Cour constitutionnelle
Arrêt n° 157/2023
du 23 novembre 2023
Numéro du rôle : 7915
En cause : la question préjudicielle relative à l’article 13, alinéa 2, de la loi du 3 juillet 1967
« sur la prévention ou la réparation des dommages résultant des accidents du travail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladies professionnelles dans le secteur public », posée par le Tribunal du travail francophone de Bruxelles.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges Y. Kherbache, S. de Bethune, E. Bribosia, W. Verrijdt et M. Plovie, assistée du greffier N. Dupont, présidée par le président P. Nihoul,
après en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant :
I. Objet de la question préjudicielle et procédure
Par jugement du 13 décembre 2022, dont l’expédition est parvenue au greffe de la Cour le 13 janvier 2023, le Tribunal du travail francophone de Bruxelles a posé la question préjudicielle suivante :
« L’article 13, alinéa 2, de la loi du 3 juillet 1967, qui exclut du mécanisme de l’indexation prévu par la loi du 1er mars 1977 les rentes accordées à un travailleur du secteur public pour une incapacité de travail permanente de moins de 16 % suite à un accident du travail, viole-t-il l’article 23 de la Constitution ? ».
Des mémoires et mémoires en réponse ont été introduits par :
- Florane Malam;
- le Conseil des ministres, assisté et représenté par Me D. Gutierrez Caceres, avocat au barreau de Bruxelles.
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Par ordonnance du 20 septembre 2023, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteurs M. Plovie et W. Verrijdt, a décidé que l’affaire était en état, qu’aucune audience ne serait tenue, à moins qu’une partie n’ait demandé, dans le délai de sept jours suivant la réception de la notification de cette ordonnance, à être entendue, et qu’en l’absence d’une telle demande, les débats seraient clos le 4 octobre 2023 et l’affaire mise en délibéré.
Aucune demande d’audience n’ayant été introduite, l’affaire a été mise en délibéré le 4 octobre 2023.
Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives à la procédure et à l’emploi des langues ont été appliquées.
II. Les faits et la procédure antérieure
Le 18 janvier 2019, F. Malam, employée par la Communauté française, a été victime d’un accident sur le chemin du travail, qui lui a causé des séquelles permanentes. À la suite d’un examen effectué par l’Administration de l’expertise médicale, les séquelles sont considérées comme consolidées le 20 mars 2020. Une incapacité permanente de travail de 4 % est constatée.
Le 23 février 2021, la Communauté française lui notifie sa décision relative à la rente qui lui est due. Il ressort de cette décision qu’elle a droit, à partir du jour de la consolidation, à une rente qui n’est pas indexée et qui est calculée sur la base de la rémunération annuelle désindexée.
Par un courrier du 5 mars 2021, F. Malam notifie à la Communauté française qu’elle conteste la décision relative à la rente. Elle est d’avis que cette rente doit être calculée sur la base de la rémunération annuelle indexée, que la rente doit elle-même être soumise à l’indexation et qu’elle est déjà due avant la date de consolidation. Par un courrier du 15 mars 2021, la Communauté française rejette ses objections. Le 29 octobre 2021, F. Malam saisit le Tribunal du travail francophone de Bruxelles.
Dans le jugement de renvoi, le Tribunal du travail francophone de Bruxelles juge que la Communauté française a calculé à juste titre la rente sur la base de la rémunération annuelle désindexée et il est d’avis que l’article 13, alinéa 2, de la loi du 3 juillet 1967 « sur la prévention ou la réparation des dommages résultant des accidents du travail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladies professionnelles dans le secteur public » (ci-après : la loi du 3 juillet 1967) exclut l’indexation lorsque l’incapacité permanente de travail n’atteint pas 16 %. Le Tribunal estime toutefois qu’avant de statuer, il est nécessaire de poser à la Cour la question préjudicielle reproduite plus haut.
III. En droit
–A–
A.1. La partie demanderesse devant la juridiction a quo est d’avis que la question préjudicielle appelle une réponse affirmative. Elle fait valoir que l’article 78 de la loi du 30 mars 1994 « portant des dispositions sociales »
(ci-après : la loi du 30 mars 1994), qui a inséré, sous sa forme originelle, l’alinéa 2 de l’article 13 de la loi du 3 juillet 1967, a significativement réduit, sans justification raisonnable, le degré de protection du droit à la sécurité sociale. Par cette loi, le législateur a en effet supprimé, sans qu’un motif d’intérêt général le justifie, l’indexation des rentes pour les petites incapacités permanentes de travail, alors que la rémunération sur la base de laquelle les rentes sont calculées n’est pas non plus indexée.
