Cour constitutionnelle
Arrêt n° 159/2023
du 23 novembre 2023
Numéro du rôle : 7944
En cause : le recours en annulation des articles 11 et 12 de la loi du 29 novembre 2022
« portant des dispositions diverses en matière de santé », introduit par la SA « Timani ».
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents L. Lavrysen et P. Nihoul, et des juges T. Giet, J. Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache et W. Verrijdt, assistée du greffier N. Dupont, présidée par le président L. Lavrysen,
après en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant :
I. Objet du recours et procédure
Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 3 mars 2023 et parvenue au greffe le 7 mars 2023, la SA « Timani », assistée et représentée par Me S. Verbist, avocat au barreau du Limbourg, et par Me J. Claes et Me J. Talboom, avocats au barreau d’Anvers, a introduit un recours en annulation des articles 11 et 12 de la loi du 29 novembre 2022 « portant des dispositions diverses en matière de santé » (publiée au Moniteur belge du 9 décembre 2022, deuxième édition).
Par la même requête, la partie requérante demandait également la suspension des mêmes dispositions légales. Par l’arrêt n° 99/2023 du 15 juin 2023 (ECLI:BE:GHCC:2023:ARR.099), publié au Moniteur belge du 27 septembre 2023, la Cour a rejeté la demande de suspension.
Des mémoires et mémoires en réplique ont été introduits par :
- la SA « Automaten Service Volckaert », assistée et représentée par Me T. Vermeesch, avocat au barreau d’Audenarde;
- le Conseil des ministres, assisté et représenté par Me J.-F. De Bock et Me V. De Schepper, avocats au barreau de Bruxelles.
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La partie requérante a introduit un mémoire en réponse.
Par ordonnance du 20 septembre 2023, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteurs Y. Kherbache et M. Pâques, a décidé que l’affaire était en état, qu’aucune audience ne serait tenue, à moins qu’une partie n’ait demandé, dans le délai de sept jours suivant la réception de la notification de cette ordonnance, à être entendue, et qu’en l’absence d’une telle demande, les débats seraient clos le 4 octobre 2023 et l’affaire mise en délibéré.
Aucune demande d’audience n’ayant été introduite, l’affaire a été mise en délibéré le 4 octobre 2023.
Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives à la procédure et à l’emploi des langues ont été appliquées.
II. En droit
-A-
Quant à la recevabilité
A.1.1. La partie requérante fait valoir qu’elle est le plus grand distributeur d’appareils automatiques de distribution de tabac dans les établissements horeca en Belgique et que, depuis 2022, elle n’exerce plus d’autres activités. Elle est affectée directement et défavorablement par les dispositions attaquées, qui interdisent la vente de produits de tabac au moyen d’appareils automatiques de distribution. Elle dispose dès lors d’un intérêt pour demander l’annulation de ces dispositions.
A.1.2. Selon le Conseil des ministres, la partie requérante ne justifie pas de l’intérêt requis, dès lors qu’elle exerce aussi des activités autres que la distribution et l’exploitation de distributeurs automatiques de tabac dans les établissements horeca. Le recours est donc irrecevable. Le Conseil des ministres estime que l’intervention de la SA « Automaten Service Volckaert » est également irrecevable pour le même motif.
A.1.3. La SA « Automaten Service Volckaert » estime que le recours est recevable. Dès lors qu’elle aussi distribue et exploite des distributeurs automatiques de tabac dans des établissements horeca, elle a par ailleurs un intérêt à intervenir dans la procédure, pour soutenir le point de vue de la partie requérante.
Quant au fond
A.2.1. La partie requérante prend un moyen unique de la violation des articles 10, 11 et 16 de la Constitution, lus en combinaison avec l’article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme, avec l’article 16 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et avec l’article II.3 du Code de droit économique.
A.2.2. Dans la première branche du moyen unique, la partie requérante allègue que les dispositions attaquées font naître une différence de traitement entre, d’une part, les exploitants de distributeurs automatiques de tabac dans les établissements horeca et, d’autre part, les exploitants de distributeurs automatiques de tabac dans les commerces de détail, en particulier dans les supermarchés. La dernière catégorie d’exploitants bénéficie d’une exception à l’interdiction attaquée et peut, par conséquent, continuer à vendre des produits de tabac. Selon la partie requérante, cette différence de traitement n’est pas compatible avec le principe d’égalité et de non-discrimination.
Selon la partie requérante, les deux catégories d’exploitants sont comparables. En effet, un contrôle de l’âge est effectué avant la vente de produits de tabac tant dans les établissements horeca que dans les supermarchés par
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le biais, respectivement, de la délivrance, par l’exploitant, de ce qu’on appelle un age coin ou de l’achat d’un bon à la caisse. Il s’ensuit également que la différence de traitement ne repose pas sur un critère de distinction objectif.
