Cour constitutionnelle
Arrêt n° 154/2023
du 23 novembre 2023
Numéro du rôle : 7891
En cause : le recours en annulation des articles 40 et 41 de la loi du 30 juillet 2022 « visant à rendre la justice plus humaine, plus rapide et plus ferme II », introduit par la SA « Derby ».
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges J. Moerman, M. Pâques, D. Pieters, W. Verrijdt et K. Jadin, assistée du greffier N. Dupont, présidée par le président P. Nihoul,
après en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant :
I. Objet du recours et procédure
Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 7 novembre 2022 et parvenue au greffe le 16 novembre 2022, la SA « Derby », assistée et représentée par Me P. Joassart, avocat au barreau de Bruxelles, a introduit un recours en annulation des articles 40 et 41 de la loi du 30 juillet 2022 « visant à rendre la justice plus humaine, plus rapide et plus ferme II » (publiée au Moniteur belge du 8 août 2022).
Par la même requête, la partie requérante demandait également la suspension des mêmes dispositions légales. Par l’arrêt n° 25/2023 du 9 février 2023
(ECLI:BE:GHCC:2023:ARR.025), publié au Moniteur belge du 11 août 2023, deuxième édition, la Cour a rejeté la demande de suspension.
Des mémoires et mémoires en réplique ont été introduits par :
- la SA « Fremoluc », assistée et représentée par Me F. Tulkens et Me L. Malluquin, avocats au barreau de Bruxelles;
- la SA « Rocoluc », assistée et représentée par Me F. Tulkens et Me L. Malluquin;
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- le Conseil des ministres, assisté et représenté par Me P. Levert, avocat au barreau de Bruxelles.
La partie requérante a introduit un mémoire en réponse.
Par ordonnance du 4 octobre 2023, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteurs K. Jadin et D. Pieters, a décidé que l’affaire était en état, qu’aucune audience ne serait tenue, à moins qu’une partie n’ait demandé, dans le délai de sept jours suivant la réception de la notification de cette ordonnance, à être entendue, et qu’en l’absence d’une telle demande, les débats seraient clos le 18 octobre 2023 et l’affaire mise en délibéré.
Aucune demande d’audience n’ayant été introduite, l’affaire a été mise en délibéré le 18 octobre 2023.
Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives à la procédure et à l’emploi des langues ont été appliquées.
II. En droit
-A-
Quant à l’intérêt au recours
A.1.1. La partie requérante expose qu’elle est active dans le domaine des jeux et paris, qu’elle est titulaire de licences F1 et F2 et qu’elle exploite des établissements de jeux de hasard de classe IV. Selon elle, les articles 40
et 41 de la loi du 30 juillet 2022 « visant à rendre la justice plus humaine, plus rapide et plus ferme II » (ci-après :
la loi du 30 juillet 2022), qui modifient respectivement les articles 55 et 62 de la loi du 7 mai 1999 « sur les jeux de hasard, les paris, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs » (ci-après : la loi du 7 mai 1999), affectent directement et défavorablement sa situation, dès lors que ces dispositions restreignent l’exercice de ses activités et lui imposent des obligations contraignantes.
A.1.2. Le Conseil des ministres fait valoir que l’article 40 de la loi du 30 juillet 2022 ne fait pas grief à la partie requérante. Il estime que cette disposition ne fait l’objet d’aucun moyen, ni d’aucune critique de la part de la partie requérante. Il ajoute que cette disposition se limite à mettre en œuvre le cadre légal en matière de protection des données. Il en conclut que le recours est partiellement irrecevable.
A.1.3. La partie requérante répond qu’il n’est pas contesté que le recours est recevable en ce qu’il est dirigé contre l’article 41 de la loi du 30 juillet 2022. Elle se réfère également à l’arrêt de la Cour n° 25/2023 du 9 février 2023 (ECLI:BE:GHCC:2023:ARR.025), rendu dans le cadre de la demande de suspension, par lequel la Cour a jugé que le recours est irrecevable en ce qu’il est dirigé contre l’article 40 de la loi du 30 juillet 2022.
A.1.4. Le Conseil des ministres réplique que la partie requérante ne conteste pas le constat d’irrecevabilité partielle effectué par l’arrêt de la Cour n° 25/2023.
Quant à l’intérêt à intervenir
A.2.1. La SA « Fremoluc » expose qu’elle est titulaire d’une licence C et qu’elle exploite un établissement de jeux de hasard de classe III. Elle fait valoir qu’elle entre en concurrence avec les autres établissements de jeux de hasard, toutes classes confondues. Elle souligne que, contrairement aux établissements de jeux de hasard de classes I, II et IV, ceux de classe III, dès lors qu’ils proposent des jeux de hasard dans des conditions strictes, ne
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sont pas soumis à l’obligation de contrôle EPIS (Excluded Persons Information System) et aux obligations en matière d’accès qui sont prévues aux articles 55 et 62 de la loi du 7 mai 1999, que les dispositions attaquées modifient. Selon elle, l’annulation des dispositions attaquées assouplirait les obligations applicables aux établissements de jeux de hasard de classes I, II et IV et conférerait dès lors à ceux-ci un avantage concurrentiel injustifié. Elle en conclut qu’elle a intérêt à intervenir dans la procédure.
A.2.2. La SA « Rocoluc » expose qu’elle est titulaire de licences B et B+ et qu’elle exploite un établissement de jeux de hasard de classe II et un site internet proposant des jeux de hasard de classe II. Elle fait valoir qu’elle entre en concurrence avec les autres établissements de jeux de hasard, toutes classes confondues. Elle souligne qu’elle est soumise à l’obligation de contrôle EPIS et aux obligations en matière d’accès qui sont prévues aux articles 55 et 62 de la loi du 7 mai 1999, que les dispositions attaquées modifient. Elle observe que ces obligations sont applicables aux établissements de jeux de hasard de classe IV uniquement depuis l’entrée en vigueur de la loi du 7 mai 2019 « modifiant la loi du 7 mai 1999 sur les jeux de hasard, les paris, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs, et insérant l’article 37/1 dans la loi du 19 avril 2002 relative à la rationalisation du fonctionnement et de la gestion de la Loterie Nationale » (ci-après : la loi du 7 mai 2019). Selon elle, l’annulation des dispositions attaquées pourrait affecter ces obligations et avoir une incidence sur les recours que la partie requérante a introduits devant le Conseil d’État, qui visent à ce que les établissements de jeux de hasard de classe IV ne soient pas soumis à ces obligations. Elle estime que cela engendrerait une différence de traitement à son détriment, dès lors qu’elle demeurerait soumise à ces obligations. Elle en conclut qu’elle a intérêt à intervenir dans la procédure.
A.2.3. L’intérêt des parties intervenantes n’est pas contesté par les autres parties.
Quant au moyen unique
A.3. La partie requérante prend un moyen unique, divisé en deux branches, de la violation, par les dispositions attaquées, de l’article 22 de la Constitution, lu en combinaison avec l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, avec les articles 7 et 8 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et avec les articles 5, 6 et 9 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 « relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données) » (ci-après : le RGPD).
En ce qui concerne la première branche
A.4.1. La partie requérante fait valoir que l’article 22 de la Constitution contient un principe de légalité formelle, qui exige que le législateur fixe lui-même les éléments essentiels d’un traitement de données à caractère personnel, lesquels ont été énumérés par l’arrêt de la Cour n° 33/2022 du 10 mars 2022
(ECLI:BE:GHCC:2022:ARR.033). Elle ajoute que l’article 22 de la Constitution, lu en combinaison avec les dispositions conventionnelles visées dans le moyen et avec l’article 5, paragraphe 1, du RGPD, contient un principe de légalité matérielle, qui exige qu’une ingérence dans le droit au respect de la vie privée et dans le droit à la protection des données à caractère personnel soit définie de façon claire et précise. Elle fait valoir que les dispositions attaquées ne respectent pas ces exigences, en ce qu’elles ne fixent pas de manière suffisamment précise tous les éléments essentiels des traitements de données à caractère personnel qu’elles autorisent.
Premièrement, la partie requérante relève que les dispositions attaquées prévoient le traitement d’une nouvelle catégorie de données à caractère personnel dans le registre d’accès visé à l’article 62 de la loi du 7 mai 1999, à savoir la prise et la conservation d’une photographie des joueurs accédant aux établissements de jeux de hasard fixes de classe IV. Selon elle, les finalités poursuivies par ce nouveau traitement ne sont pas définies de façon suffisamment précise par les dispositions attaquées. Elle souligne que ce nouveau traitement poursuit un objectif de protection des joueurs, ainsi que cela ressort (1) des travaux préparatoires de la loi du 30 juillet 2022, (2) du libellé de l’article 41, 2°, de cette loi, qui précise que le registre d’accès a pour finalité de permettre à la Commission des jeux de hasard de vérifier si le contrôle EPIS a bien été effectué, et (3) du fait que le registre d’accès fait partie des « mesures de protection des joueurs et des parieurs » contenues dans le chapitre VI de la loi du 7 mai 1999. Elle relève qu’il ressort néanmoins du commentaire de l’avant-projet de loi que les photographies pourront également être utilisées par la police dans le cadre d’enquêtes ne présentant aucun lien avec le respect de
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la législation sur les jeux de hasard. La partie requérante relève que, dans leurs avis, la section de législation du Conseil d’État et l’Autorité de protection des données ont été très critiques à cet égard. Elle souligne que, malgré ces critiques, la finalité policière a été confirmée par le ministre de la Justice lors des travaux préparatoires. Selon elle, il s’ensuit que le nouveau traitement de données à caractère personnel poursuit un objectif de répression des infractions, lequel n’est ni précisé, ni encadré par les dispositions attaquées. Toujours selon elle, les joueurs n’ont donc pas une idée suffisamment claire des conditions dans lesquelles et des finalités pour lesquelles leur photographie pourra être utilisée, de sorte que le principe de légalité n’est pas respecté. Elle fait également valoir que les dispositions attaquées violent les articles 5, paragraphe 1, b), 6, paragraphe 4, et 9, paragraphes 1 et 2, du RGPD, qui s’opposent à ce que des photographies - qui peuvent, en l’espèce, être considérées comme des données biométriques - puissent être traitées pour une finalité policière incompatible avec la finalité initiale de la protection des joueurs.
Deuxièmement, la partie requérante fait valoir que les dispositions attaquées ne fixent pas certains éléments essentiels des traitements de données à caractère personnel qu’elles autorisent. D’une part, en ce qui concerne le système EPIS, les dispositions attaquées ne déterminent ni les catégories de personnes ayant accès aux données, ni la durée maximale de conservation des données. D’autre part, en ce qui concerne le registre d’accès, les dispositions attaquées n’identifient ni les catégories de personnes ayant accès aux données, ni le responsable du traitement. Selon la partie requérante, il s’ensuit que le Roi est habilité à déterminer des éléments essentiels. Elle se réfère à cet égard aux habilitations prévues par les articles 55, dernier alinéa, et 62, alinéas 6 et 7, de la loi du 7 mai 1999. Elle en conclut que les dispositions attaquées violent le principe de légalité.
A.4.2. Le Conseil des ministres se réfère tout d’abord aux considérants B.53.3 et suivants de l’arrêt de la Cour n° 177/2021 du 9 décembre 2021 (ECLI:BE:GHCC:2021:ARR.177), qui portaient sur l’article 62 de la loi du 7 mai 1999, tel qu’il avait été modifié par la loi du 7 mai 2019. Selon lui, ces considérants sont transposables en l’espèce.
