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11/04/2023 | BELGIQUE | N°59/2023

Belgique | Belgique, Cour constitutionnel, 11 avril 2023, 59/2023


Cour constitutionnelle
Arrêt n° 59/2023
du 11 avril 2023
Numéros du rôle : 7638, 7644, 7656, 7683, 7698 et 7701
En cause : les recours en annulation des articles 6 et 9 du décret de la Région flamande du 21 mai 2021 « modifiant le décret du 4 avril 2014 relatif à l’organisation et à la procédure de certaines juridictions administratives flamandes, en ce qui concerne l’optimisation des procédures », introduits par Hugo Bogaerts et autres, par l’ASBL « Aktiekomitee Red de Voorkempen », par l’ASBL « Vereniging van Schotenhof », par l’« Orde van Vlaamse

balies », par l’ASBL « Natuurpunt » et autres et par l’ASBL « Bescherm Bomen en Natuur ...

Cour constitutionnelle
Arrêt n° 59/2023
du 11 avril 2023
Numéros du rôle : 7638, 7644, 7656, 7683, 7698 et 7701
En cause : les recours en annulation des articles 6 et 9 du décret de la Région flamande du 21 mai 2021 « modifiant le décret du 4 avril 2014 relatif à l’organisation et à la procédure de certaines juridictions administratives flamandes, en ce qui concerne l’optimisation des procédures », introduits par Hugo Bogaerts et autres, par l’ASBL « Aktiekomitee Red de Voorkempen », par l’ASBL « Vereniging van Schotenhof », par l’« Orde van Vlaamse balies », par l’ASBL « Natuurpunt » et autres et par l’ASBL « Bescherm Bomen en Natuur ».
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents L. Lavrysen et P. Nihoul, et des juges T. Giet, J. Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache, T. Detienne, D. Pieters, S. de Bethune, E. Bribosia, W. Verrijdt et K. Jadin, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président L. Lavrysen,
après en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant :
I. Objet des recours et procédure
a. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 20 septembre 2021
et parvenue au greffe le 21 septembre 2021, un recours en annulation de l’article 6 du décret de la Région flamande du 21 mai 2021 « modifiant le décret du 4 avril 2014 relatif à l’organisation et à la procédure de certaines juridictions administratives flamandes, en ce qui concerne l’optimisation des procédures » (publié au Moniteur belge du 14 juin 2021) a été introduit par Hugo Bogaerts, André Didden, Denis Malcorps, Jan Creve, Annick Meurant, Jan Stevens, Guy Van Loon et Dirk Bus, assistés et représentés par Me P. Vande Casteele, avocat au barreau d’Anvers.
b. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 4 octobre 2021 et parvenue au greffe le 5 octobre 2021, l’ASBL « Aktiekomitee Red de Voorkempen », assistée et représentée par Me P. Vande Casteele, a introduit un recours en annulation de la même disposition décrétale.
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c. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 22 octobre 2021 et parvenue au greffe le 25 octobre 2021, l’ASBL « Vereniging van Schotenhof », assistée et représentée par Me R. Wens, avocat au barreau d’Anvers, et par Me P. Vande Casteele, a introduit un recours en annulation de la même disposition décrétale.
d. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 19 novembre 2021
et parvenue au greffe le 25 novembre 2021, l’« Orde van Vlaamse balies », assisté et représenté par Me S. Boullart, Me J. Snauwaert et Me B. D’Hollander, avocats au barreau de Gand, a introduit un recours en annulation des articles 6 et 9 du même décret.
e. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 9 décembre 2021 et parvenue au greffe le 10 décembre 2021, un recours en annulation de l’article 6, alinéa 2, 2° et 3°, du même décret a été introduit par l’ASBL « Natuurpunt », l’ASBL « Greenpeace Belgium », l’ASBL « World Wide Fund for Nature Belgium », l’ASBL « Grootouders voor het klimaat », l’ASBL « Actiegroep Leefmilieu Rupelstreek », l’ASBL « Klimaatzaak », l’ASBL « Limburgse Milieukoepel », l’ASBL « Milieufront Omer Wattez », l’ASBL « Bos+
Vlaanderen », l’ASBL « Dryade » et l’ASBL « Bond Beter Leefmilieu Vlaanderen », assistées et représentées par Me J. Verstraeten, avocat au barreau de Louvain.
f. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 13 décembre 2021
et parvenue au greffe le 14 décembre 2021, l’ASBL « Bescherm Bomen en Natuur », assistée et représentée par Me M. Ryelandt, avocat au barreau de Flandre occidentale, a introduit un recours en annulation de l’article 6 du même décret.
Ces affaires, inscrites sous les numéros 7638, 7644, 7656, 7683, 7698 et 7701 du rôle de la Cour, ont été jointes.
Le Gouvernement flamand, assisté et représenté par Me J. Roets, Me C. Buggenhoudt et Me G. Verhelst, avocats au barreau d’Anvers, a introduit des mémoires, les parties requérantes ont introduit des mémoires en réponse et le Gouvernement flamand a également introduit des mémoires en réplique.
Par ordonnance du 21 décembre 2022, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteurs S. de Bethune et T. Giet, a décidé que les affaires étaient en état et fixé l’audience au 1er février 2023.
