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21/09/2023 | BELGIQUE | N°123/2023

Belgique | Belgique, Cour constitutionnel, 21 septembre 2023, 123/2023


Cour constitutionnelle
Arrêt n° 123/2023
du 21 septembre 2023
Numéros du rôle : 7829 et 7848
En cause : les recours en annulation des articles 16 à 21 du décret de la Région wallonne du 3 février 2022 « modifiant le Code wallon de l’Action sociale et de la Santé en ce qui concerne la promotion de la santé et la prévention », introduits par Jocelyne Franssen et l’ASBL « Droits et libertés » et par l’ASBL « Notre Bon Droit » et autres.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges T. Giet, J. Moerman, E

. Bribosia, W. Verrijdt et K. Jadin, assistée du greffier N. Dupont, présidée par le présid...

Cour constitutionnelle
Arrêt n° 123/2023
du 21 septembre 2023
Numéros du rôle : 7829 et 7848
En cause : les recours en annulation des articles 16 à 21 du décret de la Région wallonne du 3 février 2022 « modifiant le Code wallon de l’Action sociale et de la Santé en ce qui concerne la promotion de la santé et la prévention », introduits par Jocelyne Franssen et l’ASBL « Droits et libertés » et par l’ASBL « Notre Bon Droit » et autres.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges T. Giet, J. Moerman, E. Bribosia, W. Verrijdt et K. Jadin, assistée du greffier N. Dupont, présidée par le président P. Nihoul,
après en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant :
I. Objet des recours et procédure
a. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 1er juillet 2022 et parvenue au greffe le 4 juillet 2022, un recours en annulation des articles 17 à 20 du décret de la Région wallonne du 3 février 2022 « modifiant le Code wallon de l’Action sociale et de la Santé en ce qui concerne la promotion de la santé et la prévention » (publié au Moniteur belge du 25 février 2022) a été introduit par Jocelyne Franssen et l’ASBL « Droits et libertés », assistées et représentées par Me R. Bokoro N’Saku, avocat au barreau de Bruxelles.
b. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 12 août 2022 et parvenue au greffe le 16 août 2022, un recours en annulation des articles 16, 17, 18, 19 et 21
du même décret a été introduit par l’ASBL « Notre Bon Droit », l’ASBL « Groupe de Réflexion et d’Action Pour une Politique Ecologique », Jamila Adda, Fatiha Aït Saïd, Benoit Barbier, Edith Barbieux, Valentine Bernard, Hubert Bliard, Axel Boogaerts, Eileen Boogaerts, Tybian Boogaerts, Guillaume Brygo, Marilèna Cannella, Karine Capouillez, Dominique Cavillot, Marie Coipel, Astrid De Borman, Els De Geest, Ingrid De Pape, Hélène Declerc, Corine Dehaes, Jean-Paul Dessy, Annick Dethis, Joëlle Devillez, Carine D’Hoye, Anne Dumont, Julien Dupuis, Patrick d’Ursel, Abdelali El Mazbour, Isabelle Fiévez, Marguerite Florani, André Foguenne, Claude Francq, Valérie Gerbehaye,
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Mélanie Ghys, Nicolas Ghys, Paul Ghys, Isabelle Ghys, Thomas Ghys, Françoise Gilboux, Wendy Glenisson, Bénédicte Grignard, Benoit Guillaume, Jean-Luc Guilmot, Geneviève Hilgers, Sylvianne Honorez, Geneviève Huon, Roger Huppermans, Nathalie Jeanson, François Jongen, Luc Jongen, Alain Jossart, Elisabeth Lambert, Martine Lambrechts, François Laviolette, Francis Leboutte, Corinne Lefrant, Marie-Hélène Lénaers, Jacqueline Lesplingart, Melissa Mairesse, Etienne Marchot, Philippe Massenaux, Sandrine Meunier, Karin Meyer, Jonathan Michel, Geneviève Michel, Emmanuel Mignolet, Benoit Nicolay, Régine Nyssens, Christian Papeleux, André Parisse, Sandrine Parisse, Adrien Parisse, Véronique Parisse, Julie Petitjean, Chantal Pierlot, Grégory Pierquin, Amélie Pirmez, Philippe Pleuger, Morgane Prohaczka, Guy Raets, Dieudonnée Reynaert, Paul Roland, Vincent Rousseau, Marie-George Roussille, Joël Scuttenaire, Rebecca Taita, Philippe Tamignaux, Agnès Tamignaux, Mireille Theck, Françoise Tilmant, Manuel Tilquin, Guillaume Tirtiaux, Emmanuelle Trives, Maïa Van Brusselt, Véronique Vanden Bossche, Laurence Vandeputte, Thierry Vanderlinden, Corrie Vangelder, Carole Vanoeteghem, Sandrine Vansnick, Fanny Verhoustraeten et Daniel Zink, assistés et représentés par Me F. Schmitz et Me M. Pilcer, avocats au barreau de Bruxelles.
Ces affaires, inscrites sous les numéros 7829 et 7848 du rôle de la Cour, ont été jointes.
Le Gouvernement wallon, assisté et représenté par Me A. Feyt, Me M. Uyttendaele et Me V. Vanderlinden, avocats au barreau de Bruxelles, a introduit des mémoires, les parties requérantes dans l’affaire n° 7829 ont introduit un mémoire en réponse et le Gouvernement wallon a également introduit un mémoire en réplique dans l’affaire n° 7829.
Par ordonnance du 17 mai 2023, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteures K. Jadin et J. Moerman, a décidé que les affaires étaient en état, qu’aucune audience ne serait tenue, à moins qu’une partie n’ait demandé, dans le délai de sept jours suivant la réception de la notification de cette ordonnance, à être entendue, et qu’en l’absence d’une telle demande, les débats seraient clos le 31 mai 2023 et les affaires mises en délibéré.
À la suite de la demande des parties requérantes dans l’affaire n° 7848 à être entendues, la Cour, par ordonnance du 31 mai 2023, a fixé l’audience au 28 juin 2023.
À l’audience publique du 28 juin 2023 :
- ont comparu :
. Me R. Bokoro N’Saku, pour les parties requérantes dans l’affaire n° 7829;
. Me F. Schmitz et Me M. Pilcer, pour les parties requérantes dans l’affaire n° 7848;
. Me A. Feyt et Me V. Vanderlinden, également loco Me M. Uyttendaele, pour le Gouvernement wallon;
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- les juges-rapporteures K. Jadin et J. Moerman ont fait rapport;
- les avocats précités ont été entendus;
- les affaires ont été mises en délibéré.
Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives à la procédure et à l’emploi des langues ont été appliquées.
II. En droit
-A-
Quant à la recevabilité des recours
A.1.1.1. La première partie requérante dans l’affaire n° 7829, qui est une personne physique, fait valoir qu’elle a intérêt à demander l’annulation des dispositions du décret de la Région wallonne du 3 février 2022
« modifiant le Code wallon de l’Action sociale et de la Santé en ce qui concerne la promotion de la santé et la prévention » (ci-après : le décret du 3 février 2022) qui ont pour effet de restreindre ses droits et libertés fondamentaux, parmi lesquels, notamment, son droit au libre choix d’un médecin et son droit à la liberté thérapeutique, d’autant que les dispositions attaquées sont également des mesures de police. La seconde partie requérante dans la même affaire est une association sans but lucratif qui s’est donné pour but statutaire d’agir lorsque des actes ou faits de l’État belge mettent à mal l’effectivité de la jouissance des droits et libertés de ses membres. Elle déclare soutenir l’action entreprise par la première partie requérante.
A.1.1.2. Le Gouvernement wallon estime que les inquiétudes exprimées par la première partie requérante quant à ses droits fondamentaux ne sont pas fondées, et indique que, même si elles l’étaient, elles ne trouveraient pas leur source dans les dispositions attaquées, mais dans des dispositions antérieures, qui ont été introduites dans le Code wallon de l’action sociale et de la santé (ci-après : « le CWASS ») par le décret du 2 mai 2019 « modifiant le Code wallon de l’Action sociale et de la Santé en ce qui concerne la prévention et la promotion de la santé » (ci-
après : « le décret du 2 mai 2019 »). Il fait valoir, par ailleurs, que la deuxième partie requérante ne justifie pas d’un intérêt collectif, dès lors que ses objectifs ne concernent que l’exercice d’actions judiciaires qui impliquent uniquement les membres de l’association. Il considère en outre que le but statutaire de cette association ne se distingue pas de l’intérêt général, dès lors qu’il est particulièrement large.
Le Gouvernement wallon fait encore valoir que les parties requérantes n’ont pas intérêt à demander l’annulation des articles 17, 18 et 20 du décret du 3 février 2022, dès lors que, si ces dispositions devaient être annulées, les articles 47/14 à 47/16 du CWASS seraient rétablis dans leur version antérieure, ce qui représenterait un recul des garanties. Il ajoute que, dès lors qu’aucun grief n’est formulé contre l’article 21 du décret du 3 février 2022, le recours est également irrecevable en ce qu’il vise cet article.
A.1.2.1. La première partie requérante dans l’affaire n° 7848, l’ASBL « Notre bon droit », expose qu’elle s’est donné pour but statutaire de défendre les droits fondamentaux des citoyens belges dans le cadre de la gestion de la pandémie de Covid-19 et qu’elle a donc intérêt à attaquer des dispositions qui sont en lien direct avec les mesures édictées dans le cadre de la lutte contre cette pandémie. La deuxième partie requérante dans cette affaire, l’ASBL « Grappe », expose qu’elle a pour but statutaire de promouvoir une politique écologique. Étant donné que la thématique environnementale et la thématique de la santé sont étroitement imbriquées, elle estime avoir intérêt à poursuivre l’annulation des dispositions attaquées. Ces deux associations ajoutent que les mesures instaurées par le décret attaqué pourraient entraîner des restrictions importantes du droit de réunion et du droit de travailler, lesquelles porteraient atteinte à la réalisation de leur but statutaire. Les 3ème à 103ème parties requérantes dans cette affaire sont des personnes physiques domiciliées en Région wallonne ou s’y rendant très régulièrement. Elles
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sont donc destinataires potentielles des mesures dont l’adoption est autorisée par le décret attaqué et dont l’application portera atteinte à leurs droits fondamentaux.
A.1.2.2. Le Gouvernement wallon conteste l’intérêt à agir de la deuxième partie requérante, dès lors que le décret attaqué a pour objets la promotion et la prévention de la santé en Région wallonne, qui ne peuvent être rapprochées de la défense de l’environnement.
Quant au fond
Affaire n° 7829
A.2.1. Les parties requérantes dans l’affaire n° 7829 prennent un premier moyen de la violation, par les articles 17, 18, 19, 20 et 21 du décret du 3 février 2022, de l’article 22 de la Constitution, lu en combinaison avec l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, avec le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 « relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE
(règlement général sur la protection des données) » (ci-après : le RGPD) et avec les principes généraux de légalité, de nécessité et de proportionnalité. Les parties requérantes font grief aux dispositions attaquées d’instaurer un système dans lequel des médecins seront transformés en agents de l’autorité régionale wallonne obligés de violer le secret médical lorsqu’ils seront confrontés à des maladies qui font l’objet d’une obligation de déclaration. Elles estiment que les dispositions qu’elles attaquent imposent aux patients de livrer des informations relevant de leur vie privée à des personnes non habilitées à traiter ce type de données, à savoir des personnes physiques ou morales désignées par le Gouvernement wallon. Elles relèvent que le décret du 3 février 2022 ne contient pas de disposition encadrant strictement le traitement de données à caractère personnel. Elles font valoir que le traitement de données à caractère personnel relatives à la santé par des non-médecins n’est pas licite, en ce qu’il ne répond pas à un critère de nécessité au regard d’une obligation légale, contrairement à ce qu’exigent l’article 6, paragraphe 1, c), du RGPD, la loi du 3 décembre 2017 « portant création de l’Autorité de protection des données » et la loi du 30 juillet 2018 « relative à la protection des personnes physiques à l’égard des traitements de données à caractère personnel ». Elles reprochent encore au législateur décrétal wallon d’avoir négligé de mener une analyse d’impact préalable.
