Cour constitutionnelle
Arrêt n° 102/2023
du 29 juin 2023
Numéro du rôle : 7789
En cause : le recours en annulation totale ou partielle (articles 1er, 4, 6, 7, 8 et 18) du décret de la Région wallonne du 12 novembre 2021 « modifiant le Livre II du Code de l’Environnement contenant le Code de l’Eau en vue d’instaurer un cadre pour la valorisation des eaux d’exhaure », introduit par l’ASBL « Abbaye Notre-Dame de Saint-Rémy ».
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges T. Giet, J. Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache, T. Detienne, D. Pieters, S. de Bethune, E. Bribosia, W. Verrijdt et K. Jadin, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président P. Nihoul,
après en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant :
I. Objet du recours et procédure
Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 15 avril 2022 et parvenue au greffe le 19 avril 2022, l’ASBL « Abbaye Notre-Dame de Saint-Rémy », assistée et représentée par Me L. Depré, Me L.-S. Pan-Van De Meulebroeke et Me L. Coufopandelis, avocats au barreau de Bruxelles, a introduit un recours en annulation totale ou partielle (articles 1er, 4, 6, 7, 8 et 18) du décret de la Région wallonne du 12 novembre 2021 « modifiant le Livre II du Code de l’Environnement contenant le Code de l’Eau en vue d’instaurer un cadre pour la valorisation des eaux d’exhaure » (publié au Moniteur belge du 26 novembre 2021).
Le Gouvernement wallon, assisté et représenté par Me B. Fonteyn et Me A. Lepièce, avocats au barreau de Bruxelles, a introduit un mémoire, la partie requérante a introduit un mémoire en réponse et le Gouvernement wallon a également introduit un mémoire en réplique.
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Par ordonnance du 15 mars 2023, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteurs K. Jadin et J. Moerman, a décidé que l’affaire était en état, qu’aucune audience ne serait tenue, à moins qu’une partie n’ait demandé, dans le délai de sept jours suivant la réception de la notification de cette ordonnance, à être entendue, et qu’en l’absence d’une telle demande, les débats seraient clos le 29 mars 2023 et l’affaire mise en délibéré.
Aucune demande d’audience n’ayant été introduite, l’affaire a été mise en délibéré le 29 mars 2023.
Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives à la procédure et à l’emploi des langues ont été appliquées.
II. En droit
-A-
Quant à l’intérêt
A.1.1. La partie requérante expose qu’elle recueille l’eau d’une source dénommée « source Tridaine », que ce captage est autorisé par un permis datant du 30 avril 2012 et que la majeure partie de cette eau est cédée à titre gratuit à la ville de Rochefort. La partie requérante indique qu’à côté de son terrain, la société « Lhoist » exploite la carrière de la Boverie, dont le projet d’approfondissement constitue, selon elle, une menace pour les eaux souterraines et pour l’exercice de ses droits sur les eaux de la source Tridaine. La partie requérante expose que, pour s’opposer à ce projet d’approfondissement, elle a introduit plusieurs procédures juridictionnelles, dont certaines sont pendantes. Premièrement, elle expose qu’elle a introduit un recours en annulation et une demande de suspension contre un permis unique du 12 octobre 2017 autorisant des essais de pompage. Elle souligne que le Conseil d’État a suspendu ce permis par son arrêt n° 241.200 du 3 avril 2018 et que le recours en annulation est encore pendant. Deuxièmement, elle expose qu’elle a introduit un recours en annulation et une demande de suspension d’extrême urgence contre un second permis unique autorisant des essais de pompage, octroyé le 11 avril 2019. Elle souligne que le Conseil d’État, par son arrêt n° 244.656 du 28 mai 2019, a rejeté la demande de suspension et que le recours en annulation est encore pendant. Troisièmement, elle expose que la réalisation des essais de pompage et du projet d’approfondissement est définitivement interdite en vertu d’un arrêt de la Cour d’appel de Liège du 11 mai 2021, qui confirme que la partie requérante a un droit de servitude sur l’approvisionnement naturel en eau de la source Tridaine.
Elle fait valoir que deux raisons justifient son intérêt à l’annulation du décret de la Région wallonne du 12 novembre 2021 « modifiant le Livre II du Code de l’Environnement contenant le Code de l’Eau en vue d’instaurer un cadre pour la valorisation des eaux d’exhaure » (ci-après : le décret du 12 novembre 2021).
Premièrement, elle estime que ce décret intervient en réponse aux arrêts du Conseil d’État nos 241.200 et 244.656, précités, qu’il a un impact direct sur les deux recours en annulation encore pendants et qu’il constitue une validation législative inconstitutionnelle. Deuxièmement, elle souligne qu’elle est soumise à l’ensemble des obligations et des charges financières qui découlent de sa qualité de producteur au sens de l’article D.2, 69°bis, du Livre II du Code de l’Environnement constituant le Code de l’Eau (ci-après : le Code de l’eau). Elle estime avoir intérêt à contester l’exemption de la qualité de producteur que le décret du 12 novembre 2021 prévoit pour l’exploitant d’une carrière qui capte de l’eau d’exhaure destinée à être cédée à une personne morale de droit public. Elle ajoute à cet égard que l’examen de l’intérêt est lié à celui des moyens.
A.1.2. Le Gouvernement wallon fait valoir que la partie requérante n’a pas intérêt au recours.
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Premièrement, il estime que les deux recours en annulation pendants devant le Conseil d’État ne sont pas affectés par la prétendue validation législative selon laquelle un permis pour une prise d’eau souterraine non potabilisable et non destinée à la consommation humaine tient lieu de permis pour une prise d’eau souterraine potabilisable ou destinée à la consommation humaine. Selon lui, cette prétendue validation législative ne saurait permettre la mise en œuvre des deux permis qui font l’objet des recours précités, dès lors que, selon la partie requérante elle-même, cette mise en œuvre est interdite par l’arrêt de la Cour d’appel de Liège du 11 mai 2021. Il ajoute que cette prétendue validation législative n’a nécessairement aucune incidence sur le recours dirigé contre le permis unique du 11 avril 2019, dès lors que ce permis porte sur une prise d’eau potabilisable. En ce qui concerne le recours dirigé contre le permis unique du 12 octobre 2017, il souligne que le fait que ce permis tienne désormais lieu de permis de prise d’eau potabilisable n’a pas d’incidence sur le permis proprement dit, mais sur son exploitation, à laquelle la société « Lhoist » a renoncé.
Deuxièmement, il observe que la partie requérante n’identifie pas les effets attachés à la qualité de producteur dont l’annulation pourrait lui être favorable. Il ajoute qu’en terme environnemental, les obligations ne sont pas liées à la qualité de producteur mais à celle de titulaire d’un permis pour une prise d’eau potabilisable. Ensuite, il souligne que la partie requérante n’assume pas elle-même les taxes et contributions liées à l’eau qui est puisée dans la source Tridaine et qui alimente le réseau public de distribution. En effet, selon lui, il résulte de conventions conclues entre la partie requérante et la ville de Rochefort que c’est cette dernière qui assume ces taxes et contributions. Toujours selon lui, la partie requérante assume les coûts qui sont liés à sa consommation propre destinée à la fabrication de bière, de sorte qu’elle ne paye des contributions qu’en dehors de sa qualité de producteur, c’est-à-dire pour le volume d’eau qui n’alimente pas le réseau public de distribution.
A.1.3. La partie requérante répond tout d’abord, dans le cadre d’une argumentation générale relative à l’intérêt et aux moyens, que la politique de l’eau en Région wallonne est en priorité fondée sur la protection pérenne de la ressource en eau et que l’activité des carriers est en conflit avec cet objectif de protection. Selon elle, le décret du 12 novembre 2021, sous couvert de la poursuite d’un objectif environnemental, bouleverse la ratio legis du Code de l’eau et favorise le développement des activités extractives, au détriment de la ressource en eau. Elle fait valoir que le décret du 12 novembre 2021 la place dans une situation moins favorable que celle de l’exploitant d’une carrière qui gaspille initialement la ressource en eau et se voit ensuite octroyer des avantages censés l’inciter à remédier à ce gaspillage. D’une part, elle estime que l’objectif de valorisation de l’eau pourrait être atteint si les carriers étaient obligés de valoriser les eaux d’exhaure. D’autre part, elle critique le fait que, par comparaison avec les autres personnes qui, comme elle, captent de l’eau potabilisable ou destinée à la consommation humaine, les carriers soient exemptés de la taxe de prélèvement et soient soumis à une contribution de prélèvement inférieure.
Ensuite, la partie requérante expose que la société « Lhoist » n’a pas définitivement abandonné le projet d’approfondissement de la carrière et qu’elle poursuit actuellement un nouveau projet d’extension pour lequel une procédure de révision du plan de secteur a été entamée, par un arrêté ministériel du 8 mars 2022. En outre, elle souligne que les questions relatives aux arbitrages entre la protection de la ressource en eau et l’activité des carriers sont centrales dans le cadre des litiges avec la société « Lhoist ». Par ailleurs, elle soutient qu’elle conserve un intérêt à l’annulation des deux permis qu’elle conteste devant le Conseil d’État et que l’appréciation de cet intérêt relève de la seule compétence du Conseil d’État. Enfin, elle considère que l’examen de son intérêt à l’annulation du décret du 12 novembre 2021 est étroitement lié à celui des moyens.
A.1.4. Le Gouvernement wallon réplique qu’il ressort de l’arrêté ministériel du 8 mars 2022 précité que le scénario de l’approfondissement de la carrière n’a pas été retenu. Il souligne que les deux permis qui font l’objet des recours pendants devant le Conseil d’État ne sont plus destinés à être exploités et qu’ils ne peuvent pas davantage bénéficier des dispositions transitoires attaquées. Ensuite, il observe que la partie requérante ne précise toujours pas les effets attachés à la qualité de producteur dont l’annulation pourrait lui être favorable. Enfin, il fait valoir que la partie requérante n’indique ni en quoi les questions relatives aux arbitrages entre la protection de la ressource en eau et l’activité des carriers sont au centre du litige avec la société « Lhoist », ni en quoi cela justifierait son intérêt au recours.
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Quant aux moyens
En ce qui concerne le premier moyen
Première branche du premier moyen
A.2.1. La partie requérante prend un premier moyen, première branche, de la violation des articles 10 et 11
de la Constitution par le décret du 12 novembre 2021, en particulier par son article 1er, 4° et 5°. Elle fait grief à la disposition attaquée d’exempter le carrier, lorsqu’il cède de l’eau d’exhaure valorisable à un producteur public, des obligations liées à la qualité de producteur.
Selon elle, la disposition attaquée fait naître une différence de traitement entre deux catégories de personnes comparables : d’une part, les carriers qui captent de l’eau d’exhaure potabilisable ou destinée à la consommation humaine et qui la cèdent à un producteur public pour alimenter un réseau public de distribution, et, d’autre part, les autres personnes qui captent de l’eau potabilisable ou destinée à la consommation humaine et qui la cèdent à un producteur public pour alimenter un réseau public de distribution. Elle souligne que seul le carrier, lorsqu’il cède de l’eau d’exhaure valorisable à un producteur public, est exempté des obligations liées à la qualité de producteur. Elle soutient que cette exemption a les conséquences suivantes : (1) les obligations incombant normalement au carrier, en particulier les obligations de traitement de l’eau captée pour la rendre potabilisable, sont cédées au producteur public et (2) le carrier est exempté de toutes les charges liées au respect des conditions générales, sectorielles et intégrales, notamment celles qui sont prévues par l’arrêté du Gouvernement wallon du 12 février 2009 « déterminant les conditions sectorielles relatives aux installations pour la prise d’eau souterraine potabilisable ou destinée à la consommation humaine et aux installations pour la prise d’eau souterraine non potabilisable et non destinée à la consommation humaine et modifiant l’arrêté du Gouvernement wallon du 4 juillet 2002 relatif à la procédure et à diverses mesures d’exécution du décret du 11 mars 1999 relatif au permis d’environnement ». Selon elle, la différence de traitement critiquée ne fait l’objet d’aucune justification objective et raisonnable.
A.2.2. En ce qui concerne la recevabilité, le Gouvernement wallon fait valoir que les développements de la branche du moyen concernent uniquement l’article 1er, 4° et 5°, du décret du 12 novembre 2021 et que cette branche est dès lors irrecevable en ce qu’elle est dirigée contre les autres dispositions du décret.
En ce qui concerne le fond, il soutient que la branche du moyen repose sur un postulat erroné. Premièrement, selon lui, l’exemption de la qualité de producteur n’a pas pour conséquence de dispenser le carrier, pour le volume d’eau potabilisable qu’il capte, des obligations environnementales relatives à l’exploitation de ses prises d’eau.
Deuxièmement, toujours selon lui, les obligations relatives à la qualité de l’eau destinée à la consommation humaine reposent essentiellement sur le fournisseur d’eau et non sur le producteur d’eau. Il estime que ni la partie requérante ni les carriers n’ont la qualité de fournisseur. En ce qui concerne la situation de la partie requérante, il observe que c’est en réalité la ville de Rochefort qui est responsable de la qualité de l’eau distribuée par le réseau public et qui assume les éventuelles obligations de traitement. Il ajoute que, si la partie requérante a des obligations de traitement de l’eau qu’elle utilise pour la fabrication de sa bière, c’est uniquement en raison de ses obligations en matière de sécurité de la chaîne alimentaire.
A.2.3. En ce qui concerne la recevabilité des moyens en ce qu’ils sont dirigés contre l’intégralité du décret du 12 novembre 2021, la partie requérante répond que tous les moyens identifient les dispositions attaquées. Selon elle, puisque les moyens portent sur les principales dispositions du décret du 12 novembre 2021, il est sensé de demander l’annulation du décret dans son intégralité.
En ce qui concerne le fond, la partie requérante répond que le producteur est responsable de la protection de l’eau potabilisable et qu’il assume une responsabilité en ce qui concerne le prix de l’eau. Elle se réfère à cet égard aux articles D.254 et D.332 du Code de l’eau. Elle souligne ensuite que l’exploitation de l’eau est soumise à des conditions différentes selon qu’il s’agit d’eau potabilisable ou non. Ainsi, elle relève que seul un permis pour une prise d’eau potabilisable impose des obligations strictes en vertu des articles D.180 à D.193 et R.252 à R.270 du
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Code de l’eau et des annexes XXXI à XXXIV du même Code. Selon elle, ne pas lier ces obligations à l’activité même de prise d’eau potabilisable ou destinée à la consommation humaine mettrait gravement en danger la santé des consommateurs. Enfin, elle estime que le Gouvernement wallon confond les obligations du distributeur, celles du producteur, celles du fournisseur et celles qui relèvent de la sécurité de la chaîne alimentaire.