À l’audience publique du 1er février 2023 :
- ont comparu :
. Me P. Vande Casteele, qui comparaissait également loco Me R. Wens, pour les parties requérantes dans les affaires nos 7638, 7644 et 7656;
. Me S. Boullart et Me B. D’Hollander, pour la partie requérante dans l’affaire n° 7683;
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. Me S. Van Genechten, avocat au barreau de Louvain, loco Me J. Verstraeten, pour les parties requérantes dans l’affaire n° 7698;
. Me M. Ryelandt, pour la partie requérante dans l’affaire n° 7701;
. Me J. Roets, Me C. Buggenhoudt, Me G. Verhelst et Me B. D’hondt, avocat au barreau d’Anvers, pour le Gouvernement flamand;
- les juges-rapporteurs S. de Bethune et T. Giet ont fait rapport;
- les avocats précités ont été entendus;
- les affaires ont été mises en délibéré.
Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives à la procédure et à l’emploi des langues ont été appliquées.
II. En droit
-A-
Quant à la recevabilité
En ce qui concerne l’intérêt
A.1.1. Le Gouvernement flamand soutient que les requêtes dans les affaires nos 7638, 7644 et 7656
n’indiqueraient pas en quoi les parties requérantes auraient un intérêt au recours présentement examiné, dès lors qu’elles ne fournissent aucune explication sur leur intérêt. Il n’est pas démontré que les parties requérantes sont impliquées dans une procédure concrète devant les juridictions concernées par la disposition attaquée et dans laquelle elles devraient en outre craindre de subir la moindre conséquence dommageable à la suite de l’entrée en vigueur de la disposition attaquée. Selon le Gouvernement flamand, l’intérêt des parties requérantes semble dès lors être tout à fait hypothétique. À défaut d’intérêt, les recours doivent être rejetés pour cause d’irrecevabilité.
Concernant en particulier les recours dans les affaires nos 7644 et 7656, le Gouvernement flamand fait valoir que les recours sont irrecevables en ce que les ASBL requérantes « Aktiekomitee Red de Voorkempen » et « Vereniging van Schotenhof » ne produisent pas de décision prise par l’organe compétent pour agir en justice.
A.1.2. Pour ce qui est des personnes physiques, les parties requérantes exposent et précisent qu’elles se sont déjà constituées auparavant parties à un procès devant les juridictions administratives visées par la réglementation attaquée et qu’elles le feront manifestement encore. Étant donné que l’obligation attaquée est de nature générale, il n’est pas nécessaire de démontrer qu’elles sont impliquées dans des procédures auxquelles cette disposition pourrait être applicable. Il ne s’agit donc nullement d’un intérêt purement hypothétique. Elles peuvent être directement et défavorablement affectées par la disposition attaquée, ce qui a aussi été reconnu par la Cour dans sa jurisprudence.
Les ASBL « Aktiekomitee Red de Voorkempen » et « Vereniging van Schotenhof » contestent expressément qu’elles devraient produire une décision pour agir en justice, dès lors qu’elles sont représentées par un avocat. Le Gouvernement flamand ne démontre pas que l’avocat est dépourvu d’un mandat pour représenter ces personnes morales dans les procédures devant la Cour. Pour le surplus, elles estiment qu’en tant qu’associations environnementales, elles disposent de l’intérêt requis, puisqu’en tant que parties au procès potentielles, elles peuvent être directement et défavorablement affectées par la disposition attaquée.
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En ce qui concerne l’étendue des recours
A.2. Le Gouvernement flamand soutient dans les affaires nos 7638, 7644 et 7656 que les recours en annulation sont uniquement dirigés contre l’article 6, 3°, du décret du 21 mai 2021 « modifiant le décret du 4 avril 2014 relatif à l’organisation et à la procédure de certaines juridictions administratives flamandes en ce qui concerne l’optimisation des procédures » (ci-après : le décret du 21 mai 2021). En conséquence, la Cour doit limiter son examen et sa décision dans ces affaires à cette disposition.
Quant aux moyens dans les affaires nos 7638, 7644 et 7656
A.3.1. Les parties requérantes dans les affaires nos 7638, 7644 et 7656 prennent un premier moyen de la violation, par l’article 6 du décret du 21 mai 2021, des règles répartitrices de compétences et des articles 10, 11, 12, 13 et 23 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 6, 13 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme, avec l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, avec l’article 9
de la Convention d’Aarhus du 25 juin 1998 sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (ci-après : la Convention d’Aarhus), avec le principe général du raisonnable et avec les principes généraux de l’état de droit et de la légalité, avec les articles 142, 143, 159, 160 et 161 de la Constitution, avec l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, avec le droit de défense et avec la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle.
Selon les parties requérantes, le devoir de vigilance instauré actuellement, qui comporte aussi une obligation de participation, a pour effet que le justiciable ne peut plus valablement demander aux juridictions administratives flamandes relevant de la réglementation attaquée, d’une part, d’appliquer l’article 159 de la Constitution à l’égard d’actes administratifs illégaux et, d’autre part, d’écarter l’application d’une norme législative inconstitutionnelle après avoir posé une question préjudicielle à la Cour constitutionnelle ou à la Cour de justice de l’Union européenne. La disposition attaquée empêche en effet le justiciable d’invoquer devant la juridiction administrative un grief d’illégalité s’il n’a pas invoqué préalablement celui-ci durant la procédure administrative. Cependant, le justiciable ne saurait valablement demander durant la phase administrative à l’autorité administrative d’écarter l’application d’une décision des pouvoirs publics illégale ou d’une loi ou d’un décret non conforme à la Constitution. Il appartient uniquement au juge d’écarter l’application de décisions ou de lois inconstitutionnelles, dès lors que les articles 142 et 159 de la Constitution et l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ne s’appliquent pas à l’administration et que celle-ci n’est pas compétente pour poser une question préjudicielle à la Cour constitutionnelle ou à la Cour de justice de l’Union européenne. Il ne saurait, par conséquent, être reproché au justiciable qui invoque une illégalité pour la première fois devant le juge compétent de ne pas avoir déjà invoqué celle-ci au cours de la procédure administrative.