A.2.2. Le Gouvernement wallon considère que le moyen soulevé par les parties requérantes est formulé de manière très peu précise et qu’il n’est en tout cas pas recevable en ce qu’il vise les articles 18, 20 et 21, qui ne peuvent faire l’objet d’aucune des critiques énoncées. Sur le fond, le Gouvernement wallon fait valoir que l’article 47/14, tel qu’il a été inséré dans le CWASS par l’article 17 du décret du 3 février 2022, détermine qui récolte les données personnelles d’une personne atteinte d’une maladie infectieuse à déclaration obligatoire, quelles sont les données récoltées, quelles sont les personnes qui ont accès à ces données et quelles sont les finalités du traitement de ces données. Il estime que les parties requérantes ne démontrent pas que les données récoltées en application de cette disposition ne seraient pas nécessaires à la réalisation de l’objectif de santé publique poursuivi ni que le traitement de ces données aurait dû être réservé aux seuls médecins, compte tenu de l’obligation de confidentialité et de sécurité qui s’impose aux inspecteurs d’hygiène régionaux, aux médecins, aux infirmiers et aux prestataires externes spécifiquement désignés à cette fin. Il ajoute que les mêmes garanties sont offertes par l’article 47/15/1, tel qu’il a été inséré par l’article 19 du décret du 3 février 2022, dans le cadre du traitement des données recueillies lors de la mise en œuvre du dispositif en matière d’urgence sanitaire.
A.3.1. Les parties requérantes dans l’affaire n° 7829 prennent un second moyen de la violation, par l’article 19 du décret du 3 février 2022, des articles 23, 5°, et 26 de la Constitution, lus en combinaison avec l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme, avec l’article 2 du Protocole n° 4 à la même Convention, avec l’article 12 de la Constitution, avec l’article 12 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et avec les principes généraux de légalité et de proportionnalité. Elles font grief à cette disposition de limiter l’exercice du droit à l’épanouissement culturel et social, en raison d’une situation d’urgence sanitaire dont l’appréciation ne repose sur aucun critère précis et qui n’a pas fait l’objet d’une analyse d’impact préalable. Elles considèrent que le mécanisme de renouvellement mensuel crée un délai très long et surtout indéterminable, ainsi qu’un système destiné à se pérenniser, alors qu’un tel dispositif devrait être provisoire et exceptionnel. Elles font
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valoir qu’en l’absence de toute analyse de risques et de toute évaluation concrète d’une situation épidémique donnée, aucune restriction aux droits et libertés fondamentaux ne peut être conçue à l’avance.
A.3.2. Le Gouvernement wallon considère que le moyen est formulé en des termes très peu précis. Il fait valoir que le contrôle exercé par le Parlement wallon, qui doit confirmer l’arrêté du Gouvernement déclarant la situation d’urgence sanitaire, est une garantie essentielle, pour les citoyens, que les situations d’urgence sanitaire ne résultent pas de décisions prises à la légère. Il relève que les parties requérantes n’indiquent pas en quoi les garanties offertes par le décret ne seraient pas suffisantes ni proportionnées à l’objectif poursuivi. En ce qui concerne la durée de trois mois pour laquelle le Gouvernement peut décider l’urgence sanitaire, le Gouvernement wallon fait remarquer que ce délai est un délai maximum, que la période fixée peut être inférieure à celui-ci et que cette durée est proportionnée à l’objectif de santé publique qui consiste à empêcher toute nouvelle contamination.
Enfin, le Gouvernement wallon précise que les mesures qui peuvent être décidées sont limitées aux maladies infectieuses, qu’elles sont nécessairement fonction des circonstances et doivent tenir compte des connaissances scientifiques, et qu’elles ne sont applicables que par périodes d’un mois, ce qui implique une évaluation mensuelle.
Affaire n° 7848
A.4.1. Les parties requérantes dans l’affaire n° 7848 prennent un premier moyen de la violation, par l’article 19 du décret du 3 février 2022, des articles 10, 11, 12, 15, 16, 19, 22, 23, 26, 27 et 187 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 14 et 15, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l’homme, avec les articles 3 et 4, paragraphe 1, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, avec l’article 9
du Traité sur l’Union européenne, avec les articles 20 et 21 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, avec le principe général d’égalité et de non-discrimination et avec le principe de légalité formelle et matérielle.
Par la première branche de ce moyen, les parties requérantes font grief à la disposition attaquée, en ce qu’elle prévoit que le Gouvernement wallon déclare automatiquement l’urgence sanitaire dès que le Roi a déclaré l’urgence épidémique sur la base de la loi du 14 août 2021 « relative aux mesures de police administrative lors d’une situation d’urgence épidémique » (ci-après : la loi du 14 août 2021), d’être entachée de la même irrégularité que l’article 2, 3°, de la loi du 14 août 2021, à savoir l’imprécision des notions de « menace grave », d’ « agent infectieux », de « grand nombre de personnes infectées », de « surcharge de travail », de « certains professionnels des soins et services de santé », des mots « rapide » et « massif », de l’objectif de « limiter les conséquences néfastes » et de l’expression « le cas échéant ». Elles font valoir que les éléments essentiels de l’habilitation conférée au Roi n’ont pas été fixés par le législateur fédéral et que, dès lors que toutes les mesures qui peuvent être prises en vertu de la loi du 14 août 2021 reposent sur la notion de « situation d’urgence épidémique », les imprécisions et insuffisances qui entachent cette notion atteignent l’ensemble de la réglementation. Elles se réfèrent à ce sujet au recours en annulation dirigé contre la loi du 14 août 2021. Elles estiment que, dès lors que l’inconstitutionnalité de l’article 2, 3°, de la loi du 14 août 2021 est établie par ce recours, il y a lieu de constater, par identité de motifs, que l’article 47/15/1, § 1, du CWASS, tel qu’il a été introduit par l’article 19 du décret du 3 février 2022, viole les dispositions invoquées au moyen.
Par la seconde branche de ce moyen, les parties requérantes font grief à l’article 47/15/1, § 2, de conférer une habilitation quasiment illimitée au Gouvernement. Elles reprochent aussi au législateur décrétal de ne pas avoir suivi l’avis de la section de législation du Conseil d’État, qui recommandait que le commentaire de l’article présente des exemples de mesures pouvant être adoptées.
A.4.2. Au sujet de la première branche de ce moyen, le Gouvernement wallon n’aperçoit pas en quoi la critique formulée par les parties requérantes à propos de l’article 2, 3°, de la loi du 14 août 2021 serait fondée, dès lors que le texte de cette disposition fixe des conditions cumulatives précises pour définir l’état d’urgence épidémique, que les travaux préparatoires apportent des informations complémentaires et que la section de législation du Conseil d’État n’a émis aucune critique à ce propos.
Au sujet de la seconde branche de ce moyen, le Gouvernement wallon fait valoir que le législateur décrétal a inscrit dans le texte de la disposition des exemples de mesures pouvant être adoptées. Il ajoute qu’il est impossible d’envisager toutes les mesures concrètes qui pourraient être prises pour protéger la population en cas d’état d’urgence sanitaire.
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A.5.1. Les parties requérantes dans l’affaire n° 7848 prennent un deuxième moyen de la violation, par l’article 19 du décret du 3 février 2022, des articles 10, 11, 144, 145, 160 et 161 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 6, 13 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme, avec les articles 20, 21, 47 et 48 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et avec le principe général d’égalité et de non-discrimination, en tant qu’il insère dans le CWASS un article 47/15/1, § 1er, qui prévoit la confirmation par le législateur décrétal de l’arrêté du Gouvernement proclamant ou prolongeant l’état d’urgence sanitaire. Elles font valoir que l’arrêté du Gouvernement, une fois confirmé par un décret, ne pourra plus faire l’objet d’un recours en annulation au Conseil d’État et que le contrôle qui peut être exercé par la Cour constitutionnelle sur l’arrêté confirmé est moins étendu que le contrôle de la section du contentieux administratif du Conseil d’État. Elles estiment qu’il en résulte une différence de traitement injustifiée entre les citoyens auxquels l’arrêté du Gouvernement proclamant ou prolongeant l’état d’urgence sanitaire est appliqué et les autres citoyens, en ce qui concerne les garanties juridictionnelles offertes par l’article 159 de la Constitution et par l’article 14 des lois sur le Conseil d’État, coordonnées le 12 janvier 1973.
A.5.2. Le Gouvernement wallon fait valoir que la confirmation du Parlement garantit que la proclamation de l’état d’urgence sanitaire est contrôlée par une assemblée démocratiquement élue, ce qui est nécessaire et utile.
Il rappelle qu’un recours peut être introduit au Conseil d’État tant que l’arrêté n’est pas confirmé, et qu’ensuite, un recours est ouvert devant la Cour constitutionnelle. Il reconnaît que ces recours sont différents, mais il relève que ni l’arrêté proclamant l’état d’urgence sanitaire ni le décret de confirmation de cet arrêté ne contiennent des mesures restreignant des droits et libertés fondamentaux, puisqu’ils ne déterminent pas en soi les mesures pouvant être adoptées par le Gouvernement en vue de lutter contre l’urgence sanitaire. Enfin, il estime qu’en tout état de cause, la nécessité de répondre rapidement à la situation d’urgence sanitaire justifie l’adoption d’un arrêté par le Gouvernement, suivie d’une confirmation par le Parlement.
A.6.1. Les parties requérantes dans l’affaire n° 7848 prennent un troisième moyen de la violation, par l’article 21 du décret du 3 février 2022, des articles 10, 11, 12 et 14 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 6, 7, 13 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme, avec l’article 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, avec les articles 20, 21, 47 et 48 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, avec le principe d’égalité et de non-discrimination et avec le principe de légalité des infractions et des peines, en tant qu’il insère un article 47/16/1 dans le CWASS. Elles considèrent que, dès lors que les mesures que le Gouvernement peut prendre en situation d’urgence sanitaire ne sont pas définies, le citoyen ne peut pas comprendre quels sont les comportements interdits et punissables, de sorte que le principe de légalité des infractions n’est pas respecté. Elles relèvent en outre que rien ne permet de garantir que les mesures que le Gouvernement imposera seront suffisamment claires, précises et accessibles pour rendre leur application raisonnablement prévisible.
A.6.2. Le Gouvernement wallon renvoie à sa réponse relative à la deuxième branche du premier moyen, par laquelle il estime avoir démontré que les mesures que le Gouvernement est habilité à adopter sont suffisamment précises. En conséquence, il estime que les sanctions pénales prévues par la disposition attaquée ne violent pas le principe de légalité en matière pénale. Il ajoute que cette disposition prévoit explicitement les éléments essentiels de l’incrimination et les sanctions qui s’y rapportent.
