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11/04/2024 | BELGIQUE | N°45/2024

Belgique | Belgique, Cour constitutionnel, 11 avril 2024, 45/2024


Cour constitutionnelle
Arrêt n° 45/2024
du 11 avril 2024
Numéro du rôle : 8086
En cause : le recours en annulation partielle du décret de la Région wallonne du 9 mars 2023 « relatif aux déchets, à la circularité des matières et à la propreté publique », introduit par l’ASBL « Recupel » et autres.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents Pierre Nihoul et Luc Lavrysen, et des juges Thierry Giet, Joséphine Moerman, Michel Pâques, Yasmine Kherbache, Sabine de Bethune, Emmanuelle Bribosia, Willem Verrijdt et Magali Plovie, assistée du greffie

r Frank Meersschaut, présidée par le président Pierre Nihoul,
après en avoir délibéré, ...

Cour constitutionnelle
Arrêt n° 45/2024
du 11 avril 2024
Numéro du rôle : 8086
En cause : le recours en annulation partielle du décret de la Région wallonne du 9 mars 2023 « relatif aux déchets, à la circularité des matières et à la propreté publique », introduit par l’ASBL « Recupel » et autres.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents Pierre Nihoul et Luc Lavrysen, et des juges Thierry Giet, Joséphine Moerman, Michel Pâques, Yasmine Kherbache, Sabine de Bethune, Emmanuelle Bribosia, Willem Verrijdt et Magali Plovie, assistée du greffier Frank Meersschaut, présidée par le président Pierre Nihoul,
après en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant :
I. Objet du recours et procédure
Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 5 octobre 2023 et parvenue au greffe le 10 octobre 2023, un recours en annulation partielle du décret de la Région wallonne du 9 mars 2023 « relatif aux déchets, à la circularité des matières et à la propreté publique » (publié au Moniteur belge du 31 juillet 2023; erratum au Moniteur belge du 25 octobre 2023) a été introduit par l’ASBL « Recupel », l’ASBL « Bebat », l’ASBL « Recytyre », l’ASBL « Techlink », l’ASBL « Agoria », l’ASBL « Traxio », l’ASBL « Groupement professionnel belge des Importateurs et Concessionnaires d’Usines d’Outillage », l’ASBL « Fédération Belge des Fournisseurs de Machines, Bâtiments et Equipements et services connexes pour l’Agriculture et les Espaces verts » et la SA « Sortbat », assistées et représentées par Me Dominique Lagasse, avocat au barreau de Bruxelles.
Par la même requête, les parties requérantes demandaient également la suspension partielle du même décret. Par l’arrêt n° 5/2024 du 11 janvier 2024 (ECLI:BE:GHCC:2024:ARR.005), publié au Moniteur belge du 15 janvier 2024, la Cour a partiellement suspendu le décret.
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Des mémoires ont été introduits par :
- la SA « Signify Belgium », la SA « TP Vision Belgium », la SA « BSH Home Appliances », la SA « Miele » et la SRL « Bebat PRO », assistées et représentées par Me Dominique Lagasse (parties intervenantes);
- le Gouvernement wallon, assisté et représenté par Me Jean-François Cartuyvels, avocat au barreau du Luxembourg.
Les parties requérantes ont introduit un mémoire en réponse.
Le Gouvernement wallon a également introduit un mémoire en réplique.
Par ordonnance du 21 février 2024, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteurs Magali Plovie et Willem Verrijdt, a décidé :
- que l’affaire était en état et a fixé l’audience au 13 mars 2024;
- d’inviter les parties à communiquer, pour le 1er mars 2024 au plus tard, le projet d’accord de coopération concernant le cadre de la responsabilité élargie des producteurs pour certains flux de déchets et pour les déchets sauvages.
Les parties requérantes et le Gouvernement wallon ont introduit le projet d’accord de coopération.
À l’audience publique du 13 mars 2024 :
- ont comparu :
. Me Dominique Lagasse et Me Séverine Perin, avocate au barreau de Bruxelles, pour les parties requérantes et pour les parties intervenantes;
. Me Jean-François Cartuyvels, pour le Gouvernement wallon;
- les juges-rapporteurs Magali Plovie et Willem Verrijdt ont fait rapport;
- les avocats précités ont été entendus;
- l’affaire a été mise en délibéré.
Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives à la procédure et à l’emploi des langues ont été appliquées.
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II. En droit
-A-
Quant à la recevabilité de la requête en annulation et de l’intervention
A.1.1. Les trois premières parties requérantes sont des ASBL qui assument, pour le compte des producteurs qui leur sont affiliés, la mise en œuvre de la responsabilité élargie des producteurs en matière de gestion des déchets. Elles exposent qu’elles sont actives sur l’ensemble du territoire belge. Les quatrième à huitième parties requérantes sont des ASBL qui défendent les intérêts collectifs des entreprises qui sont des producteurs assumant une responsabilité élargie en ce qui concerne la gestion des déchets. La neuvième partie requérante est une société anonyme qui a été créée par la deuxième partie requérante pour gérer une usine de tri de certains déchets.
A.1.2. Les quatre premières parties intervenantes sont des sociétés anonymes, productrices d’équipements électriques et électroniques (ci-après : EEE), soumises à la responsabilité élargie des producteurs en matière de déchets. Elles ont confié, moyennant le versement de cotisations, la mise en œuvre de leurs obligations à la première partie requérante. La cinquième partie intervenante est une SRL, filiale de la deuxième partie requérante, via laquelle cette dernière effectue des activités opérationnelles.
A.2.1. Le Gouvernement wallon observe que le dispositif de la requête est décliné en trois volets. Les parties requérantes demandent, à titre principal, la suspension de l’article 123, § 1er, 24° à 28°, du décret du 9 mars 2023
« relatif aux déchets, à la circularité des matières et à la propreté publique » (ci-après : le décret du 9 mars 2023), elles demandent, à titre subsidiaire, la suspension des articles 123, § 1er, 24° à 28°, 127, § 1er, 128, § 2, 129, § 1er, 132, § 1er, 137, § 1er, 138, § 1er, 6° et 7°, 140, 159, 2°, 160, 1° et 9°, 172, 204, 39°, 269 et 271, § 1er, du même décret et elles demandent, enfin, l’annulation de tous ces articles et, en outre, des articles 49, § 1er, 121, § 3, 144
à 157, 161, § 1er, 162 à 171, 173, 175 et 178, § 1er, du même décret.
Il estime que, dans l’hypothèse où la Cour ferait droit à la demande de suspension formulée à titre principal et suspendrait en conséquence l’article 123, § 1er, 24° à 28°, du décret du 9 mars 2023, elle annulerait ensuite cette disposition. Il considère que le caractère subsidiaire de la demande de suspension visant les autres dispositions rejaillit sur le recours en annulation de ces dispositions, et il en déduit que, en cas d’annulation de l’article 123, § 1er, 24° à 28°, les autres dispositions qui ne sont visées que dans la demande de suspension subsidiaire ne devront pas être examinées au stade de l’annulation. Il en conclut que le recours en annulation des dispositions qui ne sont visées que dans la demande subsidiaire de suspension ne serait pas recevable dans l’hypothèse où la Cour ferait droit à la demande principale de suspension et que, dès lors, les premier, deuxième, troisième, cinquième et sixième moyens sont irrecevables.
A.2.2. Les parties requérantes font valoir que la thèse du Gouvernement wallon repose sur une lecture erronée du dispositif de la requête en suspension et en annulation. Elles ajoutent qu’une demande de suspension est toujours l’accessoire d’un recours en annulation et que ce n’est pas parce qu’une demande de suspension partielle est introduite dans le même acte de procédure qu’un recours en annulation que la saisine de la Cour au contentieux de l’annulation serait limitée aux dispositions que la Cour suspendrait.
A.2.3. Le Gouvernement wallon relève par ailleurs que les parties requérantes estiment que la suspension de l’article 123, § 1er, 24° à 28°, du décret du 9 mars 2023 permettrait de rendre inapplicable l’intégralité du titre 2
du décret, étant donné qu’il définit la notion de « producteur de produit ». Le Gouvernement wallon en déduit qu’en cas de suspension puis d’annulation de cette disposition par la Cour, les articles 121 à 197 du décret seraient rendus inapplicables, de sorte que l’intérêt des parties requérantes à demander l’annulation de ces dispositions perdrait son caractère actuel.
A.2.4. Selon les parties requérantes, cette thèse néglige le fait que la suspension d’une norme législative n’empêche que temporairement l’application de la disposition suspendue et ne fait pas disparaître celle-ci de l’ordonnancement juridique. Elles indiquent que l’annulation, par la Cour, de l’article 123, § 1er, 24° à 28°, du
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décret du 9 mars 2023 ne ferait pas disparaître de l’ordonnancement juridique les autres dispositions du titre 2 du décret, de sorte que ces dernières redeviendraient applicables le jour où une nouvelle définition de la notion de « producteurs de produits » serait applicable et qu’elles pourraient, à ce moment, avoir une incidence directe et défavorable sur leur situation.
À titre subsidiaire, les parties requérantes demandent à la Cour, dans l’hypothèse où elle n’annulerait que l’article 123, § 1er, 24° à 28°, du décret du 9 mars 2023, de surseoir à statuer sur le recours en annulation des autres dispositions jusqu’à ce que le législateur décrétal ait adopté une définition du « producteur soumis à la responsabilité élargie des producteurs de produits ».
A.2.5. Le Gouvernement wallon prend acte, dans son mémoire en réplique, de l’arrêt de la Cour n° 5/2024
du 11 janvier 2024 (ECLI:BE:GHCC:2024:ARR.005). Il confirme sa position en ce qui concerne l’étendue du recours en annulation et l’intérêt actuel des parties requérantes. Il s’en remet à la sagesse de la Cour quant à la demande subsidiaire de surseoir à statuer sur le recours en annulation des autres dispositions du titre 2 du décret du 9 mars 2023.
Quant aux moyens
Premier moyen
A.3.1. Les parties requérantes prennent un premier moyen de la violation, par les articles 204, 39°, 269 et 271, § 1er, du décret du 9 mars 2023, des articles 10, 11, 12, 14, 23 et 27 de la Constitution et de l’article 6, § 1er, VI, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles (ci-après : la loi spéciale du 8 août 1980). Elles font grief aux dispositions attaquées de ne prévoir aucun régime transitoire pour les organismes de gestion qui, comme les trois premières parties requérantes, ne sont plus couvertes par des conventions environnementales en vigueur. Elles exposent que le décret du 9 mars 2023 applique aux organismes en matière de responsabilité élargie des producteurs deux régimes juridiques distincts, dès lors que les organismes liés par une convention environnementale encore en vigueur peuvent poursuivre leurs activités et disposent du temps nécessaire pour s’adapter au nouveau mécanisme d’agrément mis en place par le décret, tandis que les organismes qui ne sont plus liés par une convention environnementale risquent d’être sanctionnés pénalement parce qu’ils continuent à exercer les obligations de leurs adhérents en matière de responsabilité élargie, alors qu’il leur est impossible d’obtenir rapidement l’agrément nécessaire. Elles font valoir que cette différence de traitement n’est pas justifiée, que le risque de sanction pénale auquel les trois premières parties requérantes sont exposées est contraire au principe de légalité en matière pénale et que, si elles étaient contraintes d’arrêter leurs activités, cela porterait atteinte au droit à un environnement sain, à la liberté d’association et à la liberté de commerce et d’industrie.
Elles ajoutent que le régime transitoire prévu à l’article 269, § 5, du décret du 9 mars 2023 ne concerne que la collecte des déchets ménagers et non la collecte des déchets assimilés aux déchets ménagers ou la collecte des déchets professionnels, des déchets d’origine domestique ou encore des déchets d’origine industrielle, dont les trois premières parties requérantes assurent notamment la collecte.
Les parties intervenantes se réfèrent intégralement aux développements des parties requérantes.
A.3.2. Le Gouvernement wallon précise que les producteurs de produits et les organismes en matière de responsabilité élargie des producteurs disposent de neuf mois pour faire approuver leur plan stratégique (articles 140 et 158 du décret du 9 mars 2023), que les demandes d’agrément et d’approbation du plan stratégique constituent les deux pans d’une même procédure prévue aux articles 183 à 188 du même décret, de sorte que la procédure d’agrément dure maximum 165 jours, alors que les organismes disposent de neuf mois pour être en ordre. Il rappelle que le nouveau décret n’a pas vocation à régulariser des situations non conformes à la législation antérieure et qu’il ne met en place un régime transitoire que pour les situations autorisées en vertu de cette législation. Il estime que la situation des organismes liés par une convention environnementale en vigueur et celle des organismes non liés par une telle convention ne sont pas comparables. En ce qui concerne le risque de sanction pénale, il estime qu’une telle sanction prononcée contre un organisme qui ne disposerait pas de l’agrément requis serait illégale si les dispositions qui organisent cet agrément sont inapplicables en raison de l’annulation de l’article 123, § 1er, 24° à 28°, du décret du 9 mars 2023. Enfin, il ne comprend pas la critique concernant l’article 269, § 5, du décret du 9 mars 2023 et souligne qu’aucune des parties requérantes n’est en tout cas concernée par cette disposition.
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A.3.3. Les parties requérantes déduisent du libellé de l’article 183 du décret du 9 mars 2023 que le plan stratégique que les organismes doivent joindre à leur demande d’agrément est un plan stratégique renforcé au sens de l’article 172 du même décret et qu’il doit être approuvé par l’administration dans le délai de neuf mois visé à l’article 140 du même décret. Elles considèrent que le caractère obscur des mécanismes d’approbation du plan stratégique et de délivrance des agréments n’est en tout état de cause pas conforme au principe de légalité en matière pénale. Elles rappellent qu’elles ont été constituées, pour les trois premières d’entre elles, avant la conclusion de conventions environnementales et que l’obligation de reprise des producteurs soumis à la responsabilité élargie des producteurs de produits existait et continue d’exister en application du principe du pollueur-payeur, de la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 « relative aux déchets et abrogeant certaines directives » (ci-après : la directive 2008/98/CE) et des conventions conclues entre les trois premières parties requérantes et leurs adhérents, même en l’absence d’une convention environnementale. Elles estiment que, dès lors que tant les organismes en matière de responsabilité élargie des producteurs qui sont encore liés par une convention environnementale que les organismes qui ne le sont plus sont soumis au principe du pollueur-payeur et au mécanisme de l’agrément, ces catégories d’organismes sont comparables. Elles ajoutent qu’il leur est impossible de respecter immédiatement le décret attaqué et que l’absence d’un régime transitoire au profit des organismes qui ne sont plus couverts par une convention environnementale ne paraît pas justifiable au regard du principe du pollueur-payeur, porte atteinte au principe de la confiance légitime et de la sécurité juridique et implique nécessairement une violation du principe de légalité en matière pénale. Enfin, en ce qui concerne l’article 269, § 5, du décret du 9 mars 2023, elles exposent qu’elles ne sont pas concernées par cette disposition, ce qui confirme que le décret ne prévoit aucun régime transitoire adapté à leur situation. À titre très subsidiaire, elles demandent à la Cour de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne.
A.3.4. Le Gouvernement wallon relève que les parties requérantes n’exposent pas en quoi elles auraient encore un intérêt actuel à critiquer le régime qui s’applique à leur situation, alors que les dispositions qu’elles ne sont pas, d’après elles, en mesure de respecter immédiatement sont rendues inapplicables par la suspension et par l’annulation probable de l’article 123, § 1er, 24° à 28°, du décret du 9 mars 2023. Il ajoute, pour le surplus, que les parties requérantes ne démontrent pas qu’il leur serait matériellement impossible d’obtenir l’agrément requis dans les délais imposés et il indique qu’en matière de déchets d’emballages, les principaux opérateurs ont déposé leur demande d’agrément sans retard et que la Région wallonne a accordé ces agréments sans difficultés particulières.
Deuxième moyen
A.4.1. Les parties requérantes prennent un deuxième moyen de la violation, par les articles 123, § 1er, 24° à 28°, 127, § 1er, 128, § 2, 129, § 1er, 132, § 1er, 137, § 1er, 138, § 1er, 6° et 7°, 140, 160, 9°, et 172 du décret du 9 mars 2023, de l’article 143, § 1er, de la Constitution, des articles 5, 39 et 134 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 2 et 19, § 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 et avec le principe de la libre circulation des services garanti par l’article 6, § 1er, VI, alinéa 3, de la même loi spéciale. Elles font grief aux dispositions attaquées de définir le producteur de produits visé par le régime de la responsabilité élargie des producteurs de produits comme étant celui qui fabrique, revend, met sur le marché belge des équipements électriques et électroniques (EEE), des piles ou des accumulateurs ou des véhicules ou d’autres produits qui sont à l’origine des déchets visés par la responsabilité élargie, de sorte que, sans accord de coopération préalable avec les deux autres régions, il est impossible de mettre le décret en œuvre sans empiéter sur les compétences territoriales des deux autres régions et sans violer le principe de la loyauté fédérale.
A.4.2. Elles exposent que les dispositions attaquées risquent d’avoir pour effet d’empêcher ou, à tout le moins, de rendre très difficile l’exercice par les deux autres régions de leurs compétences en matière de déchets, dans le cadre de la responsabilité élargie des producteurs. Elles relèvent ainsi que le fait que la Région wallonne fixe les contributions à payer par les organismes en matière de responsabilité élargie des producteurs en fonction des coûts liés à la mise sur le marché belge des produits concernés implique nécessairement d’imposer les mêmes montants de contribution aux deux autres régions ou de soumettre les organismes à plusieurs contributions couvrant chacune les mêmes coûts. De même, elles estiment que les règles de gouvernance que la Région wallonne impose aux organismes devront nécessairement être imposées aussi dans les deux autres régions, dans un souci
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d’éviter les contradictions. Elles expliquent qu’étant donné la taille réduite du marché belge des déchets et dès lors que les producteurs mettent leurs produits sur le marché sans pouvoir nécessairement déterminer le territoire régional dans lequel ils finiront, les trois premières parties requérantes exercent leur activité d’exécution des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs sur l’ensemble du territoire belge. Elles font valoir que le fait que la Région wallonne impose des règles de gestion à l’organisme sans qu’ait été conclu un accord de coopération préalable avec les deux autres régions peut rendre très difficile l’exercice par celles-ci de leur propre compétence, et très difficile aussi l’exercice par l’organisme de son activité sur l’ensemble du territoire. Elles ajoutent, dans le même sens, que l’interdiction, faite aux organismes agissant en matière de responsabilité élargie des producteurs, de développer des activités opérationnelles risque d’empêcher l’exercice d’une activité opérationnelle dans une autre région et pourrait ainsi rendre plus difficile l’exercice de cette compétence par les autres régions. Enfin, elles relèvent qu’il est impossible pour le Gouvernement wallon d’imposer aux producteurs de produits des objectifs qu’il faudrait atteindre sur l’ensemble du territoire belge, sans empiéter sur les compétences territoriales des deux autres régions.
