Cour constitutionnelle
Arrêt n° 126/2024
du 14 novembre 2024
Numéro du rôle : 8126
En cause : le recours en annulation partielle de la loi du 11 juillet 2023 « relative au transport d’hydrogène par canalisations », introduit par le Gouvernement flamand.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents Luc Lavrysen et Pierre Nihoul, et des juges Thierry Giet, Joséphine Moerman, Michel Pâques, Yasmine Kherbache, Danny Pieters, Sabine de Bethune, Emmanuelle Bribosia, Willem Verrijdt, Kattrin Jadin et Magali Plovie, assistée du greffier Nicolas Dupont, présidée par le président Luc Lavrysen,
après en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant :
I. Objet du recours et procédure
Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 22 décembre 2023 et parvenue au greffe le 26 décembre 2023, le Gouvernement flamand, assisté et représenté par Me Frederik Vandendriessche, Me Pieterjan Claeys et Me Natan Vermeersch, avocats au barreau de Bruxelles, a introduit un recours en annulation partielle de la loi du 11 juillet 2023
« relative au transport d’hydrogène par canalisations » (publiée au Moniteur belge du 25 juillet 2023, deuxième édition).
Des mémoires ont été introduits par :
- la SA « Fluxys hydrogen », assistée et représentée par Me Barteld Schutyser, Me Bart Martel et Me Quinten Jacobs, avocats au barreau de Bruxelles;
- la SA « Hydrowal », la SA « Air Liquide Industries Belgium » et la SA « L’Air Liquide Belge », assistées et représentées par Me Damien Verhoeven et Me Vincent Verbelen, avocats au barreau de Bruxelles;
- le Conseil des ministres, assisté et représenté par Me Valérie De Schepper et Me Jean-François De Bock, avocats au barreau de Bruxelles.
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La partie requérante a introduit un mémoire en réponse.
Des mémoires en réplique ont été introduits par :
- la SA « Fluxys hydrogen »;
- le Conseil des ministres.
Par ordonnance du 17 juillet 2024, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteurs Willem Verrijdt et Magali Plovie, a décidé que l’affaire était en état, qu’aucune audience ne serait tenue, à moins qu’une partie n’ait demandé, dans le délai de sept jours suivant la réception de la notification de cette ordonnance, à être entendue, et qu’en l’absence d’une telle demande, les débats seraient clos à l’expiration de ce délai et l’affaire serait mise en délibéré.
Aucune demande d’audience n’ayant été introduite, l’affaire a été mise en délibéré.
Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives à la procédure et à l’emploi des langues ont été appliquées.
II. En droit
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Quant à la recevabilité du recours
A.1.1. Le Conseil des ministres fait valoir qu’aucun des moyens ne porte sur les articles 20 à 23 de la loi du 11 juillet 2023 « relative au transport d’hydrogène par canalisations » (ci-après : la loi du 11 juillet 2023). Le Gouvernement flamand n’expose pas quelles sont, parmi les règles dont la Cour garantit le respect, celles qui sont violées par ces dispositions. En ce que le Gouvernement flamand demande également l’annulation de ces dispositions, le recours en annulation est par conséquent irrecevable, selon le Conseil des ministres.
A.1.2. Le Gouvernement flamand soutient quant à lui que le recours est recevable dans la mesure où il est dirigé contre les articles 20 à 23 de la loi du 11 juillet 2023. Dans le troisième moyen, le Gouvernement flamand soutient en effet que la définition de la notion de « réseau d’hydrogène existant », telle qu’elle est fixée à l’article 2, 15°, de la loi du 11 juillet 2023, n’est pas conforme aux règles répartitrices de compétences. Cette définition est employée aux articles 20 à 23 de la loi du 11 juillet 2023 et détermine dès lors le champ d’application de ces dispositions. Ainsi, les articles 20 à 23 de la loi du 11 juillet 2023 sont entachés du même excès de compétence que l’article 2, 15°, de cette même loi.
Quant aux interventions
A.2.1. La SA « Fluxys hydrogen » estime qu’elle justifie d’un intérêt à intervenir dans l’affaire présentement examinée. En effet, elle s’est portée candidate pour être désignée comme gestionnaire du réseau de transport d’hydrogène au sens de la loi du 11 juillet 2023.
A.2.2. Le Conseil des ministres souligne que la SA « Fluxys hydrogen » a été désignée comme gestionnaire du réseau de transport d’hydrogène par l’arrêté ministériel du 26 avril 2024 « portant la désignation du gestionnaire du réseau de transport d’hydrogène ».
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A.3. La SA « Hydrowal », la SA « Air Liquide Industries Belgium » et la SA « L’Air Liquide Belge »
estiment également qu’elles justifient d’un intérêt à leur intervention. Elles font partie du même groupe multinational d’entreprises qui produit et fournit des gaz industriels, dont de l’hydrogène. En Belgique, le groupe dispose d’environ 600 kilomètres de canalisations d’hydrogène, qui sont reliées à la France et aux Pays-Bas et utilisées pour approvisionner des clients industriels. Plus précisément, la SA « Hydrowal » est le propriétaire de l’infrastructure de transport d’hydrogène en Belgique et la SA « Air Liquide Industries Belgium » utilise cette infrastructure pour fournir de l’hydrogène. La SA « L’Air Liquide Belge » est active dans des projets de développement relatifs aux gaz industriels, dont des projets concernant des canalisations d’hydrogène.
La SA « Hydrowal », la SA « Air Liquide Industries Belgium » et la SA « L’Air Liquide Belge » soulignent que la Région flamande prépare un décret relatif à la distribution d’hydrogène. Il n’est pas exclu que les canalisations d’hydrogène dont ces sociétés disposent soient soumises à la fois à la loi du 11 juillet 2023 et à la future réglementation flamande. En ce que les deux régimes s’appliqueraient de manière cumulative, sans coordination entre eux, cette situation pourrait poser des problèmes opérationnels.
Quant au fond
A.4.1. Avant d’aborder les différents moyens, le Conseil des ministres expose son point de vue général en ce qui concerne les règles répartitrices de compétences pertinentes.
A.4.2. Selon le Conseil des ministres, la loi du 11 juillet 2023 s’inscrit intégralement dans la compétence fédérale en matière de transport d’énergie, visée à l’article 6, § 1er, VII, alinéa 2, c), de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles (ci-après : la loi spéciale du 8 août 1980). Le Conseil des ministres souligne que le réseau de transport d’hydrogène visé dans la loi du 11 juillet 2023 n’est en aucun cas expressément destiné à approvisionner des clients finals. Or, l’objectif de toute infrastructure énergétique est d’amener un vecteur d’énergie du lieu de production jusqu’au client final. Pareil objectif ne saurait suffire en soi pour que l’autorité fédérale cesse d’être compétente. Il est important pour le bon fonctionnement du marché que le réseau de transport d’hydrogène soit soumis à des règles uniformes, d’autant que le transport de grands volumes d’hydrogène, notamment en ce qui concerne la pression des canalisations, est soumis à des exigences techniques spécifiques.
Un réseau de transport n’est pas adapté aux besoins des clients finals. C’est précisément sur ce point qu’un réseau de transport se différencie d’un réseau de distribution, qui prend en compte ces besoins. L’arrêt de la Cour n° 98/2013 du 9 juillet 2013 (ECLI:BE:GHCC:2013:ARR.098), auquel le Gouvernement flamand se réfère et qui est fondé sur la question de savoir si le réseau a ou non pour but principal d’approvisionner les clients finals, doit, selon le Conseil des ministres, être interprété en ce sens. Pour déterminer si un réseau est destiné ou non à desservir des clients finals, il convient de procéder à une appréciation concrète des caractéristiques techniques de l’infrastructure concernée. Il convient par conséquent d’examiner si le réseau est explicitement axé sur les besoins des clients finals, par exemple par une diminution de la pression des canalisations, de sorte que les clients finals puissent s’approvisionner en hydrogène de manière plus simple et plus économique. Un réseau de distribution est en effet densément maillé à basse pression, ainsi qu’il ressort également des travaux préparatoires de la loi spéciale du 6 janvier 2014 relative à la Sixième Réforme de l’État (Doc. parl., Sénat, 2013-2014, n° 5-2232/5, p. 320). Les caractéristiques des réseaux de distribution sont par définition adaptées aux besoins de la majorité des utilisateurs dans une région déterminée. Le transport de gaz, en revanche, nécessite une pression élevée et des canalisations larges, permettant de déplacer de grands volumes sur de longues distances. Il peut également en découler que certains clients finals, en particulier les grands clients finals qui ont besoin d’une pression et de volumes élevés, doivent être raccordés directement au réseau de transport, afin que les frais du réseau de distribution restent limités.
La position du Gouvernement flamand revient à affirmer que, dès qu’un client final est raccordé à un réseau, il est question d’un réseau de distribution. Il ressort de ce qui précède qu’un tel point de vue aboutit à vider les compétences fédérales de leur substance, ce qui n’est pas conforme à l’objectif du législateur spécial et serait par ailleurs impossible à réaliser dans la pratique.
Le Conseil des ministres observe également que le marché de l’hydrogène est encore en phase de développement. Cela explique que la loi du 11 juillet 2023 fixe d’abord une série de principes et de directives, notamment en ce qui concerne le rôle de la Commission de régulation de l’électricité et du gaz (ci-après : la CREG)
en tant qu’autorité de régulation, qui restent à concrétiser.
Enfin, le Conseil des ministres souligne que, conformément à l’article 6, § 1er, alinéa 1er, VII, de la loi spéciale du 8 août 1980, le transport d’énergie se distingue de la distribution d’énergie en raison de son caractère indivisible sur le plan technique et économique. Il en résulte que le développement du réseau de transport est
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prioritaire par rapport au développement des réseaux de distribution, qui n’ont qu’un rôle complémentaire. De surcroît, le caractère technique et indivisible du transport d’énergie limite le développement des réseaux de distribution, en ce qui concerne leur ampleur et leur fonction. En effet, un réseau de distribution ayant une grande part de marché pourrait en réalité remplir également une fonction de transport, ce qui n’est pas conforme à l’intention du législateur spécial.
A.4.3. En ordre subsidiaire, le Conseil des ministres estime que la loi du 11 juillet 2023 trouve un fondement au regard de la répartition des compétences dans plusieurs compétences fédérales autres que la compétence relative au transport d’énergie. Le Conseil des ministres souligne que la loi du 11 juillet 2023 est indispensable pour rétablir la compétitivité du pays sur le marché international de l’énergie et pour garantir l’indépendance en matière d’approvisionnement énergétique. Par ailleurs, la stratégie fédérale en matière d’hydrogène contribue à la transition vers un système énergétique neutre sur le plan climatique.
Le Conseil des ministres expose tout d’abord que l’autorité fédérale n’est pas seulement compétente pour les matières énumérées à l’article 6, § 1er, VII, alinéa 2, de la loi spéciale du 8 août 1980, à savoir les « matières dont l’indivisibilité technique et économique requiert une mise en œuvre homogène sur le plan national ». En vertu de sa compétence résiduelle, l’autorité fédérale est également compétente pour les aspects nationaux de l’énergie.
Ainsi, l’autorité fédérale peut tracer les grandes lignes de la politique énergétique nationale et fixer les règles relatives au fonctionnement du marché sur les marchés de gros de l’énergie. Contrairement à ce que soutient le Gouvernement flamand, la liste des compétences fédérales établie à l’article 6, § 1er, VII, alinéa 2, de la loi spéciale du 8 août 1980, n’est dès lors pas exhaustive. La loi du 11 juillet 2023 vise à créer des conditions de concurrence équitables en matière d’hydrogène et elle est essentielle au bon fonctionnement du marché. Un réseau de transport constitue, tant sur le plan technique que sur le plan économique, un tout indivisible dans le cadre duquel des règles uniformes doivent s’appliquer à tous les acteurs du marché. Cette loi contribue en outre à l’indépendance du pays en matière d’approvisionnement énergétique.
Selon le Conseil des ministres, la loi du 11 juillet 2023 cadre par ailleurs avec la compétence fédérale en matière de droit de la concurrence, telle qu’elle est fixée à l’article 6, § 1er, VI, alinéa 5, 4°, de la loi spéciale du 8 août 1980. En effet, la loi du 11 juillet 2023 tend à garantir l’accès à l’infrastructure d’hydrogène à des conditions transparentes et non discriminatoires, et à éviter la création de monopoles. Les mesures qui garantissent la concurrence entre les acteurs du marché trouvent un fondement dans la compétence fédérale en matière de droit de la concurrence, qu’il s’agisse d’un contrôle ex ante ou d’un contrôle ex post.
A.4.4. En ordre infiniment subsidiaire, le Conseil des ministres invoque l’article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980. Le cadre réglementaire prévu par la loi du 11 juillet 2023 est nécessaire à la mise en œuvre de la compétence fédérale relative au transport de l’énergie. De surcroît, eu égard aux différences physiques entre les réseaux de distribution et les réseaux de transport, il s’agit d’une matière qui se prête à un régime différencié.
Enfin, l’incidence sur les compétences régionales est limitée, étant donné que l’autorité fédérale a exclusivement réglé le transport d’hydrogène.
A.5.1. La SA « Hydrowal », la SA « Air Liquide Industries Belgium » et la SA « L’Air Liquide Belge »
exposent qu’elles respectent à la fois la politique fédérale et la politique flamande en matière d’hydrogène. Elles ne voient pas pourquoi elles prendraient position quant au bien-fondé des moyens. Toutefois, contrairement au Conseil des ministres et au Gouvernement flamand, elles estiment que l’hydrogène n’est pas une source d’énergie, mais une matière première. En Belgique, l’hydrogène est d’abord utilisé pour fabriquer d’autres produits au moyen de réactions chimiques. Le renvoi aux compétences en matière de politique de l’énergie, telles qu’elles sont fixées à l’article 6, § 1er, VII, de la loi spéciale du 8 août 1980, n’est donc pas pertinent.
A.5.2. Le Gouvernement flamand reconnaît que l’hydrogène est également utilisé comme matière première pour plusieurs applications industrielles. Il n’empêche cependant que l’hydrogène est également utilisé comme source ou forme d’énergie et qu’une telle utilisation de l’hydrogène sera de plus en plus fréquente à l’avenir dans le cadre de la transition énergétique. Les compétences en matière de politique de l’énergie sont dès lors effectivement applicables.
A.5.3. Le Conseil des ministres estime également que les compétences relatives à la politique de l’énergie sont applicables à l’hydrogène. Il souligne que l’hydrogène connaît de nombreuses applications comme vecteur d’énergie, et que la loi du 11 juillet 2023 règle en particulier ces applications. Il est impossible, et à tout le moins irréalisable dans la pratique, de subdiviser la réglementation relative à l’hydrogène selon que celui-ci est utilisé comme matière première ou comme vecteur d’énergie.