A.7.1. Les parties requérantes dans l’affaire n° 7848 prennent un quatrième moyen de la violation, par les articles 16, 17 et 18 du décret du 3 février 2022, des articles 10, 11 et 22 de la Constitution, lus en combinaison avec l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, avec l’article 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et avec les articles 7 et 8 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, en tant qu’ils insèrent respectivement les articles 47/13, 47/14 et 47/15, § 1er/2, dans le CWASS.
Par la première branche de ce moyen, elles font grief au législateur décrétal wallon de ne pas avoir suivi l’avis de l’Autorité de protection des données du 16 novembre 2021, qui recommandait d’insérer une définition de la maladie infectieuse ou une référence explicite à une disposition de droit international définissant cette notion, de sorte que l’ingérence dans la vie privée des citoyens que constitue le décret attaqué n’est pas prévue par une disposition décrétale suffisamment précise.
Par la deuxième branche de ce moyen, elles font grief au législateur décrétal wallon de ne pas avoir suivi l’avis de l’Autorité de protection des données du 16 novembre 2021, qui recommandait de faire référence au caractère contagieux dans la définition de la maladie infectieuse, dès lors qu’il s’agit d’un élément central et
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déterminant de l’objectif consistant à éviter l’expansion des maladies infectieuses visées. Elles en déduisent que l’ingérence dans la vie privée des citoyens occasionnée par les dispositions attaquées, en ce qu’elles organisent la transmission de leurs données personnelles, est disproportionnée.
Par la troisième branche de ce moyen, elles font grief au législateur décrétal wallon de ne pas avoir suivi l’avis de l’Autorité de protection des données du 16 novembre 2021, qui recommandait de remplacer, dans le cadre de la délimitation des pouvoirs des inspecteurs de l’Agence wallonne de la santé, de la protection sociale, du handicap et des familles (AViQ), le terme « utiles » par les termes « nécessaires, pertinentes et non excessives », ce qui crée un risque d’ingérence illégale et disproportionnée dans le droit des citoyens au respect de leur vie privée, en contravention de l’article 5, c), du RGPD.
A.7.2. En ce qui concerne la première branche de ce moyen, le Gouvernement wallon soutient que la notion de « maladie infectieuse » ne peut et ne doit pas être définie, dès lors qu’elle s’entend dans son sens usuel, à savoir, d’après la définition de l’Organisation mondiale de la santé, comme une maladie causée par un agent pathogène (bactéries, virus, parasites et champignons) qui se propage, directement ou non, d’une personne à une autre. Il estime que cette définition est suffisamment circonscrite et observe que cette notion n’est pas neuve dans le CWASS, puisqu’elle y a été introduite par le décret du 2 mai 2019.
En ce qui concerne la deuxième branche de ce moyen, le Gouvernement wallon expose que la notion de « contagiosité » n’est pas expressément indiquée à l’article 17 du décret attaqué parce que le principe de précaution nécessite que le champ d’application de cette disposition soit élargi afin de tenir compte de la nécessité de réagir rapidement face à une maladie dont les effets sont encore inconnus.
En ce qui concerne la troisième branche de ce moyen, le Gouvernement wallon estime qu’il n’est pas nécessaire de mentionner, au paragraphe 1er/2 de la disposition attaquée, ce que son paragraphe 1er/4 prévoit déjà.
A.8.1. Les parties requérantes dans l’affaire n° 7848 prennent un cinquième moyen de la violation, par l’article 18 du décret du 3 février 2022, des articles 10, 11 et 22 de la Constitution, lus en combinaison avec l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, avec l’article 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et avec les articles 7 et 8 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, en tant qu’il insère un article 47/15, § 1er/2, dans le CWASS. Elles font valoir qu’il s’impose d’établir une distinction selon que le traitement vise à préserver la vie de la personne affectée, ce que toute personne a le droit de refuser, ou que le traitement vise à préserver la santé publique en prévenant la propagation de maladies infectieuses. Elles estiment qu’imposer un traitement à un patient avant que le caractère fortement épidémique de la maladie infectieuse soit établi viole indiscutablement le principe de proportionnalité et que le principe de précaution ne peut pas justifier une telle atteinte.
A.8.2. Le Gouvernement wallon fait valoir que le principe de précaution peut justifier qu’un traitement soit imposé lorsque le caractère épidémique de la maladie n’est pas encore démontré. Il rappelle qu’en outre, le patient a le droit de refuser le traitement lorsque d’autres mesures permettent d’assurer l’absence de contagion.
A.9.1. Les parties requérantes dans l’affaire n° 7848 prennent un sixième moyen de la violation, par l’article 18, 2°, du décret du 3 février 2022, des articles 1er, 2 et 128, § 1er, de la Constitution et de l’article 5, § 1er, I, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, en tant qu’il modifie l’article 47/15 du CWASS en y insérant les nouveaux paragraphes 1er/1, 1er/2, 1er/3 et 1er/4. Elles font valoir que les mesures énumérées par les dispositions attaquées sont des mesures sanitaires relevant de la compétence des communautés en matière de médecine préventive.
A.9.2. Le Gouvernement wallon rappelle que la compétence en matière de médecine préventive a été transférée par la Communauté française à la Région wallonne et à la Commission communautaire française par le décret spécial de la Communauté française du 3 avril 2014 « relatif aux compétences de la Communauté française dont l’exercice est transféré à la Région wallonne et à la Commission communautaire française ».
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-B-
Quant au décret attaqué
B.1.1. Par un décret de la Région wallonne du 2 mai 2019 « modifiant le Code wallon de l’Action sociale et de la Santé en ce qui concerne la prévention et la promotion de la santé »
(ci-après : le décret du 2 mai 2019), le législateur décrétal a inséré, dans le Code wallon de l’action sociale et de la santé (ci-après : le CWASS), les dispositions relatives à la prévention et à la promotion de la santé qu’il a adoptées en conséquence du transfert de l’exercice de cette compétence de la Communauté française à la Région wallonne en vertu de l’article 138 de la Constitution et du décret spécial de la Communauté française du 3 avril 2014 « relatif aux compétences de la Communauté française dont l’exercice est transféré à la Région wallonne et à la Commission communautaire française » et du décret de la Région wallonne du 11 avril 2014 ayant le même intitulé (Doc. parl., Parlement wallon, 2018-2019, n° 1332/1, p. 3).
Conscient de ce que l’élaboration d’un plan de promotion de la santé impliquait de disposer de données socio-sanitaires fiables, le législateur décrétal de l’époque a confié la collecte des données nécessaires à la prise de décisions adéquates à un observatoire créé au sein de l’Agence wallonne de la santé, de la protection sociale, du handicap et des familles (AViQ) (Doc. parl., Parlement wallon, 2021-2022, n° 796/1, p. 3).
B.1.2. Le décret de la Région wallonne du 3 février 2022 « modifiant le Code wallon de l’Action sociale et de la Santé en ce qui concerne la promotion de la santé et la prévention »
(ci-après : le décret du 3 février 2022) modifie et complète ces dispositions en vue d’y apporter des précisions et de corriger certaines imperfections apparues au cours des travaux de rédaction de l’arrêté du Gouvernement wallon qui devait les mettre en œuvre. Il y intègre aussi des dispositions dont la nécessité a été mise en évidence par la crise sanitaire provoquée par la pandémie de Covid-19 survenue en 2020.
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D’après l’exposé des motifs,
« il ne s’agit pas de remettre en cause la philosophie du texte, mais d’améliorer celui-ci dans l’objectif de le rendre plus clair, plus précis, et plus adapté aux soucis de santé de la population wallonne.
[…]
Il résulte de ce qui précède que le présent projet de décret ne constitue donc pas une remise en cause de la promotion de la santé telle qu’elle avait été décidée par le Parlement, mais plutôt un ajustement, une amélioration des textes, dans la continuité du décret du 2 mai 2019 » (ibid.).
Quant à l’étendue des recours
B.2.1. La Cour doit déterminer l’étendue des recours en annulation sur la base du contenu des requêtes.
La Cour peut uniquement annuler des dispositions législatives explicitement attaquées contre lesquelles des moyens sont invoqués et, le cas échéant, des dispositions qui ne sont pas attaquées mais qui sont indissociablement liées aux dispositions qui doivent être annulées.
B.2.2. Les parties requérantes dans l’affaire n° 7829 demandent l’annulation des articles 7, 18, 19, 20 et 21 du décret du 3 février 2022. La requête en annulation ne contient toutefois aucun grief dirigé contre les articles 20 et 21 de ce décret.
B.2.3. Les parties requérantes dans l’affaire n° 7848 demandent l’annulation des articles 16, 17, 18, 19 et 21 du décret du 3 février 2022.
Quant à la recevabilité des recours
B.3.1. La Constitution et la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle imposent à toute personne physique ou morale qui introduit un recours en annulation de justifier d’un intérêt. Ne justifient de l’intérêt requis que les personnes dont la situation pourrait être affectée directement et défavorablement par la norme attaquée.
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B.3.2. Le Gouvernement wallon conteste l’intérêt à agir des parties requérantes dans l’affaire n° 7829 et celui de la deuxième partie requérante dans l’affaire n° 7848. Il estime en outre que les parties requérantes n’ont pas intérêt à demander l’annulation des articles 17, 18 et 20 du décret du 3 février 2022 parce que l’annulation de ces dispositions aurait pour effet de rétablir les articles 47/14 à 47/16 du CWASS dans leur version antérieure, ce qui ne leur offrirait pas plus de garanties.
B.3.3. La première partie requérante dans l’affaire n° 7829 et les 3ème à 103ème parties requérantes dans l’affaire n° 7848 sont des personnes physiques qui habitent en Région wallonne ou qui s’y rendent régulièrement auxquelles les dispositions attaquées pourraient être appliquées, ce qui aurait pour effet de porter atteinte à certains de leurs droits fondamentaux.
Elles justifient ainsi d’un intérêt à en demander l’annulation. Par conséquent, l’intérêt des autres parties requérantes, qui sont des personnes morales, ne doit pas être examiné.
Par ailleurs, le rétablissement des dispositions anciennes qui découlerait d’une annulation n’est pas de nature à priver les parties requérantes de leur intérêt, puisque celles-ci obtiendraient une nouvelle chance de voir leur situation réglée plus favorablement à la suite de l’annulation des dispositions attaquées.
B.3.4. Les exceptions d’irrecevabilité sont rejetées.
Quant à l’examen des moyens
B.4. La Cour examine les moyens pris par les parties requérantes dans les deux affaires, en les groupant de la façon suivante :
- Le moyen relatif à la compétence du législateur décrétal (sixième moyen dans l’affaire n° 7848);
- Les moyens relatifs à l’état d’urgence sanitaire (deuxième moyen dans l’affaire n° 7829
et premier et deuxième moyens dans l’affaire n° 7848);
- Le moyen relatif aux incriminations pénales (troisième moyen dans l’affaire n° 7848);
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- Les moyens relatifs au traitement des données à caractère personnel (premier moyen dans l’affaire n° 7829 et quatrième moyen dans l’affaire n° 7848);
- Le moyen relatif à l’imposition d’un traitement médical (cinquième moyen dans l’affaire n° 7848).
Quant à la compétence de la Région wallonne
B.5.1. L’examen de la conformité de dispositions législatives aux règles répartitrices de compétences doit en règle précéder celui de leur compatibilité avec les dispositions du titre II
de la Constitution et des articles 170, 172 et 191 de celle-ci. La Cour examine donc d’abord le sixième moyen dans l’affaire n° 7848.
