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19/10/2023 | BELGIQUE | N°138/2023

Belgique | Belgique, Cour constitutionnel, 19 octobre 2023, 138/2023


Cour constitutionnelle
Arrêt n° 138/2023
du 19 octobre 2023
Numéro du rôle : 7920
En cause : les questions préjudicielles concernant les articles 4.2.2.3.5 et 4.2.2.5.1 du décret de la Région flamande du 18 juillet 2003 relatif à la politique intégrée de l’eau, coordonné le 15 juin 2018, posées par le Tribunal de première instance de Flandre orientale, division de Gand.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents L. Lavrysen et P. Nihoul, et des juges Y. Kherbache, S. de Bethune, E. Bribosia, W. Verrijdt et K. Jadin, assistée du greffier F. Meer

sschaut, présidée par le président L. Lavrysen,
après en avoir délibéré, rend l’ar...

Cour constitutionnelle
Arrêt n° 138/2023
du 19 octobre 2023
Numéro du rôle : 7920
En cause : les questions préjudicielles concernant les articles 4.2.2.3.5 et 4.2.2.5.1 du décret de la Région flamande du 18 juillet 2003 relatif à la politique intégrée de l’eau, coordonné le 15 juin 2018, posées par le Tribunal de première instance de Flandre orientale, division de Gand.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents L. Lavrysen et P. Nihoul, et des juges Y. Kherbache, S. de Bethune, E. Bribosia, W. Verrijdt et K. Jadin, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président L. Lavrysen,
après en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant :
I. Objet des questions préjudicielles et procédure
Par jugement du 9 janvier 2023, dont l’expédition est parvenue au greffe de la Cour le 30 janvier 2023, le Tribunal de première instance de Flandre orientale, division de Gand, a posé les questions préjudicielles suivantes :
« L’article 4.2.2.3.5 du décret coordonné de la Région flamande du 15 juin 2018 relatif à la politique intégrée de l’eau viole-t-il les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, dans l’interprétation selon laquelle, en cas de force majeure, cet article ne permet pas d’utiliser la méthode alternative de calcul lorsque le redevable a déjà recouru à cette méthode au cours des trois exercices d’imposition consécutifs précédents, tandis que le redevable qui n’a pas encore recouru à la méthode alternative de calcul au cours des trois exercices d’imposition consécutifs précédents pourrait quant à lui l’utiliser, alors qu’en raison de la situation de force majeure, aucune fraude ni aucun abus ne pourrait être imputé à ces deux redevables, de sorte que la condition imposant que la méthode alternative ne puisse être utilisée que par les entreprises qui ont, au cours au moins des trois exercices d’imposition consécutifs précédents, fait calculer leur imposition sur la base de données de mesure et d’échantillonnage va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre le double objectif que poursuit cette condition (à savoir prévenir les abus et la fraude, et disposer d’une période plus ou moins longue au cours de laquelle la pollution réelle a été mesurée, afin de pouvoir tout de même assurer avec une certitude suffisante que, pour une année précise, l’imposition couvrira la pollution vraisemblablement
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causée), dès lors que cet objectif peut tout aussi bien être atteint en permettant aux entreprises qui ont fait calculer leur imposition sur la base de données de mesure et d’échantillonnage au cours d’au moins trois exercices d’imposition consécutifs (sans être immédiatement précédents)
d’utiliser, elles aussi, la méthode alternative de calcul ?
L’article 4.2.2.3.5 du décret coordonné de la Région flamande du 15 juin 2018 relatif à la politique intégrée de l’eau viole-t-il les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, dans l’interprétation selon laquelle ce ne serait qu’en cas de force majeure de droit commun qu’il permettrait d’utiliser la méthode alternative de calcul même lorsque le redevable a déjà utilisé cette méthode au cours des trois exercices d’imposition consécutifs précédents, en ce que le moyen est disproportionné au regard de l’objectif poursuivi, dès lors qu’une situation imputable à des circonstances indépendantes de la volonté du redevable dans laquelle il ne saurait être question d’un abus ou d’une fraude peut également se présenter en dehors d’une situation de force majeure de droit commun, de sorte que la condition imposant que la méthode alternative ne puisse être utilisée que par les entreprises qui ont, au cours au moins des trois exercices d’imposition consécutifs précédents, fait calculer leur impôt sur la base de données de mesure et d’échantillonnage va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre le double objectif que poursuit cette condition (à savoir prévenir les abus et la fraude, et disposer d’une période plus ou moins longue au cours de laquelle la pollution réelle a été mesurée, afin de pouvoir tout de même assurer avec une certitude suffisante que, pour une année précise, l’imposition couvrira la pollution vraisemblablement causée), dès lors que cet objectif peut tout aussi bien être atteint en permettant que la méthode alternative de calcul puisse également être utilisée par les entreprises qui y ont déjà recouru au cours des trois exercices d’imposition consécutifs précédents ?
L’article 4.2.2.5.1 du décret coordonné de la Région flamande du 15 juin 2018 relatif à la politique intégrée de l’eau, lu en combinaison ou non avec l’annexe 5, viole-t-il les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, en ce que la charge polluante causée par les matières oxydables et les matières en suspension (N1) est calculée sur la base de l’activité de l’année précédant l’exercice d’imposition exprimée en m3 (A), le nombre de m3 d’eau utilisés s’entendant comme la quantité d’eau utilisée au cours de l’année précédant l’exercice d’imposition (Q), diminuée de la quantité d’eaux de refroidissement (K), sans qu’une distinction soit faite selon que cette eau est utilisée ou non dans le processus de production du redevable, ce qui a pour effet de créer une différence, à justifier, entre deux redevables qui présentent une valeur A identique en dépit d’une différence quant à la quantité d’eau effectivement utilisée dans leur processus de production, et ce qui a pour effet que la réglementation contestée va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre son objectif (lutter contre la pollution de l’environnement) ? ».
