Cour constitutionnelle
Arrêt n° 113/2023
du 20 juillet 2023
Numéros du rôle : 7802 et 7805
En cause : les recours en annulation totale ou partielle du décret de la Région flamande du 22 octobre 2021 « réglementant la reconnaissance des communautés religieuses locales, les obligations des administrations du culte et le contrôle de ces obligations, et modifiant le décret du 7 mai 2004 relatif à l’organisation matérielle et au fonctionnement des cultes reconnus », introduits par l’AISBL « Association Internationale Diyanet de Belgique » et autres et par la province d’Anvers.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents L. Lavrysen et P. Nihoul, et des juges T. Giet, J. Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache, T. Detienne, D. Pieters, S. de Bethune, E. Bribosia, W. Verrijdt et K. Jadin, assistée du greffier N. Dupont, présidée par le président L. Lavrysen,
après en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant :
I. Objet des recours et procédure
a. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 13 mai 2022 et parvenue au greffe le 16 mai 2022, un recours en annulation du décret de la Région flamande du 22 octobre 2021 « réglementant la reconnaissance des communautés religieuses locales, les obligations des administrations du culte et le contrôle de ces obligations, et modifiant le décret du 7 mai 2004 relatif à l’organisation matérielle et au fonctionnement des cultes reconnus »
(publié au Moniteur belge du 16 novembre 2021) a été introduit par l’AISBL « Association Internationale Diyanet de Belgique », l’ASBL « L’Association musulmane culturelle albanaise de Belgique », l’ASBL « Fédération Islamique de Belgique » et l’ASBL « Rassemblement des Musulmans de Belgique », assistées et représentées par Me K. Bilge, avocat au barreau de Bruxelles.
b. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 13 mai 2022 et parvenue au greffe le 17 mai 2022, la province d’Anvers, assistée et représentée par Me S. Vernaillen, avocat au barreau d’Anvers, a introduit un recours en annulation de l’article 67 et en annulation partielle des articles 18 et 47 du même décret.
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Ces affaires, inscrites sous les numéros 7802 et 7805 du rôle de la Cour, ont été jointes.
Des mémoires ont été introduits par :
- le Conseil des ministres, assisté et représenté par Me E. Jacubowitz et Me D. Daniels, avocats au barreau de Bruxelles (dans l’affaire n° 7802);
- le Gouvernement flamand, assisté et représenté par Me B. Martel et Me K. Caluwaert, avocats au barreau de Bruxelles (dans les deux affaires).
Les parties requérantes ont introduit des mémoires en réponse.
Le Gouvernement flamand a également introduit un mémoire en réplique.
Par ordonnance du 26 avril 2023, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteurs W. Verrijdt et T. Detienne, a décidé que les affaires étaient en état, qu’aucune audience ne serait tenue, à moins qu’une partie n’ait demandé, dans le délai de sept jours suivant la réception de la notification de cette ordonnance, à être entendue, et qu’en l’absence d’une telle demande, les débats seraient clos le 17 mai 2023 et les affaires mises en délibéré.
À la suite de la demande des parties requérantes dans l’affaire n° 7802 à être entendues, la Cour, par ordonnance du 17 mai 2023, a fixé l’audience au 7 juin 2023.
À l’audience publique du 7 juin 2023 :
- ont comparu :
. Me K. Bilge et Me V. Woronoff, avocat au barreau de Bruxelles, pour les parties requérantes dans l’affaire n° 7802;
. Me S. Vernaillen, pour la partie requérante dans l’affaire n° 7805;
. Me E. Jacubowitz, pour le Conseil des ministres;
. Me B. Martel et Me K. Caluwaert, pour le Gouvernement flamand;
- les juges-rapporteurs W. Verrijdt et T. Detienne ont fait rapport;
- les avocats précités ont été entendus;
- les affaires ont été mises en délibéré.
Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives à la procédure et à l’emploi des langues ont été appliquées.
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II. En droit
-A-
Quant au moyen unique dans l’affaire n° 7802
A.1. Les parties requérantes dans l’affaire n° 7802 prennent un moyen unique de la violation, par le décret attaqué, de l’article 6, § 1er, VIII, alinéa 1er, 6°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, des articles 10, 11, 19, 21, 22 et 27 de la Constitution, des articles 8, 9 et 11 de la Convention européenne des droits de l’homme, de l’article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et des articles 10 et 22 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Le moyen est subdivisé en cinq branches.
En ce qui concerne la première branche
A.2.1. Dans la première branche du moyen unique, les parties requérantes dans l’affaire n° 7802 soutiennent tout d’abord, en renvoyant aux avis de la section de législation du Conseil d’État nos 38.491/3 du 14 juin 2005 et 69.114/3 du 17 mai 2021, que les critères de reconnaissance qui sont énoncés à l’article 7, 3°, 8° et 9°, du décret attaqué et les obligations des administrations du culte qui sont contenues dans l’article 16, 7° et 8°, et dans l’article 17, § 1er, du décret attaqué ne relèvent pas de la compétence de la Région flamande.
Elles font valoir que, conformément à l’article 6, § 1er, VIII, alinéa 1er, 6°, de la loi spéciale du 8 août 1980
de réformes institutionnelles, la Région flamande est compétente pour les fabriques d’églises et les établissements chargés de la gestion du temporel des cultes reconnus, à l’exception de la reconnaissance des cultes et des traitements et pensions des ministres des cultes. Selon elles, la Région flamande n’est donc pas compétente pour imposer des obligations directement aux ministres du culte, en particulier en ce qui concerne le traitement de ces derniers. Elles estiment que les conditions contenues dans les dispositions précitées du décret attaqué selon lesquelles les ministres du culte et leurs suppléants ne peuvent pas être rémunérés par une autorité étrangère et doivent, le cas échéant, satisfaire à l’obligation d’intégration civique échappent donc à la compétence de la Région flamande.
A.2.2. Ensuite, les parties requérantes dans l’affaire n° 7802 soutiennent que les conditions de reconnaissance et l’interdiction de financement et de soutien étrangers violent la liberté de culte. Elles font valoir qu’il n’existe aucun rapport entre, d’une part, l’objectif poursuivi par le décret attaqué, à savoir lutter contre le radicalisme et contre la transmission de messages radicaux via des lieux de culte, et, d’autre part, la gestion du temporel des cultes. Elles estiment en effet que le temporel des cultes n’a aucune influence sur les messages qui sont diffusés lors des célébrations. Elles considèrent en outre que l’ingérence est disproportionnée. La justification donnée dans les travaux préparatoires selon laquelle la reconnaissance est facultative et seuls les financements ou soutiens étrangers qui affectent l’indépendance de la communauté religieuse locale sont interdits ne saurait être suivie, selon elles. Premièrement, il existe effectivement une obligation factuelle pour les communautés religieuses musulmanes locales de se faire reconnaître. En effet, les ministres des cultes musulmans sont toujours des personnes d’origine étrangère, formées à l’étranger, qui ont besoin d’une autorisation de séjour pour pouvoir exercer leur fonction. Une telle autorisation ne leur est délivrée que si ces personnes officient dans une mosquée reconnue. Deuxièmement, on n’aperçoit pas clairement à partir de quand un financement ou un soutien porterait atteinte à l’indépendance, de sorte que l’autorité peut prendre des décisions arbitraires.
A.3.1. Le Gouvernement flamand soulève tout d’abord l’irrecevabilité de la première branche du moyen unique dans l’affaire n° 7802 à défaut de griefs ou d’exposé, en ce qu’elle comporterait, d’une part, une critique fondée sur la répartition des compétences, dirigée contre les obligations respectives de la communauté religieuse locale qui demande la reconnaissance ou de l’administration du culte qui consistent à ne recevoir ni directement ni indirectement un financement ou un soutien étranger qui affecte leur indépendance, et, d’autre part, une critique fondée sur la liberté de culte, dirigée contre l’interdiction de recevoir un financement ou un soutien lié directement ou indirectement au terrorisme, à l’espionnage ou à l’ingérence clandestine. Selon lui, le moyen est également irrecevable en ce qu’il est pris de la violation des articles 10 et 22 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, étant donné que les parties requérantes dans l’affaire n° 7802 ne démontrent pas l’existence d’un point de rattachement entre leur situation et la mise en œuvre du droit de l’Union européenne.
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A.3.2. Le Gouvernement flamand fait ensuite valoir que la Région flamande est, en vertu de sa compétence concernant le temporel des cultes, effectivement compétente pour imposer qu’une communauté religieuse locale qui demande la reconnaissance ou l’administration du culte puisse uniquement avoir des ministres du culte et suppléants qui satisfont à l’obligation d’intégration civique et qui ne sont rémunérés ni directement ni indirectement par une autorité étrangère.
En ce qui concerne l’interdiction pour la communauté religieuse locale qui demande la reconnaissance et pour l’administration du culte d’avoir des ministres du culte ou des suppléants qui ne satisfont pas l’obligation d’intégration civique, le Gouvernement flamand observe que le but ici n’est pas d’imposer une obligation directe aux ministres des cultes. Il s’agit en revanche d’une condition de reconnaissance qui est en rapport avec la compétence régionale relative au temporel des cultes, laquelle comprend le pouvoir de reconnaître les institutions chargées de la gestion des biens temporels des cultes et, partant, de définir les conditions d’une telle reconnaissance. L’obligation d’intégration civique proprement dite n’est pas imposée par le décret attaqué. La question de savoir si cette condition vise aussi indirectement à contribuer à la concrétisation des objectifs en matière d’intégration et d’intégration civique (susceptibles d’être) aussi poursuivis par d’autres autorités n’est pas pertinente, selon le Gouvernement flamand. Pour déterminer si une norme relève de la sphère de compétence d’une autorité, il faut en effet examiner en premier lieu la nature et l’objet de la matière réglée plutôt que sa finalité ou ses objectifs. Selon lui, une éventuelle incidence de la mesure sur la prétendue compétence fédérale résiduelle concernant le statut du ministre du culte n’aurait nullement pour conséquence que la Région flamande n’aurait pas le pouvoir d’agir.
En ce qui concerne l’obligation pour la communauté religieuse locale qui demande la reconnaissance et pour l’administration du culte de ne pas avoir des ministres du culte ou des suppléants qui sont rémunérés directement ou indirectement par une autorité étrangère, le Gouvernement flamand observe également qu’il s’agit d’une condition de reconnaissance qui relève des compétences des régions. Selon lui, cette mesure ne vise nullement à imposer des obligations aux ministres des cultes. Selon lui, il ne peut donc en aucun cas s’agir d’une mesure relevant de la compétence fédérale relative aux traitements et pensions des ministres des cultes. Il estime que cette dernière compétence concerne d’ailleurs uniquement les traitements et pensions qui sont à charge de l’autorité fédérale en vertu de l’article 181, § 1er, de la Constitution.
En ordre subsidiaire, le Gouvernement flamand fait valoir que les conditions attaquées seraient aussi admissibles si le point de vue de la section de législation du Conseil d’État était suivi. Selon lui, ces conditions sont en effet pertinentes et nécessaires pour garantir la bonne gestion du temporel des cultes. Le ministre du culte est en effet une figure clé et d’autorité au sein de la communauté religieuse, qui exerce une influence non seulement sur l’exercice du culte, mais aussi sur l’organisation et le fonctionnement de la communauté religieuse locale et, en cas de reconnaissance, sur l’administration du culte. Pour le Gouvernement flamand, la condition selon laquelle le ministre du culte ne peut pas être rémunéré par une autorité étrangère n’est en outre rien de plus qu’une spécification de l’interdiction qualifiée de financement étranger de la communauté religieuse locale et de l’administration du culte, à l’égard de laquelle la section de législation du Conseil d’État n’a formulé aucune remarque au regard de la répartition des compétences.
En ordre tout à fait subsidiaire, le Gouvernement flamand ajoute encore que la Région flamande est à tout le moins compétente pour prendre des mesures relatives aux ministres des cultes en leur qualité de membre d’office des organes d’administration de l’institution religieuse. Il estime que les dispositions attaquées ne peuvent donc en aucun cas être totalement annulées. Tout au plus pourraient-elles être annulées en ce qu’elles sont applicables aux ministres du culte qui ne feraient pas partie de l’organe d’administration (provisoire) du culte.
A.3.3. Le Gouvernement flamand estime par ailleurs que l’interdiction de recevoir directement ou indirectement un financement ou un soutien étranger si celui-ci affecte l’indépendance de la communauté religieuse locale qui demande la reconnaissance ou de l’administration du culte ne viole pas la liberté de religion et de culte. Le Gouvernement flamand souligne que l’interdiction est prévue par une disposition législative, qu’elle poursuit un objectif légitime, à savoir la protection de l’ordre public et des droits et libertés d’autrui, et qu’elle est nécessaire dans une société démocratique.
En ce qui concerne ce dernier point, le Gouvernement flamand renvoie tout d’abord à la justification contenue dans les travaux préparatoires. Selon lui, cette justification est bien plus large que ce que les parties requérantes veulent le faire paraître. Il ajoute que les parties requérantes ne démontrent nullement que les imams sont toujours d’origine étrangère, dès lors que des Belges ou des étrangers disposant d’un droit de séjour en Belgique peuvent
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suivre une formation à l’étranger, que la pratique fédérale concernant la délivrance d’autorisations de séjour n’est pas pertinente, que le fait que les communautés religieuses locales ne puissent jamais être contraintes de se faire reconnaître est bel et bien pertinent, et que le décret attaqué explicite suffisamment à partir de quand un financement ou un soutien étranger affecte l’indépendance.
A.4. Le Conseil des ministres fait valoir que les critiques fondées sur la répartition des compétences ne sont pas fondées. Il souligne que les régions sont, en vertu de leur compétence relative aux fabriques d’églises et aux établissements chargés de la gestion du temporel des cultes reconnus, compétentes pour l’organisation administrative, budgétaire et comptable des établissements chargés de la gestion des biens et des revenus des cultes reconnus. Selon lui, elles sont compétentes pour reconnaître les communautés religieuses locales et pour régler leur financement.
De l’avis du Conseil des ministres, les conditions attaquées s’inscrivent dans le cadre de cette compétence.