Il n’existe aucune preuve que l’exigence d’un contrôle de l’âge préalable est plus strictement respectée dans les supermarchés que dans les établissements horeca. Dans les supermarchés aussi, le contrôle de l’âge est souvent déficient. La partie requérante souligne le fait que, dans les supermarchés, le bon est imprimé avant que le client procède au paiement, et donc avant que le contrôle de l’âge puisse être effectué, alors que, dans les établissements horeca, le contrôle de l’âge a lieu avant que l’age coin soit délivré. Il n’y a en outre aucun contrôle social dans les supermarchés, des étudiants y travaillent régulièrement à la caisse, et le client peut y recourir à des caisses en libre-
service (système de self-scan).
La partie requérante ajoute que l’interdiction attaquée n’est ni nécessaire, ni adéquate, ni proportionnée à l’objectif qui consiste à réduire le nombre de jeunes fumeurs. Le nombre de produits de tabac vendus au moyen de distributeurs automatiques est en effet limité, alors que les produits de tabac restent disponibles par l’intermédiaire d’un grand nombre d’autres points de vente. Le raisonnement du législateur, selon lequel les jeunes sont plus enclins à faire des achats impulsifs de produits de tabac dans les établissements horeca que dans les commerces de détail, est inexact. En rendant impossible la vente des produits de tabac dans les établissements horeca, les jeunes auront davantage tendance à se tourner vers les magasins de nuit et les magasins de tabac spécialisés, où il n’y a pas de contrôle de l’âge. En outre, le législateur aurait également pu atteindre l’objectif précité par des mesures moins radicales. Ainsi, il aurait tout aussi bien pu prévoir un contrôle de l’âge au moyen d’un lecteur de carte d’identité ou un contrôle plus efficace du respect de la condition de l’âge dans les établissements horeca. Enfin, l’interdiction attaquée produit des effets disproportionnés à l’égard des entreprises comme celle de la partie requérante, qui sont obligées de cesser leurs activités. Cela est d’autant plus vrai au regard de la période transitoire d’une année, qui est déraisonnablement courte, et de l’absence de compensation financière.
Plusieurs autres pays ont opté pour une période transitoire de trois ans. En outre, le fait que la partie requérante devait connaître l’avenir incertain du secteur du tabac, ainsi que le Conseil des ministres l’allègue, n’est pas pertinent pour l’appréciation de la proportionnalité.
A.2.3. Dans la deuxième branche du moyen unique, la partie requérante soutient que les dispositions attaquées constituent une ingérence disproportionnée dans son droit au respect des biens. Ces dispositions entraînent la cessation complète de l’entreprise de la partie requérante, sans prévoir une période transitoire raisonnable ou une compensation financière. L’activité de la partie requérante doit être considérée comme une forme de propriété. Il découle de ce qui est dit au sujet de la première branche du moyen qu’il n’y a aucun juste équilibre entre les impératifs de l’intérêt général et ceux de la protection du droit au respect des biens.
A.2.4. Dans la troisième branche du moyen unique, la partie requérante estime, pour les mêmes motifs, que l’interdiction attaquée limite de manière disproportionnée sa liberté d’entreprendre.
A.3.1. Le Conseil des ministres estime que le moyen unique n’est pas fondé. En ce qui concerne la première branche, il expose que, d’une part, la vente de produits de tabac au moyen d’appareils automatiques de distribution et, d’autre part, la vente semi-automatisée de produits de tabac dans les supermarchés ne sont pas suffisamment comparables. Le Conseil des ministres renvoie à cet égard à des images des deux systèmes de vente. Les appareils automatiques de distribution se trouvent généralement en des endroits où aucun contrôle social n’est possible et posent souvent des problèmes en ce qui concerne le contrôle de l’âge. Ce dernier point est confirmé par des chiffres internes provenant du Service public fédéral Santé publique. La vente semi-automatisée dans les supermarchés, quant à elle, se déroule en plusieurs étapes, l’employé à la caisse contrôlant l’âge des consommateurs et les produits de tabac étant soustraits à la vue. En outre, la vente de produits de tabac dans les supermarchés donne lieu à des achats impulsifs dans une bien moindre mesure.
À titre subsidiaire, le Conseil des ministres fait valoir que l’interdiction attaquée poursuit des objectifs légitimes, à savoir mieux faire respecter l’interdiction de vente aux mineurs et réduire la disponibilité des produits de tabac. La différence de traitement critiquée repose sur un critère objectif et pertinent de distinction, eu égard aux caractéristiques différentes des deux systèmes de vente.
