Cour constitutionnelle
Arrêt n° 122/2023
du 14 septembre 2023
Numéro du rôle : 7989
En cause : le recours en annulation du décret de la Communauté française du 13 janvier 2022 « abrogeant les articles 79/1 à 79/26 du décret du 24 juillet 1997 définissant les missions prioritaires de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire et organisant les structures propres à les atteindre, et insérant des dispositions au sein du Code de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire relatives aux inscriptions en première année de l'enseignement secondaire », introduit par M.D.
La Cour constitutionnelle, chambre restreinte,
composée du président P. Nihoul et des juges-rapporteurs M. Pâques et Y. Kherbache, assistée du greffier N. Dupont,
après en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant :
I. Objet du recours et procédure
Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 2 mai 2023 et parvenue au greffe le 3 mai 2023, M.D. a introduit un recours en annulation du décret de la Communauté française du 13 janvier 2022 « abrogeant les articles 79/1 à 79/26 du décret du 24 juillet 1997
définissant les missions prioritaires de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire et organisant les structures propres à les atteindre, et insérant des dispositions au sein du Code de l'enseignement fondamental et de l'enseignement secondaire relatives aux inscriptions en première année de l'enseignement secondaire » (publié au Moniteur belge du 3 mars 2022).
Le 16 mai 2023, en application de l’article 71, alinéa 1er, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, les juges-rapporteurs M. Pâques et Y. Kherbache ont informé le président qu’ils pourraient être amenés à proposer à la Cour, siégeant en chambre restreinte, de rendre un arrêt constatant que le recours en annulation n’est manifestement pas recevable.
La partie requérante a introduit un mémoire justificatif.
2
Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 précitée relatives à la procédure et à l’emploi des langues ont été appliquées.
II. En droit
-A-
Quant à la recevabilité ratione temporis du recours
A.1. La partie requérante demande l’annulation du décret de la Communauté française du 13 janvier 2022
« abrogeant les articles 79/1 à 79/26 du décret du 24 juillet 1997 définissant les missions prioritaires de l’enseignement fondamental et de l’enseignement secondaire et organisant les structures propres à les atteindre, et insérant des dispositions au sein du Code de l’enseignement fondamental et de l’enseignement secondaire relatives aux inscriptions en première année de l’enseignement secondaire » (ci-après : le décret du 13 janvier 2022), qui a été publié au Moniteur belge du 3 mars 2022. Elle fait valoir que le délai de recours de six mois a commencé à courir à compter de la mise à disposition du calculateur de l’indice composite, à savoir le 1er novembre 2022.
A.2. Dans leurs conclusions établies en application de l’article 71 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, les juges-rapporteurs ont estimé qu’ils pourraient être amenés à proposer à la Cour, siégeant en chambre restreinte, de rendre un arrêt constatant que le recours en annulation est manifestement irrecevable ratione temporis.
A.3. Dans son mémoire justificatif, la partie requérante fait valoir que le fait de ne pas prendre en compte, pour calculer le délai de recours, la date de la mise en ligne du calculateur de l’indice composite porte atteinte au principe de la sécurité juridique. Selon elle, ce calculateur est la seule méthode disponible pour calculer le score qui détermine l’ordre de priorité de l’enfant dans le cadre de l’inscription dans l’enseignement secondaire. Elle souligne qu’avant la mise à disposition du calculateur, il lui était impossible de savoir qu’un préjudice lui était causé. Enfin, elle soutient que, sans le calculateur, le décret du 13 janvier 2022 n’est ni accessible, ni prévisible.
-B-
B.1. Par requête adressée à la Cour le 2 mai 2023, la partie requérante demande l’annulation du décret de la Communauté française du 13 janvier 2022 « abrogeant les articles 79/1 à 79/26 du décret du 24 juillet 1997 définissant les missions prioritaires de l’enseignement fondamental et de l’enseignement secondaire et organisant les structures propres à les atteindre, et insérant des dispositions au sein du Code de l’enseignement fondamental et de l’enseignement secondaire relatives aux inscriptions en première année de l’enseignement secondaire » (ci-après : le décret du 13 janvier 2022), qui a été publié au Moniteur belge du 3 mars 2022.
3
B.2. La Cour constitutionnelle est compétente pour statuer sur les recours en annulation de lois, décrets ou ordonnances (article 1er de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle). Pareil recours peut notamment être introduit par toute personne physique ou morale qui justifie d’un intérêt (article 2) et ce, dans un délai de six mois ou, s’il s’agit d’un acte d’assentiment à un traité, dans un délai de soixante jours suivant la publication de la norme législative en question (article 3). Le recours en annulation doit être introduit auprès de la Cour au moyen d’une requête (article 5), qui indique l’objet du recours et contient un exposé des faits et moyens (article 6).
B.3. En vertu de l’article 3, § 1er, de la loi spéciale du 6 janvier 1989, le délai pour introduire un recours en annulation contre le décret du 13 janvier 2022 est de six mois suivant la publication de ce décret au Moniteur belge du 3 mars 2022. Contrairement à ce que la partie requérante soutient dans sa requête, la date à laquelle le simulateur de calcul de l’indice composite a été rendu disponible est sans incidence à cet égard.
Le délai pour introduire un recours en annulation contre le décret du 13 janvier 2022 était donc expiré au moment de l’introduction, le 2 mai 2023, du recours présentement examiné.
B.4.1. Dans son mémoire justificatif, la partie requérante fait valoir que le fait de ne pas prendre en compte, pour calculer le délai de recours, la date à laquelle le simulateur de calcul de l’indice composite a été rendu disponible porte atteinte au principe de la sécurité juridique.
B.4.2. Ce raisonnement ne peut être suivi.
Les règles relatives aux formalités et délais prescrits pour introduire un recours visent à assurer une bonne administration de la justice et à écarter les risques d’insécurité juridique.
Bien que la Cour doive veiller à ce que ces conditions de recevabilité ne soient pas appliquées de manière excessivement restrictive ou formaliste, un délai de six mois suivant la publication de la norme législative en question pour introduire un recours en annulation ne peut être
4
considéré en tant que tel comme rendant exagérément difficile ou impossible l’exercice d’un recours.
En outre, en ce que la partie requérante fait valoir que le décret du 13 janvier 2022 n’est ni accessible, ni prévisible, il y a lieu de constater que ce grief porte sur ce décret lui-même, et non sur le délai de recours de six mois prévu à l’article 3, § 1er, de la loi spéciale du 6 janvier 1989, de sorte que ce grief ne saurait remettre en cause le constat d’irrecevabilité ratione temporis du recours.
B.5. Le recours en annulation est manifestement irrecevable.
5
Par ces motifs,
la Cour, chambre restreinte,
statuant à l’unanimité des voix,
rejette le recours.
Ainsi rendu en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l’article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 14 septembre 2023.
Le greffier, Le président,
N. Dupont P. Nihoul