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La partie demanderesse devant la juridiction a quo souligne en particulier que rien ne permet de conclure que l’indexation de ces rentes met en péril l’équilibre budgétaire et l’équilibre de la sécurité sociale ou encore que la non-indexation est nécessaire pour encourager les personnes à continuer à travailler et pour garantir la compétitivité des entreprises. En ce qui concerne ces deux derniers objectifs, elle observe que les rentes sont en tout état de cause modestes, que la plupart des services publics ne se trouvent pas dans une situation concurrentielle et que les rentes ne sont pas payées par l’employeur. Enfin, concernant l’objectif relatif à l’équilibre budgétaire, elle observe encore qu’un objectif budgétaire ne saurait en aucun cas servir en soi de justification.
A.2. Le Conseil des ministres est d’avis que la question préjudicielle appelle une réponse négative. Il fait valoir, en premier lieu, que la non-indexation des rentes pour une incapacité permanente de travail de moins de 16 % est raisonnablement justifiée. La mesure poursuit un objectif légitime, à savoir l’assainissement financier du secteur de la sécurité sociale, et, ainsi que la Cour l’a jugé par son arrêt n° 61/2023 du 13 avril 2023
(ECLI:BE:GHCC:2023:ARR.061), elle ne produit pas d’effets disproportionnés. Cette mesure ne vise en effet que les rentes pour les incapacités permanentes de travail inférieures à 16 % et l’indexation peut aussi avoir pour conséquence de réduire la rente. Par ailleurs, le pourcentage de 16 % correspond aux pourcentages d’indemnisation appliqués dans les autres pays de l’Union européenne.
Le Conseil des ministres souligne ensuite qu’il n’y a pas non plus de recul significatif du degré de protection du droit à la sécurité sociale. Selon lui, la loi du 3 juillet 1967, considérée dans sa globalité, prévoit pour le personnel du secteur public une protection effective en cas d’accident du travail ou d’accident survenu sur le chemin du travail. Le fait que les rentes, qui sont calculées sur la rémunération annuelle, ne sont pas indexées lorsque l’incapacité permanente de travail est inférieure 16 % n’y change rien. Selon le Conseil des ministres, la question préjudicielle n’indique pas non plus en quoi l’obligation de standstill serait violée.
-B-
B.1.1. La question préjudicielle porte sur la non-indexation des rentes pour les « petites »
incapacités permanentes de travail dans le secteur public.
B.1.2. L’article 13, en cause, de la loi du 3 juillet 1967 « sur la prévention ou la réparation des dommages résultant des accidents du travail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladies professionnelles dans le secteur public » (ci-après : la loi du 3 juillet 1967)
dispose :
« Les rentes visées à l’article 3, alinéa 1er, les indemnités additionnelles visées à l’article 4, § 2, les allocations d’aggravation et les allocations de décès sont augmentées ou diminuées conformément à la loi du 1er mars 1977 organisant un régime de liaison à l’indice des prix à la consommation du Royaume de certaines dépenses dans le secteur public. Le Roi détermine comment elles sont rattachées à l’indice-pivot 138,01.
Toutefois, l’alinéa 1er n’est pas applicable aux rentes lorsque l’incapacité de travail permanente n’atteint pas 16 % ».
B.1.3. L’article 3, alinéa 1er, de la loi du 3 juillet 1967 dispose :
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« Selon les modalités fixées par l’article 1er :
1° la victime d’un accident du travail, d’un accident survenu sur le chemin du travail ou d’une maladie professionnelle a droit :
a) à une indemnité pour frais médicaux, chirurgicaux, pharmaceutiques, hospitaliers, de prothèse et d’orthopédie;
b) à une rente en cas d’incapacité de travail permanente;
c) à une allocation d’aggravation de l’incapacité permanente de travail après le délai de révision;
2° les ayants droit d’une victime décédée ont droit :
a) à une indemnité pour frais funéraires;
b) à une rente de conjoint survivant, de partenaire cohabitant légal survivant, d’orphelin ou d’ayant droit à un autre titre;
c) à une allocation de décès après le délai de révision;
3° la victime, le conjoint, le partenaire cohabitant légal, les enfants et les parents ont droit à l’indemnisation des frais de déplacement et de nuitée résultant de l’accident ou de la maladie professionnelle;
4° le membre du personnel menacé ou atteint par une maladie professionnelle et qui, de ce fait, cesse temporairement d’exercer ses fonctions, a droit à une indemnité ».