Enfin, l’interdiction attaquée ne produit pas des effets disproportionnés, selon le Conseil des ministres. En ce qui concerne la lutte contre les risques sanitaires liés aux produits de tabac, le législateur dispose d’un large pouvoir d’appréciation. L’interdiction attaquée s’inscrit dans le cadre d’une stratégie générale pour décourager l’usage de produits de tabac. Cette interdiction est fondée sur des données scientifiques et bénéficie d’un large soutien dans la société. Le Conseil des ministres renvoie aux avis du Conseil supérieur de la santé, à la « Stratégie interfédérale 2022-2028 pour une génération sans tabac », établie le 14 décembre 2022 par la Cellule Générale de Politique Drogues, et au mémorandum pour les partis politiques contenant dix mesures pour un avenir sans tabac,
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établi par l’Alliance pour une société sans tabac. La volonté de décourager le tabagisme trouve également appui dans le droit international et européen, en particulier dans la Convention cadre de l’Organisation mondiale de la santé pour la lutte antitabac, dans la recommandation 2003/54/CE du Conseil du 2 décembre 2002 « relative à la prévention du tabagisme et à des initiatives visant à renforcer la lutte antitabac » et dans la directive 2014/40/UE
du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 « relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac et des produits connexes, et abrogeant la directive 2001/37/CE ». Il en ressort que les préjudices économiques de l’interdiction attaquée ne l’emportent pas sur les avantages de cette interdiction pour la santé publique. En outre, le législateur a prévu une période transitoire de douze mois, suffisamment longue, et n’était pas tenu d’accorder une compensation financière aux entreprises touchées. Ces entreprises ont investi dans un secteur économique dont elles devaient connaître l’avenir incertain, compte tenu du consensus qui règne dans la société quant aux dangers du tabac.
A.3.2. En ce qui concerne la deuxième branche du moyen unique, le Conseil des ministres répète que les dispositions attaquées n’obligent pas la partie requérante à fermer son entreprise et ne restreignent donc pas son droit de propriété. Il existe, à tout le moins, un juste équilibre entre les impératifs de l’intérêt général et ceux de la protection du droit au respect des biens, ainsi qu’il ressort de l’exposé relatif à la première branche.
A.3.3. En grande partie pour les mêmes motifs, le Conseil des ministres estime, en ce qui concerne la troisième branche du moyen unique, que les dispositions attaquées ne portent pas une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre de la partie requérante. Au demeurant, rien n’empêche la partie requérante de poursuivre ses autres activités ou d’adapter ses activités.
A.4. La SA « Automaten Service Volckaert » estime que le moyen unique est fondé, en grande partie pour les mêmes motifs que ceux qui ont été invoqués par la partie requérante.
Elle souligne qu’avant même l’entrée en vigueur de l’interdiction attaquée, les inspecteurs du Service public fédéral Santé publique enjoignaient aux exploitants d’établissements horeca de retirer les distributeurs automatiques de tabac, sous peine d’amendes. On ne peut dès lors même pas parler d’une période transitoire d’un an.
La SA « Automaten Service Volckaert » attire en outre l’attention sur des lacunes dans le processus législatif.
Le législateur ne s’est pas basé sur des données chiffrées ou sur des études scientifiques concernant l’impact sur le tabagisme de la vente au moyen de distributeurs automatiques de tabac. Cet impact est inexistant, selon la SA « Automaten Service Volckaert ». L’interdiction attaquée ne fera que déplacer les achats de produits de tabac vers les magasins de nuit et les magasins de tabac spécialisés. Au demeurant, seul 0,2 % de la vente de produits de tabac a lieu au moyen de distributeurs automatiques dans l’horeca. Enfin, les distributeurs d’appareils automatiques de distribution de tabac dans les établissements horeca auraient dû avoir voix au chapitre lors l’élaboration de l’interdiction attaquée.
-B-
Quant aux dispositions attaquées
B.1.1. Le recours en annulation concerne l’interdiction de vente de produits de tabac au moyen de distributeurs automatiques.
B.1.2. Cette interdiction a été introduite par l’article 11, attaqué, de la loi du 29 novembre 2022 « portant des dispositions diverses en matière de santé » (ci-après : la loi du 29 novembre 2022), publiée au Moniteur belge du 9 décembre 2022. Cette disposition insère, dans l’article 6
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de la loi du 24 janvier 1977 « relative à la protection de la santé des consommateurs en ce qui concerne les denrées alimentaires et les autres produits », un paragraphe 4/1, qui dispose :
« Il est interdit de mettre dans le commerce des produits de tabac au moyen d’appareils automatiques de distribution, sauf par le biais de ventes semi-automatisées dans les commerces de détail où le contrôle de l’âge est effectué à la caisse et à condition que les produits de tabac soient hors de vue ».