La condition relative au financement et au soutien étrangers de la communauté religieuse locale ou de l’administration du culte touche directement à l’organisation budgétaire et comptable. Les conditions relatives à la rémunération étrangère et à l’obligation d’intégration civique des ministres du culte concernent la gestion du temporel, étant donné que les ministres du culte sont au sein de la communauté religieuse des figures clé et d’autorité qui exercent une influence sur l’organisation de la communauté religieuse locale. En ce qui concerne ces conditions, le Conseil des ministres observe encore qu’une éventuelle rémunération étrangère ne touche pas à la compétence fédérale relative aux traitements et pensions des ministres des cultes reconnus et que l’obligation d’intégration civique ne découle pas du décret attaqué.
En ce qui concerne la deuxième branche
A.5. Dans la deuxième branche du moyen unique, les parties requérantes dans l’affaire n° 7802 soutiennent que les obligations imposées par les articles 7, 5°, et 16, 3°, du décret attaqué aux membres de l’organe d’administration (provisoire) violent la liberté de culte. Elles estiment qu’un rôle disproportionné de contrôle social est confié à l’organe d’administration (provisoire). Le décret attaqué exige non seulement que l’organe d’administration s’engage à déployer les efforts nécessaires pour éviter que la communauté religieuse locale soit associée à des propos ou à des actes contraires à la Constitution, à la Convention européenne des droits de l’homme ou à la législation applicable, une exigence déjà validée par la Cour par son arrêt n° 203/2019 du 19 décembre 2019 (ECLI:BE:GHCC:2019:ARR.203), mais aussi que l’organe d’administration fasse tous les efforts raisonnables pour bannir de ses locaux toute personne qui ne satisfait pas à ces exigences.
A.6.1. Le Gouvernement flamand soulève l’irrecevabilité de la deuxième branche du moyen unique dans l’affaire n° 7802, à défaut de griefs ou d’exposé, en ce qu’elle critiquerait également les obligations contenues dans l’article 7, 5°, a), d) et e), et dans l’article 16, 3°, a), d) et e).
A.6.2. Quant au fond, le Gouvernement flamand fait valoir que les obligations attaquées ne violent pas la liberté de culte. Selon lui, il ne s’agit que d’obligations de moyens dont la portée est limitée. L’organe d’administration (provisoire) est uniquement tenu de faire des efforts raisonnables pour exclure de l’organisation, du fonctionnement et des locaux et lieux utilisés les personnes qui incitent à la discrimination, à la haine ou à la violence. En outre, il n’est tenu de le faire que lorsque les actes interdits sont effectués dans les locaux et lieux utilisés par la communauté religieuse locale.
Selon le Gouvernement flamand, le décret attaqué va ainsi moins loin que la réglementation wallonne que la Cour a jugée constitutionnelle par son arrêt n° 203/2019, précité. Le Gouvernement wallon vise en effet les mots et actes contraires à la Constitution et à la Convention européenne des droits de l’homme et exige que les efforts nécessaires soient déployés pour que la communauté religieuse locale ne soit pas associée à de tels mots et actes.
En ce qui concerne la troisième branche
A.7. Dans la troisième branche du moyen unique, les parties requérantes dans l’affaire n° 7802 font valoir que les articles 8 à 15 du décret attaqué prévoient des conditions de reconnaissance particulièrement strictes, qui violent la liberté de culte et la liberté d’association. Elles critiquent en particulier la période d’attente minimum de quatre ans prévue par le décret attaqué. Selon elles, cette période d’attente dépasse ce qui est prévu dans la
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réglementation wallonne, et elle produirait des effets disproportionnés à l’égard de la religion musulmane. Elles rappellent que tous les imams sont des étrangers qui ont besoin d’une autorisation de séjour pour pouvoir officier en Belgique et que le Gouvernement fédéral n’octroie une autorisation de séjour que s’il s’agit d’une mosquée reconnue. Dès lors que la même problématique ne touche pas les ministres d’autres cultes, il y a aussi, selon elles, violation des articles 10 et 11 de la Constitution.
A.8. Le Gouvernement flamand soutient que les conditions de reconnaissance fixées aux articles 8 à 15 du décret attaqué, et plus spécifiquement la période d’attente, ne violent pas la liberté de culte ni la liberté d’association. En ordre principal, il fait valoir que la période d’attente ne constitue pas une ingérence dans la liberté de religion et d’association. Il est en effet toujours loisible aux communautés religieuses locales de s’associer sous la forme d’une association sans but lucratif de droit privé.
En ordre subsidiaire, le Gouvernement flamand estime qu’il s’agit d’une ingérence justifiée. Il souligne que la période d’attente a été instaurée par décret et qu’elle poursuit un objectif légitime. Elle protège en effet l’ordre public et la sécurité publique en permettant un screening et un contrôle approfondis des obligations liées à la reconnaissance, en donnant à tous les acteurs le temps d’émettre un avis éclairé et en prévoyant le temps nécessaire à l’établissement d’une relation constructive. Il ajoute qu’une période d’attente de quatre ans est également nécessaire dans une société démocratique. Une telle période est requise pour pouvoir observer la communauté religieuse locale afin que toute la clarté soit faite sur ses intentions. Dès lors que les communautés religieuses locales ne sont jamais tenues de demander une reconnaissance, cette mesure n’est pas non plus disproportionnée, estime-t-il. Selon le Gouvernement flamand, le contraire ne ressort pas non plus de l’arrêt de la Cour n° 203/2019, précité. Le fait qu’une période d’attente de minimum trois ans soit raisonnablement justifiée ne permet pas de déduire qu’une période d’attente de quatre ans serait excessive.
Le Gouvernement flamand ajoute enfin qu’il est inexact en fait d’affirmer qu’il n’y a pas d’imams de nationalité belge, que l’absence d’une formation d’imam en Belgique est uniquement imputable à l’organe représentatif de la communauté musulmane et des parties requérantes et que les griefs sont en réalité dirigés contre la pratique fédérale.
En ce qui concerne la quatrième branche
A.9.1. Dans la quatrième branche du moyen unique, les parties requérantes dans l’affaire n° 7802 font valoir, tout d’abord, que les articles 18 à 27 du décret attaqué violent les règles répartitrices de compétences. Elles estiment que la constitution, prévue par ces dispositions, d’un nouveau service flamand d’information et de screening porte atteinte à la compétence fédérale résiduelle en matière d’affaires intérieures et de justice. Selon elles, les missions de ce nouveau service relèvent absolument toutes des missions confiées à la Sûreté de l’État par la loi du 30 novembre 1998 « organique des services de renseignement et de sécurité » (ci-après : la loi du 30 novembre 1998).
A.9.2. Les parties requérantes dans l’affaire n° 7802 soutiennent ensuite que ces dispositions du décret attaqué violent la liberté de culte et le droit au respect de la vie privée. Les compétences du nouveau service flamand d’information et de screening vont, selon elles, au-delà de ce qui est nécessaire. Elles estiment que les agents de ce nouveau service sont investis de pouvoirs comparables à ceux du juge d’instruction dans le domicile du prévenu. Elles ajoutent que les agents du nouveau service peuvent effectuer des contrôles d’identité sans la moindre restriction.
A.9.3. Enfin, les parties requérantes font valoir que les dispositions précitées violent les articles 10 et 11 de la Constitution, parce que les communautés religieuses locales sont traitées moins favorablement que les autres justiciables, dont le domicile ne peut faire l’objet d’une perquisition qu’après l’intervention du juge d’instruction et que s’ils sont suspectés d’avoir commis une infraction.
A.10.1. En ce qui concerne la critique fondée sur la répartition des compétences, le Gouvernement flamand fait valoir que les dispositions attaquées ne touchent pas aux missions que le législateur fédéral a confiées à la Sûreté de l’État par la loi, précitée, du 30 novembre 1998. De plus, il résulte, selon lui, des avis de la section de législation du Conseil d’État que les communautés et les régions aussi peuvent faire valoir des compétences sécuritaires (préventives) dans le cadre de leurs propres compétences matérielles.
A.10.2. En ce qui concerne la prétendue violation de la liberté de culte et du droit au respect de la vie privée, le Gouvernement flamand observe tout d’abord que les griefs des parties requérantes sont dirigés uniquement
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contre les articles 20, 21, 1° à 3°, 22 et 23 du décret attaqué. En ce qu’elle est également dirigée contre d’autres dispositions, cette branche est irrecevable, selon lui.
Le Gouvernement flamand fait ensuite valoir que la liberté de culte et le droit au respect de la vie privée ne sont pas violés. Selon lui, la réglementation attaquée ne produit pas des effets disproportionnés, dès lors que le législateur décrétal a prévu les garanties nécessaires. Premièrement, les compétences résultant des articles 20 à 27, § 1er, du décret attaqué ne peuvent être exercées que dans des situations spécifiques. Deuxièmement, l’exercice de ces compétences doit toujours être approprié et nécessaire aux fins du contrôle. Selon lui, toutes les compétences sont aussi nécessaires pour pouvoir contrôler le respect des conditions de reconnaissance.
A.11. Le Conseil des ministres confirme que la Région flamande est compétente en ce qui concerne la réglementation attaquée. Il fait valoir que ce n’est pas un nouveau service flamand de renseignement qui est constitué, mais un organe qui doit veiller au respect des conditions prévues par le décret attaqué. Selon le Conseil des ministres, ceci ne porte pas atteinte aux compétences de l’autorité fédérale.
En ce qui concerne la cinquième branche
A.12. Dans la cinquième branche, les parties requérantes dans l’affaire n° 7802 soutiennent que le décret attaqué discrimine les cultes musulmans. Elles soulignent à nouveau que le décret attaqué a des conséquences spécifiques pour les cultes musulmans, en ce que les ministres de ces cultes sont toujours des personnes d’origine étrangère, formées à l’étranger, qui ont besoin d’une autorisation de séjour pour exercer leur fonction. Selon elles, une autorisation de séjour n’est délivrée par le Gouvernement fédéral que si ces personnes sont amenées à officier dans une mosquée reconnue. Compte tenu de la période d’attente de quatre ans, ceci a pour conséquence, selon les parties requérantes, qu’une mosquée qui peut introduire une demande de reconnaissance ne peut recruter aucun imam pendant au moins quatre ans et ne peut même pas demander la prolongation de l’autorisation de séjour de son imam en service. Dès lors que la Région flamande était au courant de cette pratique, elle aurait dû en tenir compte.
A.13. Le Gouvernement flamand estime que le moyen manque en fait. Selon lui, les parties requérantes ne démontrent pas que tous les imams sont d’origine étrangère. Il estime qu’il est parfaitement possible qu’une personne de nationalité belge suive une formation d’imam à l’étranger. En outre, certains imams disposent déjà d’un droit de séjour permanent ou d’un statut de résident de longue durée.
Il relève par ailleurs que le traitement discriminatoire, pour autant qu’il existe, résulterait de la pratique fédérale et non du décret attaqué. Selon lui, la Cour a déjà jugé en ce sens par son arrêt n° 203/2019.
Quant au moyen unique dans l’affaire n° 7805
A.14. La partie requérante dans l’affaire n° 7805 prend un moyen unique de la violation, par les articles 18, alinéa 1er, 2°, 47, § 2, 7°, et § 3, 7°, et 67 du décret attaqué, des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec les principes de la sécurité juridique et de la confiance légitime. Les dispositions attaquées portent sur la procédure de reconnaissance abrégée pour les demandes présentées avant le 1er juillet 2019.
La partie requérante dans l’affaire n° 7805 expose que le législateur décrétal vise à aligner au maximum les règles existantes sur les recommandations issues de l’étude Torfs. Une des recommandations qui découle de cette étude est de prévoir une période d’essai suffisamment longue pour qu’un lien de confiance puisse être constitué et pour qu’il puisse être vérifié que la communauté religieuse locale remplit les conditions. L’étude recommande aussi de prévoir une procédure de reconnaissance uniforme pour toutes les communautés religieuses non encore reconnues. Selon la partie requérante, la procédure de reconnaissance abrégée pour les demandes introduites avant le 1er juillet 2019 porte une atteinte illicite à cette uniformité. Elle estime qu’est ainsi créée entre deux catégories de communautés religieuses locales en demande de reconnaissance une différence de traitement qui ne repose pas sur un critère objectif et pertinent et qui n’est pas raisonnablement justifiée.
La question de savoir si la demande a été présentée avant ou après le 1er juillet 2019 n’est, selon la partie requérante, pas un critère de distinction objectif et pertinent. Elle n’aperçoit pas clairement en quoi cette date permettrait de déterminer précisément quelles sont les communautés religieuses locales en demande de reconnaissance qui peuvent prétendre à la procédure de reconnaissance abrégée ni en quoi cette date permettrait d’éviter que des communautés religieuses locales qui demandent la reconnaissance présentent une demande de
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reconnaissance dans le seul but de contourner la période d’attente. Le choix du 1er juillet 2019 comme date butoir n’est pas justifié.
Par ailleurs, la partie requérante estime que les attentes légitimes des personnes qui présentent une demande ne justifient pas non plus raisonnablement la différence de traitement. La présentation d’une demande ne donne pas droit à la reconnaissance et ne donne pas lieu non plus à des attentes légitimes. En effet, même avant le 1er juillet 2019, la demande devait remplir plusieurs conditions. Le fait que la demande présentée avant le 1er juillet 2019 n’a pas encore été finalisée montre justement, selon elle, que celle-ci suscite des débats et un examen plus approfondi. En outre, dit-elle, les communautés religieuses locales étaient également au courant du gel des demandes de reconnaissance entre avril 2017 et l’entrée en vigueur du décret attaqué. En tout état de cause, la procédure de reconnaissance abrégée porte atteinte, selon elle, aux intérêts des autorités de financement, étant donné qu’il n’est pas à exclure que celles-ci doivent combler les déficits des communautés religieuses locales qui n’auraient jamais été reconnues sur la base de la procédure de reconnaissance ordinaire, et donc à l’issue d’un screening approfondi.
La partie requérante dans l’affaire n° 7805 estime par ailleurs que la procédure de reconnaissance abrégée pose aussi problème pour une autre raison. Il s’agit, selon elle, non pas d’un véritable régime transitoire, étant donné que ce régime ne dit rien sur les anciens critères de reconnaissance, mais bien d’une procédure de reconnaissance distincte dans les contours de la nouvelle réglementation. Elle estime que la procédure de reconnaissance abrégée ne repose donc pas sur un critère de distinction objectif et pertinent. Cette procédure ne fait en effet pas de distinction entre les personnes qui se trouvent dans des situations juridiques relevant du champ d’application de la réglementation abrogée et les personnes qui relèvent du champ d’application de la nouvelle réglementation.