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A.5.4. La SA « Fluxys hydrogen » se rallie à la position du Gouvernement flamand et du Conseil des ministres selon laquelle la répartition des compétences en matière de politique de l’énergie est pertinente pour déterminer l’autorité compétente pour régler le transport d’hydrogène par canalisations. L’hydrogène est aujourd’hui déjà largement utilisé comme vecteur d’énergie, par exemple comme carburant pour les véhicules, en remplacement du gaz naturel pour la production de chaleur à haute température, pour le stockage d’énergie éolienne et solaire et pour la production d’électricité au moyen de piles à combustible. Par ailleurs, la demande d’hydrogène comme vecteur d’énergie augmentera fortement dans un avenir proche. La circonstance que l’hydrogène est également utilisé comme matière première dans certains processus chimiques n’altère pas ces constats. La production et l’utilisation de « matières premières » ne constituent pas, en tant que telles, une matière que le législateur spécial a expressément attribuée à une autorité déterminée. Selon la SA « Fluxys hydrogen », il ressort clairement de plusieurs dispositions et du but général de la loi du 11 juillet 2023 que cette loi porte sur la matière de l’« énergie ».
En ce qui concerne le premier moyen
A.6.1. Le premier moyen est dirigé contre l’article 2, 3°, de la loi du 11 juillet 2023, qui contient la définition de la notion de « transport d’hydrogène ». Le Gouvernement flamand expose que cette définition détermine le champ d’application de la loi du 11 juillet 2023, étant donné que cette loi « s’applique uniquement aux installations de transport d’hydrogène » (article 3 de la loi du 11 juillet 2023).
Selon le Gouvernement flamand, l’article 2, 3°, de la loi du 11 juillet 2023 n’est pas conforme à l’article 6, § 1er, VII, alinéa 1er, b), de la loi spéciale du 8 août 1980. Cette disposition confère aux régions la compétence relative à la distribution publique du gaz. Cette compétence couvre les réseaux qui sont destinés à approvisionner les clients finals en gaz. La compétence régionale n’est pas limitée à la distribution publique de gaz naturel, mais s’applique également à d’autres formes de gaz, comme l’hydrogène. Le Gouvernement flamand ajoute que la compétence fédérale en matière de transport d’énergie, visée à l’article 6, § 1er, VII, alinéa 2, c), de la loi spéciale du 8 août 1980, porte sur l’infrastructure qui est purement destinée au transport du gaz, sans approvisionnement des clients finals, même s’il n’est pas exclu que le réseau de transport soit utilisé dans des cas exceptionnels pour approvisionner certains clients finals. Selon le Gouvernement flamand, cette compétence fédérale s’applique également à l’hydrogène.
A.6.2. Le Gouvernement flamand soutient tout d’abord qu’il n’est pas conforme aux règles répartitrices de compétences, selon le Gouvernement flamand, que, selon l’article 2, 3°, de la loi du 11 juillet 2023, la pression de service maximale admissible des canalisations doive dépasser 16 bar pour qu’il soit question de transport d’hydrogène. Le seul critère déterminant pour distinguer le transport du gaz de sa distribution consiste à savoir si la finalité principale du réseau est ou non de desservir les clients finals, ainsi qu’il ressort également de l’arrêt de la Cour n° 98/2013, précité. À l’inverse, des critères de taille ou de pression ne sont pas pertinents en ce qui concerne la répartition des compétences. Tous les réseaux qui ont pour finalité de desservir des clients finals relèvent de la compétence régionale en matière de distribution publique du gaz, même s’ils sont constitués de canalisations dont la pression de service est supérieure à 16 bar. Il n’est pas important non plus de savoir s’ils desservent des clients résidentiels ou des clients industriels grossistes. Il est exact d’affirmer que, dans la pratique, la pression de service des réseaux de distribution est souvent inférieure à celle des réseaux de transport, mais tel n’est pas nécessairement le cas. Il n’est pas inconcevable qu’une canalisation ayant une pression de 16 bar ou plus soit destinée à desservir des clients finals. Selon le Gouvernement flamand, la pression de service peut tout au plus constituer un critère indicatif.
Selon le Gouvernement flamand, l’argument du Conseil des ministres selon lequel l’objectif de toute infrastructure énergétique est d’acheminer un vecteur d’énergie du lieu de production au client final ne tient pas compte de la distinction entre les réseaux de transport et les réseaux de distribution. L’objectif premier des réseaux de transport est d’approvisionner les réseaux de distribution, et ce sont ces derniers réseaux qui desservent directement le client final. Le Gouvernement flamand reconnaît qu’un réseau de transport peut incidemment desservir des clients finals. Telle ne saurait toutefois être la finalité principale d’un réseau de transport.
En ce qu’il se réfère à l’arrêté royal du 28 juin 1971 « déterminant les mesures de sécurité à prendre lors de l’établissement et dans l’exploitation des installations de distribution de gaz par canalisations » (ci-après : l’arrêté royal du 28 juin 1971), le Conseil des ministres perd de vue, selon le Gouvernement flamand, que cet arrêté royal, qui est antérieur aux transferts aux régions des compétences en matière de politique énergétique, concerne intégralement la distribution du gaz, et non son transport. Cet arrêté royal étaye par conséquent la position du
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Gouvernement flamand selon laquelle la pression de service n’est pas pertinente en ce qui concerne la répartition des compétences, étant donné qu’il y est reconnu que les canalisations de distribution de gaz peuvent aussi avoir une pression de service élevée.
Le Gouvernement flamand estime ensuite qu’il est inexact d’affirmer que le critère de la pression contenu dans l’article 2, 3°, de la loi du 11 juillet 2023 ne constitue, comme l’avance le Conseil des ministres, qu’une restriction supplémentaire de la portée de la notion de « transport d’hydrogène », mais qu’elle n’implique en soi aucune restriction de la compétence régionale en matière de distribution d’hydrogène. Il ressort en effet de la combinaison du critère de la pression avec les autres éléments constitutifs de la notion de « transport d’hydrogène », que les réseaux qui ont une fonction de distribution dont la pression de service est de 16 bar ou plus relèvent du champ d’application de la loi du 11 juillet 2023. L’application d’un tel critère de pression crée en outre un vide juridique, en particulier en ce qui concerne les canalisations dont la pression de service est inférieure à 16 bar qui n’ont pas de fonction de distribution.
Enfin, selon le Gouvernement flamand, le fait que le réseau soit densément maillé n’est pas pertinent non plus pour distinguer les réseaux de transport des réseaux de distribution. L’on ne saurait le déduire des travaux préparatoires, cités par le Conseil des ministres, de la loi spéciale du 6 janvier 2014 relative à la Sixième Réforme de l’État. Ces travaux préparatoires portent uniquement sur des déclarations qu’un sénateur individuel a faites à titre individuel, ils ne traduisent pas la volonté du législateur spécial. En outre, dans le cadre de la sixième réforme de l’État, en ce qui concerne la politique énergétique, seule la compétence relative aux tarifs de réseau de distribution a été transférée aux régions.
A.6.3. Deuxièmement, l’activité doit poursuivre l’une des finalités visées à l’article 2, 3°, a) à e), de la loi du 11 juillet 2023 pour qu’il soit question de transport d’hydrogène, dans la mesure où il est également satisfait au critère de pression précité. Selon le Gouvernement flamand, plusieurs de ces finalités ne sont pas conformes aux règles répartitrices de compétences en matière de politique énergétique.
Il s’agit en premier lieu du transport « vers les grands clients finaux, y compris leur raccordement » (article 2, 3°, c), de la loi du 11 juillet 2023). L’approvisionnement des clients finals relève cependant de la compétence régionale en matière de distribution publique du gaz, visée à l’article 6, § 1er, VII, alinéa 1er, b), de la loi spéciale du 8 août 1980. Bien qu’il ne soit pas exclu que, dans certains cas, de grands clients finals soient raccordés directement au réseau de transport, il ne peut, selon le Gouvernement flamand, s’agir d’un critère déterminant. Un réseau dont la pression de service est égale ou supérieure à 16 bar et auquel un ou plusieurs grands clients finals sont raccordés n’est pas par définition un réseau de transport. Il est possible qu’un nombre significatif de petits clients finals ou de clients finals moyens soient raccordés au même réseau, et que ce réseau ait ainsi une fonction de distribution.
Ensuite, il s’agit du transport « depuis les grandes installations de production, y compris leur raccordement »
(article 2, 3°, d), de la loi du 11 juillet 2023). Pour déterminer s’il est question d’un réseau de transport ou d’un réseau de distribution, il n’est toutefois pas pertinent de savoir si une grande installation de production d’hydrogène est raccordée à ce réseau ou non. La circonstance que, conformément à l’article 6, § 1er, VII, alinéa 2, de la loi spéciale du 8 août 1980, l’autorité fédérale est compétente pour les installations de production qui peuvent contribuer de manière significative à la sécurité d’approvisionnement du pays ne signifie pas que l’autorité fédérale est automatiquement compétente en ce qui concerne le réseau auquel une telle installation est raccordée. Il se peut qu’une grande installation de production soit raccordée à un réseau de distribution et qu’elle contribue en même temps à l’approvisionnement énergétique du pays. Le Gouvernement flamand souligne que la compétence fédérale en matière de production d’énergie est liée à la nécessité de garantir la sécurité d’approvisionnement du pays, ainsi qu’il ressort notamment de l’arrêt de la Cour n° 8/2016 du 21 janvier 2016 (ECLI:BE:GHCC:2016:ARR.008, B.25) et des avis de la section de législation du Conseil d’État (CE, avis n° 57.057/3 du 6 mars 2015, point 2.3;
avis n° 72.956/3 du 28 février 2023, point 3.3). Les petites et moyennes installations de production, qui ne peuvent pas contribuer d’une manière significative à la sécurité d’approvisionnement, relèvent dès lors des compétences régionales quant aux « aspects régionaux de l’énergie », qui sont énumérées de manière non exhaustive à l’article 6, § 1er, VII, alinéa 1er, de la loi spéciale du 8 août 1980. La compétence fédérale en matière de production d’énergie est en outre également limitée par la compétence régionale relative aux sources nouvelles d’énergie, telle qu’elle est fixée à l’article 6, § 1er, VII, alinéa 1er, f), de la loi spéciale du 8 août 1980. La section de législation du Conseil d’État estime du reste que le fait d’imposer, par la réglementation fédérale, des obligations aux entités qui relèvent de la compétence des régions est contraire au principe de l’autonomie et requiert normalement la conclusion d’un accord de coopération (CE, avis n° 74.610/3 du 9 novembre 2023, point 21). Il est donc erroné de penser qu’en ce qui concerne la production d’énergie, la taille de l’installation concernée n’est pas pertinente.
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Enfin, il s’agit du transport « depuis et vers les grandes installations de stockage d’hydrogène, y compris leur raccordement » (article 2, 3°, e), de la loi du 11 juillet 2023). Pour déterminer s’il s’agit d’un réseau de transport ou d’un réseau de distribution, il n’est pas pertinent non plus, selon le Gouvernement flamand, de savoir si une grande installation de stockage d’hydrogène est raccordée à ce réseau ou non.
A.6.4. Le Gouvernement flamand estime que le Conseil des ministres ne peut invoquer, en ordre subsidiaire, les compétences relatives aux aspects nationaux de l’énergie et au droit de la concurrence.
Le Gouvernement flamand souligne que l’énumération des compétences fédérales en matière de politique de l’énergie à l’article 6, § 1er, VII, alinéa 2, de la loi spéciale du 8 août 1980 présente un caractère exhaustif, dès lors que cette énumération est précédée des mots « à savoir ». La compétence résiduelle de l’autorité fédérale en matière d’énergie est donc très restreinte. En tout état de cause, la prétendue compétence fédérale quant aux aspects nationaux de l’énergie ne saurait porter atteinte à la compétence régionale en matière de distribution publique du gaz.
En ce qui concerne la compétence fédérale en matière de droit de la concurrence, le Gouvernement flamand expose que le droit de la concurrence ne couvre pas la régulation ex ante du marché (de l’énergie), mais porte uniquement sur le contrôle ex post de certains comportements anticoncurrentiels. La compétence en matière de droit de la concurrence n’est dès lors pas pertinente en l’espèce.
A.6.5. Enfin, selon le Gouvernement flamand, le Conseil des ministres ne peut pas non plus invoquer, en ordre infiniment subsidiaire, l’article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980. Le Conseil des ministres n’expose pas en quoi il est indispensable à l’exercice des compétences fédérales d’inclure également des aspects de la distribution d’hydrogène dans le champ d’application de la loi du 11 juillet 2023, qui tend à régler le transport d’hydrogène. Le Conseil des ministres ne démontre pas non plus que l’incidence sur l’exercice des compétences régionales n’est que marginale.
A.7.1. En ordre principal, le Conseil des ministres fait valoir que la définition de la notion de « transport d’hydrogène » à l’article 2, 3°, de la loi du 11 juillet 2023 s’inscrit dans le cadre de la compétence fédérale relative au transport d’énergie, visée à l’article 6, § 1er, VII, alinéa 2, c), de la loi spéciale du 8 août 1980.
Ainsi qu’il ressort des travaux préparatoires, les définitions de la loi du 11 juillet 2023 sont, « dans la mesure du possible, […] alignées sur les concepts correspondants de la loi du 12 avril 1965 relative au transport de produits gazeux et autres par canalisations [...] et sur les projets de directive et de règlement proposés par la Commission européenne qui forment le ‘ Hydrogen and Decarbonized Gas Markets Package ’ » (Doc. parl., Chambre, 2022-
2023, DOC 55-3077/001, p. 12). En ce qui concerne la distinction entre le transport de gaz et la distribution du gaz, le législateur spécial lui-même a fait référence à l’article 1er de la loi du 12 avril 1965 « relative au transport de produits gazeux et autres par canalisations » (ci-après : la loi du 12 avril 1965) (Doc. parl., Chambre, S.E. 1988, n° 516/1, p. 12).
Le Conseil des ministres ajoute que la définition de la notion de « transport d’hydrogène » repose sur deux conditions cumulatives.
Premièrement, l’article 2, 3°, de la loi du 11 juillet 2023 exige que le réseau concerné soit essentiellement composé de canalisations dont la pression de service maximale admissible est supérieure à 16 bar. Il s’agit donc de canalisations à haute pression. L’arrêté royal du 28 juin 1971 prévoit, en ce qui concerne le gaz naturel, une pression de service maximale admissible de 14,71 bar comme seuil pour qu’il soit question de canalisations à haute pression. Quant à l’hydrogène, le législateur a toutefois choisi de fixer à 16 bar le seuil de la pression de service maximale autorisée, notamment parce que telle est aussi la valeur standard au sein de l’Union européenne (Doc.
parl., Chambre, 2022-2023, DOC 55-3077/001, p. 13). Il ne s’agit pas d’un critère distinctif ou déterminant, mais d’un seuil théorique conforme à la pratique, qui est censé permettre le transport optimal de grands volumes d’hydrogène sur de longues distances. Un tel critère est purement indicatif. Il constitue une restriction supplémentaire de la définition de la notion de « transport d’hydrogène » et donc du champ d’application de la loi du 11 juillet 2023. Ce critère n’a dès lors aucune incidence sur la notion de « distribution d’hydrogène » ou sur l’exercice des compétences régionales en matière de distribution publique de gaz. Le Conseil des ministres ne conteste pas que les canalisations à haute pression aussi peuvent avoir une fonction de distribution. De telles canalisations ne relèvent toutefois pas du champ d’application de la loi du 11 juillet 2023. Il n’est pas pertinent non plus d’affirmer, comme le fait le Gouvernement flamand, que le critère de pression attaqué entraînerait un vide juridique. La loi du 11 juillet 2023 ne vise en effet pas à régler toutes les matières qui relèvent des compétences fédérales en ce qui concerne l’hydrogène. Du reste, il ressort également de l’avis de la section de législation du
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Conseil d’État que le niveau de pression peut constituer une indication pour déterminer s’il est question d’un réseau de transport ou d’un réseau de distribution (CE, avis n° 71.998/VR/3 du 12 octobre 2022, point 6).