En vertu de l’article 12, attaqué, de la loi du 29 novembre 2022, l’interdiction entrera en vigueur un an après la publication au Moniteur belge, à savoir le 9 décembre 2023.
B.2.1. L’exposé des motifs de la loi du 29 novembre 2022 mentionne :
« Interdiction de vente au moyen de distributeurs automatiques
Le tabac est aujourd’hui disponible et présent partout. Le Conseil supérieur de la santé (CSS) indiquait déjà en 2015 dans un avis que ni le tabac, ni les cigarettes électroniques ne devraient être vendus librement et aisément, par exemple à la caisse des supermarchés ou dans d’autres lieux facilement accessibles au grand public et, plus particulièrement, aux non-
fumeurs. En ce qui concerne le tabac, le CSS estime que les points de vente devraient être limités aux débits de tabac et aux marchands de journaux, et qu’une interdiction de publicité et d’étalage devrait être mise en place. L’interdiction de la publicité a déjà été rendue plus stricte.
Cette modification de la loi franchit une nouvelle étape en interdisant la vente de produits de tabac par le biais de distributeurs automatiques, dans le double but de mieux faire respecter l’interdiction de vente aux mineurs et de réduire la disponibilité des produits de tabac.
Par souci de clarté, on entend par produits de tabac : les produits à base de tabac, tels que les produits classiques bien connus (cigarettes, cigares, etc.), mais aussi les produits similaires, tels que les e-cigarettes, les e-liquides, les nouveaux types de produits, les produits à fumer à base de plantes (les sachets de nicotine, etc.).
Par distributeur automatique, on entend les automates de tabac que l’on voit dans la rue, par exemple dans les gares et les restaurants.
Premièrement, l’utilisation du système actuel de verrouillage de ces distributeurs automatiques, qui doit garantir l’interdiction de la vente de ces produits aux jeunes de moins de dix-huit ans, est souvent source de problèmes. Une infraction souvent constatée concerne l’absence de verrouillage effectif; les pièces nécessaires pour les déverrouiller, aussi appelées age coins, étant accessibles à tous et à portée de main.
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En outre, ces distributeurs sont souvent installés à des endroits visités durant la nuit ou fréquentés par les jeunes, ce qui assure la grande disponibilité des produits de tabac (et nuit à la santé publique) » (Doc. parl, Chambre, 2021-2022, DOC 55-2896/001, p. 8).
En ce qui concerne l’exception à l’égard des commerces de détail, l’exposé des motifs indique :
« Les appareils ou systèmes qui ne sont pas visés sont ceux qui sont souvent utilisés dans les supermarchés. Cette façon de travailler présente plusieurs avantages.
1. Les produits de tabac sont presque totalement soustraits à la vue du consommateur.
2. L’achat proprement dit se déroule en plusieurs étapes, un contrôle de l’âge par la caissière étant possible au moment du passage en caisse des produits de tabac.
3. Cette méthode d’achat est également moins impulsive car elle est moins sensible aux facteurs sociaux et environnementaux propres au mode de consommation du fumeur dépendant.
Cela contraste, par exemple, avec les distributeurs automatiques situés dans les restaurants ou les stations-service, des endroits qui peuvent constituer pour le fumeur une incitation environnementale claire à consommer du tabac.
L’intention ne peut être d’interdire ces systèmes, car cela pourrait même conduire à ce que les produits soient à nouveau exposés de manière visible au niveau des caisses. Une exception est donc prévue pour les ventes semi-automatiques et il est explicitement indiqué qu’un contrôle de l’âge doit avoir lieu à la caisse et que les produits de tabac doivent être retirés de la vue.
Comme de plus en plus de magasins travaillent avec un système de self-scan, il est important qu’un contrôle de l’âge soit effectué ici aussi. Un simple clic sur l’écran pour confirmer son âge n’est donc pas suffisant.
L’exception ne s’applique qu’au commerce de détail. Dans la version soumise au Conseil d’État, il y avait encore une restriction supplémentaire, à savoir le commerce de détail dans les magasins non spécialisés. Sur avis du Conseil d’État, il a été décidé de le réviser. Les magasins spécialisés sont également autorisés à utiliser un système semi-automatique, en tenant compte bien sûr des conditions mentionnées ci-dessus (vérification de l’âge + hors de vue).
Le secteur de la restauration n’est pas inclus dans le concept de commerce de détail.
La vente de tabac à l’aide de distributeurs automatiques est déjà interdite dans plusieurs États membres de l’Union européenne, par exemple au Royaume-Uni [sic], en France, en Finlande, en Norvège [sic] et en Hongrie » (ibid., p. 9).