B.2. La juridiction a quo demande à la Cour si l’alinéa 2 de l’article 13 de la loi du 3 juillet 1967 est compatible avec l’article 23 de la Constitution, en ce qu’il exclut du mécanisme de l’indexation prévu par la loi du 1er mars 1977 « organisant un régime de liaison à l’indice des prix à la consommation du Royaume de certaines dépenses dans le secteur public » les rentes accordées à un travailleur du secteur public pour une incapacité permanente de travail de moins de 16 % survenue à la suite d’un accident du travail.
Il ressort des motifs de la décision de renvoi que la juridiction a quo demande en particulier à la Cour de contrôler la disposition en cause au regard du droit à la sécurité sociale garanti par l’article 23, alinéa 3, 2°, de la Constitution.
B.3.1. L’article 23 de la Constitution dispose que chacun a le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine. À cette fin, les différents législateurs garantissent, en tenant
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compte des obligations correspondantes, les droits économiques, sociaux et culturels et ils déterminent les conditions de leur exercice. Ces droits comprennent notamment le droit à la sécurité sociale (article 23, alinéa 3, 2°). L’article 23 de la Constitution ne précise pas ce qu’impliquent ces droits dont seul le principe est exprimé, chaque législateur étant chargé de les garantir, conformément à l’alinéa 2 de cet article, en tenant compte des obligations correspondantes.
B.3.2. L’article 23 de la Constitution contient une obligation de standstill qui interdit au législateur compétent de réduire significativement, sans justification raisonnable, le degré de protection offert par la législation applicable.
B.3.3. En matière socio-économique, le législateur compétent dispose d’un large pouvoir d’appréciation en vue de déterminer les mesures à adopter pour tendre vers les objectifs qu’il s’est fixés.
B.3.4. L’obligation de standstill ne peut toutefois s’entendre comme imposant à chaque législateur, dans le cadre de ses compétences, de ne pas toucher aux modalités de la sécurité sociale prévues par la loi. Elle leur interdit d’adopter des mesures qui marqueraient, sans justification raisonnable, un recul significatif du droit garanti par l’article 23, alinéa 3, 2°, de la Constitution, mais elle ne les prive pas du pouvoir d’apprécier la manière dont ce droit est le plus adéquatement assuré.
B.4.1. La non-indexation des rentes pour les « petites » incapacités permanentes dans le secteur public trouve son origine dans la loi du 30 mars 1994 « portant des dispositions sociales » (ci-après : la loi du 30 mars 1994). Les travaux préparatoires précisent à cet égard :
« par analogie avec ce qui a été décidé pour ce qui est du secteur privé, la rente accordée à la suite d’un accident du travail ne sera plus indexée si l’invalidité encourue n’atteint pas 10 p.c.
Le ministre souligne que, dans la fonction publique, il y a déjà un certain temps que, lorsque l’invalidité est inférieure à 10 p.c., on ne verse plus un capital mais une rente, et celle-ci ne sera donc plus indexée à l’avenir.
[…]
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Un membre prend acte de la décision de ne plus indexer la rente due à la suite d’un accident du travail lorsque l’invalidité est inférieure à 10 p.c. L’intervenant regrette de devoir constater que le Gouvernement doit recourir à ce genre de mesures mesquines.
Le ministre répond que la mesure a été inspirée par des comparaisons avec l’étranger, qui ont montré que la Belgique était l’un des seuls pays dans lesquels une indemnité est accordée en cas d’invalidité inférieure à 10 p.c. Il rappelle que le Gouvernement avait l’intention de ne plus accorder d’indemnité dans le secteur privé en cas d’invalidité inférieure à 10 p.c., mais qu’il a changé d’avis en tenant compte des observations formulées par les interlocuteurs sociaux. Par analogie avec ce qui a été décidé pour ce qui est du secteur privé, seule une rente non indexée sera encore accordée en cas d’invalidité inférieure à 10 p.c. » (Doc. parl., Sénat, 1993-1994, n° 980/5, pp. 9, 10 et 11).
En ce qui concerne la non-indexation dans le secteur privé, les travaux préparatoires de la loi du 30 mars 1994 précisent :
« Une des mesures préconisées dans le plan global visant à faire des économies en sécurité sociale était la suppression de l’indemnisation en capital des incapacités permanentes de travail de moins de 10 p.c. dans les secteurs des accidents du travail et des maladies professionnelles;
cette mesure se fondait notamment sur la comparaison avec les seuils d’indemnisation appliqués dans les autres pays de l’Union européenne.