Des mémoires ont été introduits par :
- la SA « Biopower Oostende », assistée et représentée par Me M. Maus, avocat au barreau de Flandre occidentale, et par Me P. Smeyers, avocat au barreau de Bruxelles;
- la « Vlaamse Milieumaatschappij », assistée et représentée par Me S. Libeer, avocat au barreau de Bruxelles;
- le Gouvernement flamand, assisté et représenté par Me S. Libeer.
La SA « Biopower Oostende » a également introduit un mémoire en réponse.
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Par ordonnance du 12 juillet 2023, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteurs W. Verrijdt et K. Jadin, a décidé que l’affaire était en état, qu’aucune audience ne serait tenue, à moins qu’une partie n’ait demandé, dans le délai de sept jours suivant la réception de la notification de cette ordonnance, à être entendue, et qu’en l’absence d’une telle demande, les débats seraient clos le 1er septembre 2023 et l’affaire mise en délibéré.
Aucune demande d’audience n’ayant été introduite, l’affaire a été mise en délibéré le 1er septembre 2023.
Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives à la procédure et à l’emploi des langues ont été appliquées.
II. Les faits et la procédure antérieure
L’activité économique principale de la SA « Biopower Oostende » (ci-après : Biopower), partie demanderesse devant la juridiction a quo, consiste à produire de l’énergie. Outre une centrale électrique, elle possède une installation d’évaporation. Cette installation transforme l’eau de canal en eau de traitement, l’eau de canal restante étant ensuite rejetée dans le canal Gand-Ostende.
Biopower a introduit une déclaration portant sur l’exercice d’imposition 2020 dans le cadre de la taxe sur la pollution des eaux et le captage des eaux souterraines. En ce qui concerne l’activité « évaporateur-eau de canal », elle a demandé une dérogation fondée sur l’article 4.2.2.3.5 du décret de la Région flamande du 18 juillet 2003
relatif à la politique intégrée de l’eau, coordonné par l’arrêté du Gouvernement flamand du 15 juin 2018, confirmé par le décret du 30 novembre 2018 (ci-après : le décret coordonné du 15 juin 2018). Cette disposition permet de calculer la taxe selon une méthode de calcul alternative basée sur des campagnes de mesurage et d’échantillonnage de trois exercices d’imposition précédents. Cette dérogation a été refusée au motif que, pour l’exercice d’imposition 2017, Biopower ne disposait pas de ses propres résultats de mesurage et d’échantillonnage.
L’administration a donc calculé la taxe en appliquant la méthode de calcul forfaitaire, qui repose sur des coefficients de conversion.
Biopower a introduit contre cette taxe une réclamation administrative, qui a été rejetée. Biopower a ensuite introduit un recours contre cette décision de rejet devant la juridiction a quo. Elle fait valoir que deux cas de force majeure se sont présentés : l’un en 2016, qui a pour effet qu’elle ne dispose pas de ses propres résultats de mesurage et d’échantillonnage pour l’exercice d’imposition 2017, alors qu’elle dispose de ceux des campagnes de mesurage et d’échantillonnage relatives aux exercices d’imposition 2014, 2015 et 2016, et un autre cas de force majeure en 2019, empêchant que la campagne de mesurage et d’échantillonnage prévue ait lieu. Elle conteste également la formule légale utilisée pour la méthode de calcul forfaitaire. La juridiction a quo pose à cet égard les trois questions préjudicielles reproduites ci-dessus.
III. En droit
-A–
Quant aux deux premières questions préjudicielles
A.1.1. Biopower estime que la réponse à la première et à la deuxième question préjudicielle est pertinente pour trancher le litige au fond, même si celle-ci doit encore vérifier si Biopower se trouve dans une situation de force majeure. La réponse à ces questions préjudicielles doit en effet permettre à la juridiction a quo d’examiner si elle doit uniquement prendre en compte la notion de force majeure de droit commun ou également la notion de force majeure en matière fiscale.
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A.1.2. Quant au fond, Biopower fait valoir que l’article 4.2.2.3.5 du décret coordonné du 15 juin 2018 viole le principe d’égalité et de non-discrimination, en ce qu’il interdit au redevable qui a fait usage de la méthode de calcul alternative au cours des trois exercices d’imposition consécutifs précédents de recourir à nouveau à cette méthode, alors que le redevable qui, au cours de cette période, n’a pas encore fait usage de cette méthode peut le faire, bien que les deux redevables se trouvent dans une situation de force majeure. L’objectif poursuivi par le législateur décrétal consistant à lutter contre les abus et la fraude ne saurait justifier cette différence de traitement, étant donné qu’aucun cas de fraude ou d’abus ne peut être imputé aux deux redevables. Par conséquent, le législateur décrétal peut tout aussi bien atteindre cet objectif en autorisant un redevable tel que Biopower à recourir à nouveau à la méthode de calcul alternative ou en autorisant un nouveau calcul qui tienne compte des données de mesurage et d’échantillonnage des trois exercices d’imposition consécutifs antérieurs ou postérieurs à l’exercice d’imposition concerné, possibilité qui a par ailleurs déjà été offerte aux sociétés qui débutent. Étant donné que l’affaire soumise à la juridiction a quo porte sur une taxe qui tend essentiellement à réaliser un objectif non fiscal, à savoir la lutte contre la pollution de l’eau, il convient d’appliquer la notion de force majeure en matière fiscale, qui, à la différence de la notion de force majeure de droit commun, n’exige pas que la situation de force majeure ait un caractère insurmontable et imprévisible, mais uniquement que cette situation soit due à des circonstances indépendantes de la volonté du redevable.
A.2.1. La « Vlaamse Milieumaatschappij » (Société flamande pour l’environnement) et le Gouvernement flamand font valoir que les deux premières questions préjudicielles ne sont pas pertinentes pour trancher le litige au fond. En effet, ces questions supposent qu’il existe, dans le litige au fond, une situation de force majeure, ce qui n’est pas le cas selon eux.