Deuxièmement, l’activité de transport doit poursuivre une des finalités énumérées à l’article 2, 3°, a) à e), de la loi du 11 juillet 2023. Le Conseil des ministres conteste l’observation de la section de législation du Conseil d’État selon laquelle l’autorité fédérale est uniquement compétente pour les grandes installations de production d’hydrogène. Conformément à l’article 6, § 1er, VII, alinéa 2, c), de la loi spéciale du 8 août 1980, l’autorité fédérale est exclusivement compétente pour la production d’énergie, sans distinction quant à la taille de l’installation. L’ajout selon lequel il doit s’agir de « grands » clients finals, de « grandes » installations de production d’hydrogène et de « grandes » installations de stockage d’hydrogène traduit simplement le fait que le législateur a jugé utile, techniquement et économiquement, que seuls ces clients et installations soient raccordés au réseau de transport. La question de savoir si le transport d’énergie comprend le raccordement de petites unités de production est par ailleurs indépendante de la question de l’autorité compétente pour fixer le régime juridique des petites unités de production. En ce qui concerne le transport vers les grands clients finals, y compris leur raccordement (article 2, 3°, c), de la loi du 11 juillet 2023), le Conseil des ministres relève que cet objectif porte exclusivement sur la situation dans laquelle un raccordement au réseau de transport peut générer des gains d’efficacité, notamment lorsque les caractéristiques techniques ou économiques du projet le justifient ou lorsque le client final concerné est situé à proximité du réseau de transport d’hydrogène et qu’il n’y a pas de réseau de distribution d’hydrogène dans la zone concernée. Une telle possibilité de raccordement est nécessaire pour garantir un fonctionnement optimal du marché, étant donné que les caractéristiques techniques d’un réseau de distribution peuvent empêcher les clients ayant des besoins spécifiques de s’y raccorder.
Par ailleurs, l’article 2, 3°, de la loi du 11 juillet 2023 dispose, pour répondre à l’avis de la section de législation du Conseil d’État, que l’activité visée doit « toujours » concerner « le transport ». Conformément à cette disposition, « la fourniture » proprement dite n’est pas comprise dans le transport d’hydrogène. Or, conformément à l’arrêt de la Cour n° 98/2013 précité, il n’est pas exclu que le transport de gaz comprenne également la fourniture à certains clients finals. Il s’ensuit que la fourniture à certains clients finals ne saurait être la destination explicite du réseau de transport d’hydrogène. Le Conseil des ministres ne conteste pas que, si, dans un cas concret, l’activité concernée doit être qualifiée de forme de distribution d’hydrogène, cette activité ne relève pas du champ d’application de la loi du 11 juillet 2023.
L’on n’aperçoit dès lors pas, selon le Conseil des ministres, pourquoi la définition de la notion de « transport d’hydrogène », inscrite à l’article 2, 3°, de la loi du 11 juillet 2023, porterait atteinte à la compétence régionale en matière de distribution publique du gaz.
A.7.2. En ordre subsidiaire, le Conseil des ministres estime que le législateur a pu adopter l’article 2, 3°, de la loi du 11 juillet 2023 sur la base de ses compétences relatives aux aspects nationaux de l’énergie et au droit de la concurrence, pour les raisons exposées en A.4.3.
A.7.3. En ordre infiniment subsidiaire, le Conseil des ministres fait valoir que le législateur pouvait invoquer l’article 10 de la loi du 8 août 1980, pour les raisons exposées en A.4.4.
En ce qui concerne le deuxième moyen
A.8.1. Le deuxième moyen est dirigé contre l’article 2, 4°, de la loi du 11 juillet 2023, qui contient la définition de la notion de « distribution d’hydrogène ». Selon le Gouvernement flamand, l’article 2, 4°, de la loi du 11 juillet 2023 porte atteinte à la compétence régionale en matière de distribution publique du gaz, contenue dans l’article 6, § 1er, VII, alinéa 1er, b), de la loi spéciale du 8 août 1980.
A.8.2. Le Gouvernement flamand répète que, conformément à l’arrêt de la Cour n° 98/2013, précité, le seul critère pertinent pour distinguer le transport du gaz de la distribution du gaz tient dans la question de savoir si le réseau a ou non pour finalité principale de desservir les clients finals. Contrairement à ce que fait valoir le Conseil des ministres, il importe peu que cet arrêt concerne les réseaux industriels et de distribution fermés. Aussi le Gouvernement flamand soutient-il qu’il n’est pas conforme à l’article 6, § 1er, VII, alinéa 1er, b), de la loi spéciale du 8 août 1980 qu’il s’agisse uniquement de distribution d’hydrogène lorsque le raccordement des clients finals se fait « par la voie de réseaux locaux de canalisations ». Le caractère local ou non des canalisations ne constitue pas un critère de répartition des compétences pertinent. Pour la même raison, le Gouvernement flamand estime que l’exigence selon laquelle les clients finals doivent être « établis sur le territoire d’une ou plusieurs communes déterminées » est également contraire aux règles répartitrices de compétences.
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Le Gouvernement flamand conteste la pertinence de la définition de la notion de « distribution de gaz » à l’article 1er, 12°, de la loi du 12 avril 1965. Il est exact que le texte initial de l’article 6, § 1er, VII, alinéa 1er, b), de la loi spéciale du 8 août 1980 renvoyait à cette définition pour délimiter la notion de « distribution publique du gaz ». La loi spéciale du 8 août 1988 modifiant la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles a toutefois fondamentalement modifié ce texte initial, et a en particulier supprimé la référence à la loi du 12 avril 1965. Le législateur spécial a ainsi choisi d’étendre la notion de « distribution publique du gaz », sans prévoir des critères limitatifs. Il est par conséquent inexact d’affirmer, comme le fait le Conseil des ministres, que la définition de la « distribution d’hydrogène » dans la loi du 11 juillet 2023 ne peut pas déroger à celle de « distribution du gaz » contenue dans la loi du 12 avril 1965.
A.8.3. Le Gouvernement flamand estime que le Conseil des ministres ne peut, en ordre subsidiaire, invoquer les compétences fédérales relatives aux aspects nationaux de l’énergie et au droit de la concurrence, pour les mêmes raisons que celles qui ont été exposées en A.6.4. Le Conseil des ministres ne peut pas non plus invoquer, en ordre infiniment subsidiaire, l’article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980, pour les mêmes raisons que celles qui ont été exposées en A.6.5. Le Conseil des ministres n’expose pas non plus concrètement en quoi les compétences précitées constituent un fondement permettant de limiter la portée de la notion de « distribution d’hydrogène » ni en quoi une telle restriction serait nécessaire pour l’exercice des compétences fédérales ou en quoi l’incidence de cette restriction sur l’exercice des compétences régionales ne serait que limitée.
A.9.1. En ordre principal, le Conseil des ministres estime que la définition de la notion de « distribution d’hydrogène » à l’article 2, 4°, de la loi du 11 juillet 2023, cadre avec la compétence fédérale relative au transport d’énergie, telle qu’elle est fixée à l’article 6, § 1er, VII, alinéa 2, c), de la loi spéciale du 8 août 1980. Cette définition est notamment calquée sur la définition de la notion de « distribution de gaz » à l’article 1er, 12°, de la loi du 12 avril 1965. Cette dernière disposition prévoit également que la fourniture se fait « par la voie de réseaux locaux de canalisations » et que les clients sont « établis sur le territoire d’une ou plusieurs communes déterminées ». Le législateur spécial a souligné lui-même le caractère local de la distribution de gaz (Doc. parl., Chambre, S.E. 1988, n° 516/6, p. 144) et renvoyait à cet égard à l’article 1er de la loi du 12 avril 1965 (ibid., n° 516/1, p. 12). Le Conseil des ministres observe ensuite que l’arrêt de la Cour n° 98/2013, précité, concernait le contexte spécifique des réseaux industriels et de distribution fermés. Un réseau fermé se situe en principe exclusivement sur un site industriel et revêt donc toujours un caractère local. Par conséquent, ce n’est pas parce que le caractère local ou non n’a pas été considéré comme un critère déterminant dans ledit arrêt n° 98/2013 qu’un tel critère ne serait pas, de manière plus générale, pertinent pour déterminer s’il s’agit de distribution de gaz. Par ailleurs, la définition de distribution d’hydrogène est conforme à la circonstance que les réseaux de distribution sont, dans la pratique, effectivement destinés à la distribution locale et non au transport d’hydrogène. À titre surabondant, le Conseil des ministres observe que la notion de « distribution d’hydrogène » dans une loi fédérale n’est pas très pertinente, étant donné qu’il s’agit d’une matière qui relève des compétences régionales. La définition de la distribution d’hydrogène vise uniquement à expliciter la distinction avec le transport d’hydrogène et à délimiter ainsi le plus clairement possible le champ d’application de la loi du 11 juillet 2023.
A.9.2. En ordre subsidiaire, le Conseil des ministres considère que le législateur a pu adopter l’article 2, 4°, de la loi du 11 juillet 2023 en vertu de ses compétences relatives aux aspects nationaux de l’énergie et au droit de la concurrence, pour les raisons qui ont été exposées en A.4.3.
A.9.3. En ordre infiniment subsidiaire, le Conseil des ministres fait valoir que le législateur a pu invoquer l’article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980, pour les raisons qui ont été exposées en A.4.4.
En ce qui concerne le troisième moyen
A.10.1. Le troisième moyen est dirigé contre l’article 2, 15°, de la loi du 11 juillet 2023, qui contient la définition de la notion de « réseau d’hydrogène existant ». Selon le Gouvernement flamand, l’article 2, 15°, de la loi du 11 juillet 2023 porte atteinte à la compétence régionale en matière de distribution publique du gaz, visée à l’article 6, § 1er, VII, alinéa 1er, b), de la loi spéciale du 8 août 1980.
A.10.2. Le Gouvernement flamand expose que la définition de la notion de « réseau d’hydrogène existant »
détermine le champ d’application des règles, instaurées par les articles 20 à 23 de la loi du 11 juillet 2023, relatives à la gestion des réseaux d’hydrogène existants. Cette définition exige notamment qu’il s’agisse d’une canalisation ou d’un ensemble de canalisations destinées au « transport d’hydrogène » et que, pour cette canalisation ou cet ensemble de canalisations, les autorisations de transport requises aient déjà été octroyées conformément aux
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articles 3 à 7 de la loi du 12 avril 1965. Selon le Gouvernement flamand, la notion de « réseau d’hydrogène existant » porte ainsi également sur les réseaux de distribution d’hydrogène existants.
Selon le Gouvernement flamand, il ressort en effet de l’exposé du premier moyen que la notion de « transport d’hydrogène », telle qu’elle est définie à l’article 2, 3°, de la loi du 11 juillet 2023, comprend également des aspects de la distribution d’hydrogène. En outre, plusieurs finalités mentionnées à l’article 2, § 1er, de la loi du 12 avril 1965 ont en réalité trait à la distribution et non au transport de gaz et, dans la pratique, des autorisations de transport au sens des articles 3 à 7 de la loi du 12 avril 1965 sont également octroyées pour des canalisations qui ont une fonction de distribution. Le Gouvernement flamand répète que l’unique critère pertinent pour distinguer le transport du gaz de sa distribution porte sur le point de savoir si le but consiste principalement ou non à desservir les clients finals. Contrairement à ce que fait valoir le Conseil des ministres, les griefs du Gouvernement flamand ne sont par ailleurs pas dirigés contre les autorisations de transport déjà octroyées.
A.10.3. Le Gouvernement flamand estime que le Conseil des ministres ne peut, en ordre subsidiaire, invoquer les compétences fédérales relatives aux aspects nationaux de l’énergie et au droit de la concurrence, pour les mêmes raisons que celles qui ont été exposées en A.6.4. Le Conseil des ministres ne peut pas non plus invoquer, en ordre infiniment subsidiaire, l’article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980, pour les mêmes raisons que celles qui ont été exposées en A.6.5. Le Conseil des ministres n’expose pas non plus concrètement en quoi les compétences précitées constituent un fondement pour adopter la définition attaquée ni en quoi cette définition serait nécessaire pour exercer les compétences fédérales ou en quoi l’incidence de cette restriction serait limitée.
A.11.1. En ordre principal, le Conseil des ministres fait valoir que la définition de la notion de « réseau de distribution existant », telle qu’elle est fixée à l’article 2, 15°, de la loi du 11 juillet 2023, cadre avec la compétence fédérale relative au transport d’énergie, visée à l’article 6, § 1er, VII, alinéa 2, c), de la loi spéciale du 8 août 1980.
Le Conseil des ministres souligne que la définition précitée a été adaptée en réponse à l’avis de la section de législation du Conseil d’État, selon lequel seules les parties des réseaux d’hydrogène existants ayant une fonction de transport pouvaient être considérées comme un réseau d’hydrogène existant (Doc. parl., Chambre, 2022-2023, DOC 55-3077/001, p. 13). C’est pour cette raison que la référence à la distribution d’hydrogène dans l’avant-projet de loi a été supprimée. Il résulte de la définition attaquée que la loi du 11 juillet 2023 ne trouve en tout cas pas à s’appliquer dans la mesure où les canalisations du réseau d’hydrogène existant sont destinées à la distribution d’hydrogène. Selon le Conseil des ministres, des autorisations de transport pour des canalisations d’hydrogène ont déjà été octroyées depuis plusieurs décennies sur la base de la loi du 12 avril 1965, sans que les régions aient formulé la moindre objection à cet égard. Il peut dès lors être admis qu’il s’agit de canalisations de transport. En ce que la Région flamande critique le fait que, par le passé, des autorisations de transport auraient été octroyées pour des canalisations qui ont en réalité une fonction de distribution, le grief est irrecevable.
A.11.2. Le Conseil des ministres considère en ordre subsidiaire que le législateur pouvait adopter l’article 2, 15°, de la loi du 11 juillet 2023 en vertu de ses compétences relatives aux aspects nationaux de l’énergie et au droit de la concurrence, pour les raisons qui ont été exposées en A.4.3.
A.11.3. En ordre infiniment subsidiaire, le Conseil des ministres fait valoir que le législateur pouvait invoquer l’article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980, pour les raisons qui ont été exposées en A.4.4. Le Conseil des ministres expose en particulier qu’il était indispensable de définir la notion de « réseau d’hydrogène existant », parce que, ces dernières décennies, des dizaines d’autorisations de transport ont été accordées pour la construction et la gestion de canalisations d’hydrogène.