La disposition attaquée a pour effet que la juridiction administrative concernée ne peut plus valablement poser une question préjudicielle à la Cour constitutionnelle ou à la Cour de justice de l’Union européenne si l’illégalité n’a pas été invoquée durant la procédure administrative, ce qui porte atteinte au droit d’accès à un juge, garanti par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et par l’article 159 de la Constitution, un juge devant pouvoir examiner en ayant pleine juridiction les illégalités alléguées par un justiciable. Le législateur décrétal viole, en outre, les règles répartitrices de compétences (notamment l’article 6 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles et les articles 23, 39, 142 et 143, § 1er, de la Constitution), puisqu’il interfère dans la réglementation relative aux questions préjudicielles posées à la Cour constitutionnelle, laquelle est réservée au législateur spécial. Selon les parties requérantes, le législateur décrétal ne peut se prévaloir de manière pertinente de l’article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980, étant donné que l’exercice de la compétence de l’autorité fédérale est, en toute hypothèse, limité de manière disproportionnée. Dans le même ordre d’idées, la disposition attaquée viole par ailleurs l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, puisqu’elle rend inopérant le plein effet du droit de l’Union. Les parties requérantes demandent à la Cour de poser à la Cour de justice de l’Union européenne une question préjudicielle en la matière.
A.3.2. Le Gouvernement flamand allègue que le premier moyen est partiellement irrecevable. Il soutient que les parties requérantes n’explicitent leur moyen qu’en ce qu’il est pris de la violation des règles répartitrices de compétences, lues en combinaison avec les articles 142 et 159 de la Constitution et avec l’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. En ce qu’il est pris de la violation de ces dispositions, le premier moyen est recevable.
Les parties requérantes contestent l’exception.
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A.3.3. Le Gouvernement flamand estime que le moyen, pour autant qu’il soit recevable, n’est pas fondé. La disposition attaquée poursuit un objectif d’intérêt général et ne limite l’accès au juge que d’une manière qui est proportionnée à l’objectif poursuivi, à savoir créer une plus grande sécurité juridique et offrir une plus grande protection juridique basée sur la situation concrète des requérants devant les juridictions administratives concernées.
La disposition attaquée requiert uniquement que l’illégalité (ou l’inconstitutionnalité) soit soulevée à temps.
Rien n’empêche que les justiciables soulèvent ces illégalités (ou inconstitutionnalités) durant la procédure administrative. La circonstance que l’administration ne peut pas toujours donner suite à ces objections ne porte pas atteinte à la faculté, voire à l’obligation, de soulever celles-ci dans le cadre des principes de bonne citoyenneté.
Par ailleurs, il n’est pas exclu que l’administration donne suite à une objection en suspendant la procédure administrative jusqu’à ce qu’une décision soit rendue dans une procédure pertinente pendante devant le juge.
Exceptionnellement, l’administration peut aussi écarter l’application d’une décision administrative illégale en faisant usage de la doctrine de l’acte juridique inexistant. Enfin, il appartient au juge administratif de vérifier concrètement, sur la base des pièces du dossier, si le justiciable a été négligent, de sorte qu’il « a manifestement omis » d’invoquer l’illégalité. Ce même juge doit aussi constater que l’illégalité a été invoquée au « moment le plus utile », c’est-à-dire au moment où l’administration a encore la possibilité de prévenir l’illégalité. Il n’y a pas lieu de poser à la Cour de justice de l’Union européenne la question préjudicielle suggérée par les parties requérantes. Il soutient que la disposition attaquée n’empêche pas qu’une violation du droit de l’Union soit soulevée durant la procédure administrative.
Il estime que le législateur décrétal est en outre compétent pour régler les conditions de recevabilité devant les juridictions administratives, qui relèvent de la compétence régionale (implicite) de créer des juridictions. Ni la faculté de poser des questions préjudicielles à la Cour, ni celle de soumettre de telles questions à la Cour de justice de l’Union européenne, pour autant que ces facultés constituent un droit pour le justiciable, ne sont restreintes de manière illégitime ou déloyale.
A.4.1. Dans le deuxième moyen, les parties requérantes allèguent la violation, par l’article 6 du décret du 21 mai 2021, des articles 10, 11, 12 et 13 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 6, 13 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme, avec le principe général du raisonnable et avec les principes généraux du droit d’accès à un juge, de la sécurité juridique, de l’état de droit et de la légalité, avec l’article 159
de la Constitution, avec la présomption d’innocence en matière pénale et avec le droit de défense.