B.5.2. Les parties requérantes dans l’affaire n° 7848 contestent la compétence de la Région wallonne pour adopter l’article 18 du décret du 3 février 2022, qui modifie l’article 47/15 du CWASS en remplaçant son paragraphe 1er et en y insérant les nouveaux paragraphes 1er/1, 1er/2, 1er/3 et 1er/4. Ces dispositions concernent les missions et pouvoirs des médecins, infirmiers et inspecteurs d’hygiène régionaux en charge de la surveillance des maladies infectieuses. Les parties requérantes estiment que ces dispositions ressortissent à la compétence des communautés en matière de médecine préventive, de sorte qu’elles excéderaient les compétences de la Région wallonne.
B.5.3. L’article 1er du décret du 3 février 2022 dispose :
« Le présent décret règle, en vertu de l’article 138 de la Constitution, une matière visée à l’article 128 de celle-ci ».
B.5.4. En vertu de l’article 138 de la Constitution, le Parlement de la Communauté française, d’une part, et le Parlement de la Région wallonne et le groupe linguistique français du Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, d’autre part, peuvent décider d’un commun accord de transférer l’exercice de certaines compétences de la Communauté française à la
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Région wallonne et à la Commission communautaire française. Par l’article 3, 6°, du décret spécial de la Communauté française du 3 avril 2014 « relatif aux compétences de la Communauté française dont l’exercice est transféré à la Région wallonne et à la Commission communautaire française » et par l’article 3, 6°, du décret de la Région wallonne du 11 avril 2014 « relatif aux compétences de la Communauté française dont l’exercice est transféré à la Région wallonne et à la Commission communautaire française », la politique de la santé (sous réserve de quelques exceptions), qui comprend la médecine préventive, a fait l’objet d’un tel transfert. Il en découle que la Région wallonne est compétente pour exercer cette compétence dans la région de langue française.
B.5.5. Le sixième moyen dans l’affaire n° 7848 n’est pas fondé.
Quant à l’état d’urgence sanitaire
B.6.1.1. L’article 19 du décret du 3 février 2022 insère, dans le CWASS, un article 47/15/1
ainsi rédigé :
« § 1er. En cas de situation d’urgence épidémique au sens de l’article 2, 3°, de la loi du 14 août 2021 relative aux mesures de police administrative lors d’une situation d’urgence épidémique, déclarée par le Roi en vertu de l’article 3, § 1er, de la même loi, le Gouvernement décide par arrêté, pour tout ou partie de la région de langue française, l’état d’urgence sanitaire pour une période de maximum trois mois. Cet arrêté entre en vigueur immédiatement.
L’arrêté du Gouvernement est immédiatement communiqué au Parlement. Le Parlement confirme par décret dans les quinze jours de sa publication l’arrêté du Gouvernement. A défaut de l’adoption d’un décret de confirmation de l’arrêté du Gouvernement dans le délai susmentionné de quinze jours, ledit arrêté est réputé n’avoir jamais été adopté.
La prolongation de l’état d’urgence sanitaire est décidée par arrêté du Gouvernement, à chaque fois pour une période de maximum trois mois. Cet arrêté entre en vigueur immédiatement.
L’arrêté de prolongation pris par le Gouvernement est immédiatement communiqué au Parlement. Le Parlement confirme par décret dans les quinze jours de sa publication l’arrêté de prolongation pris par le Gouvernement. A défaut de l’adoption d’un décret de confirmation de l’arrêté de prolongation pris par le Gouvernement dans le délai susmentionné de quinze jours, ledit arrêté est réputé n’avoir jamais été adopté.
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§ 2. Pendant la période d’état d’urgence sanitaire, le Gouvernement adopte pour tout ou partie du territoire de la région de langue française, en fonction des circonstances épidémiologiques, les mesures prévues aux paragraphes 1er/2 et 1er/3 de l’article 47/15.
Il peut également adopter toutes autres mesures nécessaires pour gérer, monitorer et maîtriser l’épidémie.
Les mesures visées au présent paragraphe sont, compte tenu des connaissances scientifiques relatives à la maladie infectieuse concernée, nécessaires, adéquates et proportionnelles aux objectifs d’empêcher toute nouvelle contamination et de maîtriser la propagation de l’épidémie.
Les mesures adoptées sur base du présent paragraphe sont applicables pour une durée maximale d’un mois. Elles font l’objet d’une évaluation mensuelle par le Gouvernement, et sont renouvelées de mois en mois lorsqu’elles demeurent nécessaires au sens de l’alinéa 3. Elles ne peuvent produire d’effets au-delà de la période d’état d’urgence sanitaire.
Le présent paragraphe s’applique sans préjudice des compétences de l’Etat fédéral, et des autres entités fédérées. Les mesures visées au présent paragraphe concernent uniquement la protection sanitaire et ont, de manière proportionnée, pour objet de prévenir, ralentir ou arrêter la propagation de l’agent infectieux responsable de la situation épidémique, telles que notamment et de manière non exhaustive selon les recommandations scientifiques en vigueur :
le dépistage, l’isolement, la quarantaine, le port d’un équipement de protection individuel ou la sensibilisation aux règles relatives à l’hygiène corporelle, etc. Sauf si une concertation a déjà été organisée par l’Etat fédéral ou une autre entité fédérée, le Gouvernement prend l’initiative d’une concertation avec l’Etat fédéral et les autres entités fédérées lorsque les mesures envisagées sont susceptibles de porter atteinte à leurs compétences respectives.
§ 3. Le Gouvernement détermine les personnes physiques ou morales à qui il confie l’exécution des mesures adoptées en exécution du paragraphe 2.
§ 4. Lorsque les mesures adoptées par le Gouvernement en exécution du paragraphe 2
impliquent le traitement de données à caractère personnel, l’article 47/14 s’applique à ce traitement, à l’exception de son paragraphe 1er, alinéas 5 à 7.
Dans le cadre de ce traitement, les personnes physiques ou morales désignées par le Gouvernement en application du paragraphe 3 sont tenues au même secret professionnel que les inspecteurs d’hygiène régionaux, médecins et infirmiers visés à l’article 47/14, paragraphe 1er, alinéa 5.
Le Gouvernement détermine le responsable du traitement des données à caractère personnel visé au présent paragraphe.
§ 5. Dans un délai de trois mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire, le Gouvernement transmet au Parlement un rapport d’évaluation portant sur les objectifs poursuivis dans le cadre du respect des droits fondamentaux afin de vérifier si le présent article ne doit pas être abrogé, complété, modifié ou remplacé. »
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B.6.1.2. L’exposé des motifs de cette disposition indique que l’objectif poursuivi par le législateur décrétal est de tirer les leçons de la pandémie de Covid-19 en prévoyant une possibilité de délégation générale au Gouvernement en cas de situation d’urgence épidémique.
Le texte de la disposition est directement inspiré de celui de la loi du 14 août 2021 « relative aux mesures de police administrative lors d'une situation d'urgence épidémique » (ci-après : la loi du 14 août 2021) et renvoie expressément à la définition de la situation d’urgence épidémique que cette loi contient. En vue d’éviter les confusions entre la procédure fédérale et la procédure régionale, le législateur décrétal a choisi d’utiliser les termes « état d’urgence sanitaire » plutôt que ceux d’ « état d’urgence épidémique » (Doc. parl., Parlement wallon, 2020-2021, n° 796/1, p. 12).
B.6.2.1. L’article 18 du décret du 3 février 2022 apporte, notamment, les modifications suivantes à l’article 47/15 du CWASS, tel qu’il a été inséré par le décret du 2 mai 2019 :
« 1° le paragraphe 1er est remplacé par ce qui suit :
‘ § 1er. Les inspecteurs d’hygiène régionaux, les médecins ou les infirmiers en charge de la surveillance des maladies infectieuses sont désignés en son sein par l’Agence ’;
2° sont insérés les nouveaux paragraphes 1er/1, 1er/2, 1er/3 et 1er/4 rédigés comme suit :
‘ § 1er/1. Les inspecteurs d’hygiène régionaux, les médecins ou les infirmiers visés au paragraphe 1er, qui interviennent dans une situation qui s’inscrit dans un cadre individuel ou familial, collaborent avec le médecin du patient concerné. Les inspecteurs d’hygiène régionaux, les médecins ou les infirmiers visés au paragraphe 1er, qui interviennent dans une situation qui s’inscrit dans un cadre collectif, collaborent avec le médecin désigné par la collectivité, les médecins traitants, les autorités administratives locales et le cercle de médecine générale concerné avec lequel il se concerte.
Les inspecteurs d’hygiène régionaux, les médecins ou les infirmiers visés au paragraphe 1er s’assurent que les mesures de prévention et de prophylaxie déterminées par le Gouvernement dans le cadre de la protection de la santé publique sont appliquées.
Les inspecteurs d’hygiène régionaux, les médecins ou les infirmiers visés au paragraphe 1er collaborent avec les autorités administratives locales par lesquelles des mesures doivent être appliquées. Par “ autorités administratives locales ”, il faut entendre les bourgmestres, les gouverneurs de province, les présidents des centres publics d’action sociale ou leurs administrations et les services de police locale.
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Les inspecteurs d’hygiène régionaux, les médecins ou les infirmiers visés au paragraphe 1er avertissent les autorités administratives concernées lorsqu’un risque réel de dissémination existe ou lorsque la dissémination est avérée.
Les inspecteurs d’hygiène régionaux, les médecins ou les infirmiers visés au paragraphe 1er recommandent le cas échéant aux autorités administratives compétentes de prendre des arrêtés ou décisions nécessaires à la gestion du cas.
Le Gouvernement adopte toutes les mesures nécessaires ou utiles à la mise en œuvre du présent paragraphe.
§ 1er/2. Les inspecteurs d’hygiène régionaux, les médecins ou les infirmiers visés au paragraphe 1er effectuent, directement ou par l’intermédiaire d’un autre professionnel, tout contrôle ou examen médical, toute recherche ou enquête, et recueillent toutes informations qu’ils jugent utiles dans l’exercice de leur fonction.
Les inspecteurs d’hygiène régionaux, les médecins ou les infirmiers visés au paragraphe 1er s’assurent et, si nécessaire, imposent, par l’intermédiaire du professionnel de santé en charge, que la personne suspectée d’une maladie qui met en jeu le pronostic vital à bref délai ou qui présente la symptomatologie d’une affection épidémique grave, ainsi que la ou les personnes susceptibles de l’avoir contaminée ou d’avoir été contaminées par elle, subissent les examens nécessaires et, le cas échéant, suivent un traitement médical approprié, préventif ou curatif, sans préjudice du droit du patient de refuser, après information complète sur sa situation de santé, ce traitement préventif ou curatif lorsque d’autres mesures visées au présent article permettent de garantir une absence totale de contagion.
Le cas échéant, les inspecteurs d’hygiène régionaux, les médecins ou les infirmiers visés au paragraphe 1er interdisent aux personnes atteintes d’une maladie infectieuse, d’exercer des activités professionnelles et de fréquenter toute collectivité pendant une période qui ne dépasse pas celle de la contagiosité.
Les inspecteurs d’hygiène régionaux, les médecins ou les infirmiers visés au paragraphe 1er ordonnent si nécessaire l’isolement des personnes contaminées ou susceptibles d’avoir été contaminées, pour une période qui ne dépasse pas celle de leur contagiosité. Cet isolement s’effectue, selon les circonstances :
a) au sein d’un service hospitalier pertinent au vu de la situation sanitaire donnée et identifié par la décision d’isolement adoptée par le médecin de l’Agence en charge de la surveillance des maladies infectieuses à la suite d’une concertation avec l’hôpital concerné;
b) à domicile;
c) dans un autre lieu approprié à cet effet.