En ce qui concerne le quatrième moyen
A.12.1. Le quatrième moyen est dirigé contre l’article 2, 16°, de la loi du 11 juillet 2023, qui contient la définition de la notion d’« installation de stockage d’hydrogène ». Selon le Gouvernement flamand, l’article 2, 16°, de la loi du 11 juillet 2023 porte atteinte aux compétences régionales fixées à l’article 6, § 1er, VII, alinéa 1er, de la loi spéciale du 8 août 1980.
A.12.2. Le Gouvernement flamand expose que la compétence de l’autorité fédérale est, conformément à l’article 6, § 1er, VII, alinéa 2, c), de la loi spéciale du 8 août 1980, limitée aux « grandes infrastructures de stockage [...] de l’énergie », « dont l’indivisibilité technique et économique requiert une mise en œuvre homogène sur le plan national ». En ce qui concerne le stockage de l’énergie aussi, la compétence fédérale est limitée aux installations qui peuvent contribuer de manière significative à la sécurité d’approvisionnement. Les régions, par
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contre, sont, conformément à l’article 6, § 1er, VII, alinéa 1er, de la même loi spéciale, compétentes de manière générale pour les aspects régionaux de l’énergie. Contrairement à l’énumération des compétences fédérales à l’article 6, § 1er, VII, alinéa 2, l’énumération des compétences régionales à l’article 6, § 1er, VII, alinéa 1er, n’est pas exhaustive. En ce que la définition contenue dans l’article 2, 16°, de la loi du 11 juillet 2023 n’est pas limitée aux « grandes » installations de stockage d’énergie, cette disposition viole dès lors les compétences régionales en matière de politique de l’énergie.
A.12.3. Le Gouvernement flamand estime que le Conseil des ministres ne peut, en ordre subsidiaire, invoquer les compétences fédérales relatives aux aspects nationaux de l’énergie et au droit de la concurrence, pour les mêmes raisons que celles qui ont été exposées en A.6.4. Le Conseil des ministres ne peut pas non plus invoquer, en ordre infiniment subsidiaire, l’article 10 de la loi du 8 août 1980, pour les mêmes raisons que celles qui ont été exposées en A.6.5. Le Conseil des ministres n’expose pas non plus concrètement en quoi les compétences précitées constituent un fondement pour adopter la définition attaquée ni en quoi cette définition serait nécessaire pour exercer les compétences fédérales ou en quoi l’incidence de cette restriction sur l’exercice des compétences régionales serait limitée.
A.13.1. En ordre principal, le Conseil des ministres fait valoir que la définition de la notion d’« installation de stockage d’hydrogène » à l’article 2, 16°, de la loi du 11 juillet 2023, cadre avec la compétence fédérale relative au transport d’énergie, visée à l’article 6, § 1er, VII, alinéa 2, c), de la loi spéciale du 8 août 1980. Le Conseil des ministres expose que la loi du 11 juillet 2023 ne contient pour l’instant aucune règle relative aux installations de stockage d’hydrogène, étant donné que le marché de l’hydrogène est encore en plein développement à cet égard.
Il n’est dès lors nullement question de la moindre réglementation pour les petites installations de stockage d’hydrogène raccordées à un réseau de distribution d’hydrogène.
A.13.2. En ordre subsidiaire, le Conseil des ministres estime que le législateur pouvait adopter l’article 2, 16°, de la loi du 11 juillet 2023 en vertu de ses compétences relatives aux aspects nationaux de l’énergie et au droit de la concurrence, pour les raisons qui ont été exposées en A.4.3.
A.13.3. En ordre infiniment subsidiaire, le Conseil des ministres fait valoir que le législateur pouvait invoquer l’article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980, pour les raisons qui ont été exposées en A.4.4.
En ce qui concerne le cinquième moyen
A.14.1. Le cinquième moyen est dirigé contre l’article 5, § 6, de la loi du 11 juillet 2023. Selon le Gouvernement flamand, cette disposition porte atteinte à la compétence régionale relative aux aspects régionaux de l’énergie, et plus précisément à la distribution publique du gaz, telle qu’elle est fixée à l’article 6, § 1er, VII, alinéa 1er, de la loi spéciale du 8 août 1980.
A.14.2. L’article 5 de la loi du 11 juillet 2023 porte sur la procédure d’octroi des autorisations de transport d’hydrogène, visée à l’article 4 de la même loi. L’article 5, § 5, dispose que le ministre peut, sur la proposition de la CREG, décider de l’octroi d’autorisations de transport d’hydrogène pour l’extension de réseaux d’hydrogène existants, et qu’il peut tenir compte notamment de « la compatibilité de la dérogation avec l’intérêt public, évaluée conformément au paragraphe 6 ». L’article 5, § 6, alinéa 1er, dispose que, lors de l’évaluation de la compatibilité d’une dérogation avec l’intérêt public, la CREG tient compte notamment de « la part de marché qui serait approvisionnée par cette canalisation et l’impact éventuel sur les tarifs du gestionnaire du réseau de transport d’hydrogène » (4°), et des « impacts et contraintes techniques ou économiques pour l’utilisateur de réseau, y compris en ce qui concerne la possibilité de raccorder de nouvelles unités de production à un réseau hydrogène existant par un gestionnaire d’un réseau hydrogène existant ou une entreprise associée » (7°).
Selon le Gouvernement flamand, le critère visé à l’article 5, § 6, alinéa 1er, 4°, de la loi du 11 juillet 2023
implique que la canalisation de transport d’hydrogène peut approvisionner directement le marché. Dans la mesure où il s’ensuit que l’obligation d’autorisation fédérale s’applique également aux canalisations d’hydrogène ayant une fonction de distribution, cette disposition viole la compétence régionale en matière de distribution publique du gaz.
Ensuite, le critère visé à l’article 5, § 6, alinéa 1er, 7°, n’opère aucune distinction en fonction de la taille des nouvelles installations de production. Conformément à l’article 6, § 1er, VII, alinéa 2, c), de la loi spéciale du 8 août 1980, l’autorité fédérale n’est cependant compétente que pour la production d’énergie à grande échelle, et il doit s’agir d’une contribution significative à l’approvisionnement énergétique du pays. Selon le Gouvernement
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flamand, dans la mesure où le critère attaqué concerne également la possibilité de raccordement de nouvelles petites installations de production, l’article 5, § 6, alinéa 1er, 7°, porte dès lors atteinte à la compétence régionale relative aux aspects régionaux de l’énergie.
Le Gouvernement flamand conteste enfin l’allégation du Conseil des ministres selon laquelle le cinquième moyen est prématuré à défaut d’arrêté royal pris en exécution de l’article 5, § 5, alinéa 2, de la loi du 11 juillet 2023. Les critères fixés à l’article 5, § 6, de la loi du 11 juillet 2023 sont clairs et ils ne sont pas susceptibles d’interprétation. Ce sont effectivement ces critères mêmes qui portent atteinte aux compétences régionales.
A.15.1. Le Conseil des ministres expose que la disposition attaquée fixe les conditions auxquelles les réseaux d’hydrogène existants peuvent être étendus. Pareille extension porte sur une exception à la règle selon laquelle seul le gestionnaire du réseau de transport d’hydrogène peut obtenir une autorisation de transport d’hydrogène.
Les conditions précitées ne portent pas sur le raccordement aux canalisations d’hydrogène ayant une fonction de distribution et de telles canalisations ne sont pas non plus soumises à une obligation d’autorisation. Ces conditions visent à prévenir la concurrence déloyale entre le réseau de transport d’hydrogène du gestionnaire du réseau de transport d’hydrogène et les réseaux d’hydrogène existants, et elles s’appliquent uniquement aux canalisations de transport d’hydrogène.
A.15.2. Le Conseil des ministres observe que, conformément à l’article 5, § 5, alinéa 2, de la loi du 11 juillet 2023, le Roi fixe la procédure sur laquelle le ministre peut fonder sa décision d’octroyer des autorisations de transport d’hydrogène pour l’extension de réseaux d’hydrogène existants. Aucun arrêté royal de ce type n’a encore été pris, de sorte qu’on ne sait pas encore clairement comment les critères critiqués par le Gouvernement flamand seront appliqués. En tant que tels, ces critères ne portent pas atteinte aux compétences régionales en matière de politique énergétique. Une violation des règles répartitrices de compétences pourrait tout au plus résulter de l’exécution de la disposition attaquée. Il s’ensuit que le cinquième moyen est prématuré et donc irrecevable.
A.15.3. Le Conseil des ministres ajoute que le cinquième moyen est à tout le moins non fondé. L’article 5, § 6, alinéa 1er, 4° et 7°, de la loi du 11 juillet 2023 ne porte pas atteinte à la compétence régionale en matière de distribution publique du gaz, visée à l’article 6, § 1er, VII, alinéa 1er, b), de la loi spéciale du 8 août 1980.
En ce qui concerne l’article 5, § 6, 4°, de la loi du 11 juillet 2023, le Conseil des ministres observe que l’autorité fédérale n’a pas l’intention de s’approprier la compétence d’imposer une obligation d’autorisation pour des réseaux ayant une fonction de distribution. Le Gouvernement flamand n’expose pas en quoi cette intention découlerait du fait que la CREG tient compte de la part de marché qui serait approvisionnée par la canalisation en question. Selon le Conseil des ministres, chaque canalisation d’hydrogène contribue in fine à la fourniture d’hydrogène à un client final, que ce soit via un réseau de distribution ou non. La part de marché est un critère pertinent pour éviter la concurrence déloyale avec le réseau de transport d’hydrogène du gestionnaire du réseau de transport d’hydrogène. L’approvisionnement d’une part du marché déterminée n’équivaut pas à approvisionner les clients finals.
En ce qui concerne l’article 5, § 6, 7°, de la loi du 11 juillet 2023, le Conseil des ministres estime que la position du Gouvernement flamand repose sur une lecture erronée de cette disposition. Il est logique, dans un contexte où un raccordement direct au réseau de transport d’hydrogène n’est pas exclu, qu’il soit tenu compte des « impacts techniques et économiques pour l’utilisateur de réseau ». Un tel critère rejoint l’objectif du législateur consistant à limiter de manière proportionnée l’extension des réseaux d’hydrogène existants. L’article 5, § 6, 7°, de la loi du 11 juillet 2023 ne limite pas la possibilité de raccorder une installation de production à un réseau d’hydrogène existant. L’autorité fédérale n’a pas davantage l’intention de modifier la nature des réseaux existants ni de soumettre les réseaux existants ayant une fonction de distribution à une obligation d’autorisation fédérale.
Ainsi, il n’est pas pertinent non plus que l’article 5, § 6, 7°, de la loi du 11 juillet 2023 n’opère pas une distinction en fonction de la taille des nouvelles unités de production. De surcroît, l’article 5, § 6, alinéa 2, de la même loi prévoit que, le cas échéant, la CREG consulte le régulateur régional concerné lors de la préparation de l’avis.
Conformément à l’article 5, § 5, alinéa 3, de la loi du 11 juillet 2023, le Roi peut du reste abroger l’article 5, §§ 5
à 7, de cette loi, ce qui permet une approche flexible en ce qui concerne l’extension des réseaux d’hydrogène existants.
En ce qui concerne le sixième moyen
A.16.1. Le sixième moyen est dirigé contre l’article 11 de la loi du 11 juillet 2023. Selon le Gouvernement flamand, cette disposition porte atteinte aux compétences régionales relatives à la protection de l’environnement,
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telles qu’elles sont fixées à l’article 6, § 1er, II, alinéa 1er, 1°, de la loi spéciale du 8 août 1980, et les compétences régionales relatives aux sources nouvelles d’énergie et à l’utilisation rationnelle de l’énergie, telles qu’elles sont fixées à l’article 6, § 1er, VII, alinéa 1er, f) et h), de la même loi spéciale.
A.16.2. Le Gouvernement flamand expose que l’article 11 de la loi du 11 juillet 2023 autorise la Direction générale de l’énergie et la CREG à évaluer les candidatures des candidats gestionnaires de réseau de transport d’hydrogène sur la base de plusieurs critères, parmi lesquels « la contribution à la politique énergétique et climatique belge et européenne, y compris les efforts visant à éviter les émissions de gaz à effet de serre » (6°). La politique climatique belge est toutefois principalement une compétence régionale, de sorte qu’il n’appartient pas à l’autorité fédérale d’utiliser la contribution à cette politique comme critère d’évaluation. Il en va de même en ce que l’article 11, 6°, de la loi du 11 juillet 2023 fait référence à la contribution à la politique énergétique belge. Il n’est ainsi pas tenu compte du fait que les régions sont compétentes pour de nombreux aspects de la politique énergétique, notamment pour l’énergie renouvelable et l’efficacité énergétique. Contrairement à ce que soutient le Conseil des ministres, il n’est pas simplement « tenu compte » de certains paramètres portant sur les compétences régionales, mais il appartient à la Direction générale de l’énergie et à la CREG d’évaluer la contribution des candidats à la politique énergétique et climatique belge et européenne. L’autorité fédérale n’est pas habilitée à évaluer si la politique régionale est respectée. Le critère attaqué ne peut pas non plus être considéré comme un accessoire de la compétence fédérale en matière de transport d’énergie, comme le soutient le Conseil des ministres.
Le Gouvernement flamand conteste enfin l’allégation du Conseil des ministres selon laquelle le sixième moyen est prématuré. C’est effectivement l’article 11, 6°, de la loi du 11 juillet 2023 proprement dit qui porte atteinte aux compétences régionales, quelle que soit l’application concrète qui en sera faite par la Direction générale de l’énergie et la CREG. Par ailleurs, il est impossible de donner au critère attaqué une interprétation conforme à la Constitution, comme le suggère le Conseil des ministres, eu égard à sa formulation claire. Il en va d’autant plus ainsi qu’il est question, aux articles 5, § 6, 6°, et 13, 12°, de la loi du 11 juillet 2023, respectivement, de la politique énergétique « fédérale et européenne » et de la politique énergétique « fédérale belge et européenne », et non, comme à l’article 11, 6°, de la même loi, de « la politique énergétique et climatique belge et européenne ».
A.16.3. Le Gouvernement flamand estime que le Conseil des ministres ne peut invoque, en ordre subsidiaire, l’article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980, pour les mêmes raisons que celles qui ont été exposées en A.6.5. Le Conseil des ministres n’expose pas concrètement pourquoi l’adoption du critère attaqué, en sa forme actuelle, est indispensable à l’exercice des compétences fédérales. Le Conseil des ministres ne démontre pas non plus que l’incidence sur l’exercice des compétences régionales est limitée.