A.2.2. Quant au fond, ils soulignent que la méthode de calcul alternative est une exception qui doit être appliquée de manière restrictive. Étant donné que cette méthode calcule une taxe sur la base d’un niveau de pollution inconnu, il est logique qu’elle s’appuie sur des données de mesurage qui sont aussi proches que possible dans le temps de l’exercice d’imposition concerné et qui portent sur la pollution mesurée effectivement au cours d’une année. Si la méthode de calcul alternative pouvait être utilisée plus d’une fois par période de quatre ans, l’objectif de cette limitation serait vidé de sa substance, cet objectif étant d’inciter les entreprises à procéder chaque année à des échantillonnages. La Société flamande pour l’environnement et le Gouvernement flamand se réfèrent à l’arrêt de la Cour n° 87/2012 du 28 juin 2012 (ECLI:BE:GHCC:2012:ARR.087), dans lequel la Cour a jugé, au sujet d’une taxe sur la consommation d’eau de distribution, que la méthode de calcul forfaitaire prévue par le législateur était suffisamment diversifiée pour satisfaire au principe du « pollueur-payeur » et que le législateur n’était donc pas tenu de prévoir, en dehors de cette réglementation, une exonération ou diminution totale ou partielle supplémentaire lorsque l’eau est déversée dans l’environnement en dehors de tout processus de production ou de transformation. Ils estiment qu’il convient de conclure, pour les mêmes raisons, que les différences de traitement en cause sont raisonnablement justifiées.
Quant à la troisième question préjudicielle
A.3. Biopower conteste la formule utilisée pour calculer la charge polluante de son activité de transformation d’eau de canal en eau de traitement pour la production d’électricité. Elle considère que la formule prend en compte, à tort, la somme de la consommation totale d’eau facturée et de la quantité d’eau captée d’une autre manière, alors que la quantité d’eau qui est pompée dans l’évaporateur n’est qu’en partie transformée en eau de traitement. Étant donné que le législateur décrétal a toujours voulu que la taxe grève la pollution réelle et qu’en raison de la transformation limitée en eau de traitement, l’eau déversée n’a pas d’incidence sur la qualité de l’eau de canal, la taxe doit uniquement être calculée sur la base de la quantité d’eau qui est transformée en eau de traitement. La formule actuelle viole dès lors le principe d’égalité et de non-discrimination.
A.4. La Société flamande pour l’environnement et le Gouvernement flamand font valoir que, vu qu’aucun résultat de mesurage n’est disponible pour cette activité, il faut, pour calculer la taxe portant sur cette activité, se baser sur la totalité du volume d’eau de canal captée pour la production d’électricité, puisque la méthode de calcul forfaitaire tient déjà compte du fait qu’une partie de l’eau est rejetée après le traitement. Dans le cadre d’une formule forfaitaire, le législateur décrétal n’est pas tenu de prendre en compte les spécificités de chaque entreprise.
Par ailleurs, Biopower interprète la notion de « processus de production » de manière trop restreinte. Étant donné que l’eau de traitement ne peut être produite que si les eaux usées restantes sont déversées, le déversement
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des eaux usées fait également partie du processus de production, d’autant plus que l’eau déversée est également polluante. À l’appui de leur thèse, la Société flamande pour l’environnement et le Gouvernement flamand se réfèrent à plusieurs décisions de justice. Par conséquent, à leur estime, la disposition en cause est compatible avec le principe d’égalité et de non-discrimination.
-B-
Quant aux dispositions en cause et à leur contexte
B.1.1. Les questions préjudicielles portent sur les articles 4.2.2.3.5 et 4.2.2.5.1 du décret de la Région flamande du 18 juillet 2003 relatif à la politique intégrée de l’eau, coordonné par l’arrêté du Gouvernement flamand du 15 juin 2018, confirmé par le décret du 30 novembre 2018 (ci-après : le décret coordonné du 15 juin 2018). Ces dispositions règlent le mode de calcul du montant de la taxe sur la pollution des eaux.
B.1.2. Les taxes d’environnement sur la pollution des eaux en Région flamande sont réglées, depuis le 1er janvier 2019, dans le titre IV (« Instruments financiers de régulation et de financement de la politique intégrée de l’eau ») du décret coordonné du 15 juin 2018, sous le chapitre II, intitulé « Redevances sur la pollution des eaux et les eaux souterraines ».
Auparavant, cette matière était réglée par la loi du 26 mars 1971 « sur la protection des eaux de surface contre la pollution », modifiée à plusieurs reprises par le législateur décrétal flamand (ci-après : la loi du 26 mars 1971).
L’article 4.2.1.1.8 du décret coordonné du 15 juin 2018 dispose que la « Vlaamse Milieumaatschappij » (la Société flamande pour l’environnement) est chargée de l’établissement, de la perception et du recouvrement de la taxe sur la pollution des eaux et du contrôle du respect des obligations afférentes à la taxe. L’article 4.1.1, 10°, détermine ce qu’il y a lieu d’entendre par « exercice d’imposition », à savoir « l’année civile qui suit celle au cours de laquelle une quantité d’eau a été consommée et/ou facturée et/ou déversée et/ou une prise d’eau souterraine a été exploitée ». Les articles 4.2.1.1.1 à 4.2.1.1.4 déterminent qui doit être considéré ou non comme redevable.
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L’article 4.2.2.1.1 du décret coordonné du 15 juin 2018 dispose que le montant de la taxe est fixé comme suit : H = N x T, où H est égal au montant de la taxe due pour la pollution des eaux, où N est égal à la charge polluante exprimée en unités polluantes, calculée selon une des méthodes fixées dans les sections 2, 3, 4 et 5 et produite dans l’année précédant l’année d’imposition, et où T est égal au montant mentionné au paragraphe 2 du tarif unitaire de la taxe.
Les articles 4.2.2.1.2 à 4.2.2.1.11 du même décret coordonné portent sur le tarif unitaire de la taxe, le montant minimum, les exonérations, la possibilité d’obtenir un remboursement à certaines conditions et dans certaines limites, ainsi que le taux de la taxe dans certains cas de déversement.