Le Gouvernement adopte toutes les mesures nécessaires ou utiles à la mise en œuvre du présent paragraphe.
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§ 1er/3. Les inspecteurs d’hygiène régionaux, les médecins ou les infirmiers visés au paragraphe 1er ont le droit de s’introduire en tout lieu ayant été fréquenté par la ou les personnes atteintes d’une maladie infectieuse ou par les animaux contaminés ou suspectés de l’être, en vue de la constatation de la source de contamination et de la prise de mesures prophylactiques.
Lorsque ce lieu est un domicile, le droit de s’y introduire ne peut être exercé, conformément à l’article 15 de la Constitution, que, soit avec l’accord de la personne concernée, soit avec l’autorisation d’un juge, soit en cas de péril grave et imminent.
Les inspecteurs d’hygiène régionaux, les médecins ou les infirmiers visés au paragraphe 1er ordonnent si nécessaire :
1° la désinfection des objets et locaux susceptibles d’être contaminés;
2° l’isolement, le traitement et, si nécessaire, la mise à mort et l’incinération d’animaux contaminés ou suspects de l’être, en s’associant avec l’Agence fédérale pour la Sécurité de la Chaîne alimentaire.
Les inspecteurs d’hygiène régionaux, les médecins ou les infirmiers visés au paragraphe 1er ordonnent, lorsque les risques de contamination l’exigent, la fermeture totale ou partielle d’un lieu, d’un espace ou d’une installation. Un rapport justifiant la fermeture d’un lieu, d’un espace ou d’une installation est transmis au bourgmestre de la commune concernée. Il est mis fin à la décision de fermeture si les circonstances qui l’ont justifiée ne sont plus réunies. Le bourgmestre est chargé de l’exécution des décisions de fermeture en vertu de ses pouvoirs de police administrative.
Le Gouvernement adopte toutes les mesures nécessaires ou utiles à la mise en œuvre du présent paragraphe.
§ 1er/4. Les mesures visées aux paragraphes 1er/1, 1er/2 et 1er/3 sont, compte tenu des connaissances scientifiques relatives à la maladie infectieuse concernée, nécessaires, adéquates et proportionnelles à l’objectif d’empêcher toute nouvelle contamination ’ ».
B.6.2.2. D’après l’exposé des motifs, la réécriture, opérée par cet article, du premier paragraphe de l’article 47/15 du CWASS et sa division en plusieurs nouveaux paragraphes, pour plus de lisibilité, ne modifient en rien les missions et pouvoirs des médecins et infirmiers en charge de la surveillance des maladies infectieuses (Doc. parl., Parlement wallon, 2020-
2021, n° 796/1, p. 11).
B.7.1. Par leur second moyen, les parties requérantes dans l’affaire n° 7829 font en substance grief à ces dispositions, premièrement, d’autoriser des limitations à la liberté individuelle, au droit à l’épanouissement individuel et culturel et au droit de réunion en public ou en privé en raison d’une situation d’urgence sanitaire, alors que les critères d’appréciation de cette situation ne seraient pas précis et déterminés, deuxièmement, de prévoir que ces
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limitations peuvent être imposées pendant un délai trop long et susceptible d’être prolongé de manière indéterminée et, troisièmement, de ne pas prévoir une analyse de risques préalable à l’adoption des mesures envisagées.
B.7.2. Par leur premier moyen, les parties requérantes dans l’affaire n° 7848 font en substance grief à ces dispositions, premièrement, de lier de manière automatique la déclaration de la situation d’urgence sanitaire à la déclaration par le Roi de la situation d’urgence épidémique, alors que cette dernière notion serait floue et imprévisible, et, deuxièmement, de ne pas préciser les mesures portant atteinte aux droits fondamentaux qui peuvent être prises par le Gouvernement.
B.7.3. Les parties requérantes invoquent la violation, notamment, des articles 10, 11, 12, 15, 16, 19, 22, 23, 5°, 26, 27 et 187 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 11, 14, et 15, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l’homme, avec l’article 2 du Protocole n° 4 à cette Convention, avec les articles 12, 20 et 21 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, avec les articles 3 et 4, paragraphe 1, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et avec l’article 9 du Traité sur l’Union européenne. Toutes ces dispositions garantissent des droits fondamentaux.
L’article 187 de la Constitution interdit la suspension, en tout ou en partie, de la Constitution. Dès lors que les parties requérantes ne précisent pas en quoi les dispositions qu’elles attaquent auraient pour effet de suspendre la Constitution, le premier moyen dans l’affaire n° 7848 est irrecevable en ce qu’il est pris de la violation de cette disposition.
B.8.1. L’article 47/15/1 du CWASS, tel qu’il a été inséré par l’article 19 du décret du 3 février 2022, prévoit que le Gouvernement wallon décide l’état d’urgence sanitaire par arrêté en cas de situation d’urgence épidémique déclarée par le Roi en vertu de l’article 3, § 1er, de la loi du 14 août 2021. L’entrée en vigueur de l’arrêté décidant l’état d’urgence sanitaire permet au Gouvernement d’adopter les mesures nécessaires pour gérer, monitorer et maîtriser l’épidémie dont l’existence est reconnue par le Roi. Ces mesures sont susceptibles de limiter certains droits et libertés fondamentaux.
B.8.2. Le décret du 3 février 2022 n’a toutefois pas pour conséquence de limiter directement les droits fondamentaux. Il se borne à habiliter le Gouvernement wallon à prendre
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les mesures qu’il prévoit, lesquelles doivent être adaptées aux besoins de la situation d’urgence épidémique déclarée à ce moment par le Roi et à la nécessité d’empêcher toute nouvelle contamination et de maîtriser la propagation de l’épidémie.
B.8.3. Étant donné qu’aucun des droits et libertés fondamentaux invoqués par les parties requérantes n’est absolu, les diverses mesures qui peuvent être prises par le Gouvernement peuvent y apporter des limitations. Ces limitations sont admissibles, pour autant qu’il soit satisfait à certaines conditions.
Les travaux préparatoires mentionnent à cet égard :
« En temps normal, les mesures de lutte contre les maladies infectieuses sont confiées aux inspecteurs d’hygiène régionaux, médecins et infirmiers de l’Agence spécialement désignés à cette fin (voir l’article 47/15 du Code wallon de l’action sociale et de la santé). Ce mécanisme n’est pas tenable en cas d’état d’urgence sanitaire, le nombre de personnes infectées ou susceptibles de l’être étant tel qu’il serait impossible pour les inspecteurs d’hygiène régionaux, médecins et infirmiers de l’Agence de traiter et décider pour tous les cas.
C’est pourquoi, en cas d’état d’urgence sanitaire, il est prévu que le Gouvernement peut prendre de manière générale pour tout ou partie du territoire de la région de langue française, les mêmes mesures que celles que peuvent ordonner les médecins et infirmiers de l’Agence. Le Gouvernement peut également adopter d’autres mesures, impossibles à prévoir à l’avance, qui seraient rendues nécessaires par la situation épidémiologique.
Il est incontestable que certaines des mesures destinées à lutter contre l’épidémie sont de nature à porter atteinte à certains droits fondamentaux, dont la liberté de se déplacer, le droit à une vie privée et familiale, le droit au travail, la liberté d’entreprendre, etc. Il importe donc d’établir une balance entre la nécessaire protection de la vie et de la santé publique d’une part, les droits et libertés d’autre part. C’est pourquoi il est précisé que les mesures envisagées doivent être nécessaires, adéquates et proportionnelles au but poursuivi. En d’autres termes, une analyse de l’impact de ces mesures doit être effectuée avant toute prise de décision. Cette analyse doit tenir compte bien évidemment de l’état des connaissances scientifiques existant au moment où la décision doit être prise » (ibid., p. 13).
B.9.1. Ni le décret du 3 février 2022 ni l’arrêté du Gouvernement wallon déclarant ou maintenant la situation d’urgence sanitaire ne donnent immédiatement lieu à des mesures restreignant les droits et libertés, étant donné que l’article 47/15/1 du CWASS, tel qu’il a été inséré par l’article 19 du décret du 3 février 2022, se borne à déléguer au Gouvernement la
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compétence de prendre ces mesures. Il reviendra au Gouvernement d’apprécier in concreto la proportionnalité des mesures qu’il prendra sur la base des dispositions attaquées. Il ne saurait être reproché au législateur décrétal de ne pas avoir énuméré ces mesures de manière exhaustive, dès lors que celles-ci doivent être adaptées aux modes de transmission et aux caractéristiques de la maladie, le cas échéant inconnue à ce jour, qui crée le risque épidémique à combattre, et que leur nature est en conséquence liée à l’état des connaissances scientifiques disponibles au moment où il s’agit de les adopter.
B.9.2. La circonstance que cette appréciation in concreto ne relève pas de la compétence de la Cour, dès lors qu’il n’appartient pas à la Cour de présumer de l’exécution de l’habilitation contenue dans le décret du 3 février 2022, ne prive pas la disposition attaquée de son caractère proportionné. Lorsque le législateur décrétal accorde une délégation, il y a lieu de considérer qu’il n’entend habiliter le délégué à faire usage de sa compétence que d’une manière conforme aux dispositions de la Constitution dont la Cour garantit le respect.
Il appartient au juge compétent, à savoir la section du contentieux administratif du Conseil d’État ou le juge judiciaire, de contrôler, le cas échéant, si et dans quelle mesure le Gouvernement a excédé les conditions de l’habilitation qui lui a été conférée. À cet égard, le législateur décrétal a prévu un certain nombre de garanties dont le respect devra être contrôlé par le juge compétent. Ainsi, les mesures doivent être nécessaires, adéquates et proportionnées aux objectifs d’empêcher toute nouvelle contamination et de maîtriser la propagation de l’épidémie. Leur application fait l’objet d’une évaluation mensuelle et ne peut se prolonger au-
delà de la période d’urgence sanitaire. Enfin, il résulte de l’exposé des motifs précité que le législateur décrétal estime que la proportionnalité des mesures doit notamment être examinée à l’aune d’une analyse de leur impact, laquelle doit avoir lieu préalablement à leur adoption.
B.10.1. Par ailleurs, contrairement à ce que soutiennent les parties requérantes, la disposition attaquée ne permet pas l’adoption de mesures restreignant les droits et libertés fondamentaux pour une durée excessive, voire pour une durée indéterminée. En vertu de l’article 47/15/1, § 2, alinéa 4, les mesures ne peuvent être imposées que pour un délai d’un mois et leur renouvellement ne peut être ordonné que moyennant une évaluation par le
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Gouvernement. Elles ne peuvent produire leurs effets au-delà de la période d’état d’urgence sanitaire, période qui ne peut, quant à elle, excéder trois mois. Le renouvellement de la période d’état d’urgence sanitaire implique l’adoption d’un nouvel arrêté, qui doit être confirmé par le Parlement et qui peut, le cas échéant, faire l’objet d’un recours juridictionnel. Le législateur décrétal a dès lors prévu suffisamment de contrôles préalablement à la prolongation des mesures restreignant les droits et libertés fondamentaux, de sorte que la crainte des parties requérantes de ce que ces mesures deviennent pérennes n’est pas fondée.