La partie requérante observe enfin que la réglementation est contraire aux principes de la sécurité juridique et de la confiance légitime. Les autorités consultatives et de financement n’ont, selon elle, pas eu la possibilité de se préparer à la procédure abrégée et aux conséquences importantes, le plus souvent financières, que cette procédure entraînera. Le fait que l’obligation de combler les déficits financiers découle du décret du 7 mai 2004
« relatif à l’organisation matérielle et au fonctionnement des cultes reconnus » (ci-après : le décret du 7 mai 2004)
n’y change rien, estime-t-elle. Selon elle, il n’est pas utile non plus d’évoquer la simple attente que, même en l’absence de régime transitoire, de nouvelles demandes seraient introduites avec les mêmes conséquences, dès lors que la période d’attente est applicable aux nouvelles demandes.
A.15. Le Gouvernement flamand estime que le moyen unique dans l’affaire n° 7805 n’est pas fondé. Il souligne tout d’abord que le régime transitoire ne doit pas nécessairement consister en l’application de l’ancienne réglementation. Le législateur décrétal peut aussi créer un régime sui generis.
Il fait valoir ensuite que le régime transitoire poursuit deux objectifs légitimes. Premièrement, le législateur décrétal veut garantir les principes de la sécurité juridique et de la confiance légitime en respectant la confiance légitime des communautés religieuses locales quant à un traitement rapide de leur demande de reconnaissance en attente depuis des années. Deuxièmement, le législateur décrétal veut éviter que des communautés religieuses locales présentent une demande avant l’entrée en vigueur du décret afin d’échapper à la période d’attente. Dans le même temps, le législateur décrétal veut également, selon le Gouvernement flamand, poursuivre pleinement les objectifs généraux du décret attaqué.
Selon lui, la différence de traitement repose sur un critère objectif, à savoir la date de présentation de la demande, critère qui est également pertinent pour atteindre les objectifs poursuivis. La date se situe en effet entre le gel des reconnaissances dans l’attente d’une réglementation adaptée et la date d’entrée en vigueur du décret attaqué, de sorte que seules les communautés religieuses locales qui attendent depuis au moins deux ans et demi peuvent bénéficier de la procédure abrégée. Cette dernière n’est donc pas applicable aux communautés religieuses locales qui ont rapidement présenté une demande à la suite du projet de décret. Par ailleurs, le Gouvernement flamand estime que la procédure abrégée comporte des garanties suffisantes en ce qui concerne l’examen de la demande, de sorte qu’elle est également pertinente au regard des objectifs généraux du décret attaqué.
De plus, le régime transitoire est, selon lui, raisonnablement justifié. Les communautés religieuses locales qui ont présenté leur demande avant le 1er juillet 2019 s’attendent à tout le moins légitimement à ce que leur demande soit traitée dans un délai raisonnable après l’entrée en vigueur du décret attaqué. Elles attendent en effet déjà depuis longtemps, parfois depuis plus longtemps que la période d’attente de quatre ans. Les faire attendre encore davantage pourrait même être contraire à l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme.
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Selon le Gouvernement flamand, le régime transitoire ne produit pas non plus des effets disproportionnés au regard des principes de la sécurité juridique et de la confiance légitime. La procédure abrégée ne contraint absolument pas l’autorité de financement à se prononcer immédiatement sur toutes les demandes présentées avant le 1er juillet 2019. La procédure abrégée exige en effet que l’organe représentatif présente d’abord, dans un délai d’un an à compter de l’entrée en vigueur du décret attaqué, une demande actualisée, à la suite de quoi, si la demande est recevable, le Gouvernement flamand notifie celle-ci dans les trente jours, entre autres, à l’autorité de financement pour qu’elle rende un avis dans les quatre mois. L’autorité de financement aurait en tout état de cause dû émettre cet avis, même s’il n’y avait pas eu de régime transitoire, dès lors qu’une nouvelle demande aurait sans doute été présentée dans ce cas. Le Gouvernement flamand souligne par ailleurs que les conséquences financières d’une reconnaissance découlent non pas du décret attaqué, mais du décret du 7 mai 2004. Le décret attaqué ne fait que renforcer les conditions et la procédure de reconnaissance, y compris lorsque la procédure abrégée est appliquée.
-B-
Quant au décret attaqué et à son contexte
B.1. Les parties requérantes demandent l’annulation totale ou partielle du décret de la Région flamande du 22 octobre 2021 « réglementant la reconnaissance des communautés religieuses locales, les obligations des administrations du culte et le contrôle de ces obligations, et modifiant le décret du 7 mai 2004 relatif à l’organisation matérielle et au fonctionnement des cultes reconnus » (ci-après : le décret attaqué).
Le décret attaqué introduit un nouveau cadre de reconnaissance, de contrôle et de sanction pour les communautés religieuses locales, qui remplace l’ancienne réglementation contenue dans le décret de la Communauté flamande du 7 mai 2004 « relatif à l’organisation matérielle et au fonctionnement des cultes reconnus » (ci-après : le décret du 7 mai 2004) et dans l’arrêté du Gouvernement flamand du 30 septembre 2005 « établissant les critères d’agrément des communautés d’églises et religieuses locales des cultes reconnus » (ci-après : l’arrêté du 30 septembre 2005). Selon le législateur décrétal, une actualisation de ces cadres était nécessaire. Il estimait en outre que « les informations nécessaires pour pouvoir évaluer les dossiers de reconnaissance et de sanction s’avéraient parfois insuffisamment disponibles »
(Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 854/1, p. 6).
Le décret attaqué comporte neuf chapitres. Le chapitre 1er contient les dispositions introductives. Les chapitres 2, 3, 4, 5 et 6 déterminent successivement les critères et la procédure de reconnaissance, les obligations des administrations du culte, la mission et les compétences de l’instance compétente, la procédure de sanction et les sanctions, et la procédure
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et les effets de plusieurs modifications de reconnaissances, ainsi que l’annulation de la reconnaissance des églises-annexes ou des chapellenies. Le chapitre 7 règle le traitement des données à caractère personnel et le chapitre 8 contient les modifications apportées au décret du 7 mai 2004. Enfin, le chapitre 9 contient les dispositions finales, parmi lesquelles quelques dispositions transitoires.
Le décret attaqué est entré en vigueur le 16 novembre 2021.
Quant à la recevabilité
B.2. Le moyen unique dans l’affaire n° 7802 est pris de la violation, par le décret attaqué, de l’article 6, § 1er, VIII, alinéa 1er, 6°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, des articles 10, 11, 19, 21, 22 et 27 de la Constitution, des articles 8, 9 et 11
de la Convention européenne des droits de l’homme, de l’article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et des articles 10 et 22 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Le moyen est subdivisé en cinq branches.
B.3. Le Gouvernement flamand fait valoir, en ce qui concerne plusieurs branches du moyen unique dans l’affaire n° 7802, que les parties requérantes ne développent pas des griefs contre toutes les dispositions ou parties de ces dispositions attaquées dans cette branche du moyen unique et qu’elles n’exposent pas toujours en quoi ces dispositions ou parties de dispositions violent les normes de référence mentionnées dans les branches concernées du moyen unique.
B.4.1. Pour satisfaire aux exigences de l’article 6 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, les moyens de la requête doivent faire connaître, parmi les règles dont la Cour garantit le respect, celles qui seraient violées ainsi que les dispositions qui violeraient ces règles, et exposer en quoi ces règles auraient été transgressées par ces dispositions.
B.4.2. Il ressort de l’exposé, développé dans la requête, du moyen unique dans l’affaire n° 7802 que :
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- dans la première branche du moyen unique, des griefs ne sont formulés que contre l’article 7, 3°, première phrase, 8° et 9°, contre l’article 16, 7° et 8°, et contre l’article 17, § 1er, première phrase, du décret attaqué, étant entendu qu’aucune critique fondée sur la répartition des compétences n’est formulée en ce qui concerne l’article 7, 3°, première phrase, et l’article 17, § 1er, première phrase, et qu’aucune critique fondée sur la liberté de religion et de culte n’est formulée en ce qui concerne l’article 7, 8°, et l’article 16, 7°, de ce décret;
- dans la deuxième branche, des griefs ne sont formulés que contre les articles 7, 5°, b) et c), et 16, 3°, b) et c), du même décret;
- dans les troisième et cinquième branches, des griefs ne sont formulés que contre les articles 10 et 14, § 3, du même décret;
- et, dans la quatrième branche, des griefs ne sont formulés que contre les articles 18 à 27
du même décret, étant entendu que seule la critique fondée sur la répartition des compétences porte sur toutes ces dispositions. La critique fondée sur la liberté de religion et de culte, sur le droit au respect de la vie privée et sur le principe d’égalité et de non-discrimination porte uniquement sur les articles 20, 21, alinéa 1er, 1° à 3°, 22 et 23.
Partant, le recours en annulation dans l’affaire n° 7802 n’est recevable que dans cette mesure.
B.5.1. Le Gouvernement flamand fait également valoir que la première branche du moyen unique dans l’affaire n° 7802 est irrecevable, en ce qu’elle repose sur une violation des articles 10 et 22 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
B.5.2. Étant donné que les parties requérantes ne démontrent aucun lien de rattachement entre leur situation et la mise en œuvre du droit de l’Union, le moyen unique, et non donc la seule première branche de ce moyen, est irrecevable en ce qu’il est pris de la violation de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
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Quant au moyen unique dans l’affaire n° 7802
B.6. Les dispositions attaquées et les dispositions qui y sont indissociablement liées sont libellées comme suit :
« CHAPITRE 2. - Reconnaissance des communautés religieuses locales
Section 1re. - Critères de reconnaissance
Art. 7. Une communauté religieuse locale peut être reconnue si elle répond à tous les critères suivants :
1° elle a une structure juridique adaptée au statut public demandé, sur laquelle il y a transparence;
2° elle est financièrement viable et offre la transparence à cet égard;
3° elle ne reçoit, directement ou indirectement, aucun financement ou soutien étranger si ce financement ou ce soutien affecte son indépendance. Elle ne reçoit aucun financement ou soutien lié directement ou indirectement au terrorisme, à l’extrémisme, à l’espionnage ou à l’ingérence clandestine;
4° elle démontre la pertinence sociale de la communauté religieuse locale sur la base des éléments suivants :
a) la confirmation par l’organe représentatif que la communauté religieuse locale compte au moins deux cents membres dans la circonscription territoriale;
b) le respect des conditions matérielles permettant l’exercice du culte et le maintien de sa dignité;
c) l’entretien et la préservation des bâtiments destinés à l’exercice du culte;
d) l’entretien de contacts durables avec l’autorité locale de la commune où sont situés les bâtiments destinés à l’exercice du culte;
e) le respect du principe de bon voisinage et l’entretien de contacts durables avec la communauté locale où sont situés les bâtiments destinés à l’exercice du culte;
5° sauf cas fortuit de force majeure, les membres de l’organe d’administration provisoire respectent toutes les obligations suivantes :
a) l’interdiction d’offrir son concours, de quelque manière que ce soit, à des activités qui incitent à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’encontre de toute personne, groupe, communauté ou de ses membres;
13
b) l’obligation de faire tous les efforts raisonnables pour exclure de l’organisation et du fonctionnement de l’organe d’administration provisoire toute personne qui incite à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’encontre de toute personne, groupe, communauté ou de ses membres;
c) l’obligation de faire tous les efforts raisonnables pour bannir des locaux et des lieux utilisés par la communauté religieuse locale toute personne qui, dans ces locaux ou lieux, incite à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’encontre de toute personne, groupe, communauté ou de ses membres;
d) l’obligation, sans préjudice de la liberté de religion, de faire tous les efforts raisonnables pour respecter les lois en vigueur et de ne pas offrir son concours à des actes contraires à ces lois, dont notamment la Constitution et la Convention européenne des droits de l’homme;
e) l’interdiction d’inciter, de quelque manière que ce soit, à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’encontre de toute personne, groupe, communauté ou de ses membres;
6° elle démontre que la future administration du culte sera titulaire de droits réels sur les bâtiments ou les autres infrastructures destinés à l’exercice du culte ou à défaut, lorsque les bâtiments ou les autres infrastructures destinés à l’exercice du culte ne sont pas la propriété d’une personne morale de droit public, elle peut présenter une copie d’un accord conclu avec le propriétaire des bâtiments ou des autres infrastructures destinés à l’exercice du culte concernant l’utilisation des bâtiments ou des autres infrastructures par la future administration du culte;
7° l’organe d’administration provisoire communique le prénom et le nom, l’adresse, le numéro de registre national, l’adresse courriel, le numéro de téléphone, la nationalité, la date de naissance et le sexe des membres de l’organe d’administration provisoire au Gouvernement flamand, à l’organe représentatif, à l’autorité de financement et, le cas échéant, à la commune consultée pour avis. L’organe d’administration provisoire communique tout changement ultérieur de ces données à ces instances dans un délai de trente jours;
8° elle ne dispose que de ministres du culte et de leurs suppléants qui remplissent l’obligation d’insertion civique qui leur est, le cas échéant, applicable conformément au décret du 7 juin 2013 relatif à la politique flamande d’intégration et d’insertion civique;
9° elle n’a pas de ministres du culte et leurs suppléants qui sont rémunérés directement ou indirectement par une autorité étrangère;
10° elle remplit les obligations, visées aux articles 11 et 12;
11° elle accomplit avec succès la période d’attente de quatre ans visée à la section 3.
[…]
Section 3. - Période d’attente
Art. 10. A compter de la transmission de la demande de reconnaissance visée à l’article 8, deuxième alinéa, une période d’attente de quatre ans commence à courir.
14
Art. 11. § 1. Pendant la période d’attente, l’organe d’administration provisoire fournit chaque année une copie du budget et du compte annuel de la communauté religieuse locale au Gouvernement flamand, à l’organe représentatif, à l’autorité de financement et, le cas échéant, à la commune consultée pour avis. L’organe administratif provisoire permet aux instances susmentionnées d’inspecter la comptabilité de la communauté religieuse locale lorsqu’elles en font la demande.
§ 2. Pendant la période d’attente, l’organe administratif provisoire établit les documents financiers suivants pour la partie des activités ayant trait aux aspects matériels du culte :
1° un budget avant le 15 décembre de l’année civile précédente, conformément aux modèles applicables aux administrations du culte;
2° un compte annuel avant le 1 mai de l’année civile précédente, conformément aux modèles applicables aux administrations du culte;
3° un registre des dons conformément à l’article 17, § 2, étant entendu que les mots ‘ l’organe d’administration ’ sont lus comme ‘ l’organe d’administration provisoire ’ et les mots ‘ l’administration du culte ’ comme ‘ la communauté religieuse locale ’.