A.17.1. En ordre subsidiaire, le Conseil des ministres fait valoir que le Gouvernement flamand n’expose pas à suffisance en quoi l’article 11 de la loi du 11 juillet 2023 porterait atteinte aux compétences régionales mentionnées au moyen. Le simple fait qu’il est tenu compte de certains paramètres portant sur les compétences régionales ne signifie pas nécessairement que ces compétences sont violées. L’obligation de prendre en compte, conformément à l’article 11, 6°, de la loi du 11 juillet 2023, la contribution à la politique énergétique et climatique belge et européenne constitue un accessoire de la compétence fédérale en matière de transport d’énergie. Ce critère n’empêche pas les régions d’exercer leurs compétences en matière d’environnement, en matière de sources nouvelles d’énergie et en matière d’utilisation rationnelle de l’énergie. Il ne découle même pas de l’article 11, 6°, de la loi du 11 juillet 2023 que la Direction générale de l’énergie et la CREG doivent apprécier dans quelle mesure les candidats gestionnaires du réseau de transport d’hydrogène contribuent à la politique régionale. À cet égard, le Conseil des ministres souligne que la politique climatique englobe diverses matières qui relèvent tant de la compétence fédérale que des compétences régionales (CE, avis nos 65.404/AG et 65.405/AG du 4 mars 2019, point 2.1). Lorsqu’elle exerce ses propres compétences, l’autorité fédérale aussi peut prendre des mesures relatives au climat. Si le gestionnaire du réseau de transport d’hydrogène ne devait pas satisfaire à certaines exigences en matière de climat, la transition énergétique serait entravée. En tout état de cause, la Direction générale de l’énergie et la CREG donneront au critère visé à l’article 11, 6°, de la loi du 11 juillet 2023 une interprétation conforme à la Constitution. Pour cette raison, le sixième moyen porte à tout le moins sur l’application de ce critère et il est donc irrecevable.
A.17.2. En ordre subsidiaire, le Conseil des ministres estime que le législateur a pu adopter l’article 11, 6°, de la loi du 11 juillet 2023 sur la base de ses compétences relatives aux aspects nationaux de l’énergie et au droit de la concurrence, pour les raisons qui ont été exposées en A.4.3.
A.17.3. En ordre infiniment subsidiaire, le Conseil des ministres fait valoir que le législateur pouvait invoquer l’article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980, pour les raisons qui ont été exposées en A.4.4. Le Conseil
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des ministres souligne que l’article 11, 6°, de la loi du 11 juillet 2023 ne porte que sur un des critères de désignation du gestionnaire du réseau de transport d’hydrogène, de sorte que l’incidence sur les compétences régionales reste limitée.
En ce qui concerne le septième moyen
A.18.1. Le septième moyen est dirigé contre l’article 17, alinéa 1er, de la loi du 11 juillet 2023. Selon le Gouvernement flamand, cette disposition porte atteinte à la compétence régionale en matière de distribution publique du gaz, visée à l’article 6, § 1er, VII, alinéa 1er, b), de la loi spéciale du 8 août 1980, et elle n’est conforme ni au principe de proportionnalité ni au principe de la loyauté fédérale.
A.18.2. Conformément à l’article 17, alinéa 1er, de la loi du 11 juillet 2023, les normes de qualité pour le transport d’hydrogène sont fixées et approuvées, respectivement, par le gestionnaire du réseau de transport d’hydrogène et par le ministre, sans que les régions y soient associées. Le Gouvernement flamand ne conteste pas l’allégation selon laquelle l’autorité fédérale est compétente pour fixer les normes de qualité quant aux réseaux pour lesquels elle est compétente. Toutefois, les régions aussi sont intégralement et exclusivement compétentes, en vertu de leur compétence en matière de distribution publique du gaz, notamment, pour la sécurité et la qualité de la distribution d’hydrogène, ainsi que l’a également confirmé la section de législation du Conseil d’État (CE, avis n° 49.492/3 du 27 avril 2011, point 6.1). En ce que l’article 17, alinéa 1er, de la loi du 11 juillet 2023 ne contient pas d’obligation d’associer les régions à la fixation des normes de qualité pour le transport d’hydrogène, cette disposition empêche les régions de régler la qualité de l’hydrogène au niveau de la distribution, étant donné que les réseaux de transport d’hydrogène et les réseaux de distribution d’hydrogène seront reliés entre eux. De ce fait, l’exercice de la compétence régionale en matière de distribution publique du gaz est rendu impossible ou exagérément difficile. La circonstance que, comme l’avance le Conseil des ministres, il existe des installations techniques susceptibles de modifier la qualité de l’hydrogène là où le réseau de transport est raccordé au réseau de distribution n’aboutit pas à une autre conclusion. Selon le Gouvernement flamand, il s’agit d’une solution excessivement onéreuse et complexe, ce qui démontre précisément que l’exercice de la compétence régionale est rendu impossible ou exagérément difficile.
Le Gouvernement flamand conteste par ailleurs l’affirmation du Conseil des ministres selon laquelle le moyen est prématuré. C’est effectivement la disposition attaquée elle-même qui viole les règles répartitrices de compétences, en ce qu’elle impose au gestionnaire du réseau de transport d’hydrogène l’obligation d’établir des normes de qualité sans y associer les régions. Le fait que les régions ne doivent pas être associées à la fixation des normes de qualité découle par ailleurs aussi de la circonstance que l’article 17, alinéa 1er, de la loi du 11 juillet 2023 prévoit expressément une obligation de concertation avec les entreprises d’hydrogène établies en Belgique et avec les gestionnaires des réseaux de transport d’hydrogène dans les pays voisins.
A.18.3. Le Gouvernement flamand estime que le Conseil des ministres ne peut invoquer, en ordre subsidiaire, les compétences fédérales relatives aux aspects nationaux de l’énergie et au droit de la concurrence, pour les mêmes raisons que celles qui ont été exposées en A.6.4. Le Conseil des ministres ne peut pas non plus invoquer, en ordre infiniment subsidiaire, l’article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980, pour les mêmes raisons que celles qui ont été exposées en A.6.5. Le Conseil des ministres n’expose pas non plus concrètement en quoi les compétences précitées seraient pertinentes à l’égard des normes de qualité en matière de transport d’hydrogène ni pourquoi il serait nécessaire à l’exercice de ces compétences de ne pas associer les régions à la fixation de telles normes de qualité, ni encore pourquoi l’incidence de la disposition attaquée sur l’exercice des compétences régionales serait limitée.
A.18.4. Dans son mémoire en réponse, le Gouvernement flamand ajoute que les régions aussi doivent, en vertu de l’article 6, § 4, 1°, de la loi spéciale du 8 août 1980, être associées à la fixation des normes de qualité fédérales pour l’hydrogène. Pour cette raison aussi, l’article 17, alinéa 1er, de la loi du 11 juillet 2023 doit être annulé.
A.19.1. En ordre principal, le Conseil des ministres observe que la loi du 11 juillet 2023 ne fixe pas en soi des normes de qualité. Le grief du Gouvernement flamand selon lequel il n’y a pas de concertation lors de l’élaboration de telles normes est par conséquent prématuré. Un tel grief pourrait tout au plus être invoqué dans le cadre d’un recours auprès du Conseil d’État, introduit contre l’arrêté ministériel approuvant les normes de qualité.
Par conséquent, le septième moyen est irrecevable.
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A.19.2. En ordre subsidiaire, le Conseil des ministres souligne que les normes de qualité sont nécessaires pour la sécurité d’exploitation du réseau de transport d’hydrogène. La fixation de telles normes est dès lors indissociablement liée à la compétence fédérale en matière de transport d’énergie, telle qu’elle est fixée à l’article 6, § 1er, VII, alinéa 2, c), de la loi spéciale du 8 août 1980. Les normes fédérales de qualité s’appliquent en tout cas uniquement à l’injection et au transport d’hydrogène dans le réseau de transport d’hydrogène. Les régions sont libres de compléter ces normes en ce qui concerne la distribution d’hydrogène, celles-ci pouvant appliquer des normes plus sévères comme des normes plus souples. À cet égard, le Conseil des ministres relève qu’il existe des installations techniques permettant d’augmenter la pureté de l’hydrogène. Il n’appartient cependant pas aux régions de déterminer les coûts de purification d’hydrogène qu’il convient d’exposer au niveau du transport. La disposition attaquée ne rend pas impossible ou exagérément difficile l’exercice de la compétence régionale en matière de distribution publique du gaz.
A.19.3. En ordre encore plus subsidiaire, le Conseil des ministres estime que le législateur a pu adopter l’article 17, alinéa 1er, de la loi du 11 juillet 2023 sur la base de ses compétences relatives aux aspects nationaux de l’énergie et au droit de la concurrence, pour les raisons qui ont été exposées en A.4.3.
A.19.4. En ordre infiniment subsidiaire, le Conseil des ministres fait valoir que le législateur pouvait invoquer l’article 10 de la loi du 8 août 1980, pour les raisons exposées en A.4.4.
-B-
B.1. Le Gouvernement flamand demande l’annulation de l’article 2, 3°, 4°, 15° et 16°, de l’article 5, § 6, 4° et 7°, de l’article 11, 6°, et des articles 17, 20, 21, 22 et 23 de la loi du 11 juillet 2023 « relative au transport d’hydrogène par canalisations » (ci-après : la loi du 11 juillet 2023). La loi du 26 avril 2024 « modifiant la loi du 29 avril 1999 relative à l’organisation du marché de l’électricité » a complété l’intitulé de la loi attaquée par les mots « et relative à la production d’hydrogène dans les espaces marins sous la juridiction de la Belgique ».
B.2. Selon l’exposé des motifs, la loi du 11 juillet 2023 instaure un cadre réglementaire pour le transport d’hydrogène par canalisations, ce qui « favorisera un développement efficace du marché belge d’hydrogène et de son infrastructure de transport, afin que l’hydrogène puisse contribuer à la transition énergétique de l’économie belge dans des conditions optimales ».
Cette loi établit notamment la procédure et les conditions de désignation d’un opérateur unique du réseau de transport d’hydrogène pour le territoire belge, et elle définit le cadre d’autorisation et le régime de gestion auxquels cet opérateur est soumis. Le gestionnaire du réseau de transport d’hydrogène est notamment chargé « d’élaborer et de mettre en œuvre un plan de développement du réseau et un programme d’investissement dans les infrastructures de transport d’hydrogène, de fournir un accès ouvert et non discriminatoire à ce réseau à des tarifs réglementés, et de garantir la qualité de l’hydrogène transporté sur ce réseau ». Par ailleurs, la
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loi du 11 juillet 2023 définit « le régime spécial applicable aux réseaux de transport d’hydrogène déjà existants » (Doc. parl., Chambre, 2022-2023, DOC 55-3077/001, p. 3).
Quant à la recevabilité du recours
B.3.1. Le Conseil des ministres fait valoir que le recours est irrecevable en ce qu’il est dirigé contre les articles 20 à 23 de la loi du 11 juillet 2023. Le Gouvernement flamand n’exposerait pas, parmi les règles dont la Cour garantit le respect, celles qui sont violées par ces dispositions.
B.3.2. Le Gouvernement flamand soutient que le recours est également recevable en ce qu’il est dirigé contre les articles 20 à 23 de la loi du 11 juillet 2023. Dans le troisième moyen, il fait en effet valoir que la définition de la notion de « réseau d’hydrogène existant », telle qu’elle est contenue dans l’article 2, 15°, de la loi du 11 juillet 2023, n’est pas compatible avec les règles répartitrices de compétences. Les règles concrètes fondées sur cette définition sont contenues dans les articles 20 à 23 de la loi du 11 juillet 2023. Dès lors que la définition attaquée fixe le champ d’application de ces dispositions, celles-ci sont, selon le Gouvernement flamand, entachées du même excès de compétence et elles doivent également être annulées.
B.3.3. L’exception d’irrecevabilité étant liée à la portée des dispositions attaquées, son examen se confond avec celui du fond de l’affaire.
Quant au fond
En ce qui concerne le premier moyen
B.4. Le premier moyen est dirigé contre l’article 2, 3°, de la loi du 11 juillet 2023, qui définit la notion de « transport d’hydrogène ». Selon le Gouvernement flamand, cette disposition n’est pas conforme à l’article 6, § 1er, VII, alinéa 1er, b), de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles (ci-après : la loi spéciale du 8 août 1980), qui confère aux régions la compétence en matière de distribution publique du gaz.
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B.5.1. L’article 2, 3°, de la loi du 11 juillet 2023 dispose :
« Pour l’application de la présente loi, on entend par :
[...]
3° transport d’hydrogène : le transport de l’hydrogène, via un réseau principalement constitué de canalisations dont la pression maximale de service admissible dépasse 16 bar, mais ne comprenant pas la fourniture, et impliquant toujours le transport :
a) depuis ou vers d’autres pays et la connexion d’infrastructures d’import;
b) depuis et vers les réseaux de distribution d’hydrogène, y compris leur raccordement;
c) vers les grands clients finaux, y compris leur raccordement;
d) depuis les grandes installations de production [en néerlandais, il est ajouté ‘ d’hydrogène ’] , y compris leur raccordement;
e) depuis et vers les grandes installations de stockage d’hydrogène, y compris leur raccordement ».
B.5.2. Pour qu’il soit question de transport d’hydrogène au sens de la loi du 11 juillet 2023, il faut par conséquent qu’il soit satisfait à deux conditions cumulatives :
« Tout d’abord, cette activité doit être opérée [...] via un réseau principalement constitué des canalisations dont la pression maximale de service admissible dépasse 16 bar. Ensuite, l’activité doit être destinée à l’une des fins énumérées aux points a) à e) de la définition » (Doc.
parl., Chambre, 2022-2023, DOC 55-3077/001, p. 12).
B.6.1. En vertu de l’article 6, § 1er, VII, alinéa 1er, de la loi spéciale du 8 août 1980, les régions sont compétentes pour les aspects régionaux de l’énergie, et en tout cas :
« [...]
b) La distribution publique du gaz, y compris les tarifs des réseaux de distribution publique du gaz, à l’exception des tarifs des réseaux qui remplissent aussi une fonction de transport du gaz naturel et qui sont opérés par le même gestionnaire que le réseau de transport du gaz naturel;
[...] ».
L’article 6, § 1er, VII, alinéa 2, réserve toutefois à l’autorité fédérale les compétences relatives aux matières « dont l’indivisibilité technique et économique requiert une mise en
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œuvre homogène sur le plan national, à savoir : [...] c) les grandes infrastructures de stockage;
le transport et la production de l’énergie; [...] ».
B.6.2. En transférant aux régions la compétence relative aux aspects régionaux de l’énergie, le Constituant et le législateur spécial ont attribué à celles-ci toute la compétence d’édicter les règles propres à cette matière, et ce, sans préjudice de leur recours, au besoin, à l’article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980.
B.6.3. Concernant l’articulation entre les compétences attribuées aux régions et celles qui sont réservées à l’autorité fédérale, les travaux préparatoires de la loi spéciale du 8 août 1988
modifiant la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles exposent :
« Concernant la politique de l’énergie, les Régions sont compétentes pour les aspects régionaux de la politique de l’énergie et, en tout cas, pour les matières énumérées au premier alinéa de l’article 6, § 1er, VII, à la seule exception des matières dont l’indivisibilité technique et économique requi[ert] une mise en œuvre homogène sur le plan national, matières limitativement et exhaustivement énumérées après les mots ‘ à savoir : ’. L’autorité nationale est compétente pour les exceptions précitées, ainsi que pour les aspects non régionaux de la politique de l’énergie » (Doc. parl., Sénat, S.E. 1988, n° 405/2, p. 111).