Les parties requérantes relèvent que la disposition attaquée est applicable au Collège de maintien, devant lequel un recours peut être introduit contre des décisions imposant une amende administrative liée ou non à la confiscation d’avantages illicites, après la constatation d’une infraction environnementale ou d’un délit environnemental. Le Collège de maintien impose des sanctions punitives au sens de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Selon les parties requérantes, une personne poursuivie peut elle-même librement déterminer son mode de défense, sans qu’il puisse lui être reproché de ne pas avoir attiré l’attention de l’autorité poursuivante durant la procédure administrative sur les illégalités dont la procédure ou la sanction éventuelle est entachée. La personne poursuivie doit dès lors pouvoir valablement invoquer devant le juge toutes les illégalités, même si elle n’a pas soulevé préalablement ces illégalités durant la procédure administrative. En prévoyant que, dans le cadre du contentieux « pénal » qui est examiné par le Collège de maintien, la violation d’une norme ou d’un principe général de droit ne peut pas donner lieu à une annulation « si la partie a manifestement omis [de soulever] l’illégalité invoquée au moment utile où l’illégalité [pouvait] être [soulevée] pendant la procédure administrative », la disposition attaquée viole les dispositions et principes mentionnés dans le moyen, et plus particulièrement les droits de défense, l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, la présomption d’innocence et la garantie d’avoir accès à un juge ayant pleine juridiction. La disposition attaquée est d’autant moins acceptable que le Collège de maintien peut, après une annulation, prendre lui-même une décision sur le montant de l’amende et, le cas échéant, sur la confiscation d’avantages illicites. La préoccupation du législateur décrétal flamand que la personne poursuivie ne puisse pas être sanctionnée à la suite de l’annulation de la sanction illégale n’est dès lors pas fondée et ne constitue nullement une justification raisonnable à la disposition attaquée.
A.4.2.1. Le Gouvernement flamand objecte que le deuxième moyen est partiellement irrecevable à défaut d’exposé. Le deuxième moyen n’est recevable qu’en ce qu’il est pris de la violation de l’article 13 de la Constitution, lu en combinaison avec l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, avec les principes généraux du droit d’accès au juge, de la présomption d’innocence et des droits de défense.
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Les parties requérantes contestent l’exception.
A.4.2.2. Le Gouvernement flamand estime que le deuxième moyen n’est pas fondé. Il soutient que le Collège de maintien peut en effet imposer des sanctions de nature pénale au sens de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, mais que la disposition attaquée ne porte pas atteinte aux dispositions et principes invoqués.
Le législateur décrétal peut, dans le respect de l’article 13 de la Constitution et de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, fixer des conditions de recevabilité dans des procédures qui imposent des sanctions pénales. Les conditions de recevabilité doivent poursuivre un but légitime et être proportionnées au but poursuivi. À cet égard, lors de l’application de ces conditions de recevabilité, il convient d’éviter tout formalisme excessif. Selon le Gouvernement flamand, le législateur décrétal a expressément évité que l’application concrète de la disposition attaquée puisse aboutir au rejet formaliste du moyen. La disposition attaquée n’instaure pas un automatisme, étant donné que le juge administratif devra toujours apprécier concrètement si le justiciable a manifestement omis de soulever l’illégalité à un moment utile durant la phase administrative. À cet égard, il convient notamment également de prendre en compte la présomption d’innocence. Le juge doit ainsi vérifier si un justiciable pouvait soulever antérieurement l’illégalité pertinente sans porter atteinte à sa présomption d’innocence.
Si cela n’est pas possible, il n’y a pas de moment utile pour soulever l’illégalité, de sorte que la disposition attaquée ne peut s’appliquer.
A.5.1. Dans le troisième moyen, les parties requérantes allèguent la violation, par l’article 6 du décret du 21 mai 2021, des articles 10, 11, 12, 13 et 23 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 6, 13 et 14
de la Convention européenne des droits de l’homme, avec l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et l’article 9 de la Convention d’Aarhus, avec le principe général du raisonnable et les principes généraux de l’état de droit, de la légalité et de diligence et avec les articles 159, 160 et 161 de la Constitution.
Les parties requérantes contestent que la réglementation attaquée puisse également s’appliquer si (1) une autre partie a déjà soulevé l’illégalité « au moment utile où l’illégalité [pouvait] être [soulevée] pendant la procédure administrative », ainsi que (2) lorsque l’illégalité n’a certes pas été invoquée au « moment utile » - ce qui, selon le législateur décrétal, ne peut avoir lieu qu’au cours de la procédure administrative initiale – mais pendant la procédure administrative complémentaire qui suit un arrêt d’annulation rendu par la juridiction concernée. Dans les deux cas, l’administration a quand même pu prendre connaissance de l’illégalité, de sorte que le but poursuivi consistant à recueillir autant d’informations que possible pendant la procédure administrative est effectivement atteint.
Une telle réglementation en vertu de laquelle la nouvelle exception d’irrecevabilité du moyen, résultant de la disposition attaquée, est applicable nonobstant le fait que l’administration a pris connaissance de l’illégalité durant la procédure administrative, est manifestement déraisonnable et porte atteinte à la substance même du droit d’accès au juge, qui est notamment garanti par l’article 9 de la Convention d’Aarhus.
A.5.2.1. Le Gouvernement flamand soutient que le troisième moyen est partiellement irrecevable. Selon lui, les parties requérantes limitent l’exposé relatif à leur moyen à la violation des articles 13 et 23, alinéa 3, 4°, de la Constitution, lus en combinaison avec l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, avec l’article 9 de la Convention d’Aarhus et avec les principes généraux en matière d’accès au juge. En ce qu’il est pris de la violation de ces dispositions et principes, le moyen est recevable.
Les parties requérantes contestent l’exception.
