Cour constitutionnelle
Arrêt n° 110/2023
du 13 juillet 2023
Numéro du rôle : 7839
En cause : le recours en annulation de l’article 2, 7°, de l’ordonnance de la Commission communautaire commune du 27 juillet 2017 « fixant les règles de répartition de la dotation générale aux communes et aux CPAS de la Région de Bruxelles-Capitale à partir de l’année 2017 », tel qu’il a été remplacé par l’article 2 de l’ordonnance de la Commission communautaire commune du 24 décembre 2021, introduit par la commune de Berchem-Sainte-Agathe.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges T. Giet, J. Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache, T. Detienne, D. Pieters, S. de Bethune, E. Bribosia, W. Verrijdt et K. Jadin, assistée du greffier N. Dupont, présidée par le président P. Nihoul,
après en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant :
I. Objet du recours et procédure
Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 18 juillet 2022 et parvenue au greffe le 20 juillet 2022, la commune de Berchem-Sainte-Agathe, assistée et représentée par Me F. Belleflamme, avocat au barreau de Bruxelles, a introduit un recours en annulation de l’article 2, 7°, de l’ordonnance de la Commission communautaire commune du 27 juillet 2017 « fixant les règles de répartition de la dotation générale aux communes et aux CPAS de la Région de Bruxelles-Capitale à partir de l’année 2017 », tel qu’il a été remplacé par l’article 2 de l’ordonnance de la Commission communautaire commune du 24 décembre 2021 (publiée au Moniteur belge du 25 janvier 2022).
Le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale et le Collège réuni de la Commission communautaire commune, assistés et représentés par Me E. Jacubowitz et Me C. Caillet, avocats au barreau de Bruxelles, ont introduit un mémoire, la partie requérante a introduit un
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mémoire en réponse et le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale et le Collège réuni de la Commission communautaire commune ont également introduit un mémoire en réplique.
Par ordonnance du 26 avril 2023, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteures K. Jadin et J. Moerman, a décidé :
- que l’affaire était en état,
- qu’il y avait lieu de prendre la mesure d’instruction suivante :
« Considérant qu’il apparaît nécessaire, pour la bonne information de la Cour, de disposer de données relatives au nombre d’habitants, au 1er janvier 2020, de chacun des secteurs statistiques mentionnés à l’annexe 1 de l’ordonnance de la Commission communautaire commune du 27 juillet 2017 ‘ fixant les règles de répartition de la dotation générale aux communes et aux CPAS de la Région de Bruxelles-Capitale à partir de l’année 2017 ’, telle qu’elle a été remplacée par l’article 3 de l’ordonnance du 24 décembre 2021 ‘ modifiant l’ordonnance conjointe à la Région de Bruxelles-Capitale et à la Commission communautaire commune du 27 juillet 2017 fixant les règles de répartition de la dotation générale aux communes et aux CPAS de la Région de Bruxelles-Capitale à partir de l’année 2017 ’,
Demande au Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale et au Collège réuni de la Commission communautaire commune de communiquer à la Cour et à la partie requérante, au plus tard le 10 mai 2023, les données précitées sous la forme d’un tableau classant les secteurs statistiques par commune et par quartier (au sens du Monitoring des Quartiers de l’Institut bruxellois de statistique et d’analyse),
Décide que la partie requérante pourra adresser à la Cour ses éventuelles observations à propos de ce tableau, sous la forme d’un mémoire complémentaire à introduire au plus tard le 24 mai 2023
et à communiquer dans le même délai aux autorités précitées »;
- qu’aucune audience ne serait tenue, à moins qu’une partie n’ait demandé, dans le délai de sept jours suivant la réception de la notification de cette ordonnance, à être entendue, et
- qu’en l’absence d’une telle demande, les débats seraient clos le 31 mai 2023 et l’affaire mise en délibéré.
Le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale et le Collège réuni de la Commission communautaire commune ont introduit le tableau.
La partie requérante a introduit un mémoire complémentaire.
À la suite de la demande du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale et du Collège réuni de la Commission communautaire commune à être entendus, la Cour, par ordonnance du 17 mai 2023, a fixé l’audience au 7 juin 2023.
À l’audience publique du 7 juin 2023 :
- ont comparu :
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. Me F. Belleflamme, pour la partie requérante;
. Me E. Jacubowitz, Me C. Caillet et Me A. Deleeuw, avocat au barreau de Bruxelles, pour le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale et le Collège réuni de la Commission communautaire commune;
- les juges-rapporteures K. Jadin et J. Moerman ont fait rapport;
- les avocats précités ont été entendus;
- l’affaire a été mise en délibéré.
Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives à la procédure et à l’emploi des langues ont été appliquées.
