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09/11/2023 | BELGIQUE | N°147/2023

Belgique | Belgique, Cour constitutionnel, 09 novembre 2023, 147/2023


Cour constitutionnelle
Arrêt n° 147/2023
du 9 novembre 2023
Numéro du rôle : 7877
En cause : le recours en annulation du décret de la Région wallonne du 22 septembre 2022
« relatif à la suspension de l’exécution des décisions d’expulsions administratives et judiciaires », introduit par l’ASBL « Syndicat National des Propriétaires et Copropriétaires » et autres.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges T. Giet, J. Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache, D. Pieters, S. de Bethune, E. Bribosia, W. Verri

jdt, K. Jadin et M. Plovie, assistée du greffier N. Dupont, présidée par le président P. Nih...

Cour constitutionnelle
Arrêt n° 147/2023
du 9 novembre 2023
Numéro du rôle : 7877
En cause : le recours en annulation du décret de la Région wallonne du 22 septembre 2022
« relatif à la suspension de l’exécution des décisions d’expulsions administratives et judiciaires », introduit par l’ASBL « Syndicat National des Propriétaires et Copropriétaires » et autres.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges T. Giet, J. Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache, D. Pieters, S. de Bethune, E. Bribosia, W. Verrijdt, K. Jadin et M. Plovie, assistée du greffier N. Dupont, présidée par le président P. Nihoul,
après en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant :
I. Objet du recours et procédure
Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 19 octobre 2022 et parvenue au greffe le 20 octobre 2022, un recours en annulation du décret de la Région wallonne du 22 septembre 2022 « relatif à la suspension de l’exécution des décisions d’expulsions administratives et judiciaires » (publié au Moniteur belge du 11 octobre 2022) a été introduit par l’ASBL « Syndicat National des Propriétaires et Copropriétaires », Igor Pliner, Astrid Van Der Straten, Stéphane Devos et José Grandry, assistés et représentés par Me J.-M. Rigaux, avocat au barreau de Liège-Huy.
Par la même requête, les parties requérantes demandaient également la suspension du même décret. Par l’arrêt n° 171/2022 du 22 décembre 2022 (ECLI:BE:GHCC:2022:ARR.171), publié au Moniteur belge du 30 mai 2023, la Cour a rejeté la demande de suspension.
Le Gouvernement wallon, assisté et représenté par Me M. Verdussen, Me M. Kaiser et Me C. Jadot, avocats au barreau de Bruxelles, a introduit un mémoire, les parties requérantes
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ont introduit un mémoire en réponse et le Gouvernement wallon a également introduit un mémoire en réplique.
Par ordonnance du 20 septembre 2023, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteurs T. Giet et S. de Bethune, a décidé que l'affaire était en état, qu’aucune audience ne serait tenue, à moins qu’une partie n’ait demandé, dans le délai de sept jours suivant la réception de la notification de cette ordonnance, à être entendue, et qu’en l’absence d’une telle demande, les débats seraient clos le 4 octobre 2023 et l’affaire mise en délibéré.
Aucune demande d’audience n’ayant été introduite, l’affaire a été mise en délibéré le 4 octobre 2023.
Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives à la procédure et à l’emploi des langues ont été appliquées.
II. En droit
-A-
Quant à la recevabilité
A.1.1. Les parties requérantes font valoir que le recours est recevable ratione temporis.
A.1.2. Elles rappellent également que, par son arrêt n° 97/2022 du 14 juillet 2022
(ECLI:BE:GHCC:2022:ARR.097), la Cour a reconnu l’intérêt à agir de la première partie requérante contre des mesures quasiment identiques. La première partie requérante a pour but statutaire « la défense du droit de propriété privée immobilière et mobilière », de sorte que les atteintes au droit de propriété qu’entraînent les dispositions attaquées justifient la recevabilité de son recours.
A.1.3. Les quatre autres parties requérantes sont des propriétaires qui mettent leur bien immobilier en location. Deux des propriétaires disposent d’un jugement prononçant la résiliation du bail, tandis que les deux autres étaient, au jour du dépôt de la requête, toujours en attente d’un jugement. Les parties requérantes estiment qu’elles disposent d’un intérêt à agir étant donné que ces jugements ne pourront pas être exécutés avant que la mesure d’interdiction temporaire des expulsions prenne fin, à savoir le 15 mars 2023.
A.2. Le Gouvernement wallon ne conteste pas l’intérêt à agir des parties requérantes.
Quant au fond
En ce qui concerne le premier moyen.
A.3.1. Les parties requérantes prennent un premier moyen de la violation, d’une part, des articles 39 et 134
de la Constitution et, d’autre part, des articles 6 et 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles (ci-après : la loi spéciale du 8 août 1980). Elles affirment que la Région wallonne s’estime compétente pour interdire temporairement les expulsions domiciliaires sur la base de l’article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980.
Elles estiment que, dans son avis n° 67.387/3 du 14 mai 2020 sur le projet à l’origine de l’arrêté de pouvoirs spéciaux n° 2020/023 du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 20 mai 2020 « interdisant temporairement les expulsions domiciliaires jusqu’au 31 août 2020 inclus », la section de législation du Conseil
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d’État doute que les régions soient compétentes pour régler la matière des expulsions des lieux occupés en vertu d’un contrat de bail.
A.3.2. Selon les parties requérantes, l’article 6 de la loi spéciale du 8 août 1980 prévoit que les régions sont compétentes en matière de règles relatives à la location de biens ou de parties de biens destinés à l’habitation. Or, l’expulsion n’a jamais été réglée dans les textes relatifs aux contrats de bail, mais dans le Code judiciaire. Il résulte de l’intention du législateur spécial que l’expulsion est une mesure d’exécution visée par le Code judiciaire, réservée au législateur fédéral. Les parties requérantes soutiennent que la Région wallonne ne peut pas, dans ce cadre, invoquer l’article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 pour empiéter sur la compétence de l’autorité fédérale en matière de justice, car l’incidence des dispositions attaquées sur cette compétence n’est pas marginale, dès lors qu’elles privent le juge de paix de l’intégralité de la compétence que lui attribue l’article 1344quater, § 1er, du Code judiciaire.
Les parties requérantes considèrent que, par son arrêt n° 97/2022, la Cour a jugé que le report temporaire de l’exécution des décisions judiciaires d’expulsion est un régime dérogatoire au Code judiciaire qui ne peut être mis en place que dans des circonstances exceptionnelles. Selon les parties requérantes, les circonstances de la pandémie de COVID-19 ne sont pas comparables à celles de la crise énergétique. Elles font valoir que la santé publique n’est pas en cause. En outre, la Belgique a subi plusieurs crises énergétiques et économiques sans qu’aient été adoptées des mesures de suspension des expulsions. L’on ne pourrait, sans dénaturer la notion de circonstances exceptionnelles, admettre que les autorités publiques disposent de la faculté de suspendre l’exécution des décisions judiciaires d’expulsion à chaque nouvelle crise économique. Les parties requérantes considèrent que la mesure pourrait devenir structurelle, ce qui permet de douter de son caractère marginal.