B.2.2. En commission de la Chambre, le ministre des Affaires sociales et de la Santé publique a déclaré :
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« Une exception est prévue pour les ventes semi-automatiques aux caisses des supermarchés. En cas d’utilisation de ces appareils, la vente est réalisée par le caissier et, après le paiement, le client retire le produit de l’appareil automatique. Ce cas de figure permet un contrôle de l’âge. Il ne s’agit donc pas d’un contexte permettant des achats impulsifs qui, dans d’autres circonstances, n’auraient pas été effectués. On procédera plus vite à un achat impulsif lors d’une sortie dans un établissement horeca ou dans une station-service. L’interdiction entrera en vigueur un an après la date de sa publication au Moniteur belge » (Doc. parl., Chambre, 2022-2023, DOC 55-2896/003, p. 6).
« Le ministre explique pour quel motif les distributeurs automatiques de cigarettes seront interdits dans l’horeca. Le système de verrouillage dont les distributeurs doivent disposer présente souvent un problème. Les age coins sont souvent mis à la disposition de tous indépendamment de l’âge. Le ministre reconnaît que le contrôle de l’âge n’est pas non plus toujours optimal dans les supermarchés. Dans l’horeca, les distributeurs automatiques sont toutefois installés dans des endroits où il n’est pas possible d’effectuer un contrôle et où il n’y a pas non plus de contrôle social » (ibid., p. 16).
« Le vice-premier ministre et ministre des Affaires sociales et de la Santé publique précise que les mesures afférentes aux produits de tabac ont bien fait l’objet d’une concertation.
Le ministre est convaincu que le contrôle social est plus important dans les supermarchés que dans les établissements horeca. Il souligne par ailleurs qu’une période de transition suffisamment longue a été fixée pour permettre au secteur de l’horeca de procéder aux adaptations nécessaires » (Doc. parl., Chambre, 2022-2023, DOC 55-2896/005, p. 5).
Quant à la recevabilité
B.3.1. Le Conseil des ministres fait valoir que la partie requérante ne dispose pas de l’intérêt requis et que le recours est dès lors irrecevable.
B.3.2. La Constitution et la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle imposent à toute personne physique ou morale qui introduit un recours en annulation de justifier d’un intérêt. Ne justifient de l’intérêt requis que les personnes dont la situation pourrait être affectée directement et défavorablement par la norme attaquée.
B.3.3. La partie requérante distribue et exploite des distributeurs automatiques de tabac dans des établissements horeca. Elle peut donc être affectée directement et défavorablement par les dispositions attaquées, qui interdisent la vente de produits de tabac au moyen de tels appareils automatiques. La circonstance que la partie requérante, ainsi que le fait valoir le Conseil des ministres, pourrait exercer encore d’autres activités n’y change rien.
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B.3.4. Le recours en annulation est recevable.
B.4.1. La partie intervenante distribue et exploite elle aussi des distributeurs automatiques de tabac dans des établissements horeca. Pour le même motif que celui qui a été exposé en B.3.3, elle justifie d’un intérêt à son intervention.
B.4.2. Les griefs invoqués par la partie intervenante ne peuvent être pris en considération qu’en ce qu’ils correspondent aux moyens formulés dans la requête. En effet, l’article 87, § 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 ne permet pas, contrairement à l’article 85, que des moyens nouveaux soient formulés dans un mémoire en intervention.
Quant au fond
B.5.1. La partie requérante prend un moyen unique de la violation des articles 10, 11 et 16
de la Constitution, lus en combinaison avec l’article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme (ci-après : le Premier Protocole additionnel), avec l’article 16 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et avec l’article II.3 du Code de droit économique. Ce moyen comporte trois branches.
Dans la première branche, la partie requérante allègue que les dispositions attaquées sont contraires au principe d’égalité et de non-discrimination. Selon la partie requérante, ces dispositions font naître une différence de traitement entre, d’une part, les exploitants de distributeurs automatiques de tabac dans les établissements horeca et, d’autre part, les exploitants de distributeurs automatiques de tabac dans les supermarchés, sans qu’existe pour ce faire une justification raisonnable.
Dans la deuxième branche, la partie requérante soutient que les dispositions attaquées constituent une ingérence disproportionnée dans le droit au respect des biens, en ce qu’elles empêchent les entreprises concernées d’exploiter leurs distributeurs automatiques de tabac et qu’elles les obligent ainsi à cesser leurs activités. La partie requérante estime en outre qu’un délai d’entrée en vigueur d’un an est déraisonnablement court et que le législateur aurait dû
prévoir une compensation financière.