A.4.3. Les parties requérantes renvoient à l’arrêt de la Cour n° 37/2018 du 22 mars 2018
(ECLI:BE:GHCC:2018:ARR.037), à l’arrêt de la Cour n° 163/2020 du 17 décembre 2020
(ECLI:BE:GHCC:2020:ARR.163) et à l’avis de la section de législation du Conseil d’État n° 71.139/4 du 16 juin 2022. Elles indiquent que, s’il existe certes un accord de coopération qui est en cours de négociation, cet accord n’a pas encore été conclu, de sorte que l’adoption du décret du 9 mars 2023 est prématurée.
Les parties intervenantes se réfèrent intégralement aux développements des parties requérantes.
A.4.4. Le Gouvernement wallon expose que, puisque, conformément à la jurisprudence de la Cour, il n’existe pas de sous-marchés régionaux, le législateur décrétal ne peut que se référer au marché belge en ce qui concerne la mise sur le marché des produits concernés. Il précise que les montants des cotisations sont prévus dans le projet d’accord de coopération à conclure entre les trois régions et que les règles de gouvernance, qui ne visent que le territoire de la Région wallonne, sont conformes à ce projet. Il estime que les dispositions attaquées ne sont pas contraires aux principes qui se dégagent de l’arrêt de la Cour n° 37/2018, précité, puisqu’elles ne prennent pas comme référence le seul territoire wallon. Il considère que préciser dans le décret que c’est au regard de l’ensemble du territoire belge qu’il convient d’appréhender la contribution du producteur de produits et les critères permettant de la fixer ne constitue pas une violation du principe de la loyauté fédérale. Il fait valoir qu’il convient donc de distinguer, d’une part, les obligations qui s’imposent aux producteurs de produits pour opérer sur le territoire wallon, notamment l’obligation d’obtenir un agrément, et, d’autre part, les informations relatives aux produits mis sur le marché, à l’estimation des coûts et à la fixation des contributions, qui doivent tenir compte de l’ensemble du territoire belge. Il précise que les premières peuvent être réglées par le décret, alors que les secondes sont fixées dans un accord de coopération interrégional.
A.4.5. Selon les parties requérantes, le Gouvernement wallon néglige le fait que les producteurs de produits et les organismes en matière de responsabilité élargie ne mettent pas en œuvre les obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs de produits en se limitant au seul territoire wallon. Elles estiment qu’en imposant à des personnes qui accomplissent leurs obligations sur l’ensemble du territoire national l’obtention d’un agrément pour la Région wallonne, le décret du 9 mars 2023 viole le principe de la loyauté fédérale. Elles indiquent que les interdictions édictées par le législateur wallon auront nécessairement un impact sur les choix que pourront opérer les deux autres régions et qu’elles risquent de gêner la réalisation, au niveau national, des objectifs européens en matière de collecte et de traitement des produits soumis à la responsabilité élargie, ce qui ne peut être évité que par l’adoption préalable d’un accord de coopération entre les trois régions. Elles observent enfin que l’accord de coopération interrégional en cours d’élaboration n’est pas encore finalisé, ce qui confirme le caractère prématuré de l’adoption du décret attaqué.
A.4.6. Le Gouvernement wallon souligne que le décret ne fixe pas les montants des cotisations prévus dans le projet d’accord de coopération. Il indique aussi que les règles de gouvernance sont conformes au projet d’accord de coopération et qu’elles ne visent que le territoire de la Région wallonne. Il ajoute qu’il est tout à fait envisageable
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qu’un organisme en matière de responsabilité élargie des producteurs ne soit actif que sur le territoire de la Région wallonne.
Troisième moyen
A.5.1. Les parties requérantes prennent un troisième moyen de la violation, par l’article 123, § 1er, 26°, du décret du 9 mars 2023, des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l’article 1er, premier alinéa, point 2, et deuxième alinéa, de la directive 2006/66/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 septembre 2006 « relative aux piles et accumulateurs ainsi qu’aux déchets de piles et d’accumulateurs et abrogeant la directive 91/157/CEE » (ci-après : la directive 2006/66/CE) et avec l’article 1, paragraphe 2, du règlement (UE) 2023/1542 du Parlement européen et du Conseil du 12 juillet 2023 « relatif aux batteries et aux déchets de batteries, modifiant la directive 2008/98/CE et le règlement (UE) 2019/1020, et abrogeant la directive 2006/66/CE » (ci-après : le règlement (UE) 2023/1542). Elles exposent que la référence, dans la définition de la notion de « producteur de piles ou d’accumulateurs » contenue dans la disposition attaquée, à la notion de « véhicules » entraîne, dans le cadre de la responsabilité élargie des producteurs, une limitation du champ d’action des producteurs de piles ou d’accumulateurs ainsi que des organismes parce que les véhicules qui sont définis à l’article 123, § 1er, 7°, du décret du 9 mars 2023 sont les véhicules qui relèvent des catégories M1 et N1
définies dans le règlement (UE) 2018/858 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 « relatif à la réception et à la surveillance du marché des véhicules à moteur et de leurs remorques, ainsi que des systèmes, composants et entités techniques distinctes destinés à ces véhicules, modifiant les règlements (CE) n° 715/2007 et (CE) n° 595/2009 et abrogeant la directive 2007/46/CE ». Elles font valoir que les producteurs de piles ou d’accumulateurs intégrés dans des véhicules qui sont exclus de ces catégories ne sont dès lors pas tenus d’exécuter leurs obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs pour ces piles et accumulateurs, ce qui fait naître une différence de traitement injustifiée entre les producteurs de piles et accumulateurs intégrés dans des véhicules. Elles estiment que cette limitation des obligations en matière de responsabilité élargie de certains producteurs de piles et accumulateurs est contraire à l’article 1er, premier alinéa, point 2, et à l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2006/66/CE. Elles ajoutent que cette limitation est aussi contraire à l’article 1er, paragraphe 3, du règlement (UE) 2023/1542. Elles renvoient à l’arrêt du Conseil d’État n° 230.027 du 29 janvier 2015, par lequel ce dernier a jugé qu’une limitation identique faisait naître une insécurité juridique.
Les parties intervenantes se réfèrent intégralement aux développements des parties requérantes.
A.5.2. Le Gouvernement wallon précise que l’article 123, § 1er, 26°, du décret du 9 mars 2023 renvoie à la notion de « véhicule » dans son sens commun et non au sens de véhicule soumis à l’obligation de reprise, tel qu’il est défini à l’article 123, § 1er, 7°, du même décret. Il ajoute que le champ d’application de la définition de « pile ou accumulateur » contenue dans l’article 123, § 1er, 6°, du même décret n’est pas limité par référence au fait que cette pile ou cet accumulateur serait intégré dans un appareil ou dans un véhicule.
A.5.3. Les parties requérantes estiment que, si le législateur décrétal avait voulu employer le terme « véhicule » dans son sens commun à l’article 123, § 1er, 26°, du décret du 9 mars 2023, il aurait dû le préciser.
Elles font valoir que la disposition attaquée engendre à tout le moins une insécurité juridique qui pourrait limiter l’étendue des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs de piles ou accumulateurs intégrés dans des véhicules, laquelle risque à son tour d’empêcher la Belgique d’atteindre les objectifs européens en la matière. À titre très subsidiaire, elles demandent à la Cour de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne.
Quatrième moyen
A.6.1. Les parties requérantes prennent un quatrième moyen de la violation, par les articles 175, 178, § 1er, et 161, § 1er, du décret du 9 mars 2023, des articles 10, 11, 23 et 27 de la Constitution et de l’article 6, § 1er, VI, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980, lus en combinaison avec les articles 9 à 11 de la directive 2006/123/CE
du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 « relative aux services dans le marché intérieur » (ci-
après : la directive 2006/123/CE), avec l’article 23, paragraphe 2, de la directive 2008/98/CE, avec les articles 5, 6, 7, 8 et 11 de la directive 2012/19/UE du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012 « relative aux déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE) (refonte) » (ci-après : la directive 2012/19/UE), avec l’article 8, paragraphe 4, de la directive 2006/66/CE et avec l’article 5 de la directive 2000/53/CE du Parlement
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européen et du Conseil du 18 septembre 2000 « relative aux véhicules hors d’usage » (ci-après : la directive 2000/53/CE).
A.6.2. Dans la première branche de ce moyen, elles font valoir que l’article 175 du décret du 9 mars 2023, qui dispose que l’agrément en matière de responsabilité élargie des producteurs est délivré pour une durée maximale de cinq ans et qui ne prévoit pas de procédure de renouvellement automatique ou subordonnée à des exigences limitées, est contraire à l’article 11 de la directive 2006/123/CE et à l’article 23, paragraphe 2, de la directive 2008/98/CE. Elles ajoutent que la limitation dans le temps de la durée des agréments est de nature à empêcher les organismes en matière de responsabilité élargie des producteurs de réaliser des investissements importants, ce qui risque d’entraîner un recul du degré de protection de l’environnement garanti par l’article 23 de la Constitution. Elles considèrent qu’il existe ainsi un risque de discrimination par rapport aux organismes comparables dans les autres régions, lesquels ne sont pas soumis à un système d’autorisation préalable aussi strict.
A.6.3. Le Gouvernement wallon indique que les travaux préparatoires relatifs à l’article 175 du décret du 9 mars 2023 justifient cette disposition par deux raisons impérieuses d’intérêt général, à savoir, d’une part, la nécessité de transposer le droit européen des déchets et, d’autre part, la nécessité de préserver l’environnement en assurant la gestion conforme et la traçabilité des déchets, la durée limitée des agréments et des enregistrements visant à permettre de vérifier la capacité et les compétences des opérateurs.
A.6.4. Les parties requérantes répondent que la transposition du droit européen n’imposait pas au législateur décrétal d’instaurer, par une procédure simplifiée, un régime d’agrément à durée limitée et non renouvelable. À
titre très subsidiaire, elles demandent à la Cour de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne.
A.6.5. Le Gouvernement wallon fait valoir que, contrairement à ce que suggèrent les parties requérantes, les dispositions attaquées permettent de renouveler l’agrément octroyé. Il relève que les parties requérantes n’exposent pas en quoi la procédure d’agrément serait à ce point complexe qu’elle devrait être simplifiée lors du renouvellement de l’agrément. Il ajoute que la durée de validité limitée de l’agrément doit être comprise au regard de la durée de validité limitée des conventions environnementales antérieures à l’adoption du décret attaqué.
A.6.6. Dans la deuxième branche de ce moyen, les parties requérantes font valoir que l’article 178 du décret du 9 mars 2023, qui prévoit que l’agrément peut être suspendu ou retiré, notamment si l’organisme n’exécute pas, totalement ou partiellement, toutes ou certaines des obligations du producteur, viole le principe de légalité attaché à l’article 23 de la Constitution car il manque de précision, notamment au regard de la complexité du régime de la responsabilité élargie des producteurs de produits élaboré par le décret. Elles ajoutent que cette imprécision a des répercussions sur l’article 128, § 1er, du décret du 9 mars 2023, qui prévoit, en cas de suspension ou de retrait d’un agrément, que l’exécution des obligations du producteur sera assurée par une personne morale de droit public, ce qui constitue une exception au principe de base. Elles estiment que la combinaison de ces deux dispositions laisse une marge d’appréciation trop importante au Gouvernement wallon, ce qui risque d’engendrer une application arbitraire du décret.
A.6.7. Le Gouvernement wallon estime que la disposition attaquée ne permet certainement pas à l’administration d’utiliser les critères légaux de manière arbitraire et il rappelle que les principes de bonne administration s’imposent à l’administration. Il indique que le titulaire de l’agrément a la possibilité de se justifier avant toute décision de l’administration (article 178, § 2, du décret du 9 mars 2023) et qu’un recours administratif est prévu (article 190 du même décret). Il ajoute encore que la loi du 29 juillet 1991 « relative à la motivation formelle des actes administratifs » est applicable aux décisions de l’administration prises dans ce contexte.
A.6.8. Les parties requérantes estiment que le fait que l’administration régionale est soumise aux principes de bonne administration et à l’obligation de motivation formelle de ses décisions n’est pas de nature à pallier l’absence de définition précise des cas dans lesquels ces décisions peuvent être prises à l’égard des organismes assumant la responsabilité élargie des producteurs de produits.
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A.6.9. Le Gouvernement wallon rappelle qu’en tout état de cause, un recours juridictionnel peut être exercé, de sorte qu’une décision administrative disproportionnée et arbitraire pourrait faire l’objet d’une censure. Il ajoute que l’article 128 du décret attaqué est étranger au régime d’agrément mis en place et aux conditions dans lesquelles cet agrément pourrait être retiré ou suspendu.
A.6.10. Par la troisième branche de ce moyen, les parties requérantes font valoir que l’article 161, § 1er, du décret du 9 mars 2023, qui impose une obligation de constitution d’une sûreté financière à charge uniquement des organismes en matière de responsabilité élargie des producteurs, est incompatible avec l’article 14, point 7), de la directive 2006/123/CE et qu’il fait naître une différence de traitement injustifiée entre les producteurs de produits qui exécutent eux-mêmes leurs obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs et les organismes qui exécutent ces mêmes obligations pour le compte de ceux-ci.
A.6.11. Le Gouvernement wallon indique que la différence de traitement résulte de l’ampleur des activités des organismes agissant en matière de responsabilité élargie des producteurs par rapport à l’activité plus réduite d’un producteur agissant seul sur la base d’un plan individuel. Il ajoute que la responsabilité financière d’un producteur qui s’affilie à un organisme agréé est plus difficile à activer que la responsabilité financière d’un producteur qui agit seul.
A.6.12. Les parties requérantes estiment que le Gouvernement wallon ne répond pas à leur argumentation.
À titre très subsidiaire, elles demandent à la Cour de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne.
Cinquième moyen
A.7.1. Les parties requérantes prennent un cinquième moyen de la violation, par l’article 159, 2°, du décret du 9 mars 2023, des articles 23 et 27 de la Constitution, de l’article 6, § 1er, VI, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 et de l’article 10 de la même loi spéciale, lus isolément ou en combinaison avec les articles 49 et 56
du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, avec la directive 2012/19/UE, notamment les articles 5, paragraphe 2, d), et 8, paragraphe 3, de celle-ci, avec la directive 2006/66/CE, notamment avec l’article 12 de celle-ci, et avec la directive 2008/98/CE, notamment avec l’article 27, paragraphe 1, et paragraphe 3, c), de celle-
ci.
Dans la première branche de ce moyen, elles font valoir qu’en limitant l’objet social des organismes en matière de responsabilité élargie des producteurs à la seule prise en charge des obligations de responsabilité élargie pour le compte de leurs adhérents, le législateur décrétal porte atteinte à la liberté d’association et à la liberté de commerce et d’industrie, dès lors que cette limitation n’est pas nécessaire pour la protection de l’environnement.
Dans la seconde branche de ce moyen, elles font grief au législateur décrétal de priver de facto les organismes en matière de responsabilité élargie des producteurs de la possibilité d’organiser un système collectif de reprise des déchets et de mettre en place des systèmes permettant la valorisation des déchets selon les meilleures techniques possibles, alors qu’il s’agit d’une obligation imposée par les directives invoquées au moyen.
Les parties intervenantes se réfèrent intégralement aux développements des parties requérantes.
A.7.2. Le Gouvernement wallon souligne qu’en l’espèce, les dispositions attaquées n’imposent pas au producteur de s’associer, elles ne lui interdisent pas de créer d’autres associations pour l’exercice d’activités opérationnelles et elles ne l’empêchent pas, dans ce contexte, d’avoir recours aux meilleures techniques disponibles. Il renvoie à l’arrêt de la Cour n° 37/2018, précité, et estime qu’il faut en déduire que le moyen n’est pas fondé.
A.7.3. Les parties requérantes font valoir que les dispositions que la Cour n’a pas sanctionnées dans son arrêt n° 37/2018, précité, étaient différentes des dispositions invoquées aux cinquième et sixième moyens du recours à l’examen, de sorte que les enseignements de cet arrêt ne sont pas transposables à la présente affaire. À titre très subsidiaire, elles demandent à la Cour de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne.
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Sixième moyen
A.8.1. Les parties requérantes prennent un sixième moyen de la violation, par l’article 160, 1°, du décret du 9 mars 2023, des articles 23 et 27 de la Constitution, des articles 10 et 11 de la Constitution et des articles 6, § 1er, VI, alinéa 3, et 10 de la loi spéciale du 8 août 1980, lus isolément ou en combinaison avec les articles 49 et 56 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, ainsi qu’avec la directive 2006/123/CE, notamment les articles 10 et 14 de celle-ci.
Dans la première branche de ce moyen, les parties requérantes font valoir qu’en interdisant aux organismes en matière de responsabilité élargie des producteurs d’exercer, directement ou indirectement, une activité opérationnelle de gestion des déchets, la disposition attaquée empiète sur le droit de la concurrence qui relève de la compétence exclusive de l’autorité fédérale. Par la deuxième branche de ce moyen, les parties requérantes reprochent à cette disposition de violer la liberté d’association et la liberté de commerce et d’industrie. Elles relèvent à ce propos que le décret ne donne aucune définition de la notion d’ « activités opérationnelles », ce qui laisse un champ d’appréciation trop important à l’administration et au Gouvernement wallon. Elles ajoutent que le motif, invoqué par le législateur décrétal, d’éviter le risque hypothétique d’atteinte à la concurrence, de pression anormale sur les prix ou de restriction du développement de certaines filières repose sur une méconnaissance de la situation de fait. Elles font valoir que le problème réel n’est pas celui d’une prétendue position dominante des organismes en matière de responsabilité élargie des producteurs, mais bien celui de la difficulté de trouver des opérateurs intéressés par des marchés qui dégagent un chiffre d’affaires extrêmement faible. Par la troisième branche de ce moyen, les parties requérantes invitent à comparer la disposition attaquée avec l’article 63 du décret du 9 mars 2023, qui concerne les personnes morales de droit public et qui ne contient pas la même restriction en ce qui concerne l’exercice d’autres activités opérationnelles.
Les parties intervenantes se réfèrent intégralement aux développements des parties requérantes.
A.8.2. Le Gouvernement wallon renvoie aux observations qu’il a formulées au sujet du cinquième moyen.
A.8.3. La réponse des parties requérantes est identique à celle qu’elles formulent en ce qui concerne le cinquième moyen.