Finalement, le Gouvernement a opté pour la solution du paiement aux victimes d’accidents du travail d’une rente viagère non indexée en lieu et place du versement unique de la réparation en capital. Désormais, le capital sera versé au Fonds des accidents du travail, qui assurera le paiement de la rente et qui pourra donc aussi appliquer la limitation du cumul avec les pensions.
Pour contribuer en outre au financement de la sécurité sociale, on passe pour ce type d’indemnisation d’un système de capitalisation à un système de répartition. Le Roi fixera par arrêté délibéré en Conseil des Ministres la partie des capitaux versés au Fonds qui sera transférée au Fonds pour l’équilibre financier de la sécurité sociale après le paiement annuel des rentes.
Étant donné que les obligations financières du Fonds se réduiront au fil des ans du fait que l’indexation des rentes a été privatisée en 1988, le paiement des rentes pour les incapacités de moins de 10 p.c. est garanti à suffisance pour l’avenir.
Pour réaliser une incidence financière à court terme, le transfert est d’application à tous les accidents réglés à dater du 1er janvier 1994 soit par accord entériné, soit par décision judiciaire coulée en force de chose jugée, et les victimes qui ont en perspective un paiement sous forme de capital au cours de la période 1994-1996 voient leurs droits sauvegardés.
Pour les victimes de maladies professionnelles, le Gouvernement a opté pour une formule selon laquelle les indemnités pour une incapacité de travail permanente inférieure à 10 p.c.
continuent à être payées, mais ne sont plus indexées » (Doc. parl., Sénat, 1993-1994, n° 980/1, p. 11).
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B.4.2. Le taux de 16 % visé à l’article 13, alinéa 2, de la loi du 3 juillet 1967 a été fixé par l’arrêté royal du 8 août 1997 « modifiant la loi du 3 juillet 1967 sur la réparation des dommages résultant des accidents du travail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladies professionnelles dans le secteur public en application de l’article 3, § 1er, 4°, de la loi du 26 juillet 1996 visant à réaliser les conditions budgétaires de la participation de la Belgique à l’Union économique et monétaire européenne » (ci-après : l’arrêté royal du 8 août 1997), pris sur la base de la loi du 26 juillet 1996 « visant à réaliser les conditions budgétaires de la participation de la Belgique à l’Union économique et monétaire européenne ».
Le rapport au Roi précédant l’arrêté royal du 8 août 1997 indique à ce sujet :
« Depuis la loi du 30 mars 1994 portant des dispositions sociales, l’indemnisation des incapacités de travail inférieures à 10 % réglées à partir du 1er janvier 1994 s’effectue sous forme d’une rente annuelle non indexée.
Dans le prolongement de la notion de petites incapacités permanentes de travail au niveau européen, voire international, il est proposé d’étendre ce système aux incapacités de travail de 10 % à moins de 16 % » (Moniteur belge, 27 août 1997, p. 21838).
L’arrêté royal du 8 août 1997 a été confirmé par la loi du 12 décembre 1997 « portant confirmation des arrêtés royaux pris en application de la loi du 26 juillet 1996 visant à réaliser les conditions budgétaires de la participation de la Belgique à l’Union économique et monétaire européenne, et de la loi du 26 juillet 1996 portant modernisation de la sécurité sociale et assurant la viabilité des régimes légaux des pensions », dont les travaux préparatoires précisent :
« L’arrêté royal du 26 mai 1997 modifiant les lois relatives à la réparation des dommages résultant des maladies professionnelles, coordonnées le 3 juin 1970, en exécution de l’article 3, § 1er, 4°, et § 2, de la loi du 26 juillet 1996 visant à réaliser les conditions budgétaires de la participation de la Belgique à l’Union économique et monétaire européenne, vise à étendre la non-indexation existante des indemnités annuelles de maladies professionnelles pour des incapacités permanentes de travail inférieures à 10 %, à celles dont le pourcentage est égal ou supérieur à 10 % mais inférieur à 16 %.
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Cette mesure doit permettre au Fonds des maladies professionnelles d’économiser, au profit de la sécurité sociale, 7 millions de francs en 1997, 18 millions de francs en 1998 et 30 millions de francs en 1999.
L’arrêté royal du 8 août 1997 modifiant la loi du 3 juillet 1967 sur la réparation des dommages résultant des accidents du travail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladies professionnelles dans le secteur public, en application de l’article 3, § 1er, 4°, de la loi du 26 juillet 1996 visant à réaliser les conditions budgétaires de la participation de la Belgique à l’Union économique et monétaire européenne, comporte la même mesure pour le secteur public.
Ainsi, les deux arrêtés précités s’inscrivent dans la notion européenne, voire internationale de petites incapacités permanentes de travail » (Doc. parl., Chambre, 1996-1997, n° 1195/1, pp. 9-10).
B.5. Sans qu’il soit nécessaire d’examiner si la disposition en cause réduit significativement le degré de protection du droit à la sécurité sociale, il suffit de constater que la non-indexation, dans le secteur public, des rentes pour les incapacités permanentes de travail inférieures à 16 % est raisonnablement justifiée.
En effet, ainsi que la Cour l’a jugé par son arrêt n° 61/2023 du 13 avril 2023
(ECLI:BE:GHCC:2023:ARR.061), cette mesure poursuit un objectif d’intérêt général, à savoir l’assainissement financier du secteur de la sécurité sociale, et elle ne produit pas d’effets disproportionnés :
« B.6.2. Il ressort des travaux préparatoires et du rapport au Roi cités en B.1.3 et en B.1.4
que le législateur a opté pour la non-indexation de la rente pour les ‘ petites ’ incapacités permanentes de travail plutôt que pour la suppression de l’indemnisation de ces incapacités. Il a, en ce qui concerne l’indexation, prévu le même système dans le secteur privé et dans le secteur public. En ce qui concerne la fixation du taux de l’incapacité permanente de travail, il s’est inspiré de la pratique établie au niveau international.
B.6.3. En ce qu’elle règle l’indemnisation des accidents du travail, la loi du 3 juillet 1967
a pour but de donner à la victime d’un accident du travail une ‘ réparation appropriée du préjudice subi à la suite d’un accident du travail ’ (Doc. parl., Chambre, 1964-1965, n° 1023/1, pp. 3-4; Ann. parl., Chambre, 21 mars 1967, p. 30; Doc. parl., Sénat, 1966-1967, n° 242, p. 3).
La rente pour incapacité permanente de travail visée à l’article 3, alinéa 1er, 1°, b), de la loi du 3 juillet 1967, auquel la disposition en cause s’applique, tend à réparer le dommage que la victime de l’accident du travail subit en raison notamment de la diminution de sa valeur économique sur le marché général de l’emploi (Cass., 24 mars 1986, Pas., 1986, I, n° 463;
Cass., 12 décembre 1988, Pas., 1989, I, n° 220; Cass., 1er juin 1993, Pas., 1993, I, n° 262;
Cass., 17 mars 1997, S.95.0144.F).
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Cette rente constitue un ‘ mode de réparation propre du dommage provoqué par l’accident ’ et son paiement est indépendant du paiement de la rémunération de la victime de cet accident (Doc. parl., Chambre, 1964-1965, n° 1023/1, p. 5; Doc. parl., Chambre, 1966-1967, n° 339/6, p. 7; Doc. parl., Sénat, 1966-1967, n° 242, pp. 6-7). L’article 5 de la loi du 3 juillet 1967
dispose à cet égard que ‘ sans préjudice des dispositions des articles 6 et 7, la rente visée à l’article 3, alinéa 1er, 1°, b, et l’allocation d’aggravation de l’incapacité permanente de travail, visée à l’article 3, alinéa 1er, 1°, c, peuvent être cumulées avec la rémunération et avec la pension de retraite allouées en vertu des dispositions légales et réglementaires propres aux pouvoirs publics ’.
La victime d’un accident du travail peut donc en principe percevoir à la fois sa rémunération et la rente pour incapacité permanente de travail due en application de l’article 3, alinéa 1er, 1°, b), de la loi du 3 juillet 1967, a fortiori lorsqu’elle subit une ‘ petite ’ incapacité permanente de travail. En principe, la non-indexation de la rente qu’elle perçoit ne produit pas des effets disproportionnés à son égard ».
B.6. L’article 13, alinéa 2, de la loi du 3 juillet 1967 est compatible avec l’article 23 de la Constitution.
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Par ces motifs,
la Cour
dit pour droit :
L’article 13, alinéa 2, de la loi du 3 juillet 1967 « sur la prévention ou la réparation des dommages résultant des accidents du travail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladies professionnelles dans le secteur public » ne viole pas l’article 23 de la Constitution.
Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l’article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 23 novembre 2023.
Le greffier, Le président,
N. Dupont P. Nihoul