A.2.4. Le Gouvernement wallon réplique que les obligations environnementales visées par la partie requérante ne sont pas liées à la qualité de producteur mais à celle de titulaire d’un permis de prise d’eau potabilisable. Il conteste ensuite l’affirmation selon laquelle la santé des citoyens serait gravement mise en péril.
Seconde branche du premier moyen
A.3.1. La partie requérante prend un premier moyen, seconde branche, de la violation des articles 10, 11 et 172 de la Constitution par le décret du 12 novembre 2021, en particulier par ses articles 4, 6, 7 et 8. Elle fait grief aux dispositions attaquées d’exempter le carrier, lorsqu’il cède de l’eau d’exhaure valorisable à un producteur public, des charges financières relatives aux prises d’eau souterraine ou à tout le moins de le faire bénéficier d’un régime fiscal plus avantageux.
Elle fait valoir que les dispositions attaquées font naître une différence de traitement entre deux catégories de personnes comparables : d’une part, les carriers qui cèdent de l’eau d’exhaure à un producteur public pour alimenter un réseau public de distribution et, d’autre part, les autres personnes qui captent de l’eau potabilisable ou destinée à la consommation humaine et la cèdent à un producteur public pour alimenter un réseau public de distribution. Elle souligne que les prises d’eau d’exhaure ne sont soumises ni au régime applicable aux prises d’eau potabilisable (article D.254 du Code de l’eau, tel qu’il a été remplacé par l’article 4 du décret du 12 novembre 2021) ni au régime applicable aux prises d’eau souterraine non potabilisable (article D.256 du Code de l’eau, tel qu’il a été modifié par l’article 6 du décret du 12 novembre 2021), mais qu’elles font l’objet d’un régime distinct (article D.256/1 du Code de l’eau, inséré par l’article 8 du décret du 12 novembre 2021). Selon la partie requérante, soit les prises d’eau d’exhaure valorisable ne relèvent pas du champ d’application de l’article D.256/1 du Code de l’eau et elles ne sont alors soumises à aucune contribution, soit elles relèvent du champ d’application de cette disposition et elles sont alors soumises au régime fiscal avantageux prévu par cette disposition. Elle observe que, dans les deux interprétations, le régime applicable aux prises d’eau d’exhaure valorisable est plus favorable que le régime applicable aux prises d’eau potabilisable. Selon elle, cette différence de traitement ne fait l’objet d’aucune justification objective et raisonnable. Elle souligne que le législateur décrétal, en adoptant le décret du 12 novembre 2021, a légiféré à nouveau, de sorte que la différence de traitement ne saurait être justifiée par le fait que les prises d’eau d’exhaure bénéficiaient déjà d’un régime favorable auparavant.
A.3.2. En ce qui concerne la recevabilité, le Gouvernement wallon fait valoir que les développements de la branche du moyen concernent uniquement les articles 4, 6, 7 et 8 du décret du 12 novembre 2021 et que cette branche est dès lors irrecevable en ce qu’elle est dirigée contre les autres dispositions de ce décret.
En ce qui concerne le fond, il souligne tout d’abord que la contribution de prélèvement fixée à l’article D.256/1 du Code de l’eau s’applique aux eaux d’exhaure, qu’elles soient valorisées ou non. Il observe que cette contribution est inchangée par rapport à celle qui était applicable avant l’entrée en vigueur du décret du 12 novembre 2021, de sorte que l’annulation des dispositions attaquées ne pourrait pas modifier favorablement la situation de la partie requérante. Ensuite, il fait valoir que la situation de l’exploitant d’une carrière n’est pas comparable à celle des autres personnes qui captent de l’eau potabilisable ou destinée à la consommation humaine et qui la cèdent à un producteur public. En effet, selon lui, lorsqu’une personne demande un permis d’environnement pour une prise d’eau potabilisable, c’est en principe dans le but d’exploiter l’eau potabilisable.
Dans ce cas, toujours selon le Gouvernement wallon, la taxe de prélèvement (article D.254, § 2, du Code de l’eau)
et la contribution annuelle de prélèvement (article D.254, § 3, du Code de l’eau) visent, d’une part, à dissuader l’exploitant de puiser trop d’eau et, d’autre part, à alimenter le Fonds pour la protection de l’Environnement. Il ajoute que ce régime dissuasif fait l’objet de deux tempéraments, dès lors que l’exploitant qui entend alimenter un réseau public de distribution, d’une part, est exempté de la taxe de prélèvement s’il conclut un contrat de service de protection de l’eau potabilisable avec la Société publique de gestion de l’eau (ci-après : la S.P.G.E.) et, d’autre
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part, peut conclure des accords avec l’autorité publique quant à la répartition des autres charges contributives. Le Gouvernement wallon fait valoir que la situation est différente en ce qui concerne l’exploitant d’une carrière.
Lorsque ce dernier demande un permis d’environnement pour une prise d’eau potabilisable, ce n’est pas pour exploiter l’eau mais pour permettre l’exploitation de la carrière, exploitation pour laquelle il dispose d’un permis d’environnement distinct. Dans ce cas, selon le Gouvernement wallon, il est justifié de ne pas prévoir de taxe de prélèvement, dès lors que le captage de l’eau est nécessaire pour l’exploitation de la carrière et qu’il ne doit donc pas faire l’objet de mesures dissuasives. Il ajoute qu’en soumettant le carrier à une contribution de prélèvement calculée à un taux inférieur à celui qui est applicable aux prises d’eau potabilisable, le législateur décrétal a souhaité éviter que la taxation soit plus élevée en cas de valorisation de l’eau d’exhaure qu’en l’absence de valorisation.
Enfin, le Gouvernement wallon souligne que le carrier ne bénéficie pas des mêmes services et dispenses que les autres exploitants, dès lors qu’il ne peut pas conclure un contrat de service de protection de l’eau potabilisable avec la S.P.G.E. et qu’il ne peut pas bénéficier, pour la protection de son captage, d’une intervention du Fonds pour la protection de l’Environnement. Il en conclut que les deux catégories comparées ne sont pas comparables, que le régime applicable aux carriers n’est pas plus avantageux et que la différence de traitement est en toute hypothèse raisonnablement justifiée.
A.3.3. La partie requérante répond que le décret du 12 novembre 2021 entraîne bien une modification, dès lors que les carriers sont désormais titulaires de permis pour des prises d’eau potabilisable ou destinée à la consommation humaine.
En ce qui concerne la recevabilité des moyens en ce qu’ils sont dirigés contre le décret du 12 novembre 2021
dans son intégralité, la partie requérante répond de la même manière que pour la première branche du moyen.
En ce qui concerne le fond, elle fait valoir que les catégories de personnes comparées sont comparables, dès lors qu’elles prélèvent de l’eau pouvant alimenter le réseau public de distribution. Elle soutient qu’il est incohérent que le carrier ne doive pas payer pour le gaspillage d’eau que son activité engendre. Elle estime qu’une convention conclue avec une autorité publique quant à la répartition des charges contributives ne saurait compenser la différence de traitement critiquée. Enfin, elle souligne que le législateur décrétal n’explique pas en quoi l’objectif d’approvisionnement en eau n’aurait pas été atteint par une obligation imposée aux carriers de céder l’eau d’exhaure à un producteur public et de prendre en charge les coûts liés à cette cession.
A.3.4. En ce qui concerne la recevabilité, le Gouvernement wallon réplique que le fait que les carriers disposent d’un permis pour une prise d’eau potabilisable plutôt que d’un permis pour une prise d’eau non potabilisable n’affecte pas défavorablement la partie requérante.
En ce qui concerne le fond, il fait valoir que le prélèvement de l’eau est une contrainte technique pour les carriers et que le régime contributif qui leur est applicable les incite à ne pas gaspiller l’eau prélevée.
En ce qui concerne le deuxième moyen
Première branche du deuxième moyen
A.4.1. La partie requérante prend un deuxième moyen, première branche, de la violation, par le décret du 12 novembre 2021, en particulier par ses articles 1er, 4, 6, 7, 8 et 18, des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 3, 4, 5 et 17 du décret de la Région wallonne du 11 mars 1999 « relatif au permis d’environnement » (ci-après : le décret du 11 mars 1999), avec l’annexe I à l’arrêté du Gouvernement wallon du 4 juillet 2002 « arrêtant la liste des projets soumis à étude d’incidences, des installations et activités classées ou des installations ou des activités présentant un risque pour le sol » (ci-après : l’arrêté du Gouvernement wallon du 4 juillet 2002), avec les articles D.2, 33° et 37°, D.167 à D.176bis, D.180 à D.193 et R.153 à R.160 du Code de l’eau, avec l’article 2, 37), de la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000
« établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau » (ci-après : la directive 2000/60/CE) et avec l’article 2, 1), de la directive (UE) 2020/2184 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2020 « relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine (refonte) » (ci-après :
la directive (UE) 2020/2184). Elle fait grief aux dispositions attaquées de prévoir que les permis de prise d’eau
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non potabilisable et non destinée à la consommation humaine dont sont titulaires les carriers captant de l’eau d’exhaure valorisable tiennent lieu de permis de prise d’eau potabilisable ou destinée à la consommation humaine, sans que les conditions d’exploitation aient été modifiées pour être conformes aux dispositions visées au moyen.
La partie requérante fait valoir que les dispositions attaquées font naître une différence de traitement entre deux catégories de personnes comparables : d’une part, l’exploitant d’une carrière qui capte de l’eau d’exhaure valorisable et qui est titulaire d’un permis pour une prise d’eau non potabilisable et non destinée à la consommation humaine et, d’autre part, toute autre personne qui, dans le cadre de son industrie, capte de l’eau qui pourrait être valorisée, et qui est titulaire d’un permis de prise d’eau non potabilisable et non destinée à la consommation humaine. Elle souligne que seul l’exploitant d’une carrière qui est titulaire d’un permis pour une prise d’eau souterraine non potabilisable et non destinée à la consommation humaine octroyé avant l’entrée en vigueur du décret du 12 novembre 2021 voit son permis tenir lieu de permis de prise d’eau souterraine potabilisable ou destinée à la consommation humaine. Elle observe que le carrier ne se voit pas imposer toutes les conditions d’exploitation relatives aux prises d’eau potabilisable et destinée à la consommation humaine qui sont fixées aux articles D.167 à D.176bis, D.180 à D.193 et R.153 à R.160 du Code de l’eau, mais uniquement celles qui sont prévues aux articles D.172, § 2, alinéa 2, et D.173 dudit Code. Elle ajoute qu’eu égard aux articles 3, 4, 5 et 17 du décret du 11 mars 1999, un permis ne peut pas être octroyé pour une autre installation que celle visée dans la demande de permis. Selon elle, la différence de traitement critiquée ne fait l’objet d’aucune justification objective et raisonnable. Elle estime que l’objectif consistant à sécuriser les pratiques de valorisation des eaux d’exhaure pourrait être atteint par une obligation de respecter toutes les conditions d’exploitation relatives aux prises d’eau potabilisable et destinée à la consommation humaine. Enfin, elle soutient que les dispositions attaquées sont incompatibles, d’une part, avec les définitions d’« eau potable », d’« eau potabilisable » et d’« eau destinée à la consommation humaine » énoncées à l’article D.2, 33° et 37°, du Code de l’eau, à l’article 2, 37), de la directive 2000/60/CE et à l’article 2, 1), de la directive (UE) 2020/2184 et, d’autre part, avec les catégories d’installations et d’activités prévues dans l’annexe I à l’arrêté du Gouvernement wallon du 4 juillet 2002.
A.4.2. Le Gouvernement wallon soulève deux exceptions d’irrecevabilité. Premièrement, il estime que la branche du moyen est irrecevable en ce qu’elle est dirigée contre les dispositions du décret du 12 novembre 2021
autres que l’article 18, dès lors que les développements ne portent pas sur ces autres dispositions. Deuxièmement, il fait valoir que la branche du moyen est obscure, en ce que la partie requérante n’identifie pas les conditions d’exploitation dont les carriers seraient prétendument dispensés en vertu de la disposition attaquée.
En ce qui concerne le fond, le Gouvernement wallon observe à titre préalable qu’à sa connaissance, il n’existe en pratique aucune personne relevant de la seconde catégorie de personnes identifiée par la partie requérante. Il ajoute, toujours à titre préalable, que la différence de traitement critiquée est limitée dans le temps, dès lors que l’article 18 du décret du 12 novembre 2021 ne concerne que des permis antérieurs à son entrée en vigueur. Ensuite, le Gouvernement wallon fait valoir que les deux catégories de personnes comparées ne sont pas comparables. Il souligne que la disposition attaquée vise à remédier aux constats posés par l’arrêt du Conseil d’État n° 241.200
précité, lequel a remis en cause la pratique administrative antérieure qui consistait à qualifier toutes les eaux d’exhaure, même valorisées, d’eaux non potablisables. Selon le Gouvernement wallon, les personnes relevant de la seconde catégorie identifiée par la partie requérante n’étaient pas concernées par cette pratique administrative.
Il ajoute que la branche n’est en toute hypothèse pas fondée. Il souligne que la disposition attaquée ne dispense pas le carrier, pour les eaux d’exhaure qu’il valorise, de respecter l’ensemble des conditions d’exploitation applicables aux prises d’eau souterraine potabilisable. Il ajoute que l’article 18, §§ 2 et 3, du décret du 12 novembre 2021 prévoit un délai, limité dans le temps, pour la mise en conformité. Enfin, il observe que les conditions d’exploitation générales et sectorielles applicables aux prises d’eau potabilisable et aux prises d’eau non potabilisable sont identiques.
A.4.3. En ce qui concerne la recevabilité des moyens en ce qu’ils sont dirigés contre l’intégralité du décret du 12 novembre 2021, la partie requérante répond de la même manière que pour le premier moyen.