Septième moyen
A.9.1. Les parties requérantes prennent un septième moyen de la violation, par les articles 49, § 1er, 121, § 3, 144 à 157 et 173 du décret du 9 mars 2023, des articles 10, 11 et 23 de la Constitution, lus isolément ou en combinaison avec la directive 2008/98/CE, en particulier avec les articles 8 à 14 de celle-ci, avec l’article 10 de la directive 2006/66/CE, avec l’article 7 de la directive 2000/53/CE, avec l’article 7 de la directive 2012/19/UE et avec l’article 12 du règlement (CE) n° 1013/2006 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2006
« concernant les transferts de déchets » (ci-après : le règlement (CE) n° 1013/2006).
A.9.2. Dans la première branche de ce moyen, les parties requérantes font grief aux articles 121, § 3, et 144
à 157 du décret du 9 mars 2023 de conférer des habilitations trop larges au Gouvernement wallon en ce qui concerne les obligations activables par le Gouvernement, et plus particulièrement l’obligation d’atteindre des objectifs ciblés, sans prévoir la manière ou les critères selon lesquels le Gouvernement pourra activer ces obligations. Elles signalent que parmi les obligations pouvant être activées figure notamment l’obligation d’atteindre certains objectifs en matière de collecte, de réemploi et de valorisation, qui devrait être imposée comme obligation principale pour que le décret soit conforme aux directives européennes citées au moyen.
A.9.3. Le Gouvernement wallon rappelle que le titre 2 du décret du 9 mars 2023 transpose notamment l’article 8 de la directive 2008/98/CE et constitue un cadre général qui doit pouvoir être modulé en fonction des différentes exigences européennes propres à certains flux de déchets. Il en déduit qu’il va de soi que l’habilitation, faite au Gouvernement wallon, de rendre applicables les obligations activables se fera dans le respect du droit européen et il indique que l’habilitation est justifiée par la circonstance que certaines des obligations concernées ne sont pas praticables sur certains flux de déchets. Il ajoute que la Cour n’est pas compétente pour se prononcer
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sur la question de savoir si le Gouvernement wallon, dans l’exercice des pouvoirs qu’il puise dans la disposition attaquée, viole les dispositions et principes visés au moyen.
A.9.4. Les parties requérantes répondent que la nécessité de garantir la protection de l’environnement, qui découle de l’article 23 de la Constitution, imposait en l’espèce au législateur décrétal de prévoir lui-même l’obligation d’atteindre des objectifs et de préciser les seuils à prendre en considération.
A.9.5. Par la deuxième branche de ce moyen, les parties requérantes font valoir que les articles 145 et 150
du décret font naître une différence de traitement injustifiée entre, d’une part, les organismes en matière de responsabilité élargie des producteurs qui s’occupent de la collecte des déchets ménagers, qui mettent gratuitement à disposition de leurs membres des conditionnements nécessaires à la collecte et qui ont la maîtrise sur le processus de la collecte, et, d’autre part, les organismes en matière de responsabilité élargie et les producteurs qui s’occupent à la fois de la collecte des déchets ménagers et de la collecte des déchets assimilés et des déchets d’origine industrielle, qui mettent aussi gratuitement à disposition de leurs membres des conditionnements nécessaires à la collecte et qui n’ont pas la maîtrise sur le processus de la collecte, de sorte qu’ils risquent de ne pas pouvoir atteindre les objectifs européens.
A.9.6. Le Gouvernement wallon ne comprend pas cette branche du moyen, qu’il qualifie d’obscure. Il fait valoir qu’il existe une différence entre, d’une part, la filière des déchets ménagers, qui porte sur des volumes très importants et qui est concernée par les obligations des pouvoirs publics en matière de salubrité, et, d’autre part, la filière des déchets industriels, qui est plus spécifique et qui induit des compétences techniques particulières de la part des opérateurs.
A.9.7. Les trois premières parties requérantes expliquent qu’elles s’occupent de l’accomplissement des obligations de leurs membres tant pour les déchets ménagers que pour les déchets assimilés et industriels et qu’à cette fin, elles mettent à la disposition de leurs membres les récipients et containers nécessaires pour permettre la collecte de tous les déchets. Elles exposent qu’en application des dispositions attaquées, les organismes vont pouvoir s’occuper de la reprise et de la valorisation des déchets ménagers après la collecte, alors que ce n’est pas nécessairement le cas pour les déchets assimilés et les déchets industriels, de sorte qu’elles perdent la maîtrise du processus de collecte, de reprise et de valorisation pour ces déchets. Elles estiment que cela risque de les empêcher d’atteindre les objectifs européens en matière de collecte et de remplir les obligations découlant de leur agrément.
Elles font valoir que cette différence de traitement n’est pas justifiée au regard du principe du pollueur-payeur.
A.9.8. Dans la troisième branche de ce moyen, les parties requérantes font grief aux articles 146 et 160, alinéa 1er, 1°, du décret du 9 mars 2023 de faire naître une différence de traitement injustifiée entre les producteurs de produits soumis à la responsabilité élargie des producteurs qui pourront procéder eux-mêmes, dans le cadre de leur plan de gestion individuel, à la collecte des déchets issus des produits qu’ils mettent sur le marché et les organismes en matière de responsabilité élargie des producteurs qui ne pourront pas procéder eux-mêmes à la collecte des déchets mis sur le marché par leurs adhérents.
A.9.9. Le Gouvernement wallon estime que cette différence de traitement résulte du libre choix de l’opérateur, qui peut décider de mettre en œuvre un plan de gestion individuel ou, au contraire, de s’affilier à un organisme qui pourra procéder à l’exécution de ses obligations pour son compte. Il ajoute qu’en définitive, il s’agit de veiller à ce que les organismes en matière de responsabilité élargie des producteurs n’abusent pas de la position que leur confèrent le décret attaqué et ses mesures d’exécution.
A.9.10. Les parties requérantes renvoient à la critique qu’elles développent dans le cadre de la deuxième branche du moyen. Elles considèrent qu’il n’est pas justifié que, alors que tant les producteurs de produits qui accomplissent eux-mêmes leurs obligations que les organismes qui accomplissent ces obligations pour le compte des producteurs de produits sont soumis au principe du pollueur-payeur, seuls les producteurs de produits puissent procéder eux-mêmes à la collecte des déchets issus de leurs produits, tandis que les organismes sont contraints de recourir à des opérateurs tiers pour procéder à cette collecte.
A.9.11. Dans la quatrième branche de ce moyen, les parties requérantes font grief aux articles 155 et 157 du décret du 9 mars 2023 de laisser à la discrétion du Gouvernement wallon la possibilité d’imposer des règles contraignantes pour l’imputation par voie de décision individuelle des coûts estimés des services de collecte, dès lors que cette méthode « au cas par cas » des règles d’imputation des coûts risque d’aboutir à la fixation de règles d’imputation différentes pour des producteurs de produits et des organismes agréés qui se trouveraient dans des situations comparables.
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A.9.12. Le Gouvernement wallon observe que les dispositions attaquées ne l’autorisent pas à s’écarter du principe de légalité. Il relève que les parties requérantes ne précisent pas la portée ni l’étendue du principe de légalité attaché au droit à la protection d’un environnement sain garanti par l’article 23 de la Constitution.
A.9.13. Les parties requérantes répondent que la trop large délégation de compétences au Gouvernement wallon permet une mise en œuvre discriminatoire de l’habilitation contenue dans l’article 155 du décret du 9 mars 2023.
A.9.14. Le Gouvernement wallon rappelle que la Cour n’est pas compétente pour se prononcer sur la question de savoir si, dans l’exercice des pouvoirs qu’il puise dans la disposition attaquée, il viole ou risque de violer les dispositions et principes visés au moyen.
A.9.15. Dans la cinquième branche de ce moyen, les parties requérantes font grief à l’article 173 du décret du 9 mars 2023 de contenir une habilitation trop large et imprécise en permettant au Gouvernement de prendre toutes les mesures appropriées qui visent à assurer la coexistence cohérente des organismes.
A.9.16. Le Gouvernement wallon observe que la disposition attaquée ne l’autorise pas à violer le principe d’égalité et de non-discrimination. Il ajoute que la Cour n’est pas compétente pour se prononcer sur la question de savoir si, dans l’exercice des pouvoirs qu’il puise dans la disposition attaquée, il viole ou risque de violer les dispositions et principes visés au moyen.
A.9.17. Dans la sixième branche de ce moyen, les parties requérantes font grief à l’article 49, § 1er, du décret du 9 mars 2023 d’autoriser le Gouvernement à réglementer le transport des déchets en violation de l’article 12 du règlement (CE) n° 1013/2006.
A.9.18. Le Gouvernement wallon fait valoir que le parties requérantes confondent le transport de déchets sur le territoire de la Wallonie, défini à l’article 5, § 1er, 13°, du décret du 9 mars 2023, et le transfert transfrontalier de déchets, qui est concerné par le règlement (CE) n° 1013/2006 et qui est visé à l’article 5, § 1er, 74°, du décret du 9 mars 2023. Il ajoute que la disposition attaquée ne l’autorise pas à violer les dispositions et objectifs européens visés au moyen.
A.9.19. Les parties requérantes répondent que le règlement (CE) n° 1013/2006 lui-même définit la notion de transfert de déchets par le transport de déchets, de sorte qu’en vérifiant la conformité de l’article 49, § 1er, 3°, du décret du 9 mars 2023 à l’article 12 de ce règlement, elles ne confondent pas des notions qui seraient différentes.
Huitième moyen
A.10.1. Les parties requérantes prennent un huitième moyen de la violation, par les articles 162 à 171 et 173
du décret du 9 mars 2023, des articles 10, 11, 23, 27 et 143 de la Constitution, des articles 6, § 1er, VI, alinéa 4, 1° et 10 de la loi spéciale du 8 août 1980, lus isolément ou en combinaison avec l’article 8bis, paragraphe 5, alinéa 2, de la directive 2008/98/CE. Dans la première branche de ce moyen, elles font grief aux articles 162 à 171
du décret du 9 mars 2023 de soumettre les organismes en matière de responsabilité élargie des producteurs à des règles de bonne gouvernance semblables aux règles fédérales relatives à la bonne gouvernance en matière de marchés publics. Elles estiment que, ce faisant, le législateur décrétal intervient dans le droit des marchés publics, dans le droit de la concurrence, dans le droit des pratiques du commerce et dans le droit commercial, qui sont des matières réservées à l’autorité fédérale, sans qu’un recours aux compétences implicites soit justifié. Dans la deuxième branche de ce moyen, les parties requérantes font grief à l’article 165 du décret du 9 mars 2023 de ne pas respecter le principe de légalité inscrit à l’article 23 de la Constitution, en ce qu’il néglige de préciser comment les mesures qu’il vise seront imposées aux organismes agréés. Dans la troisième branche de ce moyen, elles font grief à l’article 171 du décret du 9 mars 2023, qui prévoit que le principe de la confidentialité des documents relatifs à la procédure de passation ne s’applique pas envers l’administration régionale wallonne, de violer l’article 13, § 1er, de la loi du 17 juin 2016 « relative aux marchés publics » et, en conséquence, la compétence de l’autorité fédérale en cette matière.
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A.10.2. Le Gouvernement wallon renvoie aux travaux préparatoires du décret du 9 mars 2023 et en déduit que les dispositions attaquées n’ont pas pour objet d’interférer dans la réglementation fédérale en matière de marchés publics. Il relève qu’il n’existe aucune norme ni jurisprudence permettant d’imposer l’application de cette législation aux organismes de gestion. Il admet qu’il ne peut être exclu que, dans certains cas, les personnes et organismes auxquels les règles attaquées ont vocation à s’appliquer soient de toute façon soumis, pour les contrats et les marchés qu’ils passent, à la législation fédérale relative aux marchés publics. Il précise que, dans ce cas, cette législation doit être appliquée, indépendamment des conditions à respecter dans le cadre de l’agrément. En ce qui concerne la dérogation au principe de confidentialité en faveur de l’administration, il rappelle que l’instauration de certains régimes d’autorisations et d’enregistrements oblige les États membres à obtenir des données fiables permettant de vérifier la capacité et les compétences des opérateurs actifs dans la chaîne de gestion des déchets.
A.10.3. Les parties requérantes répondent que l’application des principes de bonne gouvernance issus de la législation fédérale sur les marchés publics à des personnes morales de droit privé à qui ces principes ne sont pas applicables crée la confusion. Elles considèrent qu’il en résulte une immixtion du législateur décrétal dans les compétences fédérales en matière de marchés publics, et plus généralement en matière de droit de la concurrence.
Par ailleurs, elles n’aperçoivent pas en quoi l’administration régionale aurait besoin de prendre connaissance des documents relatifs au contrat, des documents déposés par les candidats et même des documents internes de l’organisme au stade précontractuel, pour disposer de données fiables et garantir la traçabilité des déchets.
-B-
Quant à l’étendue du recours en annulation
B.1.1. La requête comporte une demande de suspension et un recours en annulation. La demande de suspension ne concerne qu’une partie des dispositions dont l’annulation est demandée. Par ailleurs, la demande de suspension est déclinée en deux volets. À titre principal, les parties requérantes demandent la suspension de l’article 123, § 1er, 24° à 28°, du décret de la Région wallonne du 9 mars 2023 « relatif aux déchets, à la circularité des matières et à la propreté publique » (ci-après : le décret du 9 mars 2023). Cette demande de suspension est fondée sur l’article 20, 2°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle (ci-après : la loi spéciale du 6 janvier 1989). À titre subsidiaire, les parties requérantes demandent la suspension des articles 123, § 1er, 24° à 28°, 127, § 1er, 128, § 2, 129, § 1er, 132, § 1er, 137, § 1er, 138, § 1er, 6° et 7°, 140, 159, 2°, 160, 1° et 9°, 204, 39°, 269 et 271, § 1er, du décret du 9 mars 2023. Cette demande de suspension est fondée sur l’article 20, 1°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989.
B.1.2. Par son arrêt n° 5/2024 du 11 janvier 2024 (ECLI:BE:GHCC:2024:ARR.005), la Cour a fait droit à la demande de suspension présentée à titre principal et a suspendu l’article 123, § 1er, 24° à 28°, du décret du 9 mars 2023.
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B.1.3. Contrairement à ce que soutient le Gouvernement wallon, il n’y a pas lieu de considérer, en l’espèce, que le caractère subsidiaire de la demande de suspension visant les articles 127, § 1er, 128, § 2, 129, § 1er, 132, § 1er, 137, § 1er, 138, § 1er, 6° et 7°, 140, 159, 2°, 160, 1° et 9°, 204, 39°, 269 et 271, § 1er, du décret du 9 mars 2023 « rejaillit » sur la requête en annulation de ces dispositions. Il ressort en effet clairement de la requête que la déclinaison de la demande à titre « principal » et à titre « subsidiaire » ne concerne que la demande de suspension, et non la requête en annulation.
Par ailleurs, la requête en annulation concerne aussi d’autres articles du même décret qui n’étaient pas visés dans la demande de suspension, à savoir les articles 49, § 1er, 121, § 3, 144
à 157, 161, § 1er, 162 à 171, 173, 175, et 178, § 1er, du décret du 9 mars 2023.
Quant au titre 2 du décret du 9 mars 2023
B.2.1. Le décret du 9 mars 2023 abroge et remplace le décret de la Région wallonne du 27 juin 1996 « relatif aux déchets » (ci-après : le décret du 27 juin 1996), afin de moderniser la législation de la Région wallonne en matière de droit des déchets et d’y intégrer les nombreuses dispositions de droit européen qui ont été adoptées en cette matière (Doc. parl., Parlement wallon, 2022-2023, n° 1180/1, p. 4). Le titre 2 du décret du 9 mars 2023 réforme le système de la responsabilité élargie des producteurs de produits, lequel trouve son origine dans la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 « relative aux déchets et abrogeant certaines directives » (ci-après : la directive 2008/98/CE), modifiée par la directive (UE) 2018/851 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 « modifiant la directive 2008/98/CE relative aux déchets » (ci-après : la directive (UE) 2018/851).
B.2.2. Le régime de la responsabilité élargie des producteurs de produits est constitué d’un « ensemble de mesures prises pour veiller à ce que les producteurs de produits assument la responsabilité financière ou la responsabilité financière et organisationnelle de la gestion de la
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phase ‘ déchets ’ du cycle de vie d’un produit » (article 123, § 1er, 1°, du décret du 9 mars 2023). Ce régime s’applique à l’égard des déchets énumérés à l’article 121, § 2, du décret du 9 mars 2023, dont les déchets d’équipements électriques et électroniques (EEE), les déchets de piles et accumulateurs et les véhicules hors d’usage. Ce régime impose un certain nombre d’obligations aux producteurs de produits visés.
Conformément à l’article 127, § 2, du décret du 9 mars 2023, le producteur peut soit remplir ses obligations lui-même, via un plan stratégique individuel, soit faire exécuter ses obligations via « un organisme agréé en matière de responsabilité élargie des producteurs de produits par l’administration ou par le Gouvernement sur recours administratif, conformément au chapitre 2, section 5, et au chapitre 5, du [titre 2] et leurs mesures d’exécution, et auquel il a adhéré, auquel cas il est réputé satisfaire à ses obligations dès et tant qu’il établit avoir contracté avec ledit organisme agréé directement ou par l’intermédiaire d’une personne habilitée à le représenter ».
B.2.3. En vertu de l’article 121, § 3, du décret du 9 mars 2023, les obligations qui incombent aux producteurs soumis à la responsabilité élargie des producteurs de produits consistent en :
« une obligation de gestion des déchets;
une obligation de financement de la gestion des déchets et de certaines mesures de prévention des déchets;
une obligation d’information et de sensibilisation;
une obligation de rapportage;
une obligation de réalisation d’un plan stratégique et de plans annuels d’exécution y relatifs »,
ainsi que, en cas d’activation de ces obligations par le Gouvernement wallon, en :
« une obligation de reprise des déchets;
une obligation de prévention en matière de déchets;
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une obligation d’atteindre des objectifs chiffrés de collecte ou de valorisation, notamment de recyclage, ou de tendre vers des valeurs cibles de préparation en vue du réemploi ou de réemploi;
une obligation de financement de la propreté publique ».
D’après l’article 6, § 1er, du décret du 9 mars 2023, la « prévention et la gestion » des déchets comprend les opérations de :
« 1° prévention;
2° préparation en vue du réemploi;
3° recyclage;
4° autre valorisation, notamment valorisation énergétique; et;
5° élimination ».