A.5.2.2. Le Gouvernement flamand estime que le moyen n’est pas fondé. Il conteste qu’il suffit qu’une personne soulève une illégalité durant la procédure administrative pour répondre à l’objectif poursuivi de la mesure et qu’il n’y aurait donc pas lieu, dans cette hypothèse, d’opposer l’irrecevabilité du moyen. Selon lui, il est important au contraire que toute personne, chacune en ce qui la concerne, invoque une illégalité au moment le plus utile, ce qui touche à la délimitation du débat devant le juge. L’objectif poursuivi par le devoir de vigilance, attaqué, consiste à stimuler les citoyens à communiquer toutes les informations et objections le plus tôt possible. Étant donné que la gravité et la portée d’un grief ainsi que son appréciation par l’administration sont liées à la position concrète de l’auteur du grief, il est nécessaire, selon le Gouvernement flamand, que l’illégalité soit invoquée par chaque justiciable individuellement. Le devoir de vigilance ne peut être instauré que comme un incitant général pour que les citoyens apportent leur contribution le plus tôt possible à un moment utile durant la procédure administrative. C’est dans ce seul cas qu’il peut être tenu compte des intérêts et des arguments personnels et que
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l’administration peut prendre une décision en connaissance de cause. Selon le Gouvernement flamand, le devoir de vigilance est dès lors proportionné au but, étant donné qu’il limite uniquement la faculté de soulever certains griefs, et non celle d’introduire un recours devant le juge. En outre, le devoir de vigilance est une illustration justifiée des principes de bonne citoyenneté et du droit administratif réciproque, en vertu desquels des obligations peuvent être imposées aux citoyens. Rien n’interdit d’attacher des conséquences à l’absence de vigilance ou de précaution de la part du citoyen.
Le Gouvernement flamand conteste également l’interprétation des parties requérantes selon laquelle il ne serait plus possible, dans le cadre d’un réexamen (après un arrêt d’annulation), de soulever une illégalité au moment le plus utile parce que celle-ci aurait déjà dû être soulevée durant la procédure administrative initiale.
Selon lui, cette interprétation repose sur la prémisse erronée selon laquelle des illégalités ne peuvent être soulevées en temps utile que durant l’enquête publique. Cette interprétation ne trouve aucun appui dans les travaux préparatoires ni dans la formulation de la disposition attaquée. Dans cette hypothèse, il n’y a pas non plus de limitation disproportionnée des droits invoqués en ce qui concerne l’accès au juge.
Le Gouvernement flamand conteste aussi que l’enquête publique soit le seul moment où une illégalité peut être soulevée au moment le plus utile. Une illégalité peut aussi être soulevée pendant le recours administratif ou pendant la procédure de réparation administrative (après une décision du juge administratif). Il appartient au juge administratif de vérifier si et à quel moment une illégalité devait être soulevée. Il ne s’agit pas d’une obligation de participation. Le législateur décrétal ne tente pas non plus de réinstaurer, par un moyen détourné, une réglementation, que la Cour a annulée antérieurement, relative à l’introduction d’une réclamation soulevée durant l’enquête publique et à la capacité d’agir, de sorte que l’enseignement de l’arrêt de la Cour n° 46/2019 du 14 mars 2019 (ECLI:BE:GHCC:2019:ARR.046) n’est pas applicable. Selon le Gouvernement flamand, le devoir de vigilance porte sur la recevabilité du moyen, et non sur la capacité d’agir des justiciables.
A.6.1. Dans le quatrième moyen, les parties requérantes invoquent la violation, par l’article 6 du décret du 21 mai 2021, des articles 10, 11, 13 et 23 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 6, 13 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme et l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, avec le principe général du raisonnable et les principes généraux du droit d’accès à un juge, de la sécurité juridique, de l’état de droit, de la légalité et de diligence, avec la Convention d’Aarhus, en particulier ses articles 1er, 3, 6 et 9, avec la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011
« concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement » (ci-après : la directive 2011/92/UE), en particulier ses articles 4, 6, 9 et 11 et avec les articles 159, 160 et 161 de la Constitution.
Les parties requérantes soulignent que la disposition attaquée ne se limite pas à l’introduction de ce qu’on appelle un devoir de vigilance, mais transforme tout autant le droit de participation du public en une obligation de participation. L’enquête publique en matière d’environnement constitue, en principe, en effet « le moment utile où
[une violation peut] être [soulevée] pendant la procédure administrative ». La communication interprétative de la Commission du 28 avril 2017 « sur l’accès à la justice en matière d’environnement » confirme toutefois que l’exigence d’une participation préalable comme condition à la capacité d’agir devant un juge est contraire au droit d’accès à un juge. Les procédures administratives et judiciaires servent en effet plusieurs finalités, d’autant que la seconde voie de recours peut être exercée contre la décision prise à l’issue du premier processus.
La disposition attaquée limite le droit d’accès au juge d’une manière qui n’est pas proportionnée à l’objectif visé consistant à recueillir autant d’informations que possible pendant la procédure administrative et elle limite ce droit d’une manière telle qu’elle en affecte la substance même. L’inconstitutionnalité est d’autant plus établie que la réglementation attaquée ne se borne pas aux cas de mauvaise foi ou d’extrême légèreté. La mesure est en outre également disproportionnée parce que les intéressés ne sont généralement pas assistés par un conseil pendant la phase administrative, ce qui entraînerait aussi une charge déraisonnable pour le citoyen. La disposition attaquée viole dès lors les articles 6 et 9 de la Convention d’Aarhus et le droit de l’Union en ce qui concerne la protection juridique en matière d’environnement. Cette violation constitue en outre une violation des articles 10, 11, 13, 23
et 159 de la Constitution et des principes de l’état de droit et de la légalité.