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En ce qui concerne le fond, elle fait valoir que la santé des consommateurs serait gravement mise en danger si le raisonnement du Gouvernement wallon était suivi. Elle souligne que seul un permis pour une prise d’eau potabilisable impose des obligations strictes en vertu des articles D.180 à D.193 et R.252 à R.270 du Code de l’eau et des annexes XXXI à XXXIV du même Code. Or, elle observe que le décret du 12 novembre 2021 ne modifie pas les conditions contenues dans le permis du carrier, de sorte que ce permis n’impose aucune des obligations indispensables pour garantir la qualité de l’eau destinée à la consommation humaine.
A.4.4. Le Gouvernement wallon réplique que les carriers qui entendent valoriser l’eau d’exhaure sont soumis à toutes les obligations applicables aux prises d’eau potabilisable. Selon lui, le décret du 12 novembre 2021
renforce les obligations des carriers.
Seconde branche du deuxième moyen
A.5.1. La partie requérante prend un deuxième moyen, seconde branche, de la violation, par le décret du 12 novembre 2021, en particulier par son article 1er, 4°, des articles 10, 11 et 172 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles D.2, 39° et 42°, D.259 et D.260 du Code de l’eau. Elle fait grief à la disposition attaquée d’exempter l’exploitant d’une carrière qui capte de l’eau d’exhaure valorisable des obligations et taxes liées au déversement des eaux usées industrielles.
Selon elle, la disposition attaquée fait naître une différence de traitement entre deux catégories de personnes comparables : d’une part, les carriers qui captent de l’eau d’exhaure valorisable et, d’autre part, les autres personnes qui, dans le cadre de l’exploitation de leur industrie, captent de l’eau qui pourrait aussi être valorisée.
Elle observe que les eaux captées par les carriers, qui étaient auparavant qualifiées d’eaux usées industrielles, changent radicalement de statut. Selon elle, la disposition attaquée, en ce qu’elle qualifie l’eau d’exhaure valorisable d’eau potabilisable ou destinée à la consommation humaine, exempte le carrier des obligations et charges financières liées au déversement des eaux usées industrielles. Elle estime que la différence de traitement ne fait l’objet d’aucune justification objective et raisonnable. Selon elle, si l’objectif du législateur décrétal était d’encourager la valorisation des eaux usées industrielles, cet objectif aurait été utilement atteint par l’instauration d’un cadre juridique pour toutes les eaux usées industrielles et non pour les seuls exploitants de carrière.
A.5.2. En ce qui concerne la recevabilité, le Gouvernement wallon fait valoir que les développements de la branche du moyen concernent uniquement l’article 1er, 4°, du décret du 12 novembre 2021 et que cette branche est dès lors irrecevable en ce qu’elle est dirigée contre les autres dispositions du décret.
En ce qui concerne le fond, il soutient qu’il est inexact d’affirmer que l’eau d’exhaure, valorisable ou non, était auparavant qualifiée d’eau usée industrielle. Il se réfère à cet égard à l’arrêt du Conseil d’État n° 244.656, précité. Il ajoute que l’eau d’exhaure valorisable ne répond pas à la définition d’eau usée industrielle et qu’elle ne fait pas l’objet d’un déversement visé à l’article D.259 du Code de l’eau. En ce qui concerne les exploitants de prises d’eau potabilisable autres que les carriers, il souligne que ceux-ci peuvent aussi valoriser leur eau en la cédant à un producteur public. En ce qui concerne les exploitants de prises d’eau non potabilisable, il observe que ceux-ci ne sont tenus au paiement de la taxe sur le déversement des eaux usées industrielles que s’ils procèdent effectivement à un tel déversement, ce qui n’est pas nécessairement le cas. Enfin, il relève que les eaux exhaurées que le carrier utilise pour son exploitation, qui répondent à la définition d’eaux usées industrielles (eau de lavage, eau de sciage, etc.) et qui sont effectivement déversées aux égouts, donnent lieu à l’application de la taxe sur le déversement des eaux usées industrielles. Il en conclut que le décret du 12 novembre 2021 n’a aucune incidence sur le régime fiscal applicable au déversement des eaux usées industrielles et que la branche du moyen repose sur des prémisses erronées.
A.5.3. En ce qui concerne la recevabilité des moyens en ce qu’ils sont dirigés contre l’intégralité du décret du 12 novembre 2021, la partie requérante répond de la même manière que pour le premier moyen.
En ce qui concerne le fond, elle observe qu’il ressort de l’avis de la Direction des eaux de surface mentionné dans le permis unique du 12 octobre 2017 que l’eau provenant des essais de pompage effectués par le carrier est de l’eau d’exhaure industrielle. Elle souligne qu’à la différence des carriers, les autres exploitants industriels qui
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souhaitent céder à un producteur public leurs eaux usées industrielles ne bénéficient pas de la possibilité légale de qualifier celles-ci d’eaux potabilisables et d’être ainsi exemptés de la taxe sur le déversement des eaux usées industrielles. Elle ajoute que, même si c’était le cas, ces autres exploitants industriels ne bénéficieraient pas du régime contributif favorable applicable aux carriers et elle renvoie à cet égard au premier moyen.
En ce qui concerne le troisième moyen
A.6.1. La partie requérante prend un troisième moyen de la violation, par le décret du 12 novembre 2021, en particulier par son article 18, des articles 10, 11 et 13 de la Constitution, lus en combinaison avec le principe de la séparation des pouvoirs, avec l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et avec l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Elle fait grief à la disposition attaquée d’opérer une validation législative qui n’est pas fondée sur des motifs impérieux d’intérêt général.
La partie requérante fait valoir que le décret du 12 novembre 2021 présente les quatre caractéristiques d’une validation législative. Premièrement, elle souligne qu’il émane d’un législateur au sens large. Deuxièmement, selon elle, le décret du 12 novembre 2021 vide de leur substance les deux recours en annulation pendants devant le Conseil d’État, dès lors qu’il répond aux deux points soulevés par l’arrêt de suspension du Conseil d’État.
Troisièmement, toujours selon elle, le décret du 12 novembre 2021 est rétroactif, dès lors qu’en prévoyant que les permis octroyés aux carriers pour des prises d’eau non potabilisable et non destinée à la consommation humaine tiennent lieu de permis pour des prises d’eau potabilisable, il attache à ces permis des effets nouveaux qui n’étaient pas prévus lors de la délivrance de ceux-ci. Elle ajoute que, même à supposer que le décret du 12 novembre 2021
ne soit pas rétroactif, ce décret a pour objet de maintenir les effets des permis pourtant suspendus par le Conseil d’État. Quatrièmement, elle fait valoir que le décret du 12 novembre 2021 couvre les deux illégalités constatées par le Conseil d’État, lequel a considéré qu’un projet de valorisation d’eau d’exhaure requiert un permis pour une prise d’eau potabilisable ou destinée à la consommation humaine et que la demande d’un tel permis doit être précédée du dépôt d’un projet de délimitation d’une zone de prévention.
Ensuite, la partie requérante expose qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour et de celle de la Cour européenne des droits de l’homme que seules des circonstances exceptionnelles ou des motifs impérieux d’intérêt général peuvent justifier une validation législative. Selon elle, la disposition attaquée fait naître une différence de traitement entre les citoyens que la validation législative prive de la garantie d’un recours juridictionnel et les citoyens qui bénéficient potentiellement de cette garantie. Elle fait valoir que la disposition attaquée n’est justifiée ni par un motif impérieux d’intérêt général ni par des circonstances exceptionnelles. Elle observe qu’avant l’entrée en vigueur du décret du 12 novembre 2021, il était déjà possible de valoriser l’eau d’exhaure. Se référant aux deux premiers moyens, elle soutient que le véritable objectif de ce décret n’est pas de valoriser les eaux d’exhaure mais de faire bénéficier les carriers d’exemptions de taxes et de conditions plus favorables pour le rejet des eaux d’exhaure. Enfin, elle souligne que le décret du 12 novembre 2021 a une incidence sur des procédures juridictionnelles pendantes.
A.6.2. En ce qui concerne la recevabilité, le Gouvernement wallon fait valoir que les développements de la branche du moyen concernent uniquement l’article 18 du décret du 12 novembre 2021 et que cette branche est dès lors irrecevable en ce qu’elle est dirigée contre les autres dispositions du décret. Par ailleurs, si, dans le courant de la présente procédure, le Conseil d’État statuait dans l’affaire qui a donné lieu à son arrêt n° 241.200 précité, le Gouvernement wallon estime que cela pourrait avoir une incidence sur la recevabilité du moyen.
En ce qui concerne le fond, le Gouvernement wallon commence par trois considérations préalables : (1) il se réfère à ses développements relatifs à l’absence d’intérêt au recours, (2) il rappelle que seul le permis unique du 12 octobre 2017 a été suspendu par le Conseil d’État et (3) il soutient que le décret du 12 novembre 2021 n’a jamais eu pour objet de valider un quelconque permis. Ensuite, il fait valoir qu’il ressort des articles 18, § 1er, et 20 du décret du 12 novembre 2021 ainsi que des travaux préparatoires que c’est uniquement à dater du 1er janvier 2022 que les permis pour une prise d’eau souterraine non potabilisable et non destinée à la consommation humaine
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dont tout ou partie des volumes d’eau d’exhaure prélevés sont valorisés en vue d’être distribués par le réseau public de distribution d’eau tiennent lieu de permis de prises d’eau souterraine potabilisable ou destinée à la consommation humaine. De plus, il soutient que la disposition attaquée a une incidence, non pas sur le permis à proprement parler, mais sur l’activité : elle permet qu’une activité qui n’est pas autorisée par le permis puisse l’être à l’avenir, sur la base de ce permis et moyennant des conditions déterminées. À titre subsidiaire, à supposer que la disposition attaquée soit considérée comme rétroactive, il fait valoir qu’elle est justifiée par un motif impérieux d’intérêt général, à savoir l’approvisionnement en eau de la population. Selon lui, dès lors qu’environ 9 millions de mètres cubes d’eau d’exhaure sont valorisés annuellement, l’arrêt de cette valorisation aurait engendré d’incontestables difficultés d’approvisionnement.
A.6.3. En ce qui concerne la recevabilité des moyens en ce qu’ils sont dirigés contre le décret du 12 novembre 2021 dans son intégralité, la partie requérante répond de la même manière que pour le premier moyen.
En ce qui concerne le fond, la partie requérante répond que, contrairement à ce que les travaux préparatoires indiquent, la disposition attaquée est rétroactive. Selon elle, cette disposition a un effet pour le passé, dès lors qu’elle purge le permis suspendu par l’arrêt du Conseil d’État n° 241.200, précité, des deux illégalités qui ont motivé sa suspension, de sorte que celles-ci ne pourront a priori plus aboutir à l’annulation du permis. Ensuite, elle souligne que, par définition, l’activité du carrier entre en concurrence avec l’approvisionnement en eau. Selon elle, le décret du 12 novembre 2021 organise un régime favorable aux carriers et n’est pas cohérent avec l’objectif d’approvisionnement durable en eau.
A.6.4. Le Gouvernement wallon réplique que la disposition attaquée ne répond pas à la notion de validation législative, dès lors qu’elle n’a ni pour objet ni pour effet de couvrir une illégalité pour le passé. Ensuite, il fait valoir que, dès lors qu’une carrière est exploitée, la valorisation des eaux d’exhaure contribue à l’objectif d’approvisionnement en eau de la population. Selon lui, la partie requérante souhaite étendre le débat à la question de la légitimité même d’exploiter des carrières, ce qui n’est pas le débat en l’espèce. Se référant à l’arrêt de la Cour n° 131/2010 du 18 novembre 2010 (ECLI:BE:GHCC:2010:ARR.131), il fait valoir que, même à supposer que la disposition attaquée procède à une validation législative, le moyen n’est pas fondé.
En ce qui concerne le quatrième moyen
A.7.1. La partie requérante prend un quatrième moyen de la violation, par le décret du 12 novembre 2021, en particulier ses articles 1er, 4, 6, 7, 8 et 18, des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 107 et 108 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (ci-après : le TFUE). Elle fait grief aux dispositions attaquées d’exécuter une mesure d’aide d’État sans que celle-ci ait préalablement été notifiée à la Commission européenne.
La partie requérante fait valoir que les quatre conditions cumulatives pour conclure à la qualification d’aide d’État sont remplies en l’espèce. Premièrement, elle soutient que l’aide concernée est imputable à l’État - cette notion incluant les entités fédérées - et qu’elle est accordée au moyen de ressources d’État. À cet égard, elle souligne que le décret du 12 novembre 2021 prévoit un système permettant aux carriers de se débarrasser gratuitement des eaux d’exhaure pour lesquelles ils doivent en principe payer des taxes de déversement, de bénéficier d’un permis pour une prise d’eau potabilisable ou destinée à la consommation humaine, d’être exemptés des responsabilités liées à la qualité de producteur et de bénéficier d’un régime fiscal allégé. Elle souligne que cela aboutit, d’une part, à faire peser sur la personne morale de droit public l’ensemble des charges liées à la production et au traitement de l’eau et, d’autre part, à amputer l’État d’une partie de ses ressources fiscales. Deuxièmement, elle fait valoir que le système décrit ci-dessus confère, sans aucune contrepartie, un avantage économique objectif au bénéfice des seuls carriers. Troisièmement, selon elle, l’avantage est sélectif, dès lors qu’il est octroyé aux seuls carriers. Quatrièmement, en ce qui concerne la condition selon laquelle la mesure doit fausser ou menacer de fausser la concurrence et être de nature à affecter les échanges entre États membres, elle observe que les carriers concernés se voient octroyer un avantage concurrentiel par rapport à leurs concurrents belges et étrangers.
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Selon la partie requérante, dès lors que l’aide d’État prévue par le décret du 12 novembre 2021 n’a pas été notifiée à la Commission européenne et que la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 3, du TFUE n’a donc pas été respectée, ce décret n’est pas compatible avec les dispositions visées au moyen.
A.7.2. En ce qui concerne la recevabilité, le Gouvernement wallon fait valoir que le moyen est irrecevable en ce qu’il ne rattache à aucune disposition du décret du 12 novembre 2021 la première aide d’État alléguée, à savoir celle qui consisterait à permettre aux carriers de se débarrasser gratuitement des eaux d’exhaure pour lesquels ils doivent en principe payer des taxes de déversement. Ensuite, il fait valoir qu’en ce qui concerne la seconde aide d’État alléguée, à savoir celle qui consisterait à faire bénéficier les carriers d’un régime fiscal allégé, seul l’article 8 du décret du 12 novembre 2021 semble visé, de sorte que le moyen est irrecevable en ce qu’il est dirigé contre les autres dispositions du décret. Enfin, il fait valoir que le moyen est obscur en ce qu’il est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, dès lors qu’il n’identifie pas les personnes auxquelles les carriers sont comparés.