B.1.3. Suivant la situation dans laquelle se trouve le redevable, le décret coordonné du 15 juin 2018 prévoit plusieurs formules pour calculer le nombre d’unités polluantes. Pour les « petits consommateurs », la charge polluante est en principe calculée sur la base de la consommation d’eau (articles 4.2.2.2.1 à 4.2.2.2.3). Pour les « grands consommateurs », le calcul s’effectue sur la base des résultats de mesurage et d’échantillonnage des eaux usées qu’ils déversent, c’est-à-dire sur la base de la charge polluante réelle de l’eau (articles 4.2.2.3.1 à 4.2.2.3.9). Les redevables qui souhaitent l’application de cette méthode de calcul doivent fournir eux-mêmes les résultats de mesurage et d’échantillonnage provenant d’une campagne de mesurage effectuée de leur propre initiative par un laboratoire agréé par le Gouvernement flamand (articles 4.2.2.3.2 et 4.2.2.3.3).
B.1.4. Si les données nécessaires relatives aux eaux usées déversées ne sont pas disponibles ou sont incomplètes, la charge polluante est calculée sur la base des coefficients de conversion (articles 4.2.2.5.1 et 4.2.2.5.2 du décret coordonné du 15 juin 2018). Cette méthode de calcul forfaitaire tient compte, pour le calcul de la charge polluante, de la consommation d’eau facturée ainsi que de l’eau obtenue d’une autre manière, dont l’eau souterraine prélevée, liée à des coefficients de conversion propres au secteur. En vertu de l’article 4.2.2.5.2, alinéa 2, 2°, du décret précité, la quantité d’eau souterraine prélevée est en principe égale au volume mesuré à l’aide d’un mesurage continu du débit, qui est enregistré.
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B.1.5. L’article 4.2.2.3.5 du décret coordonné du 15 juin 2018 contient un mécanisme correcteur de l’application de la méthode du calcul forfaitaire. Cette disposition énonce :
« § 1er. Si le redevable ne dispose pas de données de mesure et d’échantillonnage telles que visées à l’article 4.2.2.3.3., alinéa 1er, pour une ou plusieurs composantes N1, N2, N3 ou Nv, il peut joindre à la déclaration visée à l’article 4.2.4.1. une demande écrite de dérogation à l’application des articles 4.2.2.5.1. et 4.2.2.5.2. et de l’article 4.2.2.3.1.
Si la Société flamande de l’Environnement accepte cette demande, la charge polluante des composantes pour lesquelles le redevable ne dispose pas de données de mesure et d’échantillonnage telles que visées à l’article 4.2.2.3.3., alinéa 1er, sera fixée à 1,5 fois la moyenne arithmétique des composantes N1, N2, N3 ou Nv établie pour les trois exercices d’imposition [consécutifs] précédents.
§ 2. Dans le cas du redevable dont l’obligation de redevance est née trois années calendrier maximum avant l’exercice d’imposition pour lequel le redevable ne dispose pas de données de mesure et d’échantillonnage telles que visées à l’article 4.2.2.3.3., alinéa 1er, pour une ou plusieurs composantes N1, N2, N3 ou Nv, trois années calendrier maximum suivant l’exercice d’imposition pour lequel le redevable ne dispose pas de données de mesure et d’échantillonnage pour une ou plusieurs composantes peuvent également être utilisées en complément pour le calcul de la charge polluante des composantes, conformément au paragraphe 1er, alinéa 2.
Les exercices d’imposition dont la charge polluante est portée en compte doivent constituer, avec l’exercice d’imposition pour lequel le redevable ne dispose pas de données de mesure et d’échantillonnage telles que visées à l’article 4.2.2.3.3., alinéa 1er, pour une ou plusieurs composantes N1, N2, N3 ou Nv, quatre exercices d’imposition consécutifs.
Le redevable est tenu d’introduire une demande écrite de recalcul de la charge polluante des composantes conformément au paragraphe 1er, alinéa 2, au plus tard le 1er avril de l’année suivant le dernier exercice d’imposition pris en compte pour le recalcul.
§ 3. Le présent article s’applique à condition que :
1° la charge polluante des composantes N1, N2, N3 ou Nv pour lesquelles le redevable ne dispose pas de résultats de mesure et d’échantillonnage, soit basée, pour trois exercices d’imposition consécutifs, sur des données de mesure et d’échantillonnage qui satisfont aux exigences fixées à l’article 4.2.2.3.2., alinéa 2, et à l’article 4.2.2.3.3., alinéa 1er;
2° les processus de production de l’année précédant l’exercice d’imposition soient les mêmes que ceux de trois années consécutives et que la consommation d’eau Q, le volume annuel des eaux usées déversées Qj et la charge polluante déversée N au cours de l’année précédant l’exercice d’imposition soient équivalents à la consommation d’eau Q, au volume annuel des eaux usées déversées Qj et à la charge polluante déversée N utilisés pour la fixation de la redevance pour trois années consécutives;
3° au cours de l’année précédant l’exercice d’imposition, aucune constatation de non-fonctionnement ou de fonctionnement insuffisant de l’équipement d’épuration présent n’ait été faite;
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4° au cours de l’année précédant l’exercice d’imposition, aucune infraction en matière de déversement d’eaux usées n’ait été constatée au moyen d’un procès-verbal de contravention ou d’un rapport de constatation visé à l’article 5.4.1.3., faisant apparaître que le redevable agit délibérément afin d’échapper à la redevance en tout ou en partie;
5° les justificatifs joints à la déclaration fassent apparaître que les conditions énoncées sous 1° à 4° ont été remplies.
Si le régime susvisé est appliqué à une ou plusieurs composantes N1, N2, N3 ou Nv, l’article 4.2.2.5.1. et l’article 4.2.2.5.2. ne peuvent plus être appliqués à une ou plusieurs des autres composantes N1, N2, N3 ou Nv, et ce sans recours du redevable concerné quant au choix de la méthode de calcul ».