En ce qui concerne les finalités poursuivies par la prise et la conservation d’une photographie du joueur, le Conseil des ministres souligne que le grief de la partie requérante se fonde sur un commentaire qui était contenu dans l’avant-projet de loi mais qui ne figure plus dans le projet de loi. Il fait valoir que le grief repose sur un postulat erroné puisque l’article 41 de la loi du 30 juillet 2022 est clair : les objectifs poursuivis sont la protection des joueurs et le contrôle des opérateurs. Il se réfère à cet égard à l’arrêt de la Cour n° 177/2021 et à l’avis de l’Autorité de protection des données sur le projet à l’origine de l’arrêté royal du 20 mars 2022 « modifiant deux arrêtés royaux du 15 décembre 2004 en ce qui concerne le système EPIS et le registre d’accès » (ci-après : l’arrêté royal du 20 mars 2022). Selon lui, le grief de la partie requérante concerne la mise en œuvre concrète du traitement des données collectées, et non la constitutionnalité de l’article 41 de la loi du 30 juillet 2022. Ensuite, le Conseil des ministres fait valoir qu’en tout état de cause, le RGPD n’est pas applicable au traitement effectué par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions, cette matière étant régie par la directive (UE) 2016/680 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 « relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d’enquêtes et de poursuites en la matière ou d’exécution de sanctions pénales, et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la décision-cadre 2008/977/JAI du Conseil » (ci-après : la directive (UE) 2016/680). Il ajoute qu’il ressort des considérants 19 et 50 et des articles 4, 6 et 23 du RGPD que celui-ci ne s’oppose pas à ce que des informations collectées en vue de répondre à des finalités spécifiques puissent aussi faire l’objet d’un traitement à des fins de prévention et de détection des infractions. Il précise que le transfert des données collectées ne peut se faire que dans le cadre précis du Code d’instruction criminelle.
En ce qui concerne le grief selon lequel les dispositions attaquées ne fixent pas certains éléments essentiels du système EPIS, le Conseil des ministres fait valoir que le grief porte en réalité sur les articles 55 et 62 de la loi du 7 mai 1999 dans leur rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de la loi du 30 juillet 2022. Selon lui, il en va de même en ce qui concerne les griefs qui portent sur le registre d’accès et sur les habilitations conférées au Roi.
Il en conclut que ces griefs sont étrangers aux dispositions attaquées et sont donc irrecevables.
A.4.3. La partie requérante répond, en premier lieu, que la finalité relative à la répression des infractions est effectivement poursuivie en pratique, comme en attestent un article de presse et une demande d’information formulée par un inspecteur de police. Elle ajoute qu’il ne saurait être soutenu qu’il s’agit exclusivement d’une mauvaise application de la législation, qui ne serait pas imputable au législateur, dès lors que la collaboration avec
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la police a été explicitement présentée comme une finalité supplémentaire dans les travaux préparatoires, y compris dans le rapport de la première lecture, qui est postérieur aux avis de la section de la législation du Conseil d’État et de l’Autorité de protection des données. De plus, elle indique que, par une ordonnance du 17 janvier 2023, le juge des référés du Tribunal de première instance de Namur a suspendu l’application des traitements de données visées par le recours en annulation présentement examiné. Elle relève que le juge des référés a reconnu l’illégalité du traitement en raison de l’objectif de répression des infractions qui n’est pas expressément prévu comme finalité.
Enfin, elle estime que la directive (UE) 2016/680 n’est pas applicable en l’espèce, dès lors que l’obligation de conservation est imposée à une entreprise privée, et non à une « autorité compétente » au sens de l’article 3, 7), de cette directive.
En deuxième lieu, la partie requérante relève que l’article 62, alinéa 1er, de la loi du 7 mai 1999, tel qu’il a été modifié par l’article 41 de la loi du 30 juillet 2022, prévoit que la photographie doit être prise et conservée « à chaque visite de la personne concernée ». Selon elle, les termes « personne concernée » ne sont ni clairs, ni précis, ni prévisibles. Elle observe que, sur la base des travaux préparatoires et de l’arrêt de la Cour n° 177/2021, ces termes pourraient être interprétés comme visant uniquement les joueurs. Cela étant, elle relève que la Commission des jeux de hasard interprète ces termes comme visant toute personne présente dans l’agence de paris. Selon la partie requérante, il s’ensuit que l’identité des personnes visées par le traitement de données - qui constitue un élément essentiel - n’est pas suffisamment prévisible, de sorte que les dispositions visées dans le moyen sont violées. Elle ajoute que, dès lors que le non-respect de l’article 62 de la loi du 7 mai 1999 est pénalement sanctionné, le principe de légalité des incriminations garanti par l’article 12, alinéa 2, de la Constitution est également violé. Enfin, elle souligne que l’arrêté royal du 15 décembre 2004 « relatif au registre d’accès aux salles de jeux des établissements de jeux de hasard de classe I, II et aux établissements de jeux de hasard fixes de classe IV », tel qu’il a été modifié par l’arrêté royal du 20 mars 2022, n’apporte pas davantage de clarté sur ce point.
En troisième lieu, la partie requérante souligne qu’à défaut de précision quant aux techniques utilisées pour le traitement, il existe un risque que la photographie fasse l’objet d’un traitement technique spécifique et qu’elle constitue dès lors une donnée biométrique au sens de l’article 4, 14), du RGPD. Elle relève que le traitement d’une telle donnée est en règle interdit par l’article 9, paragraphe 1, du RGPD et qu’aucune des exceptions prévues à l’article 9, paragraphe 2, du RGPD n’est applicable en l’espèce. Elle souligne à cet égard que la photographie n’est justifiée par les travaux préparatoires et par le Conseil des ministres que comme un substitut à la signature du registre – signature qui reste toutefois obligatoire, ce qui démontre l’inutilité de la photographie – ou à l’identification via la carte d’identité électronique. Selon la partie requérante, il n’est pas démontré qu’une identification via la carte d’identité électronique risquerait d’entraîner des abus. De plus, elle estime que la photographie ne permet pas de répondre adéquatement aux situations dans lesquelles une personne prêterait volontairement sa carte d’identité à une autre, dès lors que, dans de telles situations, les deux personnes concernées présentent généralement une ressemblance physique. Enfin, elle demande qu’en cas de doute sur la qualification en tant que donnée biométrique, une question préjudicielle soit posée à la Cour de justice de l’Union européenne.
A.4.4. Le Conseil des ministres réplique que la référence faite par la partie requérante à un article de presse et à une demande d’information formulée par un inspecteur de police confirme que le grief porte sur la mise en œuvre concrète du traitement et est dès lors irrecevable. De plus, selon lui, la déclaration du ministre de la Justice lors des discussions en commission se limite à rappeler les prérogatives du ministère public et du juge d’instruction.
Toujours selon lui, on ne saurait considérer qu’un traitement de données poursuit une finalité policière au seul motif qu’il existe une possibilité que les autorités judiciaires aient accès à ces données dans le respect du Code d’instruction criminelle. En ce qui concerne la directive (UE) 2016/680, le Conseil des ministres estime que la partie requérante confond la tenue du registre et l’usage qui peut en être fait par les services de police. Selon lui, cet usage relève du champ d’application de cette directive. Toujours selon lui, le mémoire en réponse de la partie requérante opère un glissement de la question relative à l’usage des données vers celle de la conservation des données. Il fait valoir que ce grief est tardif et donc irrecevable.
En ce qui concerne le grief relatif à l’imprécision des termes « personne concernée », le Conseil des ministres relève que ce grief est soulevé pour la première fois dans le mémoire en réponse et est donc tardif. Ensuite, il soutient qu’il ressort de l’article 62 de la loi du 7 mai 1999 que la « personne concernée » ne peut être qu’un joueur.
Selon lui, cette conclusion n’est pas en contradiction avec l’interprétation de la Commission des jeux de hasard. Il
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ajoute qu’un joueur frappé d’exclusion doit être enregistré, même s’il ne peut pas jouer. Il se réfère à cet égard à l’arrêt de la Cour n° 177/2021 et à l’article 2, dernier alinéa, de l’arrêté royal du 15 décembre 2004 « relatif au registre d’accès aux salles de jeux des établissements de jeux de hasard de classe I, II et aux établissements de jeux de hasard fixes de classe IV ».
En ce qui concerne le grief pris de la violation de l’article 9, paragraphes 1 et 2, du RGPD en ce que la photographie constitue une donnée biométrique, le Conseil des ministres fait valoir que ce grief est tardif. Il relève ensuite que l’Autorité de protection des données n’a pas considéré que la collecte des photographies était en elle-
même contraire au RGPD. Il souligne que l’article 3 de l’arrêté royal du 15 décembre 2004 « relatif au registre d’accès aux salles de jeux des établissements de jeux de hasard de classe I, II et aux établissements de jeux de hasard fixes de classe IV » limite les personnes habilitées à consulter le registre d’accès, ce qui exclut que les données puissent servir à des finalités policières ou à des finalités étrangères à celles de l’article 62 de la loi du 7 mai 1999. Pour le surplus, il se réfère à son argumentation relative à la seconde branche.
Enfin, renvoyant au considérant B.7 de l’arrêt de la Cour n° 161/2012 du 20 décembre 2012
(ECLI:BE:GHCC:2012:ARR.161) et au considérant B.50 de l’arrêt de la Cour n° 177/2021 précité, le Conseil des ministres estime qu’il n’y a pas lieu de poser de question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne.
A.4.5. Les parties intervenantes observent à titre préalable qu’à la suite de l’ordonnance du 17 janvier 2023
précitée, les établissements de jeux de hasard de classe IV, en particulier ceux dans lesquels sont proposés des paris organisés par la partie requérante, ne sont plus tenus d’opérer de contrôle EPIS. Elles indiquent que l’État belge a fait appel de cette ordonnance mais que les plaidoiries en appel ne sont prévues qu’en septembre 2023.
Elles relèvent que, dans l’attente de l’issue de la procédure en appel, le législateur a décidé de ne pas modifier la législation. Selon elles, il s’ensuit que la partie requérante a intérêt à ce que les procédures juridictionnelles progressent le moins rapidement possible. En ce qui concerne le fond, les parties intervenantes se réfèrent, à titre principal, à l’argumentation du Conseil des ministres. À titre subsidiaire, elles font valoir que les questions préjudicielles suggérées par la partie requérante ont pour seul but de prolonger la procédure, que ces questions préjudicielles ne sont pas nécessaires et qu’il n’y a dès lors pas lieu de les poser.
En ce qui concerne la seconde branche
A.5.1. La partie requérante fait valoir que les dispositions attaquées entraînent une ingérence disproportionnée dans le droit au respect de la vie privée et dans le droit à la protection des données à caractère personnel.
Premièrement, elle relève que l’article 41, 2° et 3°, de la loi du 30 juillet 2022 prévoit que la durée maximale de conservation des données et de la copie de la pièce ayant servi à l’identification du joueur est de dix ans à dater de la dernière activité de jeu de la personne concernée. Selon elle, cette durée de conservation est excessive au regard de la finalité du registre d’accès, à savoir permettre à la Commission des jeux de hasard de vérifier que les contrôles EPIS ont bien été réalisés. Toujours selon elle, la comparaison opérée par le législateur avec la durée de conservation de dix ans prévue à l’article 60 de la loi du 18 septembre 2017 « relative à la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme et à la limitation de l’utilisation des espèces » (ci-après :
la loi du 18 septembre 2017) est sans pertinence. Elle estime que si une durée de dix ans peut s’expliquer au regard des finalités poursuivies par la législation anti-blanchiment, une telle durée est déraisonnable au regard de l’objectif visant à contrôler la bonne consultation du système EPIS. Par ailleurs, elle souligne que la durée de conservation avait été réduite de minimum dix ans à minimum cinq ans par la loi du 10 janvier 2010 « portant modification de la législation relative aux jeux de hasard » (ci-après : la loi du 10 janvier 2010). Elle relève aussi que, dès lors que la durée de dix ans ne commence à courir qu’à dater de la dernière activité de jeu, la conservation des données peut perdurer durant des décennies pour les personnes qui fréquentent régulièrement les établissements concernés.