En ce qui concerne le fond, le Gouvernement wallon fait valoir que le décret du 12 novembre 2021 ne constitue pas une aide d’État, dès lors que trois des quatre conditions cumulatives ne sont pas remplies.
Premièrement, il fait valoir que le critère de la sélectivité n’est pas rempli. D’une part, il rappelle que la prétendue dispense pour les carriers de payer la taxe sur le déversement des eaux usées industrielles est inexistante.
D’autre part, après avoir souligné que la taxe de prélèvement et les contributions de prélèvement sur les prises d’eau constituent le système de référence, il fait valoir, à titre principal, que la non-application de la taxe de prélèvement aux prises d’eau d’exhaure et le taux spécifique de la contribution de prélèvement applicable auxdites prises d’eau n’introduisent pas de différenciation entre les opérateurs économiques qui se trouvent dans une situation factuelle et juridique comparable au regard d’un objectif intrinsèque. Après s’être référé à sa réfutation de la seconde branche du premier moyen, il fait valoir que les mesures précitées ne dérogent pas au système de référence mais constituent elles-mêmes un système de référence distinct. Selon lui, en l’espèce, l’objectif intrinsèque est l’utilisation des eaux d’exhaure pour alimenter le réseau public de distribution tout en veillant à la protection des ressources naturelles. Il se réfère également à la communication de la Commission européenne « relative à la notion d’ ‘ aide d’État ’ visée à l’article 107, paragraphe 1, du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne » et à la jurisprudence européenne. Après s’être référé à l’article D.1 du Code de l’eau et aux travaux préparatoires du décret du 12 novembre 2021, il ajoute que la politique de l’eau en Région wallonne contribue à la politique européenne en la matière, fixée notamment par la directive 2000/60/CE et par la directive 2006/118/CE
du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 « sur la protection des eaux souterraines contre la pollution et la détérioration ». Selon lui, l’application d’un régime fiscal spécifique aux prises d’eau d’exhaure valorisable est en lien avec les objectifs européens et régionaux. À titre subsidiaire, à supposer que les mesures concernées soient considérées comme une dérogation au système de référence, le Gouvernement wallon soutient qu’elles sont justifiées par la nature et l’économie générale du système.
Deuxièmement, le Gouvernement wallon fait valoir, à titre principal, que le décret du 12 novembre 2021
n’octroie pas un avantage économique anormal aux carriers. Il se réfère à cet égard à sa réfutation du premier moyen et du deuxième moyen, seconde branche. À titre subsidiaire, il constate que la partie requérante n’étaye pas ses affirmations à cet égard.
Troisièmement, il soutient que les mesures concernées n’ont pas d’effet potentiel sur les échanges entre États membres. Tout d’abord, il observe que la partie requérante ne fournit aucun élément concret sur la situation concurrentielle des carriers belges et étrangers. Selon lui, l’activité des carriers présente une dimension locale.
Ensuite, il constate que la partie requérante raisonne au niveau des carriers et non au niveau des opérateurs du secteur de l’eau ou des autres opérateurs industriels, de sorte qu’elle confirme ainsi que les carriers se trouvent dans une situation distincte. Selon le Gouvernement wallon, dès lors que le prétendu avantage porte sur le régime fiscal des prises d’eau souterraine, c’est au regard de cette activité que doit être examinée la condition relative à l’affectation de la concurrence et des échanges entre États membres. Or, selon lui, il ressort de documents de la Commission européenne que l’activité de prise d’eau a une dimension purement locale.
Enfin, il observe que la partie requérante n’expose pas en quoi le décret du 12 novembre 2021 ne serait pas compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution.
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A.7.3. En ce qui concerne la recevabilité des moyens en ce qu’ils sont dirigés contre le décret du 12 novembre 2021 dans son intégralité, la partie requérante répond de la même manière que pour le premier moyen. Elle ajoute que, dans le quatrième moyen, les dispositions attaquées sont clairement identifiées. Par ailleurs, elle souligne que les deux catégories de personnes auxquelles les carriers sont comparées sont : (1) les autres personnes qui sont titulaires d’un permis pour une prise d’eau souterraine potabilisable ou destinée à la consommation humaine et qui doivent payer une taxe de prélèvement et une contribution de prélèvement et (2) les autres personnes qui sont titulaires d’un permis pour une prise d’eau souterraine non potabilisable et non destinée à la consommation humaine, qui doivent payer une taxe sur le déversement des eaux usées industrielles et qui ne bénéficient pas du régime favorable applicable aux carriers. Elle se réfère à cet égard aux deux premiers moyens.
En ce qui concerne le fond, la partie requérante rappelle, en premier lieu, qu’il est incohérent de soutenir que les mesures de faveur accordées aux carriers poursuivent un objectif environnemental. En deuxième lieu, elle fait valoir que le décret du 12 novembre 2021 octroie un avantage économique anormal aux seuls carriers. Elle se réfère en particulier au deuxième moyen, seconde branche. En dernier lieu, elle fait valoir que le décret du 12 novembre 2021 est de nature à fausser la concurrence, en ce qu’il permet aux carriers d’éviter de payer certaines taxes et contributions. En ce qui concerne l’affectation des échanges entre États membres, elle souligne qu’un carrier wallon peut développer son activité au-delà des frontières wallonne et belge.
A.7.4. En ce qui concerne la recevabilité, le Gouvernement wallon réplique que la partie requérante reste en défaut d’identifier les dispositions décrétales qui participeraient de la mise en œuvre de l’aide d’État alléguée.
Ensuite, il fait valoir que le moyen n’est pas étayé en ce qu’il est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution. Enfin, il se réfère à sa réfutation des deux premiers moyens.
En ce qui concerne le fond, le Gouvernement wallon rappelle, en premier lieu, que la prétendue dispense pour les carriers de payer la taxe sur le déversement des eaux usées industrielles est inexistante. En outre, il se réfère à sa réfutation du premier moyen, seconde branche. En deuxième lieu, il souligne que la non-application de la taxe de prélèvement et le taux spécifique de la contribution de prélèvement ne suffisent pas à conclure à l’existence d’un avantage économique anormal. En dernier lieu, il observe qu’il ressort de la jurisprudence européenne et des décisions de la Commission européenne que l’affectation des échanges entre États membres ne peut pas être purement hypothétique ou présumée. Selon lui, en l’espèce, la partie requérante n’établit pas comment, ni sur quel marché, la concurrence est affectée ou peut être affectée par la prétendue aide d’État, sur la base des effets prévisibles de celle-ci. Enfin, il souligne que les mesures portant sur des activités purement locales n’affectent pas les échanges entre États membres.
Quant aux dépens
A.8. La partie requérante demande que les dépens soient mis à charge de la Région wallonne.
-B-
Quant au décret attaqué et à son contexte
B.1. La partie requérante demande l’annulation totale ou partielle du décret de la Région wallonne du 12 novembre 2021 « modifiant le Livre II du Code de l’Environnement contenant le Code de l’Eau en vue d’instaurer un cadre pour la valorisation des eaux d’exhaure » (ci-
après : le décret du 12 novembre 2021).
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B.2.1. Le décret du 12 novembre 2021 a tout d’abord pour objet de fixer « un cadre juridique clair pour la valorisation des eaux d’exhaure » (Doc. parl., Parlement wallon, 2021-
2022, n° 684/1, p. 2).
L’article D.2, 36°bis, du Livre II du Code de l’Environnement constituant le Code de l’Eau (ci-après : le Code de l’eau) définit les « eaux d’exhaure » comme « les eaux évacuées par un moyen technique adéquat afin de permettre l’exploitation à sec d’une carrière ou d’une mine ».
L’article D.2, 33°, du Code de l’eau définit les « eaux destinées à la consommation humaine » comme « les eaux, soit en l’état, soit après traitement, destinées à la boisson, à la cuisson, à la préparation d’aliments, ou à d’autres usages domestiques, quelle que soit leur origine, et qu’elles soient fournies par un réseau de distribution par canalisations ou à partir d’une prise d’eau privée, d’un camion-citerne ou d’un bateau-citerne, ou fournies en bouteilles ou en conteneurs lorsqu’elles sont destinées à être utilisées à des fins non commerciales ainsi que les eaux fournies aux établissements alimentaires à partir d’un réseau de distribution avant toute manipulation ou tout traitement dans ces établissements ».
L’article D.2, 37°, du Code de l’eau définit les « eaux potabilisables » comme « toutes eaux souterraines ou de surface qui, naturellement ou après un traitement approprié physico-
chimique ou microbiologique, est destinée à être distribuée pour être bue sans danger pour la santé ».
En vertu de l’arrêté du Gouvernement wallon du 4 juillet 2002 « arrêtant la liste des projets soumis à étude d’incidences, des installations et activités classées ou des installations ou des activités présentant un risque pour le sol » (ci-après : l’arrêté du Gouvernement wallon du 4 juillet 2002), une installation pour la prise d’eau souterraine potabilisable ou destinée à la consommation humaine (rubrique 41.00.02) et une installation pour la prise d’eau souterraine non potabilisable et non destinée à la consommation humaine (rubrique 41.00.03) sont des installations classées distinctement.
Selon le législateur décrétal, la jurisprudence récente du Conseil d’État, semblant remettre en cause la pratique administrative qui s’était développée jusque-là, considère qu’un projet de valorisation des eaux d’exhaure nécessite un permis d’environnement portant non pas sur une
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prise d’eau souterraine non potabilisable et non destinée à la consommation humaine, mais sur une prise d’eau souterraine potabilisable ou destinée à la consommation humaine. Par le décret du 12 novembre 2021, le législateur décrétal entend clarifier le cadre juridique applicable à la valorisation des eaux d’exhaure. À cet égard, les travaux préparatoires indiquent :
« C’est un fait, l’eau et la pierre constituent deux ressources naturelles importantes dans le sous-sol wallon. Tant les opérateurs du secteur de l’eau que du secteur carrier reconnaissent que ces deux ressources naturelles doivent être à la fois protégées et exploitées de manière parcimonieuse et durable.
En effet, on constate que :
- d’une part, certains carriers doivent, dans le cadre de leur exploitation, rabattre la nappe aquifère pour extraire le gisement, cette eau pompée est communément dénommée ‘ eau d’exhaure ’; et
- d’autre part, des opérateurs du secteur de l’eau exploitent dans la même structure géologique des captages d’eau à des fins de distribution publique.
De ces constats, l’idée de valoriser l’eau d’exhaure a été développée et mise en place.
Partant, le processus de valorisation des eaux d’exhaure a pour objet de récupérer, partiellement, l’eau d’exhaure de la carrière, de la traiter et de l’acheminer vers le réseau public de distribution.
C’est ainsi que depuis plus de 20 ans, des projets de valorisation des eaux d’exhaure ont été développés et mis en place en étroite collaboration entre les deux secteurs avec le soutien de la Région wallonne et de l’Union européenne. En termes de chiffres, environ 9 millions de m³/an d’eaux d’exhaure (sur un total de 36 millions de m³/an d’eaux d’exhaure captées) sont actuellement mis à disposition et valorisés en eau potable par les opérateurs du secteur de l’eau.
À l’avenir, ce chiffre devrait augmenter à +/- 13 millions de m³/an par la mise en œuvre de nouveaux projets (Source : Société wallonne des eaux).
Toutefois, on observe qu’il n’existe pas de cadre juridique clairement établi pour la valorisation des eaux d’exhaure. Les seuls éléments dont disposent les acteurs actuellement sont :
- une Charte de concertation signée le 21 février 2011 entre Aquawal, Fediex et Pierres et Marbres de Wallonie, visant à favoriser la conduite simultanée des activités respectives des producteurs d’eau et de l’industrie extractive, grâce au dialogue permanent et à la concertation;
- la pratique administrative mise en place pour permettre la valorisation des eaux d’exhaure qui considère les eaux exhaurées comme ‘ non potabilisables ’;
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- des conventions qui se négocient de manière individuelle entre les carriers et les opérateurs du secteur de l’eau réglementant les droits et engagements de chacun dont notamment les participations financières (coûts d’investissements, frais d’exploitation, etc.).
Par deux arrêts rendus récemment (arrêt n° 210.200 [lire : 241.200] rendus le 3 avril 2018
et n° 244.656 du 28 mai 2019), le Conseil d’État semble, de facto, remettre en cause la pratique usuelle qui s’est développée pour valoriser les eaux d’exhaure. En effet, selon le Conseil d’État le demandeur de permis, en l’occurrence le carrier, serait, dans le cadre d’un projet de valorisation des eaux d’exhaure, tenu de solliciter un permis portant sur ‘ une prise d’eau souterraine potabilisable ou destinée à la consommation humaine ’ - cf. rubrique 41.00.02 des installations classées - pour exhaurer la carrière.
À suivre cette jurisprudence, force est de constater que la sécurité juridique des mécanismes mis en place actuellement est compromise alors que l’utilisation de l’eau d’exhaure pour alimenter le réseau public de distribution constitue un processus durable afin d’assurer une gestion parcimonieuse et efficace de la ressource en eau en Région wallonne. L’intérêt est donc réel de pouvoir pérenniser ce mécanisme. Parallèlement, la réglementation actuelle souffre de lacunes en termes de compréhension et de clarté.
Le présent projet de décret a pour objectif de proposer une intervention ciblée et non une refonte complète du Code de l’Eau permettant de sécuriser, tant pour les projets existants que pour les futurs projets, le processus de valorisation de l’eau d’exhaure. Il s’agit donc de s’inscrire dans la même philosophie et dans la continuité des mécanismes mis en place actuellement pour valoriser l’eau d’exhaure. Le projet de décret n’a pas pour objet de modifier le régime juridique mis en place pour les minéraliers, brasseurs.
[...]
Rappelons que si l’eau d’exhaure n’est pas valorisée, aucune modification n’est apportée par le présent projet de décret de sorte que l’exploitant carrier sollicitera, comme c’est déjà le cas actuellement, un permis d’environnement de prise d’eau souterraine non potabilisable et non destinée à la consommation humaine » (Doc. parl., Parlement wallon, 2021-2022, n° 684/1, p. 3).