Les parties requérantes affirment également que si l’objectif de la mesure est la protection des locataires faibles pendant la période d’hiver, il n’est pas nécessaire de faire référence à une crise économique ou énergétique.
Si, en revanche, l’objectif est la protection des locataires faibles de toute crise économique ou énergétique, il n’y a pas lieu de suspendre les expulsions de manière temporaire pendant l’hiver et cette mesure pourrait être prise à tout moment de l’année.
A.4.1. Le Gouvernement wallon rappelle que l’article 6, § 1er, IV, 1° et 2°, de la loi spéciale du 8 août 1980
attribue aux régions les compétences relatives au logement, à la police des habitations qui constituent un danger pour la propreté et la salubrité publiques et aux règles spécifiques concernant la location des biens ou de parties de biens destinés à l’habitation. Cette disposition a pour objectif de permettre aux régions de mener une politique cohérente en matière de logement et de réglementer l’ensemble du secteur locatif privé. Conformément à la jurisprudence de la Cour, cette compétence doit être interprétée largement. Elle porte sur la totalité des dispositions relatives au droit commun du bail.
A.4.2. Le Gouvernement wallon observe que la section de législation du Conseil d’État a considéré que l’interdiction temporaire des expulsions locatives décrétée par la Région de Bruxelles-Capitale dans le cadre de la crise sanitaire de la COVID-19 pouvait s’inscrire dans la compétence régionale en matière de logement (CE, avis n° 67.387/3, précité). Le Gouvernement wallon fait également valoir que, par son arrêt n° 97/2022 précité, la Cour a jugé que les régions étaient compétentes pour prévoir un report temporaire, pour des circonstances exceptionnelles, de l’exécution des décisions judiciaires d’expulsion prises dans le cadre de baux d’habitation. Un tel report ne porte pas fondamentalement atteinte au principe selon lequel les décisions judiciaires ne peuvent être modifiées que par la mise en œuvre des voies de recours, ni aux règles répartitrices de compétences.
Le Gouvernement wallon met en exergue le fait que les mesures attaquées ont également été prises pour faire face à des circonstances exceptionnelles, à savoir la crise résultant, d’une part, de la hausse des prix de l’énergie à la suite de la guerre en Ukraine et, d’autre part, de la précarisation d’une partie de la population en raison des conséquences socio-économiques de la crise sanitaire de la COVID-19. En outre, contrairement à ce qu’allèguent les parties requérantes, les mesures peuvent aussi être justifiées par des motifs liés à la santé, étant donné que les expulsions sont interdites durant la période hivernale afin de protéger du froid les personnes expulsées.
A.5.1. Les parties requérantes répondent que l’interprétation de l’arrêt n° 97/2022 qu’expose le Gouvernement wallon est erronée. Elles estiment que la Cour a jugé qu’en principe, les régions étaient compétentes pour fixer les conditions auxquelles les expulsions dans le cadre d’un contrat de bail d’habitation peuvent être imposées et exécutées, mais pas pour entraver l’exécution de décisions judiciaires. C’est à titre
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d’exception que la Cour a admis qu’un report temporaire, pour des circonstances exceptionnelles, de l’exécution des décisions judiciaires d’expulsion prises dans le cadre de baux d’habitations ne portait pas atteinte au principe selon lequel les décisions judiciaires ne peuvent être modifiées que par la mise en œuvre des voies de recours, ni aux règles répartitrices de compétences. La portée de cette exception est, selon les parties requérantes, particulièrement restreinte. Elle ne peut être invoquée que lorsque six conditions précises sont réunies, à savoir :
la mesure est strictement temporaire; elle ne vise qu’une période restreinte; elle sert un intérêt général supérieur;
elle permet de faire face à une situation imprévue et très urgente; la situation revêt un caractère exceptionnel et l’autorité ne dispose pas de l’expérience requise pour estimer avec justesse les effets prévus de la mesure; la mesure a pour objectif de protéger la santé et de préserver le droit au logement de personnes fragilisées dans le contexte de crise.
A.5.2. Les parties requérantes font également valoir que l’hiver 2022-2023 a été particulièrement doux.
Selon elles, à suivre le raisonnement du Gouvernement wallon, il faudrait prévoir une suspension de l’exécution des décisions d’expulsion locative chaque hiver, car l’incidence de l’expulsion sur la santé n’a pas de lien avec la crise des prix de l’énergie. Il s’en déduit que les circonstances qui ont donné lieu à l’adoption des dispositions attaquées n’ont rien d’exceptionnel. Elles font également valoir que l’atteinte au droit au logement des locataires résulte de l’absence de mesures de soutien adoptées par l’État. C’est aux pouvoirs publics, et non aux propriétaires privés, qu’il appartient de mettre en œuvre l’article 23 de la Constitution.
A.6.1. Le Gouvernement wallon réplique que plusieurs éléments permettent de conclure que les circonstances qui ont motivé l’intervention du législateur régional sont exceptionnelles. Tout d’abord, l’inflation n’a plus été à un niveau aussi élevé depuis 1975 alors qu’elle était à un niveau particulièrement bas depuis vingt ans. L’indexation des salaires ne couvre pas totalement la hausse des coûts de l’énergie étant donné que l’essence et le diesel sont exclus de l’indice santé. Le niveau d’inflation très élevé résulte de deux évènements imprévisibles, à savoir la guerre en Ukraine et la baisse des exportations mondiales à la suite de la fermeture de lignes de production, qui a poussé les prix à la hausse. En outre, la crise économique a entraîné des faillites d’entreprises et des pertes d’emploi. À cela s’ajoute que l’explosion des prix de l’énergie a eu pour effet de précariser des ménages qui n’étaient pas encore précarisés. Enfin, la chute des prix du gaz et de l’électricité n’aura une incidence sur la facture des consommateurs qu’au printemps 2023.
A.6.2. Le Gouvernement wallon estime que l’avis de la section de législation du Conseil d’État n° 67.387/3
n’est pas pertinent, étant donné qu’il n’est question de pouvoirs implicites que dans le cadre des expulsions de lieux qui sont occupés sans titre ni droit. Ces situations doivent être distinguées de l’occupation résultant d’un contrat de bail.