Par ailleurs, la disposition attaquée porte atteinte à l’obligation de standstill. Il est en effet incontestable que le degré de protection qui est offert par la législation applicable en 1993 est réduit significativement par la disposition attaquée sans qu’existent pour ce faire des motifs d’intérêt général suffisants. La circonstance que la disposition attaquée est contraire au droit de l’Union et à la Convention d’Aarhus déforce la justification tirée de l’intérêt général, à savoir « recueillir autant d’informations que possible ». Une justification raisonnable fait
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d’autant plus défaut, compte tenu de la portée imprécise de la disposition attaquée. Les parties requérantes relèvent par ailleurs que l’objectif poursuivi vise les intérêts du demandeur d’un permis, ce qui ne saurait être assimilé à l’intérêt général. En outre, l’argumentation implicite selon laquelle le titulaire du permis obtiendra plus rapidement la sécurité juridique est inexacte. Le fait de savoir si l’illégalité a été invoquée préalablement ou non ou, à tout le moins, si elle l’a été à temps, et les conséquences procédurales qui en découlent feront en effet souvent l’objet d’un débat devant le Conseil pour les contestations des autorisations.
Enfin, les parties requérantes demandent à la Cour de poser à la Cour de justice de l’Union européenne une question préjudicielle sur l’article 9 de la Convention d’Aarhus et sur l’article 9 de la directive 2011/92/UE.
A.6.2.1. Le Gouvernement flamand soutient que le quatrième moyen est partiellement irrecevable à défaut d’exposé. En ce qu’il est pris de la violation des articles 13 et 23, alinéa 3, 4°, de la Constitution, lus en combinaison avec l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, avec l’article 9 de la Convention d’Aarhus et avec les principes en matière d’accès au juge, le quatrième moyen est recevable.
Les parties requérantes contestent l’exception.
A.6.2.2. Le Gouvernement flamand estime que le quatrième moyen est dépourvu de fondement dans toutes ses branches.
Premièrement, il soutient que le devoir de vigilance ne comporte pas une obligation de participation, étant donné que le premier moment utile ne se confond pas nécessairement avec l’enquête publique. Ce moment utile doit être apprécié et fixé concrètement par le juge administratif pour chaque justiciable, sur la base du dossier.
Deuxièmement, il souligne que le droit d’accès au juge en matière d’environnement n’est pas absolu et que la sanction liée au non-respect du devoir de vigilance peut résister au contrôle de proportionnalité et n’affecte pas l’essence du droit d’accès au juge. En ce qui concerne la proportionnalité de la sanction, il observe que la réglementation attaquée prévoit plusieurs verrous. Ainsi, l’irrecevabilité du moyen n’est pas une sanction automatique, mais le juge administratif doit vérifier concrètement s’il s’agit d’une omission manifeste. Le juge administratif dispose pour ce faire d’un pouvoir d’appréciation et doit veiller à ce que la sanction soit appliquée de manière proportionnée. L’omission doit en outre être « manifeste », de sorte qu’un seuil est prévu pour pouvoir appliquer la sanction. L’omission manifeste d’invoquer une illégalité n’est du reste pas associée à l’enquête publique, mais porte sur le moment le plus utile, ce qui est soumis à l’appréciation du juge administratif. Par ailleurs, le devoir de vigilance ne s’applique pas aux règles d’ordre public, qui sont contrôlées d’office par le juge administratif.
Troisièmement, le Gouvernement flamand estime qu’il n’y a pas de recul significatif de la protection juridique en matière d’environnement. Le devoir de vigilance s’inscrit en effet dans le cadre de l’intérêt général consistant à améliorer les procédures engagées devant le Conseil pour les contestations des autorisations et à sanctionner l’abus des procédures de recours. Selon lui, la disposition attaquée crée une plus grande sécurité juridique et contribue, d’une part, à un processus décisionnel plus diligent et, d’autre part, à une administration de la justice plus efficace. En outre, l’existence d’exceptions suffisantes et d’un contrôle juridictionnel à part entière, y compris en ce qui concerne les moyens d’ordre public, démontre l’absence de violation.
En ce qui concerne la demande de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne, le Gouvernement flamand estime qu’il n’y a aucun doute raisonnable quant à l’application et à l’interprétation des dispositions du droit de l’Union qui sont invoquées.
Quant au moyen unique dans l’affaire n° 7683
A.7.1.1. La partie requérante dans l’affaire n° 7683 invoque dans un moyen unique la violation, par les articles 6 et 9 du décret du 21 mai 2021, des articles 10, 11, 13 et 23 de la Constitution, lus en combinaison avec l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, avec l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, avec les articles 1er, 2, 6 et 9 de la Convention d’Aarhus, avec les articles 1er et 11 de la directive 2011/92/UE et avec les principes généraux du droit d’accès au juge et de la sécurité juridique.