B.2.2. L’article 1er, 4°, du décret du 12 novembre 2021 insère, à l’article D.2, 36°sexies, du Code de l’eau, la définition suivante de la notion d’« eaux d’exhaure valorisables » : « eaux d’exhaure potabilisables ou destinées à la consommation humaine cédées, directement ou indirectement, à un producteur disposant de la personnalité morale de droit public ».
Les travaux préparatoires indiquent :
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« Sont visées par cette notion les eaux d’exhaure définies à l’article D.2, 36bis, qui sont captées et ensuite cédées, directement ou indirectement, par le carrier à un producteur, disposant de la personnalité morale de droit public (Société wallonne des eaux (SWDE), intercommunales, communes, etc.). C’est l’utilisation finale de l’eau qui doit être prise en compte pour déterminer son statut juridique (eau potabilisable ou non).
Partant, il en résulte que le carrier qui souhaite céder, en tout ou en partie, de l’eau d’exhaure en vue de sa valorisation à un producteur disposant de la personnalité morale de droit public sera tenu de :
- solliciter un permis d’environnement de prise d’eau souterraine potabilisable ou destinée à la consommation humaine visée par la rubrique 41.00.02 de la liste des activités et installations classées;
- se conformer à toutes les obligations y afférentes (en ce compris, établir et introduire un projet de délimitation d’une zone de prévention ou d’une zone de surveillance conformément à la procédure, arrêtée en vertu de l’article D.172 du Code de l’Eau et définie aux articles R.157
à R.163 du Code de l’Eau) » (Doc. parl., Parlement wallon, 2021-2022, n° 684/1, p. 5).
B.2.3. L’article 18 du décret du 12 novembre 2021 règle la situation des permis d’environnement et des permis uniques qui ont été octroyés dans le cadre d’un projet de valorisation d’eaux d’exhaure avant l’entrée en vigueur du décret et qui, selon la pratique administrative de l’époque, portaient sur une prise d’eau souterraine non potabilisable et non destinée à la consommation humaine. Cet article dispose :
« § 1er. Le présent décret s’applique à la valorisation d’eau d’exhaure au jour de son entrée en vigueur.
Toutefois, les permis d’environnement et les permis uniques délivrés avant l’entrée en vigueur du présent décret pour une prise d’eau souterraine non potabilisable et non destinée à la consommation humaine dont tout ou partie des volumes d’eau d’exhaure prélevés sont valorisés en vue d’être distribués par le réseau public de distribution d’eau tiennent lieu de permis de prises d’eau souterraine potabilisable ou destinée à la consommation humaine.
§ 2. L’exploitant d’une prise d’eau autorisée visée au paragraphe 1er, alinéa 2, dispose d’un délai de trente-six mois à compter de l’entrée en vigueur du présent décret pour déposer un dossier de délimitation de zone de prévention conformément aux dispositions du Code de l’Eau arrêtées en vertu de l’article D.172, § 2, alinéa 2, du Livre II du Code de l’Environnement contenant le Code de l’Eau.
§ 3. L’exploitant d’une prise d’eau autorisée visée au paragraphe 1er, alinéa 2, dispose d’un délai de trois mois à compter de l’entrée en vigueur du présent décret pour respecter les
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mesures de protection arrêtées en vertu de l’article D.173 du Livre II du Code de l’Environnement contenant le Code de l’Eau, au sein du périmètre d’extraction autorisé par le permis ».
Les travaux préparatoires indiquent :
« Il s’agit d’une disposition transitoire relative aux permis d’environnement et aux permis uniques délivrés, avant l’entrée en vigueur du décret, pour une prise d’eau souterraine non potabilisable et non destinée à la consommation humaine dans le cadre d’un projet de valorisation des eaux d’exhaure. Cette disposition transitoire n’a pas pour objet d’opérer avec un effet rétroactif. Les dispositions s’appliqueront aux carriers au jour de l’entrée en vigueur du projet de décret.
La disposition prévoit que ces autorisations accordées avant l’entrée en vigueur du décret resteront valides jusqu’à leur terme; sans préjudice toutefois de la possibilité pour l’autorité compétente de faire application de l’article 65 du décret du 11 mars 1999 relatif au permis d’environnement. Partant, ces autorisations tiendront lieu d’autorisation de prise d’eau souterraine potabilisable ou destinée à la consommation humaine. En effet, une prise d’eau d’exhaure valorisable est une prise d’eau souterraine potabilisable ou destinée à la consommation humaine. Pour se conformer aux obligations afférentes aux prises d’eau souterraine potabilisable, il est imposé aux exploitants concernés de respecter, dans un délai maximal de trois mois à compter de l’entrée en vigueur du décret, l’ensemble des mesures de protection visées à l’article R.173 du Code de l’Eau au sein du périmètre d’extraction autorisé par le permis pour éviter toute dégradation de la ressource. L’article R.173 du Code de l’Eau prévoit en effet des mesures de protection applicables en zone de prise d’eau souterraine se trouvant dans une carrière en activité, ou lorsque la carrière est en activité et se trouve en zone de prévention.
Ensuite, les exploitants concernés disposeront d’un délai de mise en conformité pour leur permettre d’introduire une demande de délimitation de zone de prévention en se conformant à la procédure prévue aux articles R.157 à R.163 du Code de l’Eau telle que fixée par le Gouvernement en vertu de l’article D.172 du même Code. Ils disposent d’un délai maximal de 36 mois à compter de l’entrée en vigueur du décret étant entendu que dans l’hypothèse où une nouvelle demande ou une demande de renouvellement de ces autorisations est introduite avant cette date, le carrier sera tenu de procéder à l’établissement et à l’introduction du projet de délimitation de la zone de prévention dans le cadre de cette demande » (Doc. parl., Parlement wallon, 2021-2022, n° 684/1, p. 7).
B.3.1. Le décret du 12 novembre 2021 a également pour objet « de clarifier et de compléter le régime des contributions financières des principaux acteurs » (Doc. parl., Parlement wallon, 2021-2022, n° 684/1, p. 2). À cet égard, les travaux préparatoires indiquent :
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« Le projet de décret a également pour objet de clarifier et de compléter le régime des contributions financières des principaux acteurs en précisant explicitement les obligations qui incombent d’une part, au producteur et, d’autre part, au distributeur. Les obligations du carrier demeurent identiques dès lors que le régime taxatoire existant ne sera pas modifié. Un régime spécifique trouvera désormais à s’appliquer à toutes les prises d’eau d’exhaure (tant aux prises d’eau souterraine non potabilisable et non destinée à la consommation humaine qu’aux prises d’eau potabilisable ou destinées à la consommation humaine). La charge financière pour le carrier reste donc inchangée » (ibid., p. 3).
B.3.2. L’article 1er, 3°, du décret du 12 novembre 2021 remplace, à l’article D.2, 28°, du Code de l’eau, la définition de la notion de « distributeur » par la définition suivante :
« exploitant du réseau public de distribution d’eau ».
B.3.3. L’article 1er, 5°, du décret du 12 novembre 2021 insère, à l’article D.2, 69°bis, du Code de l’eau, la définition suivante de la notion de « producteur » :
« toute personne morale ou physique qui capte dans le milieu naturel de l’eau potabilisable ou destinée à la consommation humaine, ou qui l’acquiert en gros, à la condition que cette eau alimente un réseau public de distribution.
Par dérogation à l’alinéa 1er, l’exploitant d’une carrière n’a pas la qualité de producteur pour l’eau d’exhaure valorisable qu’il capte; ».
Les travaux préparatoires indiquent :
« Cette définition est ajoutée à l’article D.2 du Code de l’Eau afin de supprimer le lien automatique qui existe actuellement à l’article D.254 du Code de l’Eau entre, d’une part, le titulaire d’une prise d’eau souterraine potabilisable et, d’autre part, le producteur d’eau potabilisable.
Cette définition permet de couvrir l’ensemble des hypothèses rencontrées dans la pratique;
du cas le plus fréquent où un distributeur exerce lui-même l’activité de production pour tout ou partie de l’eau qu’il distribue aux cas les plus complexes où se succèdent plusieurs producteurs dans la chaîne de production (achats/ventes d’eau entre producteurs). En toute hypothèse, la notion de producteur implique que tant l’eau captée que l’eau achetée alimentent en bout de chaine un réseau public de distribution.
Pour l’application de la présente définition, les volumes d’eau distribués par un réseau public de distribution d’eau en dehors du territoire de la Région wallonne sont également visés.
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L’alinéa 2 de cette définition précise clairement que dans l’hypothèse de la valorisation de l’eau d’exhaure, l’exploitant d’une carrière n’a pas la qualité de producteur pour l’eau d’exhaure qu’il capte et qui est destinée à la consommation humaine. Pour l’application de la présente disposition, la notion de ‘ carrière ‘ fait référence à la notion définie à l’article 1er du décret du 4 juillet 2002 sur les carrières et modifiant certaines dispositions du décret du 11 mars 1999
relatif au permis d’environnement » (Doc. parl., Parlement wallon, 2021-2022, n° 684/1, p. 5).
B.3.4. Dans la sous-section 1re (« Prises d’eau potabilisable ») de la section 2 (« Taxe et contribution sur les prises d’eau ») du chapitre II du titre II de la partie III du Code de l’eau, l’article 4 du décret du 12 novembre 2021 remplace l’intégralité du texte de l’article D.254 du Code de l’eau par le texte suivant :
« § 1er. Tout exploitant d’une prise d’eau potabilisable sur le territoire de la Région wallonne contribue au financement des mesures de protection de l’eau potabilisable proportionnellement aux volumes d’eau produits.
§ 2. Lorsque l’eau produite alimente un réseau public de distribution, le producteur captant cette eau :
1° soit conclut un contrat de service de protection de l’eau potabilisable avec la S.P.G.E.;
2° soit paye une taxe de prélèvement.
Lorsque l’eau produite n’alimente pas un réseau public de distribution, l’exploitant est tenu de payer une taxe de prélèvement.
Le montant de la taxe de prélèvement est fixé à 0,0829 euro le mètre cube d’eau produit au cours de l’année de prélèvement.
Le producteur est dispensé de son obligation pour un volume d’eau déterminé si, pour ce volume, un autre producteur assume cette obligation.
§ 3. Tout exploitant d’une prise d’eau potabilisable est en outre tenu de payer une contribution annuelle de prélèvement sur les volumes d’eau produits au départ de cette prise d’eau, dont le montant est fixé à 0,0829 euro le mètre cube d’eau produit au cours de l’année de prélèvement.
§ 4. Pour l’application du présent article, ne constituent pas des volumes d’eau produits :
1° les volumes d’eau pompés par les organismes d’assainissement dans le cadre de leur mission de démergement, à l’exception des volumes qu’ils vendent à un producteur ou qu’ils distribuent par le réseau public;
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2° les volumes d’eau captés dans le cadre de pompages d’essai d’une durée n’excédant pas deux mois;
3° les eaux d’exhaure, en ce compris les eaux d’exhaure valorisables;
4° les volumes d’eau rejetés dans le milieu naturel ou à l’égout, en ce compris les eaux non conformes, les eaux de lavage, de débordement, de trop-plein, de vidange, ou d’exhaure ».
L’article D.2, 18°, du Code de l’eau, tel qu’il a été modifié par l’article 1er, 2°, du décret du 12 novembre 2021, définit le « contrat de service de protection de l’eau potabilisable », auquel il est fait référence à l’article D.254, § 2, alinéa 1er, 1°, du Code de l’eau, comme la « convention conclue entre un producteur et la Société publique de gestion de l’eau, au terme de laquelle cette dernière fait assurer, contre une rémunération, la protection des eaux potabilisables, telle que déterminée dans les programmes visés à l’article D288, § 2, alinéa 2 ».
Les travaux préparatoires indiquent :
« À la section 2 du chapitre II du Titre II relatif au financement de la gestion du cycle anthropique de l’eau, l’article D.254 est réécrit afin de clairement distinguer premièrement les obligations incombant, d’une part, au producteur et, d’autre part, au distributeur, et deuxièmement les obligations relatives au volet protection de l’eau potabilisable d’une part (article D.254) et relatives au volet assainissement des eaux usées d’autre part (article D.255).
Le paragraphe 1er énonce le principe général.
Le paragraphe 2 distingue le cas où l’eau captée alimente in fine un réseau public de distribution du cas dans lequel l’eau captée n’alimente pas in fine un réseau public de distribution.
Dans le premier cas, l’exploitant répond à la définition du producteur, énoncée désormais à l’article D.2, 69bis. Il est soumis à une alternative :
- soit il conclut avec la S.P.G.E. un contrat de service de protection de l’eau potabilisable;
- soit il paye une taxe de prélèvement.
Dans le second cas, il s’agit d’un autre exploitant de prise d’eau potabilisable (conditionnement d’eau minérale ou de boisson rafraîchissante, de bière, de cidre, de vin de fruits ou d’autres boissons fermentées, etc.). Il a l’obligation de payer la taxe de prélèvement.
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Le dispositif existant, qui ne distingue pas ces deux cas, présente un hiatus puisqu’un exploitant de prise d’eau potabilisable qui n’alimente pas in fine le réseau public de distribution n’est pas en mesure de conclure un contrat de service de protection de l’eau potabilisable avec la S.P.G.E. (voir définition du contrat de service de protection de l’eau potabilisable à l’article D.2, 18° ainsi que l’article D.332, § 2).
L’alinéa 3 fixe le taux et la base de taxation de la taxe de prélèvement. Cette disposition n’a pas pour effet de modifier le régime de taxation actuellement en vigueur pour les prises d’eau potabilisable. Le cours des différentes indexations intervenues depuis la fixation du taux en 2015 par le décret-programme du 12 décembre 2014 portant des mesures diverses liées au budget en matière de calamité naturelle, de sécurité routière, de travaux publics, d’énergie, de logement, d’environnement, d’aménagement du territoire, de bien-être animal, d’agriculture et de fiscalité, n’est pas interrompu.
Le paragraphe 3 reprend le dispositif instituant la contribution de prélèvement sur les prises d’eau potabilisable.
Le paragraphe 4 énonce les exceptions communes aux obligations de l’article D.254
(notion de ‘ volumes produits ’). Par rapport au dispositif ancien, les eaux d’exhaure y sont reprises puisque, contrairement à ce qui était considéré anciennement, les prises d’eau d’exhaure peuvent être des prises d’eau potabilisable, mais elles ont leur propre régime fiscal.
