalité et de non-discrimination n’exclut pas qu’une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu’elle repose sur un critère objectif et qu’elle soit raisonnablement justifiée.
L’existence d’une telle justification doit s’apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d’égalité et de non-discrimination est violé lorsqu’il est établi qu’il n’existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.
B.12.2. Le législateur dispose d’un pouvoir d’appréciation étendu pour déterminer sa politique dans les matières socio-économiques.
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En ce qui concerne le droit à l’intégration sociale et en particulier le montant et les conditions d’octroi du revenu d’intégration, le législateur doit tenir compte de l’article 22 de la Constitution, qui garantit le droit au respect de la vie privée et familiale, et de l’article 23 de la Constitution, qui garantit à chacun le droit à une vie conforme à la dignité humaine et le droit à l’aide sociale.
B.13. Comme il est dit en B.2.2, la loi du 26 mai 2002 accorde, sous certaines conditions, un revenu d’intégration à des personnes ne disposant pas de ressources suffisantes, pour leur permettre de mener une vie conforme à la dignité humaine.
B.14. En ce qu’elle accorde le revenu d’intégration aux bénéficiaires de la protection subsidiaire, à l’exclusion des bénéficiaires de la protection temporaire, la disposition en cause instaure une différence de traitement fondée sur la circonstance que l’étranger a été reconnu comme bénéficiaire de l’un ou de l’autre statut par les autorités belges ou par les autorités compétentes d’un autre État membre de l’Union. Ce critère de distinction est objectif et pertinent, dès lors que les autorités belges n’ont pas, vis-à-vis des étrangers bénéficiant de la protection temporaire, les mêmes obligations que vis-à-vis des étrangers bénéficiant de la protection subsidiaire.
En effet, l’article 13 de la directive 2001/55/CE, cité en B.5.1, exige que les États membres prévoient que les bénéficiaires de la protection temporaire reçoivent « le soutien nécessaire en matière d’aide sociale et de subsistance, lorsqu’ils ne disposent pas de ressources suffisantes, ainsi que de soins médicaux ». Il s’ensuit que les États membres ne sont pas tenus, en vertu du droit de l’Union européenne, d’accorder aux étrangers bénéficiant de la protection temporaire une protection sociale aussi étendue que celle, visée en B.11, qu’ils doivent accorder aux étrangers bénéficiant de la protection subsidiaire.
B.15.1. La mesure en cause n’entraîne pas des effets disproportionnés, dès lors que les bénéficiaires de la protection temporaire qui n’ont pas droit à un revenu d’intégration et qui se trouvent dans le besoin ou dont les moyens d’existence sont insuffisants ont droit à l’aide sociale, en vertu de l’article 1er de la loi du 8 juillet 1976. L’aide sociale a pour but de permettre
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à chacun de mener une vie conforme à la dignité humaine. Toute personne y a droit en principe, sans égard à la nationalité, et donc aussi les étrangers qui séjournent légalement sur le territoire.
B.15.2. Le législateur ne précise pas à quelles conditions cette aide sociale est accordée.
Conformément à l’article 57 de la loi du 8 juillet 1976, cette aide peut être accordée sous différentes formes, en espèces ou en nature, aussi bien palliative que curative ou préventive (article 57, § 1er, alinéa 2); l’aide peut être matérielle, sociale, médicale, médico-sociale ou psychologique (article 57, § 1er, alinéa 3); il est en outre prévu que l’aide matérielle est accordée sous la forme la plus appropriée (article 60, § 3).
Il appartient au centre public d’action sociale concerné et, en cas de contestation, au juge, de statuer sur l’existence d’un besoin d’aide, sur l’étendue de celui-ci et de proposer « les moyens les plus appropriés d’y faire face » (article 60, § 1er).
Par ailleurs, l’article 60, § 3, alinéa 2, de cette loi, tel qu’il a été modifié par l’article 58 de la loi du 26 mai 2002, prévoit que l’aide financière peut être liée par décision du centre aux conditions énoncées aux articles 3, 5° et 6°, 4, 11 et 13, § 2, de la loi du 26 mai 2002.
B.15.3. Lorsque l’aide sociale est accordée sous la forme d’une aide sociale financière, elle est, le plus souvent, fixée en référence aux montants du revenu d’intégration.
L’aide sociale est, par nature, un instrument qui doit être ajusté aux besoins de chaque bénéficiaire, de sorte que le centre public d’action sociale ou le juge peut accorder d’autres formes d’aide sociale en complément de l’aide sociale financière.
Enfin, si l’octroi de l’aide sociale est subordonné à la démonstration de l’état de besoin du demandeur, l’octroi du droit à l’intégration sociale est subordonné à la condition de « ne pas
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disposer de ressources suffisantes, ni pouvoir y prétendre ni être en mesure de se les procurer, soit par ses efforts personnels, soit par d’autres moyens » (article 3, 4°, de la loi du 26 mai 2002). Il s’ensuit que l’octroi du droit à l’intégration sociale est soumis, comme celui de l’aide sociale, à une condition de ressources.
B.16. Compte tenu de ce qui est dit en B.15.1 à B.15.3, la différence de traitement entre les étrangers bénéficiaires de la protection subsidiaire et les étrangers bénéficiaires de la protection temporaire n’entraîne pas de conséquences disproportionnées pour les intéressés.
B.17. La différence de traitement est raisonnablement justifiée.
La disposition en cause est compatible avec les articles 10, 11, 22 et 23 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec l’article 29 de la directive 2011/95/UE et avec l’article 13 de la directive 2001/55/CE.
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Par ces motifs,
la Cour
dit pour droit :
L’article 3, 3°, de la loi du 26 mai 2002 « concernant le droit à l’intégration sociale », tel qu’il a été modifié par l’article 2 de la loi du 21 juillet 2016 « modifiant la loi du 26 mai 2002
concernant le droit à l’intégration sociale », ne viole pas les articles 10, 11, 22 et 23 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec l’article 29 de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 « concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection (refonte) » et avec l’article 13 de la directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001
« relative à des normes minimales pour l’octroi d’une protection temporaire en cas d’afflux massif de personnes déplacées et à des mesures tendant à assurer un équilibre entre les efforts consentis par les États membres pour accueillir ces personnes et supporter les conséquences de cet accueil ».
Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l’article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 21 novembre 2024.
Le greffier, Le président,
Frank Meersschaut Pierre Nihoul