B.10.2. Enfin, la critique formulée par les parties requérantes au sujet de la notion d’urgence épidémique est dirigée contre la loi du 14 août 2021 et non contre le décret attaqué.
Par son arrêt n° 33/2023 du 2 mars 2023 (ECLI:BE:GHCC:2023:ARR.033), la Cour a rejeté plusieurs recours en annulation dirigés contre la loi du 14 août 2021.
Elle a notamment jugé :
« La loi du 14 août 2021 définit aussi suffisamment les circonstances dans lesquelles ces mesures de police administrative peuvent être prises, à savoir dans une situation d’urgence épidémique dont l’existence doit être confirmée par le législateur. La définition de ‘ situation d’urgence épidémique ’ sert à délimiter le champ d’application de la loi du 14 août 2021 aux situations d’urgence sanitaire causées par une maladie infectieuse » (B.60.3, partim).
B.10.3. Le second moyen dans l’affaire n° 7829 et le premier moyen dans l’affaire n° 7848
ne sont pas fondés.
B.11.1. Par leur deuxième moyen, les parties requérantes dans l’affaire n° 7848 font grief à l’article 47/15/1, § 1er, de prévoir que l’arrêté du Gouvernement décidant l’état d’urgence sanitaire doit être confirmé par le Parlement, de sorte qu’il échappe à la compétence juridictionnelle du Conseil d’État et des cours et tribunaux ordinaires sur la base de l’article 159
de la Constitution. Elles estiment que le législateur décrétal viole ainsi le droit à un procès équitable et à un recours effectif. Le moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 144, 145, 160 et 161 de la Constitution, avec les articles 6, 13 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme et avec les articles 20, 21, 47 et 48 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
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B.11.2. Le décret de confirmation et l’arrêté du Gouvernement confirmé peuvent être soumis au contrôle de la Cour constitutionnelle. Ce contrôle garantit la sauvegarde des droits fondamentaux, puisque la Cour est compétente pour contrôler le respect du Titre II de la Constitution.
Par ailleurs, comme il est dit en B.9.1 et en B.9.2, l’arrêté décidant l’état d’urgence sanitaire ne contient en soi aucune mesure concrète restrictive de liberté. Les arrêtés du Gouvernement contenant les mesures concrètes imposées en vue de lutter contre la propagation de l’agent infectieux peuvent être soumis aux contrôles juridictionnels de la section du contentieux administratif du Conseil d’État et des juridictions judiciaires, sur la base de l’article 159 de la Constitution.
Enfin, l’arrêté décidant l’état d’urgence sanitaire ne peut être pris par le Gouvernement wallon que si le Roi a pris un arrêté royal déclarant une situation d’urgence épidémique. Par son arrêt n° 33/2023 précité, la Cour a jugé que cet arrêté royal pouvait lui-même faire l’objet de recours devant un juge indépendant et impartial, avant ou après sa confirmation par le législateur fédéral, de sorte que le droit au procès équitable et au recours effectif n’était pas violé (B.27.3 et B.27.4).
B.11.3. Le deuxième moyen dans l’affaire n° 7848 n’est pas fondé.
Quant aux incriminations pénales
B.12.1. L’article 21 du décret du 3 février 2022 insère, dans le CWASS, un article 47/16/1
ainsi rédigé :
« Sans préjudice de l’application des sanctions fixées par le Code pénal, sont punis d’un emprisonnement de huit jours à six mois et d’une amende de 1 à 500 euros, ou de l’une de ces peines seulement, les personnes :
1° qui ne respectent pas les décisions adoptées par le Gouvernement sur base de l’article 47/15/1, paragraphe 2;
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2° qui entravent volontairement la mise en œuvre ou l’exécution des décisions adoptées par le Gouvernement sur base de l’article 47/15/1, paragraphe 2.
Le tribunal de police connaît des infractions établies par le présent article. »
B.12.2. L’exposé des motifs indique, au sujet de cette disposition :
« Afin de permettre au Gouvernement d’imposer les mesures qu’exige cette situation, il importe d’établir des sanctions pénales pour ceux qui ne respecteraient pas ou entraveraient la mise en œuvre et l’exécution des mesures décidées par le Gouvernement.
En raison du principe constitutionnel de légalité des peines, […], les sanctions pénales destinées à garantir l’effectivité des décisions prises par le Gouvernement en cas d’état d’urgence sanitaire doivent être prévues par le projet de décret » (Doc. parl., Parlement wallon, 2020-2021, n° 796/1, p. 14).
B.13.1. Par leur troisième moyen, les parties requérantes dans l’affaire n° 7848 font grief à cette disposition d’établir des infractions pénales et des peines alors qu’il serait impossible, à la lecture de cette disposition, et de l’article 47/15/1, § 2, auquel elle renvoie, de comprendre quels sont les comportements interdits et punis, de sorte que le principe de légalité pénale serait violé.
B.13.2. Le moyen est pris de la violation des articles 10, 11, 12 et 14 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 6, 7, 13 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme, avec l’article 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et avec les articles 20, 21, 47 et 48 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui garantissent le principe de la légalité des incriminations et des peines, le droit à un procès équitable et le droit à un recours effectif.
B.13.3. Dès lors qu’il n’expose pas en quoi le droit à un recours effectif serait violé, le moyen est irrecevable en ce qu’il est pris de la violation de l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Dès lors que les peines se trouvent fixées dans une disposition législative, à savoir l’article 47/16/1 du CWASS, tel qu’il a été inséré par l’article 21 du décret du 3 février 2022, l’article 14 de la Constitution, qui consacre le principe de la légalité des peines, n’est pas violé.
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B.13.4. En ce qu’ils exigent que toute infraction soit prévue par une norme suffisamment claire, prévisible et accessible, l’article 7, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l’homme et l’article 15, paragraphe 1, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ont une portée analogue à celle de l’article 12, alinéa 2, de la Constitution. Les garanties fournies par ces dispositions, qui visent l’aspect substantiel du principe de légalité des incriminations, forment dès lors, dans cette mesure, un tout indissociable.
B.14.1. En attribuant au pouvoir législatif la compétence pour déterminer dans quels cas des poursuites pénales sont possibles, l’article 12, alinéa 2, de la Constitution garantit à tout justiciable qu’aucun comportement ne sera punissable qu’en vertu de règles adoptées par une assemblée délibérante, démocratiquement élue.
En outre, le principe de légalité en matière pénale qui découle de la disposition constitutionnelle et des dispositions internationales précitées procède de l’idée que la loi pénale doit être formulée en des termes qui permettent à chacun de savoir, au moment où il adopte un comportement, si celui-ci est punissable ou non. Il exige que le législateur indique, en des termes suffisamment précis, clairs et offrant la sécurité juridique, quels faits sont sanctionnés, afin, d’une part, que celui qui adopte un comportement puisse évaluer préalablement, de manière satisfaisante, quelle sera la conséquence pénale de ce comportement et afin, d’autre part, que ne soit pas laissé au juge un trop grand pouvoir d’appréciation.
Toutefois, le principe de légalité en matière pénale n’empêche pas que la loi attribue un pouvoir d’appréciation au juge. Il faut en effet tenir compte du caractère de généralité des lois, de la diversité des situations auxquelles elles s’appliquent et de l’évolution des comportements qu’elles répriment.
La condition qu’une infraction doit être clairement définie par la loi se trouve remplie lorsque le justiciable peut savoir, à partir du libellé de la disposition pertinente et, au besoin, à l’aide de son interprétation par les juridictions, quels actes et omissions engagent sa responsabilité pénale.
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Ce n’est qu’en examinant une disposition pénale spécifique qu’il est possible de déterminer, en tenant compte des éléments propres aux infractions qu’elle entend réprimer, si les termes généraux utilisés par le législateur sont à ce point vagues qu’ils méconnaîtraient le principe de légalité en matière pénale.
B.14.2. Par ailleurs, le principe de légalité en matière pénale ne va pas jusqu’à obliger le législateur à régler lui-même chaque aspect de l’incrimination. Une délégation à une autre autorité n’est pas contraire à ce principe, pour autant que l’habilitation soit définie de manière suffisamment précise et porte sur l’exécution de mesures dont les éléments essentiels ont été fixés préalablement par le législateur.
B.15.1. L’incrimination contenue dans l’article 47/16/1 du CWASS est définie en des termes suffisamment précis, étant donné que ce même Code détermine l’objectif poursuivi et le type de mesures que le Gouvernement peut prendre et dont le non-respect donne lieu à sanction pénale. Ainsi, l’article 47/16/1 du CWASS décrit les comportements qui constituent une infraction, à savoir le non-respect de ou l’entrave volontaire à la mise en œuvre des décisions adoptées par le Gouvernement sur la base de l’article 47/15/1, § 2, du CWASS.
L’article 47/15/1, § 2, du CWASS, cité en B.6.1.1, habilite le Gouvernement à prendre, pendant la période d’urgence sanitaire, les mesures nécessaires pour prévenir, ralentir ou arrêter la propagation de l’agent infectieux responsable de la situation épidémique. La même disposition énonce, de manière non exhaustive, le type de mesures qui peuvent être adoptées :
le dépistage, l’isolement, la quarantaine, le port d’un équipement de protection individuel ou la sensibilisation aux règles relatives à l’hygiène corporelle.
B.15.2. Compte tenu du contexte de l’état d’urgence sanitaire, qui suppose une évolution constante des circonstances, des incertitudes au sujet de la situation et une certaine technicité des mesures à prendre, les dispositions attaquées délimitent suffisamment l’action du pouvoir exécutif. La lecture de ces dispositions en combinaison avec les arrêtés de Gouvernement et les arrêtés ministériels pris en exécution de l’article 47/15/1, § 2, du CWASS permet d’établir que tel comportement est incriminé dans la situation visée et que tel autre ne l’est pas, dans la
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mesure où les arrêtés d’exécution sont rédigés dans des termes suffisamment clairs et précis. À
cet égard, la seconde critique formulée par les parties requérantes, qui porte sur la question de savoir si les mesures prises par le Gouvernement dans un état d’urgence sanitaire seront suffisamment précises, claires et formulées de manière accessible, ne relève pas de la compétence de la Cour.
Dès lors que le législateur décrétal a précisé lui-même l’objectif de la délégation attaquée et les limites dans lesquelles elle a été accordée, ainsi que le comportement jugé infractionnel, les composantes essentielles de l’incrimination ont été fixées par le décret, de sorte qu’il est satisfait au principe de légalité contenu dans l’article 12, alinéa 2, de la Constitution.
B.16. Le troisième moyen dans l’affaire n° 7848 n’est pas fondé.
Quant au traitement des données à caractère personnel
B.17.1.1. L’article 16 du décret du 3 février 2022 apporte les modifications suivantes à l’article 47/13 du CWASS, tel qu’il a été inséré par le décret du 2 mai 2019 :
« 1° dans le paragraphe 1er, alinéa 2, les mots ‘ , ou leurs délégués, ’ sont insérés entre les mots ‘ pharmacien biologiste ’ et les mots ‘ exerçant dans la région ’, les mots ‘ , indépendamment de sa fonction ’ et ‘ Les cas suspects sont à déclarer dès lors qu’ils mettent en jeu le pronostic vital à bref délai ou présentent un caractère fortement épidémique ’ sont abrogés;
2° au même paragraphe, il est inséré entre les alinéas 2 et 3 un nouvel alinéa rédigé comme suit :
‘ Les cas confirmés ou suspects de maladies infectieuses ne figurant pas dans la liste visée à l’alinéa 1er sont à déclarer dès lors qu’ils mettent en jeu le pronostic vital à bref délai ou présentent un caractère fortement épidémique. Cette obligation de déclaration incombe aux personnes visées à l’alinéa 2. ’ ».