Enfin, elle fait valoir que la durée de conservation de dix ans met en lumière l’absence de pertinence de l’enregistrement des données relatives à la profession et à l’adresse, dès lors que ces données peuvent fréquemment varier au cours d’une décennie.
Deuxièmement, la partie requérante fait valoir que la prise et la conservation de la photographie du joueur ne sont ni adéquates, ni proportionnées. Tout d’abord, elle estime que cette mesure n’est pas de nature à garantir que
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seuls les joueurs qui ne sont pas exclus pourront effectivement parier. Elle rappelle que l’objectif de cette mesure est d’imposer la conservation de données infalsifiables permettant d’authentifier les joueurs qui accèdent aux salles de jeux, afin que la Commission des jeux de hasard puisse vérifier qu’aucune erreur sur la personne n’est intervenue lors du contrôle de l’accès aux salles de jeux. La partie requérante doute néanmoins que cette mesure soit de nature à réaliser cet objectif : d’une part, l’Autorité de protection des données a mis en évidence le risque de ressemblance entre les personnes et, d’autre part, les exploitants qui voudraient frauder n’inscriront pas le joueur exclu dans le registre, de sorte que la fraude n’apparaîtra pas. Ensuite, la partie requérante fait valoir qu’en tout état de cause, la prise et la conservation de la photographie du joueur est disproportionnée au regard des atteintes portées à la vie privée des joueurs. Selon elle, il existait des moyens moins attentatoires pour atteindre l’objectif poursuivi, comme la vérification de l’absence d’exclusion lors de l’accès à la salle de l’établissement. Elle souligne que l’Autorité de protection des données et la section de législation du Conseil d’État ont recommandé la mise en place d’une solution technologique basée sur l’utilisation du module d’authentification électronique de la carte d’identité. Enfin, elle estime qu’il ressort des travaux préparatoires que le législateur a lui-même admis que la mesure attaquée est disproportionnée.
A.5.2. Le Conseil des ministres se réfère tout d’abord aux considérants B.53.3 et suivants de l’arrêt de la Cour n° 177/2021, précité, qui, selon lui, sont transposables en l’espèce.
Le Conseil des ministres relève que ni l’Autorité de protection des données, ni la section de législation du Conseil d’État n’ont émis d’observation sur la durée de conservation de dix ans. Selon lui, la référence à l’article 60
de la loi du 18 septembre 2017 n’est pas inadéquate, dès lors qu’il s’agit de s’inspirer d’un référentiel existant, sans toutefois considérer que les dispositions attaquées s’inscrivent dans la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme. Il observe que la version originaire de la loi du 7 mai 1999 prévoyait que la copie de la pièce ayant servi à l’identification du joueur devait être conservée pendant dix ans, et ce, dans l’intérêt de la protection des joueurs. Selon lui, s’il est vrai que cette durée avait été réduite à cinq ans par la loi du 10 janvier 2010, cette réduction n’avait été justifiée que par le caractère peu pratique de la durée de dix ans et par le fait que la plupart des délais prévus dans la loi du 7 mai 1999 était de cinq ans. Par ailleurs, en ce qui concerne l’enregistrement pendant une durée de dix ans des données relatives à la profession et à l’adresse, le Conseil des ministres souligne que ces données sont notamment celles qui sont prévues à l’article 55 de la loi du 7 mai 1999
et qu’il ne se conçoit pas de différencier la durée de conservation pour chacune des données visées par cette disposition. Enfin, il estime que le point de départ de la durée de dix ans est logique au regard de la finalité du registre. Il se réfère à cet égard à l’arrêt de la Cour n° 177/2021. Il ajoute qu’un contrôle effectif doit pouvoir s’opérer sur toutes les activités de jeux d’un joueur et donc aussi sur la dernière.
Ensuite, le Conseil des ministres fait valoir que la prise et la conservation de la photographie du joueur constituent un moyen efficace supplémentaire d’identifier un joueur. Il souligne que cette mesure vise à assurer la protection des joueurs. Selon lui, il s’agit d’une mesure proportionnée. En premier lieu, il estime que l’argument relatif au risque de ressemblance entre les personnes ne convainc pas. En deuxième lieu, il relève qu’une solution technologique basée sur l’utilisation du module d’authentification électronique de la carte d’identité n’existe pas actuellement en pratique. En troisième lieu, il fait valoir que la photographie permet un meilleur contrôle qu’une signature sur un écran tactile. Selon lui, il arrive que des personnes exclues se présentent avec un document d’identité qui leur a été prêté volontairement par une autre personne. Il souligne que la photographie permet à la Commission des jeux de hasard de vérifier a posteriori si la personne mentionnée sur le document d’identité est effectivement celle qui s’est présentée. Selon lui, une mesure d’authentification électronique risquerait d’entraîner une utilisation abusive de la carte d’identité électronique d’autrui et du code PIN de celle-ci. Enfin, le Conseil des ministres considère que la partie requérante ne saurait utilement invoquer l’arrêté royal du 22 décembre 2010
« relatif aux modalités de surveillance et de contrôle des jeux de hasard dans les établissements de jeux de hasard de classe IV et les lieux où les paris sont engagés en vertu de l’article 43/4, § 5, de la loi du 7 mai 1999 sur les jeux de hasard, les paris, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs, notamment au moyen d’un système informatique approprié ». Il souligne que les enregistrements effectués par le système de vidéosurveillance visé à l’article 2 de cet arrêté royal, d’une part, doivent être conservés pendant quatre semaines maximum (ce qui est une durée trop courte pour le contrôle a posteriori en matière d’accès aux établissements de jeux de hasard) et, d’autre part, ne concernent que le contrôle du déroulement des opérations de jeux.
A.5.3. La partie requérante répond que, lorsqu’un joueur entre dans une agence de paris, l’exploitant vérifie d’abord si le joueur ne figure pas dans la base de données EPIS, qui contient toutes les personnes exclues, et s’il
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n’est pas exclu en raison de son âge. C’est uniquement si le joueur passe avec succès le contrôle EPIS que les données de celui-ci sont ensuite enregistrées dans le registre d’accès. Selon elle, ce système est absurde car seuls les joueurs autorisés voient leurs données conservées dans le registre d’accès. Elle relève que l’absence de proportionnalité au regard de l’objectif poursuivi a également été mise en évidence dans l’ordonnance du 17 janvier 2023, précitée. De plus, la partie requérante soutient que la conservation des données pendant dix ans dans le registre d’accès constitue une mesure superflue, dès lors qu’elle poursuit la même finalité que le registre dit « logfile » prévu à l’article 8 de l’arrêté royal du 15 décembre 2004 « relatif à la création d’un système de traitement des informations concernant les joueurs exclus des établissements de jeux de hasard de classe I, de classe II et des établissements de jeux de hasard fixes de classe IV », tel qu’il a été modifié par l’arrêté royal du 20 mars 2022. À supposer qu’il existe un doute quant à l’absence de nécessité de la mesure concernée, elle demande que la Cour pose deux questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne afin de savoir si l’article 62 de la loi du 7 mai 1999 viole plusieurs dispositions de droit européen. Enfin, elle fait valoir qu’il est artificiel de distinguer les finalités du traitement de données personnelles et l’usage concret qui en est fait.
Ensuite, en ce qui concerne la durée maximale de conservation de dix ans, la partie requérante répond, en premier lieu, que l’harmonisation avec la législation anti-blanchiment n’est pas raisonnablement justifiée. Elle relève que le registre d’accès n’est pas de nature à lutter contre le blanchiment d’argent, dès lors que les personnes entrant dans une agence de paris ne parient pas nécessairement et que le registre d’accès ne permet pas de relier une transaction à un joueur. Selon elle, il s’agit d’une nouvelle finalité qui n’est pas prévue par la loi du 7 mai 1999, comme l’a d’ailleurs constaté l’ordonnance du 17 janvier 2023, précitée. En deuxième lieu, elle expose qu’il existe déjà un registre contenant les données des joueurs qui parient un montant supérieur à 1 000 euros, dans lequel les données sont conservées pendant cinq ans (article 43/4, § 3, de la loi du 7 mai 1999 et arrêté royal du 22 décembre 2010 « déterminant le montant ou la contrepartie de la mise de paris pour laquelle une obligation d’enregistrement existe ainsi que le contenu et les modalités de cet enregistrement »). Selon elle, il aurait été plus cohérent et plus pratique de prévoir la même durée de conservation de cinq ans pour le registre d’accès, dès lors que de nombreux éléments essentiels sont identiques dans les deux registres. En troisième lieu, la partie requérante relève que le non-respect de l’article 62 de la loi du 7 mai 1999 constitue un délit et que le délai de prescription applicable est donc de cinq ans. Selon elle, rien ne justifie une durée de conservation plus de deux fois supérieure au délai de prescription. Enfin, à supposer qu’il existe un doute quant à l’inadéquation de la durée de conservation de dix ans, elle invite la Cour à demander à titre préjudiciel à la Cour de justice de l’Union européenne si l’article 62 de la loi du 7 mai 1999 viole plusieurs dispositions de droit européen.
A.5.4. Le Conseil des ministres réplique que l’argument selon lequel le registre d’accès et le registre dit « logfile » poursuivent la même finalité repose sur le postulat erroné selon lequel toutes les personnes fréquentant les établissements concernés sont contrôlées via le système EPIS. Or, il souligne que le registre d’accès vise précisément à lutter contre les fraudes au système EPIS. Selon lui, eu égard à la finalité du registre d’accès, il n’y a aucune absurdité, contrairement à ce que soutient la partie requérante.
Ensuite, le Conseil des ministres fait valoir que les informations qui doivent être récoltées en vertu de la loi du 7 mai 1999 et celles qui doivent être récoltées en vertu de la loi du 18 septembre 2017 se recoupent, ce qui n’est pas critiquable en soi. Selon lui, cela ne signifie toutefois pas que le registre d’accès vise à lutter contre le blanchiment d’argent. Toujours selon lui, les arguments avancés par la partie requérante pour justifier une durée de conservation de cinq ans sont sans pertinence.
Enfin, tout comme dans le cadre de la première branche, le Conseil des ministres estime qu’il n’y a pas lieu de poser de question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne.
A.5.5. Les parties intervenantes développent une argumentation unique, mentionnée en A.4.5, concernant les deux branches du moyen.
Quant à la demande de maintien des effets
A.6. À titre très subsidiaire, les parties intervenantes font valoir que l’annulation des dispositions attaquées engendrerait un vide juridique. Selon elles, les établissements de jeux de hasard de classe IV ne seraient plus soumis à l’obligation de contrôle EPIS, tandis que ceux de classes I et II resteraient soumis à cette obligation. Elles
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font valoir que cette différence de traitement serait discriminatoire. Selon elles, pour éviter cette discrimination et pour protéger les joueurs vulnérables, il y aurait lieu, en cas d’annulation, de maintenir les effets des dispositions annulées pendant un délai de douze mois à compter de la publication au Moniteur belge de l’arrêt de la Cour.
-B-
Quant aux dispositions attaquées et à leur contexte
B.1. La partie requérante demande l’annulation des articles 40 et 41 de la loi du 30 juillet 2022 « visant à rendre la justice plus humaine, plus rapide et plus ferme II » (ci-après : la loi du 30 juillet 2022). Ces dispositions modifient respectivement les articles 55 et 62 de la loi du 7 mai 1999 « sur les jeux de hasard, les paris, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs » (ci-après : la loi du 7 mai 1999).
B.2.1. La loi du 7 mai 1999 se fonde sur le principe selon lequel l’exploitation de jeux de hasard est a priori interdite, mais elle prévoit des exceptions par un système d’autorisations sous la forme de licences octroyées par la Commission des jeux de hasard (Doc. parl., Chambre, 2008-2009, DOC 52-1992/001, pp. 3-4). Le législateur poursuit notamment un objectif de canalisation consistant à lutter contre l’offre de jeux de hasard illégale en autorisant une offre de jeux de hasard légale limitée (ibid., p. 4).
Les établissements de jeux de hasard autorisés par la loi du 7 mai 1999 sont répartis en quatre catégories (article 6, alinéa 1er, de cette loi) : les établissements de jeux de hasard de classe I ou casinos (article 28), les établissements de jeux de hasard de classe II ou salles de jeux automatiques (article 34), les établissements de jeux de hasard de classe III ou débits de boissons (article 39) et les établissements de jeux de hasard de classe IV ou « les endroits qui sont uniquement destinés à l’engagement de paris » (article 43/4).
Aux termes de l’article 25 de la loi du 7 mai 1999, les quatre catégories d’établissements de jeux de hasard se distinguent, en outre, par le type de licence requise pour leur exploitation :
une licence A est requise pour exploiter un casino (article 25, alinéa 1er, 1), une licence B est requise pour exploiter une salle de jeux automatiques (article 25, alinéa 1er, 2), une licence C
est requise pour exploiter un débit de boissons (article 25, alinéa 1er, 3). La licence F1
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(article 25, alinéa 1er, 6) permet l’exploitation de « l’organisation de paris ». La licence F2
(article 25, alinéa 1er, 7) permet « l’engagement de paris pour le compte de titulaires de licences de classe F1 » dans un établissement de jeux de hasard fixe ou mobile de classe IV et, en dehors d’un tel établissement, par les libraires et dans les hippodromes aux conditions fixées par l’article 43/4, § 5, 1° et 2°, de la loi du 7 mai 1999.
B.2.2. L’article 54 de la loi du 7 mai 1999 concerne les interdictions d’accéder à certains établissements de jeux de hasard et de pratiquer certains jeux de hasard qui sont applicables en raison de l’âge (article 54, § 1er), qui sont applicables aux magistrats, aux notaires, aux huissiers et aux membres des services de police en dehors de l’exercice de leurs fonctions (article 54, § 2, alinéa 1er) et qui sont applicables aux personnes exclues par la Commission des jeux de hasard (article 54, §§ 3 et 4).
Certaines de ces interdictions, notamment celles qui sont applicables aux personnes exclues par la Commission des jeux de hasard, portent uniquement sur les jeux de hasard « pour lesquels une obligation d’enregistrement existe ».
B.2.3. L’article 55 de la loi du 7 mai 1999 prévoit la création d’un système de traitement des informations concernant les personnes visées à l’article 54 de la même loi. Ce système de traitement est le système EPIS (Excluded Persons Information System), qui a été instauré par l’arrêté royal du 15 décembre 2004 « relatif à la création d’un système de traitement des informations concernant les joueurs exclus des salles de jeux de hasard de classe I et de classe II » (intitulé originaire).
Avant sa modification par l’article 40 de la loi du 30 juillet 2022, l’article 55 de la loi du 7 mai 1999 disposait :
« Il est créé, auprès du service public fédéral Justice, un système de traitement des informations concernant les personnes visées à l’article 54.
Les finalités de ce système sont :
1° de permettre à la commission des jeux de hasard d’exercer les missions qui lui sont attribuées par la présente loi;
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2° de permettre aux exploitants et au personnel des établissements de jeux de hasard de contrôler le respect des exclusions visées à l’article 54.
Pour chaque personne, les informations suivantes font l’objet d’un traitement :
1° les nom et prénoms;
2° le lieu et la date de naissance;
3° la nationalité;
4° le numéro d’identification visé à l’article 8 de la loi du 8 août 1983 organisant un Registre national des personnes physiques ou, en l’absence de ce numéro, le numéro octroyé en vertu de l’arrêté royal du 8 février 1991 relatif à la composition et aux modalités d’attribution du numéro d’identification des personnes physiques qui ne sont pas inscrites au Registre national des personnes physiques;
5° la profession;
6° s’il échet, les décisions d’exclusion visées à l’article 54, § 3 et § 4 prononcées par la commission des jeux de hasard, la date et les fondements de cette décision.
L’accès permanent en ligne à toutes les catégories d’informations mentionnées à l’alinéa 3
est accordé à la commission des jeux de hasard contre paiement d’une contribution.
Le Roi détermine, par arrêté délibéré en Conseil des ministres et après avis de la Commission de la protection de la vie privée le montant de la contribution visée à l’alinéa 4, les modalités de gestion du système de traitement des informations, les modalités de traitement des informations et les modalités d’accès au système ».
B.2.4. L’article 62 de la loi du 7 mai 1999 impose à certains établissements de jeux de hasard de conserver une copie du document d’identité que le joueur doit présenter et de tenir un registre reprenant certaines informations relatives aux joueurs.
Auparavant applicable aux seuls établissements de jeux de hasard de classes I et II, l’article 62 de la loi du 7 mai 1999 a également été rendu applicable aux établissements de jeux de hasard fixes de classe IV par l’article 31 de la loi du 7 mai 2019 « modifiant la loi du 7 mai 1999 sur les jeux de hasard, les paris, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs, et insérant l’article 37/1 dans la loi du 19 avril 2002 relative à la rationalisation du fonctionnement et de la gestion de la Loterie Nationale » (ci-après : la loi du 7 mai 2019).
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En soumettant les établissements de jeux de hasard fixes de classe IV à l’obligation d’enregistrement prévue à l’article 62 de la loi du 7 mai 1999, l’article 31 de la loi du 7 mai 2019 a également rendu applicable à ces établissements les interdictions d’accès visées à l’article 54, §§ 3 et 4, de la loi du 7 mai 1999.
Tel qu’il avait été modifié par l’article 31 de la loi du 7 mai 2019, l’article 62 de la loi du 7 mai 1999 disposait :
« Complémentairement à ce qui est prévu à l’article 54, l’accès aux salles de jeux des établissements de jeux de hasard des classes I, II et aux établissements de jeux de hasard fixes de classe IV n’est autorisé que sur présentation, par la personne concernée, d’un document d’identité et moyennant l’inscription, par l’exploitant, des nom complet, prénoms, date de naissance, lieu de naissance, profession et de l’adresse de cette personne dans un registre.
L’exploitant fait signer ce registre par la personne concernée.
Une copie de la pièce ayant servi à l’identification du joueur doit être conservée pendant au moins cinq ans à dater de la dernière activité de jeu de celui-ci.
Le Roi détermine les modalités pratiques d’admission et d’enregistrement des joueurs.
Il arrête les conditions d’accès aux registres.
L’absence de tenue ou la tenue incorrecte de ce registre de même que sa non-
communication aux autorités, son altération ou sa disparition peut entraîner le retrait de la licence de classe I, II ou de classe IV pour les établissements de jeux de hasard fixes par la commission.
Le Roi détermine les modalités d’admission et d’enregistrement des joueurs pour la pratique de jeux de hasard via un réseau de communication électronique ainsi que les conditions que le registre doit remplir ».
B.3. Par son arrêt n° 177/2021 du 9 décembre 2021 (ECLI:BE:GHCC:2021:ARR.177), la Cour a annulé l’article 31 de la loi du 7 mai 2019 « uniquement en ce qu’il ne prévoit pas de durée maximale de conservation des données à caractère personnel inscrites dans le registre visé à l’article 62 de la loi du 7 mai 1999 ‘ sur les jeux de hasard, les paris, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs ’ et en ce qu’il ne prévoit pas de durée maximale de conservation de la copie de la pièce ayant servi à l’identification du joueur ».
B.4. Afin d’« étendre le champ d’application du système EPIS (Excluded Persons Information System) de la Commission des jeux de hasard aux établissements de jeux de hasard
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fixes de classe IV (agences de paris) » (rapport au Roi, Moniteur belge, 28 mars 2022, seconde édition, p. 25478), le Roi a pris l’arrêté royal du 20 mars 2022 « modifiant deux arrêtés royaux du 15 décembre 2004 en ce qui concerne le système EPIS et le registre d’accès » (ci-après :
l’arrêté royal du 20 mars 2022), qui, en vertu de son article 16, est entré en vigueur le 1er octobre 2022. L’arrêté royal du 20 mars 2022 modifie l’intitulé et plusieurs dispositions de deux arrêtés royaux : d’une part, l’arrêté royal, mentionné en B.2.3, du 15 décembre 2004
« relatif à la création d’un système de traitement des informations concernant les joueurs exclus des établissements de jeux de hasard de classe I, de classe II et des établissements de jeux de hasard fixes de classe IV » (nouvel intitulé) et, d’autre part, l’arrêté royal du 15 décembre 2004
« relatif au registre d’accès aux salles de jeux des établissements de jeux de hasard de classe I, II et aux établissements de jeux de hasard fixes de classe IV » (nouvel intitulé). Quelques modifications supplémentaires ont ensuite encore été apportées à ces deux arrêtés royaux par l’arrêté royal du 6 septembre 2022 « corrigeant trois erreurs matérielles dans deux arrêtés royaux du 15 décembre 2004 en ce qui concerne le système EPIS et le registre d’accès » (ci-
après : l’arrêté royal du 6 septembre 2022), qui est aussi entré en vigueur le 1er octobre 2022.
Tels qu’ils ont été modifiés par les arrêtés royaux du 20 mars 2022 et du 6 septembre 2022, les articles 1er et 5 de l’arrêté royal du 15 décembre 2004 « relatif à la création d’un système de traitement des informations concernant les joueurs exclus des établissements de jeux de hasard de classe I, de classe II et des établissements de jeux de hasard fixes de classe IV »
disposent :
« Article 1er. Le système visé à l’article 55 de la loi du 7 mai 1999 sur les jeux de hasard, les paris, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs porte la dénomination EPIS, Excluded Persons Information System.
L’accès aux établissements de jeux de hasard de classe I, classe II et aux établissements de jeux de hasard fixes de classe IV et la pratique des jeux de hasard doivent être refusés aux personnes figurant dans le système d’information EPIS, conformément à l’article 54, de la loi du 7 mai 1999 sur les jeux de hasard, les paris, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs.
La Commission des jeux de hasard utilise le système d’information EPIS pour participer au contrôle du respect des exclusions des personnes visées à l’article 54 de la loi du 7 mai 1999
sur les jeux de hasard, les paris, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs ».
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« Art. 5. L’exploitant d’un établissement de jeux de hasard de classe I, II, ou d’un établissement de jeux de hasard fixes de classe IV ou une personne déléguée par celui-ci, doit introduire le nom, le prénom, la date de naissance et, si disponible, le numéro du Registre national du joueur, dans le système EPIS avant que le joueur puisse entrer dans la salle de jeux.
Si cette personne figure dans EPIS, le terme ‘ oui ’ apparaît sur l’écran. Dans les autres cas, le terme ‘ non ’ apparaît.
En vue de l’enregistrement du joueur et de la consultation du système d’information EPIS, l’exploitant d’un établissement de jeux de hasard de classe I, II, ou d’un établissement de jeux de hasard fixe de classe IV ou une personne déléguée par celui-ci est autorisé à collecter le numéro de Registre national du joueur visé à l’alinéa 1er ».
Tel qu’il a été modifié par l’arrêté royal du 20 mars 2022, l’article 4 de l’arrêté royal du 15 décembre 2004 « relatif au registre d’accès aux salles de jeux des établissements de jeux de hasard de classe I, II et aux établissements de jeux de hasard fixes de classe IV » dispose :
« L’exploitant d’un établissement de jeux de hasard de classe I, II, et d’un établissement de jeux de hasard fixe de classe IV, ou une personne déléguée par celui-ci, doit procéder au contrôle de l’identité de toute personne désirant accéder aux salles de jeux.
A cette fin, il demande au client d’exhiber sa carte d’identité ou une pièce ayant servi à l’identification.
Préalablement à l’inscription du joueur dans le registre d’accès, l’exploitant d’un l’établissement de jeux de hasard de classe I, II ou d’un établissement de jeux de hasard fixe de classe IV ou une personne déléguée par celui-ci contrôle, par l’intermédiaire du système de traitement des informations prévu à l’article 55 de la loi du 7 mai 1999 sur les jeux de hasard, les paris, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs, si l’accès à cet établissement de jeux de hasard n’est pas interdit au joueur conformément aux exclusions visées à l’article 54 de la loi précitée ».
B.5.1. L’article 40, attaqué, de la loi du 30 juillet 2022 modifie l’article 55 de la loi du 7 mai 1999 : (1) il insère un nouvel alinéa précisant que la Commission des jeux de hasard est le responsable du traitement du système EPIS, (2) il apporte plusieurs modifications formelles liées à l’insertion de ce nouvel alinéa et (3) il remplace la référence à la Commission de la protection de la vie privée par une référence à l’Autorité de protection des données.
L’article 40, attaqué, de la loi du 30 juillet 2022 dispose :
« À l’article 55 de la loi du 7 mai 1999 sur les jeux de hasard, les paris, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs, modifié par l’arrêté royal du 4 avril 2003 et par la loi du 10 janvier 2010, les modifications suivantes sont apportées :
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1° un alinéa rédigé comme suit est inséré entre les alinéas 1er et 2 :
‘ La commission est le responsable du traitement du système de traitement des informations visé à l’alinéa 1er ’;
2° dans l’alinéa 4 ancien, devenant l’alinéa 5, les mots ‘ l’alinéa 3 ’ sont remplacés par les mots ‘ l’alinéa 4 ’;
3° dans l’alinéa 5 ancien, devenant l’alinéa 6, les mots ‘ la Commission de la protection de la vie privée ’ sont remplacés par les mots ‘ l’Autorité de protection des données, ’ et les mots ‘ l’alinéa 4 ’ sont remplacés par les mots ‘ l’alinéa 5 ’ ».
B.5.2. L’article 41, attaqué, de la loi du 30 juillet 2022 apporte les modifications suivantes à l’article 62 de la loi du 7 mai 1999 : (1) une photographie de la personne concernée doit désormais être prise à chaque visite et être conservée dans le registre, (2) il est précisé que le registre a pour finalité de permettre à la Commission des jeux de hasard de vérifier a posteriori si les consultations du système EPIS ont bien été réalisées et (3) la durée de conservation des données à caractère personnel inscrites dans le registre et la durée maximale de conservation de la copie de la pièce ayant servi à l’identification du joueur sont fixées à dix années à dater de la dernière activité de jeu de la personne concernée.
L’article 41, attaqué, de la loi du 30 juillet 2022 dispose :
« À l’article 62 de la même loi, modifié par la loi du 10 janvier 2010 et par l’article 31 de la loi du 7 mai 2019, annulé lui-même sous certaines conditions par l’arrêt n° 177/2021 de la Cour constitutionnelle, les modifications suivantes sont apportées :
1° l’alinéa 1er est complété par la phrase suivante : ‘ A chaque visite de la personne concernée, une photographie de cette personne est prise et conservée dans le registre ’;
2° il est inséré, entre l’alinéa 1er et l’alinéa 2, deux alinéas rédigés comme suit :
‘ La finalité de ce registre est de permettre à la commission de vérifier a posteriori si les consultations du système de traitement des informations visé à l’article 55 ont bien été réalisées sur les joueurs qui fréquentent les établissements de jeux de hasard de classe I, II, ou d’un établissement de jeux de hasard fixe de classe IV.
Les données à caractère personnel inscrites dans le registre sont conservées pendant une période de dix ans à dater de la dernière activité de jeu de la personne concernée ’;
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3° dans l’alinéa 3 ancien, devenant l’alinéa 5, les mots ‘ pendant au moins cinq ans ’ sont remplacés par les mots ‘ pour une durée de maximum dix ans ’ ».
B.5.3. À défaut de disposition contraire, les articles 40 et 41 de la loi du 30 juillet 2022
sont entrés en vigueur dix jours après la publication de celle-ci au Moniteur belge du 8 août 2022, à savoir le 18 août 2022, en vertu de l’article 4, alinéa 2, de la loi du 31 mai 1961
« relative à l’emploi des langues en matière législative, à la présentation, à la publication et à l’entrée en vigueur des textes légaux et réglementaires ».
Quant à l’intérêt au recours
B.6.1. Le Conseil des ministres fait valoir que la partie requérante n’a pas intérêt à demander l’annulation de l’article 40 de la loi du 30 juillet 2022.
B.6.2. La Constitution et la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle imposent à toute personne physique ou morale qui introduit un recours en annulation de justifier d'un intérêt. Ne justifient de l'intérêt requis que les personnes dont la situation pourrait être affectée directement et défavorablement par la norme attaquée.
B.6.3. La partie requérante ne démontre pas en quoi l’article 40 de la loi du 30 juillet 2022, qui apporte à l’article 55 de la loi du 7 mai 1999 les modifications mentionnées en B.5.1, pourrait affecter directement et défavorablement sa situation.
B.6.4. Le recours en annulation est irrecevable en ce qu’il est dirigé contre l’article 40 de la loi du 30 juillet 2022.
Quant au moyen unique
B.7. La partie requérante prend un moyen unique de la violation de l’article 22 de la Constitution, lu en combinaison avec l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, avec les articles 7 et 8 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et avec les articles 5, 6 et 9 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil
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du 27 avril 2016 « relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données) » (ci-après : le RGPD).
Dans la première branche, elle fait valoir que le principe de légalité, dans ses dimensions formelle et matérielle, n’est pas respecté.
Dans la seconde branche, elle fait valoir que le principe de proportionnalité n’est pas respecté.
B.8.1. L’article 22 de la Constitution dispose :
« Chacun a droit au respect de sa vie privée et familiale, sauf dans les cas et conditions fixés par la loi.
La loi, le décret ou la règle visée à l’article 134 garantissent la protection de ce droit ».
B.8.2 L’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme dispose :
« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ».
B.8.3. Le Constituant a recherché la plus grande concordance possible entre l’article 22 de la Constitution et l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (Doc. parl., Chambre, 1992-1993, n° 997/5, p. 2).
La portée de cet article 8 est analogue à celle de la disposition constitutionnelle précitée, de sorte que les garanties que fournissent ces deux dispositions forment un tout indissociable.
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B.8.4. Le droit au respect de la vie privée, tel qu’il est garanti par les dispositions constitutionnelle et conventionnelle précitées, a pour but essentiel de protéger les personnes contre les ingérences dans leur vie privée.
Ce droit a une portée étendue et englobe notamment la protection des données à caractère personnel et des informations personnelles. La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme fait apparaître que de la protection de ce droit relèvent notamment les données et informations personnelles suivantes : le nom, l’adresse, les activités professionnelles, les relations personnelles, les empreintes digitales, les images filmées, les photographies, les communications, les données ADN, les données judiciaires (condamnations ou inculpations), les données financières, les informations concernant des biens et les données médicales (voy.
notamment CEDH, 26 mars 1987, Leander c. Suède, ECLI:CE:ECHR:1987:0326JUD000924881, §§ 47-48; grande chambre, 4 décembre 2008, S.
et Marper c. Royaume-Uni, ECLI:CE:ECHR:2008:1204JUD003056204, §§ 66-68;
17 décembre 2009, B.B. c. France, ECLI:CE:ECHR:2009:1217JUD000533506, § 57;
10 février 2011, Dimitrov-Kazakov c. Bulgarie, ECLI:CE:ECHR:2011:0210JUD001137903, §§ 29-31; 18 octobre 2011, Khelili c. Suisse, ECLI:CE:ECHR:2011:1018JUD001618807, §§ 55-57; 9 octobre 2012, Alkaya c. Turquie, ECLI:CE:ECHR:2012:1009JUD004281106, § 29; 18 avril 2013, M.K. c. France, ECLI:CE:ECHR:2013:0418JUD001952209, § 26;
18 septembre 2014, Brunet c. France, ECLI:CE:ECHR:2014:0918JUD002101010, § 31;
13 octobre 2020, Frâncu c. Roumanie, ECLI:CE:ECHR:2020:1013JUD006935613, § 51).
B.8.5. Le droit au respect de la vie privée n’est toutefois pas absolu. L’article 22 de la Constitution et l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme n’excluent pas une ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit, pourvu que cette ingérence soit prévue par une disposition législative suffisamment précise, qu’elle réponde à un besoin social impérieux dans une société démocratique et qu’elle soit proportionnée à l’objectif légitime qu’elle poursuit.
Le législateur dispose en la matière d’une marge d’appréciation. Cette marge n’est toutefois pas illimitée : pour qu’une norme soit compatible avec le droit au respect de la vie privée, il faut que le législateur ait établi un juste équilibre entre tous les droits et intérêts en cause.
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B.8.6. Dans le champ d’application du droit de l’Union européenne, l’article 22 de la Constitution, l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme et l’article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne garantissent des droits fondamentaux analogues (CJUE, grande chambre, 9 novembre 2010, C-92/09 et C-93/09, Volker und Markus Schecke GbR e.a., ECLI:EU:C:2010:662), alors que l’article 8 de cette Charte vise spécifiquement la protection des données à caractère personnel.
La compatibilité d’une disposition législative avec les articles 7 et 8 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, lus en combinaison avec l’article 22 de la Constitution, ne peut être examinée par la Cour qu’en ce que la disposition attaquée met en œuvre le droit de l’Union (CJUE, grande chambre, 26 février 2013, C-617/10, Åklagaren, ECLI:EU:C:2013:105, points 17 et suivants).
En l’espèce, il convient de tenir compte du RGPD.
Dès lors que la disposition attaquée concerne le traitement de données à caractère personnel relevant du champ d’application du RGPD, les articles 7 et 8 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne doivent être lus en combinaison avec l’article 22 de la Constitution.
B.8.7. Les droits consacrés aux articles 7 et 8 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne n’apparaissent pas non plus comme étant des prérogatives absolues (CJUE, grande chambre, 16 juillet 2020, C-311/18, Data Protection Commissioner, ECLI:EU:C:2020:559, point 172).
Conformément à l’article 52, paragraphe 1, première phrase, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, toute limitation de l’exercice des droits et libertés reconnus par celle-ci, dont notamment le droit au respect de la vie privée garanti par l’article 7
et le droit à la protection des données à caractère personnel consacré par l’article 8, doit être prévue par la loi, respecter le contenu essentiel de ces droits et, dans le respect du principe de proportionnalité, être nécessaire et répondre effectivement à des objectifs d’intérêt général ou au besoin de protection des droits et libertés d’autrui (CJUE, grande chambre, 6 octobre 2020, C-623/17, Privacy International, ECLI:EU:C:2020:790, point 64).
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B.8.8. L’article 22 de la Constitution réserve au législateur compétent le pouvoir de fixer dans quels cas et à quelles conditions il peut être porté atteinte au droit au respect de la vie privée. Il garantit ainsi à tout citoyen qu’aucune ingérence dans l’exercice de ce droit ne peut avoir lieu qu’en vertu de règles adoptées par une assemblée délibérante, démocratiquement élue.
Une délégation à un autre pouvoir n’est toutefois pas contraire au principe de légalité, pour autant que l’habilitation soit définie de manière suffisamment précise et qu’elle porte sur l’exécution de mesures dont les éléments essentiels ont été fixés préalablement par le législateur.
Par conséquent, les éléments essentiels du traitement des données à caractère personnel doivent être fixés dans la norme législative même. À cet égard, quelle que soit la matière concernée, les éléments suivants constituent en principe des éléments essentiels : (1°) la catégorie de données traitées; (2°) la catégorie de personnes concernées; (3°) la finalité poursuivie par le traitement; (4°) la catégorie de personnes ayant accès aux données traitées et (5°) le délai maximal de conservation des données.
B.8.9. Outre l’exigence de légalité formelle, l’article 22 de la Constitution, lu en combinaison avec l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme et avec les articles 7, 8 et 52 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, impose que l’ingérence dans l’exercice du droit au respect de la vie privée et du droit à la protection des données à caractère personnel soit définie en des termes clairs et suffisamment précis qui permettent d’appréhender de manière prévisible les hypothèses dans lesquelles le législateur autorise une pareille ingérence.
En matière de protection des données, cette exigence de prévisibilité implique qu’il doit être prévu de manière suffisamment précise dans quelles circonstances les traitements de données à caractère personnel sont autorisés (CEDH, grande chambre, 4 mai 2000, Rotaru c. Roumanie, ECLI:CE:ECHR:2000:0504JUD002834195, § 57; grande chambre, 4 décembre 2008, S. et Marper c. Royaume-Uni, précité, § 99). L’exigence selon laquelle la limitation doit être prévue par la loi implique notamment que la base légale qui permet l’ingérence dans ces
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droits doit elle-même définir la portée de la limitation de l’exercice du droit concerné (CJUE, 6 octobre 2020, C-623/17, Privacy International, ECLI:EU:C:2020:790, point 65).
Toute personne doit dès lors pouvoir avoir une idée suffisamment claire des données traitées, des personnes concernées par un traitement de données déterminé et des conditions et finalités dudit traitement.
B.8.10. L’article 5 du RGPD, intitulé « Principes relatifs au traitement des données à caractère personnel », dispose :
« 1. Les données à caractère personnel doivent être :
a) traitées de manière licite, loyale et transparente au regard de la personne concernée (licéité, loyauté, transparence);
b) collectées pour des finalités déterminées, explicites et légitimes, et ne pas être traitées ultérieurement d’une manière incompatible avec ces finalités; le traitement ultérieur à des fins archivistiques dans l’intérêt public, à des fins de recherche scientifique ou historique ou à des fins statistiques n’est pas considéré, conformément à l’article 89, paragraphe 1, comme incompatible avec les finalités initiales (limitation des finalités);
c) adéquates, pertinentes et limitées à ce qui est nécessaire au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées (minimisation des données);
d) exactes et, si nécessaire, tenues à jour; toutes les mesures raisonnables doivent être prises pour que les données à caractère personnel qui sont inexactes, eu égard aux finalités pour lesquelles elles sont traitées, soient effacées ou rectifiées sans tarder (exactitude);
e) conservées sous une forme permettant l’identification des personnes concernées pendant une durée n’excédant pas celle nécessaire au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées; les données à caractère personnel peuvent être conservées pour des durées plus longues dans la mesure où elles seront traitées exclusivement à des fins archivistiques dans l’intérêt public, à des fins de recherche scientifique ou historique ou à des fins statistiques conformément à l’article 89, paragraphe 1, pour autant que soient mises en œuvre les mesures techniques et organisationnelles appropriées requises par le présent règlement afin de garantir les droits et libertés de la personne concernée (limitation de la conservation);
f) traitées de façon à garantir une sécurité appropriée des données à caractère personnel, y compris la protection contre le traitement non autorisé ou illicite et contre la perte, la destruction ou les dégâts d’origine accidentelle, à l’aide de mesures techniques ou organisationnelles appropriées (intégrité et confidentialité);
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2. Le responsable du traitement est responsable du respect du paragraphe 1 et est en mesure de démontrer que celui-ci est respecté (responsabilité) ».
B.8.11. L’article 6 du RGPD porte sur l’exigence de licéité du traitement.
B.8.12. L’article 9 du RGPD porte sur le traitement de catégories particulières de données à caractère personnel, dont les données biométriques. Ces dernières sont définies par l’article 4, 14), du RGPD comme « les données à caractère personnel résultant d’un traitement technique spécifique, relatives aux caractéristiques physiques, physiologiques ou comportementales d’une personne physique, qui permettent ou confirment son identification unique, telles que des images faciales ou des données dactyloscopiques ».
B.9. Les griefs de la partie requérante portent sur les aspects suivants :
- la finalité de la prise d’une photographie du joueur et de sa conservation dans le registre d’accès (B.10-B.15);
- les habilitations conférées au Roi et l’absence de détermination de plusieurs éléments relatifs au système EPIS et au registre d’accès (B.16-B.18);
- la détermination des personnes dont la photographie doit être prise et conservée dans le registre d’accès (B.19-B.21);
- la proportionnalité de la prise d’une photographie du joueur et de sa conservation dans le registre d’accès (B.22-B.29);
- la durée de conservation des données à caractère personnel inscrites dans le registre d’accès et la durée de conservation de la copie de la pièce ayant servi à l’identification du joueur (B.30-B.36).
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En ce qui concerne la finalité de la prise d’une photographie du joueur et de sa conservation dans le registre d’accès
B.10. La partie requérante fait valoir que l’article 41 de la loi du 30 juillet 2022 viole le principe de légalité, en ce que les photographies des joueurs qui sont conservées dans le registre d’accès visé à l’article 62 de la loi du 7 mai 1999 peuvent être utilisées par la police dans le cadre d’enquêtes qui ne présentent pas de lien avec le respect de la législation sur les jeux de hasard, sans que cette finalité policière soit précisée et encadrée par la disposition attaquée.
B.11. Les articles 54, 55 et 62 de la loi du 7 mai 1999, qui doivent être lus conjointement, font partie des « mesures de protection des joueurs et des parieurs » prévues par le chapitre VI
de cette loi.
Comme il est dit en B.2.2, l’article 54 de la loi du 7 mai 1999 détermine les interdictions d’accéder à certains établissements de jeux de hasard et de pratiquer certains jeux de hasard qui sont applicables en raison de l’âge (article 54, § 1er), en raison de la profession (article 54, § 2, alinéa 1er) et à la suite d’une décision d’exclusion prise par la Commission des jeux de hasard (article 54, §§ 3 et 4).
L’article 55 de la loi du 7 mai 1999 prévoit la création d’un système de traitement des informations concernant les personnes visées à l’article 54, qui, comme il est dit en B.2.3, est le système EPIS. Selon l’article 55, alinéa 3, de la loi du 7 mai 1999, les finalités du système EPIS sont, d’une part, de permettre à la Commission des jeux de hasard d’exercer les missions qui lui sont attribuées par la loi du 7 mai 1999 et, d’autre part, de permettre aux exploitants et au personnel des établissements de jeux de hasard de contrôler le respect des exclusions visées à l’article 54.
L’article 62 de la loi du 7 mai 1999, dont l’alinéa 1er précise qu’il s’agit d’une disposition complémentaire à l’article 54, impose aux établissements de jeux de hasard de classes I et II et aux établissements de jeux de hasard fixes de classe IV de conserver une copie du document d’identité que le joueur doit présenter et de tenir un registre reprenant certaines informations relatives aux joueurs, dont, désormais, la photographie du joueur.
24
B.12. Par son arrêt n° 177/2021, précité, la Cour a jugé :
« B.53.4. Les finalités du contrôle d’identité et les finalités de l’enregistrement des données à caractère personnel en question et de la conservation d’une copie de la pièce ayant servi à l’identification du joueur, qui sont liés à ce contrôle, ainsi que les personnes habilitées à avoir accès à ces informations, sont déterminées à suffisance par la lecture combinée des articles 54, 55 et 62 de la loi du 7 mai 1999, lus à la lumière des travaux préparatoires cités en B.52. Il s’agit, d’une part, des exploitants et du personnel des établissements de jeux de hasard concernés afin de contrôler le respect des exclusions visées à l’article 54 de la loi du 7 mai 1999
et, d’autre part, de la Commission des jeux de hasard afin d’exercer les missions qui lui sont attribuées par la loi du 7 mai 1999. Relève en particulier de cette mission, en vertu des articles 15/2, § 1er, et 15/3 de la loi du 7 mai 1999, le contrôle du respect de cette même loi et de ses arrêtés d’exécution. L’enregistrement des données à caractère personnel et la conservation d’une copie de la pièce révélant l’identité du joueur permettent à la Commission des jeux de hasard de savoir qui a eu accès aux établissements de jeux de hasard en question et dès lors de contrôler que ces établissements respectent les interdictions d’accès applicables en vertu de l’article 54 de la loi du 7 mai 1999. À cet égard, l’article 62, alinéa 6, de la loi du 7 mai 1999 dispose également que ‘ l’absence de tenue ou la tenue incorrecte de ce registre de même que sa non-communication aux autorités, son altération ou sa disparition peut entraîner le retrait de la licence de classe I, II ou de classe IV pour les établissements de jeux de hasard fixes par la Commission [des jeux de hasard] ’ ».
B.13. La finalité du registre d’accès est désormais expressément mentionnée dans le nouvel alinéa 2 de l’article 62 de la loi du 7 mai 1999, tel qu’il a été inséré par l’article 41, 2°, de la loi du 30 juillet 2022. Il s’agit de permettre à la Commission des jeux de hasard de vérifier a posteriori si les consultations du système EPIS ont bien été réalisées sur les joueurs qui fréquentent les établissements de jeux de hasard de classes I et II et les établissements de jeux de hasard fixes de classe IV.
B.14. La disposition attaquée ne prévoit pas que les données conservées dans le registre d’accès, dont la photographie, puissent être utilisées à des fins de recherche et de poursuite d’infractions qui ne présentent pas de lien avec le respect de la législation sur les jeux de hasard.
Sans qu’il soit nécessaire de déterminer si la consultation du registre d’accès à de telles fins peut être autorisée sur le fondement d’autres dispositions, notamment celles du Code d’instruction criminelle, il y a lieu de constater que l’ingérence dans le droit au respect de la vie privée et dans le droit à la protection des données à caractère personnel qui en résulterait découlerait de ces autres dispositions, et non de la disposition attaquée.
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B.15. Le grief n’est pas fondé.
En ce qui concerne les habilitations conférées au Roi et l’absence de détermination de plusieurs éléments relatifs au système EPIS et au registre d’accès
B.16. La partie requérante fait valoir que la disposition attaquée viole le principe de légalité, en ce que, d’une part, en ce qui concerne le système EPIS, elle ne détermine ni les catégories de personnes ayant accès aux données, ni la durée maximale de conservation des données, et, d’autre part, en ce qui concerne le registre d’accès visé à l’article 62 de la loi du 7 mai 1999, elle n’identifie ni les catégories de personnes ayant accès aux données, ni le responsable du traitement. La partie requérante critique également les habilitations conférées au Roi par les articles 55, dernier alinéa, et 62, alinéas 6 et 7, de la loi du 7 mai 1999.
B.17. Comme le fait valoir le Conseil des ministres, les griefs de la partie requérante sont en réalité dirigés contre les articles 55 et 62 de la loi du 7 mai 1999 tels qu’ils existaient déjà avant l’entrée en vigueur de la disposition attaquée.
B.18. Les griefs sont étrangers à la disposition attaquée et sont dès lors irrecevables.
En ce qui concerne la détermination des personnes dont la photographie doit être prise et conservée dans le registre d’accès
B.19. Dans son mémoire en réponse, la partie requérante fait valoir que les termes « personne concernée » employés par l’article 41, 1°, de la loi du 30 juillet 2022 ne sont pas suffisamment clairs et précis pour déterminer les personnes dont la photographie doit être prise et conservée dans le registre d’accès visé à l’article 62 de la loi du 7 mai 1999. Selon elle, il s’ensuit que la disposition attaquée viole le principe de légalité garanti par les dispositions visées dans le moyen et le principe de légalité des incriminations garanti par l’article 12, alinéa 2, de la Constitution.
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B.20. Il n’appartient pas à la partie requérante de modifier, dans son mémoire en réponse, le moyen du recours tel qu’elle l’a elle-même formulé dans la requête. Un grief qui, comme en l’espèce, est formulé dans un mémoire en réponse mais qui diffère de celui qui est énoncé dans la requête constitue un moyen nouveau et n’est pas recevable.
B.21. Le grief est irrecevable.
En ce qui concerne la proportionnalité de la prise d’une photographie du joueur et de sa conservation dans le registre d’accès
B.22. La partie requérante fait valoir que l’article 41 de la loi du 30 juillet 2022 entraîne une ingérence disproportionnée dans le droit au respect de la vie privée et dans le droit à la protection des données à caractère personnel, en ce qu’il impose qu’une photographie du joueur soit prise à chaque visite et soit conservée dans le registre d’accès visé à l’article 62 de la loi du 7 mai 1999.
B.23. Par son arrêt n° 177/2021 précité, lorsqu’elle a examiné un moyen qui était dirigé contre l’extension du champ d’application de l’article 62 de la loi du 7 mai 1999 aux établissements de jeux de hasard fixes de classe IV, la Cour a jugé que le contrôle d’identité du joueur par l’exploitant et l’enregistrement du nom complet, des prénoms, de la date de naissance, du lieu de naissance, de la profession et de l’adresse du joueur constituent des mesures proportionnées :
« B.55.2. Il n’est pas disproportionné d’étendre aux établissements de jeux de hasard fixes de classe IV les obligations en matière de contrôle d’identité et de conservation des données à caractère personnel prévues à l’article 62 de la loi du 7 mai 1999, dès lors que le législateur a également voulu interdire l’accès à ces établissements aux personnes qui sont exclues par la Commission des jeux de hasard sur la base de l’article 54, §§ 3 et 4, de la loi du 7 mai 1999, eu égard à l’accroissement, décrit en B.28.1, des risques liés à ces établissements. À défaut d’identification des joueurs et, partant, de possibilité de vérifier si l’intéressé figure dans le système EPIS visé à l’article 55 de la loi du 7 mai 1999 et mentionné en B.47.3, l’interdiction et les exclusions prévues à l’article 54 de la loi du 7 mai 1999 seraient largement privées d’effets pratiques. Ainsi qu’il est mentionné en B.53.4, l’enregistrement des données à caractère personnel en question permet à la Commission des jeux de hasard de contrôler le respect de la loi du 7 mai 1999 et de ses arrêtés d’exécution, en particulier l’article 54 de cette même loi.
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[…]
Enfin, les données à caractère personnel qui doivent être inscrites dans le registre visé à l’article 62 de la loi du 7 mai 1999 sont pertinentes et nécessaires au regard des objectifs poursuivis. En effet, ces données à caractère personnel permettent de vérifier si la personne concernée figurait dans le système EPIS mentionné en B.47.3 et devait donc se voir refuser l’accès à l’établissement de jeux de hasard ».
B.24.1. L’article 41, 1°, de la loi du 30 juillet 2022 ajoute la photographie à la liste des données relatives aux joueurs qui doivent être conservées dans le registre d’accès visé à l’article 62 de la loi du 7 mai 1999.
L’exposé des motifs du projet à l’origine de la loi du 30 juillet 2022 indique :
« L’article 62, alinéa 1er, de la loi sur les jeux de hasard détermine la liste des données à caractère personnel à reprendre obligatoirement dans le registre d’accès aux établissements de jeux de hasard des classes I, II et aux établissements de jeux de hasard fixes de classe IV. La photographie des joueurs est [ajoutée] à la liste. En effet, la photo du joueur est requise pour éviter toute fraude d’identité.
Suite à l’avis du Conseil d’État n° 71 320/1-2-3-4, les précisions suivantes peuvent être apportées :
Selon l’art. 62, l’opérateur doit tenir un registre, et le joueur doit présenter une preuve d’identité. Ensuite, le joueur doit signer le registre.
La signature de ce registre ayant été considérée par le passé comme lourde, chronophage et gaspilleuse de papier par les opérateurs, elle a été remplacée par une photographie.
Un document d’identité doit contenir un nom, un prénom, une date de naissance, une photographie et une signature afin de vérifier avec certitude l’identité de la personne. Lorsqu’un joueur se présente, l’exploitant doit être en mesure de vérifier visuellement si la personne qui se présente est la même que celle figurant sur la photo de la carte d’identité. L’objectif est donc de prévenir la fraude aux documents d’identité, avant tout dans le but de protéger les joueurs.
En effet, [une] des raisons pour lesquelles un joueur se présenterait avec un faux document d’identité est qu’il est exclu et tente d’accéder aux jeux de hasard de cette manière.
Si un joueur exclu se présente avec une fausse pièce d’identité, la Commission des jeux de hasard ne peut le vérifier par après que sur la base de la signature ou de la photo. Cette possibilité de contrôle est nécessaire afin de vérifier que les opérateurs remplissent correctement leurs obligations légales. Aujourd’hui, il est possible de signer numériquement, ce qui n’était pas le cas dans le passé. Toutefois, la signature sur écran tactile est loin d’être fiable (elle se
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résume généralement à un gribouillage illisible). Une photo est beaucoup plus facile à vérifier dans ce cas.
Il faut préciser qu’une modernisation et une digitalisation des procédures, tant dans le monde réel qu’en ligne, sont nécessaires dans la matière des jeux de hasard mais celles-ci doivent être étudiées et développées en adéquation avec les règles existantes notamment en matière de protection des données. En attendant, le système existant est maintenu » (Doc. parl., Chambre, 2021-2022, DOC 55-2774/001, p. 50).
Lors des discussions en commission, le ministre compétent a précisé :
« Cette pratique de la prise de photo du joueur existe depuis de nombreuses années. Cela permet à la Commission des jeux de hasard de vérifier a posteriori si l’opérateur a respecté son obligation. Ce n’est en effet pas une solution idéale et le ministre est en grande partie d’accord avec les remarques faites par le Conseil d’État et l’APD à cet égard. De meilleures technologies, moins intrusives, doivent permettre ce contrôle. Le ministre s’est déjà engagé à analyser, le plus rapidement possible, d’autres techniques plus proportionnelles, telles que la signature électronique ou Itsme. Dans l’attente de cette meilleure solution, la pratique actuelle ne sera pas interdite » (Doc. parl., Chambre, 2021-2022, DOC 55-2774/004, p. 28).
B.24.2. Il ressort de ce qui précède que la disposition attaquée s’inscrit dans l’objectif de protection des joueurs qui est poursuivi conjointement par les articles 54, 55 et 62 de la loi du 7 mai 1999. Plus précisément, l’ajout de la photographie à la liste des données qui doivent être conservées dans le registre d’accès, dont la finalité est de permettre à la Commission des jeux de hasard de vérifier a posteriori si les consultations du système EPIS ont bien été réalisées, a pour objectif de lutter contre les fraudes à l’identité dont pourraient se rendre coupables certains joueurs exclus qui tenteraient de jouer.
B.25. Plusieurs autres mesures contribuent à réduire le risque de fraude à l’identité par un joueur exclu.
D’une part, la personne concernée doit présenter un document d’identité, dont une copie doit être conservée dans le registre d’accès (article 62, alinéa 5, de la loi 7 mai 1999 et article 2, alinéa 3, de l’arrêté royal du 15 décembre 2004 « relatif au registre d’accès aux salles de jeux des établissements de jeux de hasard de classe I, II et aux établissements de jeux de hasard fixes de classe IV »). Il est prévu que « l’exploitant ou la personne indiquée par celui-ci vérifie la
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conformité de la photographie ainsi que la date de validité de la carte d’identité » (article 5, alinéa 3, dudit arrêté royal).
D’autre part, l’exploitant doit faire signer le registre d’accès par la personne concernée (article 62, alinéa 4, de la loi du 7 mai 1999), étant entendu que l’utilisation d’une signature électronique au moyen de la carte d’identité électronique est permise.
B.26. Au regard de l’objectif mentionné en B.24.2, et compte tenu des autres mesures qui contribuent à réduire le risque de fraude à l’identité par un joueur exclu, il est disproportionné d’imposer que la photographie de tous les joueurs fréquentant les établissements de jeux de hasard de classes I et II et les établissements de jeux de hasard fixes de classe IV soit prise à chaque visite et soit conservée dans le registre d’accès. La disposition attaquée ne ménage pas un juste équilibre entre, d’une part, la protection des joueurs exclus et, d’autre part, le droit au respect de la vie privée et le droit à la protection des données à caractère personnel de toutes les personnes qui ne font pas l’objet d’une exclusion et qui fréquentent les établissements de jeux de hasard concernés.
B.27. Le grief est fondé en ce qu’il est pris de la violation de l’article 22 de la Constitution, lu en combinaison avec l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, avec les articles 7 et 8 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et avec l’article 5, paragraphe 1, c), du RGPD.
Il y a lieu d’annuler l’article 41, 1°, de la loi du 30 juillet 2022.
B.28. Dès lors que cela ne saurait aboutir à une annulation plus étendue que celle qui est mentionnée en B.27, il n’y a pas lieu d’examiner si la photographie constitue, en l’espèce, une donnée biométrique, ni de poser à la Cour de justice de l’Union européenne la question préjudicielle suggérée par la partie requérante à cet égard.
B.29. La partie requérante demande également que deux questions préjudicielles soient posées à la Cour de justice à propos de la compatibilité, avec plusieurs dispositions de droit européen, de l’obligation de tenir le registre d’accès qui est prévue à l’article 62 de la loi du 7 mai 1999.
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Outre que la Cour de justice n’est pas compétente pour statuer à titre préjudiciel sur la compatibilité d’une mesure nationale avec le droit européen et que les questions préjudicielles suggérées par la partie requérante ne pourraient relever de la compétence de la Cour de justice qu’à condition d’être lues comme portant en substance sur l’interprétation du droit européen (CJUE, 30 avril 2020, C-184/19, Hecta Viticol SRL, ECLI:EU:C:2020:337, point 30; 21 juillet 2011, C-2/10, Azienda Agro-Zootecnica Franchini Sarl et Eolica di Altamura Srl, ECLI:EU:C:2011:502, point 35), la réponse à ces questions ne saurait avoir une incidence sur l’issue du recours présentement examiné. D’une part, en ce qui concerne l’obligation de tenir le registre d’accès et l’obligation d’y enregistrer les données autres que la photographie, il y a lieu de constater que ces obligations résultent de dispositions qui sont antérieures à la loi du 30 juillet 2022. D’autre part, en ce qui concerne l’obligation de prendre et de conserver la photographie du joueur, la réponse aux questions préjudicielles suggérées par la partie requérante ne saurait aboutir à une annulation plus étendue que celle qui est mentionnée en B.27.
Les deux questions préjudicielles suggérées par la partie requérante ne doivent dès lors pas être posées.
En ce qui concerne la durée de conservation des données à caractère personnel inscrites dans le registre d’accès et la durée de conservation de la copie de la pièce ayant servi à l’identification du joueur
B.30. La partie requérante fait valoir que l’article 41, 2° et 3°, de la loi du 30 juillet 2022
entraîne une ingérence disproportionnée dans le droit au respect de la vie privée et dans le droit à la protection des données à caractère personnel, en ce qu’il prévoit que la durée maximale de conservation des données enregistrées dans le registre d’accès visé à l’article 62 de la loi du 7 mai 1999 et de la copie de la pièce ayant servi à l’identification du joueur est de dix ans à dater de la dernière activité de jeu de la personne concernée.
B.31. Par son arrêt n° 177/2021 précité, lorsqu’elle a examiné un moyen qui était dirigé contre l’extension du champ d’application de l’article 62 de la loi du 7 mai 1999 aux
31
établissements de jeux de hasard fixes de classe IV, la Cour a jugé que l’absence de fixation par le législateur de la durée maximale de conservation des données à caractère personnel inscrites dans le registre d’accès visé à l’article 62 de la loi du 7 mai 1999 et de la durée maximale de conservation de la copie de la pièce ayant servi à l’identification du joueur violait l’article 22
de la Constitution :
« B.53.5. La disposition attaquée [l’article 31 de la loi du 7 mai 2019] ne prévoit toutefois aucune durée maximale de conservation des données à caractère personnel inscrites dans le registre visé à l’article 62 de la loi du 7 mai 1999. En outre, elle ne prévoit aucune durée maximale de conservation de la copie de la pièce ayant servi à l’identification du joueur, dès lors que l’article 62, alinéa 3, de la loi du 7 mai 1999 prévoit seulement une durée minimale de conservation de cinq ans à dater de la dernière activité de jeu du joueur.
B.54. L’article 31 de la loi du 7 mai 2019 viole l’article 22 de la Constitution en ce qu’il ne prévoit pas de durée maximale de conservation des données à caractère personnel inscrites dans le registre visé à l’article 62 de la loi du 7 mai 1999 et en ce qu’il ne prévoit pas de durée maximale de conservation de la copie de la pièce ayant servi à l’identification du joueur ».
La Cour a, par conséquent, annulé l’article 31 de la loi du 7 mai 2019 « uniquement en ce qu’il ne prévoit pas de durée maximale de conservation des données à caractère personnel inscrites dans le registre visé à l’article 62 de la loi du 7 mai 1999 ‘ sur les jeux de hasard, les paris, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs ’ et en ce qu’il ne prévoit pas de durée maximale de conservation de la copie de la pièce ayant servi à l’identification du joueur ».
B.32. À la suite de cet arrêt, le législateur est intervenu en adoptant l’article 41, 2° et 3°, de la loi du 30 juillet 2022. L’article 62, alinéa 3, de la loi du 7 mai 1999, tel qu’il a été inséré par l’article 41, 2°, de la loi du 30 juillet 2022, et l’article 62, alinéa 5, de la loi du 7 mai 1999, tel qu’il a été modifié par l’article 41, 3°, de la loi du 30 juillet 2022, prévoient respectivement que la durée de conservation des données à caractère personnel inscrites dans le registre d’accès et la durée maximale de conservation de la copie de la pièce ayant servi à l’identification du joueur sont de dix années à dater de la dernière activité de jeu de la personne concernée.
Selon les travaux préparatoires, la durée de conservation prévue par la disposition attaquée est motivée par un souci d’harmonisation avec la durée de conservation de dix ans qui est
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prévue à l’article 60 de la loi du 18 septembre 2017 « relative à la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme et à la limitation de l’utilisation des espèces » (ci-
après : loi du 18 septembre 2017) :
« La durée maximale de conservation des données d’une part et de la copie de la pièce ayant servi à l’identification du joueur d’autre part est fixée à 10 ans. De cette manière, la durée de conservation est harmonisée, et permet de respecter les délais de conservation légaux prévus par l’article 60 de la loi 18 septembre 2017 […] relative à la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme et à la limitation de l’utilisation des espèces » (Doc.
parl., Chambre, 2021-2022, DOC 55-2774/001, p. 51).
B.33. La proportionnalité de la durée de conservation doit être appréciée au regard de la finalité pour laquelle les données à caractère personnel sont traitées.
En l’espèce, comme il est dit en B.13, la conservation, dans le registre d’accès visé à l’article 62 de la loi du 7 mai 1999, de données à caractère personnel relatives au joueur et de la copie de la pièce ayant servi à l’identification de celui-ci a pour finalité de permettre à la Commission des jeux de hasard de vérifier a posteriori si les consultations du système EPIS
ont bien été réalisées par rapport aux joueurs qui fréquentent les établissements de jeux de hasard de classes I et II et les établissements de jeux de hasard fixes de classe IV.
Le registre d’accès visé à l’article 62 de la loi du 7 mai 1999 n’a pas pour finalité de lutter contre le blanchiment. La finalité de lutte contre le blanchiment est poursuivie par les obligations - qui ne sont pas identiques à celles qui sont prévues par l’article 62 de la loi du 7 mai 1999 - imposées aux exploitants de jeux de hasard, en tant qu’« entités assujetties », par la loi du 18 septembre 2017 (voy. notamment les articles 21, 26, 27 et 60 de cette loi).
Il s’ensuit que l’harmonisation visée avec la durée de conservation prévue à l’article 60 de la loi du 18 septembre 2017 ne permet pas de justifier raisonnablement une durée de conservation de dix ans en ce qui concerne le registre d’accès visé à l’article 62 de la loi du 7 mai 1999.
B.34. Les infractions aux articles 54 et 62 de la loi du 7 mai 1999 peuvent être punies par une peine d’emprisonnement d’un mois à trois ans et/ou par une amende pénale de 26 euros à 25 000 euros, à majorer des décimes additionnels (article 64 de la loi du 7 mai 1999). Dès lors
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que ces infractions sont ainsi punies d’une peine correctionnelle et constituent dès lors des délits, le délai de prescription applicable est de cinq ans (article 21, alinéa 1er, 4°, du titre préliminaire du Code de procédure pénale). À titre de sanction alternative, les infractions aux articles 54 et 62 de la loi du 7 mai 1999 peuvent être punies par une amende administrative (article 15/3 de la loi du 7 mai 1999); dans ce cas, le délai de prescription applicable est également de cinq ans (article 15/3, § 5, de la loi du 7 mai 1999).
Dès lors que le registre d’accès a pour finalité de permettre à la Commission des jeux de hasard de contrôler l’application correcte du système EPIS et que le législateur a prévu que les infractions aux articles 54 et 62 de la loi du 7 mai 1999 se prescrivent par cinq ans, la durée de dix ans durant laquelle les données à caractère personnel relatives au joueur et la copie de la pièce ayant servi à l’identification de celui-ci doivent être conservées dans le registre d’accès excède ce qui est nécessaire au regard de la finalité poursuivie.
B.35. Le grief est fondé en ce qu’il est pris de la violation de l’article 22 de la Constitution, lu en combinaison avec l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, avec les articles 7 et 8 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et avec l’article 5, paragraphe 1, e), du RGPD.
Il y a lieu d’annuler l’article 62, alinéa 3, de la loi du 7 mai 1999, tel qu’il a été inséré par l’article 41, 2°, de la loi du 30 juillet 2022. Il y a également lieu d’annuler l’article 41, 3°, de la loi du 30 juillet 2022.
B.36. La partie requérante demande qu’une question préjudicielle soit posée à la Cour de justice de l’Union européenne à propos de la compatibilité, avec plusieurs dispositions de droit européen, de l’obligation de conserver pendant une durée de dix ans les données inscrites dans le registre d’accès visé à l’article 62 de la loi du 7 mai 1999.
Outre que, comme il est dit en B.29, la Cour de justice n’est pas compétente pour statuer à titre préjudiciel sur la compatibilité d’une mesure nationale avec le droit européen et que la question préjudicielle suggérée par la partie requérante ne pourrait relever de la compétence de
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la Cour de justice qu’à condition d’être lue comme portant en substance sur l’interprétation du droit européen, la réponse à cette question ne peut aboutir à une annulation plus étendue que celle qui est mentionnée en B.35. Par conséquent, cette question ne doit pas être posée.
Quant à la demande de maintien des effets
B.37. Les parties intervenantes demandent qu’en cas d’annulation, les effets des dispositions annulées soient maintenus pendant un délai de douze mois à compter de la publication au Moniteur belge de l’arrêt de la Cour. Elles font valoir qu’une annulation non modulée aurait pour effet que les établissements de jeux de hasard fixes de classe IV ne soient plus soumis à l’obligation d’effectuer les contrôles via le système EPIS.
B.38. Comme il est dit en B.2.4, c’est l’article 31 de la loi du 7 mai 2019, partiellement annulé par l’arrêt de la Cour n° 177/2021, précité, qui a rendu l’article 62 de la loi du 7 mai 1999 applicable aux établissements de jeux de hasard fixes de classe IV et qui a ainsi rendu applicable à ces établissements les interdictions d’accès visées à l’article 54, §§ 3 et 4, de la loi du 7 mai 1999. Comme il est dit en B.4, c’est l’arrêté royal du 20 mars 2022 qui a étendu aux établissements de jeux de hasard fixes de classe IV le champ d’application des dispositions réglementaires relatives au système EPIS.
Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutiennent les parties intervenantes, les annulations mentionnées en B.27 et en B.35 n’impliquent pas que les établissements de jeux de hasard fixes de classe IV ne seraient plus tenus de contrôler via le système EPIS le respect des exclusions applicables prévues à l’article 54 de la loi du 7 mai 1999.
Par conséquent, il n’y a pas lieu de maintenir les effets des dispositions annulées.
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Par ces motifs,
la Cour
- annule l’article 41, 1° et 3°, de la loi du 30 juillet 2022 « visant à rendre la justice plus humaine, plus rapide et plus ferme II » et l’article 62, alinéa 3, de la loi du 7 mai 1999 « sur les jeux de hasard, les paris, les établissements de jeux de hasard et la protection des joueurs », tel qu’il a été inséré par l’article 41, 2°, de la loi du 30 juillet 2022 précitée;
- rejette le recours pour le surplus.
Ainsi rendu en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l’article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 23 novembre 2023.
Le greffier, Le président,
N. Dupont P. Nihoul