L’organe d’administration provisoire fournit chaque année une copie des documents financiers visés à l’alinéa premier au Gouvernement flamand, à l’organe représentatif, à l’autorité de financement et, le cas échéant, à la commune consultée pour avis.
§ 3. Au cours de la dernière année de la période d’attente, l’organe d’administration provisoire établit un projet de plan pluriannuel pour les six prochaines années, contenant une estimation des recettes et des dépenses de l’administration du culte après la reconnaissance. Ce projet de plan est établi en conformité avec les modèles applicables aux administrations du culte.
L’organe d’administration provisoire fournit une copie du projet de plan pluriannuel au Gouvernement flamand, à l’organe représentatif, à l’autorité de financement et, le cas échéant, à la commune consultée pour avis.
Art. 12. Pendant la période d’attente, l’organe d’administration provisoire remplit les obligations suivantes :
1° l’organe d’administration provisoire notifie dans les trente jours au Gouvernement flamand, à l’organe représentatif, à l’autorité de financement et, le cas échéant, à la commune consultée pour avis, toute modification pertinente à l’évaluation des critères de reconnaissance visés à l’article 7;
2° l’organe d’administration provisoire se réunit aussi souvent que nécessaire pour satisfaire aux critères de reconnaissance visés à l’article 7, et au moins une fois par trimestre;
3° l’organe d’administration provisoire établit un compte-rendu des réunions visées au point 2° et le soumet dans les dix jours au Gouvernement flamand, à l’organe représentatif, à l’autorité de financement et, le cas échéant, à la commune consultée pour avis;
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4° l’organe d’administration provisoire tient des archives avec soin.
Art. 13. Au plus tard 22 mois après le début de la période d’attente, l’organe représentatif, l’autorité de financement et, le cas échéant, la commune consultée pour avis rendent un avis intermédiaire au Gouvernement flamand sur la mesure dans laquelle la communauté religieuse locale satisfait aux obligations visées à l’article 7 et sur la complétude de la demande de reconnaissance conformément à l’article 8, deuxième alinéa.
Au plus tard soixante jours avant la fin de la période d’attente, l’organe représentatif, l’autorité de financement et, le cas échéant, la commune consultée pour avis rendent un avis au Gouvernement flamand sur le respect, ou non, par la communauté religieuse locale des obligations visées à l’article 7 et sur la complétude de la demande de reconnaissance conformément à l’article 8, deuxième alinéa.
Si l’organe représentatif, l’autorité de financement et, le cas échéant, la commune consultée pour avis, ne fournissent pas en temps voulu les avis visés aux premier et deuxième alinéas, il peut être passé outre à l’obligation d’avis.
Section 4. - Reconnaissance
Art. 14. § 1. Au plus tard soixante jours après la fin de la période d’attente visée au paragraphe 3 et à l’article 10, le Gouvernement flamand statue sur la reconnaissance de la communauté religieuse locale et communique sa décision à l’organe d’administration provisoire, à l’organe représentatif, à l’autorité fédérale, à l’autorité de financement et, le cas échéant, à la commune consultée pour avis.
[…]
§ 3. Le Gouvernement flamand peut, dans le délai visé au paragraphe 1, prolonger de douze mois au maximum la période d’attente et, dans ce cas, en informe l’organe d’administration provisoire, l’organe représentatif, l’autorité fédérale, l’autorité de financement et, le cas échéant, la commune consultée pour avis.
En cas de prolongation telle que visée à l’alinéa premier, le Gouvernement flamand demande à nouveau l’avis des instances visées à l’article 13. Le Gouvernement flamand détermine le délai dans lequel cet avis doit être fourni.
[…]
Chapitre 3. - Obligations des administrations du culte
Art. 16. Nonobstant les obligations mentionnées dans le décret du 7 mai 2004, l’administration du culte remplit toutes les obligations suivantes :
1° elle est financièrement viable et offre la transparence à cet égard;
2° elle démontre sa pertinence sociale en respectant les obligations suivantes :
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a) le respect des conditions matérielles permettant l’exercice du culte et le maintien de sa dignité;
b) l’entretien et la préservation des bâtiments destinés à l’exercice du culte;
c) l’entretien de contacts durables avec l’autorité locale de la commune où sont situés les bâtiments destinés à l’exercice du culte;
d) le respect du principe de bon voisinage et l’entretien de contacts durables avec la communauté locale où sont situés les bâtiments destinés à l’exercice du culte;
3° sauf cas fortuit de force majeure, les membres de l’organe d’administration respectent toutes les obligations suivantes :
a) l’interdiction d’offrir son concours, de quelque manière que ce soit, à des activités qui incitent à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’encontre de toute personne, groupe, communauté ou de ses membres;
b) l’obligation de faire tous les efforts raisonnables pour exclure de l’organisation et du fonctionnement de l’administration du culte toute personne qui incite à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’encontre de toute personne, groupe, communauté ou de ses membres;
c) l’obligation de faire tous les efforts raisonnables pour bannir des locaux et des lieux utilisés par l’administration du culte toute personne qui, dans ces locaux ou lieux, incite à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’encontre de toute personne, groupe, communauté ou de ses membres;
d) l’obligation, sans préjudice de la liberté de religion, de faire tous les efforts raisonnables pour respecter les lois en vigueur et de ne pas offrir son concours à des actes contraires à ces lois, dont notamment la Constitution et la Convention européenne des droits de l’homme;
e) l’interdiction d’inciter, de quelque manière que ce soit, à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’encontre de toute personne, groupe, communauté ou de ses membres;
4° elle peut fournir les preuves que l’administration du culte est titulaire de droits réels sur les bâtiments destinés à l’exercice du culte ou à défaut, lorsque les bâtiments destinés à l’exercice du culte ne sont pas la propriété d’une personne morale de droit public, elle peut présenter une copie d’un accord conclu avec le propriétaire des bâtiments destinés à l’exercice du culte concernant l’utilisation des bâtiments par l’administration du culte;
5° elle communique le prénom et le nom, l’adresse, le numéro de registre national, l’adresse courriel, le numéro de téléphone, la nationalité, la date de naissance et le sexe des ministres du culte, de leurs suppléants et des membres de l’organe d’administration au Gouvernement flamand, à l’organe représentatif, à l’autorité de financement et, le cas échéant, à la commune consultée pour avis;
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6° elle notifie tout changement des données énumérées au point 5° dans les trente jours au Gouvernement flamand, à l’organe représentatif, à l’autorité de financement et, le cas échéant, à la commune consultée pour avis;
7° ses ministres du culte et leurs suppléants remplissent l’obligation d’insertion civique qui leur est, le cas échéant, applicable conformément au décret du 7 juin 2013 relatif à la politique flamande d’intégration et d’insertion civique;
8° ses ministres du culte et leurs suppléants ne sont pas rémunérés, directement ou indirectement, par une autorité étrangère.
Art. 17. § 1. L’administration du culte ne reçoit, directement ou indirectement, aucun financement ou soutien étranger si ce financement ou ce soutien affecte son indépendance. […]
[...]
CHAPITRE 4. - Mission et compétences de l’instance compétente
Art. 18. L’instance compétente désignée par le Gouvernement flamand vérifie :
1° si les communautés religieuses locales respectent les obligations visées aux articles 7
et 8, deuxième alinéa, pendant la période d’attente visée à l’article 10, prolongée, le cas échéant, conformément à l’article 14, § 3;
2° si les communautés religieuses locales respectent les obligations visées à l’article 7, à l’exception des points 10° et 11°, au cours de la procédure visée à l’article 67, § 1;
3° si les administrations du culte respectent et continuent de respecter les obligations visées au chapitre 3 du présent décret.
À la demande de l’autorité de tutelle, l’instance compétente peut demander les informations nécessaires et fournir des informations sur les administrations du culte dans le cadre du maintien du respect des obligations énumérées dans le décret du 7 mai 2004.
L’instance compétente ne peut ni perturber ni interrompre un culte en cours pendant l’exécution des missions visées au premier alinéa.
Art. 19. Afin d’assurer les missions énumérées à l’article 18 :
1° l’instance compétente conclut des accords d’échange d’informations avec d’autres instances publiques;
2° les agents de l’instance compétente peuvent se prévaloir des compétences visées aux articles 20 à 27.
Les agents de l’instance compétente ne peuvent faire usage des compétences visées aux articles 20 à 27, § 1, que dans les cas suivants :
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1° aux fins des missions visées à l’article 18, premier alinéa, 1° et 2°;
2° aux fins des missions visées à l’article 18, premier alinéa, 3°, à la suite d’indices sérieux, jugés recevables par l’instance compétente, d’un manquement d’une administration du culte à ses obligations, visées au chapitre 3.
L’instance compétente informe l’organe représentatif lorsqu’elle examine un indice tel que visé au deuxième alinéa, 2°, qu’elle a jugé recevable.
Les agents de l’instance compétente ne peuvent faire usage de leurs compétences, visées au présent chapitre, que lorsque celles-ci sont appropriées et nécessaires aux fins du contrôle.
Les agents de l’instance compétente peuvent à tout moment présenter sur demande une preuve de légitimation pendant l’exercice de leurs missions, visées à l’article 18.
Le Gouvernement flamand fixe la procédure d’évaluation de la recevabilité visée au deuxième alinéa, 2°.
Le Gouvernement flamand peut :
1° déterminer les conditions dans lesquelles sont désignés les agents de l’instance compétente;
2° déterminer le modèle de la preuve de légitimation visée au cinquième alinéa;
3° fixer la procédure à suivre par les agents de l’instance compétente dans l’exercice de leurs missions et compétences visées au présent chapitre.
Art. 20. Les agents de l’instance compétente ont accès, sans préavis, aux bâtiments destinés à l’exercice du culte, aux locaux et aux infrastructures utilisés par l’administration du culte, ou par la communauté religieuse locale pendant la période d’attente, à l’exception des bâtiments et locaux destinés exclusivement au logement privé.
Art. 21. Les agents de l’instance compétente peuvent effectuer les actes suivants :
1° enregistrer l’identité;
2° exiger la présentation de documents d’identité officiels;
3° si l’identité ne peut être établie conformément aux points 1° ou 2°, rechercher l’identité à l’aide de documents non officiels qui leur sont volontairement présentés si les personnes à identifier ne peuvent présenter de documents d’identification officiels ou s’il existe des doutes quant à leur authenticité ou à l’identité de ces personnes. En application de l’article 25, ils peuvent rechercher l’identité de ces personnes au moyen de matériel visuel, quel qu’en soit le support;
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4° exiger la transparence sur les structures juridiques liées aux administrations du culte si cela est proportionné et nécessaire et pour autant que les conditions mentionnées à l’article 19, deuxième alinéa, 2° soient remplies;
5° exiger la transparence sur les structures juridiques liées à la communauté religieuse locale, visée à l’article 18, premier alinéa, 1° et 2°;
6° exiger la transparence sur l’infrastructure utilisée par l’administration du culte et la communauté religieuse locale.
Les documents visés au premier alinéa, 2°, sont restitués à l’intéressé immédiatement après la vérification d’identité.
Art. 22. Les agents de l’instance compétente peuvent exiger des informations de toute personne impliquée dans les faits faisant l’objet du contrôle, ou susceptible d’être au courant de ces faits.
Art. 23. § 1. Les agents de l’instance compétente peuvent exiger, sans préavis, la présentation immédiate de toute information, document de toute nature et support d’information sous forme écrite, numérique ou analogique.
La présentation, visée au premier alinéa, est faite sur place sous une forme intelligible et lisible qui peut être copiée.
§ 2. Les agents de l’instance compétente peuvent consulter les informations, données, documents et supports d’information visés au paragraphe 1.
§ 3. Les agents de l’instance compétente peuvent exiger une copie sans frais sous la forme qu’ils demandent ou faire eux-mêmes une copie.
Lorsqu’il n’est pas possible de faire une copie sur place, les agents de l’instance compétente peuvent conserver ou emmener, contre récépissé délivré par eux, le support d’information et les documents pour une période nécessaire pour les copier ou examiner. Cette période ne peut excéder trente jours, à moins que, avant son expiration, les agents de l’instance compétente n’informent les intéressés des raisons particulières justifiant une période plus longue.
Art. 24. Toute personne doit apporter aux agents de l’instance compétente toute la coopération qui peut raisonnablement être demandée, dans le délai fixé par ces agents.
Art. 25. Les agents de l’instance compétente peuvent faire des constatations à l’aide de moyens audiovisuels. L’identification du moyen audiovisuel utilisé ainsi que le début et la fin de l’enregistrement sont consignés dans un rapport. Toute personne impliquée dans une enquête est informée de l’utilisation de moyens audiovisuels, à moins que cela ne compromette le contrôle. Cette notification a lieu avant ou au moment de l’utilisation des moyens audiovisuels.
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Les constatations audiovisuelles n’ont de force probante qu’à condition d’être suffisamment corroborées par d’autres types de preuves.
L’application du présent article ne peut jamais résulter en l’observation ou en l’écoute directe visées aux articles 47sexies et 90ter du Code d’instruction criminelle.
Art. 26. Les agents de l’instance compétente peuvent se faire assister par des experts ou d’autres personnes désignées par eux à cette fin.
Art. 27. § 1. Les agents de l’instance compétente établissent pendant l’exercice de leur mission un rapport de constatation en cas de manquement aux obligations visées au présent décret ou au décret du 7 mai 2004. Le rapport de constatation a force probante jusqu’à preuve du contraire.
§ 2. Les agents de l’instance compétente donnent des conseils à la communauté religieuse locale qui demande la reconnaissance et à l’administration du culte afin de prévenir tout manquement imminent aux obligations visées au présent décret ou au décret du 7 mai 2004.
Les agents de l’instance compétente peuvent adresser un avertissement à l’administration du culte et, le cas échéant, aux membres de l’organe d’administration, les enjoignant de se mettre en règle, de remédier aux effets dommageables des manquements et d’en apporter la preuve dans un délai déterminé.
Les agents de l’instance compétente informent immédiatement l’organe représentatif des conseils visés au premier alinéa et des avertissements visés au deuxième alinéa ».
B.7.1. Le moyen unique est pris, d’une part, de la violation des règles répartitrices de compétences et, d’autre part, de la violation de plusieurs dispositions visées à l’article 1er, 2°
et 3°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989.