B.2.4. La réforme du système de la responsabilité élargie des producteurs de produits opérée par le décret du 9 mars 2023 repose principalement sur l’introduction du système de l’agrément des organismes assumant les obligations des producteurs de produits. En commission du Parlement wallon, la ministre a exposé les avantages liés à un tel outil par rapport aux conventions environnementales :
« Ainsi, l’agrément permet à l’autorité de fixer le cadre qu’elle souhaite, avec une position plus forte qu’une convention, une charge administrative réduite pour les entreprises et davantage de contenu et de force en termes d’instruments » (Doc. parl., Parlement wallon, 2022-2023, n° 1180/14, p. 8).
Elle a ensuite observé, en ce qui concerne un certain nombre de problèmes identifiés au sein de certains organismes de gestion pour l’exécution collective des obligations des producteurs :
« Un plan d’épuration a d’ores et déjà été mis en œuvre mais [...] le passage à un système d’agrément est un outil beaucoup plus fort et puissant pour pouvoir avancer dans cette direction » (ibid.).
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Il apparaît qu’au moment du travail en commission du Parlement wallon, un accord de coopération interrégional portant sur la responsabilité élargie des producteurs de produits était en préparation. La ministre a dès lors indiqué :
« [l]es éléments du titre [2] seront modifiés si nécessaire via le décret d’assentiment à l’accord de coopération interrégional dès que celui-ci aura terminé son parcours législatif »
(ibid., p. 14).
Quant à la recevabilité du recours en annulation
B.3.1. Le Gouvernement wallon soutient que la suspension, par l’arrêt de la Cour n° 5/2024, précité, de l’article 123, § 1er, 24° à 28°, du décret du 9 mars 2023 et l’annulation probable de la même disposition par le présent arrêt rendent l’ensemble du titre 2 du même décret inopérant, de sorte que les parties requérantes n’auraient plus un intérêt actuel à demander l’annulation de dispositions attaquées qui figurent dans le titre 2 du décret, à savoir les articles 121, § 3, 127, § 1er, 128, § 2, 129, § 1er, 132, § 1er, 137, § 1er, 138, § 1er, 6° et 7°, 140, 144 à 157, 159, 2°, 160, 1° et 9°, 161, § 1er, 162 à 171, 172, 173, 175 et 178, § 1er.
B.3.2. La circonstance que la suspension de l’article 123, § 1er, 24° à 28°, du décret du 9 mars 2023, qui contient les définitions du « producteur de produits », du « producteur d’EEE », du « producteur de piles ou d’accumulateurs », du « producteur de véhicules » et du « producteur d’autres produits » qui sont spécifiques au titre 2 du décret, rend provisoirement inopérantes toutes les dispositions qui s’appliquent à ces producteurs n’a pas automatiquement pour conséquence que les parties requérantes perdraient leur intérêt à demander l’annulation de ces dispositions. En effet, en cas d’adoption par le législateur décrétal wallon de nouvelles définitions des « producteurs », les dispositions du titre 2 subsistant leur seraient applicables.
Pour le surplus, l’intérêt des parties requérantes à demander l’annulation des dispositions qu’elles visent sera, s’il y a lieu, examiné en même temps que les moyens qui concernent chacune de ces dispositions.
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Quant aux moyens
B.4. La Cour examine les moyens en les regroupant de la façon suivante :
- les notions de « producteur » (deuxième et troisième moyens);
- l’agrément des organismes en matière de responsabilité élargie des producteurs (quatrième moyen);
- la limitation du but statutaire des organismes en matière de responsabilité élargie des producteurs et l’interdiction d’exercer des activités opérationnelles (cinquième et sixième moyens);
- les obligations de bonne gouvernance imposées aux organismes en matière de responsabilité élargie des producteurs (huitième moyen);
- la portée des habilitations conférées au Gouvernement wallon (septième moyen);
- l’entrée en vigueur du titre 2 du décret du 9 mars 2023 (premier moyen).
En ce qui concerne la notion de « producteur »
B.5.1. Les deuxième et troisième moyens visent en premier lieu l’article 123, § 1er, 24° à 28°, du décret du 9 mars 2023. L’article 123 contient les définitions qui sont spécifiques au titre 2 dudit décret.
Le paragraphe 1er de cet article dispose :
« [...]
24° le ‘ producteur de produits ’ : toute personne visée aux 25°, 26°, 27° ou 28° selon le régime de responsabilité élargie des producteurs de produits concerné;
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25° le ‘ producteur d’EEE ’ : toute personne physique ou morale qui, quelle que soit la technique de vente utilisée, y compris par vente à distance conformément aux dispositions de l’article I.8, 15°, du Code de droit économique :
est établie sur le territoire belge et fabrique des EEE sous son propre nom ou sa propre marque, ou fait concevoir ou fabriquer des EEE, et les commercialise sous son propre nom ou sa propre marque sur le territoire belge;
est établie sur le territoire belge et y revend, sous son propre nom ou sa propre marque, des équipements produits par d’autres fournisseurs, le revendeur ne devant pas être considéré comme ‘ producteur ’ lorsque la marque du producteur figure sur l’équipement conformément au point a);
est établie sur le territoire belge et met sur le marché belge, à titre professionnel, des EEE
provenant d’un pays tiers; ou;
est établie en dehors du territoire belge et vend des EEE, par vente à distance au sens de l’article I.8, 15°, du Code de droit économique, directement ou par le biais d’une place de marché en ligne, aux ménages privés ou à d’autres utilisateurs que des ménages privés en Belgique;
26° le ‘ producteur de piles ou d’accumulateurs ’ : toute personne qui, indépendamment de la technique de vente utilisée, y compris les techniques de vente à distance conformément aux dispositions de l’article I.8, 15°, du Code de droit économique, met des piles ou des accumulateurs, y compris ceux qui sont intégrés dans des appareils ou des véhicules, sur le marché pour la première fois sur le territoire belge à titre professionnel, que ce soit ou non pour son propre usage;
27° le ‘ producteur de véhicules ’ : le constructeur d’un véhicule ou l’importateur professionnel d’un véhicule sur le territoire belge;
28° le ‘ producteur d’autres produits ’ : toute personne physique ou morale qui, quelle que soit la technique de vente, y compris par vente à distance au sens de l’article I.8, 15°, du Code de droit économique :
est établie sur le territoire belge et fabrique un produit autre que visé aux 5° à 7° sous son propre nom ou sa propre marque, ou le fait concevoir ou fabriquer et le commercialise sous son propre nom ou sa propre marque sur le territoire belge;
est établie sur le territoire belge et y revend, sous son propre nom ou sa propre marque, un produit autre que visé aux 5° à 7° fabriqué par d’autres fournisseurs, le revendeur ne devant pas être considéré comme producteur lorsque la marque du producteur figure sur ledit produit, conformément au point a);
est établie sur le territoire belge et met sur le marché, à titre professionnel, un produit autre que visé aux 5° à 7° provenant d’un pays tiers;
est établie sur le territoire belge et fabrique ou importe un produit autre que visé aux 5° à 7° et l’affecte à son propre usage, à titre professionnel sur le territoire belge; ou;
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est établie en dehors du territoire belge et vend un produit autre que visé aux 5° à 7° par une technique de vente à distance au sens de l’article I.8, 15°, du Code de droit économique, directement ou par l’intermédiaire d’une place de marché en ligne aux ménages privés ou à des utilisateurs autres que les ménages privés sur le territoire belge ».
B.5.2. Dans leur deuxième moyen, les parties requérantes font grief au législateur décrétal d’avoir défini le producteur de produits, soumis aux obligations qu’il définit, comme étant la personne qui met un des produits concernés sur le marché belge, sans avoir au préalable conclu avec les deux autres régions un accord de coopération portant sur la définition du producteur de produits. Elles estiment qu’en l’absence d’un accord de coopération, la mise en œuvre du régime de la responsabilité élargie du producteur de produits, sur la base de ces définitions, occasionne nécessairement un empiètement sur les compétences territoriales des deux autres régions et une violation du principe de la loyauté fédérale.
B.6.1. Par son arrêt n° 37/2018 du 22 mars 2018 (ECLI:BE:GHCC:2018:ARR.037), la Cour a annulé l’article 79 du décret de la Région wallonne du 23 juin 2016 « modifiant le Code de l’Environnement, le Code de l’Eau et divers décrets en matière de déchets et de permis d’environnement », en ce qu’il insérait l’article 8bis, § 1er, alinéa 1er, dans le décret de la Région wallonne du 27 juin 1996.
L’article 8bis, § 1er, alinéa 1er, du décret du 27 juin 1996, annulé par la Cour, disposait :
« Le Gouvernement peut soumettre au régime de la responsabilité élargie des producteurs les personnes visées à l’article 2, 20° [lire : 20°bis], qui mettent sur le marché en Wallonie des biens, produits ou matières premières ».
B.6.2. Par cet arrêt, la Cour a jugé :
« B.9.1. Il résulte de la combinaison de la disposition attaquée avec l’article 2, 20°bis, du décret du 27 juin 1996 que la responsabilité élargie des producteurs instituée par le décret attaqué s’impose à ‘ toute personne physique ou morale qui fabrique ou importe un produit sous sa propre marque ou non et soit l’affecte à son usage propre au sein de ses établissements industriels ou commerciaux, soit le met sur le marché wallon, quelle que soit la technique de vente utilisée, à distance ou non ’, et à toute ‘ personne physique ou morale qui revend des
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produits fabriqués par d’autres fournisseurs sous sa propre marque ’, dès le moment où elles mettent sur le marché wallon des biens, produits ou matières premières.
B.9.2. Agissant dans le cadre de la compétence en matière de déchets qui lui est attribuée par l’article 6, § 1er, II, alinéa 1er, 2°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, le législateur décrétal est compétent pour assurer la transposition des directives européennes précitées relatives à la gestion de certains flux de déchets pour lesquels existe une obligation de reprise devant être mise à charge des producteurs. Il lui revient, dans ce cadre, de déterminer avec précision quelles sont les personnes soumises à la responsabilité élargie des producteurs qui doivent être considérées comme responsables pour la reprise des déchets concernés.
B.10.1. L’article 10 de la directive 2006/66/CE précitée et l’article 7, paragraphe 1, de la directive 2012/19/UE précitée établissent chacun des objectifs à atteindre annuellement par les Etats membres en termes de pourcentage de, respectivement, piles et accumulateurs usagés et déchets d’équipements électriques et électroniques qui doivent être collectés par rapport aux produits correspondants mis sur le marché de chaque État membre.
B.10.2. Compte tenu du fait qu’il n’y a pas de sous-marchés régionaux pour les produits visés, que les taux de collecte imposés par les directives européennes doivent être atteints sur l’ensemble du territoire belge et que l’obligation de reprise doit s’imposer à tous les producteurs, il apparaît inévitable que les régions adoptent de manière concertée des définitions de la personne, considérée comme le producteur, responsable de la collecte et du traitement de tout équipement électrique ou électronique et de toute pile ou de tout accumulateur mis sur le marché belge, de sorte que les obligations afférentes à tout déchet soumis à la responsabilité élargie du producteur soient prises en charge par une personne désignée comme en étant le producteur responsable. Il en va d’autant plus ainsi que la responsabilité élargie du producteur peut également comporter une obligation financière, sous la forme de cotisations payées à l’éco-
organisme auquel le producteur s’est affilié. Dès lors que, sous réserve de ce qui sera examiné ci-après, les régions sont compétentes pour prendre des dispositions réglant notamment le financement de l’obligation des producteurs et le calcul des cotisations payées aux éco-
organismes assurant cette obligation, il s’indique que toute situation relevant de la législation décrétale relative aux déchets soumis à l’obligation de reprise soit réglée par un seul législateur régional, ce qui implique que les critères permettant de délimiter la compétence territoriale de chacun d’eux soient cohérents entre eux.
B.10.3. L’adoption par le législateur décrétal de la Région wallonne, sans concertation préalable avec les législateurs des autres régions, d’une définition du producteur soumis à la responsabilité élargie, dans la mesure où elle risque de gêner la réalisation par l’Etat belge des objectifs qui lui sont imposés par l’Union européenne, viole le principe de loyauté fédérale garanti par l’article 143, § 1er, de la Constitution, combiné avec les dispositions invoquées au moyen ».
B.7.1. Par son arrêt n° 163/2020 du 17 décembre 2020 (ECLI:BE:GHCC:2020:ARR.163), la Cour a annulé l’article 76, 1°, du décret-programme de la Région wallonne du 17 juillet 2018
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« portant des mesures diverses en matière d’emploi, de formation, d’économie, d’industrie, de recherche, d’innovation, de numérique, d’environnement, de transition écologique, d’aménagement du territoire, de travaux publics, de mobilité et de transports, d’énergie, de climat, de politique aéroportuaire, de tourisme, d’agriculture, de nature, de forêt, des pouvoirs locaux et de logement ».
L’article 76, 1°, du décret-programme du 17 juillet 2018, annulé par la Cour, insérait, à l’article 8bis, § 1er, du décret du 27 juin 1996, un alinéa 1er rédigé comme suit :
« Le Gouvernement peut mettre en place des régimes de responsabilité élargie des producteurs ».
B.7.2. Par cet arrêt, la Cour, se référant à l’arrêt n° 37/2018 précité, a jugé :
« B.9. La disposition attaquée habilite le Gouvernement wallon à mettre en place des régimes de responsabilité élargie des producteurs en ce qui concerne des déchets qui sont également soumis ou susceptibles d’être soumis à un tel régime de responsabilité élargie du producteur dans les autres régions. Dans ces circonstances, indépendamment de toute norme spécifique du droit de l’Union imposant des objectifs en termes de taux de collecte de déchets par État membre, il s’impose que les régions adoptent de manière concertée des définitions de la notion de ‘ producteur ’, de sorte que toute situation relevant de la législation décrétale relative aux déchets soumis à la responsabilité élargie du producteur soit réglée par un seul législateur régional et que toutes les obligations, notamment financières, afférentes à tout déchet soumis à la responsabilité élargie du producteur soient prises en charge par une seule personne désignée comme étant le producteur responsable.
B.10. Pour les motifs précités, ainsi que pour les mêmes motifs que ceux qui sont mentionnés dans l’arrêt de la Cour n° 37/2018, cité en B.7, le moyen unique est fondé ».
B.8.1. La disposition attaquée a pour objet de définir la notion de « producteur soumis à la responsabilité élargie des producteurs de produits » en matière de gestion des déchets.
Comme la Cour l’a jugé par les deux arrêts précités, le respect de la loyauté fédérale imposé par l’article 143, § 1er, de la Constitution implique que les régions doivent adopter ces définitions de manière concertée, afin que toute situation relevant de la législation décrétale relative aux déchets soumis à la responsabilité élargie des producteurs soit réglée par un seul
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législateur régional et que toutes les obligations, notamment financières, afférentes à tout déchet soumis à la responsabilité élargie des producteurs soient prises en charge par une seule personne désignée comme étant le producteur responsable.
B.8.2. Il n’apparaît pas que le projet qui a abouti au décret du 9 mars 2023 ait été transmis aux deux autres régions en vue d’une concertation ni que ces régions aient eu la possibilité d’adopter une position au sujet des définitions qu’il contient. S’il ressort de l’avis de la section de législation du Conseil d’État (Doc. parl., Parlement wallon, 2022-2023, n° 1180/1quater, p. 555) et des explications de la ministre en commission du Parlement wallon (Doc. parl., Parlement wallon, 2022-2023, n° 1180/14, pp. 7-8) que des négociations avec les deux autres régions en vue de conclure un accord de coopération portant, entre autres, sur la définition de la notion de « producteur de produits soumis à la responsabilité élargie des producteurs de produits » étaient en cours au moment de la procédure législative qui a abouti à l’adoption du décret du 9 mars 2023, cet accord de coopération n’avait pas encore, au moment de l’adoption du décret, été signé et, a fortiori, il n’avait pas reçu les assentiments parlementaires. Il en résulte que l’on ne saurait considérer que la disposition attaquée a été adoptée après qu’une concertation avec les deux autres régions a eu lieu au sujet de la définition du « producteur soumis à la responsabilité élargie des producteurs de produits ».
B.9. Le deuxième moyen est fondé, pour les mêmes motifs que ceux qui sont exposés dans les deux arrêts de la Cour précités. En conséquence, il y a lieu d’annuler l’article 123, § 1er, 24° à 28°, du décret du 9 mars 2023.
B.10.1. Les articles 127, § 1er, 128, § 2, 129, § 1er, 132, § 1er, 138, § 1er, 6° et 7°, 140, 160, 9°, et 172 du décret du 9 mars 2023, qui sont également visés dans le deuxième moyen, désignent les producteurs de produits ainsi définis comme étant les destinataires du régime de la responsabilité élargie du producteur de produits et mettent à leur charge les obligations, y compris financières, qui en découlent sur le territoire de la Région wallonne. Les parties requérantes font grief à ces dispositions d’empêcher, ou à tout le moins de rendre très difficile, l’exercice par les deux autres régions de leurs compétences en matière de déchets, dans le cadre de la responsabilité élargie des producteurs de produits.
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B.10.2. Toutes ces dispositions comportent une référence à la mise sur le marché belge de produits concernés par la responsabilité élargie des producteurs de produits. Dans cette mesure, elles sont entachées du même défaut que l’article 123, § 1er, 24° à 28°, du décret du 9 mars 2023 et doivent également être annulées, pour les mêmes motifs.
Il y a lieu d’annuler les articles 127, § 1er, 128, § 2, 129, § 1er, 132, § 1er, 138, § 1er, 6°
et 7°, 140, 160, 9°, et 172 du décret du 9 mars 2023, en ce qu’ils se réfèrent à la mise sur le marché belge.
B.11. Il n’y a pas lieu d’examiner le troisième moyen, qui ne vise que l’article 123, § 1er, 26°, du décret du 9 mars 2023 et qui ne pourrait mener à une annulation plus étendue que celle qui sera prononcée sur la base du deuxième moyen.
En ce qui concerne l’agrément des organismes en matière de responsabilité élargie des producteurs
B.12. Le quatrième moyen se subdivise en trois branches, qui visent respectivement les articles 175, 178 et 161, § 1er, du décret du 9 mars 2023.
Les parties requérantes n’exposent pas en quoi ces dispositions violeraient l’article 27 de la Constitution, l’article 6, § 1er, VI, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles (ci-après : la loi spéciale du 8 août 1980), l’article 9 de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 « relative aux services dans le marché intérieur » (ci-après : la directive 2006/123/CE), les articles 5, 6, 7, 8 et 11 de la directive 2012/19/UE du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012
« relative aux déchets d’équipements électriques et électroniques (DEEE) (refonte) » (ci-après :
la directive 2012/19/UE), l’article 8, paragraphe 4, de la directive 2006/66/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 septembre 2006 « relative aux piles et accumulateurs ainsi qu’aux déchets de piles et d’accumulateurs et abrogeant la directive 91/157/CEE » (ci-après : la directive 2006/66/CE) et l’article 5 de la directive 2000/53/CE du Parlement européen et du Conseil du 18 septembre 2000 « relative aux véhicules hors d’usage » (ci-après : la
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directive 2000/53/CE). En ce qu’il est pris de la violation de ces dispositions, le quatrième moyen n’est pas recevable.