B.17.1.2. L’exposé des motifs relatif à cette disposition indique que celle-ci s’inscrit dans l’objectif d’empêcher l’apparition d’épidémies et que le législateur décrétal, tirant les leçons de l’expérience de la pandémie de Covid-19, a estimé qu’il s’imposait de pouvoir réagir rapidement face à une nouvelle maladie sans attendre la confirmation de la situation épidémique pour prendre des mesures de prévention, par application du principe de précaution (Doc. parl.,
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Parlement wallon, 2020-2021, n° 796/1, p. 9). C’est pourquoi cette disposition prévoit une nouvelle obligation de déclaration pour les maladies infectieuses non reprises dans la liste établie par le Gouvernement ou par son délégué si le pronostic vital du patient est engagé ou si la maladie présente un fort risque épidémique.
B.17.2.1. L’article 17 du décret du 3 février 2022 apporte les modifications suivantes à l’article 47/14, § 1er, du CWASS, tel qu’il a été inséré par le décret du 2 mai 2019 :
« 1° à l’alinéa 1er, le mot ‘ contagieuse ’ est remplacé par les mots ‘ visée à l’article 47/13, § 1er, ’, les mots ‘ les inspecteurs d’hygiène régionaux, ’ sont insérés entre les mots ‘ sont collectées par ’ et les mots ‘ les médecins ’, et les mots ‘ en charge de la surveillance des maladies infectieuses ’ sont remplacés par les mots ‘ visés à l’article 47/15, § 1er, ou, si besoin, par les prestataires externes spécifiquement désignés à cette fin par l’Agence ’;
2° l’alinéa 2 est remplacé par ce qui suit :
‘ Les données personnelles récoltées dans le cadre des déclarations visées à l’article 47/13
sont les suivantes :
1° numéro d’identification du registre national (NISS);
2° nom et prénoms;
3° lieu et date de naissance;
4° sexe;
5° nationalité;
6° adresse de résidence effective;
7° coordonnées de contact du cas ou du représentant légal telles que mail, numéro de téléphone;
8° profession;
9° activités réalisées durant la période d’incubation et de contagiosité;
10° fréquentation d’une collectivité telle qu’une école, un lieu de travail, un établissement d’hébergement, une prison, un centre d’accueil, un club sportif, un club folklorique, un hôtel;
11° pathologie avec les données complémentaires telles que les symptômes, l’examen clinique, le diagnostic, les examens complémentaires médicaux et paramédicaux réalisés, les traitements, etc.;
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12° histoire clinique telle que les antécédents, les traitements et parcours de soins, les vaccinations, les facteurs favorisants et les facteurs de risques;
13° identification de l’agent pathogène;
14° type de confirmation tel que laboratoire ou autre;
15° nom et coordonnées du médecin traitant ou autres praticiens impliqués;
16° existence de personnes à risque dans l’entourage et données de celles- ci reprises aux 1° à 8°;
17° source de contamination si elle est connue;
18° en cas de pathologies présentant un risque agro-alimentaire ou un risque accru auprès de groupes à risques spécifiques, la profession, le type de contact et les activités réalisées de l’entourage ’;
3° à l’alinéa 3, la phrase liminaire est remplacée par ce qui suit :
‘ Les finalités du traitement des données personnelles visées à l’alinéa 2 sont : ’;
4° à l’alinéa 3, premier tiret, les mots ‘ visées à l’article 47/15 ’ sont insérés entre les mots ‘ mesures sanitaires adéquates ’ et les mots ‘ en fonction ’, et le tiret est complété par les mots ‘ , y compris un éventuel foyer de contamination ’;
5° à l’alinéa 3, deuxième tiret les mots ‘ médecines préventives. ’ sont remplacés par les mots ‘ médecine préventive ou de prophylaxie, si possible après anonymisation des données. ';
6° dans le paragraphe 1er, l’alinéa 4 est complété par : ‘ Le Gouvernement est autorisé à déroger au délai de deux ans lorsque la situation sanitaire l’exige. ’;
7° à l’alinéa 5, les mots ‘ de la cellule de ’ sont remplacés par les mots ‘ spécifiquement désignés par l’Agence, et si besoin, les prestataires externes spécifiquement désignés par l’Agence, pour la ’;
8° il est inséré entre les alinéas 5 et 6 un alinéa rédigé comme suit :
‘ Les personnes visées à l’alinéa 5 sont tenues de garantir la confidentialité et la sécurité de toutes les données à caractère personnel dont elles ont connaissance, dans le respect de la législation en matière de protection des données. ’;
9° à l’alinéa 7, le mot ‘ fax, ’ est abrogé ».
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B.17.2.2. Cette disposition énumère les données personnelles récoltées dans le cadre de la déclaration obligatoire des maladies infectieuses qui sont « indispensables pour le tracing de la maladie concernée, et la recherche d’éventuelles autres personnes contaminées, comme l’a démontré l’expérience de la crise sanitaire Covid-19 » (Doc. parl., Parlement wallon, 2020-
2021, n° 796/1, p. 10). L’exposé des motifs précise que les finalités sont les mêmes pour toutes les données récoltées (ibid.), à savoir, d’une part, « la prise de mesures sanitaires adéquates visées à l’article 47/15 en fonction du cas, de sa pathologie et de son environnement, y compris un éventuel foyer de contamination » et, d’autre part, « l’analyse des données épidémiologiques afin de mesurer l’incidence et la prévalence des maladies et de gérer en conséquence les actions de médecine préventive et ou de prophylaxie, si possible après anonymisation des données »
(article 47/14, § 1er, alinéa 3, du CWASS).
B.18.1. Par leur premier moyen, les parties requérantes dans l’affaire n° 7829 font grief à ces dispositions, d’une part, d’obliger les médecins qui sont confrontés à des maladies à déclaration obligatoire de violer leur secret médical et, d’autre part, d’obliger les personnes malades ou contaminées à livrer des informations concernant leur santé qui relèvent de leur vie privée à des personnes non habilitées à traiter ce type de données, à savoir des personnes physiques ou morales désignées par le Gouvernement wallon, alors que le décret ne contiendrait pas de disposition encadrant strictement le traitement de ces données, ce qui ne garantirait ni le caractère licite du traitement, ni sa nécessité, ni encore sa proportionnalité.
B.18.2. Par leur quatrième moyen, les parties requérantes dans l’affaire n° 7848 font grief à ces dispositions de ne pas définir la notion de « maladies infectieuses », de sorte que l’ingérence potentielle dans la vie privée des citoyens ne serait pas prévue par une disposition législative suffisamment précise, et de ne pas préciser que ces maladies doivent être « contagieuses » pour donner lieu à obligation de déclaration, de sorte que l’ingérence potentielle dans la vie privée des citoyens serait disproportionnée à l’objectif de préservation de la santé publique. Elles font en outre grief à l’article 47/15, § 1er/2, alinéa 1er, tel qu’il a été inséré par l’article 18 du décret du 3 février 2022, cité en B.6.2.1, de prévoir que les inspecteurs d’hygiène régionaux, les médecins et les infirmiers recueillent toutes informations qu’ils jugent
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utiles dans l’exercice de leur fonction, ce qui créerait aussi un risque d’ingérence disproportionnée dans le droit des citoyens au respect de leur vie privée.
B.19.1. Les moyens sont pris de la violation du droit au respect de la vie privée, garanti par l’article 22 de la Constitution, lu en combinaison avec l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, avec les articles 7 et 8 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, avec l’article 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et avec le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 « relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données et abrogeant la directive 95/46/CE
(règlement général sur la protection des données) » (ci-après : le RGPD).
B.19.2. Le droit au respect de la vie privée a une portée étendue et comprend entre autres la protection des données à caractère personnel et des informations personnelles relatives à la santé (CEDH, 25 février 1997, Z. c. Finlande, ECLI:CE:ECHR:1997:0225JUD002200993, § 95; 10 octobre 2006, L.L. c. France, ECLI:CE:ECHR:2006:1010JUD000750802, § 32;
27 février 2018, Mockuté c. Lituanie, ECLI:CE:ECHR:2018:0227JUD006649009, § 93;
13 octobre 2020, Frâncu c. Roumanie, ECLI:CE:ECHR:2020:1013JUD006935613, § 51). La protection des données à caractère personnel relatives à la santé est capitale non seulement pour protéger la vie privée de la personne, mais également pour préserver sa confiance dans les services de santé (CEDH, 25 février 1997, Z. c. Finlande, ECLI:CE:ECHR:1997:0225JUD002200993, § 95). Faute d’une telle protection, les personnes pourraient être dissuadées de fournir les informations à caractère personnel et intime nécessaires à la prescription du traitement approprié, ce qui pourrait mettre en danger leur santé voire, dans les cas des maladies transmissibles, celle de la collectivité (ibid., § 95).
B.19.3. Les droits que garantissent l’article 22 de la Constitution et l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme ne sont toutefois pas absolus. Ils n’excluent pas l’ingérence d’une autorité publique dans l’exercice du droit au respect de la vie privée, mais exigent que cette ingérence soit prévue par une disposition législative suffisamment précise, qu’elle réponde à un besoin social impérieux dans une société démocratique et qu’elle soit proportionnée à l’objectif légitime qu’elle poursuit. Les droits consacrés aux articles 7 et 8 de
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la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne n’apparaissent pas non plus comme étant des prérogatives absolues (CJUE, grande chambre, 16 juillet 2020, C-311/18, Data Protection Commissioner, ECLI:EU:C:2020:559, point 172).
Conformément à l’article 52, paragraphe 1, première phrase, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, toute limitation de l’exercice des droits et libertés reconnus par celle-ci, dont notamment le droit au respect de la vie privée garanti par l’article 7
et le droit à la protection des données à caractère personnel consacré par l’article 8, doit être prévue par la loi, respecter le contenu essentiel de ces droits et, dans le respect du principe de proportionnalité, être nécessaire et répondre effectivement à des objectifs d’intérêt général ou au besoin de protection des droits et libertés d’autrui (CJUE, grande chambre, 6 octobre 2020, C-623/17, Privacy International, ECLI:EU:C:2020:790, point 64). Dans le même sens, conformément à l’article 23 du RGPD, les limitations apportées à certaines obligations des responsables du traitement prévues par la Charte et aux droits des intéressés doivent être prévues par la loi, respecter l’essence des libertés et des droits fondamentaux et constituer une mesure nécessaire et proportionnée dans une société démocratique pour atteindre le but poursuivi, et respecter les dispositions spécifiques contenues dans le paragraphe 2 (CJUE, grande chambre, 6 octobre 2020, C-511/18, C-512/18 et C-520/18, La Quadrature du Net, ECLI:EU:C:2020:791, points 209-210; 10 décembre 2020, C-620/19, Land Nordrhein-
Westfalen, ECLI:EU:C:2020:1011, point 46).