B.7.2. L’examen de la conformité d’une disposition législative aux règles répartitrices de compétences doit en règle précéder celui de sa compatibilité avec les dispositions du titre II de la Constitution et des articles 170, 172 et 191 de la Constitution.
La Cour examine donc d’abord les griefs pris de la violation des règles répartitrices de compétences.
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En ce qui concerne la première branche du moyen unique, en ce qu’elle est prise de la violation des règles répartitrices de compétences
B.8. Dans la première branche du moyen unique dans l’affaire n° 7802, les parties requérantes font valoir que l’article 7, 8° et 9°, et l’article 16, 7° et 8°, du décret attaqué excèdent la compétence de la Région flamande, en ce qu’ils prévoient respectivement comme critères de reconnaissance et comme obligations pour les administrations du culte que les ministres du culte et leurs suppléants doivent satisfaire à l’obligation d’intégration civique qui leur est applicable, le cas échéant, conformément au décret de la Communauté flamande du 7 juin 2013 « relatif à la politique flamande d’intégration et d’intégration civique » (ci-après :
le décret du 7 juin 2013), et qu’ils ne peuvent pas être rémunérés directement ou indirectement par une autorité étrangère.
B.9.1. L’article 6, § 1er, VIII, alinéa 1er, 6°, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, tel qu’il a été inséré par l’article 4 de la loi spéciale du 13 juillet 2001 « portant transfert de diverses compétences aux régions et communautés », dispose :
« VIII. En ce qui concerne les pouvoirs subordonnés :
[…]
6° les fabriques d’églises et les établissements chargés de la gestion du temporel des cultes reconnus, à l’exception de la reconnaissance des cultes et des traitements et pensions des ministres des cultes ».
B.9.2. En vertu de cette disposition, les régions sont, depuis le 1er janvier 2002, compétentes pour régler ce qui concerne les fabriques d’église et les autres établissements chargés de la gestion du temporel des cultes reconnus, dans le cadre de leurs compétences en ce qui concerne les pouvoirs subordonnés. La même disposition réserve à l’autorité fédérale la compétence de reconnaître les cultes et celle d’allouer des traitements et des pensions aux ministres des cultes, qui sont également visés à l’article 181, § 1er, de la Constitution.
B.9.3. En vertu de leur compétence en matière de fabriques d’église et d’établissements chargés de la gestion du temporel des cultes reconnus, les régions sont compétentes pour tout
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ce qui concerne le temporel des cultes reconnus, c’est-à-dire la gestion des biens et des revenus des cultes reconnus. Elles sont également compétentes pour reconnaître les communautés cultuelles locales des cultes reconnus et leur circonscription territoriale, afin de déterminer le ressort territorial des établissements chargés de la gestion du temporel des cultes reconnus.
La compétence réservée à l’autorité fédérale de reconnaître les cultes implique celle de reconnaître les cultes en tant que tels, ainsi que les organes représentatifs de ceux-ci. La reconnaissance d’un culte par l’autorité fédérale entraîne un financement public de la part de l’État.
B.9.4. La compétence des régions en matière de gestion du temporel des cultes reconnus est limitée aux établissements chargés de la gestion du temporel des cultes reconnus par l’autorité fédérale. Dans le cadre de l’exercice de cette compétence, la reconnaissance, par une région, d’une communauté cultuelle locale entraîne en principe la création d’un établissement public qui est chargé de la gestion des biens et des revenus de cette communauté.
B.10.1. Conformément à l’article 7, 8° et 9°, du décret attaqué, une communauté religieuse locale ne peut être reconnue que si elle ne compte que des ministres du culte, et leurs suppléants, qui remplissent l’obligation d’intégration civique qui leur est applicable le cas échéant, conformément au décret du 7 juin 2013, et qui ne sont pas rémunérés directement ou indirectement par une autorité étrangère. En outre, les administrations du culte doivent respecter les deux obligations, en vertu de l’article 16, 7° et 8°, du décret attaqué.
B.10.2. Ces dispositions ne prévoient ni une obligation générale d’intégration civique pour les ministres du culte et pour leurs suppléants ni une interdiction générale pour ces personnes d’être rémunérées directement ou indirectement par une autorité étrangère. Elles disposent seulement qu’une communauté religieuse locale ne peut prétendre à une reconnaissance si certains de ses ministres du culte ou suppléants ne remplissent pas les deux conditions et que de tels ministres du culte et leurs suppléants ne peuvent pas non plus siéger dans l’administration du culte.
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B.11.1. Ainsi que le soulignent les travaux préparatoires, le critère de reconnaissance et l’obligation de ne compter que des ministres du culte ou des suppléants qui remplissent l’obligation d’intégration civique sont importants pour une bonne gestion du temporel du culte (Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 854/1, pp. 21-22).
Ces personnes sont en effet les « figures clés et d’autorité au sein de la communauté religieuse locale et membres de plein droit de l’organe d’administration du culte (sauf dans le culte catholique romain, où le responsable désigné par l’organe représentatif est de plein droit membre de l’organe d’administration) » (ibid., p. 42). Elles exercent donc une influence considérable sur la gestion du temporel du culte. Une connaissance et une compréhension insuffisantes de la société dans laquelle elles exercent leur fonction pourraient avoir des conséquences néfastes sur cette gestion.
B.11.2. Le critère de reconnaissance et l’obligation de ne pas compter dans ses rangs des ministres du culte ou des suppléants qui sont rémunérés directement ou indirectement par une autorité étrangère visent à « combattre à tout moment l’ingérence d’une autorité étrangère »
(ibid., p. 44) et sont donc aussi directement liés à la gestion du temporel du culte.
B.11.3. Par ailleurs, ce critère de reconnaissance et cette obligation ne relèvent pas de la compétence fédérale réservée en matière de traitements et de pensions des ministres des cultes.
Cette compétence porte en effet uniquement sur les traitements et pensions visés à l’article 181, § 1er, de la Constitution, à savoir les traitements et pensions à charge de l’État. Elle ne s’étend pas aux rémunérations provenant directement ou indirectement d’autorités étrangères.
B.12. Les deux critères de reconnaissance et les deux obligations pour l’administration du culte relèvent dès lors de la compétence de la Région flamande relative aux fabriques d’église et aux institutions chargées de la gestion des biens temporels des cultes reconnus.
Le moyen unique dans l’affaire n° 7802, en sa première branche, n’est pas fondé en ce qu’il est pris de la violation de l’article 6, § 1er, VIII, alinéa 1er, 6°, de la loi spéciale du 8 août 1980
de réformes institutionnelles.
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En ce qui concerne la quatrième branche du moyen unique, en ce qu’elle repose sur une violation des règles répartitrices de compétences
B.13. Dans la quatrième branche du moyen unique, les parties requérantes dans l’affaire n° 7802 font valoir que les articles 18 à 27 du décret attaqué excèdent la compétence de la Région flamande, en ce qu’ils créent un « nouveau service flamand d’information et de screening » doté de compétences étendues.
B.14. En vertu de l’article 18 du décret attaqué, l’instance compétente désignée par le Gouvernement flamand vérifie 1) si, pendant la période d’attente, les communautés religieuses locales respectent les critères de reconnaissance et obligations administratives visés aux articles 7 et 8, alinéa 2, de ce décret, 2) si, au cours de la procédure abrégée mentionnée à l’article 67 de ce décret, les communautés religieuses locales respectent les critères de reconnaissance pertinents visés à l’article 7, et 3) si les administrations du culte remplissent les obligations visées au chapitre 3 de ce décret.
En vertu de l’article 19 du décret attaqué, l’instance compétente conclut, afin d’assurer ces missions, des accords d’échange d’informations avec d’autres instances publiques, et, pour ce faire, ses agents peuvent se prévaloir des compétences visées aux articles 20 à 27 du même décret. Toutefois, les agents de l’instance compétente ne peuvent faire usage de ces compétences pour vérifier si une administration du culte continue de respecter les obligations mentionnées au chapitre 3 que s’il existe des indices sérieux, jugés recevables, d’un manquement d’une administration du culte à ces obligations. Dans ce cas, l’organe représentatif en est informé. En tout état de cause, les agents ne peuvent faire usage de leurs compétences que si celles-ci sont appropriées et nécessaires à l’exercice du contrôle.
Enfin, les articles 20 à 27 du décret attaqué décrivent les compétences dont les agents peuvent disposer.
B.15. La compétence des régions relative aux établissements chargés de la gestion du temporel des cultes reconnus emporte également le pouvoir de vérifier si les communautés
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religieuses locales satisfont aux critères de reconnaissance et aux obligations administratives, ainsi que de contrôler les établissements chargés de la gestion du temporel des cultes reconnus.
B.16. En désignant une instance qui vérifie si les communautés religieuses locales peuvent prétendre à une reconnaissance et si les administrations des cultes reconnus satisfont à leurs obligations, les dispositions attaquées n’excèdent pas les compétences de la Région flamande.
Le moyen unique dans l’affaire n° 7802, en sa quatrième branche, n’est pas fondé en ce qu’il est pris de la violation des règles répartitrices de compétences.
En ce qui concerne la première branche du moyen unique, en ce qu’elle est prise de la violation des droits fondamentaux
B.17. Au point 2 de la première branche du moyen unique, les parties requérantes dans l’affaire n° 7802 font valoir que le décret attaqué viole les articles 19 et 21 de la Constitution, lus en combinaison avec l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme et avec l’article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, en ce que les conditions de reconnaissance interdisent toute forme de « soutien et financement étrangers ».
B.18. L’article 19 de la Constitution dispose :
« La liberté des cultes, celle de leur exercice public, ainsi que la liberté de manifester ses opinions en toute matière, sont garanties, sauf la répression des délits commis à l’occasion de l’usage de ces libertés ».
L’article 21 de la Constitution dispose :
« L’Etat n’a le droit d’intervenir ni dans la nomination ni dans l’installation des ministres d’un culte quelconque, ni de défendre à ceux-ci de correspondre avec leurs supérieurs, et de publier leurs actes, sauf, en ce dernier cas, la responsabilité ordinaire en matière de presse et de publication.
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Le mariage civil devra toujours précéder la bénédiction nuptiale, sauf les exceptions à établir par la loi, s’il y a lieu ».
L’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme dispose :
« 1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’accomplissement des rites.
2. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ».
L’article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques dispose :
« 1. Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion; ce droit implique la liberté d’avoir ou d’adopter une religion ou une conviction de son choix, ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction, individuellement ou en commun, tant en public qu’en privé, par le culte et l’accomplissement des rites, les pratiques et l’enseignement.
2. Nul ne subira de contrainte pouvant porter atteinte à sa liberté d’avoir ou d’adopter une religion ou une conviction de son choix.
3. La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet que des seules restrictions prévues par la loi et qui sont nécessaires à la protection de la sécurité, de l’ordre et de la santé publique, ou de la morale ou des libertés et droits fondamentaux d’autrui.
4. Les Etats parties au présent Pacte s’engagent à respecter la liberté des parents et, le cas échéant, des tuteurs légaux de faire assurer l’éducation religieuse et morale de leurs enfants conformément à leurs propres convictions ».
B.19.1. La liberté de religion, garantie notamment à l’article 19 de la Constitution, comprend, entre autres, la liberté d’exprimer sa religion, soit seul, soit avec d’autres.
Les communautés religieuses existent traditionnellement sous la forme de structures organisées. La participation à la vie d’une communauté religieuse est une expression de la
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conviction religieuse qui bénéficie de la protection de la liberté de religion. Dans la perspective également de la liberté d’association, la liberté de religion implique que la communauté religieuse puisse fonctionner paisiblement, sans ingérence arbitraire de la part de l’autorité.
L’autonomie des communautés religieuses est en effet indispensable au pluralisme dans une société démocratique et se trouve donc au cœur même de la liberté de religion. Elle présente un intérêt direct non seulement pour l’organisation de la communauté religieuse en tant que telle, mais aussi pour la jouissance effective de la liberté de religion pour tous les membres de la communauté religieuse. Si l’organisation de la vie de la communauté religieuse n’était pas protégée par l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme, tous les autres aspects de la liberté de religion de l’individu s’en trouveraient fragilisés (CEDH, grande chambre, 26 octobre 2000, Hassan et Tchaouch c. Bulgarie, ECLI:CE:ECHR:2000:1026JUD003098596, § 62; 26 avril 2016, İzzettin Doğan e.a.
c. Turquie, ECLI:CE:ECHR:2016:0426JUD006264910, § 93).
La liberté de culte garantie par l’article 21, alinéa 1er, de la Constitution reconnaît cette même autonomie d’organisation des communautés religieuses. Chaque religion est libre d’avoir sa propre organisation.
B.19.2. En ce qu’ils reconnaissent le droit d’exprimer sa religion, soit seul, soit avec d’autres, l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme et l’article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques ont une portée analogue à celle de l’article 19
de la Constitution, qui reconnaît, entre autres, la liberté de religion. Dès lors, les garanties offertes par ces dispositions forment, dans cette mesure, un ensemble indissociable.
L’article 19 de la Constitution interdit en outre que la liberté de culte soit soumise à des restrictions préventives, mais il n’interdit pas que les infractions qui sont commises à l’occasion de la mise en œuvre de cette liberté soient sanctionnées.
B.19.3. La liberté de religion et de culte ne s’oppose pas à ce que l’autorité prenne des mesures permettant l’exercice effectif de cette liberté. L’organisation, par le législateur compétent, de la reconnaissance des communautés cultuelles locales des cultes reconnus et des
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obligations des établissements chargés de la gestion du temporel des cultes reconnus est susceptible de contribuer à la jouissance effective de la liberté de culte.
Ceci n’empêche cependant pas que de telles mesures doivent être considérées comme des ingérences dans le droit des cultes reconnus de régler de manière autonome leur fonctionnement. De telles ingérences sont admissibles pourvu qu’elles constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la satisfaction d’un besoin social impérieux visé à l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme et que ces mesures fassent l’objet d’une réglementation suffisamment accessible et précise. Il doit exister un lien raisonnable de proportionnalité entre le but légitime poursuivi, d’une part, et la limitation de cette liberté, d’autre part. Il convient de vérifier, en l’espèce, qu’il est satisfait à ces exigences.
B.20.1. Les dispositions attaquées ne sont pas des restrictions préventives de la liberté de religion. Elles n’impliquent pas l’interdiction de former une communauté religieuse, mais elles instaurent une condition supplémentaire en vue de la reconnaissance en tant que communauté religieuse locale.