Première branche
B.13.1. En sa première branche, le quatrième moyen vise l’article 175 du décret du 9 mars 2023 et est pris de la violation des articles 10, 11 et 23 de la Constitution, lus en combinaison avec l’article 11, paragraphe 1, de la directive 2006/123/CE et avec l’article 23, paragraphe 2, de la directive 2008/98/CE.
En application de l’article 174 du décret du 9 mars 2023, les organismes qui sont chargés par les producteurs de produits soumis au régime de la responsabilité élargie des producteurs de produits d’exécuter les obligations de ceux-ci en leur nom et pour leur compte doivent être préalablement titulaires d’un agrément exécutoire délivré à cette fin.
L’article 175 du même décret dispose :
« Tout agrément en matière de responsabilité élargie des producteurs de produits délivré ou tout plan stratégique individuel approuvé par et en vertu du présent titre, l’est pour une durée maximale de cinq ans ».
Les parties requérantes font grief à l’article 175 du décret du 9 mars 2023 de prévoir une durée de validité limitée pour l’agrément et de négliger d’organiser une procédure particulière de renouvellement, automatique ou subordonnée à l’accomplissement de certaines exigences limitées.
B.13.2. Les articles 10 et 11 de la Constitution garantissent le principe d’égalité et de non-
discrimination. L’article 23, alinéa 3, 4°, de la Constitution, contient une obligation de standstill en ce qui concerne le droit à la protection d’un environnement sain.
L’article 11, paragraphe 1, de la directive 2006/123/CE dispose :
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« L’autorisation octroyée au prestataire ne doit pas avoir une durée limitée, à l’exception des cas suivants :
a) l’autorisation fait l’objet d’un renouvellement automatique ou est subordonnée seulement à l’accomplissement continu d’exigences;
b) le nombre d’autorisations disponibles est limité par une raison impérieuse d’intérêt général;
ou
c) une durée limitée d’autorisation est justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général ».
L’article 23, paragraphes 1 et 2, de la directive 2008/98/CE dispose :
« 1. Les États membres imposent à tout établissement ou toute entreprise comptant procéder au traitement de déchets l’obligation d’obtenir une autorisation des autorités compétentes.
[...]
2. Les autorisations peuvent être accordées pour une durée déterminée et être renouvelables ».
B.13.3. Ainsi que la section de législation du Conseil d’État l’a observé dans son avis sur le texte de l’avant-projet de décret, dès lors que la réglementation affecte l’accès à une activité de service ou l’exercice d’une telle activité, elle doit être examinée au regard du droit de l’Union européenne, puisque les conditions mises à l’agrément s’imposent également aux personnes physiques ou morales qui, en provenance d’autres États membres de l’Union européenne, useraient de leur droit à la libre circulation et au libre établissement pour exercer les activités concernées. Il convient dès lors de tenir compte de la directive 2006/123/CE. Toutefois, il peut être dérogé à cette directive par une autre directive, de sorte qu’il convient également de tenir compte de l’article 23, paragraphes 1 et 2, de la directive 2008/98/CE.
Il ressort de la lecture conjointe de ces deux dispositions que le législateur décrétal peut prévoir que les organismes qui assument la responsabilité élargie des producteurs de produits doivent être agréés et que l’agrément peut être accordé pour une durée limitée. Il en ressort également que l’agrément peut être renouvelable.
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B.14. L’exposé des motifs relatif au décret du 9 mars 2023 indique, de manière générale à propos du fait que certaines activités professionnelles en matière de déchets sont soumises à l’obtention d’un agrément ou d’un enregistrement d’une durée de validité limitée :
« La durée limitée des agréments et des enregistrements dans le cadre du décret en projet poursuit l’objectif de vérifier les moyens et les compétences des opérateurs actifs dans la chaîne de gestion des déchets. À l’inverse, la vérification a posteriori des capacités et des compétences des parties prenantes, notamment de tous les opérateurs actifs dans la chaîne de gestion des déchets, serait de nature à mettre les autorités wallonnes devant le fait accompli, à favoriser les dépôts sauvages de déchets, avec le risque que les auteurs de tels dépôts ne soient jamais identifiés. Partant, cette approche affaiblirait l’application du principe du pollueur-payeur en Région wallonne » (Doc. parl., Parlement wallon, 2022-2023, n° 1180/1, p. 51).
B.15.1. Il ne saurait être déduit du silence du texte à ce sujet que l’intention du législateur décrétal aurait été d’empêcher les organismes en matière de responsabilité élargie des producteurs de produits d’obtenir le renouvellement de leur agrément. À cet égard, le commentaire de l’article 179, § 2, du décret en projet (l’article 180, § 2, du décret adopté)
montre que le législateur décrétal envisageait la possibilité de l’introduction d’une demande de renouvellement de l’agrément à titre de demande différente de celle de l’agrément original :
« [Le] cas échéant, le Gouvernement pourrait arrêter des formulaires dédiés à l’introduction de la demande initiale, à la demande de modification en cours de validité de l’agrément ou du plan stratégique individuel, à la demande [de] renouvellement, à l’introduction des recours administratifs, etc. » (Doc. parl., Parlement wallon, 2022-2023, n° 1180/1, p. 71).
Pour le reste, compte tenu de la possibilité de renouvellement de l’agrément et de ce qu’une durée de cinq ans n’est pas excessivement brève, le risque que la limitation de la durée des agréments empêche les organismes en matière de responsabilité élargie des producteurs de réaliser des investissements importants, ce qui, selon les parties requérantes, pourrait entraîner un recul du degré de protection du droit à un environnement sain incompatible avec l’obligation de standstill garantie par l’article 23, alinéa 3, 4°, de la Constitution, paraît relativement hypothétique. En toute hypothèse, une telle mesure est raisonnablement justifiée par la nécessité, pour l’autorité compétente, de vérifier, à intervalles réguliers, que l’organisme agréé
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remplit bien les conditions légales pour les missions qu’il assume, ce qui est de nature à contribuer à la protection du droit à un environnement sain.
B.15.2. L’absence d’organisation, par le législateur décrétal, d’une procédure spécifique de renouvellement de l’agrément ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l’article 23, paragraphe 2, de la directive 2008/98/CE, et avec l’article 11, paragraphe 1, a), de la directive 2006/123/CE. Aucune de ces dispositions n’impose que la procédure de renouvellement de l’agrément soit, sinon automatique, à tout le moins subordonnée à des exigences limitées.
B.15.3. Par conséquent, le quatrième moyen, en sa première branche, n’est pas fondé.
Deuxième branche
B.16.1. En sa deuxième branche, le quatrième moyen vise les articles 128, § 1er, et 178, § 1er, du décret du 9 mars 2023. En cette branche, le moyen est pris de la violation des articles 10, 11 et 23 de la Constitution, lus en combinaison avec l’article 10 de la directive 2006/123/CE.
L’article 178, § 1er, du décret du 9 mars 2023, dispose :
« Sans préjudice de l’article D.198 du Livre Ier du Code de l’Environnement, l’administration peut, à tout moment, suspendre pour une durée maximale de six mois ou retirer l’agrément en matière de responsabilité élargie des producteurs de produits délivré par et en vertu du présent titre, le cas échéant par le Gouvernement sur recours administratif ainsi que suspendre pour une durée maximale de six mois ou retirer le plan stratégique individuel approuvé par et en vertu du présent titre, le cas échéant par l’autorité compétente sur recours administratif :
1° si le titulaire de l’agrément en matière de responsabilité élargie des producteurs de produits n’exécute pas, totalement ou partiellement, toutes ou certaines :
a) des obligations du producteur de produits prévues par et en vertu du présent titre pour le régime de responsabilité élargie des producteurs de produits concerné;
b) des obligations de l’organisme en matière de responsabilité élargie des producteurs de produits conformément au présent chapitre et ses mesures d’exécution;
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c) le cas échéant, la ou les conditions additionnelles insérées dans la décision d’agrément en matière de responsabilité élargie des producteurs de produits conformément à l’article 187;
d) le cas échéant, les obligations qui lui sont applicables en vertu du décret fiscal du 22 mars 2007 favorisant la prévention et la valorisation des déchets en Région wallonne et portant modification du décret du 6 mai 1999 relatif à l’établissement, au recouvrement et au contentieux en matière de taxes régionales directes et ses mesures d’exécution;
[...] ».
Les parties requérantes font grief à cette disposition de prévoir de manière trop large les cas dans lesquels un organisme agréé peut se voir retirer ou suspendre son agrément, en disposant que la suspension ou le retrait de l’agrément peuvent être décidés lorsque le titulaire de celui-ci « n’exécute pas, totalement ou partiellement, toutes ou certaines » des obligations qui incombent au producteur de produits et à l’organisme en matière de responsabilité élargie des producteurs de produits, en violation du principe de légalité contenu dans l’article 23 de la Constitution, lu en combinaison avec l’article 10, paragraphe 1 et paragraphe 2, d), de la directive 2006/123/CE.
B.16.2. L’article 128, § 1er, du même décret prévoit, en ce qui concerne les régimes de responsabilité élargie des producteurs de produits qui portent sur des déchets d’origine domestique, qu’en cas de suspension ou de retrait du plan stratégique individuel ou de l’agrément d’un organisme assumant la responsabilité élargie par une décision administrative, le cas échéant rendue sur recours administratif, les autorités locales et les acteurs publics de gestion des déchets peuvent de plein droit pourvoir eux-mêmes à la passation et à l’exécution des contrats relatifs à la responsabilité opérationnelle de tels régimes pour ce qui concerne les déchets ménagers. Les parties requérantes en déduisent que le Gouvernement wallon pourrait déroger de manière disproportionnée au principe de la responsabilisation des producteurs, qui découle des directives applicables en la matière, dès lors que sa marge d’appréciation n’est pas encadrée de manière suffisamment précise.
B.17.1. Les dispositions attaquées participent de la réglementation relative à la gestion de certains flux de déchets. Elles poursuivent un objectif d’intérêt général et contribuent à la protection d’un environnement sain.
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B.17.2. L’article 23, alinéa 2 et alinéa 3, 4°, de la Constitution oblige le législateur compétent à garantir le droit à la protection d’un environnement sain et à déterminer les conditions d’exercice de ce droit.
Cette disposition constitutionnelle n’interdit cependant pas à ce législateur d’accorder des délégations au pouvoir exécutif, pour autant qu’elles portent sur l’exécution de mesures dont le législateur a déterminé l’objet.
Cette disposition constitutionnelle n’impose pas au législateur de régler tous les éléments essentiels du droit à la protection d’un environnement sain et elle ne lui interdit pas d’habiliter le pouvoir exécutif à régler ceux-ci.
B.17.3. L’article 10, paragraphe 1 et paragraphe 2, d), de la directive 2006/123/CE
dispose :
« 1. Les régimes d’autorisation doivent reposer sur des critères qui encadrent l’exercice du pouvoir d’appréciation des autorités compétentes afin que celui-ci ne soit pas utilisé de manière arbitraire.
2. Les critères visés au paragraphe 1 sont :
[...]
d) clairs et non ambigus;
[...] ».
B.18.1. Le texte de la disposition attaquée, tel qu’il figurait dans l’avant-projet de décret soumis à l’avis de la section de législation du Conseil d’État, prévoyait que l’agrément pouvait être suspendu ou retiré en cas d’« exécution inexacte ou insuffisante » des obligations de l’organisme titulaire de l’agrément. C’est la section de législation du Conseil d’État qui a suggéré de remplacer cette expression par celle d’ « inexécution totale ou partielle de l’obligation » :
« Dès lors que les termes ‘ exécution inexacte ou insuffisante ’ n’ont pas, dans la terminologie juridique usuelle, un sens spécifique, mieux vaut faire usage d’une formulation qui ne prête pas à confusion, et viser uniquement ‘ l’inexécution totale ou partielle de l’obligation ’ » (Doc. parl., Parlement wallon, 2022-2023, n° 1180/1quater, p. 571).
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B.18.2. L’article 190 du décret du 9 mars 2023 prévoit qu’un recours administratif est ouvert auprès du Gouvernement wallon contre des décisions prises par l’administration en matière d’agrément. En vertu du paragraphe 2 de cet article, le recours dirigé contre une décision de suspension de l’agrément n’est pas suspensif. Le recours dirigé contre une décision de retrait de l’agrément, en revanche, est suspensif de cette décision.
B.18.3. Ainsi que l’a observé la section de législation du Conseil d’État, l’expression « inexécution totale ou partielle de l’obligation » ne prête pas à confusion et est suffisamment familière pour les professionnels du droit administratif. Par ailleurs, en permettant à l’administration ou, sur recours administratif, au Gouvernement wallon, de décider la suspension ou le retrait de l’agrément en cas d’ « inexécution totale ou partielle » des obligations qui incombent au titulaire de l’agrément, le législateur décrétal définit lui-même l’objet de la mesure qui peut être prise par l’autorité. Il en résulte que le principe de légalité qui se déduit de l’article 23, alinéa 2 et alinéa 3, 4°, de la Constitution, lu en combinaison avec l’article 10, paragraphe 1 et paragraphe 2, d), de la directive 2006/123/CE n’est pas violé.
B.19. Le quatrième moyen, en sa deuxième branche, n’est pas fondé.
Troisième branche
B.20.1. En sa troisième branche, le quatrième moyen vise l’article 161, § 1er, du décret du 9 mars 2023 et est pris de la violation des articles 10, 11 et 23 de la Constitution, lus en combinaison avec l’article 14, point 7), de la directive 2006/123/CE.
L’article 161, § 1er, du décret du 9 mars 2023 dispose :
« Lorsque le régime de responsabilité élargie des producteurs de produits le concernant porte en tout ou en partie sur des déchets ménagers, l’organisme en matière de responsabilité élargie du producteur de produits constitue une sûreté financière visant à garantir le respect des obligations applicables au régime de responsabilité élargie des producteurs concerné et dont le montant, déterminé dans la décision d’octroi de l’agrément de l’organisme en matière de responsabilité élargie des producteurs de produits, est équivalent aux frais estimés pour la prise
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en charge intégrale desdites obligations par les pouvoirs publics pendant une période de neuf mois.
Le Gouvernement peut arrêter des modalités de calcul du montant des sûretés financières ainsi que des modalités de révision du montant desdites sûretés en cours d’exécution de la décision d’octroi de l’agrément de l’organisme en matière de responsabilité élargie des producteurs de produits.
Chaque sûreté financière est constituée au bénéfice de l’administration dans un délai de soixante jours à compter de la date de notification de la décision d’octroi de l’agrément de l’organisme en matière de responsabilité élargie des producteurs de produits ».
B.20.2. Les parties requérantes font grief à cette disposition de n’imposer une obligation de constitution d’une sûreté financière qu’aux organismes en matière de responsabilité élargie des producteurs de produits, et non aux producteurs de produits qui exécutent leurs obligations en matière de responsabilité élargie en respectant un plan stratégique individuel, ce qui créerait une différence de traitement injustifiée et serait, de surcroît, contraire à l’article 14, point 7), de la directive 2006/123/CE.
B.21.1. Le principe d’égalité et de non-discrimination n’exclut pas qu’une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu’elle repose sur un critère objectif et qu’elle soit raisonnablement justifiée.
L’existence d’une telle justification doit s’apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d’égalité et de non-discrimination est violé lorsqu’il est établi qu’il n’existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.
B.21.2. L’article 14, point 7), de la directive 2006/123/CE dispose :
« Les États membres ne subordonnent pas l’accès à une activité de services ou son exercice sur leur territoire au respect de l’une des exigences suivantes :
[...]
7) l’obligation de constituer ou de participer à une garantie financière ou de souscrire une assurance auprès d’un prestataire ou d’un organisme établi sur leur territoire. Ceci ne porte pas atteinte à la possibilité pour les États membres d’exiger une couverture d’assurance ou des
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garanties financières en tant que telles et ne porte pas atteinte aux exigences relatives à la participation à un fonds collectif de compensation, par exemple pour les membres d’ordres ou organisations professionnels;
[...] ».
Le considérant 67 de la directive indique, à ce sujet :
« En ce qui concerne les garanties financières et l’assurance, l’interdiction ne devrait porter que sur l’obligation de constituer cette garantie ou de souscrire cette assurance auprès d’une institution financière établie dans l’État membre concerné ».
B.22.1. L’exposé des motifs indique, au sujet de la disposition attaquée :
« Seuls les organismes en matière de responsabilité élargie des producteurs de produits sont tenus de constituer pareille sûreté en raison du fait que ce sont principalement ces derniers qui seront amenés a priori à gérer un plus grand nombre de déchets (par rapport aux producteurs de produits agissant seul sur la base d’un plan individuel de gestion approuvé en Région wallonne). En cas de carence(s) d’un organisme agréé en matière de responsabilité élargie des producteurs de produits portant (à tout le moins) sur des déchets ménagers, il reviendrait aux autorités locales (et aux personnes morales de droit public actives en matière de déchets) de se substituer à eux, notamment en vue d’assurer la police administrative générale dans ses dimensions de sécurité, de tranquillité et de salubrité publique. Dans cette hypothèse, les fonds ainsi libérés par la Région wallonne (dans le cadre de la sûreté constituée) permettraient aux autorités publiques de remédier elles-mêmes à la situation problématique (via des personnes morales de droit public ou via marché(s) public(s)) » (Doc. parl., Parlement wallon, 2022-2023, n° 1180/1, p. 69).
B.22.2. La différence de traitement attaquée repose sur le critère de la nature de la personne concernée par l’obligation de gestion des déchets : l’obligation de constituer une sûreté s’impose aux seuls organismes qui assument la responsabilité élargie des producteurs de produits pour le compte de ceux-ci, et non aux producteurs qui assument eux-mêmes leurs obligations en la matière. Ce critère est objectif. Il est aussi pertinent par rapport à l’objectif de garantir qu’en cas de défaillance de l’organisme assumant la responsabilité élargie des producteurs, les pouvoirs publics locaux aient les moyens de s’y substituer pour assurer les tâches de collecte et de traitement des déchets concernés. Il est en effet raisonnable de considérer que la défaillance d’un organisme assumant collectivement la responsabilité élargie
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de plusieurs producteurs de produits aura des conséquences plus importantes, en termes de coûts pour l’autorité publique tenue de s’y substituer, que la défaillance d’un producteur seul.
B.22.3. Par ailleurs, la disposition attaquée, qui limite le montant de la sûreté à constituer à une somme équivalant aux frais estimés pour la prise en charge des obligations pendant une période de neuf mois, n’a pas, pour les organismes visés, des conséquences disproportionnées.