II. En droit
-A-
Quant au moyen unique, pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution
A.1. La commune de Berchem-Sainte-Agathe expose que l’article 2, 7°, de l’ordonnance de la Commission communautaire commune du 27 juillet 2017 « fixant les règles de répartition de la dotation générale aux communes et aux CPAS de la Région de Bruxelles-Capitale à partir de l’année 2017 », tel qu’il a été remplacé par l’article 2 de l’ordonnance de la Commission communautaire commune du 24 décembre 2021 « modifiant l’ordonnance conjointe à la Région de Bruxelles-Capitale et à la Commission communautaire commune du 27 juillet 2017 fixant les règles de répartition de la dotation générale aux communes et aux CPAS de la Région de Bruxelles-Capitale à partir de l’année 2017 », fait naître une différence de traitement discriminatoire entre les communes dont la « superficie corrigée » est égale à la superficie réelle et les communes dont la « superficie corrigée » est inférieure à la superficie réelle, en raison de la soustraction d’au moins un « secteur statistique »
dont la population totale est inférieure à 20 habitants au 1er janvier 2020 ou d’au moins un « secteur statistique »
appartenant à un quartier qualifié de « cimetière », de « quartier industriel », de « quartier de gare », ou de « quartier de parcs, étangs, bois » par le « Monitoring des quartiers » de l’Institut bruxellois de statistique et d’analyse.
La commune requérante soutient qu’il ressort du tableau des « superficies corrigées » contenu dans l’article 2, 7°, de l’ordonnance du 27 juillet 2017, tel qu’il a été remplacé par la disposition attaquée, que seules les superficies des communes de Berchem-Sainte-Agathe et de Woluwe-Saint-Lambert n’ont pas été « corrigées » par la soustraction de « secteurs statistiques ».
A.2. La commune de Berchem-Sainte-Agathe allègue que les données du « Monitoring des quartiers » ne sont ni complètes ni fiables, puisqu’elles ne tiennent pas compte du fait que, en raison de la présence, sur son territoire, de tout ou partie de trois cimetières, d’une gare, d’un bois et de divers parcs, la commune de Berchem-
Sainte-Agathe compte des zones peu ou non habitées. La commune requérante soutient que la non-soustraction de la superficie de ces zones lors du calcul de la « superficie corrigée » découle du fait que ces zones sont situées dans des grands quartiers du « Monitoring des quartiers ». Elle remarque que la superficie totale des parcs et bois de Berchem-Sainte-Agathe est pourtant supérieure à la somme des superficies de parcs plus petits qui constituent des « quartiers de parcs, étangs, bois » au sens de l’article 2, 7°, de l’ordonnance du 27 juillet 2017 et dont la superficie est déduite des superficies réelles des communes d’Anderlecht et de Molenbeek-Saint-Jean, en application de cette disposition législative.
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A.3. La commune de Berchem-Sainte-Agathe remarque que, même s’il s’agit d’une règle conçue pour être appliquée de la même manière à toutes les communes, la correction de la superficie des territoires communaux prévue par la disposition législative attaquée produit des effets sensiblement différents sur les diverses communes de la Région bruxelloise, compte tenu, entre autres, des dimensions parfois très inégales de ces communes. Elle souligne en particulier que ces dimensions ont une incidence sur la manière dont le territoire de ces communes a été divisé en quartiers.
A.4. La commune de Berchem-Sainte-Agathe remarque que la soustraction des « secteurs statistiques » visés par la disposition législative attaquée de la superficie de certaines communes favorise financièrement celles-ci, compte tenu du mode de répartition de la part de la dotation générale relative à la densité de population des communes. La commune requérante souligne que la commune dont la superficie n’est pas « corrigée » par la soustraction de « secteurs statistiques » en vue du calcul de sa densité de population est doublement désavantagée parce que sa densité de population est mise en concurrence avec celle d’autres communes dont la superficie a été « corrigée ».
La commune de Berchem-Sainte-Agathe souligne qu’elle est la seule des dix-neuf communes bruxelloises qui, en raison de la manière dont la disposition attaquée définit la « superficie corrigée », ne peut pas bénéficier de la part de la « dotation générale aux communes destinée à assurer le financement général des communes de la Région de Bruxelles-Capitale » en lien avec la « densité de population corrigée », en application de l’article 6, alinéa 1er, 10°, de l’ordonnance du 27 juillet 2017.
La commune requérante considère que le préjudice financier qu’elle subit en raison de la différence de traitement instaurée par la disposition législative attaquée ne peut être raisonnablement justifié ni par la circonstance que cette part de la dotation régionale en lien avec la « densité de population corrigée » ne constitue qu’environ 14 % de l’ensemble de cette dotation, ni par les règles de l’ordonnance du 27 juillet 2017 qui tendent à prévenir les trop grandes variations des montants que les communes perçoivent de cette dotation.
A.5. La commune de Berchem-Sainte-Agathe observe enfin que l’article 2, 7°, de l’ordonnance du 27 juillet 2017, en intégrant des zones de certaines communes qui ne sont pas réellement peuplées dans le calcul de la densité de population de ces communes, ne répond pas à l’objectif poursuivi par cette disposition, qui est de ne tenir compte que des parties du territoire communal réellement peuplées, dans le but d’évaluer au mieux les besoins de chaque commune, eu égard à la « tension démographique » et donc à la densité de leur population.
La commune requérante considère que, pour atteindre cet objectif, il aurait fallu soustraire de la superficie de chaque territoire communal la superficie de toutes les zones peu ou non habitées, ou justifier la différence de traitement résultant du choix de ne pas soustraire d’autres zones affichant une faible densité de population, comme le recommandait la section de législation du Conseil d’État dans l’avis qu’elle a rendu à propos de la disposition législative attaquée.
La commune requérante considère aussi que le critère de distinction qui est à l’origine de la différence de traitement entre communes et qu’elle dénonce n’est pas objectif parce que le choix des catégories de « secteurs statistiques » soustraits de la superficie réelle des communes pour obtenir la « superficie corrigée » n’est pas objectif par rapport au but que poursuit le pouvoir législatif avec la correction des superficies réelles. La commune requérante estime que c’est aux auteurs de l’ordonnance attaquée qu’il appartient de démontrer qu’il n’existait pas d’autre méthode permettant de mieux tenir compte des spécificités des plus petites communes de la Région bruxelloise ou de soustraire de la superficie réelle des communes d’autres zones du territoire peu densément peuplées.
A.6. Dans le mémoire complémentaire, la commune requérante observe qu’il existe des différences importantes entre, d’une part, les données chiffrées de la population qui ont été communiquées par le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale et par le Collège réuni de la Commission communautaire commune et, d’autre part, les données chiffrées de la population de l’année 2006 qui sont disponibles sur le site de l’Institut bruxellois de statistique et d’analyse.
La commune requérante remarque aussi, en examinant les données communiquées à la demande de la Cour, que la disposition législative attaquée ne permet pas de soustraire de sa superficie plusieurs secteurs statistiques affichant une densité de population pourtant inférieure ou à peine supérieure à la densité de population de plusieurs autres secteurs statistiques qui, eux, sont soustraits de la superficie d’autres communes pour le seul motif qu’ils ont été intégrés dans des quartiers que le « Monitoring des quartiers » qualifie de « parcs » ou de « zones industrielles ». La
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commune requérante note que, dans une autre commune de la Région, la soustraction de la superficie d’un seul secteur statistique affichant une densité de population inférieure au secteur statistique le moins dense de la commune requérante a pour effet que la superficie corrigée de cette autre commune équivaut seulement aux trois quarts de sa superficie réelle.
La commune requérante observe enfin que plusieurs secteurs statistiques qui, en application de la disposition législative attaquée, ont été soustraits de la superficie d’autres communes pour le motif qu’ils font partie de « quartiers de parcs, étangs, bois » ou de « quartiers industriels » ne peuvent être considérés comme des zones non habitées, au vu des derniers chiffres communiqués par le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale et par le Collège réuni de la Commission communautaire commune.
A.7. Le Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale (ci-après : le Gouvernement) et le Collège réuni de la Commission communautaire commune (ci-après : le Collège réuni) soutiennent que le moyen n’est pas fondé.
A.8. À titre principal, ils contestent l’existence de la différence de traitement critiquée par la commune requérante.
Ils exposent que les dix-neuf communes de la Région bruxelloise sont traitées de la même manière et que la commune requérante ne se trouve pas dans une situation différente de celle des autres communes de la Région.
Le Gouvernement et le Collège réuni relèvent, à cet égard, que la « superficie corrigée » de chaque commune compte des zones qui ne sont pas exclusivement composées de logements. Ils rappellent aussi que la commune requérante n’est pas la seule des dix-neuf communes dont la « superficie corrigée » contient des espaces occupés par des parcs, des gares ou des cimetières. Ils ajoutent que le découpage du territoire régional en quartiers et en « secteurs statistiques » a été réalisé selon la même méthode pour toutes les communes.
Le Gouvernement et le Collège réuni concèdent que les communes de la Région bruxelloise ne sont évidemment pas strictement comparables, en raison des caractéristiques propres de chacune, qui découlent entre autres de leur taille et de l’aménagement de leur territoire. Ils précisent que cette réalité ne saurait cependant suffire à interdire aux autorités régionales d’adopter des règles applicables de la même manière à toutes les communes.
Ils considèrent, en tout état de cause, qu’il n’est pas possible de comparer, de manière pertinente, des « petites »
communes et des communes qui ne sont pas « petites ». Ils ajoutent que plusieurs autres règles contenues dans l’ordonnance du 27 juillet 2017 permettent de tenir compte des spécificités de chaque commune.
A.9.1. À titre subsidiaire, le Gouvernement et le Collège réuni exposent que la différence de traitement entre les communes qui est dénoncée par la commune de Berchem-Sainte-Agathe repose sur un critère de distinction objectif.
Ils considèrent que les données du SPF Économie et du « Monitoring des quartiers » qui sont utilisées pour définir la « superficie corrigée » sont fiables et concrètes. Ils soulignent qu’elles sont objectives, dès lors qu’elles ont été rassemblées et produites avant l’élaboration de cette notion de « superficie corrigée » et dans un contexte autre que celui de la conception d’une méthode de partage de la dotation régionale entre communes.
Le Gouvernement et le Collège réuni notent aussi que la nouvelle annexe 1 de l’ordonnance du 27 juillet 2017 liste à la fois les « secteurs statistiques » qui composent les « superficies corrigées » et ceux qui ont été soustraits de la superficie réelle des communes.
A.9.2. Le Gouvernement et le Collège réuni ajoutent que la manière de calculer la « superficie corrigée » de chaque commune est raisonnable et ne produit pas des effets disproportionnés à l’objectif poursuivi.
Ils observent que le calcul de la « superficie corrigée » permet de déterminer une « densité de population corrigée » pour répartir une partie de la dotation régionale en tenant compte au maximum de la réalité démographique des communes. Ils rappellent que le découpage du territoire régional en quartiers a été réalisé par des experts indépendants des autorités politiques régionales. Ils répètent aussi que toutes les communes comptent
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sur leur territoire des zones non habitées appartenant à un quartier qui n’a pas été soustrait de leur superficie en application de la disposition législative attaquée.
Le Gouvernement et le Collège réuni soulignent aussi non seulement que l’arrêt de la Cour n° 11/2021 du 28 janvier 2021 (ECLI:BE:GHCC:2021:ARR.011) ne remet pas en cause le fait qu’une part de la dotation régionale aux communes soit répartie entre les communes en fonction de la « densité de population corrigée », mais aussi que cette part de la dotation ne constitue qu’environ 14 % de l’ensemble de cette dotation, et que l’ordonnance du 27 juillet 2017 contient des règles qui tendent à prévenir les trop grandes variations des montants que les communes perçoivent de cette dotation.
Le Gouvernement et le Collège réuni produisent en outre la note que le ministre régional compétent a présentée au Gouvernement à la suite de l’avis de la section de législation du Conseil d’État, qui invitait les auteurs de l’avant-projet d’ordonnance à l’origine de la disposition législative attaquée à justifier la différence de traitement entre communes née de la seule soustraction des catégories de « secteurs statistiques » visés par cette disposition.
Le Gouvernement et le Collège réuni soulignent également que le pouvoir législatif a préféré utiliser des données fédérales et régionales qui étaient déjà disponibles afin d’établir le critère de la « densité de population corrigée », plutôt qu’élaborer une méthodologie ad hoc qui aurait pu être considérée comme suspectée de favoriser certaines communes.
Le Gouvernement et le Collège réuni estiment enfin que la circonstance que la commune requérante ne peut revendiquer une part de la dotation générale aux communes liée à la « densité de population corrigée » ne suffit pas à remettre en cause la justification raisonnable de la différence de traitement critiquée. Ils ajoutent que la commune requérante ne démontre pas que la disposition attaquée lui causerait un préjudice financier disproportionné qui compromettait son existence ou la réalisation de ses missions essentielles.
Quant au maintien des effets de la disposition dont l’annulation est demandée
A.10. Le Gouvernement et le Collège réuni soutiennent qu’en cas d’annulation de la disposition législative attaquée, la Cour devrait dire pour droit que doivent être considérés comme définitifs tous les effets passés de cette disposition, ainsi que tous ses effets futurs, durant une période suffisamment longue permettant l’adoption d’une ordonnance conjointe correctrice.
Le Gouvernement et le Collège réuni soulignent à ce sujet que la rétroactivité de l’annulation de la disposition législative attaquée pourrait avoir pour effet que des communes doivent rembourser une partie des sommes perçues, en application de cette disposition, pour les années 2021, 2022 et 2023, dans le cadre de la répartition de la dotation. Ils remarquent qu’un tel remboursement exposerait ces communes à de graves problèmes financiers, dans la mesure où elles auraient légitimement déjà dépensé ces sommes. Le Gouvernement et le Collège observent aussi que les communes bruxelloises ont déjà établi le deuxième « plan triennal » requis par l’article 242bis de la Nouvelle loi communale en tenant compte des ressources financières qu’elles pouvaient espérer recevoir en application de l’ordonnance du 27 juillet 2017, telle qu’elle a été modifiée par l’ordonnance du 24 décembre 2021.
Le Gouvernement et le Collège réuni renvoient également aux motifs qui ont amené la Cour à décider du maintien des effets de l’article 2, 7°, de l’ordonnance du 27 juillet 2017, lequel a été annulé par l’arrêt n° 11/2021
précité.
A.11. La commune de Berchem-Sainte-Agathe estime qu’en l’espèce, il ne serait pas justifié de remettre en cause la rétroactivité de l’annulation de la disposition législative attaquée, puisque cette rétroactivité n’est pas de nature à créer des difficultés administratives et financières insurmontables.
La commune requérante remarque que les conséquences d’une annulation de la disposition législative attaquée seraient exclusivement financières et qu’une nouvelle répartition de la dotation entre les communes, qui tiendrait compte de l’annulation prononcée par la Cour, ne poserait pas de difficultés. Elle observe que la disposition attaquée n’a été appliquée à la répartition de cette dotation que pour trois ou quatre exercices budgétaires. La commune requérante rappelle aussi que le préjudice financier que l’annulation pourrait faire subir à certaines communes ne serait pas grave, puisqu’il ne mettrait pas en péril l’existence ou les missions essentielles
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de ces personnes morales. La commune requérante doute aussi de la possibilité, pour la Région de Bruxelles-
Capitale et la Commission communautaire commune, de se prévaloir d’une inconstitutionnalité, dont elles sont responsables, pour réclamer à d’autres communes de la Région le remboursement de sommes qui leur ont été versées en application d’une disposition législative ultérieurement jugée inconstitutionnelle.
La commune de Berchem-Sainte-Agathe affirme, en outre, qu’un maintien des effets de la disposition législative annulée reviendrait à confirmer la discrimination dont elle est victime.
Elle ajoute que les autres communes ne pouvaient compter légitimement sur les sommes qu’elles ont perçues en application d’une disposition législative jugée inconstitutionnelle, dès lors qu’elles étaient informées de l’existence du recours en annulation introduit par la commune de Berchem-Sainte-Agathe, ainsi que du constat d’inconstitutionnalité établi par l’arrêt de la Cour n° 11/2021 précité.
La commune requérante affirme aussi qu’il ne peut être fait droit à la demande de maintien des effets formulée par le Gouvernement et par le Collège réuni parce qu’ils ne sont pas de bonne foi. Elle souligne que ces deux parties ont eu, à la suite de l’arrêt n° 11/2021 précité, l’occasion de corriger l’ordonnance du 27 juillet 2017 pour la rendre conforme au principe de l’égalité et de non-discrimination, mais qu’elles se sont contentées de conserver les mêmes règles de répartition de la dotation, sans tenir compte des avertissements de la section de législation du Conseil d’État et sans procéder aux évaluations promises par le ministre-président de la Région de Bruxelles-
Capitale lors des travaux préparatoires de l’ordonnance du 27 juillet 2017.
La commune de Berchem-Sainte-Agathe relève, enfin, que c’est au Gouvernement et au Collège réuni qu’il appartient d’examiner la manière dont ils pourraient maintenir les effets des dispositions annulées sans porter atteinte aux droits et intérêts de la commune requérante.
A.12. Le Gouvernement et le Collège réuni répondent que la situation financière des communes ne diffère pas de la situation dans laquelle elles se trouvaient au moment du prononcé de l’arrêt n° 11/2021 précité. Ils remarquent aussi qu’on ne peut reprocher à ces communes de ne pas avoir attendu que la Cour statue sur le recours en annulation de l’ordonnance du 24 décembre 2021 introduit par la commune de Berchem-Sainte-Agathe, pour élaborer leurs budgets et leurs plans financiers en tenant compte des règles de répartition de la dotation régionale qui restaient en vigueur malgré l’introduction de ce recours.
À l’argument tiré de leur prétendue mauvaise foi, le Gouvernement et le Collège réuni rétorquent que l’arrêt n° 11/2021 précité ne remet nullement en cause l’indicateur de la « densité corrigée » de chaque commune, ni la méthode choisie pour calculer celle-ci. Ils ajoutent avoir tenu compte des observations que la section de législation du Conseil d’État a formulées dans son avis sur l’avant-projet d’ordonnance qui est à l’origine de la disposition législative attaquée.
-B-
B.1. Les ordonnances conjointes de la Région de Bruxelles-Capitale et de la Commission communautaire commune du 27 juillet 2017 « fixant les règles de répartition de la dotation générale aux communes et aux CPAS de la Région de Bruxelles-Capitale à partir de l’année 2017 » énoncent les règles selon lesquelles le Gouvernement de la Région de Bruxelles-
Capitale alloue chaque année le « crédit budgétaire de la dotation générale aux communes destinée à assurer le financement général des communes de la Région de Bruxelles-Capitale »
(article 3, alinéa 1er, desdites ordonnances).
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B.2.1. L’article 6 des ordonnances du 27 juillet 2017 dispose :
« Conformément à l’article 5, le crédit est réparti entre les communes sur la base des proportions et des indicateurs suivants :
[...]
10° à concurrence de 15/105e en fonction d’une clé de répartition se basant sur la densité de population corrigée.
Pour chaque commune ‘ c ’, la densité de population corrigée (Dens_pop_cor) se calcule comme suit :
Cette clé articule un critère d’éligibilité et un critère de répartition entre communes éligibles.
Sont éligibles les communes dont la densité de population corrigée est supérieure à 75 %
de la moyenne de ces densités de population corrigées pour les 19 communes.
Sont donc éligibles les communes c pour lesquelles :
Les autres communes se voient attribuer un crédit nul pour l’indicateur de la densité de population corrigée.
Pour les communes éligibles, la clé de répartition se calcule au prorata de la densité de population corrigée, affectée d’un coefficient communal (coef_com) dépendant de la superficie corrigée de la manière suivante :
a) 0,3 si la superficie corrigée de la commune est inférieure à 1 kilomètre carré;
b) 0,5 si elle est égale ou supérieure à 1 kilomètre carré, mais inférieure à 2 kilomètres carrés;
c) 1 si elle est égale ou supérieure à 2 kilomètres carrés, mais inférieure à 7 kilomètres carrés;
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d) 1,5 si elle est égale ou supérieure à 7 kilomètres carrés.
La clé de répartition entre communes basée sur cet indicateur se calcule pour chacune des z communes éligibles ‘ c_el ’ de la manière suivante :
».
B.2.2. La « population » au sens de la disposition précitée est la « population de droit telle que publiée annuellement au Moniteur belge par le Service Public fédéral Économie, PME, classes moyennes et énergie » (article 2, 1°, des ordonnances du 27 juillet 2017). Les lettres « Pop c » et « k » qui sont utilisées dans les formules mathématiques précitées renvoient respectivement à la « population de la commune c » et à l’« indice de la somme des termes successifs des communes » (article 2, 3° et 11°, des mêmes ordonnances).
B.3.1. La « superficie corrigée » au sens de l’article 6, 10°, des ordonnances du 27 juillet 2017 est définie à l’article 2, 7°, de ces ordonnances.
B.3.2. Par son arrêt n° 11/2021 du 28 janvier 2021 (ECLI:BE:GHCC:2021:ARR.011), la Cour a annulé ces dernières dispositions et a décidé d’en maintenir les effets jusqu’au 31 décembre 2021.
B.3.3. Depuis son remplacement par l’article 2 de l’ordonnance de la Commission communautaire commune du 24 décembre 2021 « modifiant l’ordonnance conjointe à la Région de Bruxelles-Capitale et à la Commission communautaire commune du 27 juillet 2017
fixant les règles de répartition de la dotation générale aux communes et aux CPAS de la Région de Bruxelles-Capitale à partir de l’année 2017 » (ci-après : l’ordonnance du 24 décembre 2021), le 7° de l’article 2 de l’ordonnance de la Commission communautaire commune du 27 juillet 2017 (ci-après : l’ordonnance du 27 juillet 2017) se lit comme suit :
« 7° Superficie corrigée : la superficie de la commune concernée [de] laquelle on a soustrait, d’une part, la superficie des secteurs statistiques de la commune dont la population totale est inférieure à 20 habitants au 1er janvier 2020 (soit les secteurs de type 20 repris à
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l’annexe 1) et, d’autre part, la superficie des secteurs statistiques de la commune appartenant à des quartiers du Monitoring des quartiers de l’Institut bruxellois de statistique et d’analyse repris comme étant :
– des cimetières (quartiers 700 à 702) soit les secteurs de type 17 repris à l’annexe 1;
– des quartiers industriels et des quartiers de gare (quartiers 800 à 805), soit les secteurs de type 18 repris à l’annexe 1;
– des quartiers de parcs, étangs, bois (quartiers 900 à 917), soit les secteurs de type 19
repris à l’annexe 1.
La superficie corrigée (sup_cor) en kilomètres carrés prise en compte est donc constituée de la somme des secteurs statistiques restants, soit les secteurs de type 1 repris à l’annexe 1, et est donnée dans le tableau suivant (arrondis à la deuxième décimale, soit à l’hectare) :
Commune Superficie corrigée en km2
Anderlecht 14,15
Auderghem 4,32
Berchem-Sainte-Agathe 2,95
Bruxelles 19,72
Etterbeek 3,12
Evere 4,08
Forest 3,54
Ganshoren 1,84
Ixelles 6,13
Jette 3,95
Koekelberg 1,00
Molenbeek-Saint-Jean 5,28
Saint-Gilles 2,28
Saint-Josse-ten-Noode 1,04
Schaerbeek 7,28
Uccle 17,28
Watermael-Boitsfort 4,58
Woluwe-Saint-Lambert 7,30
Woluwe-Saint-Pierre 7,37
».
B.3.4. L’annexe 1 de l’ordonnance du 27 juillet 2017, telle qu’elle a été remplacée par l’article 3 de l’ordonnance du 24 décembre 2021, est intitulée « Liste des secteurs statistiques correspondant à la subdivision territoriale la plus petite déterminée par la direction générale
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Statistique et information économique du Service public fédéral Économie, Petites et moyennes entreprises, Classes moyennes et Énergie ».
Elle contient un tableau listant tous les secteurs statistiques des dix-neuf communes de la Région de Bruxelles-Capitale. Cette liste mentionne, pour chacun de ces secteurs, un code, le numéro du « quartier » auquel il appartient, le type de secteur (1, 17, 18, 19 ou 20), ainsi que sa superficie en kilomètres carrés.
B.4. Il ressort des développements du moyen que la Cour est invitée à statuer sur la compatibilité de l’article 2, 7°, de l’ordonnance du 27 juillet 2017, tel qu’il a été remplacé par l’article 2 de l’ordonnance du 24 décembre 2021, avec les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce que, sans qu’existe une justification raisonnable, la disposition attaquée ferait naître une différence de traitement entre, d’une part, la catégorie des communes dont le territoire compte au moins un secteur statistique dont la population totale est inférieure à vingt habitants au 1er janvier 2020 ou un secteur statistique appartenant à un quartier qualifié de « cimetière », de « quartier industriel », de « quartier de gare », ou de « quartier de parcs, étangs, bois » par le « Monitoring des quartiers » de l’Institut bruxellois de statistique et d’analyse et, d’autre part, la catégorie des communes dont le territoire ne compte aucun secteur statistique de ces types-
là.
En réduisant la superficie des communes de la première catégorie, la disposition attaquée augmente leur densité de population et, partant, leur poids dans la répartition de la part de la « dotation générale aux communes destinée à assurer le financement général des communes de la Région de Bruxelles-Capitale », en lien avec la « densité de population corrigée », en application de l’article 6, alinéa 1er, 10°, de l’ordonnance du 27 juillet 2017, ce qui a pour corollaire d’affaiblir le poids des communes de la seconde catégorie dans cette même répartition.
B.5.1. La « superficie corrigée » d’un territoire communal est calculée par la soustraction de la superficie des secteurs statistiques visés en B.4 que compte cette commune de la superficie réelle de ce territoire.
La « superficie corrigée » d’un territoire communal qui ne compte pas de secteurs statistiques visés à l’article 2, 7°, de l’ordonnance du 27 juillet 2017 est donc toujours égale à
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la superficie réelle de ce territoire, tandis que la « superficie corrigée » d’un territoire communal comptant au moins un secteur statistique de ce type est toujours inférieure à la superficie réelle de ce territoire.
B.5.2. La valeur de la « superficie corrigée » du territoire communal a une incidence sur le montant des droits que la commune peut revendiquer sur la partie de la dotation générale aux communes qui doit être répartie en fonction de la « densité de population corrigée ».
En vertu des règles énoncées à l’article 6, 10°, de l’ordonnance du 27 juillet 2017, une « superficie corrigée » inférieure à la superficie réelle place la commune concernée dans une position plus avantageuse qu’une « superficie corrigée » égale à sa superficie réelle, tant lors du calcul visant à déterminer quelles sont les communes qui ont droit à une quote-part de la partie précitée de la dotation que lors du calcul de la valeur de la quote-part des communes qui bénéficient d’un tel droit.
Une « superficie corrigée » du territoire communal inférieure à la superficie réelle du territoire a pour effet non seulement d’augmenter la probabilité, pour la commune, d’être admise au partage de la partie précitée de la dotation, mais aussi d’augmenter la quote-part de la commune admise à ce partage (article 6, 10°, de l’ordonnance du 27 juillet 2017).
B.5.3. La définition de la « superficie corrigée » fait donc naître une différence de traitement entre les deux catégories de communes décrites en B.4.
B.6.1. Il ressort de l’intitulé de l’annexe 1 de l’ordonnance du 27 juillet 2017, telle qu’elle a été remplacée par l’article 3 de l’ordonnance du 24 décembre 2021, qu’un « secteur statistique » au sens de la disposition législative attaquée est la « subdivision territoriale la plus petite déterminée par la direction générale Statistique et information économique du Service public fédéral Économie, Petites et moyennes entreprises, Classes moyennes et Énergie ».
B.6.2. Les quartiers du « Monitoring des quartiers » de l’Institut bruxellois de statistique et d’analyse se composent d’un ou de plusieurs secteurs statistiques. Ils ont été dessinés par
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« un consortium d’universités » qui a établi un rapport public et dont le résultat des travaux est aussi public (Doc. parl., Parlement de la Région de Bruxelles-Capitale, 2016-2017, A-537/2, p. 29; Doc. parl., Assemblée réunie de la Commission communautaire commune, 2021-2022, B-100/1, p. 4). Chacun des 145 quartiers ainsi constitués se compose d’un ou de plusieurs secteurs statistiques du territoire de la Région bruxelloise.
B.7. Contrairement à la différence de traitement fondée sur la notion de « secteur statistique peu dense » qui existait auparavant et qui a été jugée par l’arrêt n° 11/2021, la différence de traitement décrite en B.4 repose sur un critère objectif.
B.8.1. Il ressort de l’article 6, 10°, de l’ordonnance du 27 juillet 2017 qu’une part de la « dotation générale aux communes destinée à assurer le financement général des communes de la Région de Bruxelles-Capitale » est attribuée aux communes sur la base de la densité de population. Il s’agit d’un des dix facteurs dont le législateur ordonnanciel a tenu compte.
B.8.2. En ce qui concerne le financement et les subventions des communes, le législateur ordonnanciel dispose d’un pouvoir d’appréciation étendu. La Cour ne pourrait censurer le choix politique du législateur ordonnanciel que s’il en résulte une différence de traitement qui est manifestement déraisonnable.
La Cour doit prendre en compte les équilibres globaux dans le régime de financement dans sa totalité et donc le fait que certains critères de répartition pouvant être perçus comme discriminatoires par la commune requérante constituent un élément d’un modèle de financement fondé sur plusieurs clés de répartition parallèles. Il est possible, en pareil cas, que l’application concrète de certains critères, considérés isolément, soit moins favorable pour certaines communes. L’éventuelle annulation d’un élément de ce règlement global pourrait alors conduire à rompre l’équilibre qu’une approche plus globale ferait peut-être apparaître (voy. arrêt n° 121/2018 du 4 octobre 2018, B.8, ECLI:BE:GHCC:2018:ARR.121).
B.8.3. La densité de population d’un territoire est calculée par la division du nombre de personnes peuplant ce territoire par la superficie de celui-ci.
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La densité de population prise en considération pour la répartition de la dotation générale aux communes est cependant calculée compte tenu de la « superficie corrigée » du territoire de chaque commune, c’est-à-dire de la superficie réelle de ce territoire dont est soustraite la superficie des secteurs statistiques dont la population totale était inférieure à vingt habitants au 1er janvier 2020, ainsi que la superficie des secteurs statistiques appartenant à un quartier qualifié de « cimetière », de « quartier industriel », de « quartier de gare », ou de « quartier de parcs, étangs, bois » par le « Monitoring des quartiers » de l’Institut bruxellois de statistique et d’analyse.
B.8.4. L’objectif poursuivi par cette soustraction, et par la prise en compte de cette « superficie corrigée » qui en découle, est d’« améliorer la densité de population classique en représentant de manière plus juste la densité de population réelle qui caractérise les zones d’habitat des différentes communes » (Doc. parl., Assemblée réunie de la Commission communautaire commune, 2021-2022, B-100/1, p. 3).
Le recours à la « superficie corrigée » permet de « corriger les superficies communales totales » en retirant de ces dernières « la superficie des secteurs statistiques ne pouvant être considérés comme des zones d’habitat » (ibid., pp. 3-4), non seulement lors de l’identification des communes qui ont droit à la part de la dotation générale réservée aux communes qui présentent la plus grande densité de population, mais aussi lors de la répartition de cette part entre les communes sélectionnées.
C’est afin d’atteindre cet « objectif de correction » de la superficie des communes « qu’il a été choisi d’exclure de la superficie des communes les secteurs statistiques comptant moins de vingt habitants au 1er janvier 2020 ainsi que les secteurs statistiques appartenant à des quartiers du ‘ Monitoring des quartiers ’ de l’Institut bruxellois de statistique et d’analyse repris comme étant des cimetières, des quartiers industriels et des quartiers de gare ou des quartiers de parcs, étangs, bois » (ibid., p. 4).
B.9.1. Eu égard à cet objectif, il n’est pas sans justification raisonnable de calculer la « superficie corrigée » de chacune des communes en soustrayant de leur superficie réelle des
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morceaux de territoire qui ne comptent pas un nombre minimal d’habitants déterminé, tels que les secteurs statistiques dont la population est inférieure à vingt habitants.
Lorsqu’il veut clarifier la notion de « secteur statistique peu dense », lequel ne peut pas être considéré comme une zone d’habitat, sur la base de critères objectifs, le législateur ordonnanciel peut tracer des frontières et faire usage de catégories qui appréhendent la diversité des besoins financiers des administrations locales avec un certain degré d’approximation.
B.9.2. De même, il n’est pas sans justification raisonnable de calculer la « superficie corrigée » de chacune des communes en soustrayant de leur superficie réelle des morceaux de territoire qui, pour une raison autre que de chiffres, notamment leur destination, ne peuvent pas être considérés comme des zones d’habitat. Pour ce faire, le législateur ordonnanciel pouvait se fonder sur les données statistiques et scientifiques disponibles. Il peut ainsi être admis que les secteurs statistiques appartenant à un quartier qualifié de « cimetière », de « quartier industriel », de « quartier de gare » ou de « quartier de parcs, étangs, bois » par le « Monitoring des quartiers » de l’Institut bruxellois de statistique et d’analyse sont exclus de manière générale, donc indépendamment du nombre d’habitants de chacun de ces secteurs, de la densité de population corrigée.
B.9.3. Dès lors que la densité de population corrigée n’est qu’un des dix facteurs dont le législateur ordonnanciel a tenu compte et que cette part représente moins de 15 % de l’ensemble de la dotation, la disposition attaquée ne produit pas des effets disproportionnés pour les communes affectées défavorablement par le facteur attaqué.
B.10. Le moyen n’est pas fondé.
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Par ces motifs,
la Cour
rejette le recours.
Ainsi rendu en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l’article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 13 juillet 2023.
Le greffier, Le président,
N. Dupont P. Nihoul