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Dans la troisième branche, la partie requérante estime, pour les mêmes motifs, que les dispositions attaquées portent une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre.
B.5.2. La partie intervenante critique en outre la manière dont les dispositions attaquées ont été élaborées. Elle estime que le législateur ne s’est pas basé sur des données chiffrées ou sur des études scientifiques concernant l’impact sur le tabagisme de l’interdiction attaquée, et qu’il aurait dû se concerter avec les entreprises concernées. Dans cette mesure, la partie intervenante formule un grief qui ne correspond pas au moyen invoqué dans la requête. Comme il est dit en B.4.2, un tel grief ne saurait être examiné.
B.6. Le principe d’égalité et de non-discrimination n’exclut pas qu’une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu’elle repose sur un critère objectif et qu’elle soit raisonnablement justifiée.
L’existence d’une telle justification doit s’apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d’égalité et de non-
discrimination est violé lorsqu’il est établi qu’il n’existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.
B.7.1. L’article 16 de la Constitution dispose :
« Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique, dans les cas et de la manière établis par la loi, et moyennant une juste et préalable indemnité ».
L’article 1er du Premier Protocole additionnel dispose :
« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens
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conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes ».
B.7.2. L’article 1er du Premier Protocole additionnel ayant une portée analogue à celle de l’article 16 de la Constitution, les garanties qu’il contient forment un ensemble indissociable avec celles qui sont inscrites dans cette disposition constitutionnelle, de sorte que la Cour en tient compte lors de son contrôle des dispositions attaquées.
B.7.3. L’article 1er du Premier Protocole additionnel offre une protection non seulement contre l’expropriation ou la privation de propriété (premier alinéa, seconde phrase), mais également contre toute ingérence dans le droit au respect des biens (premier alinéa, première phrase) et contre toute réglementation de l’usage des biens (second alinéa).
B.7.4. Toute ingérence dans le droit de propriété doit réaliser un juste équilibre entre les impératifs de l’intérêt général et ceux de la protection du droit au respect des biens. Il faut qu’existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but poursuivi.
B.8.1. La liberté d’entreprendre, visée à l’article II.3 du Code de droit économique, doit s’exercer « dans le respect des traités internationaux en vigueur en Belgique, du cadre normatif général de l’union économique et de l’unité monétaire tel qu’établi par ou en vertu des traités internationaux et de la loi » (article II.4 du même Code). La liberté d’entreprendre doit par conséquent être lue en combinaison avec les dispositions de droit de l’Union européenne applicables, plus précisément avec l’article 16 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui est cité dans le moyen.
Par conséquent, la Cour est compétente pour contrôler les dispositions attaquées au regard des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec la liberté d’entreprendre.
B.8.2. La liberté d’entreprendre ne peut être conçue comme une liberté absolue. Elle ne fait pas obstacle à ce que le législateur compétent règle l’activité économique des personnes et des entreprises. Celui-ci n’interviendrait de manière déraisonnable que s’il limitait la liberté
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d’entreprendre sans aucune nécessité ou si cette limitation était disproportionnée au but poursuivi.
B.9. Il appartient au législateur d’apprécier dans quelle mesure il est indiqué d’adopter, dans le cadre de sa politique socio-économique, des mesures destinées à lutter contre les risques pour la santé liés aux produits de tabac. Il dispose en la matière d’un large pouvoir d’appréciation.
Lorsque le législateur règle, à cet égard, la vente de produits de tabac, il relève de son pouvoir d’appréciation de déterminer les catégories de commerces qui relèvent de ce régime.
La Cour ne peut sanctionner un tel choix politique et les motifs qui le fondent que s’ils reposent sur une erreur manifeste ou sont déraisonnables.
B.10. Pour examiner si une restriction des droits fondamentaux précités en vue de protéger la santé publique est raisonnablement justifiée, il faut tenir compte, a fortiori eu égard au large consensus social sur les effets nocifs des produits de tabac, du fait que des préoccupations fondamentales relatives à la santé publique peuvent primer les besoins économiques privés et certains droits fondamentaux comme la liberté d’entreprendre et le droit au respect des biens (voy. également CEDH, 5 mars 2009, Société de conception de presse et d’édition et Ponson c. France, ECLI:CE:ECHR:2009:0305JUD002693505, §§ 56-57; 5 mars 2009, Hachette Filipacchi Presse Automobile et Dupuy c. France, ECLI:CE:ECHR:2009:0305JUD001335305, §§ 46-47).