Le Gouvernement wallon considère également que les parties requérantes se méprennent en considérant que les dispositions attaquées entravent l’exécution des décisions de justice. Si, dans son arrêt n° 97/2022, la Cour avait jugé que le fait de reporter temporairement l’exécution de décisions judiciaires était assimilable à une entrave à l’exécution de ces décisions, elle aurait annulé l’ordonnance attaquée, ce qu’elle n’a pas fait.
En ce qui concerne le second moyen
A.7.1. Les parties requérantes prennent un second moyen de la violation des articles 10, 11 et 16 de la Constitution, de l’article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980, du principe général du droit de la séparation des pouvoirs et de l’article 144 de la Constitution ainsi que de l’article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme.
A.7.2. Dans une première branche, les parties requérantes font valoir qu’en privant les juridictions judiciaires d’une partie de leur compétence en matière d’expulsion des locataires, les dispositions attaquées portent une atteinte disproportionnée au principe de la séparation des pouvoirs et ne respectent pas les conditions de la théorie des pouvoirs implicites, en particulier l’exigence de nécessité.
Les parties requérantes fondent leur raisonnement sur l’avis de la section de législation du Conseil d’État n° 67.387/3 et sur l’arrêt de la Cour n° 97/2022, précités. Elles estiment que, dans cet arrêt, la Cour a jugé que le
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pouvoir exécutif peut suspendre l’exécution des décisions judiciaires d’expulsion lorsque les six conditions précitées en A.5.1 sont réunies.
Les parties requérantes estiment que les dispositions attaquées ne satisfont à aucune de ces conditions.
A.7.3.1. Dans une seconde branche, les parties requérantes exposent que les dispositions attaquées portent une atteinte discriminatoire au droit de propriété.
A.7.3.2. Elles estiment que la mesure ne poursuit pas un but légitime. Elles font valoir que la mesure n’a qu’une portée symbolique. Elles doutent que le droit de propriété puisse légitimement être limité par les dispositions attaquées, dès lors que les circonstances économiques changent, parfois de manière importante. Elles estiment qu’il n’y a pas de garanties que la mesure ne soit pas étendue. Elles font également valoir qu’il existe un risque de remise en cause du droit de propriété dans sa substance même. Elles considèrent que la situation était beaucoup plus objectivable dans le cadre de la lutte contre les conséquences de la pandémie de COVID-19.
Elles soutiennent que l’objectif poursuivi n’est pas un objectif d’intérêt général, mais un objectif strictement financier qui est presque de nature à ressembler à un impôt déguisé. Selon elles, la Région wallonne préfère que les propriétaires privés supportent le coût de plusieurs mois de loyer et de charges locatives plutôt que de prendre en charge, elle-même, les locataires expulsés.
A.7.3.3. En outre, elles rappellent que certains propriétaires privés se trouvent dans une situation de précarité en raison du remboursement de leur emprunt ou en raison de la crise économique. Il est bien plus difficile de mettre en vente un bien occupé par un locataire insolvable et inexpulsable pendant quatre mois et demi que si le locataire a pu être expulsé.
Elles exposent qu’un propriétaire peut souhaiter occuper personnellement son bien, quelles qu’en soient les raisons ou en faire profiter un membre de sa famille.
Dès lors que ce bien devient totalement indisponible pendant une période de quatre mois et demi, les propriétaires sont obligés de trouver d’autres solutions pour eux-mêmes ou pour des personnes de leur entourage.
Selon les parties requérantes, la mesure attaquée est sans relation directe avec l’émergence de la crise énergétique et ses répercussions économiques importantes sur les ménages.
Les parties requérantes en infèrent que la mesure produit des effets disproportionnés.
A.7.3.4. Enfin, les parties requérantes soutiennent que si les propriétaires devaient, sur la base du principe de l’égalité des citoyens devant les charges publiques, assigner les autorités publiques devant les juridictions judiciaires pour obtenir une compensation au cas où la mesure ne serait pas censurée par la Cour Constitutionnelle, cela impliquerait une dépense d’énergie et financière très importante, en plus des pertes qu’ils vont subir en raison de l’exécution de la mesure attaquée.
A.8.1. Le Gouvernement wallon estime que le second moyen doit être déclaré irrecevable en ce qu’il est pris de la violation des articles 1344bis à 1344novies du Code judiciaire, dès lors que ces dispositions ne font pas partie des normes de référence dont la Cour est chargée de contrôler le respect.
Le moyen doit également être déclaré irrecevable en ce qu’il est pris de la violation de l’article 144 de la Constitution, dès lors que cette disposition ne fait pas davantage partie des normes de référence pour le contrôle de constitutionnalité de la Cour. S’il est vrai que les parties requérantes invoquent également cette disposition en combinaison avec les articles 10 et 11 de la Constitution, elles n’expliquent pas les raisons pour lesquelles le décret attaqué violerait ces dispositions.
Enfin, le Gouvernement wallon affirme que le moyen doit, pour la même raison, être déclaré irrecevable en ce qu’il invoque la violation du principe général du droit de la séparation des pouvoirs.
A.8.2. Concernant la première branche, le Gouvernement wallon affirme que les développements des parties requérantes relatifs à la première branche ne permettent pas de comprendre en quoi les normes invoquées auraient été violées.
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Il fait valoir qu’en ce que le second moyen invoque une violation de l’article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, il dénonce une violation des règles répartitrices de compétences. À cet égard, il renvoie à son argumentation relative au premier moyen et soutient que les mesures attaquées relèvent de la compétence des régions sans qu’il soit nécessaire de recourir à l’article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles.
Le Gouvernement wallon observe que les développements relatifs à la mise en balance des intérêts du locataire et du bailleur sont étroitement liés aux dispositions invoquées dans la seconde branche, de sorte qu’il répond à cette partie de l’argumentation dans le cadre de cette branche.
A.8.3.1. Concernant les griefs relatifs au droit de propriété, développés dans le cadre de la seconde branche, le Gouvernement wallon fait valoir, à titre principal, que les dispositions attaquées ne privent pas les bailleurs de leur propriété, de sorte qu’elles ne portent pas atteinte à l’article 16 de la Constitution. En outre, les dispositions attaquées ne restreignent pas davantage le droit de propriété, dès lors qu’elles n’ont pas d’incidence directe sur l’existence et sur le montant des créances de loyers dont disposent les bailleurs.
A.8.3.2. À titre subsidiaire, le Gouvernement wallon soutient que si la Cour devait estimer que les dispositions attaquées restreignent le droit de propriété, il faudrait constater que cette restriction poursuit un objectif légitime. En effet, les mesures prises ont pour objectif d’éviter que des milliers de personnes soient abruptement mises à la rue au péril de leur santé et de leur vie. Selon le Gouvernement wallon, les personnes concernées n’auraient pas eu la possibilité de rechercher un autre logement ni de faire appel aux services d’aide de première ligne, qui sont en grande difficulté pour maintenir des permanences.