B.22.4. Enfin, la disposition attaquée n’impose pas que la sûreté financière soit constituée auprès d’une institution belge. Elle prévoit explicitement, en son paragraphe 2, qu’elle peut être constituée, notamment, par une garantie bancaire indépendante ou par un nantissement d’un ou de plusieurs comptes bancaires. Dans ces cas, les sûretés sont émises par un établissement de crédit agréé soit auprès de l’Autorité des services et marchés financiers, soit auprès de toute autre autorité d’un État membre de l’Union européenne qui est habilitée à contrôler les établissements de crédit. Il s’ensuit que la disposition attaquée ne viole pas les articles 10 et 11
de la Constitution, lus en combinaison avec l’article 14, point 7), de la directive 2006/123/CE.
B.23. Le quatrième moyen, en sa troisième branche, n’est pas fondé.
En ce qui concerne la limitation du but statutaire et l’interdiction d’exercer des activités opérationnelles imposées aux organismes en matière de responsabilité élargie des producteurs
Cinquième moyen
B.24.1. Le cinquième moyen vise l’article 159, 2°, du décret du 9 mars 2023, qui dispose :
« L’agrément en matière de responsabilité élargie des producteurs de produits d’un organisme qui peut être chargé par des producteurs de produits en vertu du présent titre et de ses mesures d’exécution, ne peut être accordé qu’à des personnes morales qui remplissent chacune les conditions cumulatives suivantes :
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[...]
2° avoir comme seul objet statutaire la prise en charge pour le compte de ses contractants des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs de produits; ».
B.24.2. En ses deux branches, le moyen est pris de la violation des articles 23 et 27 de la Constitution et des articles 6, § 1er, VI, alinéa 3, et 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, lus isolément ou en combinaison avec les articles 49 et 56 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, avec les articles 5, paragraphe 2, d), et 8, paragraphe 3, de la directive 2012/19/UE, avec l’article 12 de la directive 2006/66/CE et avec l’article 27, paragraphe 1, et paragraphe 3, c), de la directive 2008/98/CE.
Les parties requérantes font grief à cette disposition de limiter le but statutaire des organismes (première branche du moyen) et, en ce qu’elle limite l’organisation et l’action des organismes, de les empêcher d’organiser un système collectif de reprise des déchets et de mettre en place des systèmes permettant la valorisation des déchets selon les meilleures techniques disponibles (seconde branche du moyen). La Cour examine les deux branches du moyen conjointement.
B.24.3. Les parties requérantes n’exposent pas en quoi la disposition attaquée serait contraire à l’article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980. En ce qu’il est pris de la violation de cette disposition, le moyen est irrecevable.
B.25.1. L’article 27 de la Constitution dispose :
« Les Belges ont le droit de s’associer; ce droit ne peut être soumis à aucune mesure préventive ».
La liberté d’association prévue par cette disposition a pour objet de garantir la création d’associations privées et la participation à leurs activités. Elle implique le droit de s’associer et celui de déterminer librement l’organisation interne de l’association, mais également le droit de ne pas s’associer.
B.25.2. La liberté d’entreprendre, visée à l’article II.3 du Code de droit économique, doit s’exercer « dans le respect des traités internationaux en vigueur en Belgique, du cadre normatif
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général de l’union économique et de l’unité monétaire tel qu’établi par ou en vertu des traités internationaux et de la loi » (article II.4 du même Code). La liberté d’entreprendre doit par conséquent être lue en combinaison avec les dispositions de droit de l’Union européenne applicables, ainsi qu’avec l’article 6, § 1er, VI, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980, au regard duquel la Cour peut effectuer directement un contrôle, dès lors qu’il s’agit d’une règle répartitrice de compétences.
La liberté d’entreprendre ne peut être conçue comme une liberté absolue. Elle ne fait pas obstacle à ce que le législateur compétent règle l’activité économique des personnes et des entreprises. Celui-ci n’interviendrait de manière déraisonnable que s’il limitait la liberté d’entreprendre sans aucune nécessité ou si cette limitation était disproportionnée au but poursuivi.
B.25.3. L’article 12 de la directive 2006/66/CE impose notamment aux États membres de veiller à ce que les producteurs ou les tiers assumant leur obligation « instaurent des systèmes utilisant les meilleures techniques disponibles, en termes de protection de la santé et de l’environnement, afin d’assurer le traitement et le recyclage des déchets de piles et d’accumulateurs ». En vertu de l’article 5, paragraphe 2, d), de la directive 2012/19/UE, les États membres veillent à ce que « les producteurs soient autorisés à organiser et exploiter des systèmes de reprise individuels et/ou collectifs des DEEE provenant des ménages ». En application de l’article 8, paragraphe 3, de la même directive, ils veillent à ce que les producteurs ou les tiers agissant pour leur compte « mettent en place des systèmes permettant la valorisation des DEEE par les meilleures techniques disponibles ».
L’article 27, paragraphe 1, et paragraphe 3, c), de la directive 2008/98/CE prévoit que la Commission adopte des actes délégués pour compléter la directive en définissant des normes techniques minimales applicables aux activités de traitement, notamment le tri et le recyclage des déchets, et que ces normes minimales tiennent compte des meilleures techniques possibles.
B.26.1. D’après l’exposé des motifs de la disposition attaquée, les obligations critiquées « sont reprises de la législation et de la réglementation précédant le décret en projet » et elles
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« ont été validées par la jurisprudence de la Cour constitutionnelle (C.C., 22 mars 2018, n° 37/2018, B.15.3 à B.15.5) » (Doc parl., Parlement wallon, 2022-2023, n° 1180/1, p. 69).
B.26.2. Les personnes soumises à la responsabilité élargie des producteurs pour certains flux de déchets assument une obligation de gestion des déchets dont elles sont responsables, en vertu des articles 130 et suivants du décret du 9 mars 2023. Cette obligation de gestion participe de la mise en œuvre de la politique environnementale menée par la Région.
B.26.3. Dès lors que l’obligation de gestion peut, en vertu de l’article 127, § 2, du décret du 9 mars 2023, être assumée individuellement ou collectivement, les producteurs de produits ne sont pas tenus de s’associer pour répondre aux exigences de la responsabilité élargie des producteurs.
B.26.4. Compte tenu de la mission d’intérêt général que remplissent les producteurs lorsqu’ils assument l’obligation de gestion des déchets, il n’est pas sans justification raisonnable que le législateur décrétal encadre leur action, soit en prévoyant que le Gouvernement approuve les plans stratégiques individuels de gestion des déchets concernés, soit en instaurant un agrément des organismes exécutant pour les producteurs leur obligation de gestion.
B.27.1. Lorsqu’ils choisissent de s’associer pour assumer cette obligation, les producteurs doivent donner à leur association, pour que celle-ci puisse être agréée par le Gouvernement, la forme d’une association sans but lucratif (article 159, 1°, du décret du 9 mars 2023). En vertu de la disposition attaquée, ils ne peuvent lui conférer un but statutaire autre que la prise en charge, pour le compte des contractants, des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs de produits.
B.27.2. Dès lors que la disposition attaquée, d’une part, ne comporte pas d’obligation de s’associer et, d’autre part, n’empêche pas les producteurs qui le souhaiteraient de créer d’autres associations en leur conférant d’autres objets statutaires, elle ne porte pas atteinte à la liberté d’association qui leur est garantie par l’article 27 de la Constitution. La disposition attaquée ne limite pas non plus la liberté d’entreprendre des producteurs de produits soumis à la
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responsabilité élargie des producteurs, qui demeurent libres d’entreprendre les activités de leur choix et, le cas échéant, de s’associer à cette fin. Enfin, la Cour n’aperçoit pas en quoi la disposition attaquée empêcherait les producteurs qui ont chargé un organisme de l’exécution de leur obligation en matière de gestion des déchets, ainsi que ces organismes eux-mêmes, d’assumer cette obligation de gestion en mettant en œuvre les meilleures techniques possibles.
B.28. Le cinquième moyen n’est pas fondé.
Sixième moyen
B.29.1. Le sixième moyen vise l’article 160, alinéa 1er, 1°, du décret du 9 mars 2023, qui dispose :
« L’organisme en matière de responsabilité élargie des producteurs de produits :
1° n’exerce aucune activité opérationnelle de gestion des déchets couverts par un régime de responsabilité élargie des producteurs, que ce soit directement ou indirectement, notamment par l’entremise d’une filiale; ».
B.29.2. L’exposé des motifs indique, au sujet de cette disposition :
« En effet, l’exercice combiné d’activités opérationnelles de gestion de déchets, et des obligations liées au suivi et au contrôle des filières de gestion des déchets couverts par un régime de responsabilité élargie des producteurs de produits pourraient conduire à restreindre la concurrence, à exercer une pression anormale sur les prix ou restreindre le développement de certaines filières. Tel pourrait être le cas si une partie significative d’un flux devait nécessairement être collectée, triée ou traitée directement, ou par l’entremise d’une filiale, par de tels organismes. La Région wallonne a donc la responsabilité de veiller à ce que les organismes en matière de responsabilité élargie des producteurs de produits n’abusent pas de la position qui leur est conférée par le décret en projet et ses mesures d’exécution » (Doc. parl., Parlement wallon, 2022-2023, n° 1180/1, p. 69).
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Première branche
B.30.1. En sa première branche, le sixième moyen est pris de la violation des articles 6, § 1er, VI, alinéa 5, 4°, et 10 de la loi spéciale du 8 août 1980. Les parties requérantes font valoir qu’en interdisant aux organismes en matière de responsabilité élargie des producteurs de produits d’exercer, directement ou indirectement, des activités opérationnelles de gestion des déchets couverts par le régime de la responsabilité élargie, le législateur décrétal empiète sur la compétence de l’autorité fédérale en matière de droit de la concurrence et des pratiques du commerce.
B.30.2. L’article 6, § 1er, VI, alinéa 5, 4°, de la loi spéciale du 8 août 1980 dispose que l’autorité fédérale est seule compétente pour « le droit de la concurrence et le droit des pratiques du commerce, à l’exception de l’attribution des labels de qualité et des appellations d’origine, de caractère régional ou local ».
L’article 10 de la même loi spéciale autorise notamment la Région wallonne à adopter un décret réglant une matière fédérale, pour autant que cette disposition soit nécessaire à l’exercice de ses compétences, que cette matière se prête à un règlement différencié et que son incidence sur la matière fédérale ne soit que marginale.
B.30.3. Selon les travaux préparatoires de la loi spéciale du 8 août 1988 modifiant la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, le droit de la concurrence englobe toutes les lois et réglementations portant des règles destinées à garantir une concurrence active entre les opérateurs commerciaux. Ont été cités, à titre d’exemples, l’arrêté royal n° 62 du 13 janvier 1935 « permettant l’institution d’une réglementation économique de la production et de la distribution », la loi du 27 mai 1960 « sur la protection contre l’abus de la puissance économique » et le projet qui est devenu la loi du 5 août 1991 « sur la protection de la concurrence économique » (Doc. parl., Chambre, S.E. 1988, n° 516/6, p. 134).
B.30.4. Dès lors que la disposition attaquée a pour but et pour effet d’éviter une distorsion de la concurrence entre les opérateurs actifs en matière de gestion des déchets, elle peut être
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considérée comme relevant, au moins en partie, de la compétence fédérale en matière de garantie de la concurrence active entre les opérateurs commerciaux. Il convient dès lors d’examiner si le législateur décrétal pouvait néanmoins disposer de la sorte, en vertu de l’article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980.
Sous réserve de ce qui sera examiné ci-après en ce qui concerne le contenu de la disposition, le législateur décrétal, dans l’exercice de sa compétence en matière de politique des déchets, a pu estimer qu’il était nécessaire de prévoir, parmi les conditions auxquelles les organismes en matière de responsabilité élargie des producteurs doivent satisfaire pour être agréés, une condition ayant pour objet de prévenir les distorsions de la concurrence. La disposition attaquée concerne un secteur très spécifique et ne concerne pas les règles générales en matière de concurrence ou de pratiques du commerce, de sorte que la matière se prête à un règlement différencié. Enfin, dès lors que l’interdiction d’exercer des activités opérationnelles ne vise que des associations sans but lucratif actives en matière de gestion de certains flux de déchets, elle n’a qu’un impact marginal sur la matière fédérale concernée. Les conditions d’application de l’article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 sont donc réunies.
B.30.5. Le sixième moyen, en sa première branche, n’est pas fondé.
Deuxième branche
B.31.1. Dans la deuxième branche du sixième moyen, les parties requérantes font notamment valoir que l’article 160, alinéa 1er, 1°, du décret du 9 mars 2023 n’est pas compatible avec le principe de légalité en matière de droit à la protection d’un environnement sain, garanti par l’article 23 de la Constitution, et avec la liberté d’entreprendre.
B.31.2. En ce qui concerne le principe de légalité précité, les parties requérantes font valoir en substance que la disposition attaquée ne fixe pas de manière claire et précise les activités de gestion des déchets que les organismes en matière de responsabilité élargie des producteurs de produits peuvent ou non exercer, de sorte qu’elles ne peuvent prévoir les conséquences de leurs actes. En ce sens, les parties requérantes invoquent en réalité la violation du principe de la
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sécurité juridique. Ce principe exige que le contenu du droit soit prévisible et accessible, et interdit au législateur décrétal de porter atteinte, sans justification objective et raisonnable, à l’intérêt que possèdent les sujets de droit d’être en mesure de prévoir les conséquences juridiques de leurs actes.
La Cour n’est pas compétente pour contrôler des normes législatives directement au regard de principes généraux, tel le principe de la sécurité juridique. La Cour peut cependant contrôler la disposition attaquée au regard des articles 10 et 11 de la Constitution, dont la violation est également alléguée au moyen, lus en combinaison avec ce principe.
B.31.3. La disposition attaquée ne détermine pas ce qu’il y a lieu d’entendre par « activité opérationnelle de gestion des déchets ». Comme il est dit en B.2.3, l’obligation de gestion des déchets qui incombe aux producteurs de certains produits, obligation qu’ils peuvent exercer collectivement en adhérant à un organisme assumant leur responsabilité élargie du producteur, recouvre notamment la préparation en vue du réemploi, le recyclage et la valorisation des déchets. Cette obligation peut par ailleurs notamment comprendre, en cas d’activation par le Gouvernement wallon, la reprise des déchets, la prévention en matière de déchets et l’obligation d’atteindre des objectifs chiffrés de collecte ou de valorisation, notamment de recyclage.
B.31.4. À défaut d’une définition de la notion d’« activités opérationnelles de gestion des déchets » dans le décret du 9 mars 2023, il faut comprendre cette notion dans son sens usuel.
Par activités de gestion des déchets, l’on entend, dans la législation sur les déchets, la collecte, le stockage intérimaire et le transbordement, le transport, la valorisation, y compris le tri, et l’élimination des déchets. Par activités opérationnelles de gestion des déchets, l’on entend l’exécution même des activités précitées. Par conséquent, l’organisation investie de la responsabilité élargie des producteurs ne peut exercer elle-même aucune de ces activités, ni directement, ni indirectement, notamment par le biais d’une filiale, en ce qui concerne les déchets pour lesquels il existe une responsabilité élargie des producteurs. La disposition attaquée est dès lors suffisamment claire et précise.
B.31.5. Les motifs invoqués par le législateur décrétal consistant à éviter une atteinte à la concurrence, une pression anormale sur les prix ou une restriction du développement de
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certaines filières de gestion des déchets seraient de nature à justifier raisonnablement la limitation attaquée de la liberté d’entreprendre, s’il était démontré qu’un risque réel d’abus de position dominante existe dans le chef des organismes agréés en matière de gestion des déchets relevant des flux concernés par la responsabilité élargie des producteurs.
Toutefois, la situation en termes de concurrence ne saurait être la même ni pour tous les flux de déchets envisagés ni pour toutes les activités opérationnelles considérées. En interdisant à tous les organismes agréés, de manière générale et indifférenciée, l’exercice de toutes les activités opérationnelles de gestion pour tous les flux de déchets soumis à la responsabilité élargie des producteurs, la disposition attaquée va dès lors manifestement au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif légitime du législateur décrétal.
B.32. Le sixième moyen, en sa deuxième branche, est fondé. Il y a lieu d’annuler l’article 160, alinéa 1er, 1°, du décret du 9 mars 2023.
Compte tenu de cette annulation, il n’y a pas lieu d’examiner le sixième moyen, en sa troisième branche.
En ce qui concerne les obligations de bonne gouvernance imposées aux organismes en matière de responsabilité élargie des producteurs
B.33.1. Le huitième moyen vise les articles 162 à 171 du décret du 9 mars 2023.
Les articles 162 à 171 du décret du 9 mars 2023 constituent la section 5 « Obligations en matière de gouvernance » du chapitre 4 « Dispositions particulières applicables aux organismes en matière de responsabilité élargie des producteurs de produits » du titre 2 du décret du 9 mars 2023.
L’article 162 du décret du 9 mars 2023 dispose :
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« Dans la passation et l’exécution de tout contrat relatif à la responsabilité élargie des producteurs de produits le concernant, passé par lui ou pour son compte, ci-après dénommé en abrégé dans la présente section tout ‘contrat’, l’organisme en matière de responsabilité élargie des producteurs de produits prend toutes les mesures nécessaires afin de respecter au moins les dispositions de la présente section et leurs mesures d’exécution.
Lesdits contrats ont une durée minimum de deux ans et une durée maximum de cinq ans.
Le Gouvernement peut, pour chaque régime de responsabilité élargie des producteurs de produits qu’il détermine, porter jusqu’à dix ans la durée maximum visée à l’alinéa 2 pour les contrats portant sur des types de projets pilotes qu’il détermine ».
B.33.2. Les obligations suivantes en matière de gouvernance sont imposées : la mise en concurrence des opérateurs économiques (article 163), l’égalité et la non-discrimination, la transparence et la proportionnalité dans le traitement de ces opérateurs (article 164), l’interdiction de la limitation artificielle de la concurrence (article 165), la prévention, la détection et la correction efficace des conflits d’intérêts (article 166), le respect du droit environnemental, social et du travail (article 167), l’interdiction du rejet de certains opérateurs économiques au motif qu’ils seraient tenus, en vertu de la réglementation belge, d’être soit des personnes physiques, soit des personnes morales (article 168), le principe forfaitaire applicable aux contrats résultant des appels au marché ou des offres de contracter avec l’organisme assumant la responsabilité élargie des producteurs de produits (article 169), la possibilité de révision des prix, dans le respect de certaines conditions (article 170), la confidentialité (article 171).
