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20/07/2023 | BELGIQUE | N°115/2023

Belgique | Belgique, Cour constitutionnel, 20 juillet 2023, 115/2023


Cour constitutionnelle
Arrêt n° 115/2023
du 20 juillet 2023
Numéro du rôle : 7873
En cause : le recours en annulation du décret flamand du 24 juin 2022 « modifiant le décret du 15 juin 2007 relatif à l'éducation des adultes [lire : l’enseignement pour adultes] et modifiant le décret du 7 juin 2013 relatif à la politique flamande d'intégration et d'insertion civique [lire :
de parcours citoyen] consécutivement à la refonte de la politique en matière d'insertion civique [lire : de parcours citoyen] », introduit par l’ASBL « Ligo, Centra voor Basiseducatie

» et autres.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents L. Lavrysen et P...

Cour constitutionnelle
Arrêt n° 115/2023
du 20 juillet 2023
Numéro du rôle : 7873
En cause : le recours en annulation du décret flamand du 24 juin 2022 « modifiant le décret du 15 juin 2007 relatif à l'éducation des adultes [lire : l’enseignement pour adultes] et modifiant le décret du 7 juin 2013 relatif à la politique flamande d'intégration et d'insertion civique [lire :
de parcours citoyen] consécutivement à la refonte de la politique en matière d'insertion civique [lire : de parcours citoyen] », introduit par l’ASBL « Ligo, Centra voor Basiseducatie » et autres.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents L. Lavrysen et P. Nihoul, et des juges T. Giet, J. Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache, T. Detienne, D. Pieters, S. de Bethune, E. Bribosia, W. Verrijdt et K. Jadin, assistée du greffier N. Dupont, présidée par le président L. Lavrysen,
après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant :
I. Objet du recours et procédure
Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 7 octobre 2022 et parvenue au greffe le 10 octobre 2022, un recours en annulation du décret flamand du 24 juin 2022 « modifiant le décret du 15 juin 2007 relatif à l'éducation des adultes [lire : l’enseignement pour adultes] et modifiant le décret du 7 juin 2013 relatif à la politique flamande d'intégration et d'insertion civique [lire : de parcours citoyen] consécutivement à la refonte de la politique en matière d'insertion civique [lire : de parcours citoyen] » (publié au Moniteur belge du 15 juillet 2022) a été introduit par l’ASBL « Ligo, Centra voor Basiseducatie », l’ASBL « Ligo, Centrum voor Basiseducatie Limburg Zuid », l’ASBL « Ligo, Centrum voor Basiseducatie regio Mechelen » , l’ASBL « Centrum voor Basiseducatie vzw - Ligo Waas & Dender », l’ASBL « Ligo, Centrum voor Basiseducatie Midden- en Zuid-West-Vlaanderen », l’ASBL « Ligo, centrum voor basiseducatie Brusselleer », l’ASBL « Ligo, Centrum voor Basiseducatie Antwerpen », l’ASBL « Ligo Centrum voor Basiseducatie Zuid-Oost-Vlaanderen », l’ASBL « Centrum voor Basiseducatie Kempen », l’ASBL « Ligo, Centrum Basiseducatie Halle-Vilvoorde », l’ASBL « Ligo, Centrum voor Basiseducatie Gent-Meetjesland-Leieland », l’ASBL « Ligo, Centrum voor Basiseducatie Oost-Brabant », l’ASBL « Ligo, Centrum voor Basiseducatie Brugge-Oostende-Westhoek », l’ASBL « Vlaams Netwerk tegen Armoede », l’ASBL « Vluchtelingenwerk Vlaanderen », la Confédération des
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syndicats chrétiens de Belgique et Marc Leemans, assistés et représentés par Me E. Maes et Me R. Van Crombrugge, avocats au barreau de Bruxelles.
Par la même requête, les parties requérantes demandaient également la suspension du même décret. Par l’arrêt n° 167/2022 du 15 décembre 2022 (ECLI:BE:GHCC:2022:ARR.167), publié au Moniteur belge du 30 mai 2023, la Cour a rejeté la demande de suspension.
Des mémoires et mémoires en réplique ont été introduits par :
- l’ASBL « Miras », l’ASBL « Centrum voor Volwassenenonderwijs Roeselare », l’ASBL « Katholieke Instituten voor Sociale Promotie », l’ASBL « Katholiek Onderwijs voor Volwassenen », l’ASBL « Volwassenenonderwijs van de Landelijke Bediendencentrale -
Nationaal Verbond van Kaderpersoneel », l’ASBL « Sint-Goedele Brussel », l’ASBL « Qrios » et l’ASBL « Centrum voor Levende Talen », assistées et représentées par Me J. Roets et Me S. Sottiaux, avocats au barreau d’Anvers (parties intervenantes);
- le Gouvernement flamand, assisté et représenté par Me D. Vanheule, avocat au barreau de Gand.
Les parties requérantes ont introduit un mémoire en réponse.
Par ordonnance du 26 avril 2023, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteures J. Moerman et E. Bribosia, a décidé que l'affaire était en état, qu’aucune audience ne serait tenue, à moins qu’une partie n’ait demandé, dans le délai de sept jours suivant la réception de la notification de cette ordonnance, à être entendue, et qu’en l’absence d’une telle demande, les débats seraient clos le 17 mai 2023 et l’affaire mise en délibéré.
À la suite des demandes de toutes les parties à être entendues, la Cour, par ordonnance du 17 mai 2023, a fixé l'audience au 7 juin 2023.
À l'audience publique du 7 juin 2023 :
- ont comparu :
. Me E. Maes et Me R. Van Crombrugge, pour les parties requérantes;
. Me J. Roets, pour l’ASBL « Miras » et autres;
. Me D. Vanheule, pour le Gouvernement flamand;
- les juges-rapporteures J. Moerman et E. Bribosia ont fait rapport;
- les avocats précités ont été entendus;
- l'affaire a été mise en délibéré.
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Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives à la procédure et à l’emploi des langues ont été appliquées.
II. En droit
-A-
Quant à la recevabilité
A.1. Si le Gouvernement flamand ne conteste pas l’intérêt des parties requérantes et intervenantes, il estime que les parties requérantes n’invoquent pas des griefs contre toutes les dispositions attaquées. Il considère que le recours n’est recevable qu’en ce qu’il est dirigé contre des dispositions faisant l’objet de griefs.
Quant aux moyens
En ce qui concerne le premier moyen
A.2. Le premier moyen est pris de la violation de l’article 24, § 5, de la Constitution par les articles 5 et 6 du décret flamand du 24 juin 2022 « modifiant le décret du 15 juin 2007 relatif à l'éducation des adultes [lire :
l’enseignement pour adultes] et modifiant le décret du 7 juin 2013 relatif à la politique flamande d'intégration et d'insertion civique [lire : de parcours citoyen] consécutivement à la refonte de la politique en matière d'insertion civique [lire : de parcours citoyen] » (ci-après : le décret attaqué), en ce que le Gouvernement flamand est habilité à fixer les modalités destinées à élaborer et à faire passer le test NT2 (il s’agit d’un test organisé dans le cadre de certaines formations « néerlandais deuxième langue »), sans que le décret attaqué établisse les éléments essentiels de ce test. Les parties requérantes estiment en substance que les dispositions attaquées violent le principe de légalité en matière d’enseignement.
A.3.1. Les parties requérantes exposent qu’en vertu de l’article 24, § 5, de la Constitution, l’organisation, la reconnaissance et le subventionnement de l’enseignement doivent être réglés par le pouvoir législatif et que cette disposition constitutionnelle prévoit un principe de légalité renforcé. Elles estiment que l’évaluation des participants et l’octroi des certificats et diplômes à ces mêmes participants relèvent de la notion d’« organisation de l’enseignement », si bien que les règles essentielles en la matière doivent être fixées par le législateur décrétal.
Selon les parties requérantes, les délégations conférées au Gouvernement flamand ne peuvent porter que sur l’exécution des principes établis par le législateur décrétal. Elles font en outre valoir que les règles qui ont une incidence sur la liberté d’enseignement doivent être considérées comme essentielles et que la liberté d’évaluation relève de cette liberté.
A.3.2. Les parties requérantes estiment que les articles 5 et 6 du décret attaqué confèrent une habilitation trop large au Gouvernement flamand pour fixer les modalités relatives au test NT2, et ce, en violation des principes précités.
Elles critiquent le fait que le législateur décrétal a omis de prévoir des règles concernant la façon dont il convient de tester les connaissances et les compétences des participants et la façon dont le test doit être conçu.
Elles critiquent plus particulièrement le fait que le décret attaqué ne dispose pas que le secteur de l’enseignement doit être associé à l’élaboration du test NT2, que le test doit être constitué de questions issues d’une banque de données validée et qu’une évaluation du processus d’apprentissage doit être maintenue dans les « Centra voor Basiseducatie » (les « centres d’éducation de base »). Elles soulignent que les dispositions attaquées confèrent une habilitation au Gouvernement flamand pour déterminer le rapport entre le test et l’évaluation du processus exclusivement en ce qui concerne les centres d’enseignement pour adultes, et dès lors pas en ce qui concerne les « centres d’éducation de base ». Elles critiquent d’autre part le fait que le décret attaqué ne fixe pas lui-même ce rapport entre le test et l’évaluation du processus. Selon les parties requérantes, les aspects précités de la réglementation sont essentiels, dès lors qu’ils ont une incidence directe sur la liberté d’enseignement active. Enfin, elles font encore valoir que l’arrêté d’exécution pris par le Gouvernement flamand omet lui aussi de régler certains éléments essentiels du test NT2.
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A.3.3. Après la clôture de la procédure écrite, les parties requérantes ont fait savoir à la Cour qu’elles souhaitaient se désister de leur premier moyen.
A.4. Les parties intervenantes sont elles aussi d’avis que les dispositions attaquées violent le principe de légalité en matière d’enseignement. Elles justifient leur point de vue par des arguments analogues à ceux des parties requérantes.
A.5.1. Le Gouvernement flamand estime pour sa part que le législateur décrétal a réglé les aspects essentiels du test NT2. Le législateur décrétal a en effet fixé le caractère obligatoire du test, ainsi que le niveau à évaluer, l’étendue des compétences à tester et les conséquences du test. Le Gouvernement flamand souligne que l’article 2, 29°bis, du décret du 15 juin 2007 « relatif à l’éducation des adultes [lire : l’enseignement pour adultes] » contient une définition du test NT2 et que, selon cette définition, il s’agit d’un test au moyen duquel une personne suivant un parcours de parcours citoyen peut démontrer qu’elle a atteint le niveau de compétences linguistiques visé à l’article 31 du décret du 7 juin 2013 « relatif à la politique flamande d’intégration et d’insertion civique [lire : de parcours citoyen] » et au moyen duquel un autre participant à la formation NT2 est en mesure de démontrer qu’il a réussi le niveau de compétences linguistiques A2 du Cadre européen commun de référence pour les langues. Le Gouvernement flamand poursuit en ajoutant que cette définition détermine également les parties du test (lire, écouter, écrire et parler) et que l’article 31 du décret du 7 juin 2013 établit le profil de formation en question.
A.5.2. Selon le Gouvernement flamand, la circonstance que le test puisse être envisagé de plusieurs manières ne conduit pas à une violation du principe de légalité, dès lors que chaque fois que le Gouvernement flamand exécute une norme décrétale, il dispose de diverses options politiques. Il estime que la section de législation du Conseil d’État a implicitement reconnu ce point dans ses avis relatifs au décret attaqué et à l’arrêté qui a été pris en exécution de ce décret.
En ce qui concerne le deuxième moyen
A.6. Le deuxième moyen est pris de la violation de l’article 24, § 1er, de la Constitution par les articles 2, 2°, 4, 5 et 6 du décret attaqué, en ce que les « centres d’éducation de base » et les centres d’enseignement pour adultes sont contraints d’organiser un test NT2 et de n’accorder un certificat pour la formation NT2 du niveau de compétences linguistiques A2 qu’aux participants ayant réussi le test. Les parties requérantes estiment en substance que les dispositions attaquées violent la liberté d’enseignement active, dès lors que le test NT2 ne représente pas une mesure adéquate pour atteindre l’objectif poursuivi consistant à garantir la qualité et l’équivalence des formations NT2, et que l’imposition de ce test dépasse à tout le moins ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif visé.
A.7.1. Les parties requérantes sont d’avis que la liberté d’enseignement englobe le droit de décider de la méthode d’évaluation ainsi que le droit de délivrer aux participants des certificats d’études et des diplômes valables en droit, sans intervention des autorités publiques. Elles déduisent de la jurisprudence de la Cour que s’il est vrai que le législateur décrétal peut prendre des mesures applicables de manière générale aux établissements d’enseignement pour garantir la qualité et l’équivalence de l’enseignement dispensé au moyen des deniers publics, de telles mesures ne peuvent pas violer la liberté d’enseignement de manière disproportionnée en allant au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi. Selon les parties requérantes, les dispositions attaquées constituent une grave restriction de la liberté des « centres d’éducation de base » et des centres d’enseignement pour adultes de délivrer, de manière autonome et sans intervention des autorités publiques, des certificats d’études et des diplômes valables en droit aux participants, et ce, quelle que soit la forme concrète que le test NT2 revêtira.
A.7.2. Les parties requérantes considèrent que le test NT2 ne constitue pas une mesure adéquate pour atteindre l’objectif poursuivi consistant à garantir la qualité et l’équivalence des formations NT2. Il n’y a, selon elles, pas de preuve qu’un tel test contribue à la qualité de l’enseignement. Elles estiment que l’instauration d’un test NT2 standardisé va à l’encontre des meilleures pratiques établies par les experts et appliquées dans l’enseignement, qui sont précisément résolument axées sur l’évaluation du processus, sur un travail sur mesure pour chaque participant considéré individuellement ainsi que sur l’apprentissage et l’évaluation fonctionnels.
A.7.3. Les parties requérantes considèrent en outre que le test NT2 dépasse la mesure de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi. Elles estiment que ce test ne saurait se justifier par l’objectif du législateur décrétal consistant à aboutir à ce que toute personne qui suit une formation NT2 atteigne le même niveau linguistique. Elles soulignent que la formation NT2 est déjà encadrée par une foule de mesures destinées à garantir la qualité et l’équivalence de la formation. Elles font à cet égard référence aux mesures concernant l’acquisition
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des compétences de base ou la réussite des objectifs finaux, l’utilisation de profils de formation et de programmes d’études, l’élaboration d’un système interne de gestion de la qualité et le contrôle mené par l’inspection de l’enseignement. Selon les parties requérantes, l’on ne dispose pas de données qui permettraient de déduire que ces mesures, qui constituent déjà une restriction de la liberté d’enseignement, n’atteindraient pas leur objectif.
A.7.4. Les parties requérantes font valoir que l’autorité publique a omis de procéder à une évaluation minutieuse des formations NT2 et à un examen rigoureux des solutions envisageables en cas de manque éventuel de qualité, et que, par manque de données factuelles correctes, le décret attaqué repose, pour ces aspects, sur des prémisses erronées. Elles estiment que l’enquête de l’inspection de l’enseignement à laquelle se réfère le Gouvernement flamand ne démontre pas qu’il y aurait un problème concernant l’évaluation des participants aux formations NT2. Elles soulignent que cette enquête date déjà d’il y a six ans, que les données qui y sont examinées portaient principalement sur la période précédant l’instauration des profils de formation et des programmes d’études actuels, et que des doutes sont permis quant à l’exactitude de ces données. Elles soulignent également qu’il ressort de rapports de l’inspection de l’enseignement plus récents qu’il existe des indications selon lesquelles les centres ayant été récemment contrôlés obtiennent des scores bien plus élevés que les centres n’ayant jamais fait l’objet d’un contrôle approfondi, et elles en déduisent que la qualité de l’enseignement s’est considérablement améliorée, à tout le moins en ce qui concerne les « centres d’éducation de base ». Les parties requérantes font en outre valoir que le test NT2 ne saurait remédier aux éventuelles difficultés que rencontrent les participants pour passer des « centres d’éducation de base » aux centres d’enseignement pour adultes, dès lors que ce test doit être passé au niveau A2, auquel les participants des « centres d’éducation de base » doivent déjà satisfaire. Elles soulignent à cet égard que les deux types de centres appréhendent le niveau à atteindre sous un angle pédagogique différent.
A.7.5. Les parties requérantes sont d’avis que le choix du législateur décrétal de garantir la qualité de l’enseignement au moyen d’objectifs finaux a pour effet qu’il est difficile de justifier une restriction supplémentaire de l’autonomie des dispensateurs d’enseignement. Le simple fait que les certificats NT2 ont un effet civil ne saurait, selon elles, justifier l’ingérence dans la liberté de l’enseignement, dès lors qu’il relève de l’essence même de cette liberté que les dispensateurs d’enseignement évaluent les participants de manière autonome et octroient des certificats d’études sur la base de cette évaluation, et qu’il existe d’innombrables exemples de diplômes et de certificats assortis d’effets civils.
A.7.6. Les parties requérantes estiment que l’arrêté pris par le Gouvernement flamand en exécution du décret attaqué ne saurait remédier à la violation de la liberté d’enseignement qu’elles allèguent. La simple circonstance que cet arrêté prévoit que des enseignants dispensant des formations NT2 fassent partie de la commission d’élaboration chargée de concevoir le test NT2 ne suffit pas, selon elles, pour préserver la liberté d’enseignement active, qui revient aux pouvoirs organisateurs de l’enseignement. Elles estiment que l’arrêté d’exécution a pour effet d’imposer les conceptions pédagogiques des membres de la commission d’élaboration à tous les pouvoirs organisateurs de l’enseignement NT2. Le choix de créer une banque de questions ne suffit pas non plus, selon elles, à empêcher la violation de la liberté d’enseignement. Elles font valoir à cet égard que rien ne garantit que l’offre de questions de cette banque de questions soit suffisamment étoffée pour offrir des possibilités de choix effectives, que la liberté d’enseignement est déjà restreinte par le fait que l’évaluation doit s’effectuer au moyen de questions, que les centres NT2 ne pourront plus adapter leur méthode d’évaluation aux nouvelles conceptions pédagogiques et que les mesures d’accompagnement prévues dans l’arrêté d’exécution vident encore plus la liberté d’enseignement de sa substance. Selon les parties requérantes, la possibilité pour les dispensateurs d’enseignement d’appliquer une forme d’évaluation du processus ne suffit pas davantage pour préserver la liberté d’enseignement.