Le législateur spécial a donc conçu la politique de l’énergie comme une compétence exclusive partagée, dans le cadre de laquelle la distribution du gaz est confiée aux régions, tandis que le transport (non local) de l’énergie continue à relever de la compétence du législateur fédéral.
B.7.1. La SA « Hydrowal », la SA « Air Liquide Industries Belgium » et la SA « L’Air Liquide Belge », qui interviennent à la cause, allèguent que l’hydrogène doit être considéré avant tout comme une matière première, et non comme une source d’énergie. L’article 6, § 1er, VII, de la loi spéciale du 8 août 1980, qui règle la répartition des compétences en ce qui concerne la politique de l’énergie, ne serait, pour cette raison, pas pertinent pour déterminer l’autorité compétente.
B.7.2. Comme l’a observé la section de législation du Conseil d’État, l’hydrogène peut être considéré comme une forme d’énergie, ou à tout le moins comme un vecteur d’énergie (CE, avis n° 71.998/VR/3 du 12 octobre 2022, point 4). Il ressort en outre de l’exposé général
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de la loi du 11 juillet 2023 que cette loi vise à soutenir le développement de l’hydrogène comme vecteur d’énergie, afin de contribuer à la transition énergétique (Doc. parl., Chambre, 2022-
2023, DOC 55-3077/001, p. 4). Il s’ensuit que la loi du 11 juillet 2023 règle une matière qui porte sur la politique de l’énergie, telle qu’elle est visée à l’article 6, § 1er, VII, de la loi spéciale du 8 août 1980. La circonstance que l’hydrogène, comme le font valoir les parties intervenantes, est également utilisé dans la pratique comme une matière première dans certains processus industriels n’aboutit pas à une autre conclusion.
B.8.1. Selon le Gouvernement flamand, la définition de la notion de « transport d’hydrogène », telle qu’elle est établie à l’article 2, 3°, de la loi du 11 juillet 2023, a pour effet que cette loi est également applicable à certaines matières devant être considérées comme distribution d’hydrogène. Il serait ainsi porté atteinte à la compétence régionale en matière de distribution publique du gaz.
B.8.2. Une définition ne produit pas, en soi, des effets juridiques. Les dispositions qui font usage de la définition attaquée doivent cependant être conformes aux règles répartitrices de compétences. Une violation potentielle de ces règles ne pourrait dès lors ressortir que de l’examen du règlement concret contenant la notion concernée.
B.8.3. La compétence des régions relative à la distribution publique du gaz ne fait pas obstacle à toute intervention normative de l’autorité fédérale quant à certains aspects de la distribution d’hydrogène. Une telle réglementation fédérale peut être compatible avec les règles répartitrices de compétences si elle cadre par exemple avec la compétence fédérale pour le transport de gaz, avec le droit de la concurrence, avec le droit relatif aux pratiques du commerce, avec le droit commercial ou avec le droit des sociétés.
B.8.4. Comme le fait valoir le Gouvernement flamand, la définition de la notion de « transport d’hydrogène » est déterminante pour établir le champ d’application de la loi du 11 juillet 2023. En effet, cette loi « s’applique aux installations de transport d’hydrogène »
(article 3 de la loi du 11 juillet 2023), l’« installation de transport d’hydrogène » étant définie comme étant « toute canalisation de transport d’hydrogène, y compris les réseaux d’hydrogène existants, les bâtiments, les machines et les équipements auxiliaires », et la « canalisation de transport d’hydrogène » comme étant « toute canalisation destinée au transport d’hydrogène »
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(article 2, 11° et 12°, de la même loi). La Cour doit par conséquent examiner si, en adoptant la définition attaquée et en délimitant ainsi le champ d’application de la loi du 11 juillet 2023, le législateur a porté atteinte aux règles répartitrices de compétences.
B.9.1. Dans l’avis relatif à l’avant-projet ayant abouti à la loi du 11 juillet 2023, la section de législation du Conseil d’État a observé que « la définition de la notion de ‘ transport d’hydrogène ’ figurant à l’article 2, 3°, de l’avant-projet [doit] être davantage limitée pour être conforme aux règles répartitrices de compétences, afin qu’il apparaisse clairement que la réglementation en projet ne concerne que le transport et non la distribution d’hydrogène » (CE, avis n° 71.998/VR/3 du 12 octobre 2022, point 6).
L’article 2, 3°, de l’avant-projet définissait la notion de « transport d’hydrogène » en ces termes :
« l’activité ayant pour objet, via un réseau principalement constitué de canalisations dont la pression maximale de service admissible dépasse 16 bar, mais ne comprenant pas la fourniture,
a) d’importer ou exporter de l’hydrogène depuis ou vers d’autres pays et la connexion d’infrastructures d’import;
b) de connecter les réseaux de distribution d’hydrogène en vue de les approvisionner ou d’être approvisionné par ceux-ci;
c) de connecter directement les grands consommateurs finaux en vue de les approvisionner;
d) de connecter les installations de production et les grandes installations de stockage d’hydrogène » (Doc. parl, Chambre, 2022-2023, DOC 55-3077/001, p. 31).
B.9.2. Selon l’exposé général de la loi du 11 juillet 2023, il a été précisé, afin de répondre au commentaire précité en marge de l’avis de la section de législation du Conseil d’État, « que cette définition vise exclusivement l’activité de ‘ transport de l’hydrogène ’ » (ibid., p. 12).
Ainsi, dans le préambule de l’article 2, 3°, les mots « l’activité ayant pour objet » ont été remplacés par les mots « le transport d’hydrogène ». Par ailleurs, le membre de phrase « et impliquant toujours le transport » a été inséré.
Cette précision ne modifie cependant pas les éléments constitutifs de la définition de la notion de « transport d’hydrogène », à savoir les exigences selon lesquelles, d’une part, le
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réseau doit consister principalement en des canalisations dont la pression de service maximale admissible dépasse 16 bar et, d’autre part, l’activité concernée doit poursuivre l’un des objectifs mentionnés à l’article 2, 3°, a) à e).
B.10.1. Tout d’abord, le législateur porte atteinte, selon le Gouvernement flamand, à la compétence régionale en matière de distribution publique du gaz, en prévoyant, dans le préambule de l’article 2, 3°, de la loi du 11 juillet 2023, que, pour qu’il soit question de transport d’hydrogène, le réseau doit être principalement constitué de canalisations dont la pression de service maximale admissible dépasse 16 bar. Le Gouvernement flamand soutient que la distinction entre le transport et la distribution de gaz ne peut pas être établie sur la base de la pression de service des canalisations.
B.10.2. Par distribution publique du gaz, il faut entendre, ainsi qu’il ressort des travaux préparatoires de la loi spéciale du 8 août 1988, « l’activité qui a pour objet de fournir du gaz au moyen de conduites à des consommateurs établis sur le territoire d’une commune ou de plusieurs communes limitrophes ayant conclu entre elles un accord en vue de la fourniture de gaz, à l’exception des fournitures de gaz que les détenteurs d’une licence ou d’une autorisation de transport de gaz sont autorisés à effectuer en vertu de la loi » (Doc. parl., Chambre, S.E. 1988, n° 516/6, p. 144).
B.10.3. Comme le fait valoir le Gouvernement flamand, pour faire la distinction entre le transport et la distribution de gaz, il faut tenir compte de la finalité de l’activité du réseau concernée. Lorsque l’activité du réseau est destinée à desservir des clients finals, celle-ci relève de la distribution publique du gaz, visée à l’article 6, § 1er, VII, alinéa 1er, b), de la loi spéciale du 8 août 1980, et non du transport de gaz, sans fourniture, qui, en vertu de l’article 6, § 1er, VII, alinéa 2, c), de la loi spéciale précitée, est demeuré de la compétence de l’autorité fédérale.
Le fait qu’il s’agisse de clients finals résidentiels ou de clients finals non résidentiels est dénué de pertinence à cet égard (voy. également l’arrêt de la Cour n° 98/2013 du 9 juillet 2013, ECLI:BE:GHCC:2013:ARR.098, B.11.3, et CE, avis n° 71.998/VR/3 du 12 octobre 2022, point 6). Il s’ensuit que la taille ou la pression de service de l’installation ne peuvent pas être prises en compte en tant que critère de répartition de compétences.
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B.10.4. Pour qu’il soit question de transport d’hydrogène au sens de la loi du 11 juillet 2023, il faut cependant aussi qu’une des finalités mentionnées à l’article 2, 3°, a) à e), de cette loi soit poursuivie. Le fait que la définition attaquée prévoie que la pression de service maximale admissible des canalisations doit dépasser 16 bar peut tout au plus aboutir à une restriction du champ d’application de la loi du 11 juillet 2023, dans la mesure où les réseaux qui consistent principalement en des canalisations ayant une pression de service maximale admissible de moins de 16 bar ou égale à 16 bar sont exclus du champ d’application de cette loi. Il n’en résulte toutefois pas que la loi du 11 juillet 2023 règle une matière qui relève de la compétence des régions. Il ne découle pas de l’article 2, 3°, de la loi du 11 juillet 2023 que les réseaux d’hydrogène ayant une fonction de distribution relèvent du champ d’application de cette loi, pour la simple raison que les canalisations de ces réseaux ont une pression de service maximale admissible dépassant 16 bar.
Dans cette mesure, l’article 2, 3°, de la loi du 11 juillet 2023 ne restreint dès lors pas l’exercice de la compétence régionale en matière de distribution publique du gaz, telle qu’elle est fixée à l’article 6, § 1er, VII, alinéa 1er, b), de la loi spéciale du 8 août 1980. La circonstance que le critère, précité, de la pression entraînerait un vide juridique, comme le soutient le Gouvernement flamand, en ce qu’il n’existerait pas de règles pour les réseaux ayant une fonction de transport qui consistent principalement en des canalisations ayant une pression de service maximale admissible de moins de 16 bar ou égale à 16 bar, ne permet pas non plus de conclure que l’article 2, 3°, de la loi du 11 juillet 2023 n’est pas conforme aux règles répartitrices de compétences.
B.11. Deuxièmement, le Gouvernement flamand critique plusieurs finalités visées à l’article 2, 3°, a) à e), de la loi du 11 juillet 2023, que l’activité concernée doit poursuivre pour qu’il soit question d’un transport d’hydrogène.
B.12.1. Il s’agit tout d’abord du transport « vers les grands clients finaux, y compris leur raccordement » (article 2, 3°, c), de la loi du 11 juillet 2023).
L’exposé général de la loi du 11 juillet 2023 mentionne, à ce sujet :
« Cette définition mentionne spécifiquement la possibilité de raccordement de grands clients finals au réseau de transport d’hydrogène vu les gains d’efficacité qu’un tel
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raccordement peut apporter, notamment lorsque les aspects techniques ou économiques du projet concerné le justifient, ou lorsque le client concerné se situe à proximité du réseau de transport d’hydrogène et qu’aucun réseau de distribution d’hydrogène n’est prévu dans cette zone. Vu le stade encore précoce de développement du marché de l’hydrogène, la Commission peut, au cas par cas et en concertation avec les régulateurs régionaux concernés, juger du caractère justifié d’un raccordement au réseau de transport d’hydrogène » (Doc. parl., Chambre, 2022-2023, DOC 55-3077/001, p. 13).
B.12.2. Comme il est dit en B.10.3, l’activité du réseau qui vise à desservir les clients finals relève de la compétence régionale en matière de distribution publique du gaz, visée à l’article 6, § 1er, VII, alinéa 1er, b), de la loi spéciale du 8 août 1980, et, à cet égard, le fait qu’il s’agisse de clients finals résidentiels ou de clients finals non résidentiels est sans importance.
B.12.3. Il peut néanmoins être admis, comme la Cour l’a jugé par l’arrêt n° 98/2013, précité (B.11.3), que le « transport » de gaz n’exclut pas la fourniture à certains clients finals et que cette activité ne fait pas du réseau de transport un réseau de distribution.
Il résulte des travaux préparatoires cités en B.12.1 que l’article 2, 3°, c), de la loi du 11 juillet 2023 doit être interprété en ce sens que le transport « vers les grands clients finaux, y compris leur raccordement » doit avoir un caractère accessoire, et en particulier qu’il porte exclusivement sur la possibilité « de raccordement de grands clients finals au réseau de transport d’hydrogène vu les gains d’efficacité qu’un tel raccordement peut apporter, notamment lorsque les aspects techniques ou économiques du projet concerné le justifient, ou lorsque le client concerné se situe à proximité du réseau de transport d’hydrogène et qu’aucun réseau de distribution d’hydrogène n’est prévu dans cette zone ».
Dans cette interprétation, l’article 2, 3°, c), de la loi du 11 juillet 2023 cadre avec la compétence fédérale relative au transport d’énergie et cette disposition ne porte pas atteinte à la compétence régionale en matière de distribution publique du gaz.
B.13.1. Le Gouvernement flamand critique ensuite le fait que le transport « depuis les grandes installations de production, y compris leur raccordement » et le transport « depuis et vers les grandes installations de stockage d’hydrogène, y compris leur raccordement » sont qualifiés de « transport d’hydrogène » (article 2, 3°, d) et e), de la loi du 11 juillet 2023).
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B.13.2. L’article 2, 3°, d) et e), de la loi du 11 juillet 2023 a pour conséquence qu’un réseau de distribution d’hydrogène, qui est expressément destiné à fournir de l’hydrogène à des clients finals, pourrait, pour la seule raison qu’une grande installation de production ou de stockage d’hydrogène y est raccordée, être qualifié de « transport d’hydrogène » s’il satisfait par ailleurs au critère précité en matière de pression, et donc relever du champ d’application de cette loi.
Comme le fait valoir le Gouvernement flamand, ce que le Conseil des ministres ne conteste pas, il ne semble pas exclu qu’une installation – même grande – de production ou de stockage d’hydrogène soit directement raccordée à un réseau de distribution. L’article 2, 3°, d) et e), de la loi du 11 juillet 2023 porte dès lors atteinte à la compétence régionale en matière de distribution publique du gaz. La circonstance qu’en vertu de l’article 6, § 1er, VII, alinéa 2, c), de la loi spéciale du 8 août 1980, l’autorité fédérale est compétente non seulement pour le transport de l’énergie, mais également pour les grandes infrastructures de stockage d’énergie et pour la production d’énergie ne conduit pas à une autre conclusion.
B.14. Contrairement à ce que le Conseil des ministres fait valoir en ordre subsidiaire, l’article 2, 3°, d) et e), de la loi du 11 juillet 2023 ne trouve aucun fondement au regard de la répartition des compétences dans la compétence résiduelle de l’autorité fédérale. La compétence relative à la distribution publique du gaz a en effet été attribuée expressément aux régions. Le Conseil des ministres ne peut pas non plus invoquer la compétence fédérale en matière de droit de la concurrence, visée à l’article 6, § 1er, VI, alinéa 5, 4°, de la loi spéciale du 8 août 1980. La circonstance que la loi du 11 juillet 2023 tend à garantir l’accès à l’infrastructure du transport d’hydrogène à des conditions transparentes et non discriminatoires ne permet pas à l’autorité fédérale d’étendre aux installations qui relèvent de la compétence régionale en matière de distribution publique du gaz le cadre législatif relatif à la gestion des installations destinées au transport d’hydrogène. Enfin, le Conseil des ministres ne démontre pas que l’article 2, 3°, d) et e), de la loi du 11 juillet 2023 est nécessaire à la mise en œuvre de la compétence réservée en matière de transport d’énergie. Par conséquent, cette disposition ne saurait être justifiée par l’application des pouvoirs implicites.