B.1.6. L’article 4.2.2.3.5 du décret coordonné du 15 juin 2018 trouve son origine dans l’article 35quinquies de la loi du 26 mars 1971, tel qu’il a été remplacé par l’article 25 du décret du 24 juin 2005 « contenant diverses mesures d’accompagnement de l’ajustement du budget 2005 ». L’exposé des motifs du projet de décret ayant abouti à ce décret mentionne à cet égard :
« La législation relative à la taxe sur la pollution des eaux prévoit deux méthodes de calcul :
d’une part, le calcul fondé sur des résultats de mesurage et d’échantillonnage et, d’autre part, la méthode simplifiée qui repose sur des coefficients de conversion. Pour le premier mode de calcul, la charge polluante est fixée sur la base de la quantité d’eaux usées déversées, liée à la concentration de certaines matières polluantes dans les eaux usées.
La deuxième méthode de calcul est fondée sur la quantité d’eau utilisée (éventuellement complétée par des données relatives à la production) et lui applique des coefficients de conversion propres à chaque secteur.
Faute de données permettant de calculer la taxe sur la base des résultats de mesurage et d’échantillonnage, la taxe est calculée sur la base de la méthode simplifiée. La législation ne contient aucune autre solution à cette méthode de travail.
[…]
Bien que la méthode de calcul forfaitaire soit directement liée à la pollution par secteur d’activité, il n’est pas possible de tenir compte des spécificités de chaque entreprise considérée isolément.
Normalement, le calcul des coefficients de conversion doit toujours résulter en une taxe plus élevée, parce que la formule forfaitaire a une fonction dissuasive. Le calcul des coefficients de conversion se fonde sur des eaux usées non épurées.
Pour les entreprises qui ont fourni des efforts considérables afin d’assainir leurs eaux usées, notamment en faisant usage de processus de production écologiques ou en construisant une
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installation d’épuration des eaux usées performante, il est difficilement admissible qu’elles soient taxées, en l’absence - exceptionnelle - de données de mesurage et d’échantillonnage, sur la base d’une charge polluante supérieure à la charge polluante réellement déversée, eu égard aux efforts qu’elles fournissent en matière d’environnement.
La pratique démontre que, pour ces entreprises, un système de correction s’impose au cas où l’entreprise, pour des raisons exceptionnelles, soit pour des motifs procéduraux, soit pour des raisons techniques, ne dispose pas de données de mesurage et d’échantillonnage valables relatives aux eaux usées déversées durant l’année qui précède l’exercice d’imposition.
Généralement, l’application des coefficients de conversion permet d’aboutir à une taxe qui s’écarte fortement de la taxe calculée sur la base des résultats de mesurage et d’échantillonnage au cours des années précédentes.
Le projet actuel tend, en l’absence de résultats de mesurage et d’échantillonnage, à plafonner la charge polluante calculée forfaitairement pour un ou plusieurs éléments de la formule de taxation, ce plafonnement étant fixé à 1,5 fois au maximum la quantité de charge polluante moyenne d’un ou de plusieurs éléments pris en compte pour fixer la taxe des trois exercices d’imposition consécutifs précédents. Ces trois exercices d’imposition consécutifs précédents doivent précéder immédiatement l’exercice d’imposition contesté.
[…]
Afin d’éviter les abus et la fraude, cette dérogation au mode de calcul normal doit être subordonnée à des conditions. Afin d’illustrer les abus et les indices de fraude, les constats suivants peuvent être cités : le constat de déversements illégaux, le constat de captations illégales d’eau (souterraine), le constat de manipulations d’appareils de mesurage et d’échantillonnage etc. Cette énumération n’est évidemment pas limitative.
Cette solution de repli peut uniquement être utilisée par les entreprises qui, au moins au cours des trois exercices d’imposition consécutifs précédents, ont fait calculer leur taxe sur la base de données de mesurage et d’échantillonnage. Ainsi, ce mode de calcul alternatif ne peut être utilisé qu’une seule fois par terme sur une période de quatre ans.
L’obligation de n’appliquer pareil mode de calcul qu’aux entreprises qui peuvent déjà présenter des résultats de mesurage durant trois ans est dictée par l’idée qu’il convient de prendre en compte une période plus ou moins longue durant laquelle la pollution réelle a été mesurée, de manière que, pour cette année, il soit néanmoins possible d’offrir une certitude suffisante que la taxe frappera la pollution probablement causée.
[…]
Cette faveur vise les entreprises qui, à titre exceptionnel, ne disposent pas d’analyses valables ou les entreprises qui, en raison d’une cessation, d’une fermeture soudaine ou d’une grève de longue durée, ne peuvent plus organiser une campagne en raison du caractère inattendu de l’interruption des activités » (Doc. parl., Parlement flamand, 2004-2005, n° 334/1, pp. 13-15).
B.2. Il ressort de la décision de renvoi que la partie demanderesse devant la juridiction a quo est un « grand consommateur » qui a, dans le cadre de sa déclaration afférente à la taxe sur
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la pollution des eaux pour l’exercice d’imposition 2020 concernant l’activité « évaporateur-eau de canal », demandé, en vertu de l’article 4.2.2.3.5 du décret coordonné du 15 juin 2018, une dérogation à la méthode de calcul forfaitaire. Cette demande a été rejetée au motif que, pour l’exercice d’imposition 2017, celle-ci ne dispose pas de ses propres résultats de mesurage et d’échantillonnage, dès lors qu’elle a déjà fait usage de la dérogation visée à l’article 4.2.2.3.5, précité, pour cet exercice d’imposition.
En ce qui concerne la troisième question préjudicielle
B.3. Par la troisième question préjudicielle, la juridiction a quo souhaite savoir si l’article 4.2.2.5.1 du décret coordonné du 15 juin 2018, lu en combinaison ou non avec l’annexe 5 de ce décret, est compatible avec les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, en ce que la charge polluante causée par les matières oxydables et les matières en suspension (N1) est calculée sur la base de l’activité de l’année précédant l’exercice d’imposition, exprimée en m3 (A), le nombre de m³ d’eau utilisés s’entendant comme la quantité d’eau utilisée au cours de l’année précédant l’exercice d’imposition (Q), diminuée de la quantité d’eau de refroidissement (K), sans qu’une distinction soit faite selon que cette eau est utilisée ou non dans le processus de production du redevable.