B.11. En ce qui concerne les objectifs de l’interdiction attaquée, l’exposé des motifs rappelle que, selon le Conseil supérieur de la santé, « ni le tabac, ni les cigarettes électroniques ne devraient être vendus librement et aisément, par exemple à la caisse des supermarchés ou dans d’autres lieux facilement accessibles au grand public et, plus particulièrement, aux non-
fumeurs. En ce qui concerne le tabac, le [Conseil supérieur de la santé] estime que les points de vente devraient être limités aux débits de tabac et aux marchands de journaux, et qu’une interdiction de publicité et d’étalage devrait être mise en place ». L’interdiction attaquée franchit ainsi « une nouvelle étape en interdisant la vente de produits de tabac par le biais de distributeurs automatiques, dans le double but de mieux faire respecter l’interdiction de vente
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aux mineurs et de réduire la disponibilité des produits de tabac » (Doc. parl., Chambre, 2022-
2023, DOC 55-2896/001, p. 8; voy. également Conseil supérieur de la santé, avis n° 9265, octobre 2015, p. 10, et n° 9549, juin 2022, p. 9).
B.12. Eu égard aux risques importants pour la santé publique qui accompagnent une large accessibilité et disponibilité des produits de tabac, ainsi qu’à l’attractivité exercée par les distributeurs automatiques de tabac et à leur accessibilité, une interdiction de « mettre dans le commerce des produits de tabac au moyen d’appareils automatiques de distribution » n’est pas dépourvue de justification raisonnable. S’il est vrai qu’une telle interdiction a des répercussions financières et économiques importantes pour les exploitants de distributeurs automatiques de tabac dans les établissements horeca notamment, ces répercussions ne l’emportent pas sur les avantages pour la santé publique qui découlent de la limitation supplémentaire apportée à l’accessibilité et à la disponibilité des produits de tabac.
B.13. La partie requérante critique en particulier le fait que le législateur n’a pas prévu de compensation financière pour les entreprises concernées. Toutefois, le seul fait que l’autorité impose, dans l’intérêt général, des restrictions au droit au respect des biens ou à la liberté d’entreprendre n’a pas pour conséquence qu’elle soit tenue à indemnisation.
B.14.1. Il n’est pas non plus déraisonnable que l’interdiction attaquée entre en vigueur un an après la publication au Moniteur belge, à savoir le 9 décembre 2023.
B.14.2. Il appartient en principe au législateur de régler l’entrée en vigueur d’une loi nouvelle et de décider de prévoir ou non des mesures transitoires. La Cour ne pourrait censurer les choix du législateur que si la date d’entrée en vigueur établissait une différence de traitement dépourvue de justification raisonnable ou s’il était porté une atteinte disproportionnée au principe de confiance.
B.14.3. Contrairement à ce que prétendent la partie requérante et la partie intervenante, il n’est pas requis qu’elles aient déjà retiré pour le 9 décembre 2023 tous les distributeurs automatiques de tabac qui se trouvent dans les établissements horeca de leur clientèle, ainsi que la Cour l’a souligné dans son arrêt n° 99/2023 du 15 juin 2023
(ECLI:BE:GHCC:2023:ARR.099) (B.6.4). Rien n’empêche la partie requérante et la partie intervenante de continuer à mettre dans le commerce des produits de tabac au moyen de tels
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distributeurs automatiques, aussi longtemps que l’interdiction attaquée n’est pas entrée en vigueur. La circonstance, ainsi que le soutient la partie intervenante, que le Service public fédéral Santé publique enjoindrait en pratique aux exploitants d’établissements horeca de faire retirer les distributeurs automatiques de tabac avant même l’entrée en vigueur de l’interdiction attaquée n’est pas pertinente pour l’examen du recours en annulation. La Cour est uniquement compétente pour examiner la compatibilité des dispositions attaquées avec la Constitution, et non la manière dont ces dispositions sont appliquées.
B.14.4. Certes, le choix de faire entrer en vigueur après un an l’interdiction attaquée peut contraindre les entreprises concernées à prendre sans délai des mesures organisationnelles importantes pour y adapter leurs activités. La partie requérante et la partie intervenante ne démontrent toutefois pas qu’un tel délai rend cette adaptation impossible ou exagérément difficile. L’interdiction attaquée s’inscrit en outre dans une stratégie plus large, qui consiste, au moyen d’un ensemble de mesures, à réduire progressivement la consommation de tabac parmi la population, en particulier parmi les jeunes, et à aboutir à plus long terme à une génération sans tabac (voy. également Doc. parl., Chambre, 2022-2023, DOC 55-2896/003, p. 14). Le législateur peut estimer que chacune de ces mesures doit sortir ses effets dans un délai relativement court, afin qu’elles se succèdent assez rapidement et se renforcent mutuellement.
B.15. Les dispositions attaquées ne constituent dès lors pas une ingérence disproportionnée dans le droit au respect des biens et ne portent pas non plus une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre.