L’article 7, 3°, première phrase, du décret attaqué définit comme critère de reconnaissance que la communauté religieuse locale ne peut recevoir, que ce soit directement ou indirectement, aucun financement ou soutien étranger si ce financement ou ce soutien affecte son indépendance. L’article 17, § 1er, première phrase, du même décret dispose que les administrations du culte ne peuvent pas recevoir, directement ou indirectement, un tel financement ou soutien étranger.
Comme il est dit en B.10.1, l’article 7, 9°, et l’article 16, 8°, du décret attaqué disposent que le fait de ne pas avoir de ministres du culte ou de suppléants qui sont rémunérés directement ou indirectement par une autorité étrangère constitue, dans le premier cas, un critère de reconnaissance et, dans le second cas, une obligation pour l’administration du culte.
B.20.2. Une reconnaissance en tant que communauté religieuse locale a des conséquences juridiques considérables. Elle entraîne la création de l’administration du culte, qui est une institution publique dotée de la personnalité juridique, et fait en outre naître plusieurs obligations pour l’autorité de financement, comme l’obligation de combler les déficits et celle de contribuer aux investissements dans les bâtiments du culte.
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Les conditions qu’une communauté religieuse locale doit remplir pour être reconnue comme telle constituent une ingérence dans le droit des communautés religieuses de régler leur fonctionnement de manière autonome.
B.20.3. Par ces dispositions, le législateur décrétal vise à combattre les ingérences étrangères dans l’administration du culte, en vue d’empêcher ainsi « la promotion d’un modèle sociétal en contradiction avec notre société dans lequel les droits et libertés d’autrui seraient compromis » et de promouvoir l’intégration et l’inclusion des communautés religieuses locales au sein de la Communauté flamande. De cette manière, il entend aussi garantir en particulier le principe de la séparation de l’Église et de l’État (Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 854/1, p. 51) et empêcher qu’un financement et un soutien étrangers constituent « un canal par lequel des idées nationalistes, polarisantes, ségrégatives ou extrémistes et fondamentalistes (sur le plan politique et religieux) provenant de l’étranger sont activement imposées et propagées dans les communautés religieuses locales flamandes » (ibid., p. 44). Ce but est légitime et consiste à garantir les droits et libertés d’autrui au sens de l’article 9, paragraphe 2, de la Convention européenne des droits de l’homme et de l’article 18, paragraphe 3, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
B.21. L’ingérence doit cependant également satisfaire aux exigences de prévisibilité et de proportionnalité mentionnées en B.19.2 et en B.19.3.
Les dispositions précitées ne visent pas toutes les formes de financement ou de soutien étrangers. Elles concernent uniquement le financement ou le soutien étranger « qui affectel’indépendance de la communauté religieuse locale » et les rémunérations des ministres du culte octroyées par des autorités étrangères. Pour le surplus, le financement ou le soutien étrangers sont autorisés pour autant qu’ils ne soient pas liés directement ou indirectement au terrorisme, à l’extrémisme, à l’espionnage ou à l’ingérence clandestine (articles 7, 3°, seconde phrase, et 17, § 1er, seconde phrase).
La condition selon laquelle le financement ou soutien étranger « affecte l’indépendance de la communauté religieuse locale» n’est pas suffisamment précise. Les travaux préparatoires notent que la notion porte sur « le financement ou soutien étranger dont l’incidence sur la
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communauté religieuse locale qui demande la reconnaissance ou sur l’administration du culte est telle que celle-ci ne peut pas décider en toute indépendance de ses propres organisation, fonctionnement ou gestion des biens ou des revenus » (Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 854/1, p. 19).
Ni cette précision, ni les « indices de financement ou soutien étranger » (ibid., p. 51), qui ne ressortent par ailleurs pas des dispositions attaquées elles-mêmes, ne permettent de déterminer de manière suffisamment prévisible quel financement ou soutien étranger est autorisé.
B.22. Il n’est nullement démontré que la limitation du financement ou soutien étranger des communautés religieuses, en ce compris l’exigence que ses ministres du culte et leurs suppléants ne soient pas rémunérés, directement ou indirectement, par une autorité étrangère, est raisonnablement proportionnée à la préservation de l’État de droit démocratique. Ce modèle sociétal se caractérise par un ensemble de règles juridiques - civiles et pénales -, auxquelles les communautés religieuses et leurs membres sont aussi soumis et dont l’application peut être exigée devant les juridictions en cas de non-respect.
La condition supplémentaire selon laquelle le financement ou soutien étranger ne peut pas affecter l’indépendance de la communauté religieuse locale est une ingérence disproportionnée dans la liberté de culte.
B.23. Par conséquent, l’article 7, 3°, première phrase, et 9°, l’article 16, 8°, et l’article 17, § 1er, première phrase, du décret attaqué violent les articles 19 et 21 de la Constitution, lus en combinaison avec l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme et avec l’article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Le moyen unique dans l’affaire n° 7802, en sa première branche, est fondé en ce qu’il est pris de la violation de la
liberté de religion et de culte. L’article 7, 3°, première phrase, et 9°, l’article 16, 8°, et l’article 17, § 1er, première phrase, du décret attaqué doivent être annulés.
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En ce qui concerne la deuxième branche du moyen unique
B.24. Dans la deuxième branche du moyen unique, les parties requérantes dans l’affaire n° 7802 font valoir que les articles 7, 5°, b) et c), et 16, 3°, b) et c), du décret attaqué violent les articles 19 et 21 de la Constitution, lus en combinaison avec l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme et avec l’article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, en ce que ces dispositions confient à l’organe d’administration de la communauté religieuse locale un rôle de contrôle social d’une ampleur disproportionnée.
B.25. L’article 7, 5°, b) et c), du décret attaqué prévoit comme critère de reconnaissance que les membres de l’organe d’administration provisoire, sauf cas fortuit de force majeure, doivent fournir tous les efforts raisonnables 1) pour exclure de l’organisation et du fonctionnement de l’organe d’administration provisoire toute personne qui incite à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’encontre de toute personne, groupe, communauté ou de ses membres, et 2) pour bannir des locaux et des lieux utilisés par la communauté religieuse locale toute personne qui, dans ces locaux ou lieux, incite à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’encontre de toute personne, groupe, communauté ou de ses membres.
L’article 16, 3°, b) et c), du même décret impose des obligations identiques aux membres de l’organe d’administration d’un culte reconnu.
Ces dispositions emportent une ingérence dans la liberté de religion et de culte.
B.26.1. Par les dispositions attaquées, le législateur décrétal poursuit un objectif légitime, à savoir la protection de la sécurité publique, de l’ordre public et des droits et libertés d’autrui.
Il veut en effet éviter que les locaux et lieux de la communauté religieuse locale ou de l’organe d’administration (provisoire) deviennent un lieu d’impunité pour les personnes qui incitent à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’encontre d’une personne, d’un groupe, d’une communauté ou de ses membres.
B.26.2. Les dispositions attaquées n’imposent aux membres de l’organe d’administration (provisoire) qu’une obligation de moyens. Ceux-ci doivent fournir des efforts raisonnables pour exclure de l’organisation et du fonctionnement de l’organe d’administration (provisoire) les personnes qui incitent à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’encontre d’une
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personne, d’un groupe, d’une communauté ou de ses membres, et, si ces incitations ont lieu dans les locaux ou lieux de la communauté religieuse locale ou de l’administration du culte, pour les bannir de ces locaux ou lieux.
La portée de cette obligation de moyens est limitée, étant donné que les membres de l’organe d’administration (provisoire) ne sont pas tenus de bannir ces personnes des locaux et lieux de la communauté religieuse locale si celles-ci n’incitent à la discrimination, à la haine ou à la violence qu’en dehors de ces locaux ou lieux. Les membres de l’organe d’administration (provisoire) ne sont pas davantage tenus d’agir contre les personnes qui posent d’autres types d’actes. Les obligations attaquées ne vont donc pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs poursuivis.
B.27. Le moyen unique dans l’affaire n° 7802, en sa deuxième branche, n’est pas fondé.
En ce qui concerne la troisième branche du moyen unique
B.28. Dans la troisième branche du moyen unique, les parties requérantes dans l’affaire n° 7802 font valoir que les articles 10 et 14, § 3, du décret attaqué violent les articles 19, 21 et 27 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 9 et 11 de la Convention européenne des droits de l’homme et avec l’article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, en ce qu’ils prévoient une période d’attente de minimum quatre ans et de maximum cinq ans.
B.29.1. L’article 27 de la Constitution dispose :
« Les Belges ont le droit de s’associer; ce droit ne peut être soumis à aucune mesure préventive ».
L’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme dispose :
« 1. Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, y compris le droit de fonder avec d’autres des syndicats et de s’affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts.
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2. L’exercice de ces droits ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. Le présent article n’interdit pas que des restrictions légitimes soient imposées à l’exercice de ces droits par les membres des forces armées, de la police ou de l’administration de l’État ».
B.29.2. La liberté d’association prévue par l’article 27 de la Constitution a pour objet de garantir la création d’associations privées et la participation à leurs activités. Elle implique le droit de s’associer et celui de déterminer librement l’organisation interne de l’association, mais également le droit de ne pas s’associer.
L’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme contient également le droit qu’a chacun de fonder des associations, d’adhérer à des associations existantes et de déterminer leur organisation interne afin de pouvoir exercer les deux droits précités.
B.29.3. La liberté d’association n’emporte pas un droit à un statut juridique spécifique ni à un statut spécifique de droit public, pas même si elle est lue en combinaison avec la liberté de religion (CEDH, 8 avril 2014, Magyar Keresztény Mennonita Egyház e.a. c. Hongrie, ECLI:CE:ECHR:2014:0408JUD007094511, § 91).
B.29.4. L’article 27 de la Constitution interdit toute mesure préventive. D’autres ingérences publiques dans la liberté d’association sont admises, pour autant qu’elles trouvent leur fondement dans une disposition législative suffisamment précise, qu’elles répondent à un besoin social impérieux dans une société démocratique et qu’elles soient proportionnées à l’objectif légitime qu’elles poursuivent.
B.30. En vertu de l’article 10 du décret attaqué, une période d’attente de quatre ans prend cours dès que l’organe représentatif transmet au Gouvernement flamand la demande de reconnaissance de la communauté religieuse locale.
En vertu de l’article 14, § 3, du même décret, le Gouvernement flamand peut prolonger de douze mois maximum la période d’attente, et ce, dans les soixante jours à compter de la fin de cette période.
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B.31. Selon le législateur décrétal, la période d’attente vise à ce que la procédure de reconnaissance soit suffisamment longue pour permettre un screening et un contrôle approfondis des demandes de reconnaissance, pour recueillir des avis éclairés des acteurs concernés, pour établir une relation constructive avec la communauté religieuse locale et pour faire en sorte qu’elle prenne connaissance des obligations qui lui incomberont lorsqu’elle aura été reconnue.
Les travaux préparatoires commentent la mesure attaquée en ces termes :
« L’instauration d’une période d’attente de quatre ans vise à permettre un screening et un contrôle approfondis des demandes de reconnaissance au regard des obligations de reconnaissance, ainsi que l’établissement d’une relation constructive avec la communauté religieuse locale concernée. La période d’attente permet aussi à tous les acteurs concernés par la procédure de reconnaissance d’émettre des avis éclairés. De cette manière aussi, la confiance peut être établie entre la communauté religieuse locale et l’autorité locale, dont le Gouvernement flamand souhaite reconnaître pleinement le rôle essentiel dans cette matière.
[...]
Durant cette période d’attente, la communauté religieuse locale devra remplir un certain nombre d’obligations administratives : il lui faudra notamment dresser des rapports financiers, établir un registre des dons et le tenir à jour. Pendant cette période, la communauté religieuse locale devra se comporter comme si elle était déjà reconnue. Elle sera ainsi déjà mieux informée des obligations qui lui incomberont lorsqu’elle aura été reconnue et de la manière dont elle pourra remplir ces obligations » (Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 854/1, p. 11).
B.32.1. Une reconnaissance comme communauté religieuse locale produit des effets juridiques considérables. Elle entraîne en effet la création de l’administration du culte, qui est une institution publique dotée de la personnalité juridique, et fait en outre naître plusieurs obligations pour l’autorité de financement, comme l’obligation de combler les déficits et celle de contribuer aux investissements dans les bâtiments du culte.
Compte tenu de ces effets juridiques, la période d’attente de quatre ans et son éventuelle prolongation de douze mois ne sont pas excessives au regard des objectifs mentionnés en B.31.
B.32.2. En outre, la période d’attente n’empêche pas la communauté religieuse locale de déjà acquérir la personnalité juridique. En vertu de l’article 7, 1°, du même décret, la communauté religieuse locale peut avoir n’importe quelle structure juridique, pour autant que celle-ci soit adaptée au statut public demandé et qu’elle soit transparente à cet égard.
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B.33. Le moyen unique dans l’affaire n° 7802, en sa troisième branche, n’est pas fondé.
En ce qui concerne la quatrième branche du moyen unique, en ce qu’elle repose sur une violation des droits fondamentaux
B.34.1. Dans la quatrième branche du moyen unique dans l’affaire n° 7802, les parties requérantes font tout d’abord valoir que les articles 20, 21, alinéa 1er, 1° à 3°, 22 et 23 du décret attaqué violent les articles 19, 21 et 22 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 8
et 9 de la Convention européenne des droits de l’homme, en ce qu’ils confèrent des compétences étendues aux agents de l’instance compétente.
Les parties requérantes font encore valoir que les articles 20, 21, alinéa 1er, 1° à 3°, 22 et 23 du décret attaqué violent les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce que, contrairement à ce qui est le cas pour les autres justiciables, ces dispositions autorisent des perquisitions auprès de communautés religieuses locales et d’administrations du culte sans intervention préalable du juge d’instruction et sans que ces dernières soient suspectées d’avoir commis une infraction.
B.34.2. Il ressort de ce qui précède que les griefs des parties requérantes portent, en substance, sur la protection du domicile, éventuellement lue en combinaison avec les articles 10
et 11 de la Constitution, et sur le droit au respect de la religion et du culte.
La Cour examine d’abord les griefs portant sur la compatibilité de l’article 20 du décret attaqué avec le principe de l’inviolabilité du domicile, puis les griefs portant sur la compatibilité des articles 20, 21, alinéa 1er, 1° à 3°, 22 et 23 du décret attaqué avec le droit au respect de la vie privée et avec la liberté de religion et de culte.
B.35.1. Le principe d’égalité et de non-discrimination n’exclut pas qu’une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu’elle repose sur un critère objectif et qu’elle soit raisonnablement justifiée.