B.15. En ce qu’il est dirigé contre l’article 2, 3°, d) et e), de la loi du 11 juillet 2023, le premier moyen est fondé. Pour le surplus, le moyen n’est pas fondé, sous réserve de l’interprétation mentionnée en B.12.3.
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En ce qui concerne le deuxième moyen
B.16. Le deuxième moyen est dirigé contre l’article 2, 4°, de la loi du 11 juillet 2023, qui définit la notion de « distribution d’hydrogène ». Selon le Gouvernement flamand, cette disposition n’est pas conforme à l’article 6, § 1er, VII, alinéa 1er, b), de la loi spéciale du 8 août 1980, qui confère aux régions la compétence relative à la distribution publique du gaz.
B.17. L’article 2, 4°, de la loi du 11 juillet 2023 dispose :
« Pour l’application de la présente loi, on entend par :
[...]
4° distribution d’hydrogène: l’activité ayant pour objet de connecter et d’approvisionner en hydrogène, par la voie de réseaux locaux de canalisations, des clients établis sur le territoire d’une ou plusieurs communes déterminées, y compris la connexion et l’approvisionnement des petites installations de production et de stockage, mais ne comprenant pas la fourniture ».
B.18.1. Comme il est dit en B.8.2, une définition ne produit pas, en soi, des effets juridiques, ce qui n’empêche pas que les dispositions fondées sur la définition attaquée doivent être conformes aux règles répartitrices de compétences. Seul l’examen de la réglementation concrète contenant la notion concernée permettrait dès lors d’établir s’il est question d’une violation de ces règles.
B.18.2. Le moyen est exclusivement dirigé contre l’article 2, 4°, de la loi du 11 juillet 2023
et le Gouvernement flamand n’expose pas, pour le surplus, quelles sont, parmi les dispositions de cette loi, celles qui feraient un usage tel de la notion de « distribution d’hydrogène » que l’exercice de la compétence régionale en matière de distribution publique du gaz serait restreint.
La simple circonstance que la notion de « distribution d’hydrogène » au sens de la loi du 11 juillet 2023 dérogerait sur certains points à la notion de « distribution publique du gaz » au sens de l’article 6, § 1er, VII, alinéa 1er, c), de la loi spéciale du 8 août 1980, ne suffit pas pour conclure à une violation des règles répartitrices de compétences.
B.19. Le deuxième moyen n’est pas fondé.
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En ce qui concerne le troisième moyen
B.20. Le troisième moyen est dirigé contre l’article 2, 15°, de la loi du 11 juillet 2023, qui définit la notion de « réseau d’hydrogène existant ». Selon le Gouvernement flamand, cette disposition n’est pas conforme à l’article 6, § 1er, VII, alinéa 1er, b), de la loi spéciale du 8 août 1980, qui confère aux régions la compétence relative à la distribution publique du gaz.
B.21. L’article 2, 15°, de la loi du 11 juillet 2023 dispose :
« Pour l’application de la présente loi, on entend par :
[...]
15° réseau d’hydrogène existant : une canalisation ou un ensemble de canalisations reliées entre elles et destinées au transport d’hydrogène, gérées par une entreprise de transport d’hydrogène autre que le gestionnaire du réseau de transport d’hydrogène, et pour lesquelles les autorisations de transport requises ont été octroyées conformément aux articles 3 à 7 de la loi gaz, y compris les extensions autorisées conformément à l’article 4 de la présente loi ».
B.22. Les articles 20 à 23 de la loi du 11 juillet 2023 contiennent la réglementation concernant la gestion des réseaux d’hydrogène existants. Selon le Gouvernement flamand, la définition attaquée a pour effet que cette réglementation peut également trouver à s’appliquer aux réseaux d’hydrogène existants ayant une fonction de distribution. La Cour doit par conséquent examiner si le législateur, en adoptant la définition attaquée et en délimitant ainsi le champ d’application des articles 20 à 23 précités, a respecté les règles répartitrices de compétences.
B.23.1. La « loi gaz » à laquelle il est fait référence à l’article 2, 15°, de la loi du 11 juillet 2023 est la loi du 12 avril 1965 « relative au transport de produits gazeux et autres par canalisations » (ci-après : la loi du 12 avril 1965).
L’article 2, § 1er, de la loi du 12 avril 1965 dispose :
« La construction et l’exploitation d’installations de transport sont soumises aux prescriptions de la présente loi si ces installations sont destinées ou utilisées :
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1° aux fins d’alimenter en gaz des gestionnaires de réseau de distribution;
2° à l’une des fins énumérées ci-après :
a) alimenter en gaz des clients finals dont les prélèvements de gaz en chaque point de fourniture atteignent en permanence un minimum d’un million de m3 par an;
b) effectuer le transport de gaz sans distribution ni fourniture de gaz sur le territoire belge;
c) alimenter une entreprise en gaz dont la composition chimique ou les caractéristiques physiques (autres que la teneur en azote) sont différentes de celles du gaz fourni par le gestionnaire de réseau de distribution desservant la commune en question;
d) alimenter en gaz un client final auquel l’entreprise de distribution desservant la commune en question ne fournit pas de gaz en quantité suffisante aux conditions générales de l’abonnement ou du contrat d’approvisionnement ou de livraison, notamment dans le délai prévu pour les livraisons dans lesdites conditions générales;
e) favoriser l’utilisation la plus économique de gaz fatals;
f) alimenter en gaz une entreprise en difficulté par la voie d’installations provisoires et pendant le temps strictement nécessaire pour effectuer les réparations requises;
g) relier des installations de production de gaz aux différents sièges d’exploitation d’une même entreprise;
h) interconnecter des installations de production, de transport ou de distribution en vue d’un échange, d’une entraide ou d’une meilleure utilisation de ces installations;
i) relier des gisements de gaz, des usines productrices de gaz, des gisements ou des usines productrices de gaz à des postes de compression ou à des postes de détente, des postes de compression, des postes de détente, ou des postes de compression à des postes de détente ».
Les articles 3 à 7 de la loi du 12 avril 1965 constituent la section 1 (« Autorisations de transport ») du chapitre III (« Dispositions relatives aux autorisations de transport et aux gestionnaires ») de cette loi. L’article 3, alinéa 1er, dispose :
« Sans préjudice des dispositions de la loi du 18 juillet 1975 relative à la recherche et à l’exploitation des sites-réservoirs souterrains destinés au stockage de gaz et des dispositions du chapitre IV de la présente loi, la construction et l’exploitation de toute installation de transport sont soumises à l’octroi préalable d’une autorisation individuelle délivrée par le ministre ».
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B.23.2. Le Gouvernement flamand soutient que plusieurs des finalités mentionnées à l’article 2, § 1er, de la loi du 12 avril 1965 portent en réalité sur la distribution et non sur le transport de gaz et que, de ce fait, dans la pratique, des autorisations de transport au sens des articles 3 à 7 de la loi du 12 avril 1965 sont également octroyées pour des installations ayant une fonction de distribution.
B.23.3. En l’espèce, il n’est pas nécessaire d’examiner si la loi du 12 avril 1965 prévoit effectivement une obligation d’autorisation pour les installations n’ayant pas une fonction de transport, mais de distribution. Les installations pour lesquelles une autorisation de transport a été délivrée conformément à l’article 3 de la loi du 12 avril 1965 ne peuvent en effet pas toutes être considérées comme un réseau d’hydrogène existant au sens de la loi du 11 juillet 2023, étant donné que l’article 2, 15°, attaqué, de cette loi exige également que les canalisations concernées soient « destinées au transport d’hydrogène ». Pour le surplus, il suffit de constater que cette disposition fait référence aux autorisations qui sont délivrées par l’autorité fédérale, en vertu de la législation fédérale.
B.24. Compte tenu de ce qui a été jugé dans le cadre du premier moyen en ce qui concerne la définition de la notion de « transport d’hydrogène », telle qu’elle est contenue dans l’article 2, 3°, de la loi du 11 juillet 2023, le troisième moyen n’est dès lors pas fondé.
En ce qui concerne le quatrième moyen
B.25. Le quatrième moyen est dirigé contre l’article 2, 16°, de la loi du 11 juillet 2023, qui définit la notion d’« installation de stockage d’hydrogène ». Selon le Gouvernement flamand, cette disposition n’est pas compatible avec l’article 6, § 1er, VII, alinéa 1er, de la loi spéciale du 8 août 1980, qui confère aux régions les compétences relatives aux aspects régionaux de l’énergie.
B.26. L’article 2, 16°, de la loi du 11 juillet 2023 dispose :
« Pour l’application de la présente loi, on entend par :
[...]
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16° installation de stockage d’hydrogène : une installation de stockage d’hydrogène, y compris la partie d’un terminal d’hydrogène utilisée pour le stockage mais à l’exclusion de la partie utilisée pour les opérations de production et les installations réservées exclusivement aux gestionnaires de réseaux de transport d’hydrogène dans l’exercice de leurs fonctions ».
B.27. Comme il est dit en B.6.1, l’autorité fédérale est compétente, conformément à l’article 6, § 1er, VII, alinéa 2, c), de la loi spéciale du 8 août 1980, pour les « grandes infrastructures de stockage […] de l’énergie ». Selon le Gouvernement flamand, cette compétence est limitée aux installations de stockage qui peuvent fournir une contribution significative à la sécurité d’approvisionnement, et les autres installations de stockage relèvent des compétences régionales relatives aux aspects régionaux de l’énergie, comme prévu à l’article 6, § 1er, VII, alinéa 1er, de la loi spéciale du 8 août 1980. Il s’ensuivrait qu’en ce que la définition contenue dans l’article 2, 16°, de la loi du 11 juillet 2023 n’est pas limitée aux « grandes » installations de stockage d’hydrogène, cette disposition n’est pas conforme aux règles répartitrices de compétences.
B.28.1. Comme il est dit en B.8.2 et en B.18.1, une définition ne produit pas, en soi, des effets juridiques, ce qui n’empêche pas que les dispositions qui font usage de la définition attaquée doivent être conformes aux règles répartitrices de compétences. Seul l’examen de la réglementation concrète contenant la notion concernée permettrait dès lors d’établir s’il est question d’une violation de ces règles.
B.28.2. Le moyen est exclusivement dirigé contre l’article 2, 16°, de la loi du 11 juillet 2023 et, pour le surplus, le Gouvernement flamand n’expose pas quelles dispositions de cette loi feraient un usage tel de la notion d’« installation de stockage d’hydrogène » que l’exercice des compétences régionales relatives aux aspects régionaux de l’énergie serait limité.
B.29. Le quatrième moyen n’est pas fondé.
En ce qui concerne le cinquième moyen
B.30. Le cinquième moyen est dirigé contre l’article 5, § 6, alinéa 1er, 4° et 7°, de la loi du 11 juillet 2023. Selon le Gouvernement flamand, cette disposition n’est pas conforme à
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l’article 6, § 1er, VII, alinéa 1er, de la loi spéciale du 8 août 1980, qui confère aux régions les compétences relatives aux aspects régionaux de l’énergie, et en particulier en ce qui concerne la distribution publique du gaz (b)).
B.31. Conformément à l’article 4 de la loi du 11 juillet 2023, une autorisation de transport d’hydrogène est en principe requise pour la construction et l’exploitation de chaque installation de transport d’hydrogène. L’article 5 de la même loi porte sur la procédure d’octroi de telles autorisations. Plus particulièrement, l’article 5, § 5, dispose que le ministre peut décider, sur la proposition de la Commission de régulation de l’électricité et du gaz (ci-après : la CREG), de l’octroi d’autorisations de transport d’hydrogène pour l’extension de réseaux d’hydrogène existants, en tenant compte notamment de « la compatibilité de la dérogation avec l’intérêt public, évaluée conformément au paragraphe 6 ».
B.32.1. Conformément à l’article 5, § 6, alinéa 1er, 4°, attaqué, de la loi du 11 juillet 2023, la CREG tient compte, lors de l’évaluation de la compatibilité de l’extension du réseau d’hydrogène existant avec l’intérêt public, de « la part de marché qui serait approvisionnée par cette canalisation et [de] l’impact éventuel sur les tarifs du gestionnaire du réseau de transport d’hydrogène ». Selon le Gouvernement flamand, un tel critère implique que le réseau d’hydrogène existant peut directement approvisionner le marché. Il en résulterait que l’obligation d’autorisation fédérale s’applique également en ce qui concerne les canalisations d’hydrogène ayant une fonction de distribution et qu’il est donc porté atteinte à la compétence régionale en matière de distribution publique du gaz.
B.32.2. Comme il est dit en B.23.3, il faut, en vertu de la définition de la notion de « réseau d’hydrogène existant » contenue dans l’article 2, 15°, de la loi du 11 juillet 2023, que les canalisations concernées soient « destinées au transport d’hydrogène ». Compte tenu de ce qui a été considéré dans le cadre du premier moyen quant à la définition de la notion de « transport d’hydrogène » contenue dans l’article 2, 3°, de la loi du 11 juillet 2023, la possibilité d’octroyer une autorisation pour l’extension d’un réseau d’hydrogène existant, visée à l’article 5, §§ 5 et 6, de cette loi, ne porte donc pas sur les canalisations d’hydrogène ayant une fonction de distribution. Le législateur peut prévoir l’obligation de tenir compte, lors de l’octroi d’une telle autorisation, de la part de marché qui serait approvisionnée grâce à la canalisation concernée,
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sans qu’il soit porté atteinte à la compétence régionale en matière de distribution publique du gaz.
B.33.1. Conformément à l’article 5, § 6, alinéa 1er, 7°, attaqué, de la loi du 11 juillet 2023, la CREG tient également compte, lors de l’évaluation de la compatibilité de l’extension du réseau d’hydrogène existant avec l’intérêt social, des « impacts et contraintes techniques ou économiques pour l’utilisateur de réseau, y compris en ce qui concerne la possibilité de raccorder de nouvelles unités de production à un réseau hydrogène existant par un gestionnaire d’un réseau hydrogène existant ou une entreprise associée ». Le Gouvernement flamand fait valoir que cette disposition n’opère pas de distinction en fonction de la taille des nouvelles installations de production, alors que, conformément à l’article 6, § 1er, VII, alinéa 2, c), de la loi spéciale du 8 août 1980, l’autorité fédérale serait exclusivement compétente pour la production d’énergie à grande échelle, et qu’il doit être question d’une contribution significative à la sécurité d’approvisionnement du pays.