De plus, sont exclus les volumes rejetés, conformément à ce qui est pratiqué tant au niveau de la fiscalité wallonne que de l’application du contrat de service de protection de l’eau potabilisable » (Doc. parl., Parlement wallon, 2021-2022, n° 684/1, pp. 5-6).
B.3.5. Dans la même sous-section 1re (« Prises d’eau potabilisable ») de la même section 2 (« Taxe et contribution sur les prises d’eau »), l’article 5 du décret du 12 novembre 2021 remplace l’intégralité du texte de l’article D.255 du Code de l’eau. Cette disposition, qui concernait auparavant, entre autres, la taxe de prélèvement et la contribution annuelle de prélèvement qui sont désormais régies par l’article D.254 du même Code, porte dorénavant uniquement sur les obligations du distributeur.
L’article D.255 du Code de l’eau, tel qu’il a été remplacé par l’article 5 du décret du 12 novembre 2021, dispose :
« Tout distributeur contribue au financement de l’assainissement des eaux usées proportionnellement au volume d’eau qu’il distribue en Région wallonne. Le volume d’eau distribué est calculé sur la base du volume facturé aux consommateurs.
Pour ce faire, le distributeur :
1° soit conclut un contrat de service d’assainissement avec la S.P.G.E.;
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2° soit réalise lui-même l’assainissement collectif des eaux usées ainsi que la gestion publique de l’assainissement autonome des eaux usées, correspondant au volume d’eau qu’il distribue sur le territoire de la Région wallonne.
Le distributeur est dispensé de son obligation pour les volumes d’eau qu’il distribue en Région wallonne pour lesquels un coût d’assainissement industriel est versé à la S.P.G.E. sur base d’un contrat d’assainissement industriel ».
L’article D.2, 16°, du Code de l’eau, tel qu’il a été remplacé par l’article 1er, 1°, du décret du 12 novembre 2021, définit le « contrat de service d’assainissement », auquel il est fait référence à l’article D.255, alinéa 2, 1°, du Code de l’eau, comme étant la « convention conclue entre un distributeur et la Société publique de gestion de l’eau au terme de laquelle le distributeur loue les services de la Société pour réaliser, selon une planification déterminée, l’assainissement collectif et la gestion publique de l’assainissement autonome d’un volume d’eau correspondant au volume d’eau qu’il distribue en Région wallonne ». L’article 19 du décret du 12 novembre 2021 contient une disposition transitoire pour les contrats de service d’assainissement conclus avant l’entrée en vigueur du décret.
B.3.6. Dans la sous-section 2 (« Prises d’eau souterraine non potabilisable ») de la même section 2 (« Taxe et contribution sur les prises d’eau »), l’article 6 du décret du 12 novembre 2021 apporte les modifications suivantes à l’article D.256 du Code de l’eau : (1) l’article 6, 1°, abroge l’ancien paragraphe 1er de l’article D.256 du Code de l’eau, qui concernait la contribution annuelle de prélèvement applicable aux prises d’eau d’exhaure; (2) l’article 6, 4°, ajoute les prises d’eau d’exhaure à la liste des prises d’eau souterraine qui ne sont pas soumises à la contribution annuelle de prélèvement visée à l’article D.256 du Code de l’eau; et (3) l’article 6, 2° et 3°, apporte des modifications formelles liées aux deux modifications précitées.
L’article D.256 du Code de l’eau, tel qu’il a été modifié par l’article 6 du décret du 12 novembre 2021, dispose :
« § 1er. Les prises d’eau souterraine non potabilisable, à l’exception des prélèvements qui n’atteignent pas 3.000 mètres cubes, sont soumises à une contribution de prélèvement annuelle dont le montant est fixé comme suit :
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1° sur la tranche de 0 à 20 000 mètres cubes d’eau : 0,03 euro par mètre cube d’eau prélevé;
2° sur la tranche de 20 001 à 100 000 mètres cubes d’eau : 0,06 euro par mètre cube d’eau prélevé;
3° sur la tranche supérieure à 100 000 mètres cubes d’eau : 0,09 euro par mètre cube d’eau prélevé.
§ 2. Ne sont pas soumises à une contribution de prélèvement visée au paragraphe 1er les prises d’eau souterraine suivantes :
1° les pompages effectués par les organismes d’assainissement dans le cadre de leur mission de démergement, à l’exception du volume d’eau qu’ils vendent ou qu’ils distribuent;
2° les pompages d’essai d’une durée n’excédant pas deux mois;
3° les pompages temporaires réalisés à l’occasion de travaux de génie civil publics ou privés;
4° les pompages destinés à protéger des biens, à l’exception des pompages effectués à des fins industrielles ou lucratives;
5° les pompages d’eau géothermale destinés au chauffage collectif d’habitations ou de bâtiments publics;
6° les prises d’eau d’exhaure ».
À la suite de l’indexation prévue à l’article D.330-1 du Code de l’eau, les taux de la contribution de prélèvement annuelle applicable aux prises d’eau souterraine non potabilisable sont, pour la période imposable 2021, de respectivement 0,0329, 0,0658 et 0,0987 (Tableau des taux des taxes eau adaptés en fonction des fluctuations de l’indice des prix à la consommation, conformément à l’article D.330-1 du Code de l’Eau, Moniteur belge, 24 décembre 2020, p. 94355).
B.3.7. Dans la nouvelle sous-section 2/1 (« Prises d’eau d’exhaure »), insérée par l’article 7 du décret du 12 novembre 2021, de la même section 2 (« Taxe et contribution sur les prises d’eau »), l’article 8 dudit décret insère un article D.256/1, qui dispose :
« Les prises d’eau d’exhaure sont soumises annuellement à une contribution de prélèvement fixée à 0,0407 euro par mètre cube d’eau d’exhaure portant sur les volumes d’eau souterraine ».
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Les travaux préparatoires indiquent :
« Il est créé une sous-section 3 [lire : sous-section 2/1] ‘ Prises d’eau d’exhaure ’ dans le but de créer un régime spécifique dédié uniquement aux prises d’eau d’exhaure.
Au sein de cette nouvelle sous-section, il est inséré un nouvel article D.256bis [lire :
D.256/1].
Cette disposition s’applique à toutes les prises d’eau d’exhaure souterraine potabilisable ou non.
Cette disposition précise le montant de la contribution de prélèvement, lequel était déjà repris à l’article D.256, § 1er, dudit Code. Ce régime taxatoire est identique pour toutes les prises d’eau d’exhaure de sorte que la charge financière pour le carrier reste donc inchangée.
Ainsi, lors de la valorisation des eaux d’exhaure, l’exploitant de la prise d’eau d’exhaure valorisable sera soumis à la contribution de prélèvement conformément à la présente disposition » (Doc. parl., Parlement wallon, 2021-2022, n° 684/1, p. 6).
B.3.8. En vertu de l’article 20, alinéa 2, du décret du 12 novembre 2021, les taux de taxation prévus à l’article D.254 du Code de l’eau, tel qu’il a été remplacé par l’article 4 dudit décret, et à l’article D.256/1 du Code de l’eau, tel qu’il a été inséré par l’article 8 dudit décret, sont applicables pour les prélèvements effectués durant la période imposable 2021. Pour les périodes imposables ultérieures, ces taux sont indexés conformément à l’article D.330-1 du Code de l’eau.
B.3.9. Enfin, les articles 2, 3, 9, 11, 12, 13, 14, 15, 16 et 17 du décret du 12 novembre 2021
apportent à la réglementation plusieurs modifications liées à ce qui précède.
B.4. En vertu de son article 20, alinéa 1er, le décret du 12 novembre 2021 entre en vigueur le 1er janvier 2022.
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Quant à l’étendue du recours
B.5.1. Le Gouvernement wallon fait valoir que les moyens sont irrecevables en ce qu’ils sont dirigés contre des dispositions du décret du 12 novembre 2021 autres que celles contre lesquelles des griefs sont développés.
B.5.2. La Cour détermine l’étendue du recours en annulation en fonction du contenu de la requête et en particulier sur la base de l’exposé des moyens. La Cour limite son examen aux dispositions contre lesquelles des griefs sont effectivement dirigés. La Cour peut uniquement annuler ces dispositions et, le cas échéant, des dispositions qui sont indissociablement liées aux dispositions qui doivent être annulées.
B.5.3. Il ressort de l’exposé des moyens que les griefs formulés par la partie requérante sont dirigés contre les articles 1er, 4° et 5°, 4, 6, 7, 8 et 18 du décret du 12 novembre 2021.
La Cour limite son examen à ces dispositions.
Toutefois, si la Cour juge un ou plusieurs moyens fondés, d’autres dispositions du décret du 12 novembre 2021 pourraient être annulées si elles se révélaient indissociablement liées aux dispositions précitées.
Quant à l’intérêt
B.6. La Constitution et la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle imposent à toute personne physique ou morale qui introduit un recours en annulation de justifier d’un intérêt. Ne justifient de l’intérêt requis que les personnes dont la situation pourrait être affectée directement et défavorablement par la norme attaquée.
B.7. Le Gouvernement wallon conteste, à plusieurs égards, l’intérêt au recours de la partie requérante.
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B.8.1. Le Gouvernement wallon fait valoir que le décret du 12 novembre 2021, en particulier son article 18, n’a pas d’incidence sur les deux affaires pendantes devant le Conseil d’État qui ont été introduites par la partie requérante et qui, dans le cadre des demandes de suspension, ont donné lieu aux arrêts n° 241.200 du 3 avril 2018 et n° 244.656 du 28 mai 2019.
B.8.2. L’exception d’irrecevabilité étant liée à la portée des dispositions attaquées, et en particulier de l’article 18 du décret du 12 novembre 2021, l’examen de cette exception se confond avec celui du fond de l’affaire.
B.9.1. Le Gouvernement wallon fait également valoir que la partie requérante n’identifie pas les effets liés à la qualité de producteur, au sens de l’article D.2, 69°bis, du Code de l’eau, dont l’annulation pourrait lui être favorable.
B.9.2. Pour que la partie requérante justifie de l’intérêt requis, il n’est pas nécessaire qu’une éventuelle annulation lui procure un avantage direct. La circonstance qu’elle obtiendrait une nouvelle chance de voir sa situation réglée plus favorablement à la suite de l’annulation du décret attaqué suffit à justifier son intérêt à attaquer celui-ci.
B.9.3. La partie requérante exploite une prise d’eau souterraine potabilisable ou destinée à la consommation humaine (captage de l’eau de la source dénommée « Tridaine »), une partie de cette eau alimentant le réseau public de distribution à Rochefort et une autre partie de cette eau étant utilisée par la partie requérante elle-même.
Il s’ensuit que la partie requérante a la qualité de producteur au sens de l’article D.2, 69°bis, du Code de l’eau, tel qu’il a été inséré par l’article 1er, 5°, du décret du 12 novembre 2021.
Il s’ensuit aussi que la partie requérante est soumise au régime contributif qui est prévu à l’article D.254 du Code de l’eau, tel qu’il a été remplacé par l’article 4 du décret du 12 novembre 2021.
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La partie requérante a donc un intérêt à demander l’annulation des dispositions qui exemptent l’exploitant d’une carrière de la qualité de producteur pour l’eau d’exhaure valorisable qu’il capte, et qui prévoient des régimes contributifs différents pour les prises d’eau potabilisable, les prises d’eau souterraine non potabilisable et les prises d’eau d’exhaure.
B.9.4. L’exception est rejetée.
Quant aux moyens
En ce qui concerne le premier moyen
Première branche du premier moyen
B.10. Le premier moyen, en sa première branche, est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution par l’article 1er, 4° et 5°, du décret du 12 novembre 2021.
En substance, la partie requérante fait grief aux dispositions attaquées de prévoir que le carrier qui cède de l’eau d’exhaure valorisable à un producteur public n’a pas la qualité de producteur. Ainsi, le carrier serait exempté des obligations qui sont liées à la qualité de producteur, en particulier des obligations de traitement de l’eau captée en vue de sa potabilisation, et de toutes les charges liées au respect des conditions générales, sectorielles et intégrales. Les dispositions attaquées feraient ainsi naître une différence de traitement injustifiée entre, d’une part, les carriers qui captent de l’eau d’exhaure valorisable et qui la cèdent à un producteur public pour alimenter un réseau public de distribution et, d’autre part, les autres personnes qui captent de l’eau valorisable et qui la cèdent à un producteur public pour alimenter un réseau public de distribution.
B.11. L’article D.2, 36°sexies, du Code de l’eau, tel qu’il a été inséré par l’article 1er, 4°, attaqué, du décret du 12 novembre 2021, définit la notion d’« eaux d’exhaure valorisables »
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comme visant les « eaux d’exhaure potabilisables ou destinées à la consommation humaine cédées, directement ou indirectement, à un producteur disposant de la personnalité morale de droit public ».
L’article D.2, 69°bis, alinéa 1er, du Code de l’eau, tel qu’il a été inséré par l’article 1er, 5°, attaqué, du décret du 12 novembre 2021, définit la notion de « producteur » comme visant « toute personne morale ou physique qui capte dans le milieu naturel de l’eau potabilisable ou destinée à la consommation humaine, ou qui l’acquiert en gros, à la condition que cette eau alimente un réseau public de distribution ». Le second alinéa de cette même disposition précise que « par dérogation à l’alinéa 1er, l’exploitant d’une carrière n’a pas la qualité de producteur pour l’eau d’exhaure valorisable qu’il capte ».
B.12.1. Contrairement à ce que la partie requérante fait valoir, il ne découle ni de l’article D.2, 69°bis, alinéa 2, précité, du Code de l’eau, ni d’une quelconque autre disposition que les carriers qui captent de l’eau d’exhaure valorisable seraient exemptés du respect des conditions environnementales générales, sectorielles et intégrales.
Les travaux préparatoires des dispositions attaquées précisent par contre que « le carrier qui souhaite céder, en tout ou en partie, de l’eau d’exhaure en vue de sa valorisation à un producteur disposant de la personnalité morale de droit public sera tenu de :
- solliciter un permis d’environnement de prise d’eau souterraine potabilisable ou destinée à la consommation humaine visée par la rubrique 41.00.02 de la liste des activités et installations classées;
- se conformer à toutes les obligations y afférentes (en ce compris, établir et introduire un projet de délimitation d’une zone de prévention ou d’une zone de surveillance conformément à la procédure, arrêtée en vertu de l’article D.172 du Code de l’Eau et définie aux articles R.157
à R.163 du Code de l’Eau) » (Doc. parl., Parlement wallon, 2021-2022, n° 684/1, p. 5).
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B.12.2. En outre, les obligations en matière de traitement de l’eau captée en vue de sa potabilisation sont en réalité liées à la qualité de « fournisseur » au sens de l’article D.2, 53°, du Code de l’eau, et non à la qualité de « producteur ». Aucune disposition n’exige que le traitement de l’eau en vue de sa potabilisation soit effectué par l’exploitant de la prise d’eau lui-même ou par le producteur.
B.13. Le premier moyen, en sa première branche, repose donc sur une prémisse erronée et n’est dès lors pas fondé.
Seconde branche du premier moyen
B.14. Le premier moyen, en sa seconde branche, est pris de la violation des articles 10, 11
et 172 de la Constitution par les articles 4, 6, 7 et 8 du décret du 12 novembre 2021.
La partie requérante fait valoir en substance que les dispositions attaquées font naître une différence de traitement entre les carriers qui captent de l’eau d’exhaure valorisable et qui la cèdent à un producteur public et les autres personnes qui captent de l’eau potabilisable ou destinée à la consommation humaine et qui la cèdent à un producteur public. Selon elle, il résulte des dispositions attaquées que lesdits carriers sont exemptés des charges financières relatives aux prises d’eau ou sont à tout le moins soumis à un régime contributif plus favorable.
Elle fait valoir que cette différence de traitement n’est pas raisonnablement justifiée.
B.15.1. Les articles 10 et 11 de la Constitution garantissent le principe d’égalité et de non-
discrimination. L’article 172 de la Constitution est une application particulière de ce principe en matière fiscale.
B.15.2. Le principe d’égalité et de non-discrimination n’exclut pas qu’une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu’elle repose sur un critère objectif et qu’elle soit raisonnablement justifiée.
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L’existence d’une telle justification doit s’apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d’égalité et de non-discrimination est violé lorsqu’il est établi qu’il n’existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.
B.16. Il appartient au législateur de déterminer les contribuables et d’établir le taux de l’impôt ainsi que les exemptions d’impôt. Il dispose en la matière d’une large marge d’appréciation. En effet, les mesures fiscales constituent un élément essentiel de la politique socioéconomique. Elles assurent non seulement une part substantielle des recettes qui doivent permettre la réalisation de cette politique, mais elles permettent également au législateur d’orienter certains comportements et d’adopter des mesures correctrices afin de donner corps à la politique sociale, économique et environnementale.
Les choix de société qui doivent être réalisés lors de la collecte et de l’affectation des ressources relèvent par conséquent du pouvoir d’appréciation du législateur. La Cour ne peut sanctionner un tel choix de politique et les motifs qui le fondent que s’ils reposent sur une erreur manifeste ou s’ils sont déraisonnables.
En outre, le législateur fiscal ne peut pas prendre en compte les particularités de chaque cas d’espèce. Il peut appréhender leur diversité de manière approximative et simplificatrice.
B.17.1. Le carrier qui capte de l’eau d’exhaure valorisable n’est pas soumis à la taxe de prélèvement ni à la contribution annuelle de prélèvement, qui s’élèvent chacune à un montant de 0,0829 euro le mètre cube d’eau produit et qui, en vertu de l’article D.254, §§ 2 et 3, du Code de l’eau, cité en B.3.4, sont dues par l’exploitant d’une prise d’eau potabilisable. Cela résulte de l’article D.254, § 4, 3°, du même Code, qui dispose que, pour l’application de l’article D.254, « les eaux d’exhaure, en ce compris les eaux d’exhaure valorisables », « ne constituent pas des volumes d’eau produits », ainsi que de l’exemption de la qualité de producteur dont ce carrier bénéficie (article D.2, 69°bis, alinéa 2, du Code de l’eau).
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Par contre, en vertu de l’article D.256/1 du Code de l’eau, cité en B.3.7, le carrier est soumis annuellement à une contribution de prélèvement fixée à 0,0407 euro par mètre cube d’eau d’exhaure portant sur les volumes d’eau souterraine. Cette contribution concerne aussi bien l’eau d’exhaure valorisable que l’eau d’exhaure non valorisable.
B.17.2. Il ressort des articles D.254, §§ 2 et 3, et D.256/1, précités, du Code de l’eau que les carriers qui captent de l’eau d’exhaure valorisable et qui la cèdent à un producteur public sont soumis à un régime contributif plus favorable que celui auquel sont soumises les personnes qui captent de l’eau potabilisable qui n’est pas de l’eau d’exhaure, et qui la cèdent à un producteur public.
B.18.1. Le Gouvernement wallon fait valoir que les catégories de personnes qui font l’objet de cette différence de traitement ne sont pas comparables.
B.18.2. Il ne faut pas confondre différence et non-comparabilité. S’il est vrai que les différences entre les carriers qui captent de l’eau d’exhaure valorisable et les autres personnes qui captent de l’eau potabilisable peuvent constituer un élément dans l’appréciation d’une différence de traitement, elles ne sauraient suffire pour conclure à la non-comparabilité, sous peine de priver de toute substance le contrôle exercé au regard du principe d’égalité et de non-
discrimination.
B.19. La différence de traitement examinée repose sur un critère de distinction objectif, à savoir le fait que l’eau potabilisable qui est cédée à un producteur public est de l’eau d’exhaure ou non.
B.20.1. Il ressort des travaux préparatoires mentionnés en B.2.1 que le législateur décrétal a voulu, par les dispositions attaquées, offrir un cadre juridique pour les mécanismes existants de traitement de l’eau d’exhaure, et pérenniser ceux-ci. Ces mécanismes ont été développés à la suite du constat que certains carriers doivent, dans le cadre de leur exploitation, pomper de l’eau souterraine et ont pour objet la récupération partielle de cette eau d’exhaure, son traitement et son acheminement vers le réseau public de distribution. Ainsi que le souligne le Gouvernement wallon, les dispositions attaquées visent donc à continuer à encourager le traitement des eaux d’exhaure.
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B.20.2. Compte tenu de cet objectif, le législateur décrétal n’a pas opéré un choix politique déraisonnable en soumettant les carriers à un régime contributif distinct qui prévoit une contribution de prélèvement inférieure aux contributions dues par les exploitants d’autres prises d’eau potabilisable. Ces derniers ne doivent en effet pas être encouragés à mettre l’eau captée à disposition en vue d’un traitement, dès lors que ce captage d’eau valorisable à des fins de distribution constitue leur activité principale, contrairement à ce qui est le cas pour les carriers, dont le captage d’eau ne constitue qu’un accessoire nécessaire à l’exploitation de la carrière.
B.20.3. Il résulte de ce qui précède que la différence de traitement examinée est raisonnablement justifiée.
B.20.4. Le premier moyen, en sa seconde branche, n’est pas fondé.
En ce qui concerne le deuxième moyen
Première branche du deuxième moyen
B.21. Le deuxième moyen, en sa première branche, est pris de la violation, par les articles 1er, 4, 6, 7, 8 et 18 du décret du 12 novembre 2021, des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 3, 4, 5 et 17 du décret de la Région wallonne du 11 mars 1999 « relatif au permis d’environnement » (ci-après : le décret du 11 mars 1999), avec l’annexe I à l’arrêté du Gouvernement wallon du 4 juillet 2002, avec les articles D.2, 33°
et 37°, D.167 à D.176bis, D.180 à D.193 et R.153 à R.160 du Code de l’eau, avec l’article 2, 37), de la directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000
« établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau » (ci-après :
la directive 2000/60/CE) et avec l’article 2, 1), de la directive (UE) 2020/2184 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2020 « relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine (refonte) » (ci-après : la directive (UE) 2020/2184).
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En substance, la partie requérante critique le fait que les permis pour une prise d’eau souterraine non potabilisable et non destinée à la consommation humaine dont les carriers captant de l’eau d’exhaure valorisable sont titulaires et qui sont antérieurs à l’entrée en vigueur du décret du 12 novembre 2021 tiennent lieu de permis pour une prise d’eau souterraine potabilisable ou destinée à la consommation humaine, et ce, sans que les conditions d’exploitation aient été modifiées pour être conformes aux dispositions visées au moyen. Selon la partie requérante, les dispositions attaquées font ainsi naître une différence de traitement entre, d’une part, les carriers qui captent de l’eau d’exhaure valorisable et qui voient leur permis pour une prise d’eau souterraine non potabilisable et non destinée à la consommation humaine tenir lieu de permis pour une prise d’eau souterraine potabilisable ou destinée à la consommation humaine et, d’autre part, les autres personnes qui captent de l’eau qui pourrait être valorisée, et qui sont titulaires d’un permis pour une prise d’eau souterraine non potabilisable et non destinée à la consommation humaine.
B.22.1. En vertu de l’article 142, alinéa 2, de la Constitution et de l’article 1er de la loi spéciale du 6 janvier 1989, la Cour est compétente pour statuer sur les recours en annulation d’une loi, d’un décret ou d’une règle visée à l’article 134 de la Constitution pour cause de violation des règles qui sont établies par la Constitution ou en vertu de celle-ci pour déterminer les compétences respectives de l’autorité fédérale, des communautés et des régions et pour cause de violation des articles du titre II (« Des Belges et de leurs droits ») et des articles 143, § 1er, 170, 172 et 191 de la Constitution.
B.22.2. La Cour n’est, en principe, pas compétente pour contrôler une disposition législative au regard d’une disposition législative ou réglementaire qui n’est pas une règle répartitrice de compétences, qu’elle soit lue en combinaison ou non avec les articles 10 et 11
de la Constitution.
B.22.3. Le deuxième moyen, en sa première branche, est irrecevable en ce qu’il est pris de la violation des articles 3, 4, 5 et 17 du décret du 11 mars 1999, de l’annexe I à l’arrêté du Gouvernement wallon du 4 juillet 2002 et des articles D.2, 33° et 37°, D.167 à D.176bis, D.180
à D.193 et R.153 à R.160 du Code de l’eau, lus en combinaison avec les articles 10 et 11 de la Constitution.
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B.23. Pour satisfaire aux exigences de l’article 6 de la loi spéciale du 6 janvier 1989, les moyens de la requête doivent faire connaître, parmi les règles dont la Cour garantit le respect, celles qui seraient violées ainsi que les dispositions qui violeraient ces règles et exposer en quoi ces règles auraient été transgressées par ces dispositions.
B.24.1. Le Gouvernement wallon fait valoir que le deuxième moyen, en sa première branche, est irrecevable en ce qu’il est dirigé contre les dispositions du décret du 12 novembre 2021 autres que l’article 18.
B.24.2. Il ressort de l’exposé de cette branche du deuxième moyen que celle-ci est uniquement dirigée contre l’article 18 du décret du 12 novembre 2021.
Le deuxième moyen, en sa première branche, n’est recevable qu’en ce qu’il est dirigé contre l’article 18 du décret du 12 novembre 2021.
B.25. La partie requérante n’expose pas en quoi l’article 18 du décret du 12 novembre 2021 violerait l’article 2, 37), de la directive 2000/60/CE et l’article 2, 1), de la directive (UE) 2020/2184.
Le deuxième moyen, en sa première branche, est irrecevable en ce qu’il est pris de la violation de ces dispositions, lues en combinaison avec les articles 10 et 11 de la Constitution.
B.26.1. Le Gouvernement wallon fait valoir que le deuxième moyen, en sa première branche, est obscur, en ce que la partie requérante n’identifie pas les conditions d’exploitation dont les carriers seraient dispensés.
B.26.2. Il ressort des mémoires du Gouvernement wallon qu’il a pu répondre adéquatement aux griefs formulés par la partie requérante dans cette branche du moyen.
B.26.3. L’exception est rejetée.
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B.27. Il ressort de ce qui précède que la Cour doit contrôler l’article 18 du décret du 12 novembre 2021 au regard du principe d’égalité et de non-discrimination garanti par les articles 10 et 11 de la Constitution.
B.28.1. Le Gouvernement wallon fait valoir que les carriers qui captent de l’eau d’exhaure valorisable et qui voient leur permis pour une prise d’eau souterraine non potabilisable et non destinée à la consommation humaine octroyé avant l’entrée en vigueur du décret du 12 novembre 2021 tenir lieu de permis pour une prise d’eau souterraine potabilisable ou destinée à la consommation humaine ne sont pas comparables aux autres personnes qui captent de l’eau qui pourrait être valorisée, et qui sont titulaires d’un permis pour une prise d’eau souterraine non potabilisable et non destinée à la consommation humaine. Le Gouvernement wallon souligne que seuls les carriers étaient concernés par la pratique administrative antérieure selon laquelle les eaux d’exhaure étaient toutes qualifiées d’eaux non potabilisables et non destinées à la consommation humaine.
B.28.2. Il ne faut pas confondre différence et non-comparabilité. S’il est vrai que la différence à laquelle le Gouvernement wallon fait référence peut constituer un élément dans l’appréciation d’une différence de traitement, elle ne saurait suffire pour conclure à la non-
comparabilité, sous peine de priver de toute substance le contrôle exercé au regard du principe d’égalité et de non-discrimination.
B.29. La différence de traitement examinée repose sur un critère de distinction objectif, à savoir le fait que le permis pour une prise d’eau souterraine non potabilisable et non destinée à la consommation humaine octroyé avant l’entrée en vigueur du décret du 12 novembre 2021
concerne ou non une prise d’eau d’exhaure dont tout ou partie des volumes d’eau prélevés sont valorisés en vue d’être distribués par le réseau public de distribution d’eau.
B.30.1. Ce critère de distinction est également pertinent au regard de l’objectif poursuivi par le législateur décrétal.
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Il ressort en effet des travaux préparatoires cités en B.2.1 que la disposition attaquée vise à remédier à l’insécurité juridique qui, à la suite de la jurisprudence du Conseil d’État ayant remis en cause la pratique administrative antérieure selon laquelle toutes les eaux d’exhaure étaient qualifiées d’eaux non potabilisables et non destinées à la consommation humaine, pouvait affecter les projets de valorisation d’eaux d’exhaure.
B.30.2. Le carrier dont le permis porte désormais, depuis l’entrée en vigueur de l’article 18
du décret du 12 novembre 2021, à savoir le 1er janvier 2022, sur une prise d’eau souterraine potabilisable ou destinée à la consommation humaine est, en principe dès cette date, soumis à l’ensemble des obligations liées à la qualité de titulaire d’un tel permis.