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L’existence d’une telle justification doit s’apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d’égalité et de non-discrimination est violé lorsqu’il est établi qu’il n’existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.
B.35.2. L’article 22 de la Constitution dispose :
« Chacun a droit au respect de sa vie privée et familiale, sauf dans les cas et conditions fixés par la loi.
La loi, le décret ou la règle visée à l’article 134 garantissent la protection de ce droit ».
L’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme dispose :
« 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.
2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ».
B.35.3. Le Constituant a recherché la plus grande concordance possible entre l’article 22
de la Constitution et l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (Doc. parl., Chambre, 1992-1993, n° 997/5, p. 2).
La portée de cet article 8 est analogue à celle de la disposition constitutionnelle précitée, de sorte que les garanties que fournissent ces deux dispositions forment un tout indissociable.
B.35.4. Le droit au respect de la vie privée, tel qu’il est garanti par l’article 22 de la Constitution et par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, a pour but essentiel de protéger les personnes contre les ingérences dans leur vie privée.
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Ce droit a une portée étendue et comprend, entre autres, la protection des données à caractère personnel, des informations personnelles et du domicile.
B.35.5. Bien que l’inviolabilité du domicile, qui est également garantie par l’article 15 de la Constitution, interprété à la lumière de l’article 8, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l’homme, protège les divers lieux qu’une personne occupe en vue d’y établir sa demeure ou sa résidence effective, elle n’est cependant pas limitée à des lieux occupés à titre privé : la notion de domicile doit en effet s’interpréter de manière large et vise également les locaux où sont exercées des activités professionnelles et commerciales (voy. les arrêts de la CEDH, 16 décembre 1992, Niemietz c. Allemagne, ECLI:CE:ECHR:1992:1216JUD001371088; 25 février 1993, Funke c. France, ECLI:CE:ECHR:1993:0225JUD001082884, Crémieux c. France, ECLI:CE:ECHR:1993:0225JUD001147185, Miailhe c. France, ECLI:CE:ECHR:1993:1129JUD001266187; 15 juillet 2003, Ernst e.a. c. Belgique, ECLI:CE:ECHR:2003:0715JUD003340096).
L’ingérence du législateur peut par ailleurs être plus importante lorsqu’il s’agit d’activités professionnelles ou commerciales, ou de lieux où ces activités sont exercées (CEDH, 14 mars 2013, Bernh Larsen Holding AS e.a. c. Norvège, ECLI:CE:ECHR:2013:0314JUD002411708,§ 104; 16 décembre 1992, Niemietz c. Allemagne, ECLI:CE:ECHR:1992:1216JUD001371088, § 31).
Le droit au respect de la vie privée bénéficie aussi, dans une certaine mesure, aux personnes morales. À ce titre, le siège social, l’agence ou les locaux professionnels d’une personne morale peuvent, dans certaines circonstances, être considérés comme son domicile (CEDH, 16 avril 2002, Société Colas Est e.a. c. France, ECLI:CE:ECHR:2002:0416JUD003797197, § 41).
B.35.6. Les droits que garantissent les articles 15 et 22 de la Constitution et l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme exigent que toute ingérence des autorités dans le droit au respect de la vie privée et du domicile soit prévue par une disposition législative suffisamment précise, qu’elle réponde à un besoin social impérieux dans une société démocratique et qu’elle soit proportionnée à l’objectif légitime qu’elle poursuit.
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B.36.1. L’article 20 du décret attaqué donne aux agents de l’instance compétente le droit d’entrer, sans préavis, dans les bâtiments destinés à l’exercice du culte, dans les locaux et dans les infrastructures utilisés par l’administration du culte, ou par la communauté religieuse locale pendant la période d’attente, à l’exception des bâtiments et locaux destinés exclusivement au logement privé.
Bien que le droit d’entrer dans les bâtiments et locaux destinés à l’exercice du culte relève de l’ensemble des règles qui habilitent les agents de l’instance compétente à contrôler le respect des obligations imposées par le décret attaqué, ce droit ne conditionne cependant pas l’exercice des compétences de contrôle énumérées aux articles 21, alinéa 1er, 1° à 3°, 22 et 23 du décret attaqué, lesquels organisent le droit de requérir diverses informations. Le droit mentionné dans l’article 20 du décret attaqué est donc indépendant de la mise en œuvre des autres dispositions visées dans la branche du moyen.
B.36.2. En octroyant aux agents de l’instance compétente « le droit d’entrer, sans préavis », dans les bâtiments et locaux énumérés, à la seule exception des bâtiments et locaux destinés exclusivement au logement privé, la disposition attaquée peut porter atteinte à l’inviolabilité du domicile, compte tenu de la portée étendue de la notion de « domicile »
mentionnée en B.35.5.
L’article 20 du décret attaqué doit dès lors être interprété de manière conforme au respect du principe d’inviolabilité du domicile, de sorte que les bâtiments destinés à l’exercice du culte, les locaux et les infrastructures utilisés par l’administration du culte, ou par la communauté religieuse locale, doivent être considérés comme relevant du champ d’application large de la notion de « domicile ».
B.36.3. Il convient de constater que le « droit d’entrer » dans les bâtiments et locaux énumérés dans cette disposition se limite à prévoir que ce droit, lorsqu’il porte sur ces bâtiments et locaux, peut être exercé « sans préavis », c’est-à-dire sans que les intéressés aient été avertis
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au préalable. En revanche, les bâtiments et locaux destinés exclusivement au logement privé ne relèvent aucunement du champ d’application de l’article 20 du décret attaqué.
Ce « droit d’entrer » poursuit comme seul objectif le contrôle du respect des conditions administratives imposées par le décret attaqué, indépendamment de toute recherche ou suspicion d’infraction, ou de toute exécution d’une mesure de contrainte. Une telle mesure ne constitue pas une perquisition domiciliaire décidée dans le cadre d’une instruction judiciaire. ni même une visite domiciliaire, dès lors qu’elle ne fait pas l’objet de la moindre autorisation de la part d’un juge d’instruction.
L’article 20 du décret attaqué ne permet donc et a fortiori pas aux agents compétents d’accéder par la force ou par la contrainte aux bâtiments destinés à l’exercice du culte, aux locaux et aux infrastructures que l’administration du culte utilise ou à ceux que la communauté religieuse locale utilise pendant la période d’attente, si les intéressés ne coopèrent pas. Les agents compétents ne peuvent pas davantage sanctionner les personnes qui refuseraient l’accès à ces bâtiments et locaux, mais uniquement en faire mention dans leur avis sur l’octroi de la reconnaissance.
B.37. Compte tenu de ce qui est dit en B.36.2 et en B.36.3, la branche du moyen, en ce qu’elle est prise de la violation du droit au respect du domicile, n’est pas fondée.
B.38. Il convient maintenant d’examiner si l’article 20 du décret attaqué de même que les articles 21, alinéa 1er, 1° à 3°, 22 et 23 du décret attaqué respectent le droit au respect de la vie privée et la liberté de religion et de culte.
B.39.1. L’article 21, 1° à 3°, du même décret donne aux agents de l’instance compétente le droit 1) d’enregistrer l’identité de personnes, 2) d’exiger la présentation de documents d’identité officiels, et 3) si les personnes à identifier ne peuvent présenter des documents d’identification officiels ou s’il existe des doutes quant à l’authenticité de ces documents ou à l’identité de ces personnes, de rechercher l’identité à l’aide de documents non officiels qui leur sont volontairement présentés ou au moyen de matériel visuel.
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L’article 22 du même décret donne aux agents le droit d’exiger des informations de toute personne impliquée dans les faits contrôlés ou susceptible d’être au courant de ces faits.
En vertu de l’article 23 du même décret, les agents de l’instance compétente peuvent exiger, sans préavis, la présentation immédiate de toute information, de tout document et de tout support d’information, les consulter et en exiger une copie ou en faire eux-mêmes une copie. Lorsqu’il n’est pas possible d’en faire une copie sur place, les agents peuvent également, en vertu de cette disposition, conserver ou emmener, contre récépissé délivré par eux, le support d’information et les documents pour la période nécessaire à leur copie ou à leur examen. Cette période ne peut excéder trente jours, à moins que, avant son expiration, les agents de l’instance compétente informent les intéressés des raisons particulières justifiant une période plus longue.
B.39.2. Ces compétences de contrôle constituent une ingérence dans le droit au respect de la vie privée et dans la liberté de religion et de culte.
B.40. Le législateur décrétal a conféré des compétences de contrôle aux agents de l’instance compétente afin qu’ils puissent vérifier si, pendant la période d’attente, l’administration du culte ou la communauté religieuse locale remplit les obligations imposées par le décret attaqué.
Les travaux préparatoires mentionnent :
« Ces compétences devraient donner à l’instance compétente suffisamment de pouvoir pour recueillir elle-même les renseignements nécessaires sur les administrations du culte et sur les communautés religieuses locales pendant la période d’attente. Ces compétences sont nécessaires pour compléter, comparer et mettre à jour en permanence toutes les informations requises du point de vue de la sécurité, de la gouvernance et de la société. L’instance compétente doit pouvoir vérifier si les informations communiquées par les communautés religieuses locales qui demandent la reconnaissance et les administrations du culte sont correctes et complètes. Les compétences conférées sont nécessaires pour que l’instance compétente puisse mener une enquête approfondie et adéquate, et vérifier et établir les faits qui ont donné lieu à cette enquête.
L’octroi de ces compétences à l’instance compétente est également nécessaire pour qu’un avis éclairé puisse être transmis au Gouvernement flamand quant au respect des obligations par les communautés religieuses locales qui demandent la reconnaissance et par les administrations du culte. Ces compétences protègent également les communautés religieuses locales qui
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demandent la reconnaissance et les administrations du culte contre les informations diffusées à tort à leur sujet » (Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 854/1, pp. 13-14).
B.41.1. L’exercice des compétences de contrôle est soumis à plusieurs restrictions.
Comme il est dit en B.14, les agents de l’instance compétente ne peuvent faire usage de leurs compétences pour vérifier si les communautés religieuses locales respectent, pendant la période d’attente, les obligations visées aux articles 7 et 8, alinéa 2, du décret attaqué, si les communautés religieuses locales qui font usage de la procédure abrégée respectent les obligations visées à l’article 7, 1° à 9°, du décret attaqué et si les administrations du culte remplissent les obligations visées au chapitre 3 du décret attaqué que s’il existe des indices sérieux, jugés recevables, d’un manquement d’une administration du culte à ces obligations. En outre, les agents ne peuvent faire usage de leurs compétences que si celles-ci sont appropriées et nécessaires aux fins du contrôle. De surcroît, ils ne peuvent, en vertu de l’article 18, dernier alinéa, du décret attaqué, ni perturber ni interrompre un culte en cours.
B.41.2. Les agents de l’instance compétente ne peuvent par ailleurs pas sanctionner les personnes qui ne coopèrent pas. L’instance compétente peut tout au plus en faire mention dans son avis sur l’octroi de la reconnaissance ou, s’il y a déjà une reconnaissance, recommander que l’administration du culte soit sanctionnée conformément au chapitre 5 du décret attaqué.
Comme il est dit en B.36.3, les agents de l’instance compétente ne peuvent pas non plus accéder de force aux bâtiments destinés à l’exercice du culte, aux locaux et aux infrastructures que l’administration du culte utilise ou à ceux que la communauté religieuse locale utilise pendant la période d’attente.
Lorsque les agents de l’instance compétente excèdent les limites de leur pouvoir d’investigation, ceux-ci commettent un détournement de pouvoir ou un excès de pouvoir. Le cas échéant, il appartient au juge compétent de sanctionner un tel comportement de manière appropriée.
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B.42. Eu égard à ce qui précède, et compte tenu de ce qui est dit en B.36.2 et B.36.3, les pouvoirs de contrôle mentionnés aux articles 20, 21, 1° à 3°, 22 et 23 du décret attaqué ne sont pas contraires au droit au respect de la vie privée et à la liberté de religion et de culte.
B.43. Compte tenu de ce qui est dit en B.36.2 et B.36.3, le moyen unique dans l’affaire n° 7802, en sa quatrième branche, n’est pas fondé en ce qu’il est pris de la violation du droit au respect de la vie privée, de la liberté de religion et de culte et du principe d’égalité et de non-
discrimination.
En ce qui concerne la cinquième branche du moyen unique
B.44. Dans la cinquième branche du moyen unique dans l’affaire n° 7802, les parties requérantes font valoir que les articles 10 et 14, § 3, du décret attaqué violent les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce que la période d’attente a pour conséquence que les mosquées non encore reconnues risquent de se trouver dans l’impossibilité de recruter un imam ou de conserver leur imam, dès lors que les imams officiant en Belgique seraient « invariablement, des personnes de nationalité étrangère, formées à l’étranger, qui se voient décerner un titre de séjour pour exercer leur qualité d’imam » et que le Gouvernement fédéral n’octroie un titre de séjour temporaire qu’aux seuls imams qui exercent dans une mosquée reconnue.
B.45.1. Il ressort de l’aperçu des nationalités des ministres du culte islamique qui figurent dans les demandes de reconnaissance déjà introduites et de trois demandes de reconnaissance que le Gouvernement flamand a jointes à son mémoire en réplique que la prémisse sur laquelle repose le grief des parties requérantes est erronée en fait. Il ressort en effet de ces pièces que plusieurs communautés religieuses locales islamiques ont un imam de nationalité belge. La différence de traitement critiquée n’existe donc pas.
B.45.2. Au demeurant, une telle différence de traitement ne serait pas imputable aux dispositions attaquées, mais à la pratique du Gouvernement fédéral consistant à n’octroyer un
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titre de séjour temporaire qu’aux seuls imams qui exercent dans une mosquée reconnue. Le contrôle d’une telle pratique ne relève pas du pouvoir de la Cour.
B.46. Le moyen unique dans l’affaire n° 7802, en sa cinquième branche, n’est pas fondé.
Quant au moyen unique dans l’affaire n° 7805
B.47. La partie requérante dans l’affaire n° 7805 fait valoir, dans un moyen unique, que l’article 67 du décret attaqué viole les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec les principes de la sécurité juridique et de la confiance légitime, en ce qu’il prévoit, à titre de mesure transitoire, pour les demandes présentées à l’organe représentatif avant le 1er juillet 2019, une procédure de reconnaissance abrégée qui ne prévoit pas une période d’attente de quatre ans et qui peut aboutir à une reconnaissance sans que toutes les obligations mentionnées aux articles 7 à 15 soient remplies.