Il rappelle que la Cour a jugé qu’était légitime l’objectif consistant à éviter que, par l’effet d’une expulsion, les personnes les plus fragiles se retrouvent sans logement dans un contexte exceptionnel de crise, en l’occurrence la crise sanitaire (arrêt n° 97/2022, précité).
A.8.3.3. Le Gouvernement wallon considère que les parties requérantes n’exposent pas en quoi le principe de proportionnalité serait violé par la mesure attaquée. Il affirme que les six conditions qu’évoquent les parties requérantes ne figurent pas dans des considérants de principe de l’arrêt n° 97/2022. Ce ne sont pas des conditions nécessaires afin de constater la constitutionnalité d’une mesure de suspension des expulsions locatives.
A.8.3.4. Le Gouvernement wallon observe que, contrairement à ce qu’affirment les parties requérantes, le taux d’inflation record, la guerre en Ukraine et la manière dont les conséquences économiques de celle-ci se conjuguent avec les conséquences de la crise sanitaire de la COVID-19 n’étaient pas prévisibles.
A.8.3.5. Il soutient également que les mesures attaquées sont extraordinaires, dès lors qu’elles se limitent à suspendre l’exécution des décisions administratives et judiciaires d’expulsion des locataires pour une durée restreinte à quatre mois et demi. Cette période est d’une durée plus courte que celle de la crise économique qui a justifié la mesure. À l’instar de ce qui avait été prévu en Région de Bruxelles-Capitale pendant la crise sanitaire de la COVID-19, la mesure ne s’applique que pendant l’hiver, à savoir la période la plus dure de l’année pour les locataires expulsés.
A.8.3.6. En outre, le Gouvernement wallon estime que les effets de la mesure sont très limités, dès lors qu’elle se borne à suspendre temporairement l’exécution des décisions administratives ou judiciaires d’expulsion.
Celles-ci peuvent donc être exécutées dès que les mesures attaquées ne seront plus d’application. De surcroît, seules les expulsions de personnes physiques de leur domicile ou de leur résidence sont concernées, de sorte que les décisions d’expulsion prises dans le cadre d’un bail commercial ne seront pas suspendues. En outre, certaines décisions d’expulsion prises dans le cadre d’un bail de résidence principale ne sont pas suspendues. En effet, l’article 1er, § 2, du décret du 22 septembre 2022 « relatif à la suspension de l’exécution des décisions d’expulsions administratives et judiciaires » prévoit que « les décisions judiciaires et administratives ordonnant une expulsion de domicile pour des raisons de sécurité publique, de péril imminent pour la santé physique et mentale des occupants ou de dégradations volontaires du bien peuvent être exécutées ».
A.8.3.7. Le Gouvernement wallon affirme que les parties requérantes se méprennent lorsqu’elles déduisent de l’arrêt n° 97/2022, précité, que la Région wallonne devrait mettre en place un mécanisme de dédommagement
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des propriétaires afin de respecter l’égalité des citoyens devant les charges publiques. Il suffit que les propriétaires puissent s’adresser au juge ordinaire pour réclamer une indemnité.
Le Gouvernement wallon rappelle également que les dispositions attaquées font partie d’un ensemble de mesures destinées à lutter contre les conséquences de la crise des prix de l’énergie. Certaines de ces mesures profitent également aux propriétaires, de sorte que leur situation économique n’est pas excessivement détériorée.
Le Gouvernement wallon observe que, dans la balance des intérêts, il ne faut pas uniquement avoir égard au droit de propriété, mais également aux droits fondamentaux que la mesure attaquée protège, à savoir, le droit à la dignité humaine, le droit au logement décent, le droit au respect de la vie privée, le droit à l’inviolabilité du domicile et le droit à la vie.
Enfin, le Gouvernement wallon rappelle que la Cour européenne des droits de l’homme a jugé que les États devaient se voir reconnaître une grande marge d’appréciation dans le domaine de la politique du logement et qu’une suspension temporaire ou un échelonnement des exécutions de décisions judiciaires ne violait pas l’article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme (CEDH, 28 juillet 1999, Immobiliare Saffi c. Italie, ECLI:CE:ECHR:1999:0728JUD002277493, § 49).
A.8.4. Concernant le respect du principe d’égalité, le Gouvernement wallon fait valoir que les propriétaires et les locataires ne sont pas deux catégories de personnes comparables. Au regard des dispositions attaquées, elles sont en opposition totale. Il estime que le grief fondé sur le principe d’égalité se confond avec le grief fondé sur le droit de propriété et il renvoie à son argumentation à ce propos.
A.9. Concernant la première branche du moyen, les parties requérantes répondent qu’en estimant que les considérants de l’arrêt n° 97/2022 qui exposent les six conditions auxquelles doit satisfaire une mesure de suspension des décisions d’expulsion afin d’être compatible avec le droit de propriété ne contiennent pas des enseignements de principe, le Gouvernement wallon dénie à la Cour son rôle de gardienne des droits fondamentaux.
Elles font également valoir que le taux d’inflation qu’a connu la Belgique n’est pas historiquement inédit et qu’il était prévisible.
Concernant la seconde branche du moyen, les parties requérantes soutiennent que les propriétaires ne constituent pas une catégorie uniforme. Certains d’entre eux éprouvent de fortes difficultés à faire face à la crise énergétique.
Enfin, elles répètent que c’est aux pouvoirs publics et non aux propriétaires qu’incombe la responsabilité de mettre en œuvre les droits fondamentaux. L’ensemble des citoyens paye des impôts afin de permettre aux pouvoirs publics d’assurer ces droits.
A.10. Le Gouvernement wallon réplique que les considérations des parties requérantes relatives à la prolongation de la mesure au-delà de l’hiver 2022-2023 sont purement spéculatives. La Cour doit se prononcer sur des dispositions législatives précises, et non sur des dispositions qui n’existent pas.
Le Gouvernement wallon rappelle les éléments objectifs qui permettent de conclure que les circonstances qui ont justifié l’adoption des dispositions attaquées sont exceptionnelles et renvoie à cet égard à son argumentation relative au premier moyen.
Le Gouvernement wallon estime que, contrairement à ce qu’allèguent les parties requérantes, les droits fondamentaux qui justifient la prise des dispositions attaquées ne s’imposent pas uniquement aux pouvoirs publics.
L’obligation positive de protéger les droits fondamentaux implique que les pouvoirs publics prennent les normes nécessaires afin de protéger les citoyens des ingérences causées par les tiers, personnes privées.