En ce qui concerne les conditions sectorielles, celles-ci sont identiques pour les installations pour la prise d’eau souterraine potabilisable ou destinée à la consommation humaine et pour les installations pour la prise d’eau souterraine non potabilisable et non destinée à la consommation humaine (arrêté du Gouvernement wallon du 12 février 2009
« déterminant les conditions sectorielles relatives aux installations pour la prise d’eau souterraine potabilisable ou destinée à la consommation humaine et aux installations pour la prise d’eau souterraine non potabilisable et non destinée à la consommation humaine et modifiant l’arrêté du Gouvernement wallon du 4 juillet 2002 relatif à la procédure et à diverses mesures d’exécution du décret du 11 mars 1999 relatif au permis d’environnement »).
En ce qui concerne le dépôt d’un dossier de délimitation de zone de prévention, l’article 18, § 2, du décret du 12 novembre 2021 prévoit un délai de mise en conformité de 36 mois à compter de l’entrée en vigueur du décret. Il ressort des travaux préparatoires cités en B.2.3 que les exploitants concernés disposent ainsi « d’un délai de mise en conformité pour leur permettre d’introduire une demande de délimitation de zone de prévention en se conformant à la procédure prévue aux articles R.157 à R.163 du Code de l’Eau telle que fixée par le Gouvernement en vertu de l’article D.172 du même Code », « étant entendu que dans l’hypothèse où une nouvelle demande ou une demande de renouvellement de ces autorisations est introduite avant cette date, le carrier sera tenu de procéder à l’établissement et à
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l’introduction du projet de délimitation de la zone de prévention dans le cadre de cette demande » (Doc. parl., Parlement wallon, 2021-2022, n° 684/1, p. 7). Lors des discussions en commission, la ministre compétente a précisé que le délai de 36 mois était le « délai nécessaire pour mener une étude hydrogéologique approfondie » (Doc. parl., Parlement wallon, 2021-
2022, n° 684/3, p. 5).
En ce qui concerne le respect, au sein du périmètre d’extraction autorisé, des mesures de protection prises en vertu de l’article D.173 du Code de l’eau, l’article 18, § 3, du décret du 12 novembre 2021 prévoit un délai de mise en conformité de trois mois à compter de l’entrée en vigueur du décret. Il ressort des travaux préparatoires cités en B.2.3 que cela concerne le respect de « l’ensemble des mesures de protection visées à l’article R.173 du Code de l’Eau au sein du périmètre d’extraction autorisé par le permis pour éviter toute dégradation de la ressource », cette disposition prévoyant « des mesures de protection applicables en zone de prise d’eau souterraine se trouvant dans une carrière en activité, ou lorsque la carrière est en activité et se trouve en zone de prévention » (Doc. parl., Parlement wallon, 2021-2022, n° 684/1, p. 7). Lors des discussions en commission, la ministre compétente a précisé que cela concernait « les mesures de protection à l’intérieur de la carrière, à savoir les menus travaux à prévoir dans la carrière ainsi que les évacuations externes des eaux usées » (Doc. parl., Parlement wallon, 2021-2022, n° 684/3, p. 5).
Enfin, il convient de constater, d’une part, que les obligations visées aux articles D.180 à D.193 du Code de l’eau, auxquelles la partie requérante fait référence, sont en réalité liées à la qualité de fournisseur au sens de l’article D.2, 53°, du Code l’eau. D’autre part, en ce qui concerne le traitement éventuel de l’eau auquel les définitions d’« eaux destinées à la consommation humaine » et d’« eaux potabilisables » font référence (articles D.2, 33° et 37°, du Code de l’eau, cités en B.2.1), aucune disposition n’exige que le traitement soit effectué par l’exploitant de la prise d’eau lui-même.
B.30.3. Il résulte de ce qui précède que la différence de traitement examinée est raisonnablement justifiée.
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B.31. Le deuxième moyen, en sa première branche, n’est pas fondé.
Seconde branche du deuxième moyen
B.32. Le deuxième moyen, en sa seconde branche, est pris de la violation, par l’article 1er, 4°, du décret du 12 novembre 2021, des articles 10, 11 et 172 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles D.2, 39° et 42°, D.259 et D.260 du Code de l’eau.
En substance, la partie requérante fait grief à la disposition attaquée d’exempter le carrier qui capte de l’eau d’exhaure valorisable de la taxe sur le déversement des eaux usées industrielles.
B.33. Pour les motifs mentionnés en B.22.1 et B.22.2, le deuxième moyen, en sa seconde branche, est irrecevable en ce qu’il est pris de la violation des articles D.2, 39° et 42°, D.259 et D.260 du Code de l’eau, lus en combinaison avec les articles 10, 11 et 172 de la Constitution.
B.34. La taxe sur le déversement des eaux usées industrielles est régie par les articles D.258 à D.266 du Code de l’eau.
L’article D.259, 1°, du Code de l’eau dispose :
« Sont soumises à la taxe :
1° toute personne physique ou morale, de droit public ou de droit privé, y compris les intercommunales, sauf dans le cadre de l’exercice des missions liées au statut d’organisme d’assainissement agréé, ci-après désignées ‘ entreprises ’, et qui déversent des eaux usées industrielles dans les égouts publics, dans les collecteurs d’eaux usées, dans les stations d’épuration des organismes d’assainissement ou dans les eaux de surface ou dans les eaux souterraines; ».
B.35. Sans qu’il soit nécessaire d’examiner si les eaux d’exhaure répondent à la définition d’eaux usées industrielles au sens de l’article D.2, 42°, du Code de l’eau, il suffit de constater que l’article 1er, 4°, du décret du 12 novembre 2021, qui se limite à définir la notion d’eaux
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d’exhaure valorisables, ne modifie pas le régime applicable à la taxe sur le déversement des eaux usées industrielles.
B.36. Dès lors qu’il repose sur une prémisse erronée, le deuxième moyen, en sa seconde branche, n’est pas fondé.
En ce qui concerne le troisième moyen
B.37. Le troisième moyen est pris de la violation, par l’article 18 du décret du 12 novembre 2021, des articles 10, 11 et 13 de la Constitution, lus en combinaison avec le principe de la séparation des pouvoirs, avec l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et avec l’article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
La partie requérante fait grief à la disposition attaquée d’opérer une validation législative qui n’est justifiée ni par un motif impérieux d’intérêt général ni par des circonstances exceptionnelles.
B.38. Il ressort de l’exposé du moyen que celui-ci repose intégralement sur la prémisse selon laquelle l’article 18 du décret du 12 novembre 2021 opérerait une validation législative.
B.39. La technique de la validation législative sensu stricto implique nécessairement l’adoption d’une disposition législative rétroactive.
B.40. Une règle doit être qualifiée de rétroactive si elle s’applique à des faits, actes et situations qui étaient définitivement accomplis au moment où elle est entrée en vigueur.
B.41. L’article 18 du décret du 12 novembre 2021 modifie l’installation classée qui est autorisée par les permis qu’il vise. Comme le confirment les travaux préparatoires cités en B.2.3, cette modification n’opère pas avec effet rétroactif mais à compter de la date d’entrée en vigueur du décret du 12 novembre 2021. À compter de cette date, à savoir le 1er janvier 2022,
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l’installation classée autorisée par les permis concernés est l’installation pour la prise d’eau souterraine potabilisable ou destinée à la consommation humaine (rubrique 41.00.02).
L’article 18 du décret du 12 novembre 2021 n’a donc pas d’effet rétroactif.
B.42. En outre, en l’espèce, le législateur décrétal n’a pas entendu couvrir les griefs d’illégalité qui, selon la jurisprudence récente du Conseil d’État, auraient pu affecter les permis visés par l’article 18 du décret du 12 novembre 2021, mais il a souhaité remédier à ces griefs pour l’avenir. Les permis concernés conservent leur nature d’acte administratif et peuvent encore faire l’objet d’un contrôle par le juge compétent.
B.43. Il résulte de ce qui précède que l’article 18 du décret du 12 novembre 2021 n’opère pas une validation législative.
B.44. Comme il est dit en B.38, le moyen repose intégralement sur la prémisse selon laquelle l’article 18 du décret du 12 novembre 2021 opérerait une validation législative.
Dans son moyen, la partie requérante ne soutient pas que l’article 18 du décret du 12 novembre 2021 porterait une atteinte discriminatoire au principe de la confiance légitime ou au principe de la sécurité juridique.
Dès lors qu’il repose intégralement sur une prémisse erronée, le troisième moyen n’est pas fondé.
En ce qui concerne le quatrième moyen
B.45. Le quatrième moyen est pris de la violation, par les articles 1er, 4, 6, 7, 8 et 18 du décret du 12 novembre 2021, des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 107 et 108 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
La partie requérante fait valoir qu’il résulte des dispositions attaquées que les carriers ne sont pas soumis à la taxe sur le déversement des eaux usées industrielles, qu’ils bénéficient d’un
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permis pour une prise d’eau potabilisable ou destinée à la consommation humaine, qu’ils sont exemptés des obligations liées à la qualité de producteur et qu’ils bénéficient d’un régime contributif favorable. Selon elle, les dispositions attaquées mettent ainsi en œuvre une aide d’État sans que celle-ci ait préalablement été notifiée à la Commission européenne.
B.46. La partie requérante n’expose pas en quoi le fait que les permis visés à l’article 18
du décret du 12 novembre 2021 tiennent lieu de permis pour une prise d’eau souterraine potabilisable ou destinée à la consommation humaine constituerait une aide d’État.
Le quatrième moyen est irrecevable en ce qu’il est dirigé contre l’article 18 du décret du 12 novembre 2021.
B.47. En ce que la partie requérante fait valoir que les carriers sont exemptés de la taxe sur le déversement des eaux usées industrielles et soutient que cela constitue une aide d’État, il suffit de constater, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les exceptions d’irrecevabilité soulevées par le Gouvernement wallon, que, pour les motifs mentionnés en B.34 à B.36, le grief de la partie requérante repose sur une prémisse erronée.
B.48. En ce que la partie requérante fait valoir que les carriers sont exemptés des obligations liées à la qualité de producteur, il suffit de constater que, pour les motifs mentionnés en B.12, le grief formulé par la partie requérante repose sur une prémisse erronée.
B.49. Les parties requérantes font enfin valoir que les carriers bénéficient d’un régime contributif favorable et que cela constitue une aide d’État, sans que celle-ci ait préalablement été notifiée à la Commission européenne.
B.50. Comme il est dit en B.17.2, il résulte des articles D.254, §§ 2 et 3, et D.256/1 du Code de l’eau, cités en B.3.4 et en B.3.7, que les carriers qui captent de l’eau d’exhaure valorisable et qui la cèdent à un producteur public sont soumis à un régime contributif plus
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favorable que celui auquel sont soumises les personnes qui captent de l’eau potabilisable qui n’est pas de l’eau d’exhaure, et qui la cèdent à un producteur public.
La Cour doit vérifier si ce régime contributif plus favorable doit être considéré comme une aide d’État nouvelle et si, dans l’affirmative, celle-ci devait être notifiée à la Commission avant d’être mise à exécution.
B.51.1. L’article 107, paragraphe 1, du TFUE prohibe, en principe, les aides accordées aux entreprises par les États, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres.
B.51.2. Pour qu’une mesure puisse être qualifiée d’aide d’État, quatre conditions cumulatives doivent être remplies. « Premièrement, il doit s’agir d’une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État. Deuxièmement, cette intervention doit être susceptible d’affecter les échanges entre États membres. Troisièmement, elle doit accorder un avantage à son bénéficiaire. Quatrièmement, elle doit fausser ou menacer de fausser la concurrence »
(CJUE, 10 juin 2010, C-140/09, Fallimento Traghetti del Mediterraneo, ECLI:EU:C:2010:335, point 31).
À cet égard, selon une jurisprudence constante de la Cour de justice, « la notion d’aide est plus générale que celle de subvention, étant donné qu’elle comprend non seulement des prestations positives, telles que les subventions elles-mêmes, mais également des interventions d’État qui, sous des formes diverses, allègent les charges qui normalement grèvent le budget d’une entreprise et qui, par-là, sans être des subventions au sens strict du mot, sont de même nature et ont des effets identiques » (CJUE, 4 juin 2015, C-5/14, Kernkraftwerke Lippe-Ems GmbH c. Hauptzollamt Osnabrück, ECLI:EU:C:2015:354, point 71).
B.51.3. Il ressort également de la jurisprudence de la Cour de justice que « l’article 107, paragraphe 1, TFUE interdit les aides ‘ favorisant certaines entreprises ou certaines productions ’, c’est-à-dire les aides sélectives » et qu’en ce qui concerne « l’appréciation de la condition de sélectivité, il résulte d’une jurisprudence constante que l’article 107, paragraphe 1, TFUE impose de déterminer si, dans le cadre d’un régime juridique donné, une mesure nationale est de nature à favoriser certaines entreprises ou certaines productions par rapport à
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d’autres, qui se trouveraient, au regard de l’objectif poursuivi par ledit régime, dans une situation factuelle et juridique comparable » (CJUE, 4 juin 2015, C-5/14, Kernkraftwerke Lippe-Ems GmbH c. Hauptzollamt Osnabrück, ECLI:EU:C:2015:354, points 73-74).
B.52.1. Il ressort de ce qui est dit en B.20 que la différence de traitement entre les carriers et les exploitants d’autres prises d’eau potabilisable, en ce qui concerne la contribution due sur le volume d’eau captée, est justifiée par le fait que ces contribuables se trouvent dans des situations différentes.
B.52.2. Il en résulte que les dispositions attaquées ne répondent pas au critère de la sélectivité qui est constitutif des aides d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, du TFUE.
Les dispositions attaquées ne constituent donc pas des aides d’État au sens de cette disposition, de sorte qu’elles ne devaient pas être notifiées à la Commission en application de l’article 108, paragraphe 3, du même Traité.
B.53. Le quatrième moyen n’est pas fondé.
Quant aux dépens
B.54. La partie requérante demande que la Région wallonne soit condamnée aux dépens.
B.55. Aucune disposition de loi spéciale du 6 janvier 1989 ne prévoit qu’une partie à un recours en annulation puisse être condamnée à des dépens.
Par conséquent, il y a lieu de rejeter la demande de condamnation aux dépens.
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Par ces motifs,
la Cour
rejette le recours.
Ainsi rendu en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l’article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 29 juin 2023.
Le greffier, Le président,
F. Meersschaut P. Nihoul