A.7.1.2. Dans la première branche du moyen unique, la partie requérante soutient que la disposition attaquée introduit une limitation du droit d’accès au juge. Un justiciable est en effet privé du droit de faire apprécier sa demande au fond s’il n’a pas agi ou n’a pas soulevé l’illégalité invoquée dans le cadre d’une procédure de
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réclamation et d’appel. Il résulte en outre de la lecture de l’article 35, alinéa 3, 1° et 3°, modifié par la disposition attaquée, du décret du 4 avril 2014 « relatif à l’organisation et à la procédure de certaines juridictions administratives flamandes » (ci-après : le décret du 4 avril 2014) que cette exception ne sera pertinente que pour les personnes qui sont lésées par une illégalité. Si les justiciables ne sont pas lésés par l’illégalité qu’ils invoquent, leur demande ne pourra en tout état de cause pas donner lieu à une annulation en vertu de l’article 35, alinéa 3, 1°, du décret du 4 avril 2014.
Tant la Cour de justice de l’Union européenne que la Cour constitutionnelle ont déjà reconnu que l’obligation d’épuiser une procédure administrative préalable constitue une limitation du droit d’accès à un juge.
Il ressort des travaux préparatoires de l’article 6, attaqué, du décret du 21 mai 2021 que le législateur a entendu « offrir une protection juridique qui est basée sur la situation concrète du requérant » et aboutir à un règlement définitif des litiges qui tient compte des intérêts concrets des parties. Selon la partie requérante, c’est toutefois précisément le contraire qui sera atteint. Un justiciable ne pourra en effet plus bénéficier de la protection juridique - et, plus spécifiquement, ne pourra plus soulever avec succès la violation d’une norme ou d’un principe général de droit qui lui porte préjudice - s’il n’a pas soulevé cette illégalité durant la procédure administrative.
L’objectif précité n’est dès lors pas légitime. Selon elle, la disposition attaquée n’est en toute hypothèse ni pertinente ni nécessaire pour atteindre l’objectif poursuivi.
La partie requérante souligne par ailleurs que le champ d’application de l’article 35, alinéa 3, 3°, du décret du 4 avril 2014, modifié par la disposition attaquée, est particulièrement étendu, en ce que la sanction concernée est imposée à toute personne qui a « manifestement omis » de faire le nécessaire. Selon elle, la formulation utilisée a pour effet que toute personne qui n’a pas clairement soulevé une illégalité au moment utile où elle pouvait l’invoquer pendant la procédure administrative, peut être confrontée à l’irrecevabilité de la demande d’annulation qui repose sur cette illégalité. De même, les parties qui n’avaient absolument aucune connaissance d’une procédure administrative ou qui, durant cette procédure, n’avaient pas connaissance de certaines illégalités peuvent être sanctionnées en vertu de la disposition attaquée. Il en ressort également que la limitation apportée au droit d’accès à un juge n’est pas proportionnée au but poursuivi.
Il ressort par ailleurs des travaux préparatoires de l’article 6, attaqué, du décret du 21 mai 2021 que, par la disposition attaquée, le législateur décrétal souhaitait que les autorités concernées obtiennent, durant la procédure administrative, autant d’informations que possible sur la base desquelles elles peuvent éviter ou rectifier des illégalités éventuelles, par exemple en appliquant la boucle administrative. À cet égard, l’objectif consisterait principalement à empêcher que les citoyens (à dessein) n’attirent pas l’attention de l’administration sur certaines erreurs ou sur certains problèmes, ce qui a pour conséquence que l’administration ne pourrait pas les rectifier et que l’annulation de l’acte administratif peut être demandée ultérieurement. La limitation du droit d’accès au juge instaurée par la disposition attaquée va toutefois au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif précité, dès lors que l’on n’exclut pas uniquement l’acte intentionnel de citoyens et que l’on ne tente pas uniquement d’éviter ou de rectifier des erreurs de nature procédurale. La réglementation instaurée ne fait aucune distinction entre de telles illégalités et des griefs essentiels d’illégalité quant au fond qui empêchent la prise même d’une décision déterminée. Cependant, le citoyen qui ne découvre ou qui n’invoque un grief d’illégalité qu’ultérieurement (par exemple, parce qu’il a consulté un conseil entre-temps ou qu’il a fait preuve d’une plus grande clairvoyance) sera tout autant affecté par le devoir de vigilance introduit par la disposition attaquée.
Par ailleurs, la disposition attaquée manque son objectif en ce qu’elle requiert que la partie qui introduit le recours soulève elle-même au premier moment utile l’illégalité qu’elle souhaite invoquer. Il se peut donc qu’une partie ait formulé une objection durant l’enquête publique et qu’elle n’ait pas décelé une illégalité donnée, mais que cette dernière ait été soulevée par l’auteur d’une autre objection. Aux termes de la disposition attaquée, la partie qui n’a pas soulevé elle-même le problème de légalité ne pourra pas non plus s’en prévaloir devant le Conseil pour les contestations des autorisations, nonobstant le fait que l’objectif sous-jacent consistant en ce que l’autorité dispose le plus tôt possible de toutes les informations est effectivement atteint.
La disposition attaquée ne satisfait du reste pas à l’exigence selon laquelle les limitations apportées au droit d’accès au juge sont prévisibles. Plusieurs des concepts utilisés dans la disposition attaquée, dont l’« omission manifeste » et le « moment utile où l’illégalité [pouvait] être [soulevée] pendant la procédure administrative », sont susceptibles d’interprétation. Il est tout aussi peu évident de savoir quelles règles sont les « règles d’ordre public », de sorte que leur violation peut quand même être alléguée avec succès, même si cette illégalité n’a pas été soulevée au moment utile durant la procédure administrative.