B.19.4. L’article 22 de la Constitution réserve au législateur compétent le pouvoir de fixer dans quels cas et à quelles conditions il peut être porté atteinte au droit au respect de la vie privée. Il garantit ainsi à tout citoyen qu’aucune ingérence dans l’exercice de ce droit ne peut avoir lieu qu’en vertu de règles adoptées par une assemblée délibérante, démocratiquement élue. Une délégation à un autre pouvoir n’est toutefois pas contraire au principe de légalité, pour autant que l’habilitation soit définie de manière suffisamment précise et qu’elle porte sur l’exécution de mesures dont les éléments essentiels ont été fixés préalablement par le législateur. Par conséquent, les éléments essentiels du traitement des données à caractère personnel doivent être fixés dans la loi, le décret ou l’ordonnance même. À cet égard, quelle que soit la matière concernée, les éléments suivants constituent en principe, des éléments essentiels : (1°) la catégorie de données traitées; (2°) la catégorie de personnes concernées;
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(3°) la finalité poursuivie par le traitement; (4°) la catégorie de personnes ayant accès aux données traitées et (5°) le délai maximal de conservation des données (avis de l’assemblée générale de la section de législation du Conseil d’État n° 68.936/AG du 7 avril 2021 sur un avant-projet de loi « relative aux mesures de police administrative lors d’une situation d’urgence épidémique », Doc. parl., Chambre, 2020-2021, DOC 55-1951/001, p. 119).
B.19.5. Outre l’exigence de légalité formelle, l’article 22 de la Constitution, lu en combinaison avec l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme et avec les articles 7, 8 et 52 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, impose que l’ingérence dans l’exercice du droit au respect de la vie privée et du droit à la protection des données à caractère personnel soit définie en des termes clairs et suffisamment précis qui permettent d’appréhender de manière prévisible les hypothèses dans lesquelles le législateur autorise une pareille ingérence. En matière de protection des données, cette exigence de prévisibilité implique qu’il doit être prévu de manière suffisamment précise dans quelles circonstances les traitements de données à caractère personnel sont autorisés (CEDH, grande chambre, 4 mai 2000, Rotaru c. Roumanie, ECLI:CE:ECHR:2000:0504JUD002834195, § 57;
grande chambre, 4 décembre 2008, S. et Marper c. Royaume-Uni, ECLI:CE:ECHR:2008:1204JUD003056204, § 99). L’exigence selon laquelle la limitation doit être prévue par la loi implique notamment que la base légale qui permet l’ingérence dans ces droits doit elle-même définir la portée de la limitation de l’exercice du droit concerné (CJUE, 6 octobre 2020, C-623/17, Privacy International, ECLI:EU:C:2020:790, point 65).
Toute personne doit dès lors pouvoir avoir une idée suffisamment claire des données traitées, des personnes concernées par un traitement de données déterminé et des conditions et finalités dudit traitement.
B.20.1. Aux fins de la lutte contre la propagation d’une maladie contagieuse, le législateur décrétal a pu estimer qu’il était nécessaire de mettre en place un système de suivi des contacts et d’accompagnement des personnes, dans le cadre duquel un certain nombre d’instances et de personnes ont accès à certaines données médicales personnelles.
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B.20.2. Les dispositions attaquées prévoient expressément les données qui doivent être récoltées, les personnes concernées par la récolte des données, les personnes qui y ont accès, les finalités du traitement de ces données et le délai de conservation. Contrairement à ce que soutiennent les parties requérantes dans l’affaire n° 7829, les dispositions attaquées et les dispositions qu’elles modifient contiennent ainsi des garanties concernant la protection des données à caractère personnel. En outre, l’article 47/14, § 1er, alinéa 6, du CWASS fait obligation expresse aux agents et aux prestataires externes chargés par l’AViQ de la surveillance des maladies infectieuses, qui ont accès aux données à caractère personnel et qui sont habilités à les traiter, de « garantir la confidentialité et la sécurité de toutes les données à caractère personnel dont elles ont connaissance, dans le respect de la législation en matière de protection des données » et l’article 47/15/1, § 4, alinéa 2, du CWASS rappelle cette obligation lorsque le traitement des mêmes données a lieu en période d’urgence sanitaire. L’exposé des motifs précise à ce sujet que l’obligation de stricte confidentialité existe déjà de par l’existence de la législation relative à la protection des données, mais qu’il convient de préciser que « la législation wallonne en matière de lutte contre les maladies infectieuses ne peut s’interpréter en aucune manière comme une dérogation, même minime, à cette législation relative à la protection des données » (Doc. parl., Parlement wallon, 2020-2021, n° 796/1, p. 11). Par ailleurs, il est aussi précisé que l’article 458 du Code pénal sanctionnant la violation du secret professionnel et les dispositions pénales prévues aux articles 222 à 230 de la loi du 30 juillet 2018 « relative à la protection des personnes physiques à l’égard des traitements de données à caractère personnel » visent les personnes chargées de la collecte et du traitement des données à caractère personnel en application des dispositions attaquées.
B.20.3. L’absence d’une définition de la notion de « maladie infectieuse » dans le texte même du décret n’est pas de nature à rendre imprécise ou imprévisible la catégorie des personnes concernées par la récolte de données. Ainsi que l’explique le législateur décrétal dans l’exposé des motifs, la notion de « maladie infectieuse » est « une notion scientifique susceptible d’évoluer en fonction des connaissances scientifiques » (ibid., p. 9), de sorte que figer une définition dans le texte légal risquerait de créer des difficultés lors de l’apparition d’une nouvelle maladie, jusque-là inconnue. Le législateur décrétal a dès lors pu se référer au sens commun de cette notion, qui ne doit pas faire l’objet d’une définition décrétale pour être suffisamment prévisible. C’est d’autant plus le cas que, ainsi qu’il est indiqué dans l’exposé des
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motifs, la lutte contre les maladies infectieuses découle d’obligations internationales, édictées notamment par l’Organisation mondiale de la Santé (ibid).
B.20.4. Il en va de même en ce qui concerne l’absence d’une mention, dans le texte du décret, de la contagiosité de la maladie. En vertu du principe de précaution, le législateur décrétal a pu estimer qu’il s’imposait de réagir immédiatement à l’apparition d’une nouvelle maladie, sans attendre qu’il soit constaté scientifiquement qu’elle présente un degré de contagiosité déterminé ou qu’elle donne lieu à une épidémie avérée. En définissant, aux articles 47/13, § 1er, et 47/14, § 1er, du CWASS, la catégorie des personnes concernées par la récolte et le traitement des données à caractère personnel comme étant les personnes atteintes d’une maladie infectieuse qui soit figure dans la liste fixée par le Gouvernement soit met en jeu le pronostic vital à bref délai ou présente un caractère fortement épidémique, le législateur décrétal circonscrit de manière suffisamment précise et prévisible la catégorie des personnes concernées par le traitement des données. Il n’apparaît pas que, au regard des objectifs du traitement des données précisés en B.17.2.2, la définition de cette catégorie de personnes entraîne une ingérence disproportionnée dans le droit au respect de la vie privée.
B.20.5. Enfin, en permettant, à l’article 47/15, § 1er/2, du CWASS, aux inspecteurs d’hygiène régionaux, aux médecins et aux infirmiers de recueillir « toutes informations qu’ils jugent utiles dans l’exercice de leur fonction », le législateur décrétal ne les autorise pas à récolter et à traiter des informations à caractère personnel en dehors du cadre défini à l’article 47/14 du même Code, auquel il n’est pas dérogé. La fonction des inspecteurs d’hygiène régionaux, telle qu’elle est décrite à l’article 47/15 dudit Code, ne se limite en effet pas à la récolte des données personnelles des personnes atteintes d’une maladie infectieuse, elle comprend également, entre autres, la surveillance de l’application des mesures de prévention et de prophylaxie déterminées par le Gouvernement dans le cadre de la protection de la santé publique, les recherches et enquêtes, et les décisions de prendre certaines mesures prophylactiques. Contrairement à ce que soutiennent les parties requérantes dans l’affaire n° 7848, la possibilité de recueillir « toutes informations utiles » ne concerne pas la récolte de données à caractère personnel non autorisées par l’article 47/14 du Code, mais bien les informations d’autre nature que les inspecteurs d’hygiène régionaux peuvent avoir à recueillir pour l’exercice de leur mission.
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B.21. Le premier moyen dans l’affaire n° 7829 et le quatrième moyen dans l’affaire n° 7848 ne sont pas fondés.
Quant à l’imposition d’un traitement médical
B.22.1. L’article 47/15, § 1er/2, tel qu’il a été inséré dans le CWASS par l’article 18 du décret du 3 février 2022, cité en B.6.2.1, prévoit, en son alinéa 2, que les inspecteurs d’hygiène régionaux, les médecins et les infirmiers en charge de la surveillance des maladies infectieuses imposent, par l’intermédiaire d’un professionnel de la santé, que la personne suspectée d’une maladie qui met en jeu le pronostic vital à bref délai suive un traitement médical approprié, préventif ou curatif, sans préjudice de son droit de refuser ce traitement lorsque d’autres mesures, visées au même article, permettent de garantir une absence totale de contagion.
B.22.2. L’exposé des motifs précise à ce sujet :
« Il s’agit là de l’application d’un principe de précaution, qui consiste à agir avant le passage en phase épidémique. L’objectif de la disposition n’est pas de porter atteinte au droit individuel de la personne de refuser un traitement, l’objectif reste bien la protection de la santé publique » (Doc. parl., Parlement wallon, 2020-2021, n° 796/1, p. 12).
B.23.1. Par leur cinquième moyen, les parties requérantes dans l’affaire n° 7848 font grief à cette disposition de violer le droit qu’a toute personne de refuser un traitement médical, en permettant qu’un traitement soit imposé avant que le caractère fortement épidémique de la maladie infectieuse soit établi. Le moyen est pris de la violation des articles 10, 11 et 22 de la Constitution, lus en combinaison avec l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, avec l’article 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et avec les articles 7 et 8 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
Ce moyen ne concerne pas la collecte ou le traitement de données à caractère personnel. Il est donc irrecevable en ce qu’il est pris de la violation de l’article 8 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
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B.23.2. Ainsi qu’il est dit en B.19.3, les droits garantis par les dispositions invoquées au moyen ne sont pas absolus. Les ingérences dans l’exercice du droit au respect de la vie privée, qui comprend le droit de refuser un traitement médical, sont permises à condition qu’elles soient prévues par une disposition législative suffisamment précise, qu’elles répondent à un besoin social impérieux dans une société démocratique et qu’elles soient proportionnées à l’objectif légitime poursuivi.
B.24.1. La disposition attaquée s’inscrit dans l’ensemble des mesures destinées à lutter contre la propagation des maladies infectieuses en vue de prévenir l’apparition d’épidémies dangereuses pour la santé publique. Il s’agit d’un objectif qui répond à un besoin social impérieux dans toute société.
B.24.2. Dès lors que le traitement médical curatif ou préventif ne peut être imposé au patient dont le pronostic vital est en jeu à bref délai que s’il n’existe aucune autre mesure permettant une absence totale de contagion, et dès lors que, comme il est dit en B.22.2, l’intention du législateur décrétal n’était pas de porter atteinte au droit individuel de refuser un traitement, la mesure en cause n’entraîne pas une ingérence disproportionnée dans le droit du patient au respect de sa vie privée.
B.25. Le cinquième moyen dans l’affaire n° 7848 n’est pas fondé.
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Par ces motifs,
la Cour
rejette les recours.
Ainsi rendu en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l’article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 21 septembre 2023.
Le greffier, Le président,
N. Dupont P. Nihoul


Synthèse
Numéro d'arrêt : 123/2023
Date de la décision : 21/09/2023
Type d'affaire : Droit constitutionnel

Origine de la décision
Date de l'import : 03/10/2023
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.constitutionnel;arret;2023-09-21;123.2023 ?

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