B.16.1. Enfin, il n’est pas dépourvu de justification raisonnable de prévoir une exception à l’interdiction attaquée à l’égard des « ventes semi-automatisées dans les commerces de détail où le contrôle de l’âge est effectué à la caisse et à condition que les produits de tabac soient hors de vue ».
Le législateur a pu considérer que la vente de produits de tabac au moyen de distributeurs automatiques dans les commerces de détail, dont les supermarchés font également partie, donne lieu dans une moindre mesure à des achats impulsifs que la vente de produits de tabac au moyen de distributeurs automatiques dans la plupart des autres lieux, comme les établissements horeca (Doc. parl. Chambre, 2022-2023, DOC 55-2896/001, p. 9; ibid., DOC 55-2896/003, p. 6). Il peut être admis que le risque de succomber à la tentation d’acheter et de consommer des
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produits de tabac est plus important dans les établissements horeca, et en particulier dans les milieux de sorties. Dans un tel environnement, les clients se trouvent régulièrement le soir ou pendant la nuit durant une période plus longue, en présence ou non d’autres fumeurs, et de l’alcool peut également être consommé. Selon l’exposé des motifs, l’utilisation de distributeurs automatiques dans les commerces de détail présente par ailleurs l’avantage que les produits de tabac ne sont plus placés à la caisse de manière visible pour le consommateur (Doc. parl., Chambre, 2022-2023, DOC 55-2896/001, p. 8).
Les travaux parlementaires soulignent également que l’infrastructure d’un établissement horeca ne permet pas toujours d’installer le distributeur automatique de tabac dans un lieu où
le contrôle social est possible et que le verrouillage des distributeurs automatiques dans les établissements horeca n’est souvent pas efficace. Par conséquent, des problèmes liés au respect de l’interdiction de vendre des produits de tabac aux mineurs surgissent régulièrement dans les établissements horeca (Doc. parl., Chambre, 2022-2023, DOC 55-2896/001, p. 8; ibid., DOC 55-2896/003, p. 16). L’article 11, attaqué, de la loi du 29 novembre 2022 prévoit en outre l’obligation explicite, en ce qui concerne la vente semi-automatisée dans les commerces de détail, d’effectuer un contrôle de l’âge à la caisse. Contrairement à ce que fait valoir la partie requérante, cette obligation s’applique tout autant lorsque le consommateur paie les produits de tabac par le biais d’un système de self-scan (ibid., DOC 55-2896/001, p. 9).
B.16.2. La circonstance que le Conseil supérieur de la santé plaide en faveur d’une interdiction plus radicale de vendre des produits de tabac selon laquelle « les points de vente devraient être limités aux débits de tabac et aux marchands de journaux » (Doc. parl., Chambre, 2022-2023, DOC 55-2896/001, p. 8) ne conduit pas à une autre conclusion. Il n’est pas davantage pertinent que la vente de produits de tabac au moyen de distributeurs automatiques dans les établissements horeca ne représenterait qu’une part de marché limitée, ainsi que le font valoir la partie requérante et la partie intervenante.
Il appartient en effet au législateur de choisir les mesures qu’il estime les plus indiquées pour lutter contre les risques sanitaires des produits de tabac. Lorsqu’une réforme qui vise à protéger la santé publique a des implications qui sont importantes, le législateur ne peut se voir reprocher d’élaborer cette réforme par étapes successives. Le législateur pouvait donc viser en premier lieu les points de vente qui, selon lui, représentent le plus grand risque d’inciter certaines catégories vulnérables de personnes à fumer, même si le nombre de produits de tabac
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qui y sont vendus est relativement limité. D’autre part, la partie requérante et la partie intervenante ne démontrent pas que l’interdiction attaquée ne ferait que déplacer la vente de produits de tabac vers d’autres points de vente, en particulier les magasins de nuit. Il peut au contraire être admis qu’un autre point de vente de produits de tabac n’est pas toujours établi ou ouvert à proximité d’un établissement horeca, et que le fait que la clientèle d’un établissement horeca doive se rendre ailleurs pour acheter des produits de tabac constitue en soi déjà un obstacle à un tel achat.
B.16.3. La différence de traitement entre, d’une part, les exploitants de distributeurs automatiques de tabac dans les établissements horeca et, d’autre part, les exploitants de distributeurs automatiques de tabac dans les supermarchés est dès lors compatible avec le principe d’égalité et de non-discrimination.
B.17. Le moyen unique n’est pas fondé.
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Par ces motifs,
la Cour
rejette le recours.
Ainsi rendu en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l’article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 23 novembre 2023.
Le greffier, Le président,
N. Dupont L. Lavrysen