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-B-
Quant aux dispositions attaquées et à leur contexte
B.1.1. Les parties requérantes demandent l’annulation des articles 1er et 2 du décret de la Région wallonne du 22 septembre 2022 « relatif à la suspension de l’exécution des décisions d’expulsions administratives et judiciaires » (ci-après : le décret du 22 septembre 2022). Le décret a été publié au Moniteur belge du 11 octobre 2022.
B.1.2. L’article 1er du décret du 22 septembre 2022 dispose :
« § 1. L’exécution de toutes les décisions judiciaires et administratives ordonnant une expulsion de domicile est suspendue du 1er novembre 2022 au 15 mars 2023.
§ 2. Par dérogation au paragraphe 1er, les décisions judiciaires et administratives ordonnant une expulsion de domicile pour des raisons de sécurité publique, de péril imminent pour la santé physique et mentale des occupants ou de dégradations volontaires du bien peuvent être exécutées ».
L’article 2 du même décret dispose :
« Du 1er novembre 2022 au 15 mars 2023, les forces de police sont chargées de veiller à l’interdiction des expulsions physiques domiciliaires, au besoin par la contrainte et/ou la force ».
B.1.3. Les travaux préparatoires exposent :
« La crise énergétique entraîne une très forte augmentation des prix du gaz et de l’électricité et de nombreux citoyens sont fortement impactés et feront face à de grandes difficultés pour honorer le paiement de leurs charges énergétiques et de leur loyer. Il en découle une forte probabilité que les impayés de loyer augmentent de manière significative conduisant ainsi à l’expulsion des ménages déjà fortement impactés et précarisés par la crise énergétique.
Eu égard à ces éléments, il convient de prendre une mesure permettant de limiter le risque de paupérisation et d’éviter de mettre ces ménages encore plus en difficulté en les privant de leur logement.
Cette mesure se justifie sur la base de l’article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles. Elle est en effet nécessaire à l’exercice des compétences régionales, car le dispositif ici mis en œuvre vise les conséquences de l’application du décret du 15 mars
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2018 relatif au bail d’habitation et du Code wallon de l’Habitation durable. Cette mesure revêt un impact marginal dès lors qu’elle ne s’appliquera que pendant une période très limitée dans le temps.
La suspension de l’exécution des décisions d’expulsion vise tant les décisions déjà prises et dont l’exécution est imminente que les décisions futures qui pourraient être prises durant la crise énergétique dès lors qu’il est nécessaire d’avoir une mesure qui s’applique instantanément et uniformément à l’ensemble des décisions d’expulsion judiciaires et administratives découlant d’une législation relevant de la Région wallonne.
Cette mesure de suspension de l’exécution des décisions d’expulsion ne remet pas en cause le respect des décisions judiciaires, car il s’agit d’une suspension de l’exécution des décisions et non d’une annulation de ces décisions.
La mesure de suspension ne concerne par ailleurs que les expulsions décidées sur base d’une matière ressortissant à la compétence de la Région wallonne. Elle ne concerne dès lors pas les décisions d’expulsions urgentes prises notamment pour des raisons intrafamiliales telles que les violences conjugales » (Doc. parl., Parlement wallon, 2022-2023, n° 1028/1, p. 3).
Il fut également précisé dans les travaux préparatoires que l’objectif des dispositions attaquées est de protéger les locataires – principalement ceux « qui sont le plus en difficulté »
et qui pourraient être contraints de choisir entre le paiement de leur loyer et le paiement de leurs factures d’énergie – et « d’éviter que ces personnes puissent être expulsées en plein hiver »
(Doc. parl., Parlement wallon, 2022-2023, 21 septembre 2022, C.R.I., n° 2, p. 29).
Quant au fond
En ce qui concerne le premier moyen
B.2.1. Le premier moyen est pris de la violation des articles 39 et 134 de la Constitution et des articles 6 et 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles. Les parties requérantes estiment qu’étant donné que la compétence relative aux expulsions est réglée par le Code judiciaire, et non par le Code wallon du logement, elle ressortit à la matière de la justice, qui relève de l’autorité fédérale, et non à celle du logement, qui relève des régions.
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Elles soutiennent également que la Région wallonne ne peut, en l’espèce, se prévaloir de la théorie des pouvoirs implicites.
B.2.2. Il ressort de l’exposé du premier moyen que les parties requérantes critiquent un empiétement, par la Région wallonne, sur les compétences de l’autorité fédérale en matière judiciaire. Le moyen concerne dès lors les décisions judiciaires d’expulsion, et non les décisions administratives. La Cour limite son examen du moyen à cette question.
B.3. L’article 39 de la Constitution dispose :
« La loi attribue aux organes régionaux qu’elle crée et qui sont composés de mandataires élus, la compétence de régler les matières qu’elle détermine, à l’exception de celles visées aux articles 30 et 127 à 129, dans le ressort et selon le mode qu’elle établit. Cette loi doit être adoptée à la majorité prévue à l’article 4, dernier alinéa ».
L’article 6, § 1er, IV, de la loi spéciale du 8 août 1980, tel qu’il a été modifié par la loi spéciale du 6 janvier 2014 relative à la Sixième Réforme de l’État (ci-après : la loi spéciale du 6 janvier 2014), dispose :
« Les matières visées à l’article 39 de la Constitution sont :
[…]
IV. En ce qui concerne le logement :
1° le logement et la police des habitations qui constituent un danger pour la propreté et la salubrité publiques;
2° les règles spécifiques concernant la location des biens ou de parties de biens destinés à l’habitation ».
B.4. Aux termes des travaux préparatoires de la loi spéciale du 6 janvier 2014, les régions sont compétentes pour les « règles spécifiques concernant la location de biens ou des parties de ceux-ci, destinés à l’habitation », y compris les « règles spécifiques relatives aux contrats de bail qui pourront s’écarter du droit commun déterminé au niveau fédéral ». Le législateur spécial entendait transférer aux régions « [la] totalité des règles spécifiques concernant la location de biens ou de parties de biens destinés à l’habitation », s’agissant entre autres des
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règles concernant « les droits et les obligations du bailleur », « les droits et les obligations du preneur », « la fin du contrat de bail », « la résolution du contrat de bail », « la transmission du bien loué », « l’éviction » et « l’indemnité en cas d’éviction » (Doc. Parl., Sénat, 2012-2013, n° 5-2232/1, pp. 82-83).
B.5. Le Constituant et le législateur spécial, dans la mesure où ils n’en disposent pas autrement, ont attribué aux communautés et aux régions toute la compétence d’édicter les règles propres aux matières qui leur ont été transférées.
