Cour constitutionnelle
Arrêt n° 111/2023
du 20 juillet 2023
Numéros du rôle : 7429 et 7443
En cause : les recours en annulation totale ou partielle du décret flamand du 26 juin 2020
« modifiant le décret du 21 juin 2013 relatif à la coopération administrative dans le domaine fiscal, en ce qui concerne l’échange automatique et obligatoire d’informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration », introduits par l’« Orde van Vlaamse balies » et Alain Claes et par l’association de fait « Belgian Association of Tax Lawyers » et autres.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents L. Lavrysen et P. Nihoul, et des juges J. Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache, T. Detienne, D. Pieters, S. de Bethune, E. Bribosia et K. Jadin, assistée du greffier N. Dupont, présidée par le président L. Lavrysen,
après en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant :
I. Objet des recours et procédure
a. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 31 août 2020 et parvenue au greffe le 1er septembre 2020, un recours en annulation du décret flamand du 26 juin 2020 « modifiant le décret du 21 juin 2013 relatif à la coopération administrative dans le domaine fiscal, en ce qui concerne l’échange automatique et obligatoire d’informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration » (publié au Moniteur belge du 3 juillet 2020) a été introduit par l’« Orde van Vlaamse balies » et Alain Claes, assistés et représentés par Me P. Wouters, avocat à la Cour de cassation.
b. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 1er octobre 2020 et parvenue au greffe le 2 octobre 2020, un recours en annulation partielle du même décret a été introduit par l’association de fait « Belgian Association of Tax Lawyers », Paul Verhaeghe et Gerd Goyvaerts, assistés et représentés par Me P. Malherbe, avocat au barreau de Bruxelles.
Par les mêmes requêtes, les parties requérantes demandaient également la suspension totale ou partielle du même décret.
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Ces affaires, inscrites sous les numéros 7429 et 7443 du rôle de la Cour, ont été jointes.
Par arrêt interlocutoire n° 167/2020 du 17 décembre 2020
(ECLI:BE:GHCC:2020:ARR.167), publié au Moniteur belge du 22 décembre 2020, la Cour a partiellement suspendu le décret et a posé à la Cour de justice de l’Union européenne la question préjudicielle suivante :
« L’article 1er, point 2), de la directive (UE) 2018/822 du Conseil du 25 mai 2018
‘ modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l’échange automatique et obligatoire d’informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration ’ viole-t-il le droit à un procès équitable garanti par l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et le droit au respect de la vie privée garanti par l’article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, en ce que le nouvel article 8bis ter, paragraphe 5, qu’il a inséré dans la directive 2011/16/UE du Conseil du 15 février 2011 ‘ relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal et abrogeant la directive 77/799/CEE ’, prévoit que, si un État membre prend les mesures nécessaires pour accorder aux intermédiaires le droit d’être dispensés de l’obligation de fournir des informations concernant un dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration lorsque l’obligation de déclaration serait contraire au secret professionnel applicable en vertu du droit national dudit État membre, cet État membre est tenu d’obliger lesdits intermédiaires à notifier sans retard à tout autre intermédiaire ou, en l’absence d’un tel intermédiaire, au contribuable concerné, ses obligations de déclaration, en ce que cette obligation a pour effet qu’un avocat qui agit en tant qu’intermédiaire est tenu de partager avec un autre intermédiaire qui n’est pas son client les informations qui lui sont connues à l’occasion de l’exercice des activités essentielles de sa profession, à savoir la défense ou la représentation en justice du client et le conseil juridique, même en dehors de toute procédure judiciaire ? ».
Des mémoires et mémoires en réplique ont été introduits par :
- le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale, assisté et représenté par Me C. Molitor, Me O. Vanleemputten et Me M. de Mûelenaere, avocats au barreau de Bruxelles (dans l’affaire n° 7429);
- le Gouvernement flamand, assisté et représenté par Me M. Delanote, avocat au barreau de Bruxelles (dans les deux affaires).
Les parties requérantes ont introduit des mémoires en réponse.
Par arrêt du 8 décembre 2022 en cause de Orde van Vlaamse Balies e.a. (C-694/20, ECLI:EU:C:2022:963), la Cour de justice de l’Union européenne a répondu à la question.
Par ordonnance du 21 décembre 2022, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteures J. Moerman et K. Jadin, a décidé :
- que les affaires ne peuvent pas encore être déclarées en état;
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- d’inviter les parties à exposer, dans un mémoire complémentaire à introduire le 2 février 2023 au plus tard et à communiquer aux autres parties dans le même délai, leur point de vue relatif à l’incidence, sur les recours en annulation, de l’arrêt de la Cour de Justice de l’Union européenne précité.
Des mémoires complémentaires ont été introduits par :
- l’« Orde van Vlaamse balies » (partie requérante dans l’affaire n° 7429);
- les parties requérantes dans l’affaire n° 7443;
- le Gouvernement flamand.
Par ordonnance du 17 mai 2023, la Cour a déclaré les affaires en état et fixé l’audience au 14 juin 2023.
À l’audience publique du 14 juin 2023 :
- ont comparu :
. Me P. Wouters, pour la partie requérante dans l’affaire n° 7429;
. Me P. Malherbe, pour les parties requérantes dans l’affaire n° 7443;
. Me M. Delanote, pour le Gouvernement flamand;
- les juges-rapporteures J. Moerman et K. Jadin ont fait rapport;
- les avocats précités ont été entendus;
- les affaires ont été mises en délibéré.
Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives à la procédure et à l’emploi des langues ont été appliquées.
II. En droit
-A-
Quant à la recevabilité
En ce qui concerne l’intérêt des parties requérantes dans l’affaire n° 7443
A.1. Selon le Gouvernement flamand, le recours en annulation est irrecevable en ce qui concerne la première partie requérante dans l’affaire n° 7443. Il s’agit d’une association de fait qui ne satisfait pas aux exigences fixées par la Cour pour que de telles associations puissent agir devant la Cour. Étant donné que les deuxième et troisième parties requérantes fondent leur intérêt sur leur qualité d’administrateur ou de président du conseil d’administration de l’association de fait, elles ne justifient pas non plus de l’intérêt requis.
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En ce qui concerne la recevabilité des moyens dans l’affaire n° 7443
A.2. Le Gouvernement flamand fait valoir que les moyens dans l’affaire n° 7443 sont irrecevables, parce que l’exposé ne permet pas de déduire clairement en quoi les nombreuses dispositions énumérées violeraient les normes de contrôle énumérées, tout aussi nombreuses.
Quant au fond
En ce qui concerne le premier moyen dans l’affaire n° 7429
A.3.1. Les parties requérantes dans l’affaire n° 7429 prennent un premier moyen de la violation, par les articles 1er à 30 du décret du 26 juin 2020 « modifiant le décret du 21 juin 2013 relatif à la coopération administrative dans le domaine fiscal, en ce qui concerne l’échange automatique et obligatoire d’informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration » (ci-après :
le décret attaqué), des articles 22, 29 et 170 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec le principe général de droit de la sécurité juridique, avec le principe général de droit du secret professionnel de l’avocat, avec les articles 1er, 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, avec les articles 7, 8, 20, 21, 47, 48, 49 et 51 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et avec l’article 6 du Traité sur l’Union européenne (ci-après : le TUE). Elles font valoir que l’article 11/6, § 3, du décret du 21 juin 2013 « relatif à la coopération administrative dans le domaine fiscal » (ci-après : le décret du 21 juin 2013), tel qu’il a été inséré par l’article 14
du décret attaqué, viole ces dispositions en ce qu’il exclut qu’un avocat qui agit en tant qu’intermédiaire au sens du décret invoque son secret professionnel pour être dispensé de l’obligation de déclaration périodique en matière de dispositifs commercialisables. L’avocat ne peut toutefois pas satisfaire à cette obligation de déclaration sans violer son secret professionnel. À cet égard, les parties requérantes renvoient à la jurisprudence de la Cour, dont il ressort que le simple fait de recourir à un avocat relève du secret professionnel. Selon les parties requérantes, il n’existe aucune justification à une telle levée absolue et a priori du secret professionnel. L’objectif consistant à permettre aux États membres de supprimer des échappatoires ne justifie pas que l’avocat soit obligé de violer son secret professionnel pour déclarer un dispositif parfaitement légal et ne saurait être considéré comme un motif impérieux d’intérêt général. L’argument selon lequel l’avocat doit satisfaire à l’obligation de déclaration et que, contrairement à ce qui est le cas pour d’autres dispositifs transfrontières, il ne peut pas invoquer le secret professionnel dans le cas de dispositifs commercialisables, au motif que, dans ce dernier cas, le contribuable n’a pas assez d’informations pour satisfaire lui-même à l’obligation de déclaration, ne résiste pas à l’examen. En outre, la signification précise de la notion de « dispositif commercialisable » n’est pas suffisamment claire, de sorte que l’obligation de déclaration est contraire au principe de la sécurité juridique.
A.3.2. À titre subsidiaire, à supposer que la Cour conclue qu’elle ne peut apprécier la constitutionnalité du décret attaqué sans examiner la validité de la directive (UE) 2018/822 du Conseil du 25 mai 2018 « modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l’échange automatique et obligatoire d’informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration » (ci-après : la directive (UE) 2018/822), les parties requérantes suggèrent qu’une question préjudicielle soit posée à la Cour de justice de l’Union européenne.
À l’occasion de l’audience relative à la demande de suspension, les parties requérantes dans l’affaire n° 7429
renoncent à leur demande de poser cette question préjudicielle.
A.3.3. Le Gouvernement flamand fait valoir que, faute d’exposé, le moyen est irrecevable en ce qu’il est dirigé contre d’autres dispositions que l’article 14 du décret attaqué. Quant au fond, le Gouvernement flamand répond que l’avocat qui propose des dispositifs commercialisables n’agit pas dans le cadre de la fonction essentielle d’un avocat, mais doit plutôt être considéré comme une personne qui vend un produit, à savoir le dispositif commercialisable, à un client. Le secret professionnel n’est dès lors pas applicable dans ce cas-ci. À cet égard, le Gouvernement flamand renvoie à l’avis du Conseil d’État relatif à la réglementation fédérale. Étant donné que la directive (UE) 2018/822 laisse aux États membres la possibilité de faire en sorte que le secret professionnel légal soit respecté, il appartient uniquement aux États membres concernés d’y veiller et la question préjudicielle proposée n’est pas pertinente.
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En ce qui concerne le deuxième moyen dans l’affaire n° 7429
A.4.1. Les parties requérantes dans l’affaire n° 7429 prennent un deuxième moyen de la violation, par les articles 1er à 30 du décret attaqué, des articles 22, 29 et 170 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec le principe général de droit de la sécurité juridique, avec le principe général de droit du secret professionnel de l’avocat, avec les articles 1er, 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, avec les articles 7, 8, 20, 21, 47, 48, 49 et 51 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et avec l’article 6 du TUE.
A.4.2. Dans la première branche, elles reprochent à la dispense des obligations de déclaration dans le cas du secret professionnel de ne sortir ses effets qu’au moment où un autre intermédiaire a satisfait à l’obligation de déclaration. Il est en effet impossible pour l’avocat de s’en assurer sans violer malgré tout son secret professionnel.
A.4.3. Selon le Gouvernement flamand, cette branche repose manifestement sur une lecture erronée du décret. Dès que l’intermédiaire qui invoque le secret professionnel en a informé l’autre intermédiaire ou le contribuable, la dispense de l’obligation de déclaration est applicable.
A.4.4. Dans la deuxième branche, les parties requérantes critiquent le fait que l’avocat-intermédiaire qui souhaite invoquer son secret professionnel est tenu d’informer les autres intermédiaires concernés par écrit et de façon motivée qu’il ne peut satisfaire à son obligation de déclaration. Selon les parties requérantes, il est impossible de satisfaire à cette exigence sans violer malgré tout le secret professionnel. En outre, cette exigence n’est pas nécessaire pour assurer la déclaration du dispositif transfrontière, étant donné que le client, assisté ou non par l’avocat, peut informer les autres intermédiaires et peut leur demander de satisfaire à leur obligation de déclaration.
A.4.5. Selon le Gouvernement flamand, aucun problème ne se pose lorsque l’autre intermédiaire dont il est question dans le décret est le client de l’avocat-intermédiaire ou lorsqu’il a été mis en contact avec l’avocat par le client. Lorsque ce n’est pas le cas et que l’avocat ne collabore pas avec l’autre intermédiaire, il n’est pas non plus au courant de son existence et l’obligation de déclaration incombe au contribuable.
A.4.6. Dans la troisième branche, les parties requérantes critiquent le fait que l’avocat-intermédiaire qui souhaite invoquer son secret professionnel par rapport à l’obligation de déclaration est tenu, en l’absence d’un autre intermédiaire, d’informer par écrit et de façon motivée le contribuable ou les contribuables concernés de l’obligation de déclaration. Selon les parties requérantes, si ce contribuable n’est pas le client de l’avocat-
intermédiaire, il n’est pas possible de satisfaire à cette obligation sans violer le secret professionnel. Les parties requérantes indiquent que l’avocat doit pouvoir se borner à attirer l’attention de son client sur son obligation d’informer le contribuable de l’obligation de déclaration.
A.4.7. Selon le Gouvernement flamand, la situation à laquelle les parties requérantes font référence dans cette branche est inexistante. Soit le contribuable est le client de l’avocat, soit le client est un intermédiaire, et l’obligation de déclaration incombera dès lors à cet intermédiaire.
Les parties requérantes répondent sur ce point que la Cour doit, dans ce cas, confirmer explicitement l’interprétation conforme à la Constitution. Il en va de même pour les autres moyens, qui reposent sur une interprétation erronée selon le Gouvernement flamand.
A.4.8. Dans la quatrième branche, les parties requérantes reprochent au décret attaqué de prévoir la possibilité, pour le contribuable concerné, client de l’avocat-intermédiaire, de charger l’avocat-intermédiaire de satisfaire tout de même à l’obligation de déclaration. Le contribuable pourrait ainsi obliger l’avocat à violer son secret professionnel. La cinquième branche repose sur la même supposition, mais cette fois dans l’hypothèse où
le contribuable concerné ne serait pas le client.
A.4.9. Le Gouvernement flamand répond que cette branche repose sur une interprétation obsolète de la jurisprudence. Il ressortirait de la jurisprudence récente de la Cour de cassation et de la Cour de justice que la possibilité pour le client de demander à son avocat de divulguer certaines informations correspond mieux à l’essence du secret professionnel, parce que cela bénéficie aux droits de la défense. La branche n’est dès lors pas fondée. En ce qui concerne la cinquième branche, le Gouvernement flamand observe une nouvelle fois que celle-
ci est fondée sur une hypothèse inexistante, par analogie avec la réponse qu’il a donnée à la troisième branche.
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En ce qui concerne le troisième moyen dans l’affaire n° 7429
A.5.1. Les parties requérantes dans l’affaire n° 7429 prennent un troisième moyen de la violation, par les articles 1er à 30 du décret attaqué, des articles 22, 29 et 170 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec le principe général de droit de la sécurité juridique, avec le principe général de droit du secret professionnel de l’avocat, avec les articles 1er, 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, avec les articles 7, 8, 20, 21, 47, 48, 49 et 51 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et avec l’article 6 du TUE. Elles critiquent le fait qu’en vertu de l’article 17 du décret attaqué, lorsqu’il existe plus d’un intermédiaire, l’avocat-
intermédiaire ne peut être dispensé de son obligation de déclaration que s’il peut prouver par écrit qu’un autre intermédiaire y a déjà satisfait. Il n’est pas possible pour l’avocat-intermédiaire d’obtenir cette preuve écrite sans violer son secret professionnel.
A.5.2. Selon le Gouvernement flamand, le troisième moyen repose sur une lecture erronée de l’article 17 du décret attaqué. Cet article règle la situation générale dans laquelle plusieurs intermédiaires participent à un dispositif transfrontière et ne porte pas atteinte à l’article 14, qui concerne la situation dans laquelle un des intermédiaires se prévaut du secret professionnel.
En ce qui concerne le quatrième moyen dans l’affaire n° 7429
A.6.1. Les parties requérantes dans l’affaire n° 7429 prennent un quatrième moyen de la violation, par le décret attaqué, des articles 22, 29 et 170 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec le principe général de droit de la sécurité juridique, avec le principe général de droit du secret professionnel de l’avocat, avec les articles 1er, 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, avec les articles 7, 8, 20, 21, 47, 48, 49 et 51 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et avec l’article 6 du TUE. Plus spécifiquement, elles demandent dans cette branche l’annulation des articles 29 et 30 du décret, qui en règlent l’entrée en vigueur.
A.6.2. Le Gouvernement flamand renvoie aux réponses données aux autres moyens dans l’affaire n° 7429.
Aucun de ces moyens n’étant fondé, le quatrième moyen ne l’est pas non plus.
En ce qui concerne le premier moyen dans l’affaire n° 7443
A.7.1. Les parties requérantes dans l’affaire n° 7443 prennent un premier moyen de la violation, par le décret attaqué, des articles 10, 11, 170, § 2, et 172 de la Constitution, en ce que le décret transpose la directive (UE) 2018/822 dans des matières autres que l’impôt des sociétés, sans qu’une justification raisonnable ne soit fournie à cet effet. Elles demandent à la Cour de poser la question suivante à la Cour de justice de l’Union européenne :
« La directive (UE) 2018/822 du Conseil du 25 mai 2018 modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l’échange automatique et obligatoire d’informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration viole-t-elle les articles 2, 5, paragraphe 3, et 6 du TUE, lus en combinaison ou non avec les articles 115 du TFUE et 16, paragraphe 1, 26, paragraphe 2, 49, 56 et 63 du TFUE, en ce que cette directive, premièrement, instaure des obligations pour atteindre une finalité qui est déjà poursuivie par la directive (UE) 2016/1164 du Conseil du 12 juillet 2016 établissant des règles pour lutter contre les pratiques d’évasion fiscale qui ont une incidence directe sur le fonctionnement du marché intérieur, ou bien instaure des dispositions qui ne promeuvent pas le fonctionnement du marché intérieur, alors qu’un tel effet constitue une exigence nécessaire pour l’application de la disposition conventionnelle sur la base de laquelle cette directive a été adoptée par le Conseil et, deuxièmement, en ce que ces obligations ont pour effet d’entraver l’objectif de l’Union consistant à garantir le bon fonctionnement de l’État de droit ? ».