La partie requérante ajoute que les articles 18, alinéa 1er, 2°, et 47, § 2, 7°, et § 3, 7°, du même décret sont indissociablement liés à l’article 67 et devraient donc également être annulés.
B.48.1. L’article 67 du décret attaqué dispose :
« § 1. Par dérogation au chapitre 2, les communautés religieuses locales qui, conformément à l’article 3, § 1, premier alinéa de l’accord de coopération du 2 juillet 2008
modifiant l’accord de coopération du 27 mai 2004 entre l’Autorité fédérale, la Communauté germanophone, la Région flamande, la Région wallonne et la Région de Bruxelles-Capitale en ce qui concerne la reconnaissance des cultes, les traitements et pensions des ministres des cultes, les fabriques d’église et les établissements chargés de la gestion du temporel des cultes reconnus, ont présenté une demande de reconnaissance à l’organe représentatif avant le 1 juillet 2019, peuvent être reconnues conformément à la procédure décrite aux paragraphes 2 à 6.
§ 2. Dans un délai d’un an à compter de l’entrée en vigueur du présent décret, l’organe représentatif soumet au Gouvernement flamand un dossier actualisé contenant, sous peine d’irrecevabilité, toutes les informations et tous les documents suivants :
1° l’identification de la communauté religieuse locale : le nom et la dénomination de la communauté religieuse locale;
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2° le cas échéant, la structure juridique actuelle, le nom, l’adresse, les statuts et le numéro de la Banque-Carrefour des Entreprises;
3° la circonscription territoriale, à savoir l’indication claire de la zone d’activité territoriale de la communauté religieuse locale : le nom de la ou des communes ou des parties de celles-ci;
4° l’indication de l’autorité de financement et, le cas échéant, une proposition de clé de répartition des coûts entre les autorités de financement;
5° l’adresse des bâtiments destinés à l’exercice du culte et l’adresse de toute autre infrastructure utilisée par la communauté religieuse locale;
6° prénom et nom, adresse, numéro de registre national, adresse courriel, numéro de téléphone, nationalité, date de naissance et sexe des personnes qui, si la communauté religieuse locale est reconnue, seront désignées comme membres de l’organe d’administration complet temporaire conformément à l’article 15 et, pour chacune d’entre elles, un extrait du casier judiciaire conformément à l’article 596, deuxième alinéa du Code d’instruction criminelle, ne datant pas de plus de nonante jours. Au cours de la procédure visée dans le présent article l’organe d’administration complet temporaire fait office d’organe d’administration de la communauté religieuse locale qui demande la reconnaissance. Il notifie tout changement ultérieur dans les trente jours au Gouvernement flamand, à l’organe représentatif, à l’autorité de financement et, le cas échéant, à la commune consultée pour avis;
7° prénom et nom, adresse, numéro de registre national, adresse courriel, numéro de téléphone, nationalité, date de naissance et sexe des ministre[s] du culte et de leurs suppléants et, pour chacun d’entre eux, un extrait du casier judiciaire conformément à l’article 596, deuxième alinéa du Code d’instruction criminelle, ne datant pas de plus de nonante jours.
L’organe d’administration complet temporaire, visé au point 6°, notifie tout changement ultérieur dans les trente jours au Gouvernement flamand, à l’organe représentatif, à l’autorité de financement et, le cas échéant, à la commune consultée pour avis;
8° les personnes visées aux points 6° et 7°, signent une déclaration sur l’honneur écrite en vertu de laquelle elles s’engagent à respecter les critères de reconnaissance énoncés à l’article 7 et les lois sur l’emploi des langues en matière administrative, coordonnées le 18 juillet 1966, étant entendu que les mots ‘ l’organe d’administration provisoire ’ visés à l’article 7, sont lus comme ‘ l’organe d’administration complet temporaire ’ visé au point 6°;
9° le dernier compte annuel de l’ensemble des activités de la communauté religieuse locale, complété par un compte annuel pour la partie de ses activités qui concerne les aspects matériels du culte, établis conformément aux modèles applicables aux administrations du culte;
10° un aperçu de tous les dons en nature ou en espèces, liés aux aspects matériels du culte, dont la communauté religieuse locale a été directement ou indirectement bénéficiaire au cours des deux années précédentes et dont la valeur est égale ou supérieure à 1 000 euros. Le récapitulatif des dons indique la date du don, la valeur du don, la nature du don, la manière dont la transaction a été effectuée et les données d’identification suivantes du donateur :
a) pour les personnes physiques :
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1) prénom et nom;
2) adresse de résidence principale;
3) date et lieu de naissance;
4) nationalité;
b) pour les personnes morales ou les structures sans personnalité juridique :
1) nom;
2) le cas échéant, numéro d’entreprise;
3) forme juridique;
4) adresse du siège social;
11° un projet de plan pluriannuel pour les six prochaines années, contenant une estimation des recettes et des dépenses de l’administration du culte à créer après la reconnaissance, établi conformément aux modèles applicables aux administrations du culte.
§ 3. Le Gouvernement flamand informe toutes les instances suivantes dans les trente jours de la réception d’une demande recevable de reconnaissance soumise par l’organe représentatif :
1° l’organe d’administration visé au paragraphe 2, 6°;
2° l’organe représentatif;
3° l’autorité de financement;
4° l’autorité fédérale;
5° le cas échéant, la commune consultée pour avis.
§ 4. Au plus tard quatre mois après la notification visée au paragraphe 3, l’organe représentatif, l’autorité de financement et, le cas échéant, la commune consultée pour avis rendent un avis au Gouvernement flamand sur le respect, ou non, par la communauté religieuse locale des obligations énoncées à l’article 7, à l’exception des points 10° et 11°. Si l’une des instances visées au premier alinéa ne rend pas l’avis en temps voulu, il peut être passé outre à l’obligation d’avis.
§ 5. Au plus tard six mois après l’expiration du délai visé au paragraphe 4, le Gouvernement flamand statue sur la reconnaissance et communique sa décision à l’organe d’administration visé au paragraphe 2, 6°, à l’organe représentatif, à l’autorité fédérale, à l’autorité de financement et, le cas échéant, à la commune consultée pour avis.
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Le Gouvernement flamand évalue la reconnaissance de la communauté religieuse locale en fonction des obligations énoncées à l’article 7, à l’exception des points 10° et 11°. La décision de reconnaissance contient, le cas échéant, tous les éléments visés à l’article 14, § 2, premier alinéa.
L’arrêté de reconnaissance visé au deuxième alinéa est publié par extrait au Moniteur belge.
§ 6. Si la communauté religieuse locale est reconnue, l’article 15 s’applique ».
B.48.2. L’article 18, alinéa 1er, 2°, du même décret dispose :
« L’instance compétente désignée par le Gouvernement flamand vérifie :
[...]
2° si les communautés religieuses locales respectent les obligations visées à l’article 7, à l’exception des points 10° et 11°, au cours de la procédure visée à l’article 67, § 1 ».
L’article 47, § 2, 7°, et § 3, 7°, du même décret dispose :
« § 2. Conformément aux dispositions du présent décret, les instances suivantes traitent les données à caractère personnel de manière structurée et systématique en tant que responsables du traitement au sens de l’article 4, 7) du règlement général sur la protection des données :
[...]
7° l’organe d’administration complet temporaire, visé à l’article 67, § 2, 6°;
[...]
§ 3. Les instances mentionné[e]s au paragraphe 2 peuvent, conformément aux dispositions du présent décret, traiter les données personnelles des personnes suivantes :
[...]
7° les membres de l’organe d’administration complet temporaire, visé à l’article 67, § 2, 6° ».
B.49. Il appartient en principe au législateur, lorsqu’il décide d’introduire une nouvelle réglementation, d’estimer s’il est nécessaire ou opportun d’assortir celle-ci de dispositions transitoires. Le principe d’égalité et de non-discrimination n’est violé que si le régime transitoire ou son absence entraîne une différence de traitement dénuée de justification raisonnable ou s’il est porté une atteinte excessive au principe de la confiance légitime.
47
Ce principe est étroitement lié au principe de la sécurité juridique, qui interdit au législateur de porter atteinte, sans justification objective et raisonnable, à l’intérêt que possèdent les sujets de droit d’être en mesure de prévoir les conséquences juridiques de leurs actes.
B.50. La partie requérante conteste l’affirmation selon laquelle l’article 67 du décret prévoit un régime transitoire. Il s’agirait d’une procédure adaptée plutôt que d’une disposition qui rend l’ancienne réglementation applicable aux demandes présentées à l’organe représentatif avant le 1er juillet 2019.
Ce raisonnement ne saurait être suivi. Un régime transitoire ne doit pas nécessairement consister à maintenir l’ancien régime pour certains faits juridiques.
B.51. La différence de traitement entre les communautés religieuses locales qui ont présenté leur demande de reconnaissance à l’organe représentatif avant le 1er juillet 2019 et les communautés religieuses locales qui ont présenté leur demande après cette date repose sur un critère objectif, à savoir la date à laquelle la demande a été présentée à l’organe représentatif.
B.52. Le législateur décrétal a instauré la procédure abrégée pour les demandes présentées à l’organe représentatif avant le 1er juillet 2019 afin de respecter les attentes légitimes des communautés religieuses locales qui attendaient déjà depuis des années et d’éviter que des communautés religieuses locales présentent encore rapidement une demande de reconnaissance pour échapper à la période d’attente :
« L’objectif de cette distinction est de traiter les demandes de reconnaissance qui ont été présentées par des communautés religieuses locales avant le 1er juillet et qui attendent déjà depuis des années par le biais d’une procédure de reconnaissance abrégée, sans que ces communautés doivent encore passer par une période d’attente de quatre ans. L’association des provinces flamandes affirme que la demande de reconnaissance n’a pas créé de droits dans le chef de ces communautés religieuses locales qui demandent la reconnaissance, mais on ne saurait nier qu’une demande de reconnaissance fait naître des attentes légitimes. C’est pourquoi le Gouvernement flamand instaure une procédure de reconnaissance abrégée pour ces communautés.
Afin d’objectiver cette distinction et de faire la clarté sur la question de connaître, parmi les communautés religieuses locales qui demandent la reconnaissance, celles qui peuvent prétendre à cette procédure de reconnaissance abrégée, une date fixe a été choisie, à savoir le 1er juillet 2019. Ceci permet d’éviter également que des communautés religieuses locales
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présentent une demande de reconnaissance dans le seul but de contourner la période d’attente »
(Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 854/1, p. 37).
Ces objectifs sont légitimes.
B.53. La date choisie, à savoir le 1er juillet 2019, est, compte tenu de la marge d’appréciation étendue du législateur décrétal en la matière, pertinente au regard de ces objectifs. Cette date se situe suffisamment dans le passé, de sorte que le législateur décrétal a pu considérer que les communautés religieuses locales qui avaient présenté une demande avant cette date peuvent légitimement s’attendre à un traitement rapide de leur demande. De plus, elle est suffisamment éloignée du 16 juin 2021, date à laquelle le projet de décret a été soumis au Parlement flamand, de sorte que le législateur décrétal a pu considérer également que les demandes relevant du régime transitoire n’ont pas été présentées pour éviter la période d’attente.
B.54.1. Enfin, le régime transitoire ne produit pas des effets disproportionnés. Il n’ouvre pas la porte à des reconnaissances inconsidérées, étant donné que les communautés religieuses locales qui ont présenté une demande de reconnaissance à l’organe représentatif avant le 1er juillet 2019 et qui font usage du régime transitoire doivent, pour pouvoir prétendre à une reconnaissance, remplir, à l’exception de la période d’attente et des conditions en matière de transparence financière durant la période d’attente visées aux articles 11 et 12 du décret attaqué, tous les critères de reconnaissance visés à l’article 7 du décret attaqué.
Les conditions en matière de transparence financière durant la période d’attente qui disparaissent en cas d’application du régime transitoire attaqué sont, en outre, partiellement compensées par les données et documents que la communauté religieuse locale doit transmettre pour pouvoir prétendre à une reconnaissance sur la base du régime transitoire. En vertu de l’article 67, § 2, 9° à 11°, du décret attaqué, le dossier actualisé doit contenir 1) le dernier compte annuel de l’ensemble des activités de la communauté religieuse locale, complété par un compte annuel pour la partie de ses activités qui concerne les aspects matériels du culte, 2) un aperçu de tous les dons en nature ou en espèces, liés aux aspects matériels du culte, dont la communauté religieuse locale a été directement ou indirectement bénéficiaire au cours des deux années précédentes et dont la valeur est égale ou supérieure à 1 000 euros, et 3) un projet de
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plan pluriannuel pour les six prochaines années, contenant une estimation des recettes et des dépenses de l’administration du culte à créer après la reconnaissance.
B.54.2. Par ailleurs, le régime transitoire n’impose pas une charge administrative disproportionnée aux autorités qui doivent émettre un avis sur la demande de reconnaissance.
Il n’est pas exact d’affirmer que ces autorités sont confrontées simultanément à toutes les demandes présentées avant le 1er juillet 2019. La procédure abrégée exige en effet que l’organe représentatif introduise d’abord, dans un délai d’un an à compter de l’entrée en vigueur du décret attaqué, une demande actualisée, à la suite de quoi, si la demande est recevable, le Gouvernement flamand transmet celle-ci notamment aux autorités consultatives, dans les trente jours de la réception. Ces dernières disposent ensuite d’un délai, suffisamment long, de quatre mois pour rendre leur avis.
B.54.3. Le fait que les autorités de financement doivent soutenir financièrement les communautés religieuses locales qui sont reconnues en vertu du régime transitoire est une conséquence non pas de ce régime transitoire, mais du décret du 7 mai 2004.
B.55. Le moyen unique dans l’affaire n° 7805 n’est pas fondé.
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Par ces motifs,
la Cour
- annule l’article 7, 3°, première phrase, et 9°, l’article 16, 8°, et l’article 17, § 1er, première phrase, du décret de la Région flamande du 22 octobre 2021 « réglementant la reconnaissance des communautés religieuses locales, les obligations des administrations du culte et le contrôle de ces obligations, et modifiant le décret du 7 mai 2004 relatif à l’organisation matérielle et au fonctionnement des cultes reconnus »;
- compte tenu de ce qui est mentionné en B.36.2 et B.36.3, rejette les recours pour le surplus.
Ainsi rendu en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l’article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 20 juillet 2023.
Le greffier, Le président,
N. Dupont L. Lavrysen