Elles critiquent le fait que cette évaluation du processus ne compte que pour 40 % du résultat total, que cette évaluation devra dorénavant être quantifiée et que le seuil de réussite du test NT2 n’a pas été clairement fixé.
A.8. Les parties intervenantes sont également d’avis que les dispositions attaquées violent la liberté d’enseignement active et justifient leur point de vue par des arguments analogues à ceux des parties requérantes.
A.9.1. À titre principal, le Gouvernement flamand estime que la critique des parties requérantes n’est pas dirigée contre les dispositions attaquées. En effet, la question de savoir si et dans quelle mesure il y a une violation de la liberté d’enseignement active dépend, selon lui, de la façon dont il exerce la compétence qui lui a été déléguée pour fixer les modalités relatives au test NT2. Il souligne que, pour prendre l’arrêté d’exécution en question, il a tenu compte des observations du Conseil d’État sur le rapport possiblement tendu entre la mise en place d’un test standardisé et la liberté d’enseignement, que, plutôt qu’un test uniforme, il a finalement choisi de créer, par le biais d’un processus participatif, une banque de questions validée dans laquelle les établissements d’enseignement peuvent puiser des questions pour le test, que le résultat du test NT2 compte pour 60 % des points, les 40 % restants
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de l’évaluation se faisant au moyen d’une évaluation du processus pour laquelle les établissements d’enseignement conservent leur compétence autonome, et que le Conseil d’État a jugé, dans son avis sur l’arrêté d’exécution, que la manière dont cet arrêté règle le test NT2 ne constitue pas une atteinte disproportionnée à la liberté d’enseignement.
A.9.2.1. À titre subsidiaire, et à supposer que la Cour considère que les dispositions attaquées restreignent la liberté d’enseignement, le Gouvernement flamand est d’avis que ces dispositions sont raisonnablement justifiées. Il expose que le législateur décrétal visait l’amélioration de la qualité des formations NT2 ainsi que l’égalité de traitement de tous les participants. Il souligne à cet égard que la maîtrise du néerlandais constitue l’un des piliers de la politique de parcours citoyen de la Communauté flamande, que le test NT2 a été instauré comme un levier destiné à permettre à chaque participant d’atteindre le même niveau linguistique, quel que soit le lieu où
il suit la formation, et que la connaissance du néerlandais joue également un rôle important dans d’autres politiques, tels l’acquisition de la nationalité et le droit de séjour. Le Gouvernement flamand estime que l’évaluation de l’acquisition de certaines connaissances et de certaines compétences est raisonnablement justifiée, étant donné les effets civils associés à un certificat ou à un diplôme.
A.9.2.2. Selon le Gouvernement flamand, le législateur décrétal a pu considérer que les dispositions attaquées étaient nécessaires, parce qu’une enquête de l’inspection de l’enseignement indiquait qu’il existait de grandes disparités entre les différents établissements d’enseignement par rapport à la qualité des formations NT2, qu’une bonne maîtrise du néerlandais facilite l’accès à l’enseignement et à l’emploi ainsi que la participation sociale, et parce que l’obtention d’un certificat NT2 degré-guide 1 est requise pour remplir les conditions relatives au parcours citoyen. Le Gouvernement flamand estime que l’enquête de l’inspection de l’enseignement, précitée, indique que les mesures existantes destinées à assurer la qualité de l’enseignement n’étaient pas suffisantes pour garantir que la formation NT2 soit dispensée avec la même qualité dans chaque établissement d’enseignement.
Selon le Gouvernement flamand, le test NT2 constitue un moyen pertinent pour atteindre les objectifs poursuivis. Il souligne à cet égard que le test est conçu par une commission constituée d’experts du secteur de l’enseignement concerné et que cette commission peut se faire assister d’experts scientifiques en matière linguistique et de psychométrie. Le Gouvernement flamand estime par ailleurs que les dispositions attaquées ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs poursuivis, dès lors que l’option qui a été choisie est celle d’une banque de questions dans laquelle les établissements d’enseignement peuvent venir puiser des questions, que 40 % de l’évaluation des participants s’effectue au moyen d’une évaluation du processus que les établissements d’enseignement sont libres de déterminer, et que l’obtention ou non du certificat NT2 degré-
guide 1 n’a aucune incidence en soi sur le passage des participants vers les modules suivants de la formation NT2
degré-guide 2 qui est proposée par les établissements d’enseignement.
En ce qui concerne le troisième moyen
A.10. La première branche du troisième moyen est prise de la violation, par les articles 7 et 11 du décret attaqué, des articles 10, 11 et 24, §§ 3 et 4, de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 2, paragraphe 1, et 13, paragraphe 2, d), du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, en ce qu’en supprimant une série d’exemptions et de réductions des droits d’inscription pour la formation NT2 de niveau A2
qui étaient auparavant applicables aux participants du parcours citoyen et en prévoyant que les participants tenus de suivre un parcours citoyen ne peuvent pas bénéficier du remboursement des droits d’inscription par le « Vlaamse Dienst voor Arbeidsbemiddeling en Beroepsopleiding » (l’Office flamand de l’emploi et de la formation professionnelle, ci-après : le VDAB), ces dispositions réduisent considérablement l’accessibilité à l’enseignement NT2 en Flandre, sans que cela soit justifié par un objectif d’intérêt général.
A.11.1. Les parties requérantes estiment que l’article 24, § 3, de la Constitution, lu en combinaison avec les articles 2, paragraphe 1, et 13 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels contient une obligation de standstill relative au coût de l’enseignement, qui interdit au législateur décrétal de réduire significativement le degré de protection offert auparavant en matière d’accès à l’enseignement, sans qu’existent pour ce faire des motifs liés à l’intérêt général. Elles allèguent que la violation d’une obligation de droit international constitue également une violation des articles 10 et 11 de la Constitution.
Les parties requérantes ajoutent que l’article 13, paragraphe 2, d), du Pacte précité impose aux États parties à ce Pacte d’encourager et d’intensifier l’éducation de base dans toute la mesure du possible. Elles déduisent d’une observation générale du Comité des droits économiques, sociaux et culturels que la notion d’« éducation de base »
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correspond d’une façon générale à la notion d’« éducation fondamentale », que le fait d’apprendre à lire, à écrire et à s’exprimer oralement fait partie de cette éducation fondamentale et qu’il convient de tenir compte dans ce cadre du contexte spécifique de tout pays ou de toute région donnés. Elles estiment que la connaissance de base du néerlandais constitue en Flandre un besoin d’apprentissage fondamental et que, partant, la formation NT2 doit être considérée comme une forme d’éducation de base au sens de l’article 13, paragraphe 2, d), du Pacte précité.
Se référant à cette même observation du Comité des droits économiques, sociaux et culturels, les parties requérantes font valoir que l’enseignement doit être abordable pour tous et que l’obligation d’encourager et d’intensifier dans toute la mesure possible l’éducation de base implique, notamment, l’obligation d’améliorer autant que possible l’accès à l’éducation de base. Elles soulignent le fait que l’article 2, paragraphe 1, du Pacte précité contraint les États parties à prendre des mesures afin de se rapprocher toujours plus, par tous les moyens appropriés, du plein exercice des droits reconnus dans ce Pacte. Elles considèrent que cet article, lu en combinaison avec l’article 13, paragraphe 2, précité, contient notamment l’engagement de ne pas recourir à des mesures entravant l’accessibilité à l’enseignement. Selon les parties requérantes, le fait de rendre l’éducation de base gratuite constitue un moyen approprié pour tendre vers le plein exercice du droit à l’éducation de base, de sorte qu’il existe une forte présomption, selon elles, que toute mesure entravant l’accessibilité à l’enseignement soit contraire à l’obligation de tendre toujours plus vers le plein exercice des droits reconnus.
A.11.2. Les parties requérantes renvoient à l’arrêt de la Cour n° 37/2013 du 14 mars 2013
(ECLI:BE:GHCC:2013:ARR.037) et en déduisent que l’obligation de standstill ne s’applique pas au droit à l’éducation de base visé à l’article 13, paragraphe 2, d), du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Elles critiquent cette jurisprudence. Se référant à une observation générale du Comité des droits économiques, sociaux et culturels, elles soutiennent que l’article 2, paragraphe 1, de ce Pacte n’opère aucune distinction entre les droits auxquels s’applique l’obligation qui y est prévue.
A.11.3. Les parties requérantes estiment qu’en supprimant l’exemption des droits d’inscription pour les formations NT2 du niveau de compétences linguistiques A2 pour les participants au parcours citoyen ayant signé un contrat d’intégration civique, tant ceux qui le suivent volontairement que ceux qui y sont tenus, et en excluant les participants tenus de suivre un parcours citoyen des autres exemptions relatives aux droits d’inscription et des régimes relatifs aux droits d’inscription réduits, les dispositions attaquées entravent significativement l’accès à l’enseignement. Les parties requérantes soulignent que la catégorie de participants affectée représente un groupe vulnérable.
Selon les parties requérantes, cette entrave à l’accès à l’enseignement n’est pas justifiée par un motif d’intérêt général. Elles estiment que l’objectif consistant à renforcer la valeur de la formation NT2, tant pour les participants que pour la société, ne saurait justifier cette entrave ni le recul significatif du degré de protection qui en découle.
Elles estiment qu’on ne saurait en effet apercevoir en quoi l’instauration de droits d’inscription contribuerait à conférer plus de valeur au parcours citoyen. Elles considèrent que l’objectif consistant à envoyer le signal que la formation est assortie d’obligations ne saurait pas davantage justifier la diminution de l’accessibilité à l’enseignement, dès lors que les participants tenus de suivre un parcours citoyen doivent réussir la formation NT2
pour terminer avec fruit leur parcours citoyen et qu’une amende administrative peut être infligée aux participants en question s’ils ne déploient pas les efforts attendus. Par ailleurs, en conservant les exemptions existantes des droits d’inscription pour les participants volontaires au parcours citoyen, le législateur décrétal semble indiquer, selon les parties requérantes, que les droits d’inscription de 180 euros entravent en effet l’accessibilité.
A.12. La seconde branche du troisième moyen est prise de la violation, par l’article 7 du décret attaqué, des articles 10, 11 et 24, §§ 3 et 4, de la Constitution, lus en combinaison avec l’article 13, paragraphe 2, d), du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Les parties requérantes allèguent que, si la Cour venait à considérer qu’aucune obligation de standstill ne peut se déduire de l’article 13, paragraphe 2, d), du Pacte précité, l’article 7 du décret attaqué constitue un non-respect de l’obligation de moyens incombant au législateur décrétal pour ce qui est d’encourager et d’intensifier dans toute la mesure du possible l’éducation de base, conformément à l’article 13, paragraphe 2, d).
A.13. Selon les parties requérantes, il peut être attendu de toute autorité minutieuse que les efforts précédemment déployés pour satisfaire à une obligation de droit international ne peuvent être remis en cause sans justification raisonnable. Elles estiment qu’en ayant organisé gratuitement pendant des années des formations NT2
pour les participants au parcours citoyen, le législateur décrétal flamand a lui-même indiqué que cette mesure constitue un effort raisonnable pour encourager l’éducation de base et que cet effort est financièrement viable.
Elles sont d’avis que la disposition attaquée est incompatible avec l’obligation de moyens incombant au législateur décrétal pour ce qui est d’encourager dans toute la mesure du possible l’éducation de base.
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A.14.1. En ce qui concerne la première branche du troisième moyen, le Gouvernement flamand considère que l’article 13, paragraphe 2, du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ne prescrit la gratuité de l’enseignement qu’en ce qui concerne l’enseignement primaire, et que cet article ne prévoit une obligation de standstill en matière de coût de l’enseignement qu’en ce qui concerne l’enseignement secondaire et l’enseignement supérieur. Il estime que l’article 13, paragraphe 2, d) de ce Pacte, qui porte sur l’éducation de base destinée à des personnes qui n’ont pas reçu d’instruction primaire ou qui ne l’ont pas reçue jusqu’à son terme, n’oblige pas les États parties à prendre des mesures spécifiques, mais uniquement à encourager et à intensifier l’éducation de base « dans toute la mesure du possible ». Le Gouvernement flamand renvoie à l’arrêt de la Cour n° 37/2013 du 14 mars 2013 et en déduit qu’aucune obligation de standstill ne découle de l’article 13, paragraphe 2, d), du Pacte précité, lu en combinaison avec son article 2, paragraphe 1. Il fait valoir à cet égard que l’obligation de moyens prévue à l’article 2, paragraphe 1, de ce Pacte ne s’applique qu’aux droits qui y sont reconnus, et que ce Pacte ne reconnaît aucun droit d’accès à l’éducation de base. C’est, selon lui, ce qui ressort d’une observation du Comité des droits économiques, sociaux et culturels relevant de ce Pacte.
A.14.2. Selon le Gouvernement flamand, même s’il fallait déduire une obligation de standstill des articles 2, paragraphe 1, et 13, paragraphe 2, d), du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, les dispositions attaquées ne violeraient pas cette obligation. Il considère que, dès lors qu’il n’existe aucune obligation de prévoir un enseignement gratuit en matière d’éducation de base, il n’est pas interdit aux États parties de demander des droits d’inscription pour cet enseignement, dans le cadre duquel ils doivent néanmoins veiller à ce que ces droits d’inscription n’entravent pas l’accès à cet enseignement. Le Gouvernement flamand estime qu’un montant de 180 euros peut difficilement être considéré comme un obstacle majeur à l’accès à l’éducation de base et que, par ces droits d’inscription, le législateur décrétal a voulu responsabiliser les participants au parcours citoyen, tout en indemnisant la société. Il souligne que cette indemnisation financière est comparable – voire plus faible – aux droits d’inscription demandés dans d’autres pays, qu’elle ne représente qu’une fraction du coût réel de la formation NT2 et que les investissements de l’autorité flamande dans l’enseignement NT2 sont « open-end », c’est-à-dire que les moyens budgétaires nécessaires sont prévus indépendamment du nombre de participants inscrits.
A.15. En ce qui concerne la seconde branche du troisième moyen, le Gouvernement flamand estime que le fait de demander des droits d’inscription ne saurait être assimilé à une réduction des efforts de l’autorité publique sur le plan de l’enseignement NT2. Il estime que par le décret attaqué, la Communauté flamande prouve justement qu’elle s’investit pour améliorer la qualité de l’enseignement et l’égalité de traitement de tous les participants. Il souligne que ce décret s’accompagne d’un renforcement des moyens de fonctionnement et que le budget 2023
prévoit un financement supplémentaire sous la forme de moyens alloués à des projets visant à élargir l’offre de formations NT2 dans l’enseignement pour adultes. Il estime que les parties requérantes ne démontrent pas que le législateur décrétal a failli à sa mission consistant à encourager et à intensifier l’éducation de base en Communauté flamande.
En ce qui concerne le quatrième moyen
A.16. Le quatrième moyen est pris de la violation, par les articles 7 et 11 du décret attaqué, des articles 10, 11, 24, § 4, et 191 de la Constitution, lus le cas échéant en combinaison avec l’article 2 du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme et avec les articles 2, paragraphe 2, et 13, paragraphe 2, d), du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, en ce que cette disposition crée une différence de traitement injustifiée en ce qui concerne les droits d’inscription entre, d’une part, les participants tenus de suivre un parcours citoyen qui suivent une formation NT2 du niveau de compétences linguistiques A2 et, d’autre part, les autres élèves de l’enseignement pour adultes qui ne sont pas tenus de suivre un parcours citoyen et/ou qui suivent une autre formation que la formation NT2 du niveau de compétences linguistiques A2. Les parties requérantes critiquent en substance le fait que les participants tenus de suivre un parcours citoyen du niveau de compétences linguistiques A2 ne peuvent bénéficier ni du régime d’exemption des droits d’inscription ni du régime des droits d’inscription réduits, pas plus que du remboursement des droits d’inscription par le VDAB, alors que les participants qui ne sont pas tenus de suivre un parcours citoyen et/ou qui ne suivent pas une formation NT2 peuvent encore bénéficier de ces correctifs sociaux.
A.17.1. Les parties requérantes estiment que les catégories de personnes que les dispositions attaquées traitent de manière différente sont comparables, dès lors qu’il s’agit dans les deux cas de personnes qui séjournent légalement en Belgique et qui souhaitent s’inscrire à une formation dans l’enseignement pour adultes ou l’éducation de base.
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A.17.2. Les parties requérantes déduisent des travaux préparatoires que, par la différence de traitement critiquée, le législateur décrétal a voulu renforcer la valeur du parcours citoyen tant pour les participants à ce parcours que pour la société. Cependant, cet objectif ne saurait être considéré comme un objectif légitime, selon les parties requérantes. Pas plus que ne l’est, selon elles, l’objectif avancé par le Gouvernement flamand consistant à responsabiliser les participants tenus de suivre un parcours citoyen, dès lors qu’il n’existe aucun élément factuel permettant d’affirmer que les participants tenus de suivre un parcours citoyen devraient être responsabilisés. Les parties requérantes font valoir à cet égard qu’il ressort d’une réponse du ministre compétent à une question parlementaire que le taux de réussite aux formations NT2 des participants tenus de suivre un parcours citoyen se situe autour de 90 % et que ce taux de réussite est supérieur au taux de réussite moyen des participants qui suivent volontairement le parcours citoyen.
A.17.3. Selon les parties requérantes, la différence de traitement critiquée n’est pas non plus adéquate pour atteindre l’objectif poursuivi. Elles estiment en effet que l’on n’aperçoit pas en quoi la suppression de correctifs sociaux contribuerait à conférer une plus grande valeur au parcours citoyen. Elles soulignent que les participants volontaires au parcours citoyen peuvent, quant à eux, bénéficier de correctifs sociaux et en déduisent que le critère de distinction manque totalement de pertinence. Selon les parties requérantes, les participants tenus de suivre un parcours citoyen ne se trouvent généralement pas dans une situation telle qu’il serait objectivement justifié d’affirmer qu’ils ont moins besoin de correctifs sociaux.
A.17.4. Enfin, les parties requérantes soutiennent que les dispositions attaquées ont une incidence excessive sur les participants tenus de suivre un parcours citoyen, compte tenu du fait qu’ils appartiennent à un groupe particulièrement vulnérable. Considérant le fait que les participants tenus de suivre un parcours citoyen qui suivent une formation NT2 du niveau de compétences linguistiques A2 et qui sont domiciliés sur le territoire bilingue de la Région de Bruxelles-Capitale continuent à bénéficier de l’exemption des droits d’inscription, les parties requérantes en déduisent que les mesures attaquées ne sont pas nécessaires pour atteindre l’objectif poursuivi.
A.18.1. Selon le Gouvernement flamand, le législateur décrétal poursuit, par la différence de traitement critiquée, un objectif légitime, à savoir responsabiliser les participants tenus de suivre un parcours citoyen afin qu’ils atteignent un niveau linguistique de base correct.
A.18.2. Le Gouvernement flamand fait valoir qu’il existe des disparités importantes entre les participants tenus de suivre un parcours citoyen et ceux qui suivent ce parcours volontairement. Il souligne que, contrairement à ces derniers, les participants tenus de suivre un parcours citoyen doivent obtenir une attestation d’intégration civique et qu’à défaut, ils peuvent être sanctionnés. Il souligne en outre que les participants tenus de suivre un parcours citoyen doivent, contrairement à ceux qui suivent ce parcours volontairement, obligatoirement atteindre les objectifs du parcours de participation et de réseau pour pouvoir obtenir leur attestation d’intégration civique, et que, deux ans après avoir obtenu cette attestation, ils doivent atteindre le niveau de langue « B1 oral » s’ils ne travaillent pas ou ne sont pas aux études au cours de cette période. Il considère qu’il relève de la liberté politique du législateur décrétal de déterminer les catégories de participants au parcours citoyen pour lesquelles le parcours citoyen doit être assorti de conditions plus strictes compte tenu des résultats escomptés de ce parcours, et que le législateur décrétal peut dès lors imposer des droits d’inscription de 180 euros, sans prévoir d’exemption, afin de responsabiliser les participants tenus de suivre un parcours citoyen. Il estime que le législateur décrétal pouvait effectivement prévoir des correctifs sociaux pour les autres participants aux formations NT2, et ce, afin d’encourager les personnes intéressées à participer volontairement au parcours linguistique.
A.18.3. Le Gouvernement flamand est d’avis que la différence de traitement critiquée repose sur un critère objectif et qu’elle est pertinente au regard de l’objectif poursuivi. Il considère que les droits d’inscription ont pour effet que les participants tenus de suivre un parcours citoyen prennent conscience de l’importance de la formation, ce qui, selon lui, peut inciter le participant à redoubler d’efforts et à augmenter ses chances d’acquérir les compétences linguistiques requises pour participer à la vie en société. Le Gouvernement flamand estime par ailleurs que les dispositions attaquées ne produisent pas des effets disproportionnés, dès lors que la contribution financière demandée est limitée, que l’impossibilité de bénéficier d’exemptions et de réductions ne s’applique qu’à la formation NT2 degré-guide 1, et non aux modules suivants, et que le montant de 180 euros s’applique indépendamment du nombre de périodes de cours dont le participant a besoin pour suivre la formation.
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En ce qui concerne le cinquième moyen
A.19. Le cinquième moyen est pris de la violation des articles 10, 11 et 24, § 4, de la Constitution par les articles 5 et 6 du décret attaqué, en ce que les centres d’enseignement pour adultes et les « centres d’éducation de base » sont soumis à l’obligation d’organiser un test NT2 et de ne délivrer des certificats pour la formation NT2
qu’aux participants qui ont réussi ce test, alors que des obligations analogues ne sont pas imposées aux centres de langues universitaires qui proposent des formations NT2. Les parties requérantes allèguent en substance qu’il n’existe aucune justification raisonnable à cette différence de traitement.
A.20. Selon les parties requérantes, l’on n’aperçoit pas en quoi il serait nécessaire, pour garantir la qualité et l’équivalence de la formation NT2, d’obliger les « centres d’éducation de base » et les centres d’enseignement pour adultes à organiser un test NT2 et à ne délivrer des certificats qu’aux participants ayant réussi ce test, alors que de telles mesures ne seraient pas nécessaires pour les centres de langues universitaires qui proposent des formations NT2 du niveau de compétences linguistiques A2 dans le cadre du parcours citoyen. Elles estiment que les catégories de centres à comparer sont pourtant comparables, dès lors qu’elles proposent toutes des formations NT2 et que les centres d’enseignement pour adultes proposent également des formations à des personnes diplômées de l’enseignement supérieur. Elles considèrent que les mesures qui seront encore prises selon le Gouvernement flamand à l’égard des centres de langues universitaires n’ont rien à voir avec l’instauration d’un test NT2 ni avec l’obligation de ne délivrer le certificat NT2 qu’aux participants qui ont réussi ce test.
A.21.1. Le Gouvernement flamand estime que les « centres d’éducation de base » et les centres d’enseignement pour adultes ne sont pas comparables aux centres de langues universitaires, dès lors que les deux premières catégories d’établissements d’enseignement se destinent à proposer une éducation de base à des personnes qui ne sont généralement pas encore titulaires d’un diplôme de l’enseignement primaire et/ou secondaire, alors que les centres de langues universitaires se destinent aux personnes qui sont admises dans l’enseignement supérieur. Par ailleurs, selon le Gouvernement flamand, les centres de langues universitaires sont régis par une autre législation décrétale que celle qui régit les deux premières catégories d’établissements d’enseignement.
A.21.2. Même à supposer que les catégories d’établissements d’enseignement précitées doivent être considérées comme comparables, le Gouvernement flamand estime que les dispositions attaquées ne violent pas le principe d’égalité et de non-discrimination et qu’il pourrait tout au plus s’agir d’une lacune dans la réglementation relative aux centres de langues universitaires, en ce que des mesures analogues à celles qui sont applicables aux « centres d’éducation de base » et aux centres d’enseignement pour adultes n’ont pas été prévues pour ces centres. Le Gouvernement flamand souligne en outre qu’il ressort des travaux préparatoires du décret attaqué que l’intention de l’autorité flamande était de soumettre les centres de langues universitaires à des règles analogues à celles qui sont applicables aux « centres d’éducation de base » et aux centres d’enseignement pour adultes.
-B-
Quant aux dispositions attaquées et à leur contexte
B.1. Les parties requérantes demandent l’annulation du décret flamand du 24 juin 2022
« modifiant le décret du 15 juin 2007 relatif à l’éducation des adultes [lire : l’enseignement pour adultes] et modifiant le décret du 7 juin 2013 relatif à la politique flamande d’intégration et d’insertion civique [lire : de parcours citoyen] consécutivement à la refonte de la politique en matière d’insertion civique [lire : de parcours citoyen] » (ci-après : le décret du 24 juin 2022).
11
B.2.1. Il ressort des travaux préparatoires du décret du 24 juin 2022 que le législateur décrétal a voulu instaurer des nouvelles règles qui portent sur « le programme de formation ‘ Nederlands tweede taal ’ (NT2, néerlandais deuxième langue) du parcours citoyen » (Doc.
parl., Parlement flamand, 2021-2022, n° 1269/1, p. 3).
Dans ces travaux préparatoires, ces nouvelles règles sont résumées comme suit :
« - l’instauration d’un test NT2 qui permet à tous les participants aux formations NT2
d’obtenir le même niveau linguistique A2;
- l’instauration de droits d’inscription pour la formation NT2, y compris le test NT2;
- l’extension de la compétence d’enseignement des centres d’éducation de base par une formation ‘ néerlandais deuxième langue degré-guide 2 ’ en fonction du niveau linguistique renforcé après le parcours citoyen » (ibid.).
B.2.2. En ce qui concerne « l’instauration d’un test NT2 », les travaux préparatoires mentionnent :
« Un nouvel élément dans le parcours citoyen est le fait qu’un participant à ce parcours devra passer un test à la fin de la formation NT2.
Ainsi qu’il a été approuvé dans la note du 17 juillet 2020, le Gouvernement flamand entend instaurer ce test NT2 en guise de levier permettant à chaque participant suivant un parcours citoyen, mais aussi à d’autres personnes allophones, quels que soient leur vitesse d’apprentissage et leur lieu de formation NT2, d’obtenir le même niveau linguistique et de le constater également dans la réalité quotidienne, par exemple au travail, dans la recherche d’un emploi, lors de contacts parents, lors de consultations, etc. Conformément à la note du 17 juillet 2020, il est également prévu que le certificat du niveau linguistique concerné ne puisse être délivré que si l’on réussit ce test. […]
[…]
[…] Les centres qui disposent de la compétence d’enseignement pour donner une formation NT2 au niveau du degré-guide 1 doivent obligatoirement organiser ces tests.
La contribution financière pour participer au test est incluse dans les droits d’inscription qu’un participant paie pour sa formation NT2.
Le Gouvernement flamand prendra encore d’autres dispositions d’exécution relatives à la manière dont le test NT2 sera passé, à l’utilisation des résultats, au contrôle de la qualité et aux voies de recours pour le participant » (ibid., p. 4).
12
B.2.3. En ce qui concerne « l’instauration de droits d’inscription pour la formation NT2 », les travaux préparatoires précisent :
« En principe aujourd’hui, les droits d’inscription normaux s’appliquent pour la formation ‘ néerlandais deuxième langue ’ dans l’enseignement pour adultes. Toutefois, la plupart des participants aux formations NT2 sont exemptés du paiement des droits d’inscription sur la base d’une des catégories d’exemption ou ils ne doivent payer que des droits d’inscription réduits.
Les participants qui sont tenus de suivre un parcours citoyen, d’une part, et les participants qui y ont droit et s’y sont portés volontaires, d’autre part, qui ont signé un contrat d’intégration civique bénéficient d’une exemption complète pour les formations […].
L’exemption pour les participants ayant signé un contrat d’intégration civique est désormais supprimée et remplacée par un système dans lequel un participant à une formation NT2 de niveau linguistique A2 ne relève plus du champ d’application général des droits d’inscription. Au lieu de cela, il existe maintenant un système dans lequel les participants aux formations NT2 paient des droits d’inscription limités de 180 euros par formation NT2 de niveau linguistique A2. Ces droits d’inscription comprennent également la première participation au test NT2. Il n’y a plus de lien entre le nombre de périodes de cours et le montant des droits d’inscription.
[…]
Tous les participants majeurs tenus de suivre un parcours citoyen paient sans exception ces droits d’inscription de 180 euros, qui englobent également une première participation au test NT2. Les possibilités d’exemption des droits d’inscription ou de droits d’inscription réduits ne sont dès lors plus applicables à ces participants lorsqu’ils s’inscrivent à une formation NT2 dans le cadre de leur parcours citoyen.
Pour les autres participants aux formations NT2 (y compris les participants qui suivent volontairement un parcours citoyen), les droits d’inscription s’élèvent également à 180 euros pour participer à la formation de niveau linguistique A2 et au test NT2. Les possibilités d’exemption des droits d’inscription ou de droits d’inscription réduits demeurent toutefois applicables pour ces participants lorsqu’ils s’inscrivent à une formation NT2 de niveau linguistique A2, tout comme pour toutes les autres formations. Ces exemptions restent également applicables si le participant participe à une épreuve de repêchage pour le test NT2.
[…]
Le ‘ Vlaamse Dienst voor Arbeidsbemiddeling en Beroepsopleiding ’ (VDAB, l’Office flamand de l’emploi et de la formation professionnelle) considère toujours qu’un cours de néerlandais est approprié dans le cadre de la recherche d’un emploi, raison pour laquelle cette formation est proposée gratuitement aux clients du VDAB. L’instauration d’une rétribution pour le cours et le test linguistique NT2 crée un conflit éventuel entre la formation NT2 payante pour le participant tenu de suivre un parcours citoyen, d’une part, et la formation NT2 gratuite proposée via le VDAB, d’autre part. Il est prévu que les participants tenus de suivre un parcours citoyen ne peuvent pas demander au VDAB le remboursement de la rétribution pour le cours NT2 qu’ils doivent payer dans le cadre de leur parcours citoyen. Ceci permet de maintenir également dans les faits le principe de l’instauration d’une rétribution pour le cours et le test linguistique NT2 » (ibid., pp. 5-6).
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B.3.1. Bien que la requête soit dirigée formellement contre toutes les dispositions du décret du 24 juin 2022, les moyens des parties requérantes ne portent que sur les articles 2, 4, 5, 6, 7
et 11 de ce décret.
B.3.2. Les articles 2, 4, 5, 6 et 7 du décret du 24 juin 2022 apportent des modifications au décret de la Communauté flamande du 15 juin 2007 « relatif à l’éducation des adultes [lire :
l’enseignement pour adultes] » (ci-après : le décret du 15 juin 2007) et disposent :
« Art. 2. À l’article 2 du décret du 15 juin 2007 relatif à l’éducation des adultes [lire :
l’enseignement pour adultes], modifié en dernier lieu par le décret du 4 février 2022, sont apportées les modifications suivantes :
1° le point 18° est abrogé;
2° avant le point 29bis, qui devient le point 29ter, il est inséré un nouveau point 29bis, rédigé comme suit :
‘ 29°bis test NT2 : un test réussi au moyen duquel une personne suivant un parcours d’insertion civique [lire : de parcours citoyen] peut démontrer qu’elle a atteint le niveau de compétences linguistiques visé à l’article 31 du décret du 7 juin 2013 relatif à la politique flamande d’intégration et d’insertion civique [lire : de parcours citoyen] et au moyen duquel un autre participant à la formation NT2 est en mesure de démontrer qu’il a réussi le niveau de compétences linguistiques A2 du Cadre européen commun de référence pour les langues. Le test du niveau de compétences linguistiques A2 comprend quatre parties : lire, écouter, écrire et parler; ’ ».
« Art. 4. À l’article 40 du même décret, modifié par les décrets des 21 décembre 2012, 19 juin 2015, 23 décembre 2016 et 5 avril 2019, il est inséré un paragraphe 1erbis, rédigé comme suit :
‘ § 1erbis. Une autorité d’un centre peut uniquement délivrer le certificat des formations suivantes à l’apprenant qui a réussi un test NT2 :
1° la formation néerlandais deuxième langue alphabétisation degré-guide 1 oral ou la formation néerlandais deuxième langue alphabétisation degré-guide 1 oral - degré-guide 1.1
écrit du domaine d’apprentissage alphabétisation néerlandais deuxième langue;
2° la formation néerlandais deuxième langue degré-guide 1 du domaine d’apprentissage néerlandais deuxième langue ou la formation néerlandais deuxième langue degré-guide 1 du domaine d’apprentissage néerlandais deuxième langue degrés-guides 1 et 2.
Si l’apprenant n’a pas réussi un test tel que visé à l’alinéa premier, il est possible de passer un second test à condition qu’il suive à nouveau une formation telle que visée à l’alinéa premier. ’ ».
14
« Art. 5. L’article 62, § 1er, du même décret, modifié par le décret du 8 mai 2009, est complété par un point 3°, rédigé comme suit :
‘ 3° l’organisation du test NT2, dont le Gouvernement flamand fixe les modalités d’élaboration et de passage. ’ ».
« Art. 6. À l’article 63 du même décret, modifié en dernier lieu par le décret du 26 avril 2019, il est inséré un paragraphe 1erquater, rédigé comme suit :
‘ § 1erquater. Les centres d’éducation des adultes [lire : d’enseignement pour adultes]
ayant compétence d’enseignement pour les formations de la discipline néerlandais deuxième langue degrés-guides 1 et 2 sont tenus d’organiser le test NT2. Le Gouvernement flamand fixe les modalités d’élaboration et de passage du test NT2 et le rapport entre le test et l’évaluation du processus pour le calcul des résultats finaux par compétence. ’ ».
« Art. 7. À l’article 113novies du même décret, inséré par le décret du 16 mars 2018 et modifié par les décrets des 5 avril 2019, 3 juillet 2020 et 9 juillet 2021, les modifications suivantes sont apportées :
1° il est inséré un paragraphe 2bis, rédigé comme suit :
‘ § 2bis. Par dérogation au paragraphe 2, les droits d’inscription dus restent inchangés quel que soit le nombre d’inscriptions dans l’une des formations suivantes :
1° la formation néerlandais deuxième langue alphabétisation degré-guide 1 oral ou la formation néerlandais deuxième langue alphabétisation degré-guide 1 oral - degré-guide 1.1
écrit ou la formation Écriture latine – Éducation de base du domaine d’apprentissage alphabétisation néerlandais deuxième langue de l’éducation de base;
2° la formation néerlandais deuxième langue degré-guide 1 du domaine d’apprentissage néerlandais deuxième langue de l’éducation de base ou la formation néerlandais deuxième langue degré-guide 1 ou la formation Lire et Écrire pour des personnes alphabétisées dans un autre alphabet de la discipline néerlandais deuxième langue degrés-guides 1 et 2 de l’enseignement secondaire des adultes. ’;
2° il est inséré un paragraphe 3bis, rédigé comme suit :
‘ § 3bis. Par dérogation au paragraphe 3, les droits d’inscription dus sont limités à 180 euros pour un apprenant inscrit à l’une des formations suivantes :
1° la formation néerlandais deuxième langue alphabétisation degré-guide 1 oral ou la formation néerlandais deuxième langue alphabétisation degré-guide 1 oral - degré-guide 1.1
écrit du domaine d’apprentissage néerlandais deuxième langue de l’éducation de base;
2° la formation néerlandais deuxième langue degré-guide 1 du domaine d’apprentissage néerlandais deuxième langue de l’éducation de base ou la formation néerlandais deuxième langue degré-guide 1 de la discipline néerlandais deuxième langue degrés-guides 1 et 2 de l’enseignement secondaire des adultes.
15
Le cas échéant, la limite de 180 euros visée à l’alinéa premier, comprend également les droits d’inscription dus pour :
1° la formation Écriture latine - Éducation de base ou la formation Lire et Écrire pour des personnes alphabétisées dans un autre alphabet;
2° une formation visée à l’alinéa premier pour laquelle l’apprenant n’était pas inscrit au début de sa formation, mais vers laquelle il est réorienté au cours de sa formation. ’;
3° au paragraphe 4, le point 6° est remplacé par ce qui suit :
‘ 6° ont signé un contrat d’insertion civique tel que visé à l’article 2, alinéa premier, 10°, du décret du 7 juin 2013 relatif à la politique flamande d’intégration et d’insertion civique [lire :
de parcours citoyen] ou ont obtenu une attestation d’intégration civique telle que visée à l’article 2, alinéa premier, 2°, du même décret et sont inscrits au Registre national dans une commune de la région bilingue de Bruxelles-Capitale, pour :
a) la formation néerlandais deuxième langue alphabétisation degré-guide 1 oral ou la formation néerlandais deuxième langue alphabétisation degré-guide 1 oral - degré-guide 1.1
écrit ou la formation Écriture latine - Éducation de base du domaine d’apprentissage alphabétisation néerlandais deuxième langue de l’éducation de base;
b) la formation néerlandais deuxième langue degré-guide 1 du domaine d’apprentissage néerlandais deuxième langue de l’éducation de base ou la formation néerlandais deuxième langue degré-guide 1 ou la formation Lire et Écrire pour des personnes alphabétisées dans un autre alphabet de la discipline néerlandais deuxième langue degrés-guides 1 et 2 de l’enseignement secondaire des adultes;
c) la formation néerlandais deuxième langue degré-guide 2 de la discipline néerlandais deuxième langue degrés-guides 1 et 2 de l’enseignement secondaire des adultes.
Par dérogation au paragraphe 2, cette exemption des droits d’inscription s’applique quel que soit le nombre d’inscriptions dans le même module; ’;
4° au paragraphe 4 sont insérés des points 6°bis et 6°ter, rédigés comme suit :
‘ 6°bis sont inscrits au Registre national dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale et inscrits dans un lieu de cours situé dans la région bilingue de Bruxelles-Capitale à :
a) la formation néerlandais deuxième langue alphabétisation degré-guide 1 oral ou la formation néerlandais deuxième langue alphabétisation degré-guide 1 oral - degré-guide 1.1
oral ou la formation Écriture latine – Éducation de base du domaine d’apprentissage alphabétisation néerlandais deuxième langue de l’éducation de base;
b) la formation néerlandais deuxième langue degré-guide 1 du domaine d’apprentissage néerlandais deuxième langue de l’éducation de base ou la formation néerlandais deuxième langue degré-guide 1 ou la formation Lire et Écrire pour des personnes alphabétisées dans un autre alphabet de la discipline néerlandais deuxième langue degrés-guides 1 et 2 de l’enseignement secondaire des adultes;
16
c) la formation néerlandais deuxième langue degré-guide 2 de la discipline néerlandais deuxième langue degrés-guides 1 et 2 de l’enseignement secondaire des adultes.
Par dérogation au paragraphe 2, cette exemption des droits d’inscription s’applique quel que soit le nombre d’inscriptions dans le même module;
6°ter ont signé un contrat d’intégration civique tel que visé à l’article 2, alinéa premier, 10°, du décret du 7 juin 2013 relatif à la politique flamande d’intégration et d’insertion civique [lire : de parcours citoyen], ou ont obtenu une attestation d’intégration civique, telle que visée à l’article 2, alinéa premier, 2°, du décret précité, et sont inscrits à la formation néerlandais deuxième langue degré-guide 2 de la discipline néerlandais deuxième langue degrés-guides 1
et 2 de l’enseignement secondaire des adultes; ’;
5° dans le paragraphe 4, il est inséré un point 7°bis, rédigé comme suit :
‘ 7°bis être intégrant mineur [lire : participant mineur suivant un parcours citoyen] tel que visé à l’article 26, § 1er, alinéa premier, 3°, du décret du 7 juin 2013 relatif à la politique flamande d’intégration et d’insertion civique [lire : de parcours citoyen], et être inscrit à l’une des quatre formations suivantes :
1° la formation néerlandais deuxième langue alphabétisation degré-guide 1 oral ou la formation néerlandais deuxième langue alphabétisation degré-guide 1 oral - degré-guide 1.1
écrit ou la formation Écriture latine – Éducation de base du domaine d’apprentissage alphabétisation néerlandais deuxième langue de l’éducation de base;
2° la formation néerlandais deuxième langue degré-guide 1 du domaine d’apprentissage néerlandais deuxième langue de l’éducation de base ou la formation néerlandais deuxième langue degré-guide 1 ou la formation Lire et Écrire pour des personnes alphabétisées dans un autre alphabet de la discipline néerlandais deuxième langue degrés-guides 1 et 2 de l’enseignement secondaire des adultes; ’;
6° il est inséré un paragraphe 4bis, rédigé comme suit :
‘ § 4bis. Par dérogation au paragraphe 4, 1°, 3° à 5° et 8° à 10°, aucune exemption des droits d’inscription ne s’applique à un intégrant au statut obligatoire [lire : participant tenu de suivre le parcours citoyen] tel que visé à l’article 27, § 1er, du décret du 7 juin 2013 relatif à la politique flamande d’intégration et d’insertion civique [lire : de parcours citoyen] pour les formations suivantes :
1° la formation néerlandais deuxième langue alphabétisation degré-guide 1 oral ou la formation néerlandais deuxième langue alphabétisation degré-guide 1 oral - degré-guide 1.1
écrit ou la formation Écriture latine – Éducation de base du domaine d’apprentissage alphabétisation néerlandais deuxième langue de l’éducation de base;
2° la formation néerlandais deuxième langue degré-guide 1 du domaine d’apprentissage néerlandais deuxième langue de l’éducation de base ou la formation néerlandais deuxième langue degré-guide 1 ou la formation Lire et Écrire pour des personnes alphabétisées dans un autre alphabet de la discipline néerlandais deuxième langue degrés-guides 1 et 2 de l’enseignement secondaire des adultes. ’;
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7° au paragraphe 5, les mots ‘ des disciplines “ Nederlands tweede taal richtgraad 1 en 2 ”
et “ Nederlands tweede taal richtgraad 3 en 4 ” sont remplacés par les mots du niveau degré-
guide 2 dans la discipline néerlandais deuxième langue degrés-guides 1 et 2 et une formation dans la discipline néerlandais deuxième langue degrés-guides 3 et 4 ’;
8° au paragraphe 6, 1°, le membre de phrase ‘ pour d’autres formations que celles visées au paragraphe 4, 1°, 6° et 7° ’ est remplacé par le membre de phrase ‘ et sont inscrits à une formation qui ne donne pas droit à une exemption complète des droits d’inscription sur la base du § 4, 8° ’;
9° il est inséré un § 6bis et un § 6ter, rédigés comme suit :
‘ § 6bis. Par dérogation au paragraphe 6, aucune réduction des droits d’inscription ne s’applique à un intégrant au statut obligatoire [lire : participant tenu de suivre le parcours citoyen] tel que visé à l’article 27, § 1er, du décret du 7 juin 2013 relatif à la politique flamande d’intégration et d’insertion civique [lire : de parcours citoyen] pour les formations suivantes :
1° la formation néerlandais deuxième langue alphabétisation degré-guide 1 oral ou la formation néerlandais deuxième langue alphabétisation degré-guide 1 oral - degré-guide 1.1
écrit ou la formation Écriture latine – Éducation de base du domaine d’apprentissage alphabétisation néerlandais deuxième langue de l’éducation de base;
2° la formation néerlandais deuxième langue degré-guide 1 du domaine d’apprentissage néerlandais deuxième langue de l’éducation de base ou la formation néerlandais deuxième langue degré-guide 1 ou la formation Lire et Écrire pour des personnes alphabétisées dans un autre alphabet de la discipline néerlandais deuxième langue degrés-guides 1 et 2 de l’enseignement secondaire des adultes.
§ 6ter. La contribution due pour la première participation au test NT2, telle que visée à l’article 40, § 1erbis, alinéa premier, est comprise dans les droits d’inscription au sens du paragraphe 3bis.
L’apprenant qui n’a pas réussi une ou plusieurs parties du test NT2 ne paie pas de droits d’inscription pour suivre à nouveau l’une de ces formations en vue d’un repêchage. Pour une nouvelle participation au test NT2, l’apprenant paie 22,50 euros par partie. Si l’apprenant bénéficie d’une exemption partielle ou complète des droits d’inscription sur la base du paragraphe 4 ou 6, il ne paie pas à nouveau pour une nouvelle participation au test NT2. ’ ».
B.3.3. L’article 11 du décret du 24 juin 2022 dispose :
« L’intégrant au statut obligatoire [lire : le participant tenu de suivre le parcours citoyen]
visé à l’article 27, § 1er, du décret du 7 juin 2013 relatif à la politique flamande d’intégration et d’insertion civique [lire : de parcours citoyen], qui est tenu de payer les droits d’inscription visés à l’article 113novies, § 3bis, du décret du 15 juin 2007 relatif à l’éducation des adultes [lire : l’enseignement pour adultes] ne peut pas bénéficier de l’avantage du remboursement de ces droits d’inscription visé aux articles 8 et 9 de l’arrêté du Gouvernement flamand du 5 juin 2009 portant organisation de l’emploi et de la formation professionnelle ».
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B.4. Selon l’article 12 - non attaqué - du décret du 24 juin 2022, le décret entre en vigueur à une date à fixer par le Gouvernement flamand.
Selon l’article 9 de l’arrêté du Gouvernement flamand du 7 octobre 2022 « sur le test NT2
dans l’éducation des adultes [lire : l’enseignement pour adultes] », le décret entre en vigueur le 1er septembre 2023, à l’exception des articles 3, 5 et 6, qui produisent leurs effets à compter du 1er septembre 2022. L’exception relative à l’entrée en vigueur des articles 5 et 6 est uniquement dictée par l’objectif de fournir au Gouvernement flamand un fondement juridique pour pouvoir fixer les modalités destinées à concevoir et à faire passer le test NT2 (voy. CE, avis n° 71.917/1/V du 10 août 2022, p. 3).
Quant à la recevabilité
B.5. Le Gouvernement flamand soutient que les parties requérantes n’invoquent pas des griefs contre toutes les dispositions attaquées. Il considère que le recours n’est recevable qu’en ce qu’il est dirigé contre des dispositions faisant l’objet de griefs.
B.6. Pour satisfaire aux exigences de l'article 6 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, les moyens de la requête doivent faire connaître, parmi les règles dont la Cour garantit le respect, celles qui seraient violées ainsi que les dispositions qui violeraient ces règles et exposer en quoi ces règles auraient été transgressées par ces dispositions.
B.7. La Cour examine les moyens en ce qu’ils satisfont aux exigences précitées.
Quant aux moyens
En ce qui concerne le premier moyen
B.8.1. Le premier moyen est pris de la violation, par les articles 5 et 6 du décret du 24 juin 2022, de l’article 24, § 5, de la Constitution, en ce que le Gouvernement flamand est habilité à fixer les modalités destinées à concevoir et à faire passer le test NT2, sans que le décret du
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24 juin 2022 établisse les éléments essentiels de ce test. Les parties requérantes estiment ainsi que les dispositions attaquées violent le principe de légalité en matière d’enseignement garanti par l’article 24, § 5, de la Constitution.
B.8.2. Après la clôture de la procédure écrite, les parties requérantes ont fait savoir à la Cour qu’elles souhaitaient se désister de leur premier moyen.
Dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, il n’y a pas lieu en l’espèce d’accueillir la demande de désistement.
B.9.1. L’article 24, § 5, de la Constitution dispose :
« L’organisation, la reconnaissance ou le subventionnement de l’enseignement par la communauté sont réglés par la loi ou le décret ».
B.9.2. Il ressort des travaux préparatoires de la révision constitutionnelle du 15 juillet 1988
que, par l’article 24, § 5, de la Constitution, le Constituant « [voulait actualiser] l’intention originelle du Constituant » (Doc. parl., Sénat, S.E. 1988, n° 100-1/1°, p. 7).
À cela, il a été ajouté :
« Les dispositions fondamentales en matière d’enseignement doivent être arrêtées par des organes élus. Les organes exécutifs ne peuvent agir qu’en fonction de ces dispositions » (ibid.).
Après avoir souligné que l’objectif recherché était également de garantir au niveau constitutionnel les « principes du Pacte scolaire » et après avoir énuméré ces « principes », complétés par les principes déjà consacrés par l’article 17, ancien, de la Constitution (la liberté d’enseignement, la possibilité pour les communautés d’organiser elles-mêmes un enseignement satisfaisant à l’exigence de neutralité, la possibilité pour les communautés, en tant que pouvoirs organisateurs, de déléguer des compétences à des organes autonomes, le droit à un enseignement (gratuit) et à l’égalité en matière d’enseignement), le Vice-Premier ministre et ministre des Communications et des Réformes institutionnelles a déclaré :
« Tous ces principes importants de la politique d’enseignement doivent être arrêtés par un décret ou une loi; seules des personnes démocratiquement élues peuvent régler par des règles
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générales l’octroi de subsides à l’enseignement ainsi que son organisation et son agrément »
(Doc. parl., Sénat, S.E. 1988, n° 100-1/2°, p. 4).
B.9.3. L’article 24, § 5, de la Constitution traduit donc la volonté du Constituant de réserver au législateur compétent le soin de régler les aspects essentiels de l’enseignement en ce qui concerne son organisation, sa reconnaissance et son subventionnement, mais il n’interdit pas que des missions soient confiées à d’autres autorités, sous certaines conditions.
Cette disposition constitutionnelle exige que les délégations conférées par le législateur décrétal ne portent que sur la mise en œuvre des principes qu’il a fixés. Le gouvernement communautaire ou une autre autorité publique ne saurait remédier à l’imprécision de ces principes ni affiner des choix politiques insuffisamment détaillés.
B.9.4. Le texte de l’article 24, § 5, a une portée générale : il ne fait aucune distinction et ne contient aucune limitation en ce qui concerne la portée de la notion d’« organisation », ce qui signifie que toute réforme relative à l’organisation de l’enseignement, quel qu’en soit l’objectif, même si elle est limitée dans le temps, ne peut être réglée que par décret.
B.10.1. Selon l’article 62, § 1er, du décret du 15 juin 2007, les centres d’éducation de base sont tenus d’« exercer effectivement » les compétences d’enseignement qu’il énumère.
L’article 5, attaqué, du décret du 24 juin 2022 insère, dans cette disposition, un point 3°, de sorte que les compétences d’enseignement énumérées dans cette disposition sont étendues à « l’organisation du test NT2, dont le Gouvernement flamand fixe les modalités d’élaboration et de passage ».
B.10.2. L’article 63 du décret du 15 juin 2007 règle les compétences d’enseignement des centres d’enseignement pour adultes.
L’article 6, attaqué, du décret du 24 juin 2022 insère dans cette disposition un paragraphe 1erquater, aux termes duquel les centres d’enseignement pour adultes qui sont
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compétents pour enseigner les formations de la discipline néerlandais deuxième langue degrés-
guides 1 et 2 sont tenus d’organiser le test NT2. Selon ce même paragraphe, le Gouvernement flamand « fixe les modalités d’élaboration et de passage du test NT2 et le rapport entre le test et l’évaluation du processus pour le calcul des résultats finaux par compétence ».
B.10.3. Les dispositions attaquées obligent ainsi les centres d’éducation de base et les centres d’enseignement pour adultes qui sont compétents pour enseigner les formations de la discipline néerlandais deuxième langue degrés-guides 1 et 2 à organiser un test NT2. Le Gouvernement flamand est également habilité à régler le mode suivant lequel ce test doit être conçu et passé. En ce qui concerne les centres d’enseignement pour adultes, il est encore précisé à cet égard que le Gouvernement flamand doit fixer le rapport entre le test et l’évaluation du processus pour le calcul des résultats finaux par compétence.
B.11. La détermination de la manière dont les participants aux formations dispensées par les centres d’éducation de base et par les centres d’enseignement pour adultes doivent être évalués, relève de l’organisation de l’enseignement au sens de l’article 24, § 5, de la Constitution.
Il y a lieu dès lors d’examiner si les habilitations attaquées conférées au Gouvernement flamand restent dans des limites compatibles avec l’article 24, § 5, de la Constitution, définies ci-avant.
B.12. S’il est vrai que, dans les dispositions attaquées, le législateur décrétal a lui-même fixé exclusivement le caractère obligatoire de l’organisation du test NT2, qu’il a désigné les établissements d’enseignement qui sont soumis à cette obligation et qu’il a précisé que les participants concernés des centres d’enseignement pour adultes doivent être évalués non seulement au moyen d’un test, mais également de l’évaluation d’un processus, il convient, lors de l’examen des habilitations conférées au Gouvernement flamand qu’elles contiennent, de tenir compte des autres dispositions du décret du 24 juin 2022, en particulier des dispositions qui définissent le test NT2 et qui prévoient les effets qui doivent être attachés à ce test.
B.13.1. Selon l’article 2, 29°bis, du décret du 15 juin 2007, inséré par l’article 2, 2°, du décret du 24 juin 2022, le test NT2 est un test réussi au moyen duquel une personne suivant un
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parcours citoyen peut démontrer qu’elle a atteint le niveau de compétences linguistiques visé à l’article 31 du décret du 7 juin 2013 « relatif à la politique flamande d’intégration et d’insertion civique [lire : de parcours citoyen] » (ci-après : le décret du 7 juin 2013) et au moyen duquel un autre participant à la formation NT2 est en mesure de démontrer qu’il a réussi le niveau de compétences linguistiques A2 du Cadre européen commun de référence pour les langues. Cet article prévoit aussi que le test du niveau de compétences linguistiques A2 comprend quatre parties, à savoir lire, écouter, écrire et parler.
B.13.2. L’article 31 du décret du 7 juin 2013, auquel l’article 2, 29°bis, précité, du décret du 15 juin 2007 fait référence, fait partie de la sous-section 2 (« Le parcours d’intégration civique ») de la section 3 (« Intégration civique ») du chapitre 6 (« Exécution de la politique flamande et d’intégration ») de ce décret.
Selon l’article 2, alinéa 1er, 7°, du décret du 7 juin 2013, un participant au parcours citoyen est une personne qui fait partie du groupe-cible de l’intégration civique, visé à l’article 26, § 1er, de ce décret. Ce dernier article détermine les catégories de personnes qui font partie de ce groupe-cible. En ce qui concerne ces catégories, le décret du 7 juin 2013 établit une distinction entre les « intégrants au statut obligatoire » et les « intégrants volontaires ». Les « intégrants au statut obligatoire » sont les personnes qui sont tenues de suivre un parcours citoyen et qui sont définies à l’article 27 du décret du 7 juin 2013. Les « intégrants volontaires » sont les personnes qui font partie du groupe-cible de l’intégration civique et qui suivent volontairement un parcours citoyen.
Selon l’article 29, § 1er, du décret du 7 juin 2013, le parcours citoyen comporte quatre parties : 1) un programme de formation « orientation sociale », visé à l’article 30; 2) un programme de formation « néerlandais comme deuxième langue », visé à l’article 31; 3) une inscription au « Vlaamse Dienst voor Arbeidsbemiddeling en Beroepsopleiding » (l’Office flamand de l’emploi et de la formation professionnelle, ci-après : le VDAB) ou à l’Office régional bruxellois de l'emploi (Actiris), visée à l’article 32; 4) un parcours de participation et de réseau, visé à l’article 33.
B.13.3. L’article 31, § 1er, du décret du 7 juin 2013 dispose :
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« Le programme de formation ‘ néerlandais deuxième langue ’, visé à l'article 29, § 1er, alinéa 2, 2°, offert par les centres, visés à l’article 2, alinéa 1er, 4°, a) à e), vise la maîtrise du néerlandais le plus rapidement possible au niveau de compétences linguistiques A2, tel que défini dans le Cadre européen commun de référence pour les langues, comme tremplin vers un cours complémentaire.
Si l'intégrant [lire : le participant qui suit le parcours citoyen] suit un programme de formation ‘ néerlandais deuxième langue ’ auprès des centres visés à l'article 2, alinéa 1er, 4°, a) et b), du présent décret, ce programme de formation offre le niveau linguistique de la formation " néerlandais comme deuxième langue " qui comprend la formation NT2
Breakthrough/Waystage R1.
Pour les intégrants [lire : les participants suivant le parcours citoyen] qui suivent une formation du domaine d'apprentissage ‘ alfabetisering Nederlands tweede taal ’, visé à l'article 6, 1°, du décret du 15 juin 2007 relatif à l'éducation des adultes [lire : l’enseignement pour adultes], le Gouvernement flamand dérogera aux dispositions visées à l'alinéa premier ».
L’article 2, alinéa 1er, 4°, 7 juin 2013 dispose :
« Dans le présent décret, on entend par :
[…]
4° centre : dans la mesure où elles offrent des formations de néerlandais comme deuxième langue, une des entités suivantes :
a) le centre, visé à l'article 2, 4°, du décret du 15 juin 2007 relatif à l'éducation des adultes [lire : l’enseignement pour adultes];
b) un centre de langues, établi par une université, tel que visé à l'article 4 du décret du 4 avril 2003 relatif à la restructuration de l'enseignement supérieur en Flandre;
c) un centre agréé pour la formation des indépendants et des petites et moyennes entreprises, tel que visé à l'article 26/2 du décret du 16 mars 2012 relatif à la politique d'aide économique;
d) un centre de formation professionnelle tel que visé à l'article 64 de l'arrêté du Gouvernement flamand du 5 juin 2009 portant organisation de l'emploi et de la formation professionnelle;
e) les fournisseurs privés qui proposent le néerlandais comme deuxième langue conformément au Cadre européen commun de référence pour les langues ».
Les centres visés à l’article 2, 4°, du décret du 15 juin 2007 sont les centres d’éducation de base et les centres d’enseignement pour adultes.
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B.13.4. Il résulte de la lecture combinée des dispositions des décrets du 7 juin 2013 et du 15 juin 2007 que le test NT2 est un test réussi au moyen duquel le participant au parcours citoyen peut démontrer qu’il a atteint le niveau de compétences linguistiques A2, défini dans le Cadre européen commun de référence pour les langues. Il en va de même en ce qui concerne d’autres participants que les participants au parcours citoyen.
Le programme de formation « néerlandais comme deuxième langue » que les centres d’éducation de base et les centres d’enseignement pour adultes proposent aux participants au parcours citoyen comporte un degré-guide 1.1, qui correspond au niveau linguistique A1
(« Breakthrough ») et un degré-guide 1.2, qui correspond au niveau linguistique A2
(« Waystage ») (article 31, § 1er, alinéa 2, du décret du 7 juin 2013). Le Cadre européen commun de référence pour les langues définit les personnes qui maîtrisent les niveaux linguistiques précités comme des « utilisateurs de base », tout en précisant ce que signifient ces niveaux.
B.14.1. Il découle de ce qui précède, non seulement que la notion d’« intégrant [lire : le participant suivant le parcours citoyen] » utilisée dans le décret du 24 juin 2022 est fondée sur une réglementation décrétale, mais également que le législateur décrétal a réglé le niveau linguistique à tester au moyen du test NT2. Comme il est dit dans les travaux préparatoires, « la sélection des objectifs à tester » est, en outre, fondée sur les « profils de formation NT2 de l’enseignement secondaire pour adultes et de l’éducation de base » (Doc. parl., Parlement flamand, 2021-2022, n° 1269/1, p. 4), qui trouvent leur fondement décrétal dans les articles 24
et 25 du décret du 15 juin 2007.
Outre le niveau linguistique à tester, le législateur décrétal a également réglé les compétences à tester en prévoyant que le test du niveau de compétences linguistiques A2 doit comporter les parties suivantes : lire, écouter, écrire et parler.
B.14.2. Le législateur décrétal a non seulement désigné les établissements d’enseignement qui sont tenus d’organiser un test NT2, mais il a également prévu les formations pour lesquelles ce test doit être organisé. L’article 40, § 1erbis, du décret du 15 juin 2007, inséré par l’article 4
du décret du 24 juin 2022, mentionne en effet les formations pour lesquelles la direction d’un centre ne peut délivrer le certificat y afférent qu’au participant qui réussit le test NT2. En
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prévoyant les formations pour lesquelles ce test doit être organisé, le législateur décrétal a également déterminé les participants qui, outre les participants au parcours citoyen, doivent passer ce test.
B.14.3. Il ressort en outre de l’article 63, § 1erquater, du décret du 15 juin 2007, inséré par l’article 6 du décret du 24 juin 2022, aux termes duquel le Gouvernement flamand doit fixer le rapport entre le test et l’évaluation du processus pour le calcul des résultats finaux par compétence, et des travaux préparatoires (Doc. parl., Parlement flamand, 2021-2022, n° 1269/3, p. 5) que le test NT2 a été conçu comme un test qui consiste, d’une part, en des questions standardisées et, d’autre part, en une évaluation du processus des participants qui relève de la compétence autonome des établissements d’enseignement.
B.14.4. Enfin, le législateur décrétal a réglé les effets de la réussite ou non du test NT2.
L’article 40, § 1erbis, du décret du 15 juin 2007, inséré par l’article 4 du décret du 24 juin 2022, dispose en effet que la direction d’un centre peut uniquement délivrer le certificat correspondant au niveau linguistique concerné au participant qui réussit le test NT2 et que le participant qui n’a pas réussi le test bénéficie d’un repêchage, à condition qu’il suive à nouveau la formation.
B.15. Compte tenu des principes précités établis par le législateur décrétal, les habilitations conférées au Gouvernement flamand sont suffisamment délimitées par des choix opérés par le législateur décrétal lui-même. La compétence conférée au Gouvernement flamand pour fixer les modalités destinées à concevoir et à faire passer le test NT2 et pour fixer le rapport entre le test et l’évaluation du processus pour le calcul des résultats finaux par compétence, concerne ainsi l’exécution des principes établis par le législateur décrétal.
Les habilitations conférées au Gouvernement flamand par les dispositions attaquées restent dans des limites qui sont compatibles avec l’article 24, § 5, de la Constitution.
B.16. Le premier moyen n’est pas fondé.
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En ce qui concerne le deuxième moyen
B.17. Le deuxième moyen est pris de la violation, par les articles 2, 2°, 4, 5 et 6 du décret du 24 juin 2022, de l’article 24, § 1er, de la Constitution, en ce que les centres d’éducation de base et les centres d’enseignement pour adultes sont contraints d’organiser un test NT2 et de ne délivrer un certificat relatif à la formation NT2 du niveau de compétences linguistiques A2
qu’aux participants ayant réussi le test. Les parties requérantes estiment en substance que les dispositions attaquées violent la liberté d’enseignement active.
B.18. L’article 24, § 1er, de la Constitution dispose :
« L’enseignement est libre; toute mesure préventive est interdite; la répression des délits n’est réglée que par la loi ou le décret.
La communauté assure le libre choix des parents.
La communauté organise un enseignement qui est neutre. La neutralité implique notamment le respect des conceptions philosophiques, idéologiques ou religieuses des parents et des élèves.
Les écoles organisées par les pouvoirs publics offrent, jusqu’à la fin de l'obligation scolaire, le choix entre l’enseignement d’une des religions reconnues et celui de la morale non confessionnelle ».
B.19.1. La liberté d’enseignement consacrée par l’article 24, § 1er, de la Constitution garantit le droit d’organiser des écoles fondées sur une philosophie confessionnelle ou non confessionnelle déterminée. Elle implique également que des personnes privées puissent, sans autorisation préalable et sous réserve du respect des libertés et des droits fondamentaux, organiser et faire dispenser un enseignement selon leur propre conception, tant en ce qui concerne la forme de cet enseignement qu’en ce qui concerne son contenu, par exemple en créant des écoles dont la spécificité réside dans des conceptions déterminées d’ordre pédagogique ou éducatif.
B.19.2. La liberté d’enseignement définie ci-dessus suppose, si l’on entend qu’elle ne reste pas purement théorique, que les pouvoirs organisateurs qui ne relèvent pas directement de la communauté puissent, sous certaines conditions, prétendre à des subventions à charge de celle-
ci.
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Le droit aux subventions est limité, d’une part, par la possibilité pour la communauté de lier celles-ci à des exigences tenant à l’intérêt général, entre autres celles d’un enseignement de qualité, du respect de normes de population scolaire et d’une égalité d’accès à l’enseignement, et, d’autre part, par la nécessité de répartir les moyens financiers disponibles entre les diverses missions de la communauté.
La liberté d’enseignement connaît dès lors des limites et n’empêche pas, en soi, que le législateur décrétal impose des conditions de financement et d’octroi de subventions qui restreignent l’exercice de cette liberté.
B.20.1. Ainsi, la liberté d’enseignement n’empêche en principe pas que le législateur compétent prenne, en vue d’assurer la qualité et l’équivalence de l’enseignement obligatoire ou de l’enseignement dispensé au moyen des deniers publics, des mesures qui soient applicables de manière générale aux établissements d’enseignement, indépendamment de la spécificité de l’enseignement dispensé par ceux-ci.
B.20.2. L’opportunité et le choix de ces mesures sont l’affaire du législateur compétent, en l’occurrence du législateur décrétal qui, en application de l’article 24, § 5, de la Constitution, doit régler l’organisation, la reconnaissance et le subventionnement de l’enseignement et porte la responsabilité de la politique en cette matière.
Il n’appartient pas à la Cour de juger si les dispositions attaquées sont souhaitables. Il lui incombe toutefois d’apprécier si, confrontées aux critiques formulées par les parties requérantes, les obligations qu’imposent ces dispositions ne portent pas une atteinte disproportionnée à la liberté pédagogique qu’implique la liberté d’enseignement garantie par l’article 24, § 1er, de la Constitution. Les limitations concrètes que les mesures prises apportent à la liberté d’enseignement doivent être adéquates et proportionnées par rapport aux objectifs poursuivis par le législateur décrétal.
B.21. Comme il est dit en B.13.1, l’article 2, 2°, attaqué, du décret du 24 juin 2022 insère, dans l’article 2 du décret du 15 juin 2007, un point 29°bis, qui définit le test NT2 comme un test réussi au moyen duquel un participant au parcours citoyen ou un autre participant peut démontrer qu’il a atteint un certain niveau de compétences linguistiques et qui dispose
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également que le test du niveau de compétences linguistiques A2 doit comporter les parties qu’il prévoit. Comme il est dit en B.10.1 et en B.10.2, les articles 5 et 6, attaqués, du décret du 24 juin 2022 modifient les articles 62, § 1er, et 63 du décret du 15 juin 2007 en ce sens que les centres d’éducation de base et les centres d’enseignement pour adultes qui sont compétents pour enseigner les formations de la discipline néerlandais deuxième langue degrés-guides 1 et 2 sont tenus d’organiser un test NT2. Comme il est dit en B.14.4, l’article 4, attaqué, du décret du 24 juin 2022 insère, dans l’article 40 du décret du 15 juin 2007, un paragraphe 1erbis, aux termes duquel la direction d’un centre ne peut délivrer le certificat des formations qu’il énumère qu’au participant qui réussit un test NT2 et aux termes duquel le participant qui n’a pas réussi le test bénéficie d’un repêchage, à condition qu’il suive à nouveau la formation.
B.22.1. L’autonomie des établissements d’enseignement dans le domaine de la certification des études, ainsi que la liberté qui en découle pour eux d’évaluer les étudiants, les élèves et les participants, relèvent de la liberté d’enseignement active, garantie par l’article 24, § 1er, de la Constitution (voy. notamment, CE, avis n° 39.800/2 du 8 mars 2006, p. 8; avis n° 52.471/2 du 17 décembre 2012, p. 4; avis n° 53.471/2 du 7 juin 2013, p. 4).
B.22.2. En ce qu’elles imposent, d’une part, que les centres d’éducation de base et les centres d’enseignement pour adultes organisent un test NT2 pour certaines formations qui consiste, en partie, en des questions qui ne sont pas conçues par l’établissement d’enseignement concerné et, d’autre part, que la direction d’un centre ne peut délivrer le certificat concerné qu’au participant qui réussit un test NT2, les dispositions attaquées limitent la liberté d’enseignement active de ces centres.
B.23.1. En ce qui concerne les objectifs poursuivis par le test NT2, les travaux préparatoires mentionnent :
« Tout d’abord, un test NT2 du niveau linguistique A2 a pour effet que chaque participant, quel que soit l’endroit où il suit des cours, atteint le même niveau linguistique.
[…]
Chaque participant qui obtient le certificat néerlandais A2 mérite la même qualité. Le niveau A2 est le niveau minimum pour vivre et pour travailler en Flandre. Le Gouvernement
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flamand entend instaurer le test NT2 en guise de levier permettant à chaque participant suivant un parcours citoyen, mais aussi à toute autre personne allophone, quel que soit leur lieu de formation NT2, d’obtenir le même niveau linguistique et d’appliquer suffisamment le néerlandais dans la réalité quotidienne, par exemple au travail, dans la recherche d’un emploi, à l’école, lors de contacts parents, lors de consultations chez le médecin, etc. » (Doc. parl., Parlement flamand, 2021-2022, n° 1269/3, pp. 4-5).
« Il s’y ajoute que, de cette manière, les résultats finaux seront identiques dans chaque centre situé en Flandre. Le socle commun accroîtra la valeur que l’on reconnaît à l’attestation d’intégration civique, y compris sur le marché du travail, […] » (ibid., p. 12).
B.23.2. Il en ressort que le test NT2 vise à garantir et à augmenter la qualité et l’équivalence de l’enseignement NT2 et ce, afin que les participants puissent « appliquer suffisamment le néerlandais dans la réalité quotidienne » et accroître « la valeur que l’on reconnaît à l’attestation d’intégration civique, y compris sur le marché du travail ». Les objectifs poursuivis sont légitimes.
B.23.3. Dans le cadre des objectifs poursuivis, le Gouvernement flamand fait référence à un rapport de l’inspection de l’enseignement datant de janvier 2016, dans lequel il a été constaté qu’il existait, en ce qui concerne la qualité de l’enseignement NT2, des grandes différences entre les différents établissements d’enseignement (Rapport de l’inspection de l’enseignement, « Op(-
)maat. Een onderzoek naar de behoeftedekkendheid en de behoeftegerichtheid van het NT2-
aanbod in Vlaanderen », janvier 2016, https://www.vlaanderen.be/publicaties/op-maat-een-
onderzoek-naar-de-behoeftedekkendheid-en-de-behoeftegerichtheid-van-het-nt2-aanbod-in-
vlaanderen, p. 365).
B.23.4. Compte tenu du pouvoir d’appréciation qui appartient au législateur décrétal, celui-ci a pu estimer qu’il s’indiquait de prendre des mesures visant à garantir et à augmenter la qualité et l’équivalence de l’enseignement NT2.
B.24. Le législateur décrétal a pu considérer, dans ce cadre, qu’un test qui consiste, en partie, en des questions standardisées et qui doit être organisé par tous les centres qui proposent la formation concernée peut augmenter la qualité et l’équivalence de l’enseignement NT2. Il a pu également estimer qu’un tel test peut contribuer à l’objectif qu’il poursuit, à savoir la compétence linguistique des personnes qui ont suivi une formation NT2, et à la « valeur » que
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l’on reconnaît à l’attestation d’intégration civique dans la société en général. Les dispositions attaquées sont ainsi pertinentes au regard des objectifs poursuivis par le législateur décrétal.
B.25.1. Les dispositions attaquées doivent toutefois être non seulement pertinentes, mais également proportionnées aux objectifs poursuivis.
B.25.2. En ce qui concerne l’objet du test NT2, les travaux préparatoires indiquent :
« La sélection des objectifs à tester se base sur les profils de formation NT2 de l’enseignement secondaire pour adultes et de l’éducation de base, ainsi que sur les niveaux prévus par le Cadre européen commun de référence pour les langues » (Doc. parl., Parlement flamand, 2021-2022, n° 1269/1, p. 4).
Selon l’article 25 du décret du 15 juin 2007, « pour l’organisation de l’offre de formations, les centres se servent uniquement des profils de formation visés à l’article 24 ». L’article 24 de ce décret prévoit le mode suivant lequel les profils de formation sont fixés, ainsi que leur contenu minimal. Selon cette disposition, un profil de formation doit comporter notamment « l’étalement des objectifs finaux, des objectifs finaux spécifiques, des qualifications professionnelles reconnues ou des compétences de base sur les modules à l’intérieur d’une formation ».
Dès lors que le test NT2 doit être basé sur les profils de formation NT2 et sur les objectifs pédagogiques qu’ils contiennent, l’instauration de ce test n’ajoute pas de nouveaux objectifs pédagogiques aux objectifs préexistants. Ainsi, le test NT2 n’influence pas, en soi, le contenu de l’enseignement dispensé. Comme l’indiquent les travaux préparatoires, ce test ne constitue pas en soi non plus une ingérence « dans la manière dont l’enseignement atteint ces objectifs » (Doc.
parl., Parlement flamand, 2021-2022, n° 1269/3, p. 12). Dans le cadre des profils de formation établis, les centres conservent la possibilité de déterminer la forme de l’enseignement NT2 selon leurs propres conceptions.
B.25.3. Comme il est dit en B.14.3, le test NT2 a été conçu comme un test qui consiste, d’une part, en des questions standardisées et, d’autre part, en une évaluation du processus des participants, qui pourrait prendre la forme, notamment, d’une évaluation de la participation active de l’élève à la leçon et de sa coopération aux tâches à accomplir (Doc. parl., Parlement flamand, 2021-2022, n° 1269/1, p. 42). Il ressort des travaux préparatoires du décret du 24 juin 2022 que
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l’évaluation du processus des participants relève toujours de la compétence autonome des établissements d’enseignement (Doc. parl., Parlement flamand, 2021-2022, n° 1269/3, p. 5), de sorte qu’ils peuvent décider librement de la forme et du contenu de cette évaluation et qu’ils conservent ainsi la faculté de mettre en œuvre leurs spécificités dans le cadre de l’évaluation des participants. Bien que les dispositions attaquées restreignent la liberté d’évaluation des établissements d’enseignement, elles ne la limitent donc pas de manière absolue.
B.25.4. Les travaux préparatoires du décret du 24 juin 2022 indiquent en outre :
« [Le] Gouvernement flamand ne prévoira pas, dans l’arrêté d’exécution, un test NT2
uniforme et standardisé, mais il fixera les modalités relatives à la composition équilibrée d’un ensemble d’items à contrôler provenant d’une banque de données de questions validée qui sera élaborée à travers un processus participatif. Par analogie avec la base de données des instruments EVC (EVC : compétence acquise antérieurement), les centres devront opérer un choix parmi cette banque de données de questions validée. En collaboration avec une équipe d’enseignants NT2 expérimentés, une matrice de tests sera développée pour chaque compétence. L’administration des tests, la correction et la publication des résultats seront effectuées par les centres » (Doc. parl., Parlement flamand, 2021-2022, n° 1269/1, p. 13).
Il en ressort que les centres conservent également une certaine liberté en ce qui concerne la partie standardisée du test NT2 : cette partie du test ne consiste en effet pas en des questions uniformes que tous les centres doivent obligatoirement utiliser. Même si les centres doivent organiser la partie standardisée du test NT2 au moyen de questions issues de la « banque de données de questions validée », ils conservent une liberté en ce qui concerne le choix des questions provenant de cette banque de données. En outre, les centres restent compétents pour « l’administration des tests, la correction et la publication des résultats ».
Par ailleurs, selon l’extrait précité des travaux préparatoires, le contenu de la « banque de données de questions validée » est élaboré « à travers un processus participatif ». Lors de l’élaboration de ce contenu, « les prestataires de l’enseignement pour adultes et les centres d’éducation de base sont très étroitement associés » (ibid., p. 9).
B.25.5. Compte tenu de ce qui est dit en B.25.2 à B.25.4, les dispositions attaquées ne sont pas disproportionnées aux objectifs poursuivis.
B.26. Le deuxième moyen n’est pas fondé.
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En ce qui concerne le troisième moyen
B.27.1. La première branche du troisième moyen est prise de la violation, par les articles 7
et 11 du décret du 24 juin 2022, des articles 10, 11 et 24, §§ 3 et 4, de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 2, paragraphe 1, et 13, paragraphe 2, point d), du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, en ce qu’en supprimant une série d’exemptions et de réductions des droits d’inscription pour la formation NT2 de niveau A2 qui étaient auparavant applicables aux participants au parcours citoyen et en prévoyant que les participants tenus de suivre un parcours citoyen ne peuvent pas bénéficier du remboursement des droits d’inscription par le VDAB, ces dispositions réduisent considérablement l’accessibilité à l’enseignement NT2 en Flandre, sans que cela soit justifié par un objectif d’intérêt général.
La seconde branche du troisième moyen est prise de la violation, par l’article 7 du décret du 24 juin 2022, des articles 10, 11 et 24, §§ 3 et 4, de la Constitution, lus en combinaison avec l’article 13, paragraphe 2, point d), du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Les parties requérantes allèguent que, si la Cour venait à considérer qu’aucune obligation de standstill ne peut se déduire de l’article 13, paragraphe 2, point d), du Pacte précité, l’article 7 du décret du 24 juin 2022 constitue une violation de l’obligation de moyens incombant au législateur décrétal d’encourager et d’intensifier dans toute la mesure du possible l’éducation de base conformément à l’article 13, paragraphe 2, point d).
B.27.2. Eu égard à leur connexité, la Cour examine les deux branches du moyen conjointement.
B.28. Il ressort de l’exposé de la requête qu’en ce qui concerne l’article 7, attaqué, du décret du 24 juin 2022, la critique des parties requérantes est dirigée exclusivement contre les points 3°, 6° et 9° de celui-ci. En outre, cet exposé indique qu’en ce qui concerne l’article 7, 9°, leur critique est dirigée exclusivement contre l’article 113novies, § 6bis, inséré par cette disposition dans le décret du 15 juin 2007. Conformément à ce qui est dit en B.7, la Cour limite son examen à ces parties de l’article 7 attaqué.
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B.29.1. L’article 7 du décret du 24 juin 2022 apporte plusieurs modifications à l’article 113novies du décret du 15 juin 2007, qui concerne les droits d’inscription dus par les participants aux formations dispensées par les centres d’éducation de base et par les centres d’enseignement pour adultes.
Selon l’article 113novies, § 1er, du décret du 15 juin 2007 – non modifié par l’article 7 du décret du 24 juin 2022 – les droits d’inscription dus par le participant sont, en principe, calculés en multipliant le nombre de périodes d’un module par 1,50 euro. Selon l’article 113novies, § 3, du décret du 15 juin 2007 – qui n’a pas été modifié non plus par l’article 7 du décret du 24 juin 2022 – les droits d’inscription sont en principe limités à 300 euros par formation et par semestre.
Les autres dispositions de l’article 113novies du décret du 15 juin 2007 prévoient des dérogations aux principes précités pour certaines catégories de participants et/ou certaines formations. Ces dérogations prennent la forme d’exemptions et de réductions ou de majorations des droits d’inscription.
B.29.2. L’article 7, 3°, attaqué, du décret du 24 juin 2022 remplace l’article 113novies, § 4, 6°, du décret du 15 juin 2007.
Avant ce remplacement, l’article 113novies, § 4, 6°, du décret du 15 juin 2007 prévoyait :
« Par dérogation au paragraphe 1er, il est accordé une exemption complète des droits d’inscription aux apprenants qui :
[…]
6° sont intégrants et ont signé un contrat d’intégration civique tel que visé à l’article 2, alinéa 1er, 10°, du décret du 7 juin 2013 relatif à la politique flamande d’intégration et d’intégration civique, ou ont obtenu une attestation d’intégration civique, telle que visée à l’article 2, alinéa 1er, 2°, du décret précité, pour les formations ‘ Nederlands tweede taal alfa mondeling richtgraad 1 ’, ‘ Nederlands tweede taal alfa mondeling richtgraad 1 - schriftelijk richtgraad 1.1 ’, ‘ Latijns schrift – Basiseducatie ’ du domaine d’apprentissage ‘ alfabetisering Nederlands tweede taal ’, ‘ Nederlands tweede taal richtgraad 1 ’ du domaine d’apprentissage ‘ Nederlands tweede taal ’ et les formations ‘ Nederlands tweede taal richtgraad 1 ’ ‘ Nederlands tweede taal richtgraad 1 ’, ‘ Nederlands tweede taal richtgraad 2 ’ et ‘ Lezen en Schrijven voor Andersgealfabetiseerden ’ dans la discipline ‘ Nederlands tweede taal richtgraad 1 en 2 ’ ».
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Cette disposition a eu pour effet qu’une exemption complète des droits d’inscription s’appliquait aux participants tenus de suivre un parcours citoyen et aux participants qui suivent volontairement un tel parcours qui s’étaient inscrits à l’une des formations NT2 prévues par cette disposition.
Depuis son remplacement par l’article 7, 3°, attaqué, du décret du 24 juin 2022, l’article 113novies, § 4, 6°, du décret du 15 juin 2007 dispose:
« Par dérogation au paragraphe 1er, il est accordé une exemption complète des droits d’inscription aux apprenants qui :
[…]
6° ont signé un contrat d’insertion civique tel que visé à l’article 2, alinéa premier, 10°, du décret du 7 juin 2013 relatif à la politique flamande d’intégration et d’insertion civique [lire :
de parcours citoyen] ou ont obtenu une attestation d’intégration civique telle que visée à l’article 2, alinéa premier, 2°, du même décret et sont inscrits au Registre national dans une commune de la région bilingue de Bruxelles-Capitale, pour :
a) la formation néerlandais deuxième langue alphabétisation degré-guide 1 oral ou la formation néerlandais deuxième langue alphabétisation degré-guide 1 oral - degré-guide 1.1
écrit ou la formation Ecriture latine - Education de base du domaine d’apprentissage alphabétisation néerlandais deuxième langue de l’éducation de base;
b) la formation néerlandais deuxième langue degré-guide 1 du domaine d’apprentissage néerlandais deuxième langue de l’éducation de base ou la formation néerlandais deuxième langue degré-guide 1 ou la formation Lire et Ecrire pour des personnes alphabétisées dans un autre alphabet de la discipline néerlandais deuxième langue degrés-guides 1 et 2 de l’enseignement secondaire des adultes;
c) la formation néerlandais deuxième langue degré-guide 2 de la discipline néerlandais deuxième langue degrés-guides 1 et 2 de l’enseignement secondaire des adultes.
Par dérogation au paragraphe 2, cette exemption des droits d’inscription s’applique quel que soit le nombre d’inscriptions dans le même module; ».
Cette modification a pour effet que l’exemption des droits d’inscription qui était applicable auparavant aux participants au parcours citoyen est abrogée, sauf pour les personnes qui sont inscrites au Registre national dans une commune de la région bilingue de Bruxelles-Capitale.
Dès lors qu’une exemption des droits d’inscription est prévue pour l’« intégrant mineur obligatoire [lire : le participant mineur tenu de suivre le parcours citoyen] […] tel que visé à l’article 26, § 1er, alinéa 1er, 3°, du décret du 7 juin 2013 » (article 113novies, § 4, 7°bis, du
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décret du 15 juin 2007, inséré par l’article 7, 5°, du décret du 24 juin 2022), l’abrogation de l’exemption des droits d’inscription, précitée, concerne les participants au parcours citoyen qui sont majeurs.
B.29.3. L’article 7, 6°, attaqué, du décret du 24 juin 2022 insère, dans l’article 113novies du décret du 15 juin 2007, un paragraphe 4bis, aux termes duquel « par dérogation au paragraphe 4, 1°, 3° à 5° et 8° à 10°, aucune exemption des droits d’inscription ne s’applique à un intégrant au statut obligatoire [lire : un participant tenu de suivre le parcours citoyen] tel que visé à l’article 27, § 1er, du décret du 7 juin 2013 relatif à la politique flamande d’intégration et d’insertion civique [lire : de parcours citoyen] » pour les formations NT2 qu’il mentionne.
Cette modification a pour effet que les participants qui sont tenus de suivre un parcours citoyen, visés à l’article 27, § 1er, du décret du 7 juin 2013, ne peuvent pas se prévaloir, au moment de leur inscription à une formation NT2, des exemptions des droits d’inscription prévues à l’article 113novies, § 4, 1°, 3° à 5° et 8° à 10°, du décret du 15 juin 2007. Ces dispositions prévoient des exemptions des droits d’inscription, notamment pour les personnes qui bénéficient de l’aide matérielle visée dans la loi du 12 janvier 2007 « sur l’accueil des demandeurs d’asile et de certaines autres catégories d’étrangers » (article 113novies, § 4, 3°), pour les personnes qui bénéficient de la protection temporaire en exécution de la directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 « relative à des normes minimales pour l’octroi d’une protection temporaire en cas d’afflux massif de personnes déplacées et à des mesures tendant à assurer un équilibre entre les efforts consentis par les États membres pour accueillir ces personnes et supporter les conséquences de cet accueil » (article 113novies, § 4, 3°bis), pour les personnes qui perçoivent un revenu par le biais de l’aide sociale ou un revenu d’intégration sociale ou qui sont à charge des catégories précitées (article 113novies, § 4, 4°) et pour les demandeurs d’emploi (article 113novies, § 4, 8°).
Dès lors que la règle contenue dans l’article 113novies, § 4bis, du décret du 15 juin 2007, insérée par l’article 7, 6°, attaqué, du décret du 24 juin 2022 ne s’applique qu’à l’« intégrant au statut obligatoire [lire : participant tenu de suivre le parcours citoyen] tel que visé à l’article 27, § 1er, du décret du 7 juin 2013 », les participants qui suivent volontairement un parcours citoyen peuvent encore se prévaloir des exemptions prévues à l’article 113novies, § 4, 1°, 3° à 5° et 8° à 10°, du décret du 15 juin 2007.
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B.29.4. Alors que les dispositions attaquées précitées portent sur le régime de l’exemption complète des droits d’inscription, l’article 7, 9°, attaqué, du décret du 24 juin 2022 porte sur celui des droits d’inscription réduits, contenu dans l’article 113novies, § 6, du décret du 15 juin 2007.
Selon cette dernière disposition, par dérogation au paragraphe 1er, des droits d’inscription réduits de 0,30 euro sont appliqués à certains participants. Il s’agit, notamment, des participants à certaines formations qui perçoivent un revenu par le biais d’une allocation d’insertion ou d’une allocation de chômage (article 113novies, § 6, 1°) et des participants qui sont titulaires d’une attestation dont il ressort une incapacité de travail d’au moins 66 %, d’une attestation donnant droit à une allocation d’intégration aux personnes en situation de handicap ou d’une attestation dont il ressort une réduction de leur capacité de gain à un tiers ou moins de ce qu’une personne valide est en mesure de gagner en exerçant une profession sur le marché général du travail (article 113novies, § 6, 2°, a), b), et d)).
L’article 7, 9°, attaqué, du décret du 24 juin 2022 insère, dans l’article 113novies du décret du 15 juin 2007, un paragraphe 6bis, aux termes duquel « par dérogation au paragraphe 6, aucune réduction des droits d’inscription ne s’applique à un intégrant au statut obligatoire [lire :
au participant tenu de suivre le parcours citoyen] tel que visé à l’article 27, § 1er, du décret du 7 juin 2013 relatif à la politique flamande d’intégration et d’insertion civique [lire : de parcours citoyen] » pour les formations NT2 qu’il mentionne.
Cette modification a ainsi pour effet que les participants qui sont tenus de suivre un parcours citoyen, visés à l’article 27, § 1er, du décret du 7 juin 2013, ne peuvent pas invoquer, au moment de leur inscription à une formation NT2, le régime relatif aux droits d’inscription réduits visé à l’article113novies, § 6, du décret du 15 juin 2007. En revanche, les participants qui suivent volontairement un parcours citoyen peuvent encore invoquer ce régime.
B.29.5. Pour apprécier les dispositions attaquées précitées, il convient de tenir compte de l’article 7, 2° - non attaqué - du décret du 24 juin 2022, qui insère, dans l’article 113novies du décret du 15 juin 2007, un paragraphe 3bis, aux termes duquel « par dérogation au paragraphe 3, les droits d'inscription dus sont limités à 180 euros pour un apprenant inscrit » à l'une des formations NT2 qu’il mentionne.
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Cette modification a pour effet que les droits d’inscription pour les formations NT2 visées sont limités à 180 euros par formation et par semestre. En ce qui concerne ces formations, le participant bénéficie ainsi d’un régime limitant les droits d’inscription qui est plus avantageux que celui qui est normalement applicable. Selon l’article 113novies, § 3, du décret du 15 juin 2007, les droits d’inscription sont en effet normalement limités à 300 euros par formation et par semestre.
B.29.6. Selon l’article 11, attaqué, du décret du 24 juin 2022, le participant tenu de suivre un parcours citoyen qui doit payer les droits d’inscription visés à l’article 113novies, § 3bis, du décret du 15 juin 2007, ne peut pas bénéficier du remboursement de ses droits d’inscription que prévoient les articles 8 et 9 de l’arrêté du Gouvernement flamand du 5 juin 2009 « portant organisation de l’emploi et de la formation professionnelle » (ci-après : l’arrêté du Gouvernement flamand du 5 juin 2009).
Les articles 8 et 9 de l’arrêté du Gouvernement flamand du 5 juin 2009 prévoient, à certaines conditions, en faveur du participant qui est inscrit au VDAB en tant que demandeur d’emploi inoccupé et du demandeur d’emploi inscrit obligatoirement qui suivent une formation, un remboursement des droits d’inscription à cette formation. L’article 11, attaqué, du décret du 24 juin 2022 a pour effet que les participants tenus de suivre un parcours citoyen qui prennent part à une formation NT2 du niveau de compétences linguistiques A2 dans un centre d’éducation de base ou dans un centre d’enseignement pour adultes ne peuvent prétendre à ce remboursement. En revanche, les participants qui suivent volontairement un parcours citoyen peuvent en bénéficier.
B.30. Il découle de ce qui précède que le législateur décrétal a prévu de manière générale un régime relatif aux droits d’inscription pour les formations NT2 du niveau de compétences linguistiques A2 qui est plus avantageux que celui qui est applicable à d’autres formations. Les droits d’inscription qui concernent les formations NT2 sont en effet limités à 180 euros par formation et par semestre, alors que ceux qui concernent d’autres formations sont limités à 300 euros par formation et par semestre.
Toutefois, il résulte également de ce qui précède que le législateur décrétal (1) a abrogé l’exemption des droits d’inscription à une formation NT2 qui était fondée auparavant sur la qualité de participant à un parcours citoyen, sauf pour les personnes qui sont inscrites au
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Registre national dans une commune de la région bilingue de Bruxelles-Capitale; (2) a abrogé d’autres exemptions des droits d’inscription à une formation NT2 pour les participants qui sont tenus de suivre un parcours citoyen; (3) a exclu les participants qui sont tenus de suivre un parcours citoyen du champ d’application des dispositions qui prévoient une réduction des droits d’inscription; (4) a exclu les participants qui sont tenus de suivre un parcours citoyen du remboursement des droits d’inscription qui doivent être payés pour suivre une formation NT2, lequel est prévu par les articles 8 et 9 de l’arrêté du Gouvernement flamand du 5 juin 2009.
B.31.1. Les articles 10 et 11 de la Constitution ont une portée générale. Ils interdisent toute discrimination, quelle qu'en soit l'origine : les règles constitutionnelles de l'égalité et de la non-
discrimination sont applicables à l'égard de tous les droits et de toutes les libertés, en ce compris ceux résultant des conventions internationales liant la Belgique.
B.31.2. L’article 24, §§ 3 et 4, de la Constitution dispose :
« § 3. Chacun a droit à l’enseignement dans le respect des libertés et droits fondamentaux.
L’accès à l’enseignement est gratuit jusqu’à la fin de l’obligation scolaire.
Tous les élèves soumis à l’obligation scolaire ont droit, à charge de la communauté, à une éducation morale ou religieuse.
§ 4. Tous les élèves ou étudiants, parents, membres du personnel et établissements d’enseignement sont égaux devant la loi ou le décret. La loi et le décret prennent en compte les différences objectives, notamment les caractéristiques propres à chaque pouvoir organisateur, qui justifient un traitement approprié ».
B.31.3. L’article 2, paragraphe 1, du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels dispose :
« Chacun des Etats parties au présent Pacte s’engage à agir, tant par son effort propre que par l’assistance et la coopération internationales, notamment sur les plans économique et technique, au maximum de ses ressources disponibles, en vue d’assurer progressivement le plein exercice des droits reconnus dans le présent Pacte par tous les moyens appropriés, y compris en particulier l’adoption de mesures législatives ».
L’article 13, paragraphe 2, du même Pacte dispose :
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« Les Etats parties au présent Pacte reconnaissent qu’en vue d’assurer le plein exercice de ce droit :
a) L’enseignement primaire doit être obligatoire et accessible gratuitement à tous;
b) L’enseignement secondaire, sous ses différentes formes, y compris l’enseignement secondaire technique et professionnel, doit être généralisé et rendu accessible à tous par tous les moyens appropriés et notamment par l’instauration progressive de la gratuité;
c) L’enseignement supérieur doit être rendu accessible à tous en pleine égalité, en fonction des capacités de chacun, par tous les moyens appropriés et notamment par l’instauration progressive de la gratuité;
d) L’éducation de base doit être encouragée ou intensifiée, dans toute la mesure possible, pour les personnes qui n’ont pas reçu d’instruction primaire ou qui ne l’ont pas reçue jusqu’à son terme;
e) Il faut poursuivre activement le développement d’un réseau scolaire à tous les échelons, établir un système adéquat de bourses et améliorer de façon continue les conditions matérielles du personnel enseignant ».
B.32. Dans le cadre de la première branche du troisième moyen, les parties requérantes font valoir que l’article 24, § 3, de la Constitution, lu en combinaison avec les articles 2, paragraphe 1, et 13, paragraphe 2, point d), du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, contient une obligation de standstill relative au coût de l’enseignement. Dans le cadre de la seconde branche de ce moyen, elles font valoir que l’article 24, § 3, de la Constitution, lu en combinaison avec l’article 13, paragraphe 2, point d), du Pacte précité, contient une obligation de moyens incombant au législateur décrétal pour ce qui est de stimuler ou d’intensifier dans toute la mesure du possible l’éducation de base. Dans le cadre des deux branches de ce moyen, elles font valoir qu’une violation des obligations de droit international, en l’espèce des obligations découlant des dispositions précitées du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, constitue également une violation du principe d’égalité et de non-discrimination, garanti par les articles 10, 11 et 24, § 4, de la Constitution.
Dans leur troisième moyen, les parties requérantes invoquent ainsi exclusivement les articles 10, 11 et 24, § 4, de la Constitution à l’appui de la violation, qu’elles allèguent, d’une obligation de standstill et d’une obligation de moyens qui incomberait au législateur décrétal, et non donc pour critiquer une différence de traitement entre les participants aux formations
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dispensées par les centres d’éducation de base ou par les centres d’enseignement pour adultes, cette critique faisant l’objet du quatrième moyen.
B.33.1. Le droit à l’enseignement garanti par l’article 24, § 3, de la Constitution ne fait pas obstacle à une réglementation de l’accès à l’enseignement, en particulier à l’enseignement dispensé au-delà du terme de la scolarité obligatoire, en fonction des besoins et des possibilités de la communauté et des individus. Les articles 2, paragraphe 1, et 13, du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, lus en combinaison avec l’article 24 de la Constitution, n’empêchent pas non plus que l’accès à l’enseignement dispensé au-delà du terme de la scolarité obligatoire soit soumis à des conditions.
B.33.2. Il ressort de l’article 13, paragraphe 2, du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels que l’« enseignement primaire », l’« enseignement secondaire sous ses différentes formes », l’« enseignement supérieur » et l’« éducation de base » font l’objet de dispositions et de traitements distincts. L’enseignement primaire doit « être obligatoire et accessible gratuitement à tous »; l’enseignement secondaire doit « être généralisé et rendu accessible à tous »; l’enseignement supérieur doit « être rendu accessible à tous en pleine égalité, en fonction des capacités de chacun »; l’éducation de base doit « être encouragée et intensifiée dans toute la mesure du possible pour les personnes qui n’ont pas reçu d’instruction primaire ou qui ne l’ont pas reçue jusqu’à son terme ».
En ce qui concerne l’enseignement primaire, la gratuité est un objectif qui doit être immédiatement réalisé.
En ce qui concerne l’enseignement secondaire et l’enseignement supérieur, les objectifs inscrits dans le Pacte doivent être poursuivis « par tous les moyens appropriés et notamment par l’instauration progressive de la gratuité ». En ce qui concerne ces niveaux d’enseignement, une obligation de standstill s’applique dans le domaine des coûts de l’enseignement.
En ce qui concerne l’éducation de base, l’article 13, paragraphe 2, du Pacte précité ne fait pas mention d’un objectif à poursuivre en ce qui concerne sa gratuité.
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B.33.3. Sans qu’il soit nécessaire en l’espèce d’examiner si l’enseignement visé par les dispositions attaquées peut être qualifié d’« éducation de base » au sens de l’article 13, paragraphe 2, point d), du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, il suffit de constater que comme la Cour l’a déjà jugé par son arrêt n° 37/2013 du 14 mars 2013 (ECLI:BE:GHCC:2013:ARR.037), aucune obligation de standstill relative au coût de l’éducation de base ne saurait se déduire des articles 2, paragraphe 1, et 13, paragraphe 2, d), du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Les États parties au Pacte s’engagent à rendre l’éducation de base accessible, dans toute la mesure possible, aux personnes qui n’ont pas reçu d’instruction primaire (ou qui ne l’ont pas reçue jusqu’à son terme), compte tenu des possibilités économiques et de l’état des finances publiques.
B.34. Compte tenu de la même considération, l’obligation de moyens, visée à l’article 13, paragraphe 2, point d), de ce Pacte, ne peut pas être interprétée en ce sens qu’il est interdit au législateur décrétal de prendre des mesures qui augmentent les droits d’inscription pour l’éducation de base ou qui reviennent sur les exemptions ou sur les réductions des droits d’inscription préexistantes. En outre, le législateur dispose d’un large pouvoir d’appréciation dans la mise en œuvre cette obligation. La simple circonstance que les droits d’inscription pour l’éducation de base sont augmentés ou que certaines exemptions ou réductions sont abrogées ne permet pas, en soi, de déduire que le législateur décrétal manque à son engagement d’encourager ou d’intensifier dans toute la mesure du possible l’éducation de base pour les personnes qui n’ont pas reçu d’instruction primaire ou qui ne l’ont pas reçue jusqu’à son terme.
Les parties requérantes ne démontrent pas que le cadre législatif applicable à la formation NT2
ne serait pas susceptible d’encourager l’éducation de base des personnes majeures qui sont tenues de suivre un parcours citoyen.
B.35. Les dispositions attaquées ne violent donc pas les normes de référence précitées.
Dès lors que, comme il est dit en B.32, les parties requérantes invoquent dans leur troisième moyen exclusivement les articles 10, 11 et 24, § 4, de la Constitution à l’appui de la violation, qu’elles allèguent, des articles précités du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, lus en combinaison avec l’article 24, § 3, de la Constitution, l’examen de ces normes de référence ne saurait conduire à une autre conclusion.
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B.36. Le troisième moyen, en ses première et seconde branches, n’est pas fondé.
En ce qui concerne le quatrième moyen
B.37. Le quatrième moyen est pris de la violation, par les articles 7 et 11 du décret du 24 juin 2022, des articles 10, 11, 24, § 4, et 191 de la Constitution, le cas échéant lus en combinaison avec l’article 2 du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme et avec les articles 2, paragraphe 2, et 13, paragraphe 2, point d), du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, en ce que cette disposition crée une différence de traitement injustifiée en ce qui concerne les droits d’inscription entre, d’une part, les participants tenus de suivre un parcours citoyen qui suivent une formation NT2
du niveau de compétences linguistiques A2 et, d’autre part, les élèves de l’enseignement pour adultes ou de l’éducation de base qui ne sont pas tenus de suivre un parcours citoyen et/ou qui suivent une autre formation que la formation NT2 du niveau de compétences linguistiques A2.
Les parties requérantes critiquent en substance le fait que les participants tenus de suivre un parcours citoyen qui suivent une formation NT2 du niveau de compétences linguistiques A2 ne peuvent bénéficier ni du régime d’exemption des droits d’inscription, ni du régime des droits d’inscription réduits, pas plus que du remboursement des droits d’inscription par le VDAB, alors que les participants qui ne sont pas tenus de suivre un parcours citoyen et/ou qui ne suivent pas une formation NT2 peuvent encore bénéficier de ces correctifs sociaux.
B.38. Il ressort de l’exposé de la requête qu’en ce qui concerne l’article 7, attaqué, du décret du 24 juin 2022, la critique des parties requérantes est dirigée exclusivement contre les points 6° et 9° de celui-ci. En outre, il ressort de cet exposé qu’en ce qui concerne l’article 7, 9°, leur critique est exclusivement dirigée contre l’article 113novies, § 6bis, inséré par cette disposition dans le décret du 15 juin 2007. Conformément à ce qui est dit en B.7, la Cour limite son examen à ces parties de l’article 7, attaqué.
B.39.1. Les articles 10 et 11 de la Constitution garantissent l’égalité et la non-
discrimination.
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B.39.2. Le principe d’égalité et de non-discrimination n’exclut pas qu’une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu’elle repose sur un critère objectif et qu’elle soit raisonnablement justifiée.
L’existence d’une telle justification doit s’apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d’égalité et de non-
discrimination est violé lorsqu’il est établi qu’il n’existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.
B.40.1. L’article 24, § 4, de la Constitution, cité en B.31.2, est une formulation particulière du principe précité en matière d’enseignement. Selon cette disposition, tous les élèves ou étudiants sont égaux devant la loi ou le décret. Les notions d’« élèves ou [d’]étudiants » doivent être interprétées largement et concernent toute personne qui suit un enseignement, donc également les participants aux formations dispensées par les centres d’éducation de base et les centres d’enseignement pour adultes.
B.40.2. L’article 191 de la Constitution dispose :
« Tout étranger qui se trouve sur le territoire de la Belgique jouit de la protection accordée aux personnes et aux biens, sauf les exceptions établies par la loi ».
En vertu de cette disposition, une différence de traitement qui défavorise un étranger ne peut être établie que par une norme législative. Cette disposition n’a pas pour objet d’habiliter le législateur compétent à se dispenser, lorsqu’il établit une telle différence, d’avoir égard aux principes fondamentaux consacrés par la Constitution. Il ne découle donc pas de l’article 191
que le législateur compétent puisse, lorsqu’il établit une différence de traitement au détriment d’étrangers, ne pas veiller à ce que cette différence ne soit pas discriminatoire, quelle que soit la nature des principes en cause.
Cet article constitutionnel n’est susceptible d’être violé qu’en ce que les dispositions contestées établissent une différence de traitement entre certains étrangers et les Belges. Pour autant que ces dispositions instaurent une différence de traitement entre deux catégories
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d’étrangers, cet article constitutionnel n’est pas applicable et cette différence de traitement doit être appréciée au regard des articles 10 et 11 de la Constitution qui sont invoqués en l’espèce.
B.41.1. Comme il est dit en B.29.3, en B.29.4 et en B.29.6, les dispositions attaquées ont pour effet que les participants majeurs qui sont tenus de suivre un parcours citoyen, visés à l’article 27, § 1er, du décret du 7 juin 2013, (1) ne peuvent pas invoquer, au moment de leur inscription à une formation NT2 visée à l’article 113novies, § 4bis, du décret du 15 juin 2007, les exemptions des droits d’inscription mentionnées à l’article 113novies, § 4, 1°, 3° à 5° et 8°
à 10°, du décret du 15 juin 2007; (2) ne peuvent pas invoquer, au moment de leur inscription à une telle formation NT2, le régime relatif aux droits d’inscription réduits visé à l’article 113novies, § 6, du décret du 15 juin 2007; (3) ne bénéficient pas du remboursement des droits d’inscription prévus par les articles 8 et 9 de l’arrêté du Gouvernement flamand du 5 juin 2009.
Comme il est dit dans les travaux préparatoires cités en B.2.3, « les possibilités d’exemption des droits d’inscription ou de droits d’inscription réduits » « pour les autres participants aux formations NT2 (y compris les participants qui suivent volontairement un parcours citoyen) demeurent toutefois applicables pour ces participants lorsqu’ils s’inscrivent à une formation NT2 de niveau linguistique A2, tout comme pour toutes les autres formations ».
Ces « autres participants aux formations NT2 » continuent également à bénéficier du remboursement des droits d’inscription prévus par les articles 8 et 9 de l’arrêté du Gouvernement flamand du 5 juin 2009.
B.41.2. Les dispositions attaquées font ainsi naître des différences de traitement entre, d’une part, les participants majeurs tenus de suivre un parcours citoyen qui s’inscrivent à une formation NT2 prévue par ces dispositions et, d’autre part, les autres personnes, y compris les participants qui suivent volontairement un parcours citoyen, qui s’inscrivent à une telle formation NT2 ou à une autre formation proposée par un centre d’éducation de base ou par un centre d’enseignement pour adultes.
B.42. Tant les étrangers que les Belges peuvent, en principe, relever des deux catégories de personnes à comparer. Il ressort en effet de l’article 27, § 1er, 3°, du décret du 7 juin 2013
que les Belges peuvent eux aussi être tenus de suivre un parcours citoyen à certaines conditions.
Néanmoins, l’on peut raisonnablement considérer en l’espèce que la catégorie des participants
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majeurs tenus de suivre un parcours citoyen consiste majoritairement en des personnes qui ne possèdent pas la nationalité belge, alors que tel n’est pas le cas de la seconde catégorie de personnes mentionnée en B.41.2. Pour cette raison, les dispositions attaquées peuvent être contrôlées en l’espèce tant au regard des articles 10 et 11 de la Constitution que de son article 191.
B.43. Les différences de traitement critiquées reposent sur un critère objectif, en particulier le fait de posséder ou non la qualité de participant tenu de suivre un parcours citoyen, visée à l’article 27, § 1er, du décret du 7 juin 2013. Bien que la différence de traitement repose formellement sur ce critère, la Cour tient également compte, dans son examen de la proportionnalité de la mesure, du fait que les dispositions attaquées ont pour effet de traiter de manière défavorable certains étrangers en ce que, comme il est dit en B.42, un pourcentage beaucoup plus élevé d’entre eux est tenu de suivre un parcours citoyen. Les intéressés subissent dès lors un préjudice spécifique qui est indirectement basé sur leur nationalité. Il s’ensuit que la différence de traitement doit reposer sur des considérations très fortes.
B.44. Il ressort des travaux préparatoires que, par les dispositions attaquées, le législateur décrétal voulait que les « participants apprécient plus encore [la formation NT2] à sa juste valeur et qu’ils la jugent moins facultative » (Doc. parl., Parlement flamand, 2021-2022, n° 1269/3, p. 4) :
« Le Gouvernement flamand estime qu’il est évident qu’il faut payer pour suivre le parcours citoyen obligatoire pour lequel les autorités consacrent des moyens. Cela envoie le message qu’il n’est pas facultatif de suivre un tel parcours. Le Gouvernement s’est attaché à demander un montant qui serait juste et comparable aux droits d’inscription appliqués aux Pays-
Bas. Le montant demandé pour l’inscription y était plus élevé auparavant, mais cela engendrait des problèmes de paiement pour de très nombreuses personnes. Celui qui suit volontairement le cours a toutefois droit à une exemption. Celui qui travaille, payera une cotisation, tout comme les Flamands. Le Gouvernement ne veut pas décourager celui qui vit d’un revenu d’intégration sociale » (ibid., p. 12).
B.45.1. Comme il est dit en B.29.3, les exemptions des droits d’inscription qui sont abrogées pour les participants tenus de suivre un parcours citoyen concernent notamment celles qui s’appliquent aux personnes qui bénéficient de l’aide matérielle visée dans la loi du 12 janvier 2007 « sur l’accueil des demandeurs d’asile et de certaines autres catégories d’étrangers » (article 113novies, § 4, 3°), aux personnes qui bénéficient de la protection temporaire en exécution de la directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001 « relative à des
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normes minimales pour l’octroi d’une protection temporaire en cas d’afflux massif de personnes déplacées et à des mesures tendant à assurer un équilibre entre les efforts consentis par les États membres pour accueillir ces personnes et supporter les conséquences de cet accueil » (article 113novies, § 4, 3°bis), aux personnes qui perçoivent, au moment de leur inscription, un revenu par le biais de l’aide sociale ou un revenu d’intégration sociale ou qui sont à charge des catégories précitées (article 113novies, § 4, 4°) et aux demandeurs d’emploi (article 113novies, § 4, 8°).
Les réductions des droits d’inscription qui sont abrogées pour les participants tenus de suivre un parcours citoyen concernent notamment celles en faveur des participants à certaines formations qui perçoivent un revenu par le biais d’une allocation d’insertion ou d’une allocation de chômage (article 113novies, § 6, 1°) et des participants qui sont en possession d’une attestation déterminée, notamment une attestation d’incapacité de travail d’au moins 66 %, une attestation donnant droit à une allocation d’intégration aux personnes en situation de handicap et une attestation dont il ressort une réduction de leur capacité de gain à un tiers ou moins de ce qu’une personne valide est en mesure de gagner en exerçant une profession sur le marché général du travail (article 113novies, § 6, 2°, a), b), et d)).
B.45.2. Il peut être déduit de ce qui précède que les exemptions et réductions des droits d’inscription sont dictées, à titre principal, par la situation socio-économique de certains participants.
B.45.3. Les exemptions et réductions des droits d’inscription prévues à l’article 113novies du décret du 15 juin 2007 trouvent leur origine dans l’article 109 initial de ce décret.
En ce qui concerne cet article 109, les travaux préparatoires du décret initial du 15 juin 2007 mentionnent :
« Les droits d’inscription ont la fonction d’un ticket modérateur. L’inscription du participant n’est dès lors pas dépourvue d’obligations. La limitation des frais d’inscription à 1 euro par période de cours suivie garantit des frais d’inscription démocratiques et réduit le seuil financier pour suivre des formations dans l’enseignement pour adultes.
Ce seuil peut toutefois encore être trop élevé pour certains groupes cibles ou le paiement des frais d’inscription peut effectivement constituer une entrave à la participation à une
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formation spécifique. Pour des raisons sociales, certains groupes sociaux devraient être exemptés du paiement de ce ticket modérateur, de sorte qu’il n’y ait peu ou pas d’entraves financières.
[…]
Les participants qui suivent les formations ‘ néerlandais deuxième langue ’ paient des droits d’inscription limités à 0,50 euro par période de cours. Le fait que des allophones suivent ces formations favorise leur intégration dans la société et est donc très important d’un point de vue social. C’est la raison pour laquelle il convient d’encourager la participation à cette offre de formation en réclamant des droits d’inscription moins élevés. Toutefois, cela ne signifie pas qu’il ne faut pas payer de droits d’inscription du tout. Ici aussi, il convient de constater que le paiement de droits d’inscription produit un effet de responsabilisation. Les participants qui ne peuvent pas supporter ce coût relèvent des autres catégories d’exemption.
[…] Outre l’exemption générale, il est choisi d’instaurer une exemption limitée en faveur d’un certain nombre d’autres catégories, comme les participants qui acquièrent un revenu par le biais d’une allocation d’attente ou d’une allocation de chômage, les participants qui disposent d’une attestation d’incapacité de travail d’au moins 66 %, d’une allocation d’intégration aux personnes en situation de handicap ou d’une inscription auprès du Fonds flamand pour l’intégration sociale. […]
L’instauration de droits d’inscription limités vise à éliminer un obstacle financier à la participation à une formation, sans rendre cette inscription totalement dépourvue d’obligations » (Doc. parl., Parlement flamand, 2006-2007, n° 1201/1, pp. 81-82).
B.45.4. Il ressort des travaux préparatoires du décret initial du 15 juin 2007 que le législateur décrétal a estimé qu’il était souhaitable, d’une part, de demander le paiement de droits d’inscription afin de « responsabiliser » les participants et d’attirer leur attention sur le fait qu’une inscription à un cours « n’est pas dépourvue d’obligations » et, d’autre part, de prévoir une exemption ou une réduction des droits d’inscription pour certains groupes cibles et ce, « pour des raisons sociales » et pour empêcher que les droits d’inscription ne constituent « un obstacle financier à la participation à [une] formation ».
B.46.1. Lors de l’adoption du décret du 24 juin 2022, le législateur décrétal, en ne modifiant que partiellement le régime des droits d’inscription contenu dans le décret du 15 juin 2007, a continué à tendre vers les objectifs que le législateur décrétal poursuivait initialement lors de l’instauration de ce régime.
B.46.2. Compte tenu de ces éléments, l’objectif poursuivi par les dispositions attaquées, qui consiste à « responsabiliser » les participants tenus de suivre un parcours citoyen et à attirer leur attention sur le fait qu’une inscription à une des formations NT2 visées n’est « pas dépourvue
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d’obligations », ne saurait raisonnablement justifier les différences de traitement critiquées. Même si cet objectif pouvait justifier le fait que les participants tenus de suivre un parcours citoyen qui ne sont pas dans une situation socio-économique précaire sont, en principe, soumis à l’obligation de payer des droits d’inscription, il ne justifie pas le fait que les personnes qui se trouvent dans des situations identiques au regard d’une exemption ou d’une réduction concrètes des droits d'inscription soient traitées différemment, selon qu’elles sont ou non des participants tenus de suivre un parcours citoyen, et ce d’autant moins que les dispositions attaquées ont pour effet de traiter de manière défavorable les étrangers, en ce que, comme il est dit en B.42 et B.43, un pourcentage beaucoup plus élevé d’étrangers est tenu de suivre un parcours citoyen. En particulier, cet objectif ne justifie pas que les motifs socio-économiques qui ont été pris en compte pour instaurer les régimes d’exemption et de réduction des droits d’inscription, qui dérogent à l’objectif général poursuivi par les droits d’inscription concernant la « responsabilisation » des participants, n’entrent pas en considération pour les personnes qui sont tenues de suivre un parcours citoyen. Par ailleurs, il convient de constater que, comme il est dit dans les travaux préparatoires, « l’exemption en faveur des personnes qui ont signé un contrat de parcours citoyen ou qui disposent d’une attestation d’intégration civique […] est maintenue pour le degré-guide 2 », de sorte que « le seuil d’accès à la formation NT2
complémentaire [reste] bas pour les personnes qui choisissent de continuer à apprendre le néerlandais après leur parcours citoyen » (Doc. parl., Parlement flamand, 2021-2022, n° 1269/1, p. 6), alors que la situation socio-économique des personnes concernées n’est pas nécessairement différente selon qu’elles suivent une formation NT2 degré-guide 1 ou degré-
guide 2. Enfin, l’objectif poursuivi par le législateur décrétal ne justifie pas non plus le fait que les personnes qui se trouvent dans des situations identiques au regard du remboursement des droits d’inscription prévu aux articles 8 et 9 de l’arrêté du Gouvernement flamand du 5 juin 2009 soient traitées différemment, selon qu’elles sont ou non tenues de suivre un parcours citoyen.
B.47.1. Dès lors que les différences de traitement critiquées ne sont pas raisonnablement justifiées, le quatrième moyen est fondé, en ce qu’il est pris de la violation des articles 10, 11
et 191 de la Constitution.
B.47.2. L’article 113novies, § 4bis et § 6bis, du décret du 15 juin 2007, inséré par l’article 7, 6° et 9°, du décret du 24 juin 2022, et l’article 11 de ce dernier décret doivent être annulés.
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L’examen de la compatibilité des dispositions attaquées avec les autres normes de référence invoquées dans le quatrième moyen ne pouvant donner lieu à une annulation plus étendue, il n’y a pas lieu d’y procéder.
En ce qui concerne le cinquième moyen
B.48. Le cinquième moyen est pris de la violation, par les articles 5 et 6 du décret du 24 juin 2022, des articles 10, 11 et 24, § 4, de la Constitution, en ce que les centres d’enseignement pour adultes et les centres d’éducation de base sont soumis à l’obligation d’organiser un test NT2 et de ne délivrer des certificats pour la formation NT2 qu’aux participants qui ont réussi ce test, alors que des obligations analogues ne sont pas imposées aux centres universitaires de langues qui proposent des formations NT2. Les parties requérantes allèguent en substance qu’il n’existe aucune justification raisonnable à cette différence de traitement.
B.49. Comme il est dit en B.40.1, l’article 24, § 4, de la Constitution est une formulation particulière du principe d’égalité et de non-discrimination, qui est également garanti par les articles 10 et 11 de la Constitution. Selon cet article 24, § 4, de la Constitution, tous les établissements d’enseignement, notamment, sont égaux devant la loi ou le décret et la loi et le décret prennent en compte les différences objectives, notamment les caractéristiques propres à chaque pouvoir organisateur, qui justifient un traitement approprié.
B.50.1. Comme il est dit en B.10.1 à B.10.3, les articles 5 et 6, attaqués, du décret du 24 juin 2022 modifient les articles 62 et 63 du décret du 15 juin 2007, en ce sens que les centres d’éducation de base et les centres d’enseignement pour adultes qui sont compétents pour enseigner les formations de la discipline néerlandais deuxième langue degrés-guides 1 et 2 sont tenus d’organiser le test NT2.
L’article 40, § 1erbis, du décret du 15 juin 2007, inséré par l’article 4 du décret du 24 juin 2022, dispose dans ce cadre que la direction d’un centre pour l’éducation de base ou d’un centre d’enseignement pour adultes peut uniquement délivrer le certificat du niveau linguistique concerné au participant qui réussit un test NT2.
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B.50.2. Les obligations précitées s’appliquent exclusivement aux centres d’éducation de base et aux centres d’enseignement pour adultes visés dans le décret du 15 juin 2007 et donc pas aux centres universitaires de langues, à savoir les centres linguistiques qui ont été créés par une université visée à l’article 4 du décret de la Communauté flamande du 4 avril 2003 « relatif à la restructuration de l’enseignement supérieur en Flandre ».
B.51. Les dispositions attaquées font ainsi naître une différence de traitement entre, d’une part, les centres d’éducation de base et les centres d’enseignement pour adultes et, d’autre part, les centres universitaires de langues.
B.52.1. Le Gouvernement flamand allègue que les centres d’éducation de base et les centres d’enseignement pour adultes ne sont pas comparables aux centres universitaires de langues, dès lors que les deux premières catégories d’établissements d’enseignement se destinent à proposer un enseignement à des personnes qui ne sont généralement pas encore titulaires d’un diplôme de l’enseignement primaire et/ou secondaire, alors que les centres universitaires de langues se destinent à proposer un enseignement aux personnes qui sont admises dans l’enseignement supérieur. Il souligne en outre que les centres universitaires de langues ne relèvent pas du champ d’application du décret du 15 juin 2007.
B.52.2. Il ne faut pas confondre différence et non-comparabilité. S’il est vrai que la différence entre le groupe-cible des centres d’éducation de base et des centres d’enseignement pour adultes, d’une part, et le groupe-cible des centres universitaires de langues, d’autre part, peut constituer un élément dans l’appréciation du caractère raisonnable et proportionné de la différence de traitement critiquée, elle ne saurait suffire pour conclure à la non-comparabilité de ces établissements d’enseignement, au risque de vider de sa substance le contrôle exercé au regard du principe d’égalité et de non-discrimination. La simple circonstance que les centres universitaires de langues ne relèvent pas du champ d’application du décret du 15 juin 2007 ne suffit pas non plus pour conclure à la non-comparabilité des établissements d’enseignement visés.
Dès lors qu’il résulte du décret du 7 juin 2013 que tous les établissements d’enseignement précités peuvent proposer des formations NT2 pour le niveau de compétences linguistiques A2
dans le cadre du parcours citoyen et qu’ils peuvent en outre tous proposer des formations à des
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personnes diplômées de l’enseignement supérieur, de sorte que leurs groupes-cibles se recoupent en partie, les catégories d’établissements d’enseignement identifiées par les parties requérantes sont suffisamment comparables au regard des mesures contenues dans les dispositions attaquées.
B.53.1. Comme il est dit en B.20.1, le législateur décrétal peut, en principe, prendre des mesures afin d’assurer la qualité et l’équivalence de l’enseignement obligatoire ou de l’enseignement qui est dispensé au moyen des deniers publics. Comme il est dit en B.20.2, l’opportunité et le choix de ces mesures sont l’affaire du législateur décrétal qui, en application de l’article 24, § 5, de la Constitution, doit régler l’organisation, la reconnaissance et le subventionnement de l’enseignement et est responsable de la politique en cette matière.
B.53.2. Comme il est constaté en B.22.2, en ce qu’elles imposent que les centres d’éducation de base et les centres d’enseignement pour adultes doivent organiser un test NT2
et qu’ils ne puissent délivrer le certificat concerné qu’au participant qui réussit ce test, les dispositions attaquées limitent la liberté d’enseignement active de ces centres, garantie par l’article 24, § 1er, de la Constitution. Comme il est dit en B.20.2, une telle restriction doit être adéquate et proportionnée aux objectifs poursuivis par le législateur décrétal.
B.53.3. Lorsque le législateur décrétal prend des mesures qui limitent la liberté d’enseignement, afin d’assurer la qualité et l’équivalence de l’enseignement, il doit donc poursuivre des objectifs légitimes et veiller à ce que les mesures prises soient adéquates et proportionnées à ces objectifs.
B.53.4. Les considérations sur la base desquelles le législateur décrétal a estimé en l’espèce que certaines mesures restreignant les libertés doivent être prises et que celles-ci sont, selon lui, adéquates et proportionnées aux objectifs qu’il poursuit ne s’appliquent pas nécessairement à toutes les catégories d’établissements d’enseignement qui proposent des formations NT2 pour le niveau de compétences linguistiques A2.
En tenant compte de ces éléments, il n’appartient pas, en l’espèce, à la Cour, mais au législateur décrétal d’apprécier s’il est souhaitable, voire nécessaire, ou non de déclarer
52
applicable à toutes les catégories d’établissements d’enseignement qui proposent des formations NT2 du niveau de compétences linguistiques A2 une mesure qui limite la liberté d’enseignement - dans le cas présentement examiné, la mesure relative à l’obligation d’organiser un test NT2 avec les conséquences qui s’y attachent pour la délivrance du certificat concerné - ou d’apprécier s’il suffit, à la lumière des objectifs qu’il poursuit, de ne déclarer cette mesure limitative de liberté applicable qu’à certains de ces établissements d’enseignement.
B.53.5. L’article 24, § 4, de la Constitution dispose que le décret prend en compte les différences objectives, notamment les caractéristiques propres à chaque pouvoir organisateur, qui justifient un traitement approprié. En l’espèce, le législateur décrétal a pu prendre en compte les différences objectives entre les centres d’éducation de base et les centres d’enseignement pour adultes, d’une part, et les centres universitaires de langues, d’autre part, notamment en ce qui concerne la nature, l’organisation et l’offre de ces établissements d’enseignement à comparer, pour juger que les mesures prises à l’égard des centres d’éducation de base et des centres d’enseignement pour adultes ne doivent pas être prises ou ne doivent pas encore être prises à l’égard des centres de langues universitaires.
B.54. Le cinquième moyen n’est pas fondé.
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Par ces motifs,
la Cour
- annule l’article 113novies, § 4bis et § 6bis, du décret de la Communauté flamande du 15 juin 2007 « relatif à l’enseignement des adultes [lire : l’enseignement pour adultes] », inséré par l’article 7, 6° et 9°, du décret flamand du 24 juin 2022 « modifiant le décret du 15 juin 2007
relatif à l’éducation des adultes [lire : l’enseignement pour adultes] et modifiant le décret du 7 juin 2013 relatif à la politique flamande d’intégration et d’insertion civique [lire : de parcours citoyen] », et l’article 11 du décret précité du 24 juin 2022;
- rejette le recours pour le surplus.
Ainsi rendu en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l’article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 20 juillet 2023.
Le greffier, Le président,
N. Dupont L. Lavrysen


Synthèse
Numéro d'arrêt : 115/2023
Date de la décision : 20/07/2023
Type d'affaire : Droit constitutionnel

Analyses

- Annulation (article 113novies, § 4bis et § 6bis, du décret de la Communauté flamande du 15 juin 2007 « relatif à l'enseignement des adultes [lire : l'enseignement pour adultes] », inséré par l'article 7, 6° et 9°, du décret flamand du 24 juin 2022, et l'article 11 du décret précité du 24 juin 2022) - Rejet du recours pour le surplus

COUR CONSTITUTIONNELLE - DROIT PUBLIC ET ADMINISTRATIF - COUR CONSTITUTIONNELLE - le recours en annulation du décret flamand du 24 juin 2022 « modifiant le décret du 15 juin 2007 relatif à l'éducation des adultes [lire : l'enseignement pour adultes] et modifiant le décret du 7 juin 2013 relatif à la politique flamande d'intégration et d'insertion civique [lire : de parcours citoyen] consécutivement à la refonte de la politique en matière d'insertion civique [lire : de parcours citoyen] », introduit par l'ASBL « Ligo, Centra voor Basiseducatie » et autres. Droit public - Communauté flamande - Enseignement pour adultes - Parcours d'intégration civique - Apprentissage du néerlandais - Test NT2 - Habilitation au Gouvernement - Certificat - Droits d'inscription


Origine de la décision
Date de l'import : 01/08/2023
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.constitutionnel;arret;2023-07-20;115.2023 ?

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