Selon la partie demanderesse devant la juridiction a quo, afin de déterminer la composante N1, il peut uniquement être tenu compte du volume d’eau utilisée qui est transformée en eau de traitement et non de l’eau qui est rejetée après le processus de production, étant donné que, grâce à ses techniques de production, seule l’eau de traitement est susceptible d’être polluée. Le Gouvernement flamand et la Société flamande pour l’environnement contestent cette thèse.
B.4.1. Le principe d’égalité et de non-discrimination n’exclut pas qu’une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu’elle repose sur un critère objectif et qu’elle soit raisonnablement justifiée.
L’existence d’une telle justification doit s’apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d’égalité et de
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non-discrimination est violé lorsqu’il est établi qu’il n’existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.
B.4.2. L’article 172, alinéa 1er, de la Constitution constitue une application particulière, en matière fiscale, du principe d’égalité et de non-discrimination inscrit aux articles 10 et 11 de la Constitution.
B.4.3. Lorsqu’il détermine sa politique en matière fiscale, le législateur décrétal dispose d’un pouvoir d’appréciation étendu. La Cour ne peut censurer les choix politiques du législateur décrétal et les motifs qui les fondent que s’ils reposent sur une erreur manifeste ou ne sont pas raisonnablement justifiés. Par ailleurs, une loi fiscale doit nécessairement appréhender la diversité des situations en catégories qui ne correspondent à la réalité que d’une manière simplificatrice et approximative.
B.5.1. Les taxes d’environnement sur la pollution des eaux visent, d’une part, à limiter la pollution de l’eau et, d’autre part, à financer et à répartir les charges financières résultant de la pollution de l’environnement, conformément au principe du « pollueur-payeur ».
L’exposé des motifs du projet devenu le décret du 21 décembre 1990 « contenant des dispositions budgétaires techniques ainsi que des dispositions accompagnant le budget 1991 », qui a inséré le chapitre IIIbis relatif aux taxes sur la pollution des eaux dans la loi du 26 mars 1971 et dans lequel le chapitre II de la partie IV du décret coordonné du 15 juin 2018 trouve son origine, mentionne :
« Les taxes d’environnement ne sont donc pas seulement un moyen de financer totalement ou partiellement les mesures collectives de lutte contre la pollution de l’environnement, mais constituent aussi et surtout un instrument politique pour inciter les pollueurs à limiter à la source la pollution dont ils sont responsables » (Doc. parl., Conseil flamand, 1990-1991, n° 424/1, p. 10).
B.5.2. Lorsqu’elle s’inspire du principe du « pollueur-payeur », une taxe n’obéit au principe d’égalité et de non-discrimination que si elle atteint ceux qui polluent et si elle tient
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compte de la mesure dans laquelle chaque redevable contribue à la nuisance contre laquelle la taxation s’efforce de lutter.
B.5.3. Dès lors, pour le calcul de la taxe, s’il n’était pas tenu compte de la mesure dans laquelle le redevable contribue à la nuisance, la mesure serait disproportionnée à l’objectif de protection d’un environnement sain, poursuivi par cette taxe.
B.6.1. L’article 4.2.2.5.1 du décret coordonné du 15 juin 2018 dispose :
« Sans préjudice de l’application des articles 4.2.2.3.4 à 4.2.2.3.6, si les données visées à l’article 4.2.2.3.3 ne sont pas ou qu’en partie disponibles, la charge polluante pour un ou plusieurs des termes N1, N2, N3 et Nv est calculée comme suit :
N = N1 + N2 + N3 + Nk + Nv
où :
N : la charge polluante exprimée en unités de charge polluante;
N1 = A x C1
B
où :
N1 : la charge polluante causée par les matières oxydables et les matières en suspension, exprimée en unités de charge polluante;
A : l’activité de l’année précédant l’exercice d’imposition, exprimée conformément à la base indiquée dans la colonne 3 du tableau repris en annexe 5;
B : la base indiquée dans la colonne 3 du tableau repris en annexe 5;
C1 : le coefficient de conversion indiqué dans la colonne 4 du tableau repris en annexe 5 ;
N2 = (Q - K) x C2
où :
N2 : la charge polluante causée par le déversement de métaux lourds, exprimée en unités de charge polluante;
Q : la consommation d’eau calculée comme la somme de la consommation d’eau facturée par la société publique de distribution d’eau au cours de l’année précédant l’exercice
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d’imposition et de la quantité d’eau captée d’une autre manière pendant la même période, exprimée en m3;
K : la quantité d’eaux de refroidissement telles que visées à l’article 4.2.2.3.1;
C2 : le coefficient de conversion indiqué dans la colonne 5 du tableau repris en annexe 5;
[…] ».
L’annexe 5 du décret coordonné du 15 juin 2018 dispose que la base des composantes A
et B est 1 m³ d’eau utilisée pour le secteur 12 « centrales électriques », auquel appartient la partie demanderesse devant la juridiction a quo. Cette annexe fixe un coefficient de conversion de 0,02 pour la composante C1.
L’annexe 5 prévoit également que, pour l’application des numérotations qui mentionnent comme base « 1 m³ d’eau utilisée », il faut entendre par « nombre de m³ d’eau utilisée » « la quantité d’eau Q utilisée au cours de l’exercice d’imposition précédent diminuée des eaux de refroidissement K telles que définies à l’article 4.2.2.3.1 du [décret coordonné du 15 juin 2018] ».
B.6.2. Il découle du décret coordonné du 15 juin 2018 que la taxe sur la pollution des eaux doit être calculée sur le volume total d’eau prélevée pour le processus de production.
Contrairement à ce que soutient la partie demanderesse devant la juridiction a quo, les dispositions précitées ne peuvent être interprétées en ce sens qu’il convient uniquement de prendre en compte l’eau transformée en eau de traitement.