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Il découle de ce qui précède que la disposition attaquée entraîne une limitation inconstitutionnelle du droit d’accès au juge. Par conséquent, il y a aussi violation du principe d’égalité garanti par les articles 10 et 11 de la Constitution, parce que la disposition attaquée entrave de manière illicite l’exercice du droit d’accès au juge à l’égard d’une catégorie de citoyens.
La violation des articles 10 et 11 de la Constitution ressort en outre d’une comparaison entre les personnes qui relèvent du champ d’application de la disposition attaquée et les différentes catégories de personnes dont le droit d’accès au juge n’est pas entravé, comme les personnes qui n’ont pas manifestement omis d’invoquer l’illégalité au moment utile durant la procédure administrative et celles qui ont omis de le faire, mais dont la demande relève de la compétence d’une juridiction (administrative) autre que le Conseil pour les contestations des autorisations ou que le Collège de maintien. Par ailleurs, il y a une discrimination entre diverses catégories de personnes qui sont soumises au devoir de vigilance. Ainsi, les personnes qui n’ont pas soulevé un grief essentiel d’illégalité quant au fond sont traitées de la même manière que celles qui n’ont pas relevé l’existence de simples vices de procédure, alors qu’elles se trouvent dans une situation différente. Par ailleurs, une personne qui n’a pas formulé un grief d’illégalité déterminé durant l’enquête publique ne peut plus l’invoquer, que ce grief ait été formulé ou non par d’autres personnes durant l’enquête publique.
L’article 6, attaqué, du décret du 21 mai 2021 ne satisfait en outre pas aux exigences du principe de la sécurité juridique, dès lors que la portée de certaines conditions d’application de cette disposition et du motif d’exception à la sanction que cet article prévoit n’est pas du tout clairement établie. On ne voit en effet pas clairement ce qu’il y a lieu d’entendre par « omission manifeste », quel moment doit être qualifié de « moment utile » où l’illégalité doit être soulevée durant la procédure administrative, ni quelles règles sont les « règles d’ordre public ». Étant donné ces imprécisions, il est impossible pour les intéressés de connaître leurs obligations durant la procédure administrative ainsi que leurs droits dans le cadre d’un recours en annulation ultérieur.
En ce que l’article 35, alinéa 3, 1°, du décret du 4 avril 2014, modifié par la disposition attaquée, qui porte sur les intéressés qui sont touchés par les procédures décisionnelles en matière d’environnement concernées, limite les moyens qu’un justiciable peut soulever à ceux qui concernent les illégalités qui ont été soulevées à un moment utile durant la procédure administrative, cette disposition s’oppose directement aux garanties qui, selon la Cour de justice de l’Union européenne, sont prévues par l’article 9, paragraphe 2, de la Convention d’Aarhus et par l’article 11 de la directive 2011/92/UE. La Cour de justice de l’Union européenne a en effet déjà souligné que les membres du public concerné doivent pouvoir exercer un recours contre une décision concernant une demande d’autorisation de projet, quel que soit le rôle qu’ils ont pu jouer dans l’examen de cette demande. La Cour de justice de l’Union européenne a en outre déjà confirmé expressément qu’une limitation des voies de recours contre une décision en matière d’environnement, selon laquelle des griefs de fond qui n’ont pas été soulevés durant la phase administrative ne pourraient pas l’être ultérieurement devant le juge, est incompatible avec l’article 11 de la directive 2011/92/UE. Cette violation de l’article 9, paragraphe 2, de la Convention d’Aarhus et de l’article 11 de la directive 2011/92/UE constitue en outre une violation des articles 1er et 3, paragraphe 1, de la Convention d’Aarhus et de l’obligation de standstill consacrée par l’article 23, alinéa 3, 4°, de la Constitution. Il s’agit en effet d’un recul significatif du degré de protection en matière d’environnement, qui ne saurait être justifié par des motifs d’intérêt général.
A.7.1.3. Dans la seconde branche du moyen unique, la partie requérante soutient que l’article 9, attaqué, du décret du 21 mai 2021, qui règle l’entrée en vigueur de l’article 6 du même décret, viole les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce qu’il ne prévoit pas de régime transitoire. L’absence de régime transitoire a pour effet que les personnes qui se trouvent dans la même situation seront confrontées ou non à la sanction qui est prévue par l’article 6 du décret du 21 mai 2021, selon le moment où elles introduisent leur demande. Cette inégalité de traitement ne poursuit aucun but. Par ailleurs, l’article 9, attaqué, du décret du 21 mai 2021 porte une atteinte disproportionnée au principe de la confiance légitime et au principe de la sécurité juridique. Les intéressés ne pouvaient en effet pas s’attendre à ce que le fait de ne pas soulever une illégalité déterminée durant la procédure administrative aurait pour effet qu’elles ne peuvent plus invoquer cette illégalité avec succès dans le cadre d’un recours en annulation, dès lors que l’article 6, attaqué, du décret du 21 mai 2021 n’existait pas encore au moment où elles auraient dû soulever cette illégalité durant la procédure administrative.
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Ce traitement discriminatoire a pour conséquence que le droit d’accès au juge n’est garanti qu’à l’égard d’une partie des membres du public concerné. Dans cette mesure, il y a en outre une violation des articles 10, 11 et 13
de la Constitution, lus en combinaison avec les dispositions supranationales mentionnées dans le moyen.
A.7.2.1. Le Gouvernement flamand estime que la première branche du moyen unique n’est pas fondée. Le droