Cour constitutionnelle
Arrêt n° 155/2023
du 23 novembre 2023
Numéro du rôle : 7899
En cause : les questions préjudicielles concernant l’article 16, § 2, du décret de la Communauté flamande du 27 avril 2018 « relatif à l’encadrement des élèves dans l’enseignement fondamental, l’enseignement secondaire et dans les centres d’encadrement des élèves », posées par le Conseil d’État.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents L. Lavrysen et P. Nihoul, et des juges T. Giet, J. Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache et D. Pieters, assistée du greffier N. Dupont, présidée par le président L. Lavrysen,
après en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant :
I. Objet des questions préjudicielles et procédure
Par arrêt n° 255.109 du 25 novembre 2022, dont l’expédition est parvenue au greffe de la Cour le 7 décembre 2022, le Conseil d’État a posé les questions préjudicielles suivantes :
« - L’article 16, § 2, du décret de la Communauté flamande du 27 avril 2018 ‘ relatif à l’encadrement des élèves dans l’enseignement fondamental, l’enseignement secondaire et dans les centres d’encadrement des élèves ’ viole-t-il l’article 24, § 2, de la Constitution, en ce que le législateur décrétal flamand a délégué, par cette disposition, des compétences aux cellules régionales d’appui inter-réseaux, alors que le décret du 27 avril 2018 n’est pas un décret spécial au sens de l’article 24, § 2, de la Constitution ?
- L’article 16, § 2, du décret de la Communauté flamande du 27 avril 2018 ‘ relatif à l’encadrement des élèves dans l’enseignement fondamental, l’enseignement secondaire et dans les centres d’encadrement des élèves ’ viole-t-il la liberté d’enseignement protégée par l’article 24, § 1er, de la Constitution, en ce que les centres d’encadrement des élèves de l’enseignement communautaire sont contraints de coopérer au sein de cellules régionales d’appui inter-réseaux, lesquelles sont compétentes pour une série de missions pédagogiques concrètes, de sorte que, premièrement, il restreint les possibilités pour les écoles d’organiser leur enseignement et entrave leur liberté de déterminer et de mettre en œuvre leur projet
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pédagogique propre et que, deuxièmement, les centres d’encadrement des élèves ne peuvent plus créer un projet pédagogique conforme à leurs conceptions ? ».
Des mémoires et mémoires en réponse ont été introduits par :
- le « Gemeenschapsonderwijs GO! », assisté et représenté par Me V. Pertry, Me B. Martel et Me K. Caluwaert, avocats au barreau de Bruxelles ;
- le Gouvernement flamand, assisté et représenté par Me D. Vanheule, avocat au barreau de Gand.
Par ordonnance du 20 septembre 2023, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteurs Y. Kherbache et M. Pâques, a décidé que l’affaire était en état, qu’aucune audience ne serait tenue, à moins qu’une partie n’ait demandé, dans le délai de sept jours suivant la réception de la notification de cette ordonnance, à être entendue, et qu’en l’absence d’une telle demande, les débats seraient clos le 4 octobre 2023 et l’affaire mise en délibéré.
Aucune demande d’audience n’ayant été introduite, l’affaire a été mise en délibéré le 4 octobre 2023.
Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives à la procédure et à l’emploi des langues ont été appliquées.
II. Les faits et la procédure antérieure
Le 26 août 2019, le « Gemeenschapsonderwijs GO! » (l’enseignement communautaire flamand, ci-après : le GO!) a introduit devant la section du contentieux administratif du Conseil d’État un recours en annulation de l’arrêté du Gouvernement flamand du 26 avril 2019 « [fixant la délimitation régionale] des cellules régionales d’appui inter-réseaux » (ci-après : l’arrêté du 26 avril 2019). Cet arrêté a été pris en exécution de l’article 16, § 2, du décret du 27 avril 2018 « relatif à l’encadrement des élèves dans l’enseignement fondamental, l’enseignement secondaire et dans les centres d’encadrement des élèves » (ci-après : le décret du 27 avril 2018).
Le Conseil d’État estime que les critiques du GO! visent en réalité, non pas l’arrêté du 26 avril 2019, mais l’article 16, § 2, du décret du 27 avril 2018, en ce que cette disposition détermine les compétences des cellules régionales d’appui inter-réseaux. Il pose dès lors les questions préjudicielles reproduites plus haut.
III. En droit
-A-
Quant à la première question préjudicielle
A.1.1. Le Gouvernement flamand estime que l’article 16, § 2, du décret du 27 avril 2018 ne devait pas être adopté à la majorité spéciale et qu’il est dès lors compatible avec l’article 24, § 2, de la Constitution.
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A.1.2. Selon le Gouvernement flamand, l’article 16, § 2, du décret du 27 avril 2018 ne transfère pas des compétences vers un organe autonome et ne porte pas non plus atteinte aux compétences qui, conformément à l’article 23 du décret spécial de la Communauté flamande du 14 juillet 1998 relatif à l’enseignement communautaire (ci-après : le décret spécial du 14 juillet 1998), reviennent aux conseils d’administration des groupes d’écoles du GO!. Cette disposition prévoit seulement une coopération, au sein d’une cellule régionale d’appui inter-réseaux, entre les centres d’encadrement des élèves d’une même région. La cellule régionale d’appui inter-réseaux est uniquement compétente pour conclure des accords relatifs à des thèmes déterminés. Un accord ne peut voir le jour sans le consentement de chaque centre d’encadrement des élèves concerné, de sorte qu’il n’est pas question de transférer un pouvoir décisionnaire. Les thèmes qui doivent faire l’objet d’accords sont par ailleurs purement opérationnels, concernent des matières dans lesquelles l’expertise est rare, ou ne présentent aucun rapport avec le projet pédagogique propre aux centres. Au demeurant, rien n’empêche la cellule régionale d’appui inter-réseaux de tenir compte des spécificités et du projet pédagogique des centres d’encadrement des élèves concernés et des écoles avec lesquelles ceux-ci coopèrent.
A.2.1. Selon le GO!, l’article 16, § 2, du décret du 27 avril 2018 n’est pas compatible avec l’article 24, § 2, de la Constitution. La disposition en cause intervient dans les compétences des conseils d’administration des groupes d’écoles du GO! et aurait donc dû être adoptée à la majorité spéciale.
A.2.2. Le GO! expose que, conformément à l’article 23, § 3, du décret spécial du 14 juillet 1998, les conseils d’administration des groupes d’écoles disposent de la compétence résiduelle vis-à-vis des autres organes de direction. Les compétences des conseils d’administration doivent s’entendre dans un sens large, ainsi qu’il ressort par ailleurs de l’arrêt de la Cour n° 105/2018 du 19 juillet 2018 (ECLI:BE:GHCC:2018:ARR.105).
Le GO! ajoute que, par l’effet de l’article 16, § 2, du décret du 27 avril 2018, les conseils d’administration des groupes d’écoles doivent céder au moins partiellement des compétences aux cellules régionales d’appui inter-
réseaux. En effet, plusieurs des thèmes énumérés dans cette disposition présentent un rapport avec le pouvoir des conseils d’administration de régler « en matière de politique générale […] l’organisation du fonctionnement du centre d’encadrement des élèves » (article 23, § 1er, 2°, b), du décret spécial du 14 juillet 1998). La coopération obligatoire a pour effet de vider cette compétence de sa substance, en ce que les centres d’encadrement des élèves ne pourront plus décider de manière autonome, mais devront d’abord conclure des arrangements au sein de la cellule régionale d’appui inter-réseaux. En tout état de cause, cette obligation méconnaît la compétence résiduelle des conseils d’administration, dès lors qu’elle confère aux cellules régionales d’appui inter-réseaux des compétences spécifiques et étendues en matière de politique générale et pédagogique. La ministre de l’Enseignement a d’ailleurs reconnu, lors de l’élaboration du décret du 27 avril 2018, que les thèmes qui doivent faire l’objet d’une coopération sont de nature matérielle et ont donc une influence sur la réalisation du projet pédagogique.
Quant à la seconde question préjudicielle
A.3.1. Selon le Gouvernement flamand, l’article 16, § 2, du décret du 27 avril 2018 est compatible avec la liberté d’enseignement, garantie par l’article 24, § 1er, de la Constitution.
A.3.2. Le Gouvernement flamand répète que seuls des accords peuvent être conclus au sein des cellules régionales d’appui inter-réseaux, ce qui suppose le consentement de chaque centre d’encadrement des élèves concerné. Chaque centre d’encadrement des élèves doit respecter le projet pédagogique des écoles avec lesquelles il coopère, conformément à l’article 7 du décret du 27 avril 2018. Cette obligation vaut a fortiori pour les cellules régionales d’appui inter-réseaux dans lesquelles coopèrent les centres d’encadrement des élèves. Par ailleurs, les thèmes au sujet desquels la cellule régionale d’appui inter-réseaux doit conclure des accords ne concernent pas la manière dont une école ou un centre d’encadrement des élèves met en œuvre son projet pédagogique propre. Il s’ensuit que l’article 16, § 2, du décret du 27 avril 2018 ne porte pas atteinte à la liberté d’enseignement, selon le Gouvernement flamand.
A.3.3. En ordre subsidiaire, le Gouvernement flamand fait valoir que la restriction alléguée de la liberté d’enseignement est raisonnablement justifiée. L’article 16, § 2, du décret du 27 avril 2018 poursuit en effet un objectif légitime. Par cet article, le législateur décrétal a voulu optimiser le système existant d’encadrement des élèves et le rendre plus efficace. La coopération au sein d’une cellule régionale d’appui inter-réseaux constitue un moyen adéquat pour atteindre cet objectif, ainsi qu’il ressort d’un audit sur le fonctionnement des centres d’encadrement des élèves mené en 2015. Au demeurant, le décret du 1er décembre 1998 « relatif aux centres
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d’encadrement des élèves » – entre-temps abrogé – prévoyait déjà une coopération volontaire entre les centres d’encadrement des élèves. Cette coopération a été évaluée positivement, ainsi que le « Vlaamse Onderwijsraad »
(Conseil flamand de l’enseignement) l’a également indiqué pendant l’élaboration du décret du 27 avril 2018. Le « Kinderrechtencommissariaat » (Commissariat aux droits de l’enfant) a aussi souligné le besoin de coopération entre les centres d’encadrement des élèves.
Le Gouvernement flamand soutient enfin que la coopération obligatoire au sein d’une cellule régionale d’appui inter-réseaux ne produit pas des effets disproportionnés, compte tenu de la nature des thèmes visés à l’article 16, § 2, du décret du 27 avril 2018 et du fait que chaque centre d’encadrement des élèves doit approuver les accords conclus à ce sujet.
A.4.1. Le GO! estime que l’article 16, § 2, du décret du 27 avril 2018 n’est pas compatible avec la liberté d’enseignement, garantie par l’article 24, § 1er, de la Constitution. Cette liberté vaut également pour les centres d’encadrement des élèves.
A.4.2. Selon le GO!, le législateur décrétal a poursuivi un objectif légitime en adoptant la disposition en cause, en ce qu’il voulait augmenter l’efficacité du fonctionnement des centres d’encadrement des élèves. Le GO!
n’aperçoit toutefois pas en quoi une coopération obligatoire permettrait d’atteindre cet objectif. Les visions pédagogiques des centres d’encadrement des élèves peuvent en effet varier de manière considérable dans la pratique, si bien que, dans certaines situations, il est impossible de prendre des décisions communes et la disposition en cause nuira précisément à l’efficacité. Les centres d’encadrement des élèves devraient eux-mêmes pouvoir déterminer les situations dans lesquelles une coopération leur permet d’être plus efficaces. Lors de l’élaboration du décret du 27 avril 2018, les organisations « Katholiek Onderwijs Vlaanderen » (l’enseignement catholique flamand) et « Provinciaal Onderwijs Vlaanderen » (l’enseignement provincial flamand) ont également critiqué le caractère obligatoire de la coopération.
Selon le GO!, l’audit sur le fonctionnement des centres d’encadrement des élèves auquel renvoie le Gouvernement flamand ne permet pas de conclure autrement. Certes, cet audit confirme que la coopération entre les centres d’encadrement des élèves peut présenter une plus-value, mais il n’en ressort pas qu’une telle coopération doit être obligatoire.
A.4.3. Le GO! estime que la coopération obligatoire en cause produit en tout cas des effets disproportionnés.
En effet, cette obligation va de pair avec un transfert, vers les cellules régionales d’appui inter-réseaux, de compétences liées aux missions matérielles et pédagogiques des centres d’encadrement des élèves. Ceux-ci sont ainsi tenus de trouver des compromis avec des centres qui relèvent d’un autre réseau d’enseignement et qui ont peut-être une vision pédagogique fondamentalement différente. De ce fait, les centres d’encadrement des élèves ne pourront plus mettre en œuvre de manière autonome leur projet pédagogique. En outre, l’article 16, § 2, 1°, alinéa 2, du décret du 27 avril 2018 habilite le Gouvernement flamand à déterminer des « thèmes supplémentaires » pour lesquels une coopération est obligatoire. Cette disposition permet dès lors au Gouvernement flamand de limiter encore davantage la liberté d’enseignement.
-B-
Quant à la disposition en cause et à son contexte
B.1.1. Les questions préjudicielles portent sur l’obligation pour les centres d’encadrement des élèves de coopérer au sein d’une cellule régionale d’appui inter-réseaux, conformément à l’article 16, § 2, du décret de la Communauté flamande du 27 avril 2018 « relatif à
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l’encadrement des élèves dans l’enseignement fondamental, l’enseignement secondaire et dans les centres d’encadrement des élèves » (ci-après : le décret du 27 avril 2018).
Cette disposition est libellée ainsi :
« En vue d’une mobilisation optimale de l’expertise spécifique disponible, tous les centres dans une même région coopèrent au sein d’une cellule régionale d’appui inter-réseaux. Le Gouvernement flamand, en consultation avec tous les directeurs des centres d’encadrement des élèves, détermine les régions à cet effet. La cellule régionale d’appui inter-réseaux est compétente pour conclure des arrangements relatifs aux points suivants :
1° les actions entreprises par la cellule abordent au moins les thèmes suivants :
a) la coordination de l’accessibilité, des heures d’ouverture et des permanences dans tous les centres de la région;
b) la mise en commun d’expertise relative à la précarité en vue d’une communication ciblée, d’une organisation efficace et d’un encadrement approprié des élèves défavorisés dans la région;
c) le point de contact pour les élèves de l’enseignement à domicile qui se présentent pour un contact systématique obligatoire. La cellule régionale d’appui inter-réseaux informe les élèves de l’enseignement à domicile sur le fonctionnement des centres d’encadrement des élèves dans la région et facilite le contact entre l’élève de l’enseignement à domicile et le centre de son choix pour la mise en œuvre du contact systématique;
d) la coordination pratique des contacts systématiques et des vaccinations afin que ceux-
ci puissent se dérouler dans l’infrastructure la plus proche de l’école qui est conforme à la disposition de l’article 19, 3°;
e) l’identification des problèmes d’absentéisme scolaire dans la région et, en coopération avec les acteurs régionaux, l’élaboration et la mise en œuvre d’un plan d’action ciblé pour réduire l’absentéisme scolaire et le décrochage scolaire précoce;
f) le suivi des élèves dont le parcours scolaire se caractérise par des absences fréquentes, l’exclusion, la suspension et des changements d’école, afin qu’ils puissent terminer l’enseignement secondaire avec une qualification d’enseignement;
g) la médiation et les mesures restauratrices en cas de rupture de la communication entre l’élève, les parents et l’école et en cas de risque d’exclusion, de suspension ou d’abandon scolaire. La cellule régionale d’appui inter-réseaux agit en tant que troisième acteur neutre contribuant à la résolution des conflits;
h) la fourniture d’informations objectives sur la structure et l’organisation du paysage éducatif flamand à des moments charnières pour tous les élèves de la région;
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i) la mise en commun de l’expertise sur la radicalisation et le travail sur la déradicalisation au sein de la région, si nécessaire.
Le Gouvernement flamand peut déterminer des thèmes supplémentaires;
2° l’affectation de l’encadrement en personnel dont dispose la cellule et la gestion du personnel de la cellule, notamment les critères d’embauche, d’employabilité, de fonctionnement et d’évaluation des personnels;
3° l’affectation du budget de fonctionnement destiné à l’appui logistique et matériel, dont dispose la cellule;
4° l’assurance qualité interne de la cellule.
Dans les limites des crédits budgétaires disponibles, le Gouvernement flamand octroie annuellement des moyens à l’encadrement en personnel et au budget de fonctionnement des cellules régionales d’appui inter-réseaux. Ces moyens sont calculés et attribués par centre conformément aux dispositions de l’article 41. Ensuite, le centre transfère les moyens à la cellule à laquelle il appartient.
La cellule régionale d’appui inter-réseaux [à] laquelle le centre participe est également impliquée dans l’audit du centre ».
B.1.2. Le fait de « coopérer au sein d’une cellule régionale d’appui inter-réseaux conformément aux dispositions de l’article 16, § 2 » constitue l’une des conditions d’agrément des centres d’encadrement des élèves (article 19, 9°, du décret du 27 avril 2018). Sans agrément, un centre ne peut obtenir ni financement ni subventions (article 21 du même décret).
B.1.3. Les articles 16, § 2, et 19, 9°, du décret du 27 avril 2018 sont entrés en vigueur le 1er septembre 2023 (article 119 du même décret).
B.2.1. Il ressort de l’exposé des motifs du décret du 27 avril 2018 que, par la coopération inter-réseaux obligatoire visée à l’article 16, § 2, de ce décret, le législateur décrétal a voulu optimiser le fonctionnement des centres d’encadrement des élèves et le rendre plus efficace. En particulier, il a voulu promouvoir la coopération entre les centres ainsi qu’une augmentation d’échelle « afin que les forces et les expertises soient davantage mises en commun et mobilisées » (Doc. parl., Parlement flamand, 2017-2018, n° 1498/1, pp. 4, 13 et 35).
Le législateur décrétal s’est fondé notamment sur un audit relatif au fonctionnement des centres d’encadrement des élèves effectué à la demande du Gouvernement flamand :
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« L’audit des centres d’encadrement des élèves a examiné l’efficacité du fonctionnement de ces centres. Il ressort de cet audit que les élèves, les parents et le personnel de l’école sont généralement satisfaits, voire très satisfaits, du fonctionnement des centres. Les modalités de fonctionnement, la fréquence et les canaux de communication diffèrent d’un centre à l’autre.
Les 72 centres devraient travailler et communiquer de manière plus uniforme afin de garantir la qualité de l’encadrement des élèves dans toute la Flandre. Le renforcement de la coopération entre les centres permettrait également d’améliorer la qualité et l’efficacité. Une augmentation d’échelle, en ce qui concerne les processus d’appui par exemple, est également recommandée.
Pour ce qui est de l’accessibilité, les parents souhaiteraient que les centres soient davantage disponibles avant et après les heures de bureau. Les élèves aussi devraient eux-mêmes pouvoir se rendre au centre avant et après les heures de cours. Les parents et les élèves souhaiteraient une meilleure accessibilité pendant les vacances scolaires. Les partenaires de l’aide sociale se joignent à cet avis et trouvent que la fermeture pendant les périodes de vacances est un problème.
L’audit recommande de traiter ces points d’amélioration par la mise en place d’incitants publics pour une coopération inter-réseaux approfondie » (Doc. parl., Parlement flamand, 2017-2018, n° 1498/1, p. 5; voy. également ibid., p. 11).
B.2.2. Au sein de la commission de l’Enseignement du Parlement flamand, la ministre compétente a déclaré :
« Le projet de décret définit d’emblée les thèmes autour desquels la coopération doit s’articuler. Il s’agit de sujets concrets, tels que l’expertise sur la radicalisation, l’absentéisme et le décrochage scolaire ou encore l’inégalité des chances, mais aussi de points relatifs à la coordination organisationnelle tels que l’organisation de contacts systématiques, c’est-à-dire les examens médicaux, les séances d’information sur la structure et l’organisation du paysage de l’enseignement et la coordination des heures d’ouverture et des périodes de fermeture en fonction de l’accessibilité.
Il est important que les centres unissent leurs forces à cette fin. En coopérant, ils peuvent réaliser des gains d’efficacité, ce qui renforcera encore la capacité des collaborateurs des centres d’encadrement des élèves à soutenir les élèves, les parents et l’école. Les centres d’encadrement des élèves ne seront pas regroupés en un seul réseau, précise la ministre. La liberté d’enseignement reste primordiale, un principe qui vaut également pour les centres d’encadrement des élèves.
[…]
Il a été régulièrement rapporté à la ministre, y compris par la commission de l’Enseignement, que les contacts avec les acteurs de l’aide sociale sont parfois difficiles. Les structures régionales de coopération entre les centres d’encadrement des élèves devraient apporter une solution à ce problème également : le fait de rassembler l’expertise de l’offre d’aide sociale dans la région évitera à chaque collaborateur individuel d’un centre
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d’encadrement des élèves de devoir constituer cette expertise seul. Grâce à ce système, les centres d’encadrement des élèves deviendront un partenaire de travail fort au niveau régional, qui pourra se profiler comme un organisme uni » (Doc. parl., Parlement flamand, 2017-2018, n° 1498/2, pp. 7-8).
Et d’ajouter :
« Certains s’interrogent, à juste titre, sur le lien entre le projet pédagogique et le bon encadrement d’un élève. La ministre adopte une position médiane : respecter la liberté d’enseignement tout en encourageant la coopération. […]
[…]
Ainsi, pour de nombreuses missions des centres d’encadrement des élèves, le réseau ou le projet pédagogique ne jouent aucun rôle, comme l’orientation d’un élève vers une offre d’aide spécialisée ou la constitution d’une expertise régionale sur l’inégalité des chances. Dans ces domaines, on attend de ces centres une coopération inter-réseaux bien plus poussée que ce qui a lieu actuellement, observe la ministre » (ibid., p. 19).
B.3. En exécution de l’article 16, § 2, du décret du 27 avril 2018, le Gouvernement flamand a pris l’arrêté du 26 avril 2019 « [fixant la délimitation régionale] des cellules régionales d’appui inter-réseaux », entré en vigueur le 1er septembre 2023. Dans le litige au fond, le « Gemeenschapsonderwijs GO! » (l’enseignement communautaire flamand, ci-après :
le GO!) a introduit un recours en annulation de cet arrêté devant la section du contentieux administratif du Conseil d’État.
Quant à la première question préjudicielle
B.4. Par la première question préjudicielle, le Conseil d’État demande à la Cour si l’article 16, § 2, du décret du 27 avril 2018 est compatible avec l’article 24, § 2, de la Constitution, « en ce que le législateur décrétal flamand a délégué, par cette disposition, des compétences aux cellules régionales d’appui inter-réseaux, alors que le décret du 27 avril 2018
n’est pas un décret spécial au sens de l’article 24, § 2, de la Constitution ».
B.5. L’article 24, § 2, de la Constitution dispose :
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« Si une communauté, en tant que pouvoir organisateur, veut déléguer des compétences à un ou plusieurs organes autonomes, elle ne le pourra que par décret adopté à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés ».
B.6.1. Les travaux préparatoires indiquent ce qui suit à propos de l’article 24, § 2, de la Constitution :
« Le texte proposé prévoit expressément qu’une Communauté - après la révision de l’article 59bis, § 2, alinéa 1er, 2, [lire : l’article 127, § 1er, 2°,] de la Constitution - pourra déléguer des compétences de pouvoir organisateur de l’enseignement de l’Etat, à un ou plusieurs organes autonomes. Aussi bien pour l’approbation que pour la modification de ce décret, une majorité des deux tiers est requise.
Les néerlandophones pensent à un transfert à un Conseil autonome de l’Enseignement de l’Etat et à des Conseils scolaires locaux, démocratiquement composés de personnes attachées à cet enseignement et qui reflètent la diversité idéologique et philosophique de la Communauté flamande.
Les francophones, quant à eux, s’ils sont partisans d’une large décentralisation, veulent maintenir les prérogatives du Ministre en tant que pouvoir organisateur de l’enseignement de l’Etat » (Doc. parl., Sénat, S.E. 1988, n° 100-1/1°, p. 3).
La commission sénatoriale compétente a ajouté, lors de l’examen de cette disposition :
« Le Secrétaire d’Etat à l’Education nationale déclare qu’en ce qui concerne la portée de l’autonomie visée à l’article 17, § 2 [lire : l’article 24, § 2], l’on peut dire que l’organe autonome reçoit toutes les compétences d’organisation comparables à celles des autres pouvoirs organisateurs et remplace ainsi les exécutifs pour organiser l’enseignement de l’Etat.
Cette délégation de compétence par décret au profit d’un organe autonome doit être réalisée sous une forme de droit public décentralisée. Elle pourra ainsi comprendre tout l’enseignement au sens de l’article 59bis, § 2, 2° [lire : l’article 127, § 1er, 2°], comme proposé.
Les Communautés doivent permettre à cet organe d’assurer les libertés constitutionnelles de l’article 17 [lire : l’article 24].
Lors de la création de cet organe, les conseils de communauté régleront la gestion administrative et financière ainsi que la tutelle y afférente » (Doc. parl., Sénat, S.E. 1988, n° 100-1/2°, p. 82).
Il ressort encore des travaux préparatoires que l’exigence de majorité spéciale prévue à l’article 24, § 2, de la Constitution vise à « éviter des modifications incessantes lors de chaque
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changement de majorité politique » (Doc. parl., Chambre, S.E. 1988, n° 10/17-455/4, p. 40) et donc « à garantir une plus grande stabilité » (ibid., p. 58).
B.6.2. Ainsi, la Constitution prévoit la possibilité, pour les communautés en tant que pouvoirs organisateurs de l’enseignement communautaire, de déléguer des compétences à des organes qui jouissent d’une autonomie en la matière. Au cours des travaux préparatoires, le Vice-Premier ministre et ministre des Communications et des Réformes institutionnelles a parlé d’une possibilité d’accorder une « large autonomie » (Doc. parl., Sénat, S.E. 1988, n° 100-1/2°, p. 4).
B.6.3. En outre, les travaux préparatoires de l’article 24 de la Constitution indiquent que « le terme ‘ enseignement ’ s’entend dans le sens large et comprend donc également l’enseignement universitaire ainsi que les centres P.M.S. » (Doc. parl., Sénat, S.E. 1988, n° 100-1/1°, p. 2). Toujours selon ces travaux préparatoires, « il est convenu, en outre, que les centres P.M.S. sont également visés par l’article 17 [lire : l’article 24] et sont compris dans les termes plus généraux d’‘ établissements d’enseignement ’ » (ibid., p. 5).
B.6.4. Il apparaît des travaux préparatoires précités que le Constituant a, par « les compétences en tant que pouvoir organisateur », essentiellement visé les compétences dont disposent également les autres pouvoirs organisateurs de l’enseignement. Celles-ci comprennent également les compétences en tant que pouvoir organisateur de certains établissements d’enseignement autres que les écoles, tels que les centres d’encadrement des élèves, qui ont remplacé les centres psycho-médico-sociaux en Communauté flamande (voy.
aussi CE, avis n° 53.216/2 du 21 mai 2013, p. 4).
B.7.1. Le décret spécial du 19 décembre 1988 « relatif au Conseil autonome de l’Enseignement communautaire » a, en vertu de l’article 24, § 2, de la Constitution, délégué au Conseil autonome de larges compétences, dans l’optique de réaliser une dépolitisation structurelle et permanente de l’enseignement communautaire.
B.7.2. Ce décret spécial a été remplacé par le décret spécial du 14 juillet 1998 relatif à l’enseignement communautaire (ci-après : le décret spécial du 14 juillet 1998). L’article 4, § 1er, du décret spécial du 14 juillet 1998 prévoit qu’à l’exclusion de tout autre organe, les groupes d’écoles et le Conseil de l’enseignement communautaire constituent le pouvoir
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organisateur de l’enseignement communautaire, dans les limites des attributions octroyées par ce décret spécial et en vertu de celui-ci.
L’exposé des motifs du décret spécial du 14 juillet 1998 indique que « le terme ‘ enseignement ’ doit s’entendre au sens large et comprend, outre l’enseignement au sens strict du terme, l’encadrement des élèves, le suivi médico-scolaire, l’enseignement postscolaire, le recyclage et la formation continue ainsi que les crèches en Région de Bruxelles-Capitale ». Le même exposé des motifs précise que « le groupe d’écoles possède également la compétence de pouvoir organisateur en ce qui concerne les écoles des différents niveaux, les internats et le centre d’encadrement des élèves » (Doc. parl., Parlement flamand, 1997-1998, n° 1095/1, p. 3).
Dans son avis sur la proposition qui a conduit au décret spécial du 14 juillet 1998, la section de législation du Conseil d’État a observé :
« La proposition a pour but, comme le décret ARGO, de créer un organisme public devenant, à la place de la Communauté flamande, le pouvoir organisateur de l’enseignement communautaire. Comme cela a déjà été souligné dans l’avis du Conseil d’Etat relatif au décret ARGO, cela crée clairement une scission entre, d’une part, l’exercice de la fonction normative qui, dans les limites fixées par la Constitution, est l’affaire du Parlement flamand et, par délégation, celle du Gouvernement flamand et, d’autre part, l’exercice du pouvoir organisateur de l’enseignement communautaire, qui devient l’affaire exclusive de l’organisme public dorénavant dénommé ʽ het Gemeenschapsonderwijs ʼ » (Doc. parl., Parlement flamand, 1997-1998, n° 1095/3, p. 8).
B.7.3. L’article 23, § 1er, du décret spécial du 14 juillet 1998 octroie aux conseils d’administration des groupes d’écoles du GO! plusieurs compétences relatives aux centres d’encadrement des élèves. Ainsi, en matière de politique générale, le conseil d’administration est compétent pour la création, la fusion et la suppression des centres d’encadrement des élèves (1°, a)) et pour le règlement de conflits entre le centre d’encadrement des élèves et les écoles au sein du groupe d’écoles (1°, f)). En matière de politique pédagogique, le conseil d’administration est compétent pour l’organisation du fonctionnement du centre d’encadrement des élèves (2°, b)) et pour la conclusion de la convention avec un centre d’encadrement des élèves (2°, e)). En matière de politique financière et matérielle, le conseil d’administration est compétent pour la gestion et l’attribution des moyens du groupe d’écoles aux écoles et au centre d’encadrement des élèves (4°, a)). En vertu de l’article 23, § 3, du décret spécial du 14 juillet 1998, les conseils d’administration des groupes d’écoles sont par ailleurs « compétents pour
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toutes les questions que le [même] décret spécial n’attribue pas explicitement à d’autres organes de direction ».
B.8.1. En vertu de l’article 16, § 2, du décret du 27 avril 2018, tous les centres situés dans une même région « coopèrent » au sein d’une cellule régionale d’appui inter-réseaux. Cette cellule est exclusivement compétente pour conclure des « accords » relatifs aux matières visées dans cette disposition. Il s’ensuit que la cellule régionale d’appui inter-réseaux ne peut pas conclure de tels accords sans que tous les centres d’encadrement des élèves concernés – et seulement ces centres – aient donné leur consentement à ce sujet.
Par conséquent, l’article 16, § 2, du décret du 27 avril 2018 ne prévoit pas que la Communauté flamande délègue, en tant que pouvoir organisateur, des compétences à un organe autonome au sens de l’article 24, § 2, de la Constitution (voy. aussi CE, avis n° 33.808/1/VR
du 12 novembre 2002, pp. 13-14). La circonstance que la coopération obligatoire, ainsi que le fait valoir le GO!, puisse avoir une incidence sur la manière dont les groupes d’écoles exercent leurs compétences en tant que pouvoirs organisateurs des centres d’encadrement des élèves, ne conduit pas à une autre conclusion.
B.8.2. Du reste, il convient de constater que, bien que cela ne ressorte pas de l’intitulé du décret du 27 avril 2018, ce dernier a effectivement été adopté à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés (Ann., Parlement flamand, 18 avril 2018, PLEN 29, p. 89).
B.9. L’article 16, § 2, du décret du 27 avril 2018 est compatible avec l’article 24, § 2, de la Constitution.
Quant à la seconde question préjudicielle
B.10. Par la seconde question préjudicielle, le Conseil d’État demande à la Cour si l’article 16, § 2, du décret du 27 avril 2018 est compatible avec l’article 24, § 1er, de la Constitution, « en ce que les centres d’encadrement des élèves de l’enseignement communautaire sont contraints de coopérer au sein de cellules régionales d’appui inter-réseaux, lesquelles sont compétentes pour une série de missions pédagogiques concrètes, de sorte que,
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premièrement, il restreint les possibilités pour les écoles d’organiser leur enseignement et entrave leur liberté de déterminer et de mettre en œuvre leur projet pédagogique propre et que, deuxièmement, les centres d’encadrement des élèves ne peuvent plus créer un projet pédagogique conforme à leurs conceptions ».
B.11. L’article 24, § 1er, alinéa 1er, de la Constitution dispose :
« L’enseignement est libre ; toute mesure préventive est interdite; […] ».
B.12.1. La liberté de l’enseignement garantie par l’article 24, § 1er, de la Constitution implique que des personnes privées puissent, sans autorisation préalable et sous réserve du respect des libertés et droits fondamentaux, organiser et faire dispenser un enseignement selon leur propre conception, tant en ce qui concerne la forme de cet enseignement qu’en ce qui concerne son contenu, par exemple en créant des écoles dont la spécificité réside dans des conceptions déterminées d’ordre pédagogique ou éducatif.
Cette liberté n’empêche toutefois pas que le législateur compétent prenne, en vue d’assurer la qualité et l’équivalence de l’enseignement obligatoire ou de l’enseignement dispensé au moyen des deniers publics, des mesures qui soient applicables de manière générale aux établissements d’enseignement, indépendamment de la spécificité de l’enseignement dispensé par ceux-ci.
B.12.2. La liberté d’enseignement définie à l’article 24, § 1er, de la Constitution suppose que les pouvoirs organisateurs qui ne relèvent pas directement de la communauté puissent, sous certaines conditions, prétendre à des subventions à charge de celle-ci.
Le droit aux subventions est limité, d’une part, par la possibilité pour la communauté de lier celles-ci à des exigences tenant à l’intérêt général, entre autres celles d’un enseignement de qualité, du respect de normes de population scolaire et d’une égalité d’accès à l’enseignement, et, d’autre part, par la nécessité de répartir les moyens financiers disponibles entre les diverses missions de la communauté.
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La liberté d’enseignement connaît dès lors des limites et n’empêche pas que le législateur décrétal impose des conditions de financement et d’octroi de subventions qui restreignent l’exercice de cette liberté.
B.12.3. L’opportunité et le choix de ces mesures sont l’affaire du législateur compétent, en l’occurrence du législateur décrétal qui, en application de l’article 24, § 5, de la Constitution, doit régler l’organisation, la reconnaissance et le subventionnement de l’enseignement et porte la responsabilité de la politique en cette matière.
Il n’appartient pas à la Cour de juger si la disposition en cause est souhaitable. Il lui incombe toutefois d’apprécier si les obligations qu’impose cette disposition ne portent pas une atteinte disproportionnée à la liberté pédagogique qu’implique la liberté d’enseignement, garantie par l’article 24, § 1er, de la Constitution. Les limitations concrètes que les mesures prises apportent à la liberté d’enseignement doivent être adéquates et proportionnées par rapport aux objectifs poursuivis par le législateur décrétal.
B.13. Ni la question préjudicielle ni l’arrêt de renvoi ne permettent de déduire en quoi l’article 16, § 2, du décret du 27 avril 2018 « restreint les possibilités pour les écoles d’organiser leur enseignement et entrave leur liberté de déterminer et de mettre en œuvre leur projet pédagogique propre ». Cette disposition n’impose des obligations qu’aux centres d’encadrement des élèves. Au demeurant, l’article 7 du même décret dispose que la politique du centre d’encadrement des élèves « respecte le projet pédagogique des écoles avec lesquelles il coopère ». Cette obligation vaut a fortiori pour les cellules régionales d’appui inter-réseaux, au sein desquelles coopèrent les centres d’encadrement des élèves.
B.14. Il ressort des travaux préparatoires mentionnés en B.6.3 que la notion d’« enseignement » au sens de l’article 24, § 1er, de la Constitution a une large portée et que la liberté d’enseignement garantie par cet article vaut également pour les centres d’encadrement des élèves.
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B.15.1. En vertu de l’article 2, 15°, du décret du 27 avril 2018, « l’encadrement des élèves se situe dans quatre domaines : la carrière scolaire, l’apprentissage et l’étude, le fonctionnement psychique et social et les soins de santé préventifs » (voy. aussi l’article 4, § 2, du même décret).
L’article 16, § 2, alinéa 1er, 1°, du décret du 27 avril 2018 dispose que la cellule régionale d’appui inter-réseaux est compétente pour conclure des accords relatifs aux actions entreprises par la cellule en ce qui concerne les thèmes suivants : « le point de contact pour les élèves de l’enseignement à domicile qui se présentent pour un contact systématique obligatoire » (c)) et « la coordination pratique des contacts systématiques et des vaccinations afin que ceux-ci puissent se dérouler dans l’infrastructure la plus proche de l’école qui est conforme à la disposition de l’article 19, 3° » (d)). Ces thèmes sont exclusivement liés au domaine d’encadrement relatif aux soins de santé préventifs. Dans cette mesure, la disposition en cause ne porte pas atteinte à la liberté d’enseignement.
B.15.2. De plus, la circonstance qu’en vertu de l’article 16, § 2, alinéa 4, du décret du 27 avril 2018, « la cellule régionale d’appui inter-réseaux [à] laquelle le centre participe est également impliquée dans l’audit du centre » n’implique pas que cette cellule se voie conférer un pouvoir décisionnaire en ce qui concerne l’évaluation du fonctionnement du centre. Partant, cette disposition n’entraîne pas non plus une restriction de la liberté d’enseignement des centres d’encadrement des élèves.
B.16. En ce que les matières visées à l’article 16, § 2, alinéa 1er, 1°, a), b), e), f), g), h) et i), 2°, 3° et 4°, sont susceptibles d’avoir une incidence sur les aspects organisationnels et/ou matériels de l’encadrement des élèves sur le plan pédagogique, la disposition en cause restreint en revanche la liberté d’enseignement des centres d’encadrement des élèves, qui sont tenus de coopérer et de conclure des accords à ce sujet. La Cour doit examiner si une telle restriction est raisonnablement justifiée.
B.17.1. Comme il est dit en B.2.1, le législateur décrétal a voulu optimiser le fonctionnement des centres d’encadrement des élèves et le rendre plus efficace. Une coopération inter-réseaux dans certaines matières entre les centres d’encadrement des élèves dans une même région permet d’atteindre cet objectif. Ceci résulte également de l’audit sur le fonctionnement des centres d’encadrement des élèves cité dans les travaux préparatoires, lequel
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recommande notamment de mettre en place des « incitants publics pour une coopération inter-
réseaux approfondie » (Doc. parl. Parlement flamand, 2017-2018, n° 1498/1, p. 6).
B.17.2. Il relève du pouvoir d’appréciation du législateur décrétal de rendre une telle coopération obligatoire plutôt que de donner à cette coopération un caractère volontaire. Le législateur décrétal a pu considérer qu’une coopération volontaire entre les centres d’encadrement des élèves, contrairement à ce que fait valoir le GO!, ne permet pas d’atteindre dans la même mesure l’objectif qu’il poursuit. En effet, divers facteurs, tels que le fait d’appartenir à des réseaux d’enseignement différents, peuvent avoir une incidence sur la disposition des centres d’encadrement des élèves à coopérer volontairement entre eux et pourraient empêcher une telle coopération, même si celle-ci optimisait le fonctionnement des centres et en améliorait l’efficacité.
B.18.1. La Cour doit encore examiner si la coopération inter-réseaux obligatoire visée à l’article 16, § 2, alinéa 1er, 1°, a), b), e), f), g), h) et i), 2°, 3° et 4°, du décret du 27 avril 2018
produit des effets disproportionnés, compte tenu des matières concernées par cette coopération et de ses modalités.
B.18.2.1. La compétence de la cellule régionale d’appui inter-réseaux de conclure, conformément à l’article 16, § 2, alinéa 1er, 1°, a), des accords relatifs au thème intitulé « la coordination de l’accessibilité, des heures d’ouverture et des permanences dans tous les centres de la région » est d’ordre purement organisationnel. Cette disposition permet de répondre aux attentes des parents, des élèves et des partenaires de l’aide sociale mentionnées dans l’exposé des motifs en ce qui concerne une plus grande accessibilité des centres d’encadrement des élèves avant et après les heures de bureau et les heures d’école et pendant les vacances scolaires (Doc. parl., Parlement flamand, 2017-2018, n° 1498/1, p. 6), sans imposer concrètement aux centres des heures d’ouverture déterminées.
Du reste, la disposition en cause ne porte pas atteinte à l’article 11 du décret du 27 avril 2018. Conformément à cette disposition, « le centre est fermé du 15 juillet au 15 août, les samedis et dimanches et les jours fériés légaux et décrétaux » ainsi que « du 25 décembre au 1er janvier » (article 11, alinéa 1er). En dehors de cette période de fermeture obligatoire, « le centre choisit au maximum quatorze jours calendaires pendant lesquels il sera fermé, après
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négociation au sein du comité local et en coordination avec la fermeture des autres centres dans la cellule régionale d’appui inter-réseaux, avec au moins un centre ouvert à tout moment dans la région » (article 11, alinéa 2). En outre, « le centre lui-même, après négociation au sein du comité local, détermine ses heures d’ouverture entre 7 h et 21 h » (article 11, alinéa 3).
B.18.2.2. Les thèmes visés à l’article 16, § 2, alinéa 1er, 1°, b), e), f), h) et i), concernent :
« b) la mise en commun d’expertise relative à la précarité en vue d’une communication ciblée, d’une organisation efficace et d’un encadrement approprié des élèves défavorisés dans la région;
[…]
e) l’identification des problèmes d’absentéisme scolaire dans la région et, en coopération avec les acteurs régionaux, l’élaboration et la mise en œuvre d’un plan d’action ciblé pour réduire l’absentéisme scolaire et le décrochage scolaire précoce;
f) le suivi des élèves dont le parcours scolaire se caractérise par des absences fréquentes, l’exclusion, la suspension et des changements d’école, afin qu’ils puissent terminer l’enseignement secondaire avec une qualification d’enseignement;
[…]
h) la fourniture d’informations objectives sur la structure et l’organisation du paysage éducatif flamand à des moments charnières pour tous les élèves de la région;
i) la mise en commun de l’expertise sur la radicalisation et le travail sur la déradicalisation au sein de la région, si nécessaire ».
Il s’agit de matières spécifiques, à l’égard desquelles la cellule régionale d’appui inter-
réseaux a principalement des missions de soutien. Ces missions n’empêchent pas les centres individuels d’encadrement des élèves de travailler eux-mêmes sur ces matières et de fixer leurs propres priorités à cet égard. Le législateur décrétal a pu toutefois considérer qu’une coopération relative à de telles matières spécifiques permettrait aux centres d’encadrement des élèves de mobiliser de manière optimale l’expertise disponible à ce sujet et d’exercer leurs missions plus efficacement.
B.18.2.3. En vertu de l’article 16, § 2, alinéa 1er, 1°, g), la cellule régionale d’appui inter-
réseaux travaille sur le thème intitulé « la médiation et les mesures restauratrices en cas de rupture de la communication entre l’élève, les parents et l’école et en cas de risque d’exclusion, de suspension ou d’abandon scolaire » et agit « en tant que troisième acteur neutre contribuant
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à la résolution des conflits ». Cette mission ne porte pas atteinte au rôle en matière d’encadrement des élèves que jouent l’école et le centre d’encadrement des élèves, mais vise plutôt à ce que ceux-ci soient à nouveau en mesure de remplir ce rôle, plus précisément lorsque la communication est rompue et que des mesures drastiques risquent d’être prises vis-à-vis de l’élève.
B.18.2.4. L’article 16, § 2, alinéa 1er, 2°, 3° et 4°, du décret du 27 avril 2018 confère à la cellule régionale d’appui inter-réseaux le pouvoir de conclure des accords concernant « l’affectation de l’encadrement en personnel dont dispose la cellule et la gestion du personnel de la cellule, notamment les critères d’embauche, d’employabilité, de fonctionnement et d’évaluation [du personnel] » (2°), « l’affectation du budget de fonctionnement destiné à l’appui logistique et matériel, dont dispose la cellule » (3°) et « l’assurance qualité interne de la cellule » (4°).
Certes, les centres d’encadrement des élèves sont susceptibles de subir les conséquences des accords ainsi conclus. Les matières précitées concernent en effet l’organisation et le fonctionnement de la cellule régionale d’appui inter-réseaux, au sein de laquelle les centres doivent coopérer. Cette cellule ne dispose toutefois d’aucune compétence relative à l’encadrement en personnel, à la gestion du personnel, au budget de fonctionnement ni à l’assurance qualité interne des centres d’encadrement des élèves à proprement parler.
B.18.3. Il résulte en outre de la circonstance que les centres d’encadrement des élèves dans une même région « coopèrent » au sein d’une cellule régionale d’appui inter-réseaux et que cette cellule conclut des « accords » relatifs aux matières précitées qu’aucune décision ne peut être prise sans que tous les centres concernés l’aient approuvée, comme il est dit en B.8.1. Ainsi que l’observe le Gouvernement flamand, rien n’empêche d’ailleurs que les accords conclus tiennent compte des spécificités et des conceptions pédagogiques des centres individuels d’encadrement des élèves et du réseau d’enseignement dont ils dépendent.
B.18.4. Il résulte de ce qui précède que l’article 16, § 2, alinéa 1er, 1°, a), b), e), f), g), h)
et i), 2°, 3° et 4°, du décret du 27 avril 2018 n’intervient pas de manière disproportionnée dans l’organisation et le fonctionnement des centres d’encadrement des élèves.
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B.19. Enfin, en ce que l’article 16, § 2, 1°, alinéa 2, du décret du 27 avril 2018 habilite le Gouvernement flamand à déterminer des « thèmes supplémentaires » pour lesquels une coopération est obligatoire, il y a lieu de relever que, lorsqu’un législateur délègue, il faut supposer, sauf indications contraires, qu’il entend exclusivement habiliter le délégué à faire de son pouvoir un usage conforme à la Constitution. C’est au juge compétent qu’il appartient de contrôler si l’usage que le Gouvernement flamand fait de l’habilitation qui lui a été conférée est excessif, eu égard à la liberté d’enseignement des centres d’encadrement des élèves. Il en va de même si, en vertu de l’article 16, § 2, alinéa 3, du même décret, le Gouvernement flamand « octroie annuellement[, dans les limites des crédits budgétaires disponibles,] des moyens à l’encadrement en personnel et au budget de fonctionnement des cellules régionales d’appui inter-réseaux ».
B.20. L’article 16, § 2, du décret du 27 avril 2018 est compatible avec l’article 24, § 1er, de la Constitution.
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Par ces motifs,
la Cour
dit pour droit :
L’article 16, § 2, du décret de la Communauté flamande du 27 avril 2018 « relatif à l’encadrement des élèves dans l’enseignement fondamental, l’enseignement secondaire et dans les centres d’encadrement des élèves » ne viole pas l’article 24, §§ 1er et 2, de la Constitution.
Ainsi rendu en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l’article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 23 novembre 2023.
Le greffier, Le président,
N. Dupont L. Lavrysen