A.7.2. À titre principal, le Gouvernement flamand répond que le moyen n’est pas clair et qu’il est dès lors irrecevable. À titre subsidiaire, le Gouvernement flamand fait valoir que l’hypothèse sur laquelle se fonde le moyen, à savoir que la transposition de la directive (UE) 2018/822 ne serait obligatoire que dans le cadre de l’impôt des sociétés, est inexacte. Le moyen n’est dès lors pas fondé.
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En ce qui concerne le deuxième moyen dans l’affaire n° 7443
A.8.1. Les parties requérantes dans l’affaire n° 7443 prennent un deuxième moyen de la violation, par le décret attaqué, des articles 10, 11, 170, § 2, et 172 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec l’article 5
du TUE, avec les articles 16, paragraphe 1, 26, paragraphe 2, 49, 56, 63, 65, paragraphe 3, et 115 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (ci-après : le TFUE), avec les articles 7, 8, paragraphe 1, et 51 à 53 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, avec les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme et avec l’article 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Elles reprochent aux obligations d’information instaurées dans le décret d’être basées sur des présomptions de planification fiscale agressive qui ne peuvent pas être raisonnablement déduites des marqueurs élaborés dans la directive. Elles reprochent par ailleurs à certains des marqueurs d’instaurer une présomption irréfragable en ce qu’ils ne permettent pas au contribuable concerné de démontrer que le but du dispositif n’est pas principalement fiscal.
Elles demandent à la Cour de poser les questions préjudicielles suivantes à la Cour de justice de l’Union européenne :
« 1. Les articles 5, paragraphe 4, et 6 du Traité sur l’Union européenne, lus en combinaison avec les articles 16, paragraphe 1, 26, paragraphe 2, 49, 56, 63, 65, paragraphe 3, et 115 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, avec les articles 7, 8, 20, 47 à 52 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, avec l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme et avec l’article 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une norme nationale d’un État membre qui, dans le cadre de la transposition de la directive (UE) 2018/822 du Conseil du 25 mai 2018
modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l’échange automatique et obligatoire d’informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration, instaure les obligations suivantes :
- Des obligations de déclaration vis-à-vis des personnes qui ne sont pas une administration ou une autorité qui dépend d’un État membre ?
- Est-ce qu’une telle obligation peut dès lors concerner d’autres impôts nationaux que l’impôt des sociétés ?
- Est-ce qu’une telle obligation peut être activée par la simple présence d’un des critères visés dans l’annexe IV à la directive, même lorsqu’ils ne se trouvent pas dans un rapport logique ou nécessaire avec un risque d’évasion fiscale ou avec la présence de pratiques fiscales abusives ?
- Est-ce que les personnes concernées par une obligation de déclaration en application d’un des critères visés dans l’annexe IV à la directive peuvent être exclues du droit d’apporter la preuve que le dispositif transfrontière a un autre but principal qu’un but fiscal ou qu’il a une réalité économique, lorsqu’elles se font interpeller suite à une absence de déclaration du dispositif transfrontière ?
2. En cas de réponse affirmative à la première question, est-ce que l’article 1er, paragraphe 1, point b), et paragraphe 2, et l’annexe IV de la directive (UE) 2018/822 du Conseil du 25 mai 2018 modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l’échange automatique et obligatoire d’informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration doivent être interprétés en ce sens que :
- La loi nationale qui a transposé cette norme européenne ne peut recevoir application, ni la norme européenne elle-même, en conformité avec le droit primaire de l’Union européenne ?
- La loi nationale qui a transposé cette norme européenne ne peut recevoir d’application que dans la matière de l’impôt des sociétés ou des impôts ayant le même effet qu’une taxe directe sur le chiffre d’affaires d’une personne morale ?
- La loi nationale qui a transposé cette norme européenne est tenue de limiter l’obligation de déclaration aux indices combinés d’un avantage fiscal issu d’une planification fiscale agressive et d’un recours à un montage artificiel repris dans la recommandation du 6 décembre 2012 de la Commission européenne ?
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- La loi nationale qui a transposé cette norme européenne autorise en cas de non-déclaration la possibilité d’apporter dans tous les cas la preuve de ce que le dispositif transfrontière n’avait pas pour but principal un avantage fiscal né d’une planification fiscale agressive ou avait une réalité économique ? ».
A.8.2. Le Gouvernement flamand répond que l’existence d’autres initiatives dans le droit de l’Union européenne poursuivant un objectif similaire ne signifie pas nécessairement que l’obligation de déclaration n’est pas nécessaire à la lutte contre les effets sociaux indésirables des dispositifs de planification fiscale agressive. Pour le surplus, il fait valoir que le moyen n’est pas clair et qu’il consiste purement et simplement en des hypothèses et des allégations sans fondement. En ce qui concerne les marqueurs, le Gouvernement flamand souligne que ceux-
ci visent précisément à obtenir les informations susceptibles d’être importantes pour les objectifs de la directive et donc aussi pour ceux du décret. Pour le reste, toute l’argumentation des parties requérantes concernant les « présomptions » ne repose sur rien.
En ce qui concerne le troisième moyen dans l’affaire n° 7443
A.9.1. Les parties requérantes dans l’affaire n° 7443 prennent un troisième moyen de la violation, par le décret attaqué, des articles 10, 11, 12, 14, 170, § 2, et 172 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec les articles 20, 48, paragraphe 1, 49, 51 et 52 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, avec les articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l’homme et avec l’article 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, en ce que la notion d’intermédiaire n’a pas été définie assez clairement en ce qui concerne les personnes qui ne sont pas des promoteurs. Étant donné que les définitions contenues dans le décret sont basées sur la directive, celle-ci viole également, selon les parties requérantes, les dispositions précitées.
A.9.2. Le Gouvernement flamand relève qu’il ne ressort pas de la requête que les parties requérantes jugent la définition d’intermédiaire imprécise, mais qu’en réalité, elles estiment uniquement que cette définition est trop large, de sorte que les intermédiaires seraient tenus de transmettre des informations auxquelles ils n’ont pas accès.
Cette position repose sur une lecture erronée des dispositions concernées, étant donné qu’il ressort de l’article 11/3
du décret du 21 juin 2013 que seules les informations dont l’intermédiaire a connaissance, qu’il possède ou qu’il contrôle doivent bien entendu être transmises. Toute personne qui ne savait pas et qui ne pouvait pas raisonnablement savoir qu’elle participait à un dispositif devant faire l’objet d’une déclaration n’est pas un intermédiaire au sens du décret attaqué.
En ce qui concerne le quatrième moyen dans l’affaire n° 7443
A.10.1. Les parties requérantes dans l’affaire n° 7443 prennent un quatrième moyen de la violation, par le décret attaqué, des articles 10, 11, 170, § 2, et 172 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec les articles 20, 48, paragraphe 1, 49, 50, 51 et 52 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et avec les articles 6, paragraphes 1 et 2, et 7 de la Convention européenne des droits de l’homme, en ce que le début et la fin du délai pour satisfaire à l’obligation de déclaration n’ont pas été définis de manière suffisamment claire.
A.10.2. Selon le Gouvernement flamand, ce moyen est irrecevable à défaut d’exposer en quoi la disposition citée ne serait pas claire.
En ce qui concerne le cinquième moyen dans l’affaire n° 7443
A.11.1. Les parties requérantes dans l’affaire n° 7443 prennent un cinquième moyen de la violation, par le décret attaqué, des articles 10, 11, 12, 14, 172 et 190 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec les articles 20, 48, paragraphe 1, 49, 50, 51 et 52 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et avec les articles 6, paragraphes 1 et 2, et 7 de la Convention européenne des droits de l’homme, en ce que le décret attaqué est entré en vigueur le 1er juillet 2020, alors qu’il n’est paru au Moniteur belge que le 3 juillet 2020.
A.11.2. Selon le Gouvernement flamand, l’utilisation du terme « rétroactif » est trompeuse. Le décret impose une obligation de déclaration future, étant entendu que l’objet de la déclaration porte sur des faits qui se sont déjà produits. Ceci est confirmé dans l’avis du Conseil d’État sur la réglementation fédérale. Le moyen n’est pas fondé.
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A.12. En ce qui concerne les troisième, quatrième et cinquième moyens, les parties requérantes demandent de poser les questions préjudicielles suivantes à la Cour de justice :
« 1. Les articles 20, 47 à 52, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, lus ensemble avec l’article 6 du Traité de l’Union européenne, l’article 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et les articles 6, paragraphes 1 et 2, et 7 de la Convention européenne des droits de l’homme, doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils sont incompatibles avec une législation nationale qui, en exécution de la directive (UE) 2018/822 du Conseil du 25 mai 2018 modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l’échange automatique et obligatoire d’informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration, impose :
- Dans des termes imprécis et/ou subjectifs des obligations de déclaration à des personnes qui dépendent de l’information d’autrui sans un accès propre à toutes les informations nécessaires pour pouvoir remplir valablement leur propre obligation de déclaration ?
- Dans des termes imprécis et/ou subjectifs de fixer un point de départ de l’obligation de déclaration qui ne dépende pas d’une action entreprise par la personne elle-même qui est tenue par l’obligation de déclaration ?
- Une obligation rétroactive de déclaration avant même la publication ou que les concernés connaissent l’interprétation qui sera réservée par l’État membre à la norme européenne lors de sa transposition ?
2. En cas de réponse affirmative à la première question, l’article 1er, paragraphe 1, point b), et paragraphes 2
et 6, de la directive (UE) 2018/822 du Conseil du 25 mai 2018 modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l’échange automatique et obligatoire d’informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration, doit-il être interprété en ce sens que :
- Seuls les intermédiaires qui fournissent dans l’État membre des services critiques avec l’intermédiaire qui conçoit, promeut ou vend un dispositif transfrontière qui doit être déclaré sont tenus par une obligation de déclaration personnelle ? Et qu’à tout le moins, l’absence de déclaration ne peut être sanctionnée envers des personnes non impliquées par des prestations critiques à la fourniture d’un dispositif transfrontière ?
- Le point de départ d’une phase ne peut donner lieu à une obligation personnelle de l’intermédiaire de déclaration qu’à partir du moment où l’intermédiaire lui-même a posé un acte qui nécessite logiquement dans son chef la réalisation qu’une nouvelle phase de la construction est activée ? Et qu’une sanction dissuasive appliquée en transposant cette norme européenne doit tenir compte des circonstances propres à la cause pour n’appliquer qu’une seule sanction en cas d’intervalles courts entre les phases d’un même dispositif transfrontière ?
- L’obligation de déclaration doit se limiter dans le temps à la phase en cours au jour de l’entrée en vigueur de la norme nationale qui transpose la norme européenne ?
- La norme nationale ne peut pas sanctionner rétroactivement et doit dans sa transposition de la norme européenne tenir compte des circonstances propres à la cause qui peuvent justifier, selon la pratique administrative nationale, de limiter ou de renoncer à des sanctions dans les cas de non-respect des obligations de déclaration sous l’empire des dispositions fiscales nationales ? ».
En ce qui concerne le sixième moyen dans l’affaire n° 7443
A.13.1. Les parties requérantes dans l’affaire n° 7443 prennent un sixième moyen de la violation, par le décret attaqué, des articles 10, 11, 19, 22, 29 et 170 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec les articles 2, 4, paragraphe 3, premier alinéa, et 19 du TUE, avec l’article 16, paragraphe 1, du TFUE, avec les articles 7, 8, paragraphe 1, 20, 47, 48, 51, 52 et 53 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et avec les articles 6, paragraphe 3, 8 et 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, en ce que le décret attaqué lèverait le secret professionnel propre aux avocats en leur imposant l’obligation de déclaration. Elles critiquent le fait que même les exceptions prévues sur la base du secret professionnel vont de pair avec des obligations d’informer, de manière motivée, d’autres intermédiaires ou des contribuables du fait que le secret professionnel est invoqué. Le moyen coïncide avec les deux premiers moyens dans l’affaire n° 7429.
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Les parties requérantes dans l’affaire n° 7443 demandent à la Cour de poser la question préjudicielle suivante à la Cour de justice de l’Union européenne :
« 1. Les articles 2, 4, paragraphe 3, premier alinéa, 6, paragraphe 3, et 19 du Traité sur l’Union européenne, lus en combinaison avec les articles 7, 8, paragraphe 1, 20, 47 à 52 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, avec l’article 16, paragraphe 1, du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, avec l’article 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et avec les articles 6, paragraphe 3, et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une norme nationale qui, dans la mise en œuvre de la directive (UE) 2018/822 du Conseil du 25 mai 2018 modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l’échange automatique et obligatoire d’informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration, impose aux avocats inscrits aux ordres de cet État membre :
- D’exclure dans certains cas le secret professionnel propre aux avocats ?
- D’obliger les clients des avocats à déclarer envers les autorités l’existence et le contenu de leurs entretiens avec leur avocat ?
- D’autoriser les clients des avocats à lever le secret professionnel propre aux avocats lorsque ceci est contraire à la tradition juridique dans l’État membre concerné ?
- De soumettre le secret professionnel propre aux avocats selon la tradition juridique dans l’État membre concerné au même régime que le secret professionnel d’autres professions et ainsi de les obliger, compte tenu de l’exigence accrue d’absence d’ambiguïté dans des normes qui imposent des obligations aux avocats :
. À notifier à d’autres personnes que leur client l’identité de leur client, l’objet des entretiens avec ce client et des avis et prestations rendus ?
. À se renseigner auprès d’autres personnes que leur client sur la nature, l’objet et l’étendue de leurs entretiens, avis ou prestations donnés à leur client ?
. À introduire à cause d’autres personnes qui ont manqué à leurs obligations de déclaration, une déclaration qui fait fi de toute notion de secret professionnel ?
. À présenter à la demande de l’autorité compétente la preuve de l’identité de son client ou d’autres personnes que l’avocat était tenu d’informer et la preuve de l’introduction d’une déclaration valable par aux moins une de ces personnes ?
. À présenter à la demande de l’autorité compétente tous les renseignements quelconques à leur disposition sur des dispositifs transfrontières ?
2. En cas de réponse affirmative à la première question, l’article 1er, paragraphe 2, de la directive (UE) 2018/822 du Conseil du 25 mai 2018 modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l’échange automatique et obligatoire d’informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration peut-il encore recevoir application par rapport aux avocats et à leurs clients dans les États membres qui organisent un secret professionnel pour leurs avocats ?
3. En cas de réponse affirmative à une application entière ou partielle, est-ce que les normes de droit primaire violées imposent alors une application qui doit observer au minimum une ou plusieurs des modalités suivantes ?
- Le secret professionnel propre aux avocats ne souffre pas d’exception et s’oppose à un traitement égal de l’avocat et de son client sous le régime d’exception instauré pour le secret professionnel d’autres professions.
- Le secret professionnel propre aux avocats s’oppose à toute divulgation d’informations par un avocat à une autre personne que son client. Afin de permettre au client de l’avocat d’accomplir ses propres obligations de
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déclaration, ce client doit être autorisé à déposer un schéma abstrait sans obligation quelconque d’identifier dans ce schéma l’avocat ou le contenu des informations et documents échangés avec lui.
- Pour autant que de quelconques obligations puissent toujours être imposées aux avocats à l’égard de leurs clients, le contrôle du respect de ces obligations doit obligatoirement se faire par l’intervention du Bâtonnier de l’avocat, qui veillera sur le respect du secret professionnel propre aux avocats selon la tradition juridique de l’État membre concerné ».
A.13.2. Le Gouvernement flamand relève que ce moyen consiste lui aussi en des allégations, sans qu’il soit réellement exposé, en dépit de l’étendue de la requête, en quoi le secret professionnel serait violé. À titre subsidiaire, le moyen repose sur une mauvaise compréhension de l’étendue du secret professionnel de l’avocat.
Par exemple, lorsqu’un avocat vend des dispositifs commercialisables, il ne s’agit pas d’une activité qui relève de l’essence de sa profession. Ceci ressort aussi de l’avis du Conseil d’État sur la réglementation fédérale. Pour le surplus, la réponse du Gouvernement flamand relative au secret professionnel coïncide avec la réponse qu’il a donnée aux moyens dans l’affaire n° 7429. En ce qui concerne la violation alléguée du droit à la liberté d’expression, le Gouvernement flamand n’aperçoit pas en quoi l’obligation de déclaration aurait une quelconque incidence sur ce droit.
En ce qui concerne l’intervention du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale
A.14. Les observations du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale correspondent en grande partie aux arguments du Gouvernement flamand.
En ce qui concerne l’incidence de l'arrêt de la Cour de justice du 8 décembre 2022
A.15. Par son arrêt n° 167/2020 du 17 décembre 2020 (ECLI:BE:GHCC:2020:ARR.167), la Cour a posé une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne. La Cour de justice a répondu à cette question par son arrêt du 8 décembre 2022 en cause de Orde van Vlaamse balies e.a. (C-694/20, ECLI:EU:C:2022:963).
Par ordonnance du 21 décembre 2022, la Cour a invité les parties à exposer, dans un mémoire complémentaire, leur point de vue relatif à l’incidence de l’arrêt de la Cour de justice sur les recours en annulation.
Les points de vue des parties quant à l’incidence de l’arrêt de la Cour de justice sur les recours en annulation sont reproduits dans ce qui suit.
A.16.1. La première partie requérante dans l’affaire n° 7429 indique dans son mémoire complémentaire que la seconde partie requérante dans cette affaire se désiste de son recours. En ce qui concerne l’arrêt de la Cour de justice, la partie requérante souligne qu’il y a lieu d’en déduire que son moyen doit être déclaré fondé, sans que les effets des dispositions à annuler puissent être maintenus. En outre, le raisonnement de la Cour de justice vaut également à l’égard de la déclaration vis-à-vis d’un contribuable qui n’est pas le client de l’avocat. Enfin, elle renvoie à l’arrêt de la Cour n° 103/2022 du 15 septembre 2022 (ECLI:BE:GHCC:2022:ARR.103).
A.16.2. Dans leur mémoire complémentaire, les parties requérantes dans l’affaire n° 7443 examinent plus en détail principalement les arguments qu’elles ont déjà mentionnés dans leur requête. Elles proposent par ailleurs d’apporter plusieurs adaptations aux questions préjudicielles qu’elles ont suggérées. Elles ajoutent en outre à leur requête plusieurs demandes supplémentaires.
A.16.3. Le Gouvernement flamand souligne que le secret professionnel ne vaut pas en toutes circonstances, en particulier lorsque l’obligation de déclaration porte sur des activités qui ne relèvent pas des activités essentielles d’un avocat, comme des activités en tant qu’intermédiaire. Le Gouvernement flamand renvoie à cet égard longuement aux conclusions de l’avocat général, sur la base desquelles il demande également à la Cour de modifier sa position à l’égard de l’obligation de déclaration périodique en matière de dispositifs commercialisables. Le Gouvernement flamand souligne que la Cour de justice s’est également prononcée sur l’obligation de déclarer l’identité de l’intermédiaire aux administrations fiscales, bien que cette obligation n’ait pas fait l’objet de la question préjudicielle, ni des recours introduits par les parties requérantes. Il souligne que l’obligation de déclaration à l’égard de l’administration fiscale est nécessaire et proportionnée à l’objectif de permettre l’effectivité du contrôle et de l’appréciation du dispositif. En outre, l’administration fiscale est également soumise
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à un secret professionnel. Pour le surplus, le Gouvernement flamand estime que ses positions initiales sont toujours valables et qu’elles ne sont pas remises en question par l’arrêt de la Cour de justice. Le Gouvernement flamand demande à la Cour de rejeter les recours, en ordre subsidiaire d’appliquer une interprétation conforme à la Constitution et, en ordre tout à fait subsidiaire, de maintenir les effets de la disposition attaquée.
-B-
Quant aux dispositions attaquées
B.1.1. La partie requérante dans l’affaire n° 7429 demande l’annulation des articles 1er à 30 du décret flamand du 26 juin 2020 « modifiant le décret du 21 juin 2013 relatif à la coopération administrative dans le domaine fiscal, en ce qui concerne l’échange automatique et obligatoire d’informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration » (ci-après : le décret du 26 juin 2020). Les parties requérantes dans l’affaire n° 7443 demandent l’annulation des articles 5, 2° (en ce qui concerne les points 19 à 23), 11, 12, 14, 15, 17, 18, 23 et 29 de ce même décret.
Le décret du 26 juin 2020 transpose la directive (UE) 2018/822 du Conseil du 25 mai 2018
« modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l’échange automatique et obligatoire d’informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration » (ci-après : la directive (UE) 2018/822).
La directive (UE) 2018/822 modifie la directive 2011/16/UE du Conseil du 15 février 2011
« relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal et abrogeant la directive 77/799/CEE » (ci-après : la directive 2011/16/UE).
L’objet de la directive 2011/16/UE consiste à établir « les règles et procédures selon lesquelles les États membres coopèrent entre eux aux fins d’échanger les informations vraisemblablement pertinentes pour l’administration et l’application de la législation interne des États membres relative aux taxes et impôts [qui relèvent du champ d’application de la directive] » (article 1er, paragraphe 1, de la directive 2011/16/UE).
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Il ressort du considérant 2 de la directive (UE) 2018/822 que celle-ci s’inscrit dans le cadre des efforts de l’Union européenne visant à faciliter la transparence fiscale au niveau de l’Union :
« Les États membres éprouvent de plus en plus de difficultés à protéger leur base d’imposition nationale de l’érosion car les structures de planification fiscale sont devenues particulièrement sophistiquées et tirent souvent parti de la mobilité accrue tant des capitaux que des personnes au sein du marché intérieur. De telles structures sont généralement constituées de dispositifs qui sont mis en place dans différentes juridictions et permettent de transférer les bénéfices imposables vers des régimes fiscaux plus favorables ou qui ont pour effet de réduire l’ardoise fiscale totale du contribuable. En conséquence, les États membres voient souvent leurs recettes fiscales diminuer de façon considérable, ce qui les empêche d’appliquer des politiques fiscales propices à la croissance. Il est par conséquent essentiel que les autorités fiscales des États membres obtiennent des informations complètes et pertinentes sur les dispositifs fiscaux à caractère potentiellement agressif. De telles informations leur permettraient de réagir rapidement contre les pratiques fiscales dommageables et de remédier aux lacunes par voie législative ou par la réalisation d’analyses des risques appropriées et de contrôles fiscaux ».
Concrètement, les États membres doivent désigner une autorité compétente chargée de l’échange, entre les États membres, d’informations relatives à des dispositifs fiscaux transfrontières « à caractère potentiellement agressif ». Pour que les autorités compétentes disposent de ces informations, la directive instaure une obligation de déclaration concernant de tels dispositifs.
B.1.2. L’obligation de déclaration incombe en premier lieu aux « intermédiaires », qui participent généralement à la mise en œuvre de tels dispositifs. Toutefois, en l’absence de tels intermédiaires, ou lorsque ceux-ci peuvent invoquer le secret professionnel légalement applicable, l’obligation de déclaration incombe alors au contribuable :
« (6) La déclaration d’informations sur des dispositifs transfrontières de planification fiscale à caractère potentiellement agressif peut contribuer efficacement aux efforts déployés pour créer un environnement fiscal équitable dans le marché intérieur. À cet égard, faire obligation aux intermédiaires d’informer les autorités fiscales de certains dispositifs transfrontières susceptibles d’être utilisés à des fins de planification fiscale agressive constituerait un pas dans la bonne direction. […]
[…]
(8) Afin de garantir le bon fonctionnement du marché intérieur et de prévenir les lacunes dans le cadre réglementaire proposé, l’obligation de déclaration devrait incomber à tous les acteurs qui participent généralement à la conception, la commercialisation, l’organisation ou la gestion de la mise en œuvre d’une opération transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration ou d’une série de telles opérations, ainsi qu’à ceux qui apportent assistance ou conseil. Il
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convient de noter que, dans certains cas, l’obligation de déclaration ne serait pas applicable à un intermédiaire en raison du secret professionnel applicable en vertu du droit ou lorsqu’il n’existe pas d’intermédiaire, par exemple parce que le contribuable conçoit et met en œuvre un schéma en interne. Il serait donc essentiel que, dans ces circonstances, les autorités fiscales ne soient pas privées de la possibilité de recevoir des informations sur les dispositifs fiscaux potentiellement liés à la planification fiscale agressive. Il serait donc nécessaire que l’obligation de déclaration incombe alors au contribuable qui bénéficie du dispositif dans ces cas particuliers » (considérants 6 et 8).
B.1.3. Afin de transposer cette obligation de déclaration en Région flamande, le décret du 26 juin 2020 apporte un certain nombre de modifications au décret du 21 juin 2013 « relatif à la coopération administrative dans le domaine fiscal » (ci-après : le décret du 21 juin 2013).
L’article 5, 2°, du décret du 26 juin 2020 insère dans l’article 5 du décret du 21 juin 2013
plusieurs définitions :
« 17° dispositif transfrontières : un dispositif concernant plusieurs États membres ou un État membre et un pays tiers si l’une au moins des conditions suivantes est remplie :
a) tous les participants au dispositif ne sont pas résidents à des fins fiscales dans la même juridiction;
b) un ou plusieurs des participants au dispositif sont résidents à des fins fiscales dans plusieurs juridictions simultanément;
c) un ou plusieurs des participants au dispositif exercent une activité dans une autre juridiction par l’intermédiaire d’un établissement stable situé dans cette juridiction, le dispositif constituant une partie ou la totalité de l’activité de cet établissement stable;
d) un ou plusieurs des participants au dispositif exercent une activité dans une autre juridiction sans être résidents à des fins fiscales ni créer d’établissement stable dans cette juridiction;
e) un tel dispositif peut avoir des conséquences sur l’échange automatique d’informations ou sur l’identification des bénéficiaires effectifs;
18° dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration : tout dispositif transfrontière comportant au moins l’un des marqueurs figurant à l’article 5/1;
19° marqueur : une caractéristique ou particularité d’un dispositif transfrontière qui indique un risque potentiel d’évasion fiscale, comme recensée à l’article 5/1;
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20° intermédiaire : toute personne qui conçoit, commercialise ou organise un dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration, le met à disposition aux fins de sa mise en œuvre ou en gère la mise en œuvre.
On entend également par ‘ intermédiaire ’ toute personne qui, compte tenu des faits et circonstances pertinents et sur la base des informations disponibles ainsi que de l’expertise en la matière et de la compréhension qui sont nécessaires pour fournir de tels services, sait ou pourrait raisonnablement être censée savoir qu’elle s’est engagée à fournir, directement ou par l’intermédiaire d’autres personnes, une aide, une assistance ou des conseils concernant la conception, la commercialisation ou l’organisation d’un dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration, ou concernant sa mise à disposition aux fins de mise en œuvre ou la gestion de sa mise en œuvre. Toute personne a le droit de fournir des éléments prouvant qu’elle ne savait pas et ne pouvait pas raisonnablement être censée savoir qu’elle participait à un dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration. À cette fin, cette personne peut invoquer tous les faits et circonstances pertinents ainsi que les informations disponibles et son expertise et sa compréhension en la matière.
Pour être un intermédiaire, une personne répond à l’une au moins des conditions supplémentaires suivantes :
a) être résidente dans un État membre à des fins fiscales;
b) posséder dans un État membre un établissement stable par le biais duquel sont fournis les services concernant le dispositif;
c) être constituée dans un État membre ou régie par le droit d’un État membre;
d) être enregistrée auprès d’une association professionnelle en rapport avec des services juridiques, fiscaux ou de conseil dans un État membre;
21° contribuable concerné : toute personne à qui un dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration est mis à disposition aux fins de sa mise en œuvre, ou qui est disposée à mettre en œuvre un dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration, ou qui a mis en œuvre la première étape d’un tel dispositif;
[…]
23° dispositif commercialisable : un dispositif transfrontière qui est conçu, commercialisé, prêt à être mis en œuvre, ou mis à disposition aux fins de sa mise en œuvre, sans avoir besoin d’être adapté de façon importante;
24° dispositif sur mesure : tout dispositif transfrontière qui n’est pas un dispositif commercialisable;
[…] ».
B.1.4. L’échange automatique, par l’autorité compétente, des informations relatives aux dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration est réglé à l’article 11/2 du décret du 21 juin 2013, tel qu’il a été inséré par l’article 9 du décret du 26 juin 2020 :
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« § 1er. L’autorité compétente à laquelle les informations ont été fournies conformément aux articles 11/3 à 11/11, communique, par voie d’un échange automatique, les informations visées au § 2 aux autorités compétentes étrangères de tous les autres États membres, selon les modalités visées à l’article 28.
§ 2. Les informations qui doivent être communiquées par l’autorité compétente, visée au § 1er, comprennent les éléments suivants, le cas échéant :
1° l’identification des intermédiaires et des contribuables concernés, y compris leur nom, leur date et lieu de naissance (pour les personnes physiques), leur résidence fiscale, leur NIF et, le cas échéant, des personnes qui sont des entreprises associées au contribuable concerné;
2° des informations détaillées sur les marqueurs, visés à l’article 5/1 selon lesquels le dispositif transfrontière doit faire l’objet d’une déclaration;
3° un résumé du contenu du dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration, y compris une référence à la dénomination par laquelle il est communément connu, le cas échéant, et une description des activités commerciales ou dispositifs pertinents, présentée de manière abstraite, sans donner lieu à la divulgation d’un secret commercial, industriel ou professionnel, d’un procédé commercial ou d’informations dont la divulgation serait contraire à l’ordre public;
4° la date à laquelle la première étape de la mise en œuvre du dispositif transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration a été accomplie ou sera accomplie;
5° des informations détaillées sur les dispositions nationales sur lesquelles se fonde le dispositif transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration;
6° la valeur du dispositif transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration;
7° l’identification de l’État membre du ou des contribuable(s) concerné(s) ainsi que de tout autre État membre susceptible d’être concerné par le dispositif transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration;
8° l’identification, dans les États membres, de toute autre personne susceptible d’être concernée par le dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration en indiquant à quels États membres cette personne est liée.
Dans le présent paragraphe, on entend par État membre : un État membre de l’Union européenne, y compris la Belgique.
§ 3. Le fait qu’une autorité fiscale ne réagit pas face à un dispositif transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration ne vaut pas approbation de la validité ou du traitement fiscal de ce dispositif.
§ 4. Les informations visées au § 2, 1°, 3° et 8°, ne sont pas communiquées à la Commission européenne.
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§ 5. L’échange automatique d’informations, visé au § 1er, est effectué dans un délai d’un mois à compter de la fin du trimestre au cours duquel les informations ont été transmises. Les premières informations sont communiquées le 31 octobre 2020 au plus tard ».
B.1.5. Les articles 10 à 19 du décret du 26 juin 2020 ajoutent une sous-section 2 au chapitre 2, section 2, du décret du 21 juin 2013. Cette sous-section règle la transmission obligatoire, par les intermédiaires ou par les contribuables concernés, d’informations relatives aux dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration. Les articles 11/3 et 11/4
du décret du 21 juin 2013 disposent :
« Art. 11/3. Tout intermédiaire est tenu de transmettre à l’autorité compétente et à l’autorité étrangère les informations dont il a connaissance, qu’il possède ou qu’il contrôle concernant les dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration dans un délai de trente jours, commençant :
1° le lendemain de la mise à disposition aux fins de mise en œuvre du dispositif transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration; ou
2° le lendemain du jour où le dispositif transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration est prêt à être mis en œuvre; ou
3° lorsque la première étape de la mise en œuvre du dispositif transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration a été accomplie.
Nonobstant le premier alinéa, les intermédiaires visés à l’article 5, 20°, alinéa 2, sont également tenus de transmettre des informations dans un délai de trente jours commençant le lendemain du jour où ils ont fourni, directement ou par l’intermédiaire d’autres personnes, une aide, une assistance ou des conseils.
Art. 11/4. Dans le cas de dispositifs commercialisables, les intermédiaires établissent tous les trois mois un rapport périodique fournissant une mise à jour contenant les nouvelles informations devant faire l’objet d’une déclaration, visées à l’article 11/2, § 2, 1°, 4°, 7° et 8°, qui sont devenues disponibles depuis la transmission du dernier rapport ».
L’article 11/5 détermine l’autorité qui doit être informée lorsque plusieurs autorités entrent en considération.
B.1.6. L’article 11/6 du décret du 21 juin 2013, tel qu’il a été inséré par l’article 14 du décret du 26 juin 2020, définit le rapport entre l’obligation de déclaration et le secret professionnel auquel certains intermédiaires sont tenus. En vertu de cette disposition, un intermédiaire tenu au secret professionnel n’est dispensé de l’obligation de déclaration que s’il informe un autre intermédiaire ou les autres intermédiaires concernés ou, en l’absence d’un
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autre intermédiaire, le contribuable ou les contribuables, par écrit et de façon motivée, du fait qu’il ne peut pas satisfaire à l’obligation de déclaration. Le contribuable peut permettre à l’intermédiaire, moyennant approbation écrite, de satisfaire tout de même à l’obligation de déclaration. Selon l’article 11/6, § 3, le secret professionnel ne peut en aucun cas être invoqué à l’égard de l’obligation de déclaration de dispositifs commercialisables. L’article 11/6 du décret du 21 juin 2013 dispose :
« § 1er. Lorsqu’un intermédiaire est tenu par un secret professionnel, il est tenu :
1° d’informer l’autre intermédiaire ou les autres intermédiaires par écrit et de façon motivée qu’il ne peut satisfaire à l’obligation de déclaration, transférant cette obligation de déclaration automatiquement à l’autre intermédiaire ou aux autres intermédiaires;
2° en l’absence d’un autre intermédiaire, d’informer le contribuable ou les contribuables concernés de son ou de leur obligation de déclaration par écrit et de façon motivée.
La dispense de l’obligation de déclaration ne prend effet qu’au moment où un intermédiaire a satisfait à l’obligation visée à l’alinéa 1er.
§ 2. Le contribuable concerné peut permettre à l’intermédiaire moyennant approbation écrite de satisfaire à l’obligation de déclaration visée à l’article 11/3.
Si le contribuable concerné ne donne pas son assentiment, l’obligation de déclaration continue d’incomber au contribuable et l’intermédiaire fournit les données nécessaires pour satisfaire à l’obligation de déclaration visée à l’article 11/3 au contribuable concerné.
§ 3. Le secret professionnel, tel que visé au § 1er, ne peut pas être invoqué en matière de l’obligation de déclaration de dispositifs commercialisables qui donnent lieu à un rapport périodique, tel que visé à l’article 11/4 ».
B.1.7. S’il n’y a pas d’intermédiaire ou si l’intermédiaire informe le contribuable concerné ou un autre intermédiaire de l’application d’une dispense en vertu de l’article 11/6, alinéa 1er, l’obligation de fournir des informations relatives à un dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration incombe à l’autre intermédiaire qui a été informé ou, en l’absence de celui-ci, au contribuable concerné (article 11/7 du décret du 21 juin 2013, tel qu’il a été inséré par l’article 15 du décret du 26 juin 2020). L’article 11/9, tel qu’il a été inséré par l’article 17
du décret du 26 juin 2020, règle l’obligation de déclaration lorsque plusieurs intermédiaires participent au même dispositif :
« Lorsqu’il existe plus d’un intermédiaire auprès du même dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration, l’obligation de fournir des informations incombe à l’ensemble des intermédiaires participant au dispositif transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration.
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Un intermédiaire n’est dispensé de l’obligation de transmettre des informations que dans la mesure où il peut prouver par écrit que ces mêmes informations, visées à l’article 11/2, § 2, ont déjà été transmises par un autre intermédiaire ».
B.1.8. L’article 29 du décret du 26 juin 2020 dispose que les dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration, mentionnés dans ce décret, dont la première étape a été mise en œuvre entre le 25 juin 2018 et le 1er juillet 2020, font l’objet d’une transmission d’informations qui doivent être communiquées pour le 31 août 2020 au plus tard. Selon son article 30, le décret du 26 juin 2020 « entre en vigueur le 1er juillet 2020 ».
À la suite de la crise de la COVID-19, l’article 1er de la directive (UE) 2020/876 du Conseil du 24 juin 2020 « modifiant la directive 2011/16/UE afin de répondre au besoin urgent de reporter certains délais pour la déclaration et l’échange d’informations dans le domaine de la fiscalité en raison de la pandémie de COVID-19 » a inséré un article 27bis dans la directive 2011/16/UE, permettant aux États membres d’accorder un report pour l’obligation de déclaration en matière de dispositifs transfrontières.
Le 29 juin 2020, le « Vlaamse Belastingdienst » (l’administration fiscale flamande) a publié l’avis suivant :
« Report de l’obligation de déclaration de dispositifs transfrontières - traitement des déclarations
Avis n° 20051 du 29 juin 2020
Une directive européenne (dite ‘ DAC6 ’) oblige les intermédiaires fiscaux à déclarer certains dispositifs fiscaux transfrontières à l’autorité compétente. Concrètement, cette directive a été transposée par le décret du 26 juin 2020 modifiant le décret du 21 juin 2013 relatif à la coopération administrative dans le domaine fiscal, en ce qui concerne l’échange automatique et obligatoire d’informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration.
Les obligations de déclaration et de rapport devraient commencer dans le courant des prochains mois. Vu la situation actuelle et eu égard à un accord politique entre les États membres de l’UE concernant un report (optionnel) de cette obligation, il est décidé d’accorder un report de 6 mois. Concrètement, cela donne lieu aux délais ci-après, en ce qui concerne les déclarations qui doivent être faites à l’autorité compétente :
- Les dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration dont la première étape a été mise en œuvre entre le 25 juin 2018 et le 30 juin 2020 doivent être déclarés au plus tard pour le 28 février 2021.
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- La période de 30 jours ne commence à courir qu’à partir du 1er janvier 2021 pour :
. Les dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration qui, entre le 1er juillet 2020 et le 31 décembre 2020, sont mis à disposition aux fins de leur mise en œuvre, ou qui sont prêts à être mis en œuvre, ou dont la première étape de la mise en œuvre a été accomplie;
. Les intermédiaires qui, entre le 1er juillet 2020 et le 31 décembre 2020, fournissent, directement ou par l’intermédiaire d’autres personnes, une aide, une assistance ou des conseils en ce qui concerne la conception, la commercialisation, l’organisation, la mise à disposition aux fins de la mise en œuvre ou la gestion de la mise en œuvre d’un dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration.
- Un premier rapport périodique sur un dispositif ‘ commercialisable ’ doit être établi pour le 30 avril 2021 au plus tard ».
Quant à la recevabilité
En ce qui concerne la recevabilité du recours en annulation dans l’affaire n° 7443
B.2.1. La première partie requérante dans l’affaire n° 7443 est l’association de fait « Belgian Association of Tax Lawyers ». Le Gouvernement flamand considère que cette partie ne dispose pas de la capacité à agir en annulation devant la Cour, dès lors qu’il n’est pas contesté qu’il s’agit d’une association de fait.
Les parties requérantes dans l’affaire n° 7443 font valoir que la deuxième partie requérante, en tant que mandataire général de l’association de fait, a la qualité, en vertu de l’article 703 du Code judiciaire, pour agir au nom de tous les membres de l’association.
B.2.2. Aux termes de l’article 2, 2°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, la partie requérante devant la Cour doit être une personne physique ou morale justifiant d’un intérêt.
B.2.3. Les deuxième et troisième parties requérantes dans l’affaire n° 7443 exercent la profession d’avocat, dans le cadre de laquelle elles traitent également de matières fiscales.
En leur qualité précitée d’avocat, ces parties requérantes ont un intérêt au recours en annulation d’un décret qui leur impose une obligation de déclaration si elles agissent en tant
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qu’intermédiaires. Il n’est dès lors pas nécessaire d’examiner la recevabilité du recours en ce qui concerne la première partie requérante.
L’exception est rejetée.
En ce qui concerne le mémoire complémentaire dans l’affaire n° 7443
B.3. Dans leur mémoire complémentaire, les parties requérantes dans l’affaire n° 7443
formulent plusieurs ajustements et compléments à leur requête. Il n’appartient pas aux parties requérantes de modifier, dans un mémoire complémentaire, les moyens qu’elles ont elles-
mêmes formulés dans la requête. Un grief qui, comme en l’espèce, est formulé dans un mémoire complémentaire, mais qui diffère de celui qui a été formulé dans la requête, constitue dès lors un moyen nouveau et est irrecevable.
Quant aux moyens dans l’affaire n° 7429
En ce qui concerne l’obligation de déclaration des dispositifs commercialisables (premier moyen dans l’affaire n° 7429)
B.4.1. Le premier moyen dans l’affaire n° 7429 est notamment pris de la violation, par l’article 14 du décret du 26 juin 2020, des articles 22 et 29 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme et avec les articles 7 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
B.4.2. L’article 22 de la Constitution et l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme garantissent le droit au respect de la vie privée. Ces deux dispositions forment un tout indissociable.
B.4.3. L’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme protège le droit à un procès équitable. Bien que l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme ne soit pas applicable aux litiges fiscaux non pénaux (CEDH, 12 juillet 2001, Ferrazzini
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c. Italie, ECLI:CE:ECHR:2001:0712JUD004475998), le droit à un procès équitable est également garanti par un principe général de droit.
B.4.4. L’article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne dispose :
« Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de ses communications ».
L’article 47 de la même Charte dispose :
« Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article.
Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi.
Toute personne a la possibilité de se faire conseiller, défendre et représenter.
Une aide juridictionnelle est accordée à ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes, dans la mesure où cette aide serait nécessaire pour assurer l’effectivité de l’accès à la justice ».
La compatibilité de dispositions législatives avec les articles 7 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, lus en combinaison avec l’article 22 de la Constitution et avec les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, ne peut être examinée par la Cour qu’en ce que ces dispositions législatives mettent en œuvre le droit de l’Union. En ce que les dispositions attaquées transposent la directive (UE) 2018/822, elles relèvent du champ d’application du droit de l’Union.
Le droit au respect de la vie privée tel qu’il est garanti par l’article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et le droit à un recours effectif garanti par l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne doivent, en application de l’article 52, paragraphe 3, de celle-ci, être définis par référence au sens et à la portée que leur confère la Convention européenne des droits de l’homme.
Il ressort des explications relatives à la Charte (2007/C 303/02), publiées au Journal officiel du 14 décembre 2007, que l’article 7 de la Charte est fondé sur l’article 8 de la Convention
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européenne des droits de l’homme. Il ressort des explications relatives à l’article 47 de la Charte que le deuxième alinéa de cet article correspond à l’article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l’homme, sauf en ce que, dans le droit de l’Union, le droit d’accès à un tribunal ne se limite pas à des contestations relatives à des droits et obligations de caractère civil ou à des accusations en matière pénale.
B.4.5. Le secret professionnel de l’avocat est une composante essentielle du droit au respect de la vie privée et du droit à un procès équitable.
Le secret professionnel de l’avocat vise en effet principalement à protéger le droit fondamental qu’a la personne qui se confie, parfois dans ce qu’elle a de plus intime, au respect de sa vie privée. Par ailleurs, l’effectivité des droits de la défense de tout justiciable suppose nécessairement qu’une relation de confiance puisse être établie entre lui et l’avocat qui le conseille et le défend. Cette nécessaire relation de confiance ne peut être établie et maintenue que si le justiciable a la garantie que ce qu’il confiera à son avocat ne sera pas divulgué par celui-ci. Il en découle que la règle du secret professionnel imposée à l’avocat est un élément fondamental des droits de la défense.
Comme la Cour de cassation l’a jugé, « le secret professionnel auquel sont tenus les membres du barreau repose sur la nécessité d’assurer une entière sécurité à ceux qui se confient à eux » (Cass., 13 juillet 2010, P.10.1096.N, ECLI:BE:CASS:2010:ARR.20100713.1; voy.
aussi Cass., 9 juin 2004, P.04.0424.F, ECLI:BE:CASS:2004:ARR.20040609.10).
Même s’il n’est « pas intangible », le secret professionnel de l’avocat constitue dès lors « l’un des principes fondamentaux sur lesquels repose l’organisation de la justice dans une société démocratique » (CEDH, 6 décembre 2012, Michaud c. France, ECLI:CE:ECHR:2012:1206JUD001232311, § 123).
B.4.6. Les manquements aux obligations imposées par les articles 11/3 à 11/11 du décret du 21 juin 2013, tels qu’ils ont été insérés par le décret du 26 juin 2020, sont punis d’une
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amende administrative. Cette amende, qui peut aller jusqu’à 100 000 euros (article 30/1, alinéa 2, du décret du 21 juin 2013, tel qu’il a été inséré par l’article 23 du décret du 26 juin 2020), revêt un caractère répressif prédominant, de telle sorte que la définition de ces manquements doit satisfaire au principe général de prévisibilité des incriminations.
B.4.7. Il découle de ce qui précède que la constitutionnalité des dispositions attaquées doit s’apprécier compte tenu de ce que le secret professionnel de l’avocat est un principe général qui participe du respect des droits fondamentaux, que, pour ce motif et en application du principe général de prévisibilité des incriminations, les règles dérogeant à ce secret ne peuvent être que de stricte interprétation et qu’il faut avoir égard à la manière dont est organisée la profession d’avocat dans l’ordre juridique interne. Ainsi la règle du secret professionnel ne doit-
elle céder que si cela peut se justifier par un motif impérieux d’intérêt général et si la levée du secret est strictement proportionnée.
B.5. La Cour s’est déjà prononcée à plusieurs reprises sur la constitutionnalité des obligations de déclaration à la lumière des exigences précitées. Par son arrêt n° 10/2008 du 23 janvier 2008 (ECLI:BE:GHCC:2008:ARR.010), la Cour s’est prononcée sur la constitutionnalité de l’obligation, pour les avocats, de transmettre des informations aux autorités dans le cadre de la lutte contre le blanchiment.
Par cet arrêt, la Cour a jugé que les informations portées à la connaissance de l’avocat, d’une part, dans le cadre de son activité de défense et de représentation en justice et, d’autre part, lors de l’évaluation de la situation juridique de son client, sont couvertes par le secret professionnel (B.9.2 et B.9.3).
La Cour a par ailleurs précisé, sur la base de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 26 juin 2007 dans l’affaire C-305/05 (ECLI:EU:C:2007:383), que la notion d’« évaluation de la situation juridique » du client comprend celle de « conseil juridique » (B.9.4).
Elle a jugé que l’activité de conseil juridique vise à « informer le client sur l’état de la législation applicable à sa situation personnelle ou à l’opération que celui-ci envisage d’effectuer ou à lui
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conseiller la manière de réaliser cette opération dans le cadre légal » et que celle-ci « a donc pour but de permettre au client d’éviter une procédure judiciaire relative à cette opération » (B.9.5).
La Cour a jugé que les informations connues de l’avocat à l’occasion de l’exercice des activités essentielles de sa profession, à savoir la défense ou la représentation en justice du client et le conseil juridique, même en dehors de toute procédure judiciaire, demeurent couvertes par le secret professionnel et ne peuvent donc pas être portées à la connaissance des autorités et que ce n’est que lorsque l’avocat exerce une activité qui va au-delà de sa mission spécifique de défense ou de représentation en justice et de conseil juridique qu’il peut être soumis à l’obligation de communication aux autorités des informations dont il a la connaissance (B.9.6).
Par son arrêt n° 43/2019 du 14 mars 2019 (ECLI:BE:GHCC:2019:ARR.043), la Cour s’est prononcée sur l’obligation, pour les avocats, de transmettre chaque année à l’administration fiscale une liste contenant diverses informations sur les clients assujettis à la TVA auxquels ils ont fourni des services. La Cour a confirmé que le simple fait de recourir à un avocat est soumis au secret professionnel. Il en va a fortiori de même pour l’identité des clients d’un avocat (B.6).
Ceci n’empêche toutefois pas qu’il ne soit pas sans justification raisonnable d’obliger un avocat à communiquer à l’administration de la TVA les données limitées qui figurent dans le listing TVA compte tenu de l’objectif consistant à assurer le recouvrement de la TVA et à éviter la fraude fiscale, et eu égard au fait que l’obligation de déclaration va de pair avec des garanties suffisantes, comme l’obligation de secret imposée au fonctionnaire de la TVA (B.9.1-B.9.3).
Par son arrêt n° 114/2020 du 24 septembre 2020 (ECLI:BE:GHCC:2020:ARR.114), la Cour a confirmé les principes précités. Par cet arrêt, la Cour a partiellement annulé la loi du 18 septembre 2017 « relative à la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme et à la limitation de l’utilisation des espèces ». Elle a jugé qu’un avocat ne peut pas être obligé de transmettre à la Cellule de traitement des informations financières (CTIF) une déclaration de soupçons lorsque son client, sur son conseil, renonce à une opération suspecte.
Il ne peut pas non plus être permis à un tiers à la relation de confiance entre l’avocat et son client, fût-il avocat, de communiquer à la CTIF des informations couvertes par le secret professionnel.
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B.6. La partie requérante dans l’affaire n° 7429 fait valoir que l’article 11/6, § 3, du décret du 21 juin 2013, tel qu’il a été inséré par l’article 14 du décret du 26 juin 2020, viole les dispositions mentionnées en B.4.1 en ce qu’il exclut qu’un avocat qui agit en tant qu’intermédiaire au sens du décret invoque son secret professionnel pour être dispensé de l’obligation de déclaration en matière de dispositifs commercialisables. En outre, elle fait valoir que la notion de « dispositif commercialisable » est trop vague.
B.7.1. Selon la définition de l’article 5, 23°, du décret du 21 juin 2013, tel qu’il a été inséré par l’article 5 du décret du 26 juin 2020, les dispositifs commercialisables sont des dispositifs transfrontières qui sont conçus, commercialisés, prêts à être mis en œuvre, ou mis à disposition aux fins de leur mise en œuvre, sans avoir besoin d’être adaptés de façon importante :
« Un ‘ dispositif commercialisable ’ est un dispositif qui peut être proposé, prêt à l’emploi, par des intermédiaires, sans qu’aucun ajustement substantiel ne doive être apporté pour sa mise en œuvre. Il est défini séparément car l’intermédiaire doit établir un rapport périodique concernant les dispositifs commercialisables qu’il propose. Ainsi, il peut s’agir d’un conseil qui vise à apporter dans une société holding des actions d’une société d’exploitation en faisant transiter les actions de cette société holding par d’autres sociétés holding situées dans différents territoires, afin d’obtenir, à l’aide d’interventions comptables, le double des avantages fiscaux.
Bien qu’un tel mode opératoire nécessite toujours une personnalisation par dossier et par contribuable concerné, la méthodologie et le concept fiscal restent identiques. Il n’y a ici pas besoin de recourir à une ingénierie fiscale.
Le ‘ dispositif sur mesure ’ forme la catégorie résiduelle de tous les dispositifs transfrontières qui ne sont pas des dispositifs commercialisables. Ici, l’ingénierie fiscale est effectivement utilisée pour concevoir un dispositif transfrontière ou pour l’ajuster » (Doc. parl., Parlement flamand, 2019-2020, n° 322/1, p. 15).
B.7.2. Bien que, par son arrêt n° 167/2020 du 17 décembre 2020
(ECLI:BE:GHCC:2020:ARR.167), la Cour ait jugé, prima facie, que le contenu de la notion de « dispositif commercialisable » pouvait être déterminé avec une précision suffisante pour la distinguer de la notion de « dispositif sur mesure », l’examen au fond des recours en annulation contre la loi du 20 décembre 2019 « transposant la Directive (UE) 2018/822 du Conseil du 25 mai 2018 modifiant la Directive 2011/16/UE en ce qui concerne l’échange automatique et obligatoire d’informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration » (ci-après : la loi du 20 décembre 2019) a amené la Cour,
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par son arrêt n° 103/2022 du 15 septembre 2022 (ECLI:BE:GHCC:2022:ARR.103), à poser à la Cour de justice la question préjudicielle suivante :
« La directive (UE) 2018/822 précitée viole-t-elle le principe de légalité en matière pénale garanti par l’article 49, paragraphe 1, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et par l’article 7, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l’homme, viole-t-elle le principe général de la sécurité juridique et viole-t-elle le droit au respect de la vie privée garanti par l’article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, en ce que les notions de ‘ dispositif ’ (et dès lors celles de ‘ dispositif transfrontière ’, de ‘ dispositif commercialisable ’ et de ‘ dispositif sur mesure ’), d’‘ intermédiaire ’, de ‘ participant ’, d’‘ entreprise associée ’, le qualificatif ‘ transfrontière ’, les différents ‘ marqueurs ’ et le ‘ critère de l’avantage principal ’, que la directive (UE) 2018/822 emploie pour déterminer le champ d’application et la portée de l’obligation de déclaration des dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration, ne seraient pas suffisamment clairs et précis ? ».
Avant de statuer quant au fond sur le grief selon lequel la notion de « dispositif commercialisable » est trop vague, il y a lieu d’attendre la réponse de la Cour de justice à cette question.
B.8. La Cour examine à présent le grief critiquant l’interdiction pour l’avocat-
intermédiaire de se prévaloir du secret professionnel pour être dispensé de l’obligation de déclaration en matière de dispositifs commercialisables.
B.9.1. Une double obligation de déclaration incombe aux intermédiaires en ce qui concerne les dispositifs commercialisables. Au moment où, pour la première fois, ils sont mis à disposition aux fins de la mise en œuvre ou qu’ils sont prêts à être mis en œuvre, ces dispositifs doivent, tout comme les dispositifs sur mesure, être déclarés individuellement (article 11/3 du décret du 21 juin 2013).
B.9.2. Dans le cas des dispositifs commercialisables, les intermédiaires ont également l’obligation d’établir tous les trois mois un rapport périodique fournissant une mise à jour contenant les nouvelles informations devant faire l’objet d’une déclaration, qui sont devenues disponibles en ce qui concerne les dispositifs commercialisables (article 11/4 du décret du 21 juin 2013). Les informations qui doivent être communiquées comprennent les éléments suivants, s’ils sont applicables :
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- l’identification des intermédiaires et des contribuables concernés et, le cas échéant, des personnes qui sont des entreprises associées au contribuable concerné, y compris leur nom, leur date et lieu de naissance (pour les personnes physiques), leur résidence fiscale et leur numéro d’identification fiscale;
- la date à laquelle la première étape de la mise en œuvre du dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration a été accomplie ou sera accomplie;
- l’identification de l’État membre des contribuables concernés ainsi que de tout autre État membre susceptible d’être concerné par le dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration;
- l’identification, dans les États membres, de toute autre personne susceptible d’être concernée par le dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration en indiquant à quels États membres cette personne est liée.
B.9.3. Il ressort des travaux préparatoires que le législateur décrétal a rédigé l’article 11/6
du décret du 21 juin 2013, tel qu’il a été inséré par l’article 14 du décret du 26 juin 2020, en se basant explicitement sur l’article 9 de la loi du 20 décembre 2019 (Doc. parl., Parlement flamand, 2019-2020, n° 322/1, p. 21).
Selon les travaux préparatoires de l’article 9 de la loi du 20 décembre 2019, la possibilité d’invoquer le secret professionnel ne peut concerner :
« que l’assistance, ou le conseil fourni par l’intermédiaire au client pour autant que cela relève de la détermination de la situation juridique d’un contribuable ou de la défense de celui-
ci dans une action en justice, ce qui peut également être trouvé dans la loi du 18 septembre 2017
relative à la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme et à la limitation de l’utilisation des espèces. En particulier, il s’agit des conseils purement juridiques, à l’exclusion de la planification fiscale à caractère potentiellement agressif. Ce n’est que pour ces activités qu’une dispense légale de l’obligation de déclaration peut s’appliquer pour l’intermédiaire. D’autre part, un conseiller qui se limite aux conseils juridiques susmentionnés et qui n’a, à aucun moment, fourni directement ou par l’intermédiaire d’autres personnes, une aide, une assistance ou des conseils concernant la conception, la commercialisation ou l’organisation d’un dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration, ou concernant sa mise à disposition aux fins de sa mise en œuvre ou la gestion de sa mise en œuvre
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ne sera pas considéré comme un intermédiaire, conformément à la définition de la directive, et ne sera donc pas soumis à l’obligation de déclaration » (Doc. parl., Chambre, 2019-2020, DOC 55-0791/001, p. 19).
Il peut en être déduit que ces dispositions portent sur les cas qui relèvent du champ d’application d’un secret professionnel pénalement sanctionné. Dans le cas d’un avocat qui agit en tant qu’intermédiaire, cela suppose qu’il ne peut se soustraire à l’obligation de déclaration que pour les activités qui relèvent de sa mission spécifique de défense ou de représentation en justice et de conseil juridique. Comme la section de législation du Conseil d’État l’a relevé dans son avis sur la réglementation fédérale, il peut être admis que les informations à transmettre lors de la déclaration individuelle initiale relative à un dispositif commercialisable, en raison de la nature même de celui-ci, ne seront pas couvertes par le secret professionnel (Doc. parl., Chambre, 2019-2020, DOC 55-0791/001, pp. 113-114).
Il en résulte que le moyen n’est pas fondé en ce qu’il porte sur l’obligation de déclaration initiale relative aux dispositifs commercialisables.
B.9.4. Contrairement à ce qui a été constaté en ce qui concerne l’obligation de déclaration initiale des dispositifs commercialisables, il n’est pas exclu que, eu égard aux informations citées en B.9.2 qui doivent être communiquées dans le cadre de l’obligation de déclaration périodique, cette obligation de déclaration porte sur des activités qui relèvent du secret professionnel.
S’il est vrai que la règle du secret professionnel doit céder lorsqu’une nécessité l’impose ou lorsqu’une valeur jugée supérieure entre en conflit avec elle, il y a lieu d’observer que l’article 11/6, § 3, du décret du 21 juin 2013, tel qu’il a été inséré par le décret attaqué, établit une levée du secret professionnel absolue et a priori concernant les rapports périodiques relatifs à des dispositifs commercialisables. Dans les travaux préparatoires, cette mesure est justifiée par « le fait que l’obligation de déclaration trimestrielle dans le cas de dispositifs commercialisables ne peut pas être transférée sur un contribuable, celui-ci ne disposant pas des informations nécessaires pour effectuer cette déclaration » (Doc. parl., Parlement flamand, 2019-2020, n° 322/1, p. 21).
Ainsi qu’il ressort des travaux préparatoires, rien n’empêche toutefois que l’intermédiaire qui, en raison du secret professionnel, ne pourrait pas lui-même remplir l’obligation de
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déclaration aide le contribuable à satisfaire à l’obligation de déclaration qui lui incombe dans ce cas (ibid.). Il n’apparaît pas pourquoi il serait possible, dans le cadre d’un dispositif sur mesure, de fournir les informations nécessaires au contribuable, mais pas dans le cadre d’un dispositif commercialisable, pour lequel aucun ajustement substantiel n’est nécessaire pour le contribuable, sauf en ce qui concerne des informations dont le contribuable disposera souvent lui-même, ainsi qu’il ressort de l’énumération mentionnée en B.9.2.
B.9.5. Il découle de ce qui précède que l’article 11/6, § 3, du décret du 21 juin 2013, tel qu’il a été inséré par l’article 14 du décret du 26 juin 2020, en ce qu’il prévoit que les avocats ne peuvent pas se prévaloir du secret professionnel en ce qui concerne l’obligation de déclaration périodique relative aux dispositifs commercialisables au sens de l’article 11/4 du décret du 21 juin 2013, n’est pas raisonnablement proportionné à l’objectif poursuivi.
B.9.6. Le premier moyen dans l’affaire n° 7429 est fondé en ce qui concerne l’obligation de déclaration périodique relative aux dispositifs commercialisables.
B.9.7. Il y a lieu d’annuler l’article 11/6, § 3, du décret du 21 juin 2013, tel qu’il a été inséré par l’article 14 du décret du 26 juin 2020, en ce qu’il prévoit que l’avocat agissant en tant qu’intermédiaire ne peut pas se prévaloir du secret professionnel en ce qui concerne l’obligation de déclaration périodique relative aux dispositifs commercialisables au sens de l’article 11/4 du décret du 21 juin 2013.
B.9.8. Eu égard à ce qui précède et au fait que la partie requérante dans l’affaire n° 7429
a renoncé à sa demande de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne, il n’est pas nécessaire d’examiner cette demande.
En ce qui concerne le moment où la dispense de l’obligation de déclaration dans le cas du secret professionnel produit son effet (deuxième moyen, première branche, et troisième moyen dans l’affaire n° 7429)
B.10.1. Le deuxième moyen, en sa première branche, est pris notamment de la violation, par l’article 14 du décret du 26 juin 2020, des articles 22 et 29 de la Constitution, lus en
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combinaison ou non avec les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme et avec les articles 7, 8, 20, 21, 47, 48, 49 et 51 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. La partie requérante reproche à la dispense de remplir les obligations de déclaration dans le cas du secret professionnel, en vertu de l’article 11/6, § 1er, alinéa 2, du décret du 21 juin 2013, tel qu’il a été inséré par l’article 14 du décret du 26 juin 2020, de ne produire son effet qu’au moment où un autre intermédiaire a satisfait à l’obligation de déclaration. Il est impossible pour l’avocat de s’en assurer sans violer malgré tout son secret professionnel.
B.10.2. Comme l’indique le Gouvernement flamand, la disposition attaquée n’a pas la portée que lui donne la partie requérante.
Cette disposition ne vise pas à faire en sorte que la levée de l’obligation de déclaration dépende de la déclaration par un autre intermédiaire concerné ou, en l’absence de celui-ci, par le contribuable. En revanche, cette disposition a pour effet que la dispense n’est applicable que lorsque l’intermédiaire qui invoque le secret professionnel a satisfait à l’obligation d’en informer les autres intermédiaires concernés ou, en l’absence d’autres intermédiaires, le contribuable.
B.10.3. Le deuxième moyen dans l’affaire n° 7429, en sa première branche, repose sur une lecture erronée de l’article qui y est attaqué et n’est dès lors pas fondé.
B.10.4. Le troisième moyen dans l’affaire n° 7429 est pris de la violation, par les articles 1er à 30 du décret du 26 juin 2020, des articles 22, 29 et 170 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec le principe général de droit de la sécurité juridique, avec le principe général de droit du secret professionnel de l’avocat, avec les articles 1er, 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, avec les articles 7, 8, 20, 21, 47, 48, 49 et 51 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et avec l’article 6 du Traité sur l’Union européenne (ci-après : le TUE). La partie requérante critique le fait qu’en vertu de l’article 17
du décret du 26 juin 2020, lorsqu’il existe plus d’un intermédiaire, l’avocat-intermédiaire ne peut être dispensé de son obligation de déclaration que s’il peut prouver par écrit qu’un autre intermédiaire y a déjà satisfait. Selon elle, il n’est pas possible pour l’avocat-intermédiaire d’obtenir cette preuve écrite sans violer son secret professionnel.
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B.10.5. Comme l’indique le Gouvernement flamand, la disposition attaquée n’a pas la portée que lui donne la partie requérante.
L’article 11/9 du décret du 21 juin 2013 porte sur l’hypothèse dans laquelle plusieurs intermédiaires sont soumis à l’obligation de déclaration. Selon cette disposition, un intermédiaire n’est dispensé de l’obligation de transmettre les informations requises que lorsqu’il peut prouver par écrit que ces mêmes informations ont déjà été transmises par un autre intermédiaire. Contrairement à ce que fait valoir la partie requérante, l’article 11/9 du décret du 21 juin 2013 ne déroge pas à l’article 11/6 du même décret, qui prévoit que l’intermédiaire qui invoque le secret professionnel est dispensé de l’obligation de déclaration dès qu’il a satisfait à l’obligation d’en informer les autres intermédiaires ou, en l’absence d’autres intermédiaires, le contribuable concerné.
B.10.6. Le troisième moyen dans l’affaire n° 7429 repose sur une lecture erronée de l’article qui y est attaqué et n’est dès lors pas fondé.
En ce qui concerne l’obligation, pour l’avocat-intermédiaire qui se prévaut du secret professionnel, d’informer les autres intermédiaires (deuxième branche du deuxième moyen dans l’affaire n° 7429)
B.11.1. La deuxième branche du deuxième moyen est prise notamment de la violation, par l’article 14 du décret du 26 juin 2020, des articles 22 et 29 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme et avec les articles 7, 8, 20, 21, 47, 48, 49 et 51 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. La partie requérante dans l’affaire n° 7429 critique le fait que l’avocat-
intermédiaire qui souhaite invoquer son secret professionnel est tenu, en vertu de l’article 11/6, § 1er, alinéa 1er, 1°, du décret du 21 juin 2013, tel qu’il a été inséré par l’article 14 du décret du 26 juin 2020, d’informer les autres intermédiaires concernés par écrit et de façon motivée qu’il ne peut satisfaire à son obligation de déclaration. Selon la partie requérante, il est impossible de satisfaire à cette exigence sans violer malgré tout le secret professionnel. En
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outre, cette exigence ne serait pas nécessaire pour assurer la déclaration du dispositif transfrontière, étant donné que le client, assisté ou non par l’avocat, peut informer les autres intermédiaires et peut leur demander de satisfaire à leur obligation de déclaration.
B.11.2. Comme il est dit en B.5, les informations que les avocats doivent transmettre à l’autorité compétente en ce qui concerne leurs clients sont protégées par le secret professionnel, si ces informations portent sur des activités qui relèvent de leur mission spécifique de défense ou de représentation en justice et de conseil juridique. Le simple fait de recourir à un avocat est soumis au secret professionnel. Il en va a fortiori de même pour l’identité des clients d’un avocat. Les informations protégées par le secret professionnel par rapport à l’autorité le sont également par rapport aux autres acteurs, par exemple les autres intermédiaires concernés.
B.11.3. Comme il est également dit en B.5, il ne peut être dérogé à la règle du secret professionnel que si un motif impérieux d’intérêt général peut le justifier et si la levée du secret est strictement proportionnée. Selon les travaux préparatoires, l’obligation pour un intermédiaire d’informer les autres intermédiaires concernés de façon motivée du fait qu’il se prévaut du secret professionnel et ne satisfera dès lors pas à l’obligation de déclaration serait nécessaire pour répondre aux exigences de la directive et pour assurer que le secret professionnel n’empêche pas les déclarations nécessaires (Doc. parl., Parlement flamand, 2019-2020, n° 322/1, pp. 20-21).
Comme l’observe le Gouvernement flamand, lorsque l’avocat peut être considéré comme un intermédiaire au sens de l’article 5, 20°, du décret du 21 juin 2013, son client sera en principe soit le contribuable, soit un autre intermédiaire.
Si le client de l’avocat est un autre intermédiaire, le secret professionnel n’empêche pas que l’avocat attire l’attention de son client sur son obligation de déclaration.
Si le client de l’avocat est le contribuable et que d’autres intermédiaires participent au dispositif devant faire l’objet d’une déclaration, il ressort de l’article 11/7 du décret du 21 juin 2013, tel qu’il a été inséré par l’article 15 du décret du 26 juin 2020, que l’obligation de déclaration incombe aussi en toute hypothèse aux autres intermédiaires concernés, à moins
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qu’ils puissent apporter la preuve écrite du fait qu’un autre intermédiaire a déjà satisfait à l’obligation de déclaration. Si le secret professionnel de l’avocat l’empêche d’informer un autre intermédiaire du fait qu’il ne satisfera pas à l’obligation de déclaration, il ne peut a fortiori pas prouver par écrit à cet autre intermédiaire qu’il a bien satisfait à l’obligation de déclaration.
Dans ce cas, tout autre intermédiaire concerné demeure automatiquement tenu à l’obligation de déclaration. La question se pose dès lors de savoir si l’obligation qui incombe à l’intermédiaire en vertu de l’article 11/6, § 1er, alinéa 1er, 1°, du décret du 21 juin 2013 est justifiée par un motif impérieux d’intérêt général.
B.11.4. D’après son article 2, le décret attaqué vise à transposer la directive (UE) 2018/822.
L’article 1er, point 2), de la directive (UE) 2018/822 insère dans la directive 2011/16/UE
un article 8bis ter, dont les paragraphes 5 et 6 sont rédigés ainsi :
« 5. Chaque État membre peut prendre les mesures nécessaires pour accorder aux intermédiaires le droit d'être dispensés de l'obligation de fournir des informations concernant un dispositif transfrontière devant faire l'objet d'une déclaration lorsque l'obligation de déclaration serait contraire au secret professionnel applicable en vertu du droit national dudit État membre. En pareil cas, chaque État membre prend les mesures nécessaires pour que les intermédiaires soient tenus de notifier sans retard à tout autre intermédiaire, ou, en l'absence d'un tel intermédiaire, au contribuable concerné, les obligations de déclaration qui leur incombent en vertu du paragraphe 6.
Les intermédiaires ne peuvent avoir droit à une dispense en vertu du premier alinéa que dans la mesure où ils agissent dans les limites de la législation nationale pertinente qui définit leurs professions.
6. Chaque État membre prend les mesures nécessaires pour faire en sorte que, lorsqu'il n'existe pas d'intermédiaire ou que l'intermédiaire notifie l'application d'une dispense en vertu du paragraphe 5 au contribuable concerné ou à un autre intermédiaire, l'obligation de transmettre des informations sur un dispositif transfrontière devant faire l'objet d'une déclaration relève de la responsabilité de l'autre intermédiaire qui a été notifié, ou, en l'absence d'un tel intermédiaire, du contribuable concerné ».
Il s’ensuit que l’obligation, pour l’intermédiaire qui se prévaut du secret professionnel, d’informer les autres intermédiaires ou le contribuable de leurs obligations de déclaration est imposée au législateur décrétal par la directive précitée. La Cour doit avoir égard à cet élément avant de juger de la compatibilité du décret avec la Constitution.
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B.11.5. Il ne relève pas de la compétence de la Cour de se prononcer sur la compatibilité de la directive précitée avec les articles 7 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Avant de statuer quant au fond sur la violation alléguée, la Cour a dès lors, par son arrêt n° 167/2020 précité, posé à la Cour de justice de l’Union européenne la question préjudicielle suivante :
« L’article 1er, point 2), de la directive (UE) 2018/822 du Conseil du 25 mai 2018
‘ modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l’échange automatique et obligatoire d’informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration ’ viole-t-il le droit à un procès équitable garanti par l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et le droit au respect de la vie privée garanti par l’article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, en ce que le nouvel article 8bis ter, paragraphe 5, qu’il a inséré dans la directive 2011/16/UE du Conseil du 15 février 2011 ‘ relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal et abrogeant la directive 77/799/CEE ’, prévoit que, si un État membre prend les mesures nécessaires pour accorder aux intermédiaires le droit d’être dispensés de l’obligation de fournir des informations concernant un dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration lorsque l’obligation de déclaration serait contraire au secret professionnel applicable en vertu du droit national dudit État membre, cet État membre est tenu d’obliger lesdits intermédiaires à notifier sans retard à tout autre intermédiaire ou, en l’absence d’un tel intermédiaire, au contribuable concerné, ses obligations de déclaration, en ce que cette obligation a pour effet qu’un avocat qui agit en tant qu’intermédiaire est tenu de partager avec un autre intermédiaire qui n'est pas son client les informations qui lui sont connues à l’occasion de l’exercice des activités essentielles de sa profession, à savoir la défense ou la représentation en justice du client et le conseil juridique, même en dehors de toute procédure judiciaire ? ».
B.12. Par son arrêt du 8 décembre 2022 en cause de Orde van Vlaamse balies e.a. (C-
694/20, ECLI:EU:C:2022:963), la grande chambre de la Cour de justice de l’Union européenne a répondu à la question préjudicielle précitée comme suit :
« 18. À titre liminaire, il convient de relever que, si la question posée fait référence à l’obligation de notification, prévue à l’article 8bis ter, paragraphe 5, de la directive 2011/16
modifiée, tant à l’égard des intermédiaires que, en l’absence d’intermédiaire, à l’égard du contribuable concerné, il résulte néanmoins de la lecture d’ensemble de la demande de décision préjudicielle que la juridiction de renvoi s’interroge, en réalité, uniquement sur la validité de cette obligation pour autant que la notification doive être faite, par un avocat agissant en tant qu’intermédiaire, au sens de l’article 3, point 21, de cette directive (ci-après l’‘ avocat intermédiaire ’), à un autre intermédiaire qui n’est pas son client.
19. En effet, lorsque la notification prévue à l’article 8bis ter, paragraphe 5, de la directive 2011/16 modifiée est effectuée par l’avocat intermédiaire à son client, que ce dernier soit un autre intermédiaire ou le contribuable concerné, cette notification n’est pas susceptible de mettre en cause le respect des droits et des libertés garantis par les articles 7 et 47 de la
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Charte en raison, d’une part, de l’absence de toute obligation de secret professionnel de l’avocat intermédiaire vis-à-vis de son client et, d’autre part, du fait que, au stade de l’exécution par ce client de ses obligations déclaratives au titre de cette directive, la confidentialité de la relation entre l’avocat intermédiaire et ledit client s’oppose à ce qu’il puisse être exigé de ce dernier qu’il révèle à des tiers et, notamment, à l’administration fiscale l’existence de sa consultation d’un avocat.
20. Il ressort ainsi de la décision de renvoi que, par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, à la Cour, d’examiner la validité, au regard des articles 7 et 47 de la Charte, de l’article 8bis ter, paragraphe 5, de la directive 2011/16 modifiée, en ce que son application par les États membres a pour effet d’imposer à l’avocat agissant en tant qu’intermédiaire, au sens de l’article 3, point 21, de cette directive, lorsque celui-ci est dispensé de l’obligation de déclaration, prévue au paragraphe 1 de l’article 8bis ter de ladite directive, en raison du secret professionnel auquel il est tenu, de notifier sans retard à tout autre intermédiaire qui n’est pas son client les obligations de déclaration qui lui incombent en vertu du paragraphe 6 dudit article 8bis ter.
21. À cet égard, il importe de rappeler que, conformément à l’article 8bis ter, paragraphe 1, de la directive 2011/16 modifiée, chaque État membre prend les mesures nécessaires pour que les intermédiaires soient tenus de transmettre aux autorités compétentes les informations dont ils ont connaissance, qu’ils possèdent ou qu’ils contrôlent concernant les dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration dans un délai de trente jours.
L’obligation de déclaration prévue à cette disposition s’applique à tous les dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration et, donc, tant aux dispositifs sur mesure, définis au point 25 de l’article 3 de la directive 2011/16 modifiée, qu’aux dispositifs commercialisables, définis au point 24 de cet article 3.
22. Il y a lieu de constater que les avocats peuvent, dans l’exercice de leurs activités, être des ‘ intermédiaires ’, au sens de l’article 3, point 21, de la directive 2011/16 modifiée, en raison du fait qu’ils peuvent pratiquer eux-mêmes des activités de conception, de commercialisation, d’organisation, de mise à disposition aux fins de mise en œuvre ou de gestion de mise en œuvre de dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration ou, à défaut, en raison du fait qu’ils peuvent prêter assistance, aide ou conseil à de telles activités. Les avocats exerçant de telles activités sont ainsi, en principe, soumis à l’obligation de déclaration prévue à l’article 8bis ter, paragraphe 1, de cette directive.
23. Cependant, aux termes du premier alinéa du paragraphe 5 de l’article 8bis ter de la directive 2011/16 modifiée, chaque État membre peut prendre les mesures nécessaires pour accorder aux intermédiaires, et notamment aux avocats intermédiaires, une dispense de l’obligation de fournir des informations concernant un dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration lorsque l’obligation de déclaration serait contraire au secret professionnel applicable en vertu du droit dudit État membre. En pareil cas, chaque État membre prend les mesures nécessaires pour que les intermédiaires soient tenus de notifier sans retard à tout autre intermédiaire, ou, en l’absence d’un tel intermédiaire, au contribuable concerné, les obligations de déclaration qui leur incombent en vertu du paragraphe 6 de cet article. Ce paragraphe prévoit que, dans une telle hypothèse, l’obligation de déclaration relève de la responsabilité de l’autre intermédiaire qui a été notifié, ou, en l’absence d’un tel intermédiaire, du contribuable concerné.
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24. Il importe néanmoins de souligner que, en vertu du second alinéa du paragraphe 5 de l’article 8bis ter de la directive 2011/16 modifiée, les intermédiaires ne peuvent bénéficier d’une dispense en vertu du premier alinéa de ce paragraphe 5 que dans la mesure où ils agissent dans les limites de la législation nationale pertinente qui définit leur profession, ce qu’il incombe, le cas échéant, aux juridictions nationales de vérifier dans le cadre de l’application de cette législation. Partant, ce n’est que par rapport aux avocats intermédiaires qui agissent effectivement dans de telles limites qu’il convient d’examiner la validité de l’article 8bis ter, paragraphe 5, de cette directive au regard des articles 7 et 47 de la Charte.
25. À cet égard, il y a lieu de relever que l’article 7 de la Charte, qui reconnaît à toute personne le droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de ses communications, correspond à l’article 8, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la ‘ CEDH ’), tandis que l’article 47, qui garantit le droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial, correspond à l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH.
26. Conformément à l’article 52, paragraphe 3, de la Charte, qui vise à assurer la cohérence nécessaire entre les droits contenus dans celle-ci et les droits correspondants garantis par la CEDH sans porter atteinte à l’autonomie du droit de l’Union, la Cour doit donc tenir compte, dans l’interprétation qu’elle effectue à propos des droits garantis par les articles 7 et 47
de la Charte, des droits correspondants garantis par l’article 8, paragraphe 1, et par l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH, tels qu’interprétés par la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après la ‘ Cour EDH ’), en tant que seuil de protection minimale (voir, en ce sens, arrêt du 2 février 2021, Consob, C-481/19, EU:C:2021:84, points 36 et 37).
27. S’agissant de la validité de l’article 8bis ter, paragraphe 5, de la directive 2011/16
modifiée au regard de l’article 7 de la Charte, il ressort de la jurisprudence de la Cour EDH que l’article 8, paragraphe 1, de la CEDH protège la confidentialité de toute correspondance entre individus et accorde une protection renforcée aux échanges entre les avocats et leurs clients (voir, en ce sens, Cour EDH, arrêt du 6 décembre 2012, Michaud c. France, CE:ECHR:2012:1206JUD001232311, §§ 117 et 118). À l’instar de cette disposition, dont la protection recouvre non seulement l’activité de défense, mais également la consultation juridique, l’article 7 de la Charte garantit nécessairement le secret de cette consultation juridique, et ce tant à l’égard de son contenu que de son existence. En effet, ainsi que l’a relevé la Cour EDH, les personnes qui consultent un avocat peuvent raisonnablement s’attendre à ce que leurs communications demeurent privées et confidentielles [Cour EDH, arrêt du 9 avril 2019, Altay c. Turquie (N° 2), CE:ECHR:2019:0409JUD001123609, § 49]. Partant, hormis des situations exceptionnelles, ces personnes doivent pouvoir légitimement avoir confiance dans le fait que leur avocat ne divulguera à personne, sans leur accord, qu’elles le consultent.
28. La protection spécifique que l’article 7 de la Charte et l’article 8, paragraphe 1, de la CEDH accordent au secret professionnel des avocats, qui se traduit avant tout par des obligations à leur charge, se justifie par le fait que les avocats se voient confier une mission fondamentale dans une société démocratique, à savoir la défense des justiciables (Cour EDH, arrêt du 6 décembre 2012, Michaud c. France, CE:ECHR:2012:1206JUD001232311, §§ 118
et 119). Cette mission fondamentale comporte, d’une part, l’exigence, dont l’importance est reconnue dans tous les États membres, que tout justiciable doit avoir la possibilité de s’adresser en toute liberté à son avocat, dont la profession même englobe, par essence, la tâche de donner, de façon indépendante, des avis juridiques à tous ceux qui en ont besoin et, d’autre part, celle,
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corrélative, de loyauté de l’avocat envers son client (voir, en ce sens, arrêt du 18 mai 1982, AM
& S Europe/Commission, 155/79, EU:C:1982:157, point 18).
29. Or, l’obligation que prévoit l’article 8bis ter, paragraphe 5, de la directive 2011/16
modifiée pour l’avocat intermédiaire lorsque celui-ci est, en raison du secret professionnel auquel il est tenu par le droit national, dispensé de l’obligation de déclaration, prévue au paragraphe 1 de cet article 8bis ter, de notifier sans retard aux autres intermédiaires qui ne sont pas ses clients les obligations de déclaration qui leur incombent en vertu du paragraphe 6 dudit article 8bis ter comporte nécessairement la conséquence que ces autres intermédiaires acquièrent connaissance de l’identité de l’avocat intermédiaire notifiant, de son appréciation selon laquelle le dispositif en cause doit faire l’objet d’une déclaration ainsi que du fait qu’il est consulté à son sujet.
30. Dans ces conditions et dans la mesure où ces autres intermédiaires n’ont pas forcément connaissance de l’identité de l’avocat intermédiaire et du fait qu’il a été consulté au sujet du dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration, l’obligation de notification, prévue à l’article 8bis ter, paragraphe 5, de la directive 2011/16 modifiée, entraîne une ingérence dans le droit au respect des communications entre les avocats et leurs clients, garanti à l’article 7 de la Charte.
31. En outre, il convient d’observer que cette obligation de notification induit, indirectement, une autre ingérence dans ce même droit, résultant de la divulgation, par les tiers intermédiaires ainsi notifiés, à l’administration fiscale de l’identité et de la consultation de l’avocat intermédiaire.
32. En effet, il ressort de l’article 8bis ter, paragraphes 1, 9, 13 et 14, de la directive 2011/16 modifiée que l’identification des intermédiaires figure au nombre des informations à fournir en exécution de l’obligation de déclaration, cette identification faisant l’objet d’un échange d’informations entre les autorités compétentes des États membres. Par conséquent, en cas de notification au titre de l’article 8bis ter, paragraphe 5, de cette directive, les tiers intermédiaires notifiés, ainsi informés de l’identité de l’avocat intermédiaire et de sa consultation au sujet du dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration et eux-
mêmes non tenus au secret professionnel, devront informer les autorités compétentes visées à l’article 3, paragraphe 1, de ladite directive non seulement de l’existence de ce dispositif et de l’identité du ou des contribuables concernés, mais encore de l’identité et de la consultation de l’avocat intermédiaire.
33. Partant, il convient d’examiner si ces ingérences dans le droit au respect des communications entre les avocats et leurs clients, garanti à l’article 7 de la Charte, sont susceptibles d’être justifiées.
34. Dans ce contexte, il importe de rappeler que les droits consacrés à l’article 7 de la Charte n’apparaissent pas comme étant des prérogatives absolues, mais doivent être pris en considération par rapport à leur fonction dans la société. En effet, ainsi qu’il ressort de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, celle-ci admet des limitations à l’exercice de ces droits, pour autant que ces limitations soient prévues par la loi, qu’elles respectent le contenu essentiel desdits droits et que, dans le respect du principe de proportionnalité, elles soient nécessaires et répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union européenne ou au besoin de protection des droits et des libertés d’autrui (voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2020, Privacy International, C-623/17, EU:C:2020:790, points 63 et 64).
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35. En premier lieu, en ce qui concerne l’exigence selon laquelle toute limitation de l’exercice des droits fondamentaux doit être prévue par la loi, celle-ci implique que l’acte qui permet l’ingérence dans ces droits doit définir lui-même la portée de la limitation de l’exercice du droit concerné, étant précisé, d’une part, que cette exigence n’exclut pas que la limitation en cause soit formulée dans des termes suffisamment ouverts pour pouvoir s’adapter à des cas de figure différents ainsi qu’aux changements de situations. D’autre part, la Cour peut, le cas échéant, préciser, par voie d’interprétation, la portée concrète de la limitation au regard tant des termes mêmes de la réglementation de l’Union en cause que de son économie générale et des objectifs qu’elle poursuit, tels qu’interprétés à la lumière des droits fondamentaux garantis par la Charte (arrêt du 21 juin 2022, Ligue des droits humains, C-817/19, EU:C:2022:491, point 114 et jurisprudence citée).
36. À cet égard, il y a lieu de relever que, d’une part, le paragraphe 5 de l’article 8bis ter de la directive 2011/16 modifiée prévoit expressément l’obligation, pour l’avocat intermédiaire dispensé de l’obligation de déclaration en raison du secret professionnel auquel il est tenu, de notifier aux autres intermédiaires les obligations de déclaration qui leur incombent en vertu du paragraphe 6 de cet article. D’autre part, ainsi qu’il a été constaté aux points 29 et 30 du présent arrêt, l’ingérence dans le droit au respect des communications entre les avocats et leurs clients, consacré à l’article 7 de la Charte, est la conséquence directe d’une telle notification par l’avocat à un autre intermédiaire qui n’est pas son client, notamment lorsque celui-ci n’avait, jusqu’au moment de cette notification, pas connaissance de l’identité de cet avocat et de sa consultation au sujet du dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration.
37. En outre, s’agissant de l’ingérence résultant indirectement de ladite obligation de notification en raison de la divulgation, par les tiers intermédiaires notifiés, de l’identité et de la consultation de l’avocat intermédiaire à l’administration fiscale, celle-ci est due, ainsi qu’il a été constaté aux points 31 et 32 du présent arrêt, à l’étendue des obligations d’information découlant de l’article 8bis ter, paragraphes 1, 9, 13 et 14, de la directive 2011/16 modifiée.
38. Dans ces conditions, il convient de considérer qu’il est satisfait au principe de légalité.
39. En deuxième lieu, en ce qui concerne le respect du contenu essentiel du droit au respect des communications entre les avocats et leurs clients, garanti à l’article 7 de la Charte, il convient de relever que l’obligation de notification, instaurée par l’article 8bis ter, paragraphe 5, de la directive 2011/16 modifiée, n’induit que de manière limitée la levée, à l’égard d’un tiers intermédiaire et de l’administration fiscale, de la confidentialité des communications entre l’avocat intermédiaire et son client. En particulier, cette disposition ne prévoit pas l’obligation, ni même l’autorisation, pour l’avocat intermédiaire de partager, sans le consentement de son client, des informations relatives à la teneur de ces communications avec d’autres intermédiaires et ces derniers ne seront donc pas en mesure de transmettre de telles informations à l’administration fiscale.
40. Dans ces conditions, il ne saurait être considéré que l’obligation de notification, prévue à l’article 8bis ter, paragraphe 5, de la directive 2011/16 modifiée, porte atteinte au contenu essentiel du droit au respect des communications entre les avocats et leurs clients, consacré à l’article 7 de la Charte.
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41. En troisième lieu, s’agissant du respect du principe de proportionnalité, celui-ci exige que les limitations qui peuvent notamment être apportées par des actes du droit de l’Union à des droits et libertés consacrés dans la Charte ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la satisfaction des objectifs légitimes poursuivis ou du besoin de protection des droits et libertés d’autrui, étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante. En outre, un objectif d’intérêt général ne saurait être poursuivi sans tenir compte du fait qu’il doit être concilié avec les droits fondamentaux concernés par la mesure, ce en effectuant une pondération équilibrée entre, d’une part, l’objectif d’intérêt général et, d’autre part, les droits en cause, afin d’assurer que les inconvénients causés par cette mesure ne soient pas démesurés par rapport aux buts visés. Ainsi, la possibilité de justifier une limitation aux droits garantis à l’article 7 de la Charte doit être appréciée en mesurant la gravité de l’ingérence que comporte une telle limitation et en vérifiant que l’importance de l’objectif d’intérêt général poursuivi par cette limitation est en relation avec cette gravité (arrêts du 26 avril 2022, Pologne/Parlement et Conseil, C-401/19, EU:C:2022:297, point 65, ainsi que du 22 novembre 2022, Luxembourg Business Registers et Sovim, C-37/20 et C-601/20, EU:C:2022:912, point 64).
42. Partant, il y a lieu de vérifier, tout d’abord, que l’obligation de notification, prévue à l’article 8bis ter, paragraphe 5, de la directive 2011/16 modifiée, répond à un objectif d’intérêt général reconnu par l’Union. Dans l’affirmative, il convient ensuite de s’assurer, premièrement, qu’elle est apte à réaliser cet objectif, deuxièmement, que l’ingérence dans le droit fondamental au respect des communications entre les avocats et leurs clients qui est susceptible de résulter de cette obligation de notification est limitée au strict nécessaire, en ce sens que l’objectif poursuivi ne pourrait raisonnablement être atteint de manière aussi efficace par d’autres moyens moins attentatoires à ce droit, et, troisièmement, pour autant que tel soit effectivement le cas, que cette ingérence n’est pas disproportionnée par rapport audit objectif, ce qui implique notamment une pondération de l’importance de celui-ci et de la gravité de ladite ingérence (voir, en ce sens, arrêt du 22 novembre 2022, Luxembourg Business Registers et Sovim, C-37/20 et C-601/20, EU:C:2022:912, point 66).
43. Ainsi que l’a relevé M. l’avocat général au point 88 de ses conclusions, la modification apportée à la directive 2011/16 par la directive 2018/822 s’inscrit dans le cadre d’une coopération fiscale internationale de lutte contre la planification fiscale agressive qui se concrétise par un échange d’informations entre États membres. À cet égard, il ressort notamment des considérants 2, 4, 8 et 9 de la directive 2018/822 que les obligations de déclaration et de notification, mises en place par l’article 8bis ter de la directive 2011/16
modifiée, ont pour objectif de contribuer à la prévention du risque d’évasion et de fraude fiscales.
44. Or, la lutte contre la planification fiscale agressive et la prévention du risque d’évasion et de fraude fiscales constituent des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union, au sens de l’article 52, paragraphe 1, de la Charte, susceptibles de permettre qu’une limitation soit apportée à l’exercice des droits garantis par l’article 7 de celle-ci [voir, en ce sens, arrêt du 6 octobre 2020, État luxembourgeois (Droit de recours contre une demande d’information en matière fiscale), C-245/19 et C-246/19, EU:C:2020:795, point 87].
45. En ce qui concerne le point de savoir si l’obligation de notification, prévue à l’article 8bis ter, paragraphe 5, de la directive 2011/16 modifiée, est apte et nécessaire à la
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réalisation desdits objectifs, les gouvernements français et letton soutiennent, en substance, qu’une telle notification permettrait notamment de sensibiliser les autres intermédiaires à leur devoir de se conformer à l’obligation de déclaration et ainsi d’éviter que ces autres intermédiaires ne soient pas informés du fait que l’obligation de déclaration du dispositif transfrontière leur est transférée en application de l’article 8bis ter, paragraphe 6, de la directive 2011/16 modifiée. Ainsi, selon ces gouvernements, à défaut d’une obligation de notification dans le chef de l’avocat intermédiaire, le dispositif transfrontière risquerait de n’être aucunement déclaré, et cela en méconnaissance des objectifs poursuivis par cette directive.
46. Or, à supposer même que l’obligation de notification, instaurée par l’article 8bis ter, paragraphe 5, de la directive 2011/16 modifiée, soit effectivement apte à contribuer à la lutte contre la planification fiscale agressive et à la prévention du risque d’évasion et de fraude fiscales, force est de constater qu’elle ne saurait, toutefois, être considérée comme étant strictement nécessaire pour réaliser ces objectifs et, notamment, pour assurer que les informations concernant les dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration soient transmises aux autorités compétentes.
47. En effet, premièrement, les obligations de déclaration incombant aux intermédiaires sont clairement énoncées dans la directive 2011/16 modifiée, en particulier à son article 8bis ter, paragraphe 1. En vertu de cette disposition, tous les intermédiaires sont, en principe, tenus de transmettre aux autorités compétentes les informations dont ils ont connaissance, qu’ils possèdent ou qu’ils contrôlent, concernant les dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration. En outre, conformément à l’article 8bis ter, paragraphe 9, premier alinéa, de cette directive, chaque État membre prend les mesures nécessaires pour exiger que, lorsqu’il existe plus d’un intermédiaire, l’obligation de transmettre des informations incombe à l’ensemble des intermédiaires participant à un même dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration. Aucun intermédiaire ne saurait donc utilement faire valoir qu’il ignorait les obligations de déclaration auxquelles il est directement et individuellement soumis, du seul fait de sa qualité d’intermédiaire.
48. Deuxièmement, quant à l’argument du gouvernement letton selon lequel l’obligation de notification réduirait le risque que les autres intermédiaires se fient au fait que l’avocat intermédiaire déclarera les informations requises aux autorités compétentes et qu’ils s’abstiennent pour ce motif d’effectuer eux-mêmes une déclaration, il convient de constater, d’une part, que, dans la mesure où la consultation d’un avocat est soumise au secret professionnel, les autres intermédiaires n’auront, ainsi qu’il a été relevé au point 30 du présent arrêt, pas forcément connaissance de l’identité de l’avocat intermédiaire et de sa consultation au sujet du dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration, ce qui, en pareil cas, exclut d’emblée un tel risque.
49. D’autre part, même dans l’hypothèse contraire où les autres intermédiaires ont une telle connaissance, il n’y a pas lieu de craindre que ceux-ci se fient, sans vérification, à ce que l’avocat intermédiaire effectue la déclaration requise, dès lors que l’article 8bis ter, paragraphe 9, deuxième alinéa, de la directive 2011/16 modifiée précise qu’un intermédiaire n’est dispensé de l’obligation de transmettre des informations qu’à la condition qu’il puisse prouver que ces mêmes informations ont déjà été transmises par un autre intermédiaire. Par ailleurs, en prévoyant expressément, à son article 8bis ter, paragraphe 5, que le secret professionnel peut conduire à une dispense de l’obligation de déclaration, la directive 2011/16
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modifiée fait de l’avocat intermédiaire une personne dont les autres intermédiaires ne peuvent, a priori, attendre aucune initiative de nature à les décharger de leurs propres obligations de déclaration.
50. Troisièmement, il convient de rappeler que tout intermédiaire qui, en raison du secret professionnel auquel il est tenu par le droit national, est dispensé de l’obligation de déclaration prévue au paragraphe 1 de l’article 8bis ter de la directive 2011/16 modifiée, reste néanmoins tenu de notifier sans retard à son client les obligations de déclaration qui lui incombent en vertu du paragraphe 6 de cet article.
51. Quatrièmement, s’agissant de la divulgation, par les tiers intermédiaires notifiés, de l’identité et de la consultation de l’avocat intermédiaire à l’administration fiscale, cette divulgation n’apparaît pas non plus strictement nécessaire à la poursuite des objectifs de la directive 2011/16 modifiée de lutte contre la planification fiscale agressive et de prévention du risque d’évasion et de fraude fiscales.
52. En effet, d’une part, l’obligation de déclaration incombant aux autres intermédiaires non soumis au secret professionnel et, à défaut de tels intermédiaires, celle incombant au contribuable concerné garantissent, en principe, que l’administration fiscale soit informée des dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration. En outre, l’administration fiscale peut, après avoir reçu une telle information, demander au besoin des informations supplémentaires relatives au dispositif en question directement au contribuable concerné, lequel pourra alors s’adresser à son avocat pour qu’il l’assiste, ou effectuer un contrôle de la situation fiscale dudit contribuable.
53. D’autre part, compte tenu de la dispense de déclaration prévue à l’article 8bis ter, paragraphe 5, de la directive 2011/16 modifiée, la divulgation à l’administration fiscale de l’identité et de la consultation de l’avocat intermédiaire ne permettra, en tout état de cause, pas à cette administration d’exiger de celui-ci des informations sans le consentement de son client.
54. Lors de l’audience devant la Cour, la Commission a toutefois soutenu, en substance, que cette divulgation de l’identité et de la consultation de l’avocat intermédiaire serait nécessaire pour permettre à l’administration fiscale de vérifier que celui-ci invoque de manière justifiée le secret professionnel.
55. Cet argument ne saurait être retenu.
56. Certes, ainsi qu’il a été relevé au point 24 du présent arrêt, le second alinéa du paragraphe 5 de l’article 8bis ter de la directive 2011/16 modifiée précise que les avocats intermédiaires ne peuvent avoir droit à une dispense en vertu du premier alinéa de ce paragraphe que dans la mesure où ils agissent dans les limites de la législation nationale pertinente qui définit leur profession. Toutefois, l’objectif des obligations de déclaration et de notification, prévues à l’article 8bis ter de cette directive, est non pas de contrôler que les avocats intermédiaires agissent dans ces limites, mais de lutter contre les pratiques fiscales potentiellement agressives et de prévenir le risque d’évasion et de fraude fiscales, en assurant que les informations concernant les dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration soient transmises aux autorités compétentes.
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57. Or, ainsi qu’il résulte des points 47 à 53 du présent arrêt, ladite directive assure une telle information de l’administration fiscale, sans que la divulgation à celle-ci de l’identité et de la consultation de l’avocat intermédiaire soit nécessaire à cet effet.
58. Dans ces conditions, l’éventualité que des avocats intermédiaires puissent invoquer à tort le secret professionnel pour se soustraire à leur obligation de déclaration ne saurait permettre de considérer comme étant strictement nécessaire l’obligation de notification, prévue à l’article 8bis ter, paragraphe 5, de cette directive, et la divulgation à l’administration fiscale de l’identité et de la consultation de l’avocat intermédiaire notifiant qui en est la conséquence.
59. Il résulte des considérations qui précèdent que l’article 8bis ter, paragraphe 5, de la directive 2011/16 modifiée viole le droit au respect des communications entre l’avocat et son client, garanti à l’article 7 de la Charte, en ce qu’il prévoit, en substance, que l’avocat intermédiaire, soumis au secret professionnel, est tenu de notifier à tout autre intermédiaire qui n’est pas son client les obligations de déclaration qui lui incombent.
60. En ce qui concerne la validité de l’article 8bis ter, paragraphe 5, de la directive 2011/16 modifiée au regard de l’article 47 de la Charte, il y a lieu de rappeler que le droit à un procès équitable, garanti à cette dernière disposition, est constitué de divers éléments.
Il comprend, notamment, les droits de la défense, le principe de l’égalité des armes, le droit d’accès aux tribunaux et le droit d’accès à un avocat, tant en matière civile qu’en matière pénale.
L’avocat ne serait pas en mesure d’assurer sa mission de conseil, de défense et de représentation de son client de manière adéquate, et celui-ci serait par conséquent privé des droits qui lui sont conférés par l’article 47 de la Charte, si l’avocat, dans le cadre d’une procédure judiciaire ou de sa préparation, était obligé de coopérer avec les pouvoirs publics en leur transmettant des informations obtenues lors des consultations juridiques ayant eu lieu dans le cadre d’une telle procédure (voir, en ce sens, arrêt du 26 juin 2007, Ordre des barreaux francophones et germanophone e.a., C-305/05, EU:C:2007:383, points 31 et 32).
61. Il ressort de ces considérations que les exigences découlant du droit à un procès équitable impliquent, par définition, un lien avec une procédure judiciaire (voir, en ce sens, arrêt du 26 juin 2007, Ordre des barreaux francophones et germanophone e.a., C-305/05, EU:C:2007:383, point 35).
62. Or, force est de constater qu’un tel lien n’est pas établi en l’occurrence.
63. En effet, il résulte des dispositions de l’article 8bis ter, paragraphes 1 et 5, de la directive 2011/16 modifiée et, notamment, des délais prévus à ces dispositions que l’obligation de notification naît à un stade précoce, au plus tard lorsque le dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration vient d’être finalisé et est prêt à être mis en œuvre, donc en dehors du cadre d’une procédure judiciaire ou de sa préparation.
64. Ainsi que l’a relevé, en substance, M. l’avocat général au point 41 de ses conclusions, à ce stade précoce, l’avocat intermédiaire n’agit pas en tant que défenseur de son client dans un litige et la seule circonstance que les conseils de l’avocat ou le dispositif transfrontière objet de sa consultation puissent donner lieu à un contentieux à un stade ultérieur ne signifie pas que l’intervention de l’avocat s’est opérée dans le cadre ou aux fins du droit de la défense de son client.
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65. Dans ces conditions, il convient de considérer que l’obligation de notification se substituant, pour l’avocat intermédiaire tenu au secret professionnel, à l’obligation de déclaration prévue à l’article 8bis ter, paragraphe 1, de la directive 2011/16 modifiée ne comporte pas d’ingérence dans le droit à un procès équitable, garanti à l’article 47 de la Charte.
66. Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il convient de répondre à la question posée que l’article 8bis ter, paragraphe 5, de la directive 2011/16 modifiée est invalide au regard de l’article 7 de la Charte, en ce que son application par les États membres a pour effet d’imposer à l’avocat agissant en tant qu’intermédiaire, au sens de l’article 3, point 21, de cette directive, lorsque celui-ci est dispensé de l’obligation de déclaration, prévue au paragraphe 1 de l’article 8bis ter de ladite directive, en raison du secret professionnel auquel il est tenu, de notifier sans retard à tout autre intermédiaire qui n’est pas son client les obligations de déclaration qui lui incombent en vertu du paragraphe 6 dudit article 8bis ter ».
B.13.1. Il ressort de cet arrêt que l’article 8bis ter, paragraphe 5, de la directive 2011/16/UE, inséré par la directive (UE) 2018/822, viole l’article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, en ce que son application par les États membres a pour effet d’imposer à l’avocat agissant en tant qu’intermédiaire, au sens de l’article 3, point 21, de la directive 2011/16/UE, lorsque celui-ci est dispensé de l’obligation de déclaration, prévue au paragraphe 1 de l’article 8bis ter de cette directive, en raison du secret professionnel auquel il est tenu, de notifier sans retard à tout autre intermédiaire qui n’est pas son client les obligations de déclaration qui lui incombent en vertu du paragraphe 6 de l’article 8bis ter.
Il s’ensuit que le deuxième moyen, en sa deuxième branche, dans l’affaire n° 7429 est fondé en ce qu’il est dirigé contre l’obligation qui incombe, en vertu de l’article 11/6, § 1er, alinéa 1er, 1°, du décret du 21 juin 2013, à l’avocat-intermédiaire de notifier sans retard aux autres intermédiaires qui ne sont pas ses clients leurs obligations de déclaration.
B.13.2. Il y a lieu d’annuler l’article 11/6, § 1er, alinéa 1er, 1°, du décret du 21 juin 2013, tel qu’il a été inséré par l’article 14 du décret du 26 juin 2020, en ce qu’il impose à l’avocat agissant en tant qu’intermédiaire une obligation d’information envers un autre intermédiaire qui n’est pas son client.
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En ce qui concerne l’obligation, pour l’avocat-intermédiaire qui se prévaut du secret professionnel, d’informer le contribuable concerné en l’absence d’autres intermédiaires (troisième branche du deuxième moyen dans l’affaire n° 7429)
B.14.1. Dans la troisième branche du deuxième moyen dans l’affaire n° 7429, la partie requérante critique le fait que l’avocat-intermédiaire qui souhaite invoquer son secret professionnel par rapport à l’obligation de déclaration est tenu, en l’absence d’un autre intermédiaire, d’informer par écrit et de façon motivée le contribuable ou les contribuables concernés de l’obligation de déclaration. Si ce contribuable n’est pas le client de l’avocat-intermédiaire, il n’est pas possible, selon la partie requérante, de satisfaire à cette obligation sans violer le secret professionnel.
Selon le Gouvernement flamand, l’hypothèse qui sous-tend cette branche est inexistante.
En effet, selon lui, le client de l’avocat qui agit en tant qu’intermédiaire sera par définition soit le contribuable, soit un autre intermédiaire.
B.14.2. Il ressort des travaux préparatoires de l’article 14 du décret du 26 juin 2020, ainsi que de la définition de la notion d’intermédiaire figurant à l’article 5, 20°, du décret du 21 juin 2013, que l’article 11/6, § 1er, alinéa 1er, 2°, doit être lu en ce sens que le contribuable ou les contribuables auxquels il est fait référence sont les clients de l’intermédiaire qui invoque le secret professionnel (Doc. parl., Parlement flamand, 2019-2020, n° 322/1, p. 21).
B.14.3. Le deuxième moyen, en sa troisième branche, repose sur une lecture erronée de l’article qui y est attaqué et n’est dès lors pas fondé.
En ce qui concerne la faculté, pour le contribuable concerné, d’autoriser l’avocat-
intermédiaire à satisfaire à l’obligation de déclaration (quatrième et cinquième branches du deuxième moyen dans l’affaire n° 7429)
B.15.1. Dans la quatrième branche du deuxième moyen, la partie requérante dans l’affaire n° 7429 reproche à l’article 11/6, § 2, alinéa 1er, du décret du 21 juin 2013, tel qu’il a été inséré par l’article 14 du décret du 26 juin 2020, de prévoir la possibilité, pour le contribuable
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concerné, client de l’avocat-intermédiaire, de charger l’avocat-intermédiaire de satisfaire tout de même à l’obligation de déclaration. Le contribuable pourrait ainsi obliger l’avocat à violer son secret professionnel. La cinquième branche du deuxième moyen est prise du même grief, mais cette fois dans le cas où le contribuable concerné n’est pas le client de l’avocat.
B.15.2. Contrairement à l’hypothèse sur laquelle repose la cinquième branche du deuxième moyen, seul le contribuable concerné qui est le client de l’avocat-intermédiaire peut autoriser ce dernier, sur la base de l’article 11/6, § 2, alinéa 1er, du décret du 21 juin 2013, à satisfaire à l’obligation de déclaration.
B.15.3. Il ressort de l’exposé du moyen que la quatrième branche repose sur l’hypothèse selon laquelle, dans le cas où un contribuable choisit d’appliquer l’article 11/6, § 2, alinéa 1er, du décret du 21 juin 2013, l’avocat-intermédiaire serait tenu de satisfaire à l’obligation de déclaration en son nom propre. Cependant, les travaux préparatoires de la réglementation fédérale, sur laquelle la réglementation attaquée est basée explicitement et littéralement, révèlent que tel n’est pas le cas et que l’avocat peut malgré tout soit refuser, soit soumettre la déclaration à l’autorité disciplinaire de son organisation professionnelle :
« C’est pourquoi la loi prévoit, outre la situation relative à la détermination d’une situation juridique telle que décrite ci-dessus, la possibilité pour le contribuable d’autoriser l’intermédiaire qui s’appuie sur le secret professionnel à procéder à la déclaration nécessaire.
L’intermédiaire peut également, si le contribuable opte pour cette autorisation, soumettre la déclaration à l’autorité de tutelle de son organisation professionnelle afin de vérifier le contenu et l’étendue de la déclaration. Toutefois, si le contribuable concerné ne choisit pas de donner à l’intermédiaire le droit de déclarer, malgré son secret professionnel, le projet de loi prévoit l’obligation pour l’intermédiaire de fournir au contribuable les informations nécessaires pour lui permettre d’effectuer la déclaration correctement » (Doc. parl., Chambre, 2019-2020, DOC 55-0791/001, p. 21).
B.15.4. Le deuxième moyen dans l’affaire n° 7429, en ses quatrième et cinquième branches, repose sur une lecture erronée de l’article qui y est attaqué et n’est dès lors pas fondé.
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En ce qui concerne le quatrième moyen dans l’affaire n° 7429
B.16.1. Le quatrième moyen dans l’affaire n° 7429 est pris de la violation, par le décret du 26 juin 2020, des articles 22, 29 et 170 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec le principe général de droit de la sécurité juridique, avec le principe général de droit du secret professionnel de l’avocat, avec les articles 1er, 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, avec les articles 7, 8, 20, 21, 47, 48, 49 et 51 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et avec l’article 6 du TUE.
Il ressort de l’exposé du moyen que celui-ci est dirigé contre les articles 29 et 30 du décret du 26 juin 2020. La partie requérante fait valoir que les inconstitutionnalités dénoncées dans les autres moyens se répercutent sur ces dispositions.
B.16.2. Les articles 29 et 30 du décret du 26 juin 2020 disposent :
« Art. 29. Les dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration, visés dans le présent décret, dont la première étape a été mise en œuvre entre le 25 juin 2018 et le 1er juillet 2020, font l’objet d’une transmission d’informations qui doivent être rentrées pour le 31 août 2020 au plus tard.
Art. 30. Le présent décret entre en vigueur le 1er juillet 2020 ».
B.16.3. Un arrêt d’annulation fait disparaître ab initio la norme annulée de l’ordre juridique. L’annulation de la disposition qui fixe la date à laquelle la disposition annulée prend effet ne saurait, en règle, produire des effets plus étendus.
Par conséquent, le quatrième moyen dans l’affaire n° 7429 ne doit pas être examiné.
Quant aux moyens dans l’affaire n° 7443
En ce qui concerne le premier moyen dans l’affaire n° 7443
B.17.1. Le premier moyen dans l’affaire n° 7443 est pris de la violation, par le décret du 26 juin 2020, des articles 10, 11, 170, § 2, et 172 de la Constitution, en ce que le décret transpose
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la directive (UE) 2018/822 dans des matières autres que l’impôt des sociétés, sans qu’une justification raisonnable soit donnée à cet égard.
B.17.2. Les parties requérantes dans l’affaire n° 7443 n’exposent pas en quoi les dispositions attaquées violeraient l’article 170 de la Constitution. Le moyen est irrecevable en ce qu’il est pris de la violation de l’article 170 de la Constitution.
B.17.3. Le moyen est identique pour le reste au troisième moyen que les parties requérantes dans l’affaire n° 7443 invoquent dans l’affaire n° 7407 à l’égard des articles 2 à 60
de la loi du 20 décembre 2019. Par son arrêt n° 103/2022, la Cour a jugé qu’il ne peut pas être statué sur ce moyen avant de poser la question préjudicielle suivante à la Cour de justice de l’Union européenne :
« La directive (UE) 2018/822 du Conseil du 25 mai 2018 ‘ modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l’échange automatique et obligatoire d’informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration ’ viole-t-elle l’article 6, paragraphe 3, du Traité sur l’Union européenne et les articles 20 et 21 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, et plus spécifiquement le principe d’égalité et de non-discrimination que ces dispositions garantissent, en ce que la directive (UE) 2018/822 ne limite pas l’obligation de déclaration des dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration à l’impôt des sociétés, mais la rend applicable à tous les impôts rentrant dans le champ d’application de la directive 2011/16/UE du Conseil du 15 février 2011 ‘ relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal et abrogeant la directive 77/799/CEE ’, ce qui inclut en droit belge non seulement l’impôt des sociétés mais aussi des impôts directs autres que l’impôt des sociétés et des impôts indirects, tels que les droits d’enregistrement ? ».
B.17.4. La question précitée se pose également dans le cadre du moyen présentement examiné. Dans l’attente de la réponse de la Cour de justice à la première question préjudicielle qui lui a été posée par l’arrêt n° 103/2022, il y a lieu de surseoir à statuer sur le moyen mentionné en B.17.1.
En ce qui concerne le deuxième moyen dans l’affaire n° 7443
B.18.1. Le deuxième moyen dans l’affaire n° 7443 est pris de la violation, par le décret du 26 juin 2020, des articles 10, 11, 170, § 2, et 172 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec l’article 5 du TUE, avec les articles 16, paragraphe 1, 26, paragraphe 2, 49, 56, 63, 65,
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paragraphe 3, et 115 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (ci-après : le TFUE), avec les articles 7, 8, paragraphe 1, et 51 à 53 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, avec les articles 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme et avec l’article 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Les parties requérantes dans l’affaire n° 7443 reprochent en substance aux obligations d’information instaurées dans le décret d’être basées sur des présomptions de planification fiscale agressive qui ne peuvent pas être raisonnablement déduites des marqueurs élaborés dans la directive.
Elles reprochent par ailleurs à certains marqueurs d’instaurer une présomption irréfragable, en ce qu’ils ne permettent pas au contribuable concerné de démontrer que le but du dispositif n’est pas principalement fiscal. Les parties requérantes dans l’affaire n° 7443 en déduisent que l’obligation de déclaration entraîne une restriction injustifiée et disproportionnée du droit au respect de la vie privée des intermédiaires et des contribuables concernés.
B.18.2. Ce moyen rejoint le deuxième moyen qui est invoqué dans l’affaire n° 7409 à propos de la loi du 20 décembre 2019. Par son arrêt n° 103/2022, la Cour a jugé qu’il ne peut pas être statué sur ce moyen avant de poser la question préjudicielle suivante à la Cour de justice de l’Union européenne :
« La directive (UE) 2018/822 précitée viole-t-elle le droit au respect de la vie privée garanti par l’article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, en ce que l’obligation de déclaration des dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration entraînerait une ingérence dans le droit au respect de la vie privée des intermédiaires et des contribuables concernés qui ne serait pas raisonnablement justifiée et proportionnée au regard des objectifs poursuivis et qui ne serait pas pertinente au regard de l’objectif d’assurer le bon fonctionnement du marché intérieur ? ».
B.18.3. La question précitée se pose également dans le cadre du moyen présentement examiné. Dans l’attente de la réponse de la Cour de justice à la cinquième question préjudicielle qui lui a été posée par l’arrêt n° 103/2022, il y a lieu de surseoir à statuer sur le moyen mentionné en B.18.1.
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En ce qui concerne le troisième moyen dans l’affaire n° 7443
B.19.1. Le troisième moyen dans l’affaire n° 7443 est pris de la violation, par le décret du 26 juin 2020, des articles 10, 11, 12, 14, 170, § 2, et 172 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec les articles 20, 48, paragraphe 1, 49, 51 et 52 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, avec les articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l’homme et avec l’article 17 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, en ce que la notion d’intermédiaire n’est pas définie assez clairement. Étant donné que les définitions contenues dans le décret sont basées sur la directive, celle-ci viole également, selon les parties requérantes, les dispositions citées.
B.19.2. Ce moyen est quasiment identique au cinquième moyen que les parties requérantes dans l’affaire n° 7443 invoquent dans l’affaire n° 7407 à l’égard des dispositions correspondantes de la loi du 20 décembre 2019. Par son arrêt n° 103/2022, la Cour a jugé qu’il ne peut pas être statué sur ce moyen avant de poser la question préjudicielle suivante à la Cour de justice de l’Union européenne :
« La directive (UE) 2018/822 précitée viole-t-elle le principe de légalité en matière pénale garanti par l’article 49, paragraphe 1, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et par l’article 7, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l’homme, viole-t-elle le principe général de la sécurité juridique et viole-t-elle le droit au respect de la vie privée garanti par l’article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, en ce que les notions de ‘ dispositif ’ (et dès lors celles de ‘ dispositif transfrontière ’, de ‘ dispositif commercialisable ’ et de ‘ dispositif sur mesure ’), d’‘ intermédiaire ’, de ‘ participant ’, d’‘ entreprise associée ’, le qualificatif ‘ transfrontière ’, les différents ‘ marqueurs ’ et le ‘ critère de l’avantage principal ’, que la directive (UE) 2018/822 emploie pour déterminer le champ d’application et la portée de l’obligation de déclaration des dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration, ne seraient pas suffisamment clairs et précis ? ».
B.19.3. En ce qui concerne la notion d’« intermédiaire », la question précitée se pose également dans le cadre du moyen présentement examiné. Dans l’attente de la réponse de la Cour de justice à la deuxième question préjudicielle qui lui a été posée par l’arrêt n° 103/2022, il y a lieu de surseoir à statuer sur le moyen mentionné en B.19.1.
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En ce qui concerne le quatrième moyen dans l’affaire n° 7443
B.20.1. Le quatrième moyen dans l’affaire n° 7443 est pris de la violation, par le décret attaqué, des articles 10, 11, 170, § 2, et 172 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec les articles 20, 48, paragraphe 1, 49, 50, 51 et 52 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et avec les articles 6, paragraphes 1 et 2, et 7 de la Convention européenne des droits de l’homme, en ce que le début et la fin du délai pour satisfaire à l’obligation de déclaration n’ont pas été définis de manière suffisamment claire.
B.20.2. Ce moyen est quasiment identique au sixième moyen que les parties requérantes dans l’affaire n° 7443 invoquent dans l’affaire n° 7407 à l’égard des dispositions correspondantes de la loi du 20 décembre 2019. Par son arrêt n° 103/2022, la Cour a jugé qu’il ne peut pas être statué sur ce moyen avant de poser la question préjudicielle suivante à la Cour de justice de l’Union européenne :
« La directive (UE) 2018/822 précitée, en particulier en ce qu’elle insère l’article 8bis ter, paragraphes 1 et 7, de la directive 2011/16/UE précitée, viole-t-elle le principe de légalité en matière pénale garanti par l’article 49, paragraphe 1, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et par l’article 7, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l’homme, et viole-t-elle le droit au respect de la vie privée garanti par l’article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, en ce que le point de départ du délai de 30 jours dans lequel l’intermédiaire ou le contribuable concerné doit satisfaire à l’obligation de déclaration d’un dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration ne serait pas fixé de façon suffisamment claire et précise ? ».
B.20.3. La question précitée se pose également dans le cadre du moyen présentement examiné. Dans l’attente de la réponse de la Cour de justice à la troisième question préjudicielle qui lui a été posée par l’arrêt n° 103/2022, il y a lieu de surseoir à statuer sur le moyen mentionné en B.20.1.
En ce qui concerne le cinquième moyen dans l’affaire n° 7443
B.21.1. Le cinquième moyen dans l’affaire n° 7443 est pris de la violation, par le décret du 26 juin 2020, des articles 10, 11, 12, 14, 172 et 190 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec les articles 20, 48, paragraphe 1, 49, 50, 51 et 52 de la Charte des droits
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fondamentaux de l’Union européenne et avec les articles 6, paragraphes 1 et 2, et 7 de la Convention européenne des droits de l’homme, en ce que le décret du 26 juin 2020 entre en vigueur le 1er juillet 2020, alors qu’il n’est paru au Moniteur belge que le 3 juillet 2020. Elles critiquent le fait que le décret attaqué impose une obligation de déclaration pour des faits antérieurs au 1er juillet 2020.
B.21.2. L’article 30 du décret du 26 juin 2020 dispose :
« Le présent décret entre en vigueur le 1er juillet 2020 ».
Cet article doit être interprété en ce sens que les dispositions du décret du 26 juin 2020, publié au Moniteur belge du 3 juillet 2020, prennent effet au 1er juillet 2020.
Le décret du 26 juin 2020 a été publié au Moniteur belge du 3 juillet 2020 et est entré en vigueur le 13 juillet 2020, soit dix jours après sa publication au Moniteur belge, en vertu de l’article 56 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles.
B.21.3. Bien que l’article 190 de la Constitution interdise qu’une norme législative devienne obligatoire avant sa publication, cette disposition n’interdit pas, en soi, qu’une norme publiée prenne effet à partir d’une date antérieure à sa publication.
B.21.4. Toutefois, lorsqu’il confère un effet rétroactif à une norme législative, le législateur compétent doit tenir compte du principe de la non-rétroactivité des lois.
B.21.5. La non-rétroactivité des lois est une garantie ayant pour but de prévenir l’insécurité juridique. Cette garantie exige que le contenu du droit soit prévisible et accessible, de sorte que le justiciable puisse prévoir, dans une mesure raisonnable, les conséquences d’un acte déterminé au moment où cet acte est accompli. La rétroactivité ne se justifie que si elle est indispensable à la réalisation d’un objectif d’intérêt général.
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S’il s’avère que la rétroactivité a en outre pour but ou pour effet d’influencer dans un sens l’issue de procédures judiciaires ou que les juridictions soient empêchées de se prononcer sur une question de droit bien précise, la nature du principe en cause exige que des circonstances exceptionnelles ou des motifs impérieux d’intérêt général justifient l’intervention du législateur, laquelle porte atteinte, au préjudice d’une catégorie de citoyens, aux garanties juridictionnelles offertes à tous.
B.21.6. Une règle doit être qualifiée de rétroactive si elle s’applique à des faits, actes et situations qui étaient définitivement accomplis au moment où elle est entrée en vigueur.
B.21.7. En vertu de l’article 29 du décret du 26 juin 2020, l’obligation de déclaration concerne les dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration dont la première étape a été mise en œuvre entre le 25 juin 2018 et le 1er juillet 2020. La même disposition prévoit que les informations relatives à ces dispositifs doivent être communiquées au plus tard le 31 août 2020. L’article 30 du décret du 26 juin 2020, lu en combinaison avec les articles 11/3
et 11/8 du décret du 21 juin 2013, insérés par le décret du 26 juin 2020, a pour conséquence que, pour les dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration dont la première étape a été mise en œuvre après le 1er juillet 2020, les informations ne doivent être transmises que dans un délai de 30 jours.
B.21.8. Dès lors que la date à laquelle les dispositifs visés en B.21.7 doivent être déclarés est postérieure à l’entrée en vigueur du décret du 26 juin 2020, l’obligation de déclaration n’est pas rétroactive.
B.22. Le cinquième moyen dans l’affaire n° 7443 n’est pas fondé. La Cour ne doit donc pas poser à la Cour de justice de l’Union européenne la question préjudicielle suggérée par les parties requérantes dans l’affaire n° 7443 dans le cadre de leur cinquième moyen.
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En ce qui concerne le sixième moyen dans l’affaire n° 7443
B.23.1. Le sixième moyen dans l’affaire n° 7443 est pris de la violation, par le décret du 26 juin 2020, des articles 10, 11, 19, 22, 29 et 170 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec les articles 2, 4, paragraphe 3, premier alinéa, et 19 du TUE, avec l’article 16, paragraphe 1, du TFUE, avec les articles 7, 8, paragraphe 1, 20, 47, 48, 51, 52 et 53 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et avec les articles 6, paragraphe 3, 8 et 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, en ce que le décret du 26 juin 2020 lèverait le secret professionnel propre aux avocats en leur imposant l’obligation de déclaration. Les parties requérantes dans l’affaire n° 7443 critiquent le fait que même les exceptions prévues sur la base du secret professionnel sont assorties d’obligations d’informer d’autres intermédiaires ou des contribuables, de manière motivée, du fait que le secret professionnel est invoqué. Le moyen coïncide avec les deux premiers moyens dans l’affaire n° 7429.
B.23.2. Le sixième moyen dans l’affaire n° 7443 ne pouvant conduire à une annulation plus étendue que celle qui a été constatée en B.9.7 et B.13.2, il n’est pas nécessaire d’examiner ce moyen.
Quant au maintien des effets
B.24.1. Le Gouvernement flamand demande à la Cour, au cas où elle jugerait que l’article 11/6, § 1er, alinéa 1er, 1°, du décret du 21 juin 2013, inséré par l’article 14 du décret du 26 juin 2020, doit être annulé, de maintenir les effets de cette disposition jusqu’au moment où le législateur décrétal proposera une modification, en ce que cette disposition s’applique aux intermédiaires qui peuvent se prévaloir du secret professionnel dans la mesure où la notification est adressée exclusivement à un autre intermédiaire qui a été mis en contact avec l’intermédiaire par le client de l’intermédiaire, afin de collaborer au dispositif.
B.24.2. L’article 8, alinéa 3, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 dispose :
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« Si la Cour l'estime nécessaire, elle indique, par voie de disposition générale, ceux des effets des dispositions annulées qui doivent être considérés comme définitifs ou maintenus provisoirement pour le délai qu'elle détermine ».
B.24.3. Indépendamment de la question de savoir si un tel maintien est possible à la lumière de l’arrêt de la Cour de justice du 8 décembre 2022, précité, le Gouvernement flamand ne démontre pas qu’une annulation non modulée compromettrait la sécurité juridique. Tel est spécialement le cas eu égard au constat que la disposition à annuler a déjà été suspendue par l’arrêt n° 167/2020 précité. La demande de maintien des effets doit dès lors être rejetée.
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Par ces motifs,
la Cour
- annule l’article 11/6, § 1er, alinéa 1er, 1°, du décret flamand du 21 juin 2013 « relatif à la coopération administrative dans le domaine fiscal », tel qu’il a été inséré par l’article 14 du décret flamand du 26 juin 2020 « modifiant le décret du 21 juin 2013 relatif à la coopération administrative dans le domaine fiscal, en ce qui concerne l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l'objet d'une déclaration », en ce qu’il impose à l’avocat agissant en tant qu’intermédiaire une obligation d’information envers un autre intermédiaire qui n’est pas son client;
- annule l’article 11/6, § 3, du même décret du 21 juin 2013, tel qu’il a été inséré par l’article 14 du même décret du 26 juin 2020, en ce qu’il prévoit que l’avocat agissant en tant qu’intermédiaire ne peut pas se prévaloir du secret professionnel en ce qui concerne l’obligation de déclaration périodique relative aux dispositifs commercialisables au sens de l’article 11/4 du décret du 21 juin 2013, précité;
- sursoit à statuer sur les griefs mentionnés en B.7.2, B.17.1, B.18.1, B.19.1 et B.20.1, dans l’attente de la réponse de la Cour de justice de l’Union européenne aux questions préjudicielles posées par l’arrêt n° 103/2022 du 15 septembre 2022 (ECLI:BE:GHCC:2022:ARR.103);
- rejette les recours pour le surplus.
Ainsi rendu en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l’article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 20 juillet 2023.
Le greffier, Le président,
N. Dupont L. Lavrysen