B.33.3. L’exposé des motifs indique, au sujet de ces dispositions :
« Les articles 161 à 170 en projet [les articles 162 à 171 du décret] reprennent les dispositions érigeant une série d’’ obligations en matière de gouvernance ’ dans le chef des organismes en matière de responsabilité élargie des producteurs de produits. A cet égard, la législation et la réglementation fédérales en matière de marchés publics n’ont jamais été rendues formellement applicables aux organismes en matière de responsabilité élargie des producteurs de produits. Le décret en projet n’entend pas – voire ne pourrait pas –, remettre en cause ce constat. Néanmoins, les articles 161 à 170 en projet, qui seront applicables dans le cadre des contrats conclus et exécutés par les organismes en matière de responsabilité élargie des producteurs de produits, s’inspirent de quelques dispositions-clés du titre 1er, chapitre 2, de la loi du 17 juin 2016 relative aux marchés publics » (Doc. parl., Parlement wallon, 2022-2023, n° 1180/1, pp. 69-70).
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B.34. Le moyen contient trois branches. Dans son intitulé, il vise en outre l’article 173 du décret du 9 mars 2023, mais cette disposition n’est critiquée dans aucune des trois branches. En ce qu’il vise l’article 173, le moyen est donc irrecevable. Par ailleurs, les parties requérantes n’indiquent pas en quoi les dispositions attaquées seraient contraires aux articles 27 et 143 de la Constitution et à l’article 8bis, paragraphe 5, deuxième alinéa, de la directive 2008/98/CE, qui sont cités dans l’introduction de l’exposé du moyen. En ce qu’il est pris de la violation de ces dispositions, le huitième moyen est irrecevable.
Première et troisième branches
B.35.1. En sa première branche, ce moyen est pris de la violation des articles 6, § 1er, VI, alinéa 4, 1°, et alinéa 5, 4° et 5°, et 10 de la loi spéciale du 8 août 1980. Les parties requérantes font grief aux dispositions attaquées d’empiéter sur la compétence de l’autorité fédérale en matière de droit des marchés publics, de droit de la concurrence et des pratiques du commerce, de droit commercial et de droit des sociétés. En cette branche, le moyen est encore pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution. Les parties requérantes font grief aux dispositions attaquées de faire naître une différence de traitement injustifiée entre les organismes en matière de responsabilité élargie des producteurs de produits, qui sont soumis aux principes énoncés dans les dispositions attaquées, et les autres entreprises privées.
B.35.2. En sa troisième branche, le huitième moyen vise l’article 171 du décret du 9 mars 2023. En cette branche, le moyen est pris de la violation des articles 6, § 1er, VI, alinéa 4, 1°, et 10 de la loi spéciale du 8 août 1980.
L’article 171, § 1er, du décret du 9 mars 2023 dispose :
« Aussi longtemps que l’organisme en matière de responsabilité élargie des producteurs de produits n’a pas pris de décision, selon le cas, au sujet de la sélection ou de la qualification des candidats ou participants, de la régularité des offres, de l’attribution de l’appel au marché ou de l’offre de contracter avec lui, ou de la renonciation à la passation de l’appel au marché ou de l’offre de contracter avec lui, les candidats, les participants, les soumissionnaires et les tiers autres que l’administration n’ont aucun accès aux documents relatifs à la procédure de
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passation, notamment aux demandes de participation ou de qualification, aux offres et aux documents internes de l’organisme en matière de responsabilité élargie des producteurs de produits.
Il peut être dérogé à l’alinéa 1er moyennant l’accord écrit du candidat ou du soumissionnaire participant aux négociations, et ce, uniquement pour les informations confidentielles communiquées par ce candidat ou soumissionnaire. Ladite dérogation ne peut pas porter sur le droit d’accès de l’administration aux documents visés à l’alinéa 1er ».
Les parties requérantes allèguent qu’en disposant que le principe de confidentialité contenu dans cet article ne s’applique pas à l’égard de l’administration régionale wallonne, la disposition attaquée déroge à la législation fédérale sur les marchés publics et qu’elle empiète dès lors sur la compétence de l’autorité fédérale en matière de marchés publics.
B.35.3. La Cour examine les première et troisième branches du moyen conjointement.
B.36.1. L’article 6, § 1er, VI, alinéa 4, 1°, de la loi spéciale du 8 août 1980 réserve à l’autorité fédérale la compétence de fixer les règles générales en matière de marchés publics et l’alinéa 5, 4° et 5°, du même article prévoit que l’autorité fédérale est seule compétente pour le droit de la concurrence et pour le droit des pratiques du commerce (à l’exception de l’attribution des labels de qualité et des appellations d’origine, de caractère régional ou local), ainsi que pour le droit commercial et pour le droit des sociétés.
B.36.2. La section de législation du Conseil d’État a observé, en ce qui concerne les dispositions attaquées :
« [I]l ne peut être exclu que, au moins dans certains cas, les personnes – y compris les organismes de gestion de systèmes collectifs – auxquelles ont vocation à s’appliquer les règles envisagées par la disposition à l’examen soient de toute façon soumises, pour les contrats et les marchés qu’elles passent, à la législation relative aux marchés publics.
Dans ces cas, la législation relative aux marchés publics doit être appliquée. Il n’y a donc pas lieu de prendre des dispositions se limitant à rendre applicables les principes essentiels des marchés publics, comme l’envisage le commentaire des articles.
Toujours dans l’hypothèse où la législation relative aux marchés publics est applicable, il y a lieu d’ajouter que la compétence de la Région wallonne de régler cette matière est limitée.
En effet, l’article 6, § 1er, VI, alinéa 4, 1°, de la loi spéciale du 8 août 1980 ‘ de réformes
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institutionnelles ’ attribue à l’autorité fédérale la compétence de fixer les règles générales en matière de marchés publics. Dans cette matière, les Régions sont uniquement compétentes pour fixer des règles complémentaires. Celles-ci ne peuvent déroger aux règles générales fixées en la matière par l’autorité fédérale, sauf, le cas échéant, à remplir les conditions auxquelles un décret peut, en vertu de l’article 10 de cette même loi spéciale du 8 août 1980, porter des dispositions relatives à une matière qui n’est pas de compétence régionale, à savoir que ces dispositions soient nécessaires à l’exercice de la compétence régionale, que la matière considérée se prête à un règlement différencié et que l’incidence de dispositions en cause sur la matière ne soit que marginale.
Il s’ensuit que, dans le cadre de l’imposition de certaines règles de bonne gouvernance aux différents opérateurs actifs en matière de déchets, il y [a] lieu de distinguer selon que ces derniers seraient ou non déjà soumis à la législation relative aux marchés publics, auquel cas, sauf à invoquer ses compétences implicites, la Région wallonne est sans compétence pour fixer des règles générales en la matière » (Doc. parl., Parlement wallon, 2022-2023, 1180/1quater, p. 574).
B.37.1. Contrairement à ce que soutiennent les parties requérantes, les dispositions attaquées ne règlent pas principalement la matière des marchés publics. Les obligations de bonne gouvernance que les articles 162 à 173 du décret attaqué imposent aux organismes en matière de responsabilité élargie des producteurs de produits garantissent le bon fonctionnement du marché de la gestion des cycles de déchets. Ainsi, elles relèvent de la politique en matière de déchets qui a été attribuée aux régions par l’article 6, § 1er, II, alinéa 1er, 2°, de la loi spéciale du 8 août 1980.
Les dispositions attaquées n’ont pas pour effet d’étendre le champ d’application de la loi du 17 juin 2016 « relative aux marchés publics » (ci-après la loi du 17 juin 2016) aux organismes auxquels cette loi n’est pas applicable selon le législateur fédéral.
B.37.2. Les dispositions attaquées affectent certes les compétences fédérales en matière de droit de la concurrence, de droit des pratiques de commerce, de droit commercial et de droit des sociétés, mais il convient de relever que le législateur décrétal a pu estimer que le fait de faire respecter ces principes par les organismes actifs en matière de gestion des déchets pour le compte des producteurs soumis à la responsabilité élargie est nécessaire à l’exercice de sa compétence en matière de déchets. Les dispositions attaquées concernent un secteur très spécifique et n’imposent l’obligation de respecter les principes de bonne gouvernance qu’aux associations sans but lucratif agréées et qui sont actives en matière de gestion de certains flux
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de déchets. Par conséquent, les dispositions attaquées ne rendent pas impossible ou exagérément difficile pour le législateur fédéral l’exercice des compétences qui lui ont été attribuées en matière d’économie.
B.37.3. Enfin, les parties requérantes n’exposent pas en quoi les dispositions attaquées feraient naître une différence de traitement injustifiée entre les organismes en matière de responsabilité élargie des producteurs de produits, qui sont soumis aux règles de bonne gouvernance édictées par les dispositions attaquées et qui doivent être respectées lors de la conclusion de tout contrat, et « les autres entreprises privées qui ne sont pas soumises à ces règles ». En ce qu’il est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, le huitième moyen, en sa première branche, est irrecevable.
B.38. Les première et troisième branches du huitième moyen ne sont pas fondées.
Deuxième branche
B.39.1. En sa deuxième branche, le huitième moyen est pris de la violation du principe de légalité contenu dans l’article 23 de la Constitution. En cette branche, le moyen vise uniquement l’article 165 du décret du 9 mars 2023, qui dispose :
« § 1er. L’organisme en matière de responsabilité élargie des producteurs de produits ne peut concevoir un appel au marché ou toute autre offre de contracter avec lui dans l’intention de limiter artificiellement la concurrence. La concurrence est considérée comme artificiellement limitée lorsqu’un appel au marché ou toute autre offre de contracter avec lui est conçu dans l’intention de favoriser ou de défavoriser indûment certains opérateurs économiques.
Les opérateurs économiques ne posent aucun acte, ne concluent aucune convention ou entente de nature à fausser les conditions normales de la concurrence.
§ 2. Le non-respect de la disposition visée au paragraphe 1er, alinéa 2, donne lieu à l’application des mesures suivantes, excepté dans le cas où le paragraphe 1er, alinéa 1er, n’est pas non plus respecté, auquel cas le paragraphe 3 est d’application :
1° tant que l’organisme en matière de responsabilité élargie des producteurs de produits n’a pas pris de décision finale et que le contrat résultant de l’appel au marché ou de l’offre de contracter n’est pas conclu, l’écartement des demandes de participation ou des offres introduites à la suite d’un tel acte, convention ou entente;
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2° lorsque le contrat résultant de l’appel au marché ou de l’offre de contracter est déjà conclu, la cessation sans délai de l’exécution dudit contrat, à moins que l’organisme en matière de responsabilité élargie des producteurs de produits n’en dispose autrement par décision motivée.
Concernant l’alinéa 1er, 2°, si l’organisme en matière de responsabilité élargie des producteurs de produits prend la décision motivée y visée, il la communique sans délai à l’administration.
§ 3. Le non-respect des dispositions visées au paragraphe 1er, alinéa 1er, accompagné ou non du non-respect des dispositions du paragraphe 1er, alinéa 2, donne lieu à l’application des mesures suivantes :
1° tant que l’organisme en matière de responsabilité élargie des producteurs de produits n’a pas encore conclu le contrat résultant de l’appel au marché ou de l’offre de contracter avec lui, la renonciation à l’attribution ou à la conclusion dudit contrat, quelle qu’en soit la forme;
2° lorsque le contrat résultant de l’appel au marché ou de l’offre de contracter avec l’organisme en matière de responsabilité élargie des producteurs de produits est déjà conclu, quelle qu’en soit la forme, la cessation sans délai de l’exécution dudit contrat ».
B.39.2. Contrairement à ce que soutiennent les parties requérantes, cette disposition ne contient pas de délégation à une autre autorité. La circonstance que la disposition ne désigne pas elle-même l’autorité habilitée à appliquer les mesures qu’elle prévoit n’emporte pas une violation du principe de légalité contenu dans l’article 23 de la Constitution.
En ce qui concerne la portée des habilitations conférées au Gouvernement wallon
B.40.1. Les parties requérantes prennent un septième moyen de la violation des articles 10, 11 et 23 de la Constitution, lus isolément ou en combinaison avec les articles 8 à 14 de la directive 2008/98/CE, avec l’article 10 de la directive 2006/66/CE, avec l’article 7 de la directive 2000/53/CE, avec l’article 7 de la directive 2012/19/UE et avec l’article 12 du règlement (CE) n° 1013/2006, par les articles 49, § 1er, 121, § 3, 144 à 157 et 173 du décret du 9 mars 2023. En ses six branches, le moyen est pris de la violation du principe de légalité en ce qui concerne le droit à la protection d’un environnement sain, garanti par l’article 23 de la
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Constitution. Les parties requérantes font grief au législateur décrétal d’avoir consenti des habilitations trop larges au Gouvernement wallon.
B.40.2. Comme est dit en B.17.2, l’article 23, alinéa 2, et alinéa 3, 4°, de la Constitution n’interdit pas au législateur compétent d’accorder des délégations au pouvoir exécutif, pour autant qu’elles portent sur l’exécution de mesures dont le législateur a déterminé l’objet.
B.40.3. Les articles 8 à 13 de la directive 2008/98/CE établissent le régime de la responsabilité élargie des producteurs de produits, fixent la politique des déchets fondée sur les principes de prévention, valorisation, réemploi et recyclage et imposent aux États membres de veiller à ce que la gestion des déchets soit mise en œuvre dans le respect de la santé et de l’environnement, et, lorsque les principes précités ne peuvent être mis en application, de veiller à ce que l’élimination des déchets se fasse de manière sûre. L’article 14 de la même directive établit le principe du « pollueur-payeur ». L’article 10 de la directive 2006/66/CE fixe des objectifs de collecte de piles et d’accumulateurs et de déchets de piles et d’accumulateurs.
L’article 7 de la directive 2000/53/CE fixe des objectifs de réutilisation et de valorisation des composants de véhicules. L’article 7 de la directive 2012/19/UE fixe des objectifs de collecte d’équipements électriques et électroniques. L’article 12 du règlement (CE) n° 1013/2006
concerne la matière des objections aux transferts de déchets destinés à être valorisés.
B.41.1. Ainsi que l’a observé la section de législation du Conseil d’État :
« L’avant-projet de décret à l’examen contribue à assurer le respect du droit à la protection d’un environnement sain garanti par l’article 23 de la Constitution. Conformément au principe de légalité attaché à cette disposition constitutionnelle, il s’impose que le législateur définisse lui-même les éléments essentiels du régime de protection qu’il entend mettre en place, de sorte que les habilitations éventuelles qu’il entend conférer au Gouvernement soient encadrées à suffisance » (Doc. parl., Parlement wallon, 2022-2023, n° 1180/1quater, p. 551).
B.41.2. En commission du Parlement wallon, la ministre a expliqué :
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« […] [L]e nombre important d’habilitations se justifie par la volonté d’assurer, y compris dans le futur, une transposition plus rapide et conforme du droit européen. Il s’agit aussi de construire une véritable police administrative, la plus adéquate possible, compte tenu de la spécificité de chaque flux de déchets, suivant la logique du permis d’environnement et les arrêtés du Gouvernement, conditions sectorielles et intégrales » (Doc. parl., Parlement wallon, 2022-2023, n° 1180/14, p. 13).
Première branche
B.42.1. En sa première branche, le septième moyen est dirigé contre l’article 121, § 3, et les articles 144 à 157 du décret du 9 mars 2023.
L’article 121, § 2, du décret attaqué prévoit que le régime de la responsabilité élargie des producteurs de produits s’applique à l’égard de diverses catégories de déchets, dont ceux qui sont visés par la réglementation européenne citée en B.40.3. Il prévoit en outre que le Gouvernement peut instaurer un régime de responsabilité élargie à l’égard de catégories de déchets supplémentaires, qu’il énumère.
L’article 121, § 3, 1°, du décret attaqué énumère les obligations principales qui découlent de chaque régime de responsabilité élargie visé au § 2. L’article 121, § 3, 2°, du décret attaqué prévoit en outre que le Gouvernement peut « activer » les obligations suivantes pour chaque régime de responsabilité élargie visé au § 2 : une obligation de reprise des déchets, une obligation de prévention en matière de déchets, une obligation d’atteindre des objectifs chiffrés de collecte ou de valorisation, notamment de recyclage, ou de tendre vers des valeurs ciblées de préparation en vue du réemploi ou de réemploi, et une obligation de financement de la propreté publique. Les articles 144 à 157 du décret attaqué définissent ces obligations « activables ».
B.42.2. Les parties requérantes font grief à ces dispositions de ne prévoir ni comment ni selon quels critères le Gouvernement wallon peut activer ces obligations. Elles estiment qu’en laissant l’activation de ces obligations à la libre intervention du Gouvernement wallon, le législateur décrétal n’instaure pas un régime conforme aux obligations qui découlent des
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directives précitées car il crée un risque que les objectifs fixés par ces directives ne soient pas imposés à l’ensemble des producteurs et des organismes concernés.
B.43. L’exposé des motifs relatif à l’article 121 du décret du 9 mars 2023 indique :
« Enfin, le paragraphe 3 de l’article 120 [article 121 du décret] en projet distingue clairement d’une part, les obligations ‘ principales ’, qui déclinent les exigences minimales prévues par la directive 2008/98/CE (telle que modifiée par la directive (UE) 2018/851)
applicables à l’ensemble des flux soumis à la responsabilité élargie des producteurs de produits et d’autre part, les obligations ‘ activables par le Gouvernement ’ qui sont applicables uniquement à certains flux en fonction de leurs spécificités ou d’autres exigences européennes particulières (notamment l’obligation d’atteindre les taux prévus par les directives 2000/53/CE, 2006/66/CE et 2012/19/UE). En d’autres termes, chaque régime de responsabilité élargie des producteurs de produits doit au minimum couvrir les ‘ obligations principales ’. Ces dernières peuvent être complétées par toutes ou certaines des obligations ‘ activables par le Gouvernement ’. Toutes ces obligations (‘ principales ’ et ‘ activables ’) sont mieux détaillées dans la suite du Titre 2 du décret en projet » (Doc. parl., Parlement wallon, 2022-2023, n° 1180/1, p. 56).
B.44.1. Le législateur décrétal a prévu que certains flux de déchets pourraient, à l’avenir, faire l’objet d’un régime de responsabilité élargie des producteurs. L’exposé des motifs précise que l’instauration de ces nouveaux régimes de responsabilité élargie « doit se fonder sur une analyse des impacts environnementaux, économiques et sociaux » (ibid.). Compte tenu de la technicité de la matière, de la nécessité de réaliser des analyses d’impact différentes pour chaque flux de déchets visés, de la variété de ceux-ci et du fait qu’en conséquence, les obligations découlant du régime de responsabilité élargie doivent être imposées de manière adaptée aux caractéristiques de chaque produit, le législateur décrétal pouvait déléguer au Gouvernement wallon le soin de déterminer quelles obligations, parmi celles qu’il a lui-même énumérées, doivent être imposées pour chaque flux de déchets concerné. Le législateur décrétal a déterminé précisément les flux de déchets qui peuvent être soumis à un régime de responsabilité élargie des producteurs ainsi que la nature des obligations qui peuvent être imposées par le Gouvernement. Il a ainsi déterminé lui-même l’objet des mesures qu’il a habilité le Gouvernement à prendre.