B.33.2. L’article 5, § 6, alinéa 1er, 7°, de la loi du 11 juillet 2023 ne règle pas la construction ni l’exploitation de nouvelles installations de production d’hydrogène, mais prévoit uniquement qu’il convient de tenir compte de la possibilité de raccordement de telles installations de production à un réseau d’hydrogène existant, après l’extension visée de ce réseau. Eu égard à ce qui est dit en B.23.3 et B.32.2, ainsi qu’à ce que la Cour a jugé en ce qui concerne le premier moyen, les réseaux d’hydrogène existants sont par définition destinés au transport d’hydrogène. Par conséquent, le critère attaqué s’inscrit, quelles que soient la nature ou la taille des installations de production concernées, dans la compétence fédérale en matière de transport d’énergie, visée à l’article 6, § 1er, VII, alinéa 2, c), de la loi spéciale du 8 août 1980.
B.34. Le cinquième moyen n’est pas fondé.
En ce qui concerne le sixième moyen
B.35. Le sixième moyen est dirigé contre l’article 11, 6°, de la loi du 11 juillet 2023. Selon le Gouvernement flamand, cette disposition porte atteinte aux compétences régionales relatives à la protection de l’environnement, visées à l’article 6, § 1er, II, alinéa 1er, 1°, de la loi spéciale
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du 8 août 1980, ainsi qu’aux sources nouvelles d’énergie et à l’utilisation rationnelle de l’énergie, visées à l’article 6, § 1er, VII, alinéa 1er, f) et h), de la même loi spéciale.
B.36.1. L’article 11 de la loi du 11 juillet 2023 fixe les critères d’évaluation pour désigner le gestionnaire du réseau de transport d’hydrogène :
« La Direction générale de l’Energie et la Commission évaluent les candidatures des candidats sur la base des critères suivants :
1° la qualité du plan d’entreprise détaillant les ressources financières, techniques, matérielles et humaines que le demandeur entend consacrer au développement d’un réseau de transport d’hydrogène ouvert aux tiers, desservant et reliant, lorsque cela est techniquement faisable et économiquement justifié, les principaux pôles industriels belges, en anticipant l’évolution de la demande du marché et en tenant compte des objectifs de la politique fédérale en matière d’hydrogène, telle que publiée sur le site du SPF Economie;
2° l’expérience du candidat dans la construction ou la gestion d’infrastructures de transport de gaz;
3° l’expérience du candidat dans la gestion d’un réseau ouvert aux tiers ou, en l’absence d’une telle expérience, les compétences dont le candidat peut faire preuve dans la gestion d’un réseau ouvert aux tiers;
4° la couverture territoriale, l’emplacement, la capillarité et les caractéristiques des canalisations de transport appartenant au candidat ou bénéficiant d’un droit d’utilisation à long terme par le candidat, ou qu’il montre ou démontre de manière crédible qu’il sera en mesure d’acquérir avec une probabilité raisonnable dans un avenir proche, qui peuvent être utilisées pour le transport d’hydrogène, soit dans leur état actuel, soit en les convertissant en canalisations de transport d’hydrogène;
5° la manière dont le candidat entend contribuer à l’équilibre et à la flexibilité du système énergétique dans son ensemble, tous vecteurs énergétiques confondus;
6° la contribution à la politique énergétique et climatique belge et européenne, y compris les efforts visant à éviter les émissions de gaz à effet de serre ».
B.36.2. L’article 13, 1°, de la loi du 11 juillet 2023 oblige le gestionnaire du réseau de transport d’hydrogène à s’assurer « qu’il continue à remplir les conditions [...] de sa désignation en tant que gestionnaire du réseau de transport d’hydrogène visées à l’article 11 ».
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B.37.1. En vertu de l’article 6, § 1er, II, 1°, de la loi spéciale du 8 août 1980, les régions sont compétentes pour « la protection de l’environnement, notamment celle du sol, du sous-sol, de l’eau et de l’air contre la pollution et les agressions ainsi que la lutte contre le bruit ».
B.37.2. Selon l’article 6, § 1er, VII, alinéa 1er, f) et h), de la loi spéciale du 8 août 1980, les régions sont compétentes pour « les aspects régionaux de l’énergie, et en tout cas » :
« f) Les sources nouvelles d’énergie à l’exception de celles liées à l’énergie nucléaire;
[...]
h) L’utilisation rationnelle de l’énergie ».
B.38.1. En vertu de l’article 6, § 1er, II, précité, de la loi spéciale du 8 août 1980, les régions sont compétentes pour prévenir et combattre les différentes formes de pollution de l’environnement. Le législateur régional puise dans le 1° de cette disposition la compétence générale qui lui permet de régler ce qui concerne la protection de l’environnement, notamment de l’air, contre la pollution et les agressions qui lui sont portées. Ce fondement de compétence comprend la protection du climat, ainsi que la compétence pour prendre des mesures visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre dans l’air, quelle qu’en soit l’origine (voy.
également les arrêts de la Cour nos 98/2013, précité, B.19, et 147/2022, du 10 novembre 2022, ECLI:BE:GHCC:2022:ARR.147, B.7.2 à B.7.4).
B.38.2. Les régions disposent en outre de plusieurs compétences en matière de politique de l’énergie, en particulier les compétences, précitées, relatives aux sources nouvelles d’énergie et à l’utilisation rationnelle de l’énergie, visées à l’article 6, § 1er, VII, alinéa 1er, f) et h), de la loi spéciale du 8 août 1980.
B.38.3. La politique climatique relève, en premier lieu, de la compétence régionale en matière de protection de l’environnement. Par ailleurs, la politique menée dans d’autres matières régionales, dont les compétences régionales, précitées, en matière de politique énergétique, porte aussi sur le climat. Comme l’a observé la section de législation du Conseil
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d’État, l’autorité fédérale a cependant elle aussi, « dans ces matières, [...] conservé un certain nombre de compétences », de sorte qu’il peut être admis que « la politique climatique englobe ainsi un ensemble de domaines répartis entre l’autorité fédérale et les régions » (CE, avis n° 65.404/AG et 65.405/AG du 4 mars 2019, point 2.1).
B.38.4. Enfin, il appartient tant à l’autorité fédérale qu’aux régions de mettre en œuvre en droit interne, chacune en ce qui concerne les matières pour lesquelles elle est compétente, la politique énergétique et climatique de l’Union européenne.
B.39.1. Conformément à l’article 11, 6°, attaqué, de la loi attaquée du 11 juillet 2023, la Direction générale de l’énergie et la CREG évaluent les candidatures des candidats gestionnaires du réseau de transport d’hydrogène sur la base de « la contribution à la politique énergétique et climatique belge et européenne, y compris des efforts visant à éviter les émissions de gaz à effet de serre ». Il découle de ce qui précède que ces instances fédérales doivent ainsi également apprécier la contribution des candidats gestionnaires du réseau de transport d’hydrogène au regard de la politique menée par les régions dans le cadre de plusieurs de leurs compétences exclusives. Aux termes de l’article 13, le gestionnaire du réseau de transport d’hydrogène doit notamment veiller à continuer à satisfaire aux conditions de certification visées à l’article 10 et aux conditions de sa désignation en tant que gestionnaire du réseau de transport d’hydrogène, visées à l’article 11 (1°), et à soutenir la politique de l’énergie fédérale belge et européenne (12°).
B.39.2. L’on ne saurait, à cet égard, qualifier d’excès de compétence la circonstance que la Direction générale de l’énergie et la CREG doivent évaluer les candidatures à l’aune de la politique climatique et énergétique européenne et belge, en ce compris leurs aspects régionaux, inscrite, entre autres, dans le Plan national Énergie-Climat belge intégré, applicable, en exécution du règlement (UE) 2018/1999 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 « sur la gouvernance de l’union de l’énergie et de l’action pour le climat, modifiant les règlements (CE) n° 663/2009 et (CE) n° 715/2009 du Parlement européen et du Conseil, les directives 94/22/CE, 98/70/CE, 2009/31/CE, 2009/73/CE, 2010/31/UE, 2012/27/UE et 2013/30/UE du Parlement européen et du Conseil, les directives 2009/119/CE et (UE) 2015/652 du Conseil et abrogeant le règlement (UE) n° 525/2013 du Parlement européen
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et du Conseil ». Cette condition tend précisément à garantir que l’évaluation tienne compte non seulement de la politique européenne et fédérale, mais aussi de la politique des régions, qui, le cas échéant, s’avérerait pertinente pour cette évaluation, et semble de ce fait plus complémentaire que contraire aux options politiques régionales. Cette exigence traduit ainsi le souhait de respecter la loyauté fédérale, conformément à l’article 143, § 1er, de la Constitution.
B.40. Compte tenu de ce qui est dit en B.39.1 et en B.39.2, le sixième moyen n’est pas fondé.
En ce qui concerne le septième moyen
B.41.1. Le septième moyen est dirigé contre l’article 17, alinéa 1er, de la loi du 11 juillet 2023. Selon le Gouvernement flamand, cette disposition porte atteinte à la compétence régionale en matière de distribution publique du gaz, telle qu’elle est fixée à l’article 6, § 1er, VII, alinéa 1er, b), de la loi spéciale du 8 août 1980 et elle n’est pas conforme non plus au principe de proportionnalité ni au principe de la loyauté fédérale.
B.41.2. Le Gouvernement flamand soutient également, dans son mémoire en réponse, que l’article 17, alinéa 1er, de la loi du 11 juillet 2023 n’est pas conforme à l’article 6, § 4, 1°, de la loi spéciale du 8 août 1980. Il s’agit d’un moyen nouveau, qui, en vertu de l’article 85 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, est irrecevable.
B.42. L’article 17 de la loi du 11 juillet 2023 dispose :
« Le gestionnaire du réseau de transport d’hydrogène établit des normes de qualité pour le transport d’hydrogène par le réseau de transport d’hydrogène, en tenant compte de toute norme européenne, après avoir consulté les entreprises d’hydrogène établies en Belgique et les gestionnaires de réseaux de transport d’hydrogène des pays voisins. Ces normes de qualité d’hydrogène sont approuvées par le ministre avant leur entrée en vigueur.
Le gestionnaire du réseau de transport d’hydrogène est chargé de contrôler la conformité aux normes de qualité de toute installation de production ou de transport d’hydrogène connectée au réseau de transport d’hydrogène. En cas de non-conformité, le gestionnaire du réseau de transport d’hydrogène en informe le ministre. Le gestionnaire du réseau de transport
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d’hydrogène prend toutes les mesures nécessaires et proportionnées pour remédier à la non-
conformité, y compris celles exigées par le ministre.
Par dérogation à l’alinéa 1er, le gestionnaire du réseau de transport d’hydrogène peut demander au ministre d’appliquer des normes de qualité différentes à des parties limitées du réseau qu’il gère, à condition que cela soit techniquement justifiable et que les utilisateurs de réseau concernés y consentent. Le ministre peut demander un avis à la Commission afin d’éviter une segmentation inutile du marché sur la base de normes de qualité différentes. En cas d’accord, le ministre définit les conditions et la durée de la dérogation en tenant compte de la place qu’occupent ces canalisations dans le réseau de transport d’hydrogène, et veille à leur respect ».
B.43. Le Gouvernement flamand fait valoir qu’en vertu de leur compétence en matière de distribution publique du gaz, les régions sont compétentes pour la sécurité et la qualité de la distribution d’hydrogène. En ce que l’article 17, alinéa 1er, de la loi du 11 juillet 2023 ne contient pas une obligation d’associer les régions à la fixation des normes de qualité pour le transport d’hydrogène, cette disposition a pour effet, selon le Gouvernement flamand, d’empêcher les régions de réglementer la qualité de l’hydrogène au niveau de la distribution, étant donné que les réseaux de transport d’hydrogène et les réseaux de distribution d’hydrogène seront reliés entre eux. L’article 17, alinéa 1er, de la loi du 11 juillet 2023 aurait de ce fait pour conséquence de rendre impossible ou exagérément difficile l’exercice de la compétence régionale en matière de distribution publique du gaz, ce qui serait également contraire au principe de la loyauté fédérale.
B.44.1. La fixation des normes de qualité pour le transport d’hydrogène par le réseau de transport d’hydrogène relève de la compétence de l’autorité fédérale en matière de transport d’énergie.
B.44.2. Dans l’exercice de ses compétences, le législateur doit néanmoins respecter la loyauté fédérale, ainsi que le prévoit l’article 143, § 1er, de la Constitution.
B.44.3. Le respect de la loyauté fédérale suppose que, lorsqu’elles exercent leurs compétences, l’autorité fédérale et les entités fédérées ne perturbent pas l’équilibre de la construction fédérale dans son ensemble. La loyauté fédérale concerne plus que le simple exercice des compétences : elle indique dans quel esprit il doit avoir lieu.
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Le principe de la loyauté fédérale oblige chaque législateur à veiller à ce que l’exercice de sa propre compétence ne rende pas impossible ou exagérément difficile l’exercice de leurs compétences par les autres législateurs.
B.45. L’article 17, alinéa 1er, de la loi du 11 juillet 2023 ne fixe pas, en soi, les normes de qualité pour le transport d’hydrogène, mais prévoit uniquement que ces normes de qualité sont établies par le gestionnaire du réseau de transport d’hydrogène et qu’elles sont ensuite approuvées par le ministre compétent. Cette disposition n’empêche pas la tenue d’une concertation avec les instances régionales concernées avant l’adoption de l’arrêté ministériel portant approbation des normes de qualité. La circonstance que, comme le soutient le Gouvernement flamand, l’article 17, alinéa 1er, de la loi du 11 juillet 2023 prévoit expressément une obligation pour le gestionnaire du réseau de transport d’hydrogène de consulter « les entreprises d’hydrogène établies en Belgique et les gestionnaires de réseaux de transport d’hydrogène des pays voisins », n’y change rien.
B.46. Lorsque le législateur délègue, il faut supposer, sauf indications contraires, qu’il entend exclusivement habiliter le délégué à faire de son pouvoir un usage conforme à la Constitution. C’est au juge administratif et au juge judiciaire qu’il appartient de contrôler dans quelle mesure le délégué aurait excédé les termes de l’habilitation qui lui a été conférée, et, le cas échéant, de juger si le ministre compétent n’a pas rendu impossible ou exagérément difficile l’exercice de la compétence régionale en matière de distribution publique du gaz en approuvant les normes de qualité pour le transport d’hydrogène sans y associer les régions.
La violation alléguée des règles répartitrices de compétences et de l’article 143, § 1er, de la Constitution ne réside donc pas dans l’article 17, alinéa 1er, de la loi du 11 juillet 2023, mais pourrait uniquement résulter de la manière dont le ministre compétent ferait usage de l’habilitation qui lui est conférée.
B.47. Le septième moyen n’est pas fondé.
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Par ces motifs,
la Cour
1. annule l’article 2, 3°, d) et e), de la loi du 11 juillet 2023 « relative au transport d’hydrogène par canalisations et relative à la production d’hydrogène dans les espaces marins sous la juridiction de la Belgique »;
2. sous réserve de l’interprétation mentionnée en B.12.3, rejette le recours pour le surplus.
Ainsi rendu en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l’article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 14 novembre 2024.
Le greffier, Le président,
Nicolas Dupont Luc Lavrysen