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14/03/2024 | BELGIQUE | N°31/2024

Belgique | Belgique, Cour constitutionnel, 14 mars 2024, 31/2024


Cour constitutionnelle
Arrêt n° 31/2024
du 14 mars 2024
Numéro du rôle : 8120
En cause : la question préjudicielle concernant l’article 62 de la loi du 8 avril 1965
« relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié infraction et à la réparation du dommage causé par ce fait » et l’article 420 du Code d’instruction criminelle, posée par la Cour de cassation.
La Cour constitutionnelle, chambre restreinte,
composée du président Pierre Nihoul et des juges-rapporteurs Kattrin Jadin et Danny Piet

ers, assistée du greffier Nicolas Dupont,
après en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant :...

Cour constitutionnelle
Arrêt n° 31/2024
du 14 mars 2024
Numéro du rôle : 8120
En cause : la question préjudicielle concernant l’article 62 de la loi du 8 avril 1965
« relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié infraction et à la réparation du dommage causé par ce fait » et l’article 420 du Code d’instruction criminelle, posée par la Cour de cassation.
La Cour constitutionnelle, chambre restreinte,
composée du président Pierre Nihoul et des juges-rapporteurs Kattrin Jadin et Danny Pieters, assistée du greffier Nicolas Dupont,
après en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant :
I. Objet de la question préjudicielle et procédure
Par arrêt du 6 décembre 2023, dont l’expédition est parvenue au greffe de la Cour le 13 décembre 2023, la Cour de cassation a posé la question préjudicielle suivante :
« Les articles 62 de la loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié infraction et à la réparation du dommage causé par ce fait, et 420 du Code d’instruction criminelle, violent-ils les articles 10 et 11 de la Constitution, dans la mesure où ces dispositions ne prévoient pas la possibilité, pour une personne qui est poursuivie du chef d’un fait qualifié infraction commis avant l’âge de dix-huit ans, et qui fait l’objet, à titre de mesure provisoire, d’une mesure d’hébergement dans une institution publique de protection de la jeunesse, au sein de la section d’éducation intra-muros, en régime ouvert, d’introduire un pourvoi immédiat contre cette décision, alors qu’une personne inculpée ou prévenue peut introduire un tel recours contre un arrêt qui maintient la détention préventive ou ordonne la libération sous conditions ? ».
Le 9 janvier 2024, en application de l’article 71, alinéa 1er, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, les juges-rapporteurs Kattrin Jadin et Danny Pieters ont
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informé le président qu’ils pourraient être amenés à proposer à la Cour, siégeant en chambre restreinte, de mettre fin à l’examen de l’affaire par un arrêt rendu sur procédure préliminaire.
E.D., assistée et représentée par Me Émilie Romain, avocate au barreau du Luxembourg, a introduit un mémoire justificatif.
Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 précitée relatives à la procédure et à l’emploi des langues ont été appliquées.
II. Les faits et la procédure antérieure
Le 7 juin 2023, le procureur du Roi du Luxembourg saisit le tribunal de la jeunesse du Luxembourg, division d’Arlon (ci-après : le tribunal), du cas d’E.D., née le 3 avril 2006, qui est poursuivie en raison de faits commis entre le 1er septembre 2021 et le 19 décembre 2022.
Par ordonnance du 6 septembre 2023, prise en application de l’article 101, § 1er, 6°, du décret de la Communauté française du 18 janvier 2018 « portant le code de la prévention, de l’Aide à la jeunesse et de la protection de la Jeunesse » (ci-après : le décret du 18 janvier 2018), le tribunal décide de prendre à l’égard d’E.D.
une mesure d’« hébergement en institution publique en régime fermé » pour une durée de trente jours. Statuant sur l’appel interjeté par E.D., la Cour d’appel de Liège (ci-après : la Cour d’appel) décide, par un arrêt du 21 septembre 2023, de remplacer la mesure précitée par une mesure d’« hébergement en institution publique en régime ouvert »
pour « une durée de trois mois à dater [du] jour » de cet arrêt. La Cour d’appel ordonne l’exécution provisoire de cet arrêt.
Le 21 septembre 2023, E.D. forme un pourvoi en cassation contre l’arrêt de la Cour d’appel. Elle reproche en substance à cette dernière juridiction d’avoir aggravé sa situation en appel, en allongeant la période de la mesure d’hébergement en institution publique, et de ne pas avoir motivé cette décision de manière conforme à l’article 124, § 2, alinéa 1er, 4°, du décret du 18 janvier 2018.
Par un arrêt du 15 novembre 2023, la Cour de cassation ordonne la remise de la cause à l’audience du 6 décembre suivant, afin de permettre à E.D. de s’expliquer sur la question de savoir si l’arrêt de la Cour d’appel « peut faire l’objet d’un pourvoi immédiat, ou si le pourvoi contre cette décision n’est ouvert qu’après que la juridiction d’appel aura statué au fond ».
Par l’arrêt précité du 6 décembre 2023, la Cour de cassation déduit de l’article 62 de la loi du 8 avril 1965
« relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié infraction et à la réparation du dommage causé par ce fait » que l’article 420, alinéa 1er, du Code d’instruction criminelle est applicable au pourvoi en cassation dirigé contre un arrêt de la Cour d’appel statuant sur l’appel d’une ordonnance du tribunal de la jeunesse prise dans le domaine de la protection de la jeunesse. La Cour de cassation observe qu’aux termes de l’article 420, alinéa 1er, du Code d’instruction criminelle, le « pourvoi en cassation contre les décisions préparatoires […] n’est ouvert qu’après l’arrêt ou le jugement définitif ». Elle observe aussi que la mesure prise par la Cour d’appel, qui est contestée par le pourvoi, a été prise lors de la « phase préparatoire » de la procédure, celle-ci étant définie par l’article 101 du décret du 18 janvier 2018 comme la période qui commence avec la saisine du tribunal de la jeunesse et s’achève avec la « décision au fond ». La Cour de cassation déduit de ce qui précède que la mesure de la Cour d’appel qui est contestée par le pourvoi est une « décision préparatoire »
au sens de l’article 420 du Code d’instruction criminelle et que cette décision ne peut donc faire l’objet d’un pourvoi en cassation tant que la Cour d’appel n’aura pas statué sur le fondement des poursuites visant E.D.
Comparant le régime du pourvoi en cassation applicable au mineur qui fait l’objet de la mesure d’hébergement précitée avec les règles applicables au pourvoi en cassation contre des décisions prises en application de la loi du 20 juillet 1990 « relative à la détention préventive », la Cour de cassation décide, sur la suggestion de l’avocat général, de poser à la Cour la question préjudicielle reproduite plus haut.
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III. En droit
-A-
E.D. confirme le compte rendu des faits et de la procédure qui sont à l’origine de la question préjudicielle, que les rapporteurs font dans leurs conclusions.
Elle soutient cependant que la Cour ne peut, en l’espèce, rendre un arrêt en application de l’article 71 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle et qu’elle doit répondre à la question préjudicielle. Elle considère que la Cour ne peut être certaine que la Cour de cassation décidera, après avoir entendu les parties à la cause, que le pourvoi du 21 septembre 2023 est devenu sans objet.
-B-
B.1. Il ressort du dossier transmis à la Cour par la Cour de cassation que la Cour d’appel de Liège a décidé de confier E.D. à une institution publique pour une période de trois mois, qui a commencé le 21 septembre 2023. Cette « mesure d’hébergement en institution publique en régime ouvert », qui est contestée par le pourvoi en cassation formé le même jour et dont la Cour d’appel a ordonné l’exécution provisoire, a donc cessé de produire ses effets le 21 décembre 2023.
Il ressort des motifs du même arrêt de la Cour d’appel du 21 septembre 2023 que ladite mesure a été prise en application de l’article 124, § 2, alinéa 1er, 4°, du décret de la Communauté française du 18 janvier 2018 « portant le code de la prévention, de l’Aide à la jeunesse et de la protection de la Jeunesse ». Aux termes de l’article 124, § 2, alinéa 2, de ce décret, tel qu’il était libellé avant le 1er janvier 2024, la « durée de la mesure ordonnée en application de l’alinéa 1er, 4°, […] ne peut être prolongée ».
B.2. Le mémoire justificatif ne remet pas ces constats en cause.
B.3. Par conséquent, à supposer que la Cour constate, en réponse à la question préjudicielle, que les dispositions législatives en cause violent les articles 10 et 11 de la Constitution et que la Cour de cassation doive, de ce fait, juger que le pourvoi en cassation formé le 21 septembre 2023 par E.D. n’est pas prématuré, la Cour de cassation devra quand
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même constater que la mesure d’hébergement prise par la Cour d’appel de Liège a entre-temps cessé de produire ses effets et que, par conséquent, le pourvoi ciblant cette mesure est devenu sans objet.
B.4. Il résulte de ce qui précède que la réponse à la question préjudicielle n’est pas utile à la solution du litige.
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Par ces motifs,
la Cour, chambre restreinte,
statuant à l’unanimité des voix,
dit pour droit :
La question préjudicielle n’appelle pas de réponse.
Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l’article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 14 mars 2024.
Le greffier, Le président,
Nicolas Dupont Pierre Nihoul


Synthèse
Numéro d'arrêt : 31/2024
Date de la décision : 14/03/2024
Type d'affaire : Droit constitutionnel

Analyses

La question préjudicielle n'appelle pas de réponse

COUR CONSTITUTIONNELLE - DROIT PUBLIC ET ADMINISTRATIF - COUR CONSTITUTIONNELLE - la question préjudicielle concernant l'article 62 de la loi du 8 avril 1965 « relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié infraction et à la réparation du dommage causé par ce fait » et l'article 420 du Code d'instruction criminelle, posée par la Cour de cassation. Procédure préliminaire - Protection de la jeunesse - Communauté française - Mesures à l'égard de mineurs ayant commis un fait qualifié infraction - Mesure d'hébergement en institution publique - Pourvoi en cassation


Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2024
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.constitutionnel;arret;2024-03-14;31.2024 ?

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