B.7.1. Comme il est dit en B.1.3, les grands consommateurs sont en principe taxés sur la charge polluante réelle des eaux usées qu’ils déversent, sur la base de résultats de mesurage et d’échantillonnage concrets. Ce n’est que si les éléments nécessaires relatifs aux eaux usées déversées ne sont pas disponibles ou sont incomplets qu’il est fait usage d’une méthode de calcul forfaitaire basée sur des coefficients de conversion appliqués à la consommation d’eau facturée et à l’eau captée d’une autre manière. À défaut de résultats de mesurage et d’échantillonnage concrets relatifs à la charge polluante réelle, l’article 4.2.2.5.1 contient dès lors une présomption irréfragable de pollution de l’eau captée. Ainsi qu’il ressort des travaux préparatoires mentionnés en B.1.6, la méthode de calcul forfaitaire aboutira toujours à une taxe
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plus élevée, parce qu’elle se fonde sur des eaux usées non épurées, le législateur décrétal souhaitant également donner un effet dissuasif à cette méthode.
La circonstance qu’à la différence de la méthode fondée sur les résultats de mesurage et d’échantillonnage concrets, la méthode de calcul forfaitaire tienne compte de la consommation totale d’eau, et non de la charge polluante réelle de l’eau, s’explique dès lors par le fait que, lors de l’application de la méthode de calcul forfaitaire, la charge polluante réelle n’est pas connue, de sorte que cette charge polluante ne peut être prise en compte pour le calcul de la taxe. Par conséquent, il n’est pas déraisonnable que la méthode de calcul forfaitaire ne fasse pas de distinction selon que, dans le cadre du processus de production, l’eau est transformée en eau de traitement ou est rejetée après le processus de production, étant donné que la charge polluante d’aucun de ces deux types d’eau n’est connue. La circonstance que le redevable pourrait démontrer, sur la base d’autres données, que les coefficients de conversion ne correspondent pas à la charge polluante réelle ne change rien en la matière. En prévoyant une méthode de calcul forfaitaire, le législateur décrétal a en effet voulu éviter les discussions relatives à l’exactitude du volume et de la composition des eaux déversées, en l’absence de résultats de mesurage concrets.
B.7.2. Vu la nécessité de déterminer une base d’imposition, le législateur décrétal a pu prévoir que, si le redevable s’abstient de communiquer les résultats de mesurage et d’échantillonnage nécessaires, il sera fait usage de formules de calcul forfaitaires. En la matière, il appartient au législateur décrétal de choisir les variables qui permettent de calculer ce forfait en fonction des objectifs qu’il entend poursuivre. Il n’est pas déraisonnable que, pour déterminer la taxe en cause, le législateur décrétal se laisse guider tant par un objectif général consistant à inciter le redevable à limiter la pollution des eaux que par un objectif spécifique consistant à créer un effet dissuasif, afin d’encourager le redevable à effectuer des mesurages concrets. Du fait que la taxe est calculée sur la base de la quantité d’eau utilisée, liée à des coefficients de conversion propres au secteur, le législateur décrétal a, dans les limites d’une méthode de calcul « forfaitaire », tenu compte de la mesure dans laquelle le redevable contribue aux nuisances. Ainsi qu’il a déjà été mentionné, le législateur décrétal fiscal peut, afin d’établir une taxe, se fonder sur des catégories de redevables simplificatrices, en particulier lorsqu’une base forfaitaire est prévue pour déterminer la taxe.
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B.7.3. L’article 4.2.2.5.1, en cause, du décret coordonné du 15 juin 2018 n’a pas d’effets disproportionnés pour le redevable, étant donné qu’il lui suffit de procurer à l’administration les résultats de mesurage et d’échantillonnage requis dans le délai imparti pour que les données réelles soient prises en compte et pour éviter l’application de la formule forfaitaire en cause.
Par ailleurs, le redevable qui, au 1er janvier de l’année qui précède l’exercice d’imposition, parvient, grâce à des investissements dans le processus de production et/ou dans des travaux techniques d’épuration, à n’effectuer aucun déversement d’eaux usées provenant du processus de production, est exonéré de la taxe (article 4.2.2.1.4 du décret coordonné du 15 juin 2018).
B.8. L’article 4.2.2.3.5 du décret coordonné du 15 juin 2018 est dès lors compatible avec les articles 10, 11 et 172 de la Constitution.
En ce qui concerne les deux premières questions préjudicielles
B.9. Par la première question préjudicielle, la juridiction a quo souhaite savoir si l’article 4.2.2.3.5 du décret coordonné du 15 juin 2018 est compatible avec les articles 10, 11
et 172 de la Constitution, si cette disposition est interprétée, en ce sens que même en cas de force majeure, il ne peut pas être fait usage de la méthode de calcul alternative pour établir la taxe sur la pollution des eaux lorsque le redevable a déjà recouru à cette méthode au cours des trois exercices d’imposition consécutifs précédents, tandis que le redevable qui n’a pas encore recouru à la méthode de calcul alternative au cours des trois exercices d’imposition consécutifs précédents pourraient quant à lui l’utiliser.
Par la deuxième question préjudicielle, la juridiction a quo souhaite savoir si cette même disposition est compatible avec les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, si cette disposition est interprétée en ce sens que ce serait uniquement en cas de force majeure de droit commun qu’elle permettrait d’utiliser la méthode de calcul alternative, même lorsque le redevable a déjà utilisé cette méthode au cours des trois exercices d’imposition consécutifs précédents, et donc pas en dehors d’une situation de force majeure de droit commun qui est néanmoins due à des circonstances indépendantes de la volonté du redevable.
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B.10.1. La Société flamande pour l’environnement et le Gouvernement flamand font valoir que les deux premières questions préjudicielles ne sont pas utiles pour trancher le litige au fond, étant donné que ces questions préjudicielles supposent que la partie demanderesse dans le litige au fond se trouve dans une situation de force majeure, ce qui n’est pas le cas selon eux.
B.10.2. C’est en règle à la juridiction a quo qu’il appartient d’apprécier si la réponse à la question préjudicielle est utile à la solution du litige. Ce n’est que lorsque tel n’est manifestement pas le cas que la Cour peut décider que la question n’appelle pas de réponse.