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B.44.2. En ce qui concerne les flux de déchets qui font l’objet de la réglementation européenne citée à l’appui du moyen, les dispositions européennes concernées n’imposent pas un principe de légalité allant au-delà de ce qui est exigé par l’article 23 de la Constitution. Au surplus, le législateur décrétal, par les dispositions attaquées, n’autorise pas le Gouvernement à ne pas se conformer aux obligations européennes, notamment en ce qui concerne les objectifs fixés en matière de collecte et de valorisation des déchets. Rien ne permet dès lors de considérer que les dispositions attaquées entraînent un risque de non-respect des obligations imposées par la réglementation européenne.
Deuxième branche
B.45.1. En sa deuxième branche, le septième moyen est dirigé contre l’article 150 du décret du 9 mars 2023, qui dispose :
« Lorsque les déchets soumis à l’obligation de reprise sont des déchets assimilés ou des déchets d’origine industrielle, le producteur initial de tels déchets est libre de choisir un collecteur, un négociant, un courtier, un transporteur, une installation ou une entreprise disposant de l’agrément, de l’enregistrement ou de toute autre autorisation administrative requise pour effectuer des opérations de regroupement, de prétraitement, de valorisation ou d’élimination desdits déchets ».
Bien que l’intitulé du moyen annonce qu’il concerne « les habilitations trop larges données au [G]ouvernement wallon », en sa deuxième branche, ce moyen fait grief à la disposition attaquée de faire naître une « différence de traitement injustifiée contraire aux articles 10 et 11
de la Constitution » entre les organismes en matière de responsabilité élargie des producteurs qui s’occupent de la collecte des déchets ménagers et les organismes « qui s’occupent à la fois de la collecte des déchets ménagers et de la collecte des déchets assimilés et des déchets d’origine industrielle, qui mettent également gratuitement pour leurs membres des conditionnements nécessaires à leur collecte mais dont la mise en œuvre par ces organismes de l’obligation de reprise est laissée à la liberté des producteurs de déchets », en vertu de la disposition attaquée.
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B.45.2. L’exception obscuri libelli soulevée par Gouvernement wallon à propos du septième moyen, en cette branche, est fondée, dès lors qu’il n’est pas possible de comprendre, à la lecture de la requête, en quoi la disposition attaquée ferait naître une différence de traitement non justifiée entre les organismes assumant la responsabilité élargie des producteurs identifiés.
Le septième moyen, en sa deuxième branche, est irrecevable.
Troisième branche
B.46.1. En sa troisième branche, le septième moyen est dirigé contre l’article 146 du décret du 9 mars 2023, qui dispose :
« Sans préjudice de l’article 160, alinéa 1er, 1°, le producteur de produits collecte ou fait collecter, à ses frais et de manière régulière, tous les déchets soumis à l’obligation de reprise qui le concerne, lorsque lesdits déchets sont rapportés auprès des distributeurs et des détaillants en Région wallonne. Le producteur de produits accepte gratuitement des distributeurs et des détaillants tous les déchets soumis à l’obligation de reprise qui le concerne.
Le distributeur ou le producteur de produits le cas échéant, accepte gratuitement du détaillant, les déchets issus des produits qu’il met à disposition sur le marché et qui sont soumis à l’obligation de reprise ».
B.46.2. Il ressort de l’exposé du moyen, en cette branche, que les parties font également grief à cette disposition de faire naître une différence de traitement injustifiée. La différence de traitement critiquée entre les producteurs de produits soumis à la responsabilité élargie qui exécutent eux-mêmes leurs obligations et les organismes qui sont chargés par les producteurs d’exercer leurs obligations pour leur compte proviendrait des mots « sans préjudice de l’article 160, alinéa 1er, 1° ».
Il découle de ce qui est dit en B.32 qu’il n’y a pas lieu d’examiner le septième moyen, en cette branche.
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Quatrième branche
B.47.1. En sa quatrième branche, le septième moyen est dirigé contre les articles 155 et 157 du décret du 9 mars 2023, qui concernent l’obligation de financement de la propreté publique qui, en application de l’article 121, § 3, 2°, peut être activée par le Gouvernement wallon. L’article 155 détermine les coûts qui doivent être couverts par le producteur de produits concerné lorsque cette obligation est activée pour un flux de déchets. Il ressort de l’exposé du moyen, en cette branche, que la critique des parties requérantes vise l’article 157 du décret du 9 mars 2023, lequel dispose :
« Le Gouvernement peut, par voie réglementaire ou par décision administrative à portée individuelle, le cas échéant par type ou sous-type de déchet visé, fixer des règles contraignantes pour l’imputation des coûts visés à l’article 155. Lesdites règles contraignantes incluent au moins un modèle de calcul desdits coûts et une liste des coûts nets à prendre en charge.
[...] ».
B.47.2. Les parties requérantes font grief à cette disposition d’habiliter le Gouvernement wallon à fixer les règles qu’elle concerne par décision individuelle, ce qui risquerait d’aboutir à la fixation de règles d’imputation différentes pour des producteurs et des organismes se trouvant dans des situations comparables et donc de faire naître des différences de traitement injustifiées au regard des articles 10 et 11 de la Constitution.
B.47.3. Dès lors que l’article 155 du décret du 9 mars 2023 précise quels sont les coûts qui peuvent être mis à charge des producteurs de produits, le législateur décrétal a défini l’objet des mesures que le Gouvernement wallon est habilité à prendre en vertu de l’article 157 attaqué. La circonstance que le législateur décrétal autorise le Gouvernement à agir par voie réglementaire ou par décision administrative à portée individuelle n’énerve pas ce constat. Les dispositions attaquées ne violent donc pas le principe de légalité contenu dans l’article 23 de la Constitution.
Au surplus, l’on ne saurait considérer que le législateur décrétal, par les dispositions attaquées, aurait autorisé le Gouvernement wallon à prendre des actes arbitraires ou
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discriminatoires. Le cas échéant, il revient au juge compétent de contrôler la légalité des actes individuels pris sur la base de la disposition attaquée.
Cinquième branche
B.48.1. En sa cinquième branche, le septième moyen est dirigé contre l’article 173 du décret du 9 mars 2023, qui dispose :
« Lorsque, sur le territoire de la Région wallonne, plusieurs organismes en matière de responsabilité élargie des producteurs de produits mettent en œuvre des obligations de la même responsabilité élargie des producteurs de produits pour le compte des producteurs de produits, l’administration surveille la mise en œuvre des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs de produits.
Le Gouvernement peut prendre toutes les mesures appropriées visant à assurer la coexistence cohérente de deux ou plusieurs organismes en matière de responsabilité élargie des producteurs de produits pour la même responsabilité élargie des producteurs de produits sur le territoire de la Région wallonne ».
Cette disposition donne exécution à l’article 8bis, paragraphe 5, deuxième alinéa, de la directive 2008/98/CE, qui prévoit :
« Lorsque, sur le territoire d’un État membre, plusieurs organisations mettent en œuvre des obligations de responsabilité élargie des producteurs pour le compte des producteurs de produits, les États membres concernés désignent au moins un organisme indépendant des intérêts privés ou une autorité publique pour surveiller la mise en œuvre des obligations en matière de responsabilité élargie des producteurs ».
Les parties requérantes font grief à l’article 173, alinéa 2, du décret du 9 mars 2023 de conférer une habilitation trop large et imprécise au Gouvernement wallon.
B.48.2. L’exposé des motifs relatif à la disposition attaquée indique que l’habilitation conférée au Gouvernement est prévue de manière suffisamment large, « compte tenu du caractère inédit de l’hypothèse envisagée », pour lui permettre d’adopter des règles visant à assurer la coexistence d’une pluralité d’organismes en matière de responsabilité élargie des producteurs de produits sur un même flux de déchets (Doc. parl., Parlement wallon, 2022-2023,
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n° 1180/1, p. 70). Le Gouvernement pourrait, par exemple, « adopter des mesures en matière de comptabilisation des tonnages respectifs de chaque organisme (en matière de responsabilité élargie des producteurs de produits) pour la collecte et les traitements des déchets concernés »
(ibid.).
B.48.3. L’article 8bis, paragraphe 5, deuxième alinéa, de la directive 2008/98/CE autorise les États membres, dans l’hypothèse qu’il prévoit, à désigner notamment une autorité publique pour surveiller la mise en œuvre des obligations. Par la disposition attaquée, le législateur décrétal habilite une autorité publique, à savoir l’administration wallonne, à prendre les mesures appropriées dans cette même hypothèse. Compte tenu du fait que cette hypothèse ne s’est pas encore présentée en Région wallonne, le législateur décrétal a pu estimer ne pas pouvoir déterminer concrètement à l’avance quel type de mesures il y aurait lieu de prendre. La disposition attaquée détermine néanmoins l’objet des mesures que le Gouvernement est autorisé à prendre, puisqu’elle précise que ces mesures ont pour fin d’assurer la coexistence cohérente des organismes qui assument la responsabilité élargie des producteurs pour un même flux de déchets et qu’elles s’inscrivent dans le cadre de la surveillance de la mise en œuvre des obligations de ces organismes.
Sixième branche
B.49.1. En sa sixième branche, le septième moyen est dirigé contre l’article 49, § 1er, du décret du 9 mars 2023, qui dispose :
« Pour chaque type ou sous-type de déchets qu’il détermine, le Gouvernement peut :
[...]
3° réglementer leur transport;
[...] ».
B.49.2. Les parties requérantes font valoir que le législateur décrétal ne peut pas autoriser le Gouvernement à réglementer le transport des déchets, dès lors que l’article 12 du règlement (CE) n° 1013/2006 n’autorise la formulation d’une objection par les autorités
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nationales qu’au cas par cas, sur la base de motifs précis qui doivent concerner un transfert déterminé.
B.49.3. Le règlement (CE) n° 1013/2006 s’applique aux transferts de déchets entre États membres, en provenance d’un pays tiers ou à destination d’un pays tiers ou qui transitent par l’Union européenne. La disposition attaquée vise le transport de déchets qui est défini à l’article 5, § 1er, 13°, du décret du 9 mars 2023 comme étant « le chargement, l’acheminement et le déchargement des déchets ». La disposition attaquée est donc étrangère aux transferts de déchets en dehors du territoire belge.
B.50. Le septième moyen n’est fondé en aucune de ses branches.
En ce qui concerne l’entrée en vigueur du titre 2 du décret du 9 mars 2023
B.51. Les parties requérantes prennent un premier moyen de la violation des articles 10, 11, 12, 14, 23 et 27 de la Constitution et de l’article 6, § 1er, VI, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980. Elles font grief au législateur décrétal d’avoir prévu une entrée en vigueur immédiate du titre 2 du décret du 9 mars 2023 (article 271, § 1er) et d’avoir négligé d’organiser un régime transitoire pour les organismes en matière de responsabilité élargie des producteurs qui, à la date d’entrée en vigueur, n’étaient plus couverts par une convention environnementale en vigueur. Le moyen vise, outre l’article 271, § 1er, du décret du 9 mars 2023, son article 269, qui prévoit un régime transitoire non destiné aux organismes précités, et son article 204, 39°, qui érige en infraction de deuxième catégorie, au sens de la partie VIII du Livre Ier du Code de l’Environnement, l’exécution des obligations prévues au titre 2 du décret au nom et pour le compte des producteurs de produits concernés sans être titulaire d’un agrément exécutoire délivré au préalable (article 174, § 1er).
B.52.1. L’article 271, § 1er, du décret du 9 mars 2023 dispose que « le présent décret entre en vigueur le dixième jour après sa publication au Moniteur belge ».
B.52.2. L’article 269 du décret du 9 mars 2023 dispose :
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« § 1er. Les permis, les agréments, les enregistrements, les certificats d’utilisation et toutes les autres autorisations et décisions administratives à portée individuelle, y compris les mesures de remise en état et de sécurité, prises en vertu du décret du 27 juin 1996 relatif aux déchets et ses mesures d’exécution continuent à produire leurs effets jusqu’à l’expiration du terme pour lequel ils ont été accordés.
§ 2. Sauf en matière de responsabilité élargie des producteurs de produits, toutes les demandes concernant l’un des actes juridiques à portée individuelle visées au paragraphe 1er, en ce compris les recours administratifs y relatifs, sont traité[e]s selon les dispositions en vigueur au jour de l’introduction de la demande.
§ 3. Le Gouvernement peut fixer les modalités selon lesquelles les autorisations et décisions délivrées ou prononcées en vertu du décret visé au paragraphe 1er et ses mesures d’exécution peuvent être modifiées par l’autorité compétente habilitée à les accorder par ou en vertu du présent décret pour rendre leurs conditions, le cas échéant d’exploitation, compatibles avec le présent décret et ses mesures d’exécution.
§ 4. Le présent article est également applicable aux conventions environnementales conclues conformément au Livre Ier du Code de l’environnement et visant l’exécution de certaines obligations inhérentes au décret du 27 juin 1996 relatif aux déchets et à ses mesures d’exécution.
Le présent décret est sans préjudice de la faculté de renouveler ou de modifier ces conventions environnementales visées à l’alinéa 1er conformément aux articles D.88 et D.89
du Livre 1er du Code de l’Environnement. En toute hypothèse, lesdites conventions environnementales, en ce compris le cas échéant leurs renouvellements, ne peuvent être conclues pour une durée totale supérieure à dix ans.
§ 5. Les clauses contractuelles concernant la collecte des déchets ménagers présentes dans les actes et contrats passés ou conclus avant l’entrée en vigueur du présent décret peuvent être exécutées jusqu’à leur terme sans pouvoir être tacitement reconduites ou renouvelées. A défaut de terme prévu, lesdites clauses contractuelles prennent fin de plein droit un an après la date d’entrée en vigueur du présent décret ».
B.53.1. Si le législateur décrétal estime qu’un changement de politique s’impose, il peut décider de lui donner un effet immédiat, et il n’est pas tenu, en principe, de prévoir un régime transitoire. Les articles 10 et 11 de la Constitution ne sont violés que si l’absence d’un régime transitoire entraîne une différence de traitement non susceptible de justification raisonnable ou s’il est porté une atteinte excessive au principe de la confiance légitime. Tel est le cas lorsqu’il est porté atteinte aux attentes légitimes d’une catégorie déterminée de justiciables sans qu’un motif impérieux d’intérêt général puisse justifier l’absence d’un régime transitoire.
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B.53.2. Selon l’article D.82 du Code wallon de l’Environnement, par « convention environnementale », il faut entendre « toute convention passée entre la Région, qui est représentée à cet effet par le Gouvernement, d’une part, et un ou plusieurs organismes représentatifs d’entreprises, dénommés ci-après ‘ l’organisme ’, d’autre part, en vue de prévenir la pollution de l’environnement, d’en limiter ou neutraliser les effets ou de promouvoir une gestion efficace de l’environnement ».
Il n’est pas sans justification raisonnable que le législateur décrétal ait prévu, à l’article 269, § 4, du décret du 9 mars 2023, un régime transitoire exclusif pour les cas dans lesquels les organismes concernés étaient parties à une convention environnementale déjà conclue dans le but de faire respecter certaines obligations inhérentes à la réglementation antérieure en matière de déchets. Une telle disposition respecte les attentes légitimes de tels organismes. Ceux-ci pouvaient, contrairement aux organismes qui n’étaient pas parties à une convention environnementale lors de l’entrée en vigueur du décret du 9 mars 2023, considérer que les droits et obligations résultant de la convention environnementale leur resteraient applicables pendant la durée de cette convention.
B.54. Du reste, l’annulation de l’article 123, § 1er, 24° à 28°, du décret du 9 mars 2023 a pour conséquence que l’ensemble du titre 2 du décret attaqué est rendu inopérant tant qu’une nouvelle définition de la notion de « producteurs des produits » visée dans ces dispositions n’est pas adoptée.
Il appartient au législateur décrétal, lors de la réfection des dispositions annulées, d’examiner s’il convient d’aménager un dispositif transitoire pour certaines catégories d’organismes concernés par le régime de la responsabilité élargie des producteurs de produits.
B.55. Le premier moyen n’est pas fondé.
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Par ces motifs,
la Cour
1. annule :
- l’article 123, § 1er, 24° à 28°, du décret de la Région wallonne du 9 mars 2023 « relatif aux déchets, à la circularité des matières et à la propreté publique »;
- les articles 127, § 1er, 128, § 2, 129, § 1er, 132, § 1er, 138, § 1er, 6° et 7°, 140, 160, 9°, et 172 du même décret, en ce qu’ils se réfèrent à la mise sur le marché belge;
- l’article 160, alinéa 1er, 1°, du même décret;
2. rejette le recours pour le surplus.
Ainsi rendu en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l’article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 11 avril 2024.
Le greffier, Le président,
Frank Meersschaut Pierre Nihoul


Synthèse
Numéro d'arrêt : 45/2024
Date de la décision : 11/04/2024
Type d'affaire : Droit constitutionnel

Analyses

1. Annulation : - article 123, § 1er, 24° à 28°, du décret de la Région wallonne du 9 mars 2023 ; - articles 127, § 1er, 128, § 2, 129, § 1er, 132, § 1er, 138, § 1er, 6° et 7°, 140, 160, 9°, et 172 du même décret, en ce qu'ils se réfèrent à la mise sur le marché belge; - l'article 160, alinéa 1er, 1°, du même décret 2. Rejet du recours pour le surplus

COUR CONSTITUTIONNELLE - DROIT PUBLIC ET ADMINISTRATIF - COUR CONSTITUTIONNELLE - le recours en annulation partielle du décret de la Région wallonne du 9 mars 2023 « relatif aux déchets, à la circularité des matières et à la propreté publique », introduit par l'ASBL « Recupel » et autres. Environnement - Région wallonne - Prévention et valorisation des déchets - Responsabilité élargie des producteurs - Notion de producteur - Agrément des organismes en matière de responsabilité élargie des producteurs - Limitation de l'objet statutaire des organismes en matière de responsabilité élargie des producteurs et interdiction d'exercer des activités opérationnelles - Obligations de bonne gouvernance imposées aux organismes en matière de responsabilité élargie des producteurs - Portée des habilitations conférées au Gouvernement wallon - Entrée en vigueur du titre 2 du décret


Origine de la décision
Date de l'import : 24/04/2024
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.constitutionnel;arret;2024-04-11;45.2024 ?

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