B.6. L’article 1344quater du Code judiciaire prévoit un régime relatif à l’exécution des expulsions, ordonnées par une décision judiciaire, dans le cadre d’un contrat de bail d’habitation. Cette disposition est libellée comme suit :
« L’expulsion, visée à l’article 1344ter, § 1er, ne peut être exécutée en tout état de cause qu’après un délai d’un mois suivant la signification du jugement, à moins que le bailleur ne prouve l’abandon du bien, que les parties n’aient convenu d’un autre délai, cet accord devant être constaté dans le jugement, ou que le juge prolonge ou réduise ce délai à la demande du preneur ou du bailleur qui justifie de circonstances d’une gravité particulière, notamment les possibilités de reloger le preneur dans des conditions suffisantes respectant l’unité, les ressources financières et les besoins de la famille, en particulier pendant l’hiver. Dans ce dernier cas, le juge fixe le délai dans lequel l’expulsion ne peut pas être exécutée, en tenant compte de l’intérêt des deux parties et dans les conditions qu’il détermine.
En tout état de cause, l’huissier doit aviser le preneur ou les occupants du bien de la date effective de l’expulsion en respectant un délai de cinq jours ouvrables ».
En vertu de cette disposition, une expulsion ne peut, dans des litiges locatifs, être exécutée qu’après un délai d’un mois suivant la signification du jugement, et le juge de paix dispose d’une marge d’appréciation lui permettant de prolonger ou d’écourter ce délai. Les dispositions attaquées aboutissent, par dérogation au régime prévu à l’article 1344quater du Code judiciaire, à ce que les expulsions de domicile soient de toute façon suspendues du 1er novembre 2022 au 15 mars 2023.
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B.7. Il ressort des travaux préparatoires du décret du 22 septembre 2022 que celui-ci a pour objet de suspendre du 1er novembre 2022 au 15 mars 2023 les expulsions de domicile sur le territoire de la Région wallonne, pour éviter que les personnes les plus fragilisées se retrouvent sans logement ou sans solution stable de logement, alors que la crise des prix de l’énergie et la hausse importante de l’inflation sont de nature à ralentir l’activité économique sur le territoire, à entraîner des pertes d’emploi et à placer les personnes fragilisées dans une plus grande précarité.
En vertu de l’article 1er, § 2, du décret du 22 septembre 2022, une expulsion de domicile reste néanmoins possible pour des raisons de sécurité publique, de péril imminent pour la santé physique et mentale des occupants ou de dégradations volontaires du bien.
En outre, les dispositions attaquées n’ont pas d’incidence sur l’existence et le montant des créances de loyer dont dispose le propriétaire bailleur. Ces loyers ou une indemnité d’occupation correspondante restent dus pendant la période temporaire de suspension des expulsions.
B.8. Eu égard à l’objectif du législateur spécial, mentionné en B.4, de transférer aux régions « [la] totalité des règles spécifiques concernant la location de biens ou de parties de biens destinés à l’habitation », en particulier les règles concernant « l’éviction » et « l’indemnité en cas d’éviction », les régions sont compétentes, en vertu de l’article 6, § 1er, IV, de la loi spéciale du 8 août 1980, pour fixer les conditions auxquelles les expulsions dans le cadre d’un contrat de bail d’habitation peuvent être imposées et exécutées. Cette compétence ne va pas jusqu’à permettre d’entraver l’exécution en tant que telle de décisions judiciaires, ce qui serait contraire tout à la fois au principe fondamental de l’ordre juridique belge selon lequel les décisions judiciaires ne peuvent être modifiées que par la mise en œuvre des voies de recours et aux règles répartitrices de compétences. Toutefois, un report temporaire, dans des circonstances exceptionnelles, de l’exécution des décisions judiciaires d’expulsion, tel que le prévoient les dispositions attaquées, ne porte pas fondamentalement atteinte à ce principe et à ces règles.
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Dès lors que les dispositions attaquées relèvent de la compétence de la Région wallonne en vertu de l’article 6, § 1er, IV, de la loi spéciale du 8 août 1980, il n’y a pas lieu d’examiner si elle pouvait se prévaloir des pouvoirs implicites pour les prendre.
B.9. Le premier moyen n’est pas fondé.
En ce qui concerne le second moyen
B.10. Le second moyen est pris de la violation des articles 10, 11 et 16 de la Constitution, de l’article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980, du principe général du droit de la séparation des pouvoirs, de l’article 144 de la Constitution ainsi que de l’article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme (ci-après : le Premier Protocole additionnel).
Dans une première branche, les parties requérantes font valoir qu’en privant les juridictions judiciaires d’une partie de leur compétence en matière d’expulsion des locataires, les dispositions attaquées portent une atteinte disproportionnée à la séparation des pouvoirs et dépassent le cadre des pouvoirs implicites.
Dans une seconde branche, les parties requérantes exposent que les dispositions attaquées portent une atteinte discriminatoire au droit de propriété.
B.11. Le Gouvernement wallon soutient que la première branche du second moyen doit être déclarée irrecevable en ce qu’elle est prise de la violation de l’article 144 de la Constitution, des articles 1344bis à 1344novies du Code judiciaire et du principe général du droit de la séparation des pouvoirs, dès lors que ces dispositions ne font pas partie des normes de référence dont la Cour est chargée de contrôler le respect.
Il fait valoir que même si les parties requérantes invoquent également ces dispositions et ce principe en combinaison avec les articles 10 et 11 de la Constitution, elles n’expliquent pas les raisons pour lesquelles le décret attaqué violerait les dispositions invoquées.
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B.12.1. Contrairement à ce que prétend le Gouvernement wallon, les parties requérantes n’invoquent pas la violation des articles 1344bis à 1344novies du Code judiciaire.
De surcroît, il ressort de la requête que les parties requérantes invoquent l’article 144 de la Constitution et le principe général de la séparation des pouvoirs en combinaison, avec les articles 10 et 11 de la Constitution et avec l’article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980. La Cour n’est donc pas invitée à exercer un contrôle direct au regard de l’article 144 de la Constitution et du principe général de la séparation des pouvoirs.
B.12.2. Pour satisfaire aux exigences de l’article 6 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, les moyens de la requête doivent faire connaître, parmi les règles dont la Cour garantit le respect, celles qui seraient violées ainsi que les dispositions qui violeraient ces règles et exposer en quoi ces règles auraient été transgressées par ces dispositions.
B.12.3. Dans leur requête, les parties requérantes n’exposent pas de quelle manière les dispositions attaquées violeraient l’article 144 de la Constitution.
Il s’ensuit qu’en ce qu’il est pris de la violation de l’article 144 de la Constitution lu en combinaison avec les articles 10 et 11 de la Constitution, le second moyen est irrecevable.
B.12.4. En revanche, il peut se déduire de la requête que les parties requérantes estiment qu’en suspendant l’exécution des décisions de justice ordonnant l’expulsion des locataires de leur domicile, les dispositions attaquées portent une atteinte discriminatoire au principe de la séparation des pouvoirs et, en particulier, au principe fondamental de l’ordre juridique belge selon lequel les décisions judiciaires ne peuvent être modifiées que par la mise en œuvre des voies de recours.
En ce qu’il est pris de l’atteinte discriminatoire au principe de la séparation des pouvoirs, le second moyen est recevable.
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B.13.1. Les griefs que les parties requérantes adressent aux dispositions attaquées dans le cadre de la première branche du second moyen portent essentiellement sur la violation des conditions dans lesquelles une autorité peut se prévaloir des pouvoirs implicites et sur la violation du principe selon lequel les décisions judiciaires ne peuvent être modifiées que par la mise en œuvre des voies de recours, de sorte qu’ils se confondent avec les griefs qu’elles ont développés dans le cadre du premier moyen.
B.13.2. Comme il est dit en B.8, les dispositions attaquées relèvent de la compétence de la Région wallonne en vertu de l’article 6, § 1er, IV, de la loi spéciale du 8 août 1980, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’examiner si la Région wallonne pouvait se prévaloir des pouvoirs implicites pour les prendre. En outre, un report temporaire, dans des circonstances exceptionnelles, de l’exécution des décisions judiciaires d’expulsion, tel que le prévoient les dispositions attaquées, ne porte pas fondamentalement atteinte au principe fondamental de l’ordre juridique belge selon lequel les décisions judiciaires ne peuvent être modifiées que par la mise en œuvre des voies de recours.
B.14. Le second moyen, en sa première branche, n’est pas fondé.
B.15.1. Lorsqu’est invoquée une violation du principe d’égalité et de non-discrimination, il faut en règle générale préciser quelles sont les catégories de personnes qui sont comparées et en quoi la disposition en cause entraîne une différence de traitement qui serait discriminatoire.
Toutefois, lorsqu’une violation du principe d’égalité et de non-discrimination est alléguée en combinaison avec un autre droit fondamental, il suffit de préciser en quoi ce droit fondamental est violé. La catégorie de personnes pour lesquelles ce droit fondamental est violé doit être comparée à la catégorie de personnes envers lesquelles ce droit fondamental est garanti.
B.15.2. L’article 16 de la Constitution dispose :
« Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique, dans les cas et de la manière établis par la loi, et moyennant une juste et préalable indemnité ».
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B.15.3. L’article 1er du Premier Protocole additionnel ayant une portée analogue à celle de l’article 16 de la Constitution, les garanties qu’il contient forment un ensemble indissociable avec celles qui sont inscrites dans cette disposition constitutionnelle, de sorte que la Cour en tient compte lors de son contrôle de la disposition en cause.
L’article 1er du Premier Protocole additionnel dispose :
« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux de droit international.
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement d’impôts ou d’autres contributions ou des amendes ».
B.15.4. L’article 1er du Premier Protocole additionnel offre une protection non seulement contre une expropriation ou une privation de propriété (premier alinéa, seconde phrase), mais également contre toute ingérence dans le droit au respect des biens (premier alinéa, première phrase) et contre toute réglementation de l’usage des biens (second alinéa).
B.16.1. La Cour européenne des droits de l’homme a jugé, au sujet d’une interdiction légale de procéder à une expulsion d’un locataire ayant cessé de payer son loyer, « qu’il n’y a eu en l’espèce ni expropriation de fait ni transfert de propriété, car la société requérante n’a pas été dépouillée du droit de louer ou de vendre son bien […]. L’application des mesures litigieuses ayant entraîné le maintien du locataire dans l’appartement, elle s’analyse, à n’en pas douter, en une réglementation de l’usage des biens. Le second alinéa de l’article 1 du Protocole n° 1 joue donc en l’occurrence » (CEDH, 28 juillet 1999, Immobiliare Saffi c. Italie, ECLI:CE:ECHR:1999:0728JUD002277493, § 46).
B.16.2. En ce qu’elles suspendent temporairement les expulsions, les dispositions attaquées relèvent de l’« usage des biens conformément à l’intérêt général » au sens de
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l’article 1er, second alinéa, du Premier Protocole additionnel, et donc du champ d’application de cette disposition conventionnelle, lue en combinaison avec l’article 16 de la Constitution.
B.16.3. Pour satisfaire aux conditions du second alinéa de l’article 1er du Premier Protocole additionnel, une mesure réglant l’« usage des biens conformément à l’intérêt général » doit être prévue par la loi, poursuivre un but légitime conforme à l’intérêt général (CEDH, 28 juillet 1999, Immobiliare Saffi c. Italie, précité, § 44; 28 septembre 1995, Spadea et Scalabrino c. Italie, ECLI:CE:ECHR:1995:0928JUD001286887, §§ 31 et 32) et « ménager un ‘ juste équilibre ’ entre les impératifs de l’intérêt général et ceux de la sauvegarde des droits fondamentaux de l’individu. La recherche de pareil équilibre se reflète dans la structure de l’article 1 tout entier, donc aussi dans le second alinéa : il doit exister un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé » (CEDH, 28 juillet 1999, Immobiliare Saffi c. Italie, précité, § 49).
B.16.4. Enfin, l’article 1er du Premier Protocole additionnel vise à sauvegarder des droits concrets et effectifs, de sorte qu’il convient d’aller au-delà des apparences et d’examiner la réalité de la situation des personnes visées par la mesure d’ingérence (CEDH, 7 juillet 2009, Plechanow c. Pologne, ECLI:CE:ECHR:2009:0707JUD002227904, § 101).
B.17. Comme il est dit en B.1.3, les dispositions attaquées tendent à éviter que, par l’effet d’une expulsion de leur domicile, les personnes les plus fragilisées se retrouvent sans logement durant les mois les plus froids de l’année, eu égard au contexte exceptionnel engendré par la crise des prix de l’énergie et la très forte augmentation de l’inflation. Il s’agit d’un objectif légitime d’intérêt général.
B.18.1. Il appartient cependant à la Cour de vérifier si, par l’adoption des dispositions attaquées, la Région wallonne a effectivement ménagé un juste équilibre entre, d’une part, les intérêts du locataire d’un bien immeuble dont l’expulsion est suspendue et, d’autre part, les intérêts du propriétaire-bailleur, afin que les mesures ne causent pas une restriction excessive au droit au respect des biens du second.
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B.18.2 En outre, s’il est vrai que les dispositions attaquées restreignent le droit à la protection des biens, elles contribuent, par ailleurs, à la mise en œuvre et à la protection de plusieurs droits fondamentaux.