B.10.3. En ce que la juridiction a quo souhaite savoir, par les deux premières questions préjudicielles, si la condition selon laquelle la possibilité de dérogation visée à l’article 4.2.2.3.5
du décret coordonné du 15 juin 2018 ne peut être utilisée qu’une seule fois au cours d’une période de quatre ans est compatible avec les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, l’exception d’irrecevabilité est liée au fond de l’affaire.
B.11. Dans l’interprétation de la juridiction a quo, l’article 4.2.2.3.5 du décret coordonné du 15 juin 2018 ne permet pas au redevable de demander l’application de la méthode de calcul alternative s’il a déjà fait usage de la méthode alternative au cours d’un des trois exercices d’imposition consécutifs précédents, même si le redevable se trouve dans une situation de force majeure.
B.12. La force majeure constitue une cause générale d’exonération en droit fiscal, de sorte que le redevable qui prouve que le non-respect d’une condition à laquelle est subordonné le bénéfice d’un avantage est dû à la survenance d’un cas de force majeure n’est en principe pas tenu de satisfaire à cette condition. Lorsque le législateur décrétal entend déroger à ce principe général de droit selon lequel la rigueur de la loi peut être tempérée en cas de force majeure, il ne peut le faire que dans le respect des articles 10, 11 et 172 de la Constitution.
B.13. Il ressort des travaux préparatoires mentionnés en B.1.6 que, soucieux de veiller à l’équité de la taxe, le législateur décrétal a, lorsqu’il a instauré la méthode de calcul forfaitaire, lié notamment la consommation d’eau à des facteurs de conversion propres à chaque secteur. Il ressort également de ces travaux préparatoires que le législateur décrétal a voulu réaliser encore
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davantage cet objectif en prévoyant, pour les entreprises qui ont fourni des efforts considérables afin d’assainir leurs eaux usées et qui ne disposent pas, pour des raisons exceptionnelles, de données de mesurage et d’échantillonnage valables pour l’année précédant l’exercice d’imposition, que le calcul de la charge polluante effectué sur la base de coefficients de conversion, et donc le calcul de la taxe due, soit plafonné à la charge polluante réellement déversée.
B.14. Par le biais des règles visées à l’article 4.2.2.3.5 du décret coordonné du 15 juin 2018, le législateur décrétal a dès lors lui-même réglé les cas de force majeure. La Cour doit cependant examiner si les conditions qui sont liées au bénéfice de ces règles spécifiques en matière de force majeure sont raisonnablement justifiées.
B.15.1. Le législateur décrétal peut subordonner le bénéfice du régime visé à l’article 4.2.2.3.5, qui s’assimile à une réduction de la taxe, à certaines conditions pour éviter les abus et la fraude.
La méthode de calcul alternative implique que, pour un exercice d’imposition donné, le redevable doit seulement payer une taxe dont le montant correspond au montant qu’il devrait payer s’il disposait, pour cet exercice d’imposition, de résultats de mesurage et d’échantillonnage réels, alors qu’il ne dispose en réalité pas de résultats de mesurage et d’échantillonnage réels pour cet exercice d’imposition. Il n’est dès lors pas déraisonnable de subordonner l’application de ce régime avantageux à la condition que le redevable ait fait calculer, au moins au cours des trois exercices d’imposition consécutifs précédents, la taxe sur la pollution des eaux sur la base de données de mesurage et d’échantillonnage. Le législateur décrétal garantit ainsi que la taxe reste liée à la pollution probablement causée au cours de l’exercice d’imposition. De cette manière, la disposition en cause réalise ses deux objectifs, à savoir le lien avec la mesure dans laquelle le redevable a contribué à la pollution et l’incitation à limiter la pollution des eaux. Elle réalise en outre l’objectif spécifique de la méthode de calcul forfaitaire, consistant à avoir un effet dissuasif, afin d’inciter le redevable à effectuer des mesurages concrets.
B.15.2. L’article 4.2.2.3.5 en cause du décret coordonné du 15 juin 2018 n’a pas d’effets disproportionnés pour le redevable, étant donné qu’il ressort de la réponse à la troisième
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question préjudicielle que la méthode de calcul forfaitaire est elle-même raisonnablement justifiée et qu’elle n’a pas d’effets disproportionnés.
B.16. Compte tenu de ce qui précède, la circonstance que des situations particulières peuvent se présenter, qui pourraient être considérées comme des cas de force majeure et qui pourraient amener le redevable à demander l’application de la méthode de calcul alternative visée à l’article 4.2.2.3.5 du décret coordonné du 15 juin 2018, même si celui-ci a déjà fait usage de cette méthode au cours d’un des trois exercices d’imposition consécutifs précédents, n’est pas de nature à ôter à l’article 4.2.2.3.5, en cause, du décret coordonné du 15 juin 2018 sa justification raisonnable.
B.17. L’article 4.2.2.3.5 du décret coordonné du 15 juin 2018 est dès lors compatible avec les articles 10, 11 et 172 de la Constitution.
B.18. Eu égard à la réponse à la première question préjudicielle, la deuxième question préjudicielle n’appelle pas de réponse.
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Par ces motifs,
la Cour
dit pour droit :
Les articles 4.2.2.3.5 et 4.2.2.5.1 du décret de la Région flamande du 18 juillet 2003 relatif à la politique intégrée de l’eau, coordonné par l’arrêté du Gouvernement flamand du 15 juin 2018, tel qu’il a été confirmé par le décret du 30 novembre 2018, ne violent pas les articles 10, 11 et 172 de la Constitution.
Ainsi rendu en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l’article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 19 octobre 2023.
Le greffier, Le président,
F. Meersschaut L. Lavrysen


Synthèse
Numéro d'arrêt : 138/2023
Date de la décision : 19/10/2023
Type d'affaire : Droit constitutionnel

Origine de la décision
Date de l'import : 01/11/2023
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.constitutionnel;arret;2023-10-19;138.2023 ?

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