En suspendant l’exécution des décisions judiciaires et administratives qui ordonnent une expulsion de domicile du 1er novembre 2022 au 15 mars 2023 et en chargeant les forces de police de veiller à l’interdiction des expulsions physiques domiciliaires, au besoin par la contrainte ou par la force, les dispositions attaquées protègent et mettent en œuvre le droit à la protection du domicile et le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine qui comprend notamment le droit à un logement décent. De surcroît, il résulte du fait que les mesures attaquées ne sont applicables que durant la période hivernale que le législateur avait pour objectif de protéger la santé et la vie des personnes expulsées durant cette période, de sorte que les dispositions attaquées contribuent à la protection et à la mise en œuvre du droit à la protection de la santé et du droit à la vie.
Dans son examen de la justification des dispositions attaquées, la Cour doit dès lors tenir compte de l’ensemble des droits fondamentaux concernés.
B.19.1. Par son arrêt n° 97/2022 du 14 juillet 2022 (ECLI:BE:GHCC:2022:ARR.097), la Cour a jugé que l’interdiction temporaire des expulsions instaurée par la Région de Bruxelles-
Capitale ménageait un juste équilibre entre les droits des locataires et les droits des propriétaires-bailleurs pour autant que des obligations individuelles d’indemnisation soient maintenues au cours de cette période et que la mesure soit interprétée de manière à permettre au juge ordinaire d’apprécier in concreto si une compensation à charge des pouvoirs publics est justifiée sur la base du principe de l’égalité des citoyens devant les charges publiques.
B.20.1. Par les dispositions attaquées, la Région wallonne agit sur certains effets d’une situation imprévue et urgente, à savoir une inflation d’un niveau historiquement très élevé qui résulte de la crise des prix de l’énergie consécutive à la guerre en Ukraine et des conséquences économiques de la pandémie de COVID-19.
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B.20.2. Dans ces circonstances exceptionnelles, le législateur décrétal disposait d’un large pouvoir d’appréciation pour prendre les mesures adéquates afin de protéger la santé et le logement d’une catégorie de personnes qui, même dans des circonstances normales, se trouvent dans une situation de précarité.
B.20.3. La Région wallonne a pu considérer qu’il était nécessaire d’éviter que, par l’effet d’une décision d’expulsion, certaines personnes se retrouvent à la rue ou dans l’obligation de se reloger chez des proches, en raison de la difficulté, voire de l’impossibilité, de retrouver un logement sur le marché locatif.
B.20.4. Les mesures prises par la Région wallonne sont de nature temporaire, étant donné que les décisions judiciaires et administratives ordonnant une expulsion de domicile ont été suspendues du 1er novembre 2022 au 15 mars 2023 et que les forces de police ont été chargées de veiller à l’interdiction des expulsions physiques domiciliaires durant la même période.
La durée totale de la suspension s’est élevée à quatre mois et demi. Cette période correspond aux mois les plus froids de l’année. Durant cette période, la consommation d’énergie est, en règle, nettement plus élevée, notamment pour faire face aux besoins de chauffage. Le législateur décrétal a donc pu estimer que le poids de la forte hausse des prix de l’énergie conjuguée à l’inflation généralisée risquait de précariser davantage les ménages les plus fragiles et de les exposer à un risque accru d’expulsion. En outre, en raison de la difficulté, voire de l’impossibilité, de retrouver un logement sur le marché locatif, certaines personnes expulsées se seraient retrouvées à la rue, ce qui les aurait exposées à un risque important pour leur santé et pour leur vie.
Les mesures attaquées sont pertinentes pour atteindre l’objectif visé en B.17 et pour protéger les droits fondamentaux visés en B.18.2.
B.20.5. Par ailleurs, comme il est dit en B.7, les dispositions attaquées n’ont pas d’incidence sur l’existence et le montant des créances de loyer dont dispose le propriétaire bailleur. Ces loyers ou une indemnité d’occupation correspondante restent dus pendant la période temporaire de suspension des expulsions. Le locataire doit également continuer à respecter toutes les autres obligations lui incombant.
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S’il est vrai que, dans les circonstances où le bailleur demande la rupture du contrat de bail et obtient l’expulsion, la probabilité est forte que l’intéressé soit insuffisamment solvable pour payer ce loyer ou cette indemnité à court terme, il n’en demeure pas moins que celui-ci ou celle-
ci reste dû, exigible et recouvrable.
B.20.6. Enfin, conformément à l’article 144 de la Constitution, il appartient au juge ordinaire d’apprécier si une indemnisation sur la base du principe de l’égalité des citoyens devant les charges publiques est justifiée, et il lui appartient également d’en fixer le montant.
En vertu de ce principe, l’autorité ne peut, sans compensation, imposer des charges qui excèdent celles qui doivent être supportées par un particulier dans l’intérêt général. Il découle de ce principe que les effets préjudiciables disproportionnés – c’est-à-dire le risque social ou entrepreneurial extraordinaire s’imposant à un groupe limité de citoyens ou d’institutions –
d’une mesure de coercition qui est en soi régulière ne doivent pas être mis à charge des personnes lésées, mais doivent être répartis de manière égale sur la collectivité.
Une compensation en vertu de ce principe n’est requise que lorsque et dans la mesure où
les effets de la mesure excèdent la charge qui peut être imposée à un particulier dans l’intérêt général. Il appartient au juge ordinaire d’apprécier in concreto, en tenant compte de tous les aspects particuliers et publics de chaque cas, si la charge qui résulte de la disposition attaquée pour le bailleur peut faire l’objet d’une compensation.
B.21. Sous réserve de l’interprétation mentionnée en B.20.6, le second moyen n’est pas fondé.
21
Par ces motifs,
la Cour,
sous réserve de l’interprétation mentionnée en B.20.6, rejette le recours.
Ainsi rendu en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l’article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 9 novembre 2023.
Le greffier, Le président,
N. Dupont P. Nihoul


Synthèse
Numéro d'arrêt : 147/2023
Date de la décision : 09/11/2023
Type d'affaire : Droit constitutionnel

Analyses

Rejet du recours (sous réserve de l'interprétation mentionnée en B.20.6)

COUR CONSTITUTIONNELLE - DROIT PUBLIC ET ADMINISTRATIF - COUR CONSTITUTIONNELLE - le recours en annulation du décret de la Région wallonne du 22 septembre 2022 « relatif à la suspension de l'exécution des décisions d'expulsions administratives et judiciaires », introduit par l'ASBL « Syndicat National des Propriétaires et Copropriétaires » et autres. Logement - Région wallonne - Locataire - Expulsion - Interdiction temporaire des expulsions domiciliaires - Crise énergétique


Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2023
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.constitutionnel;arret;2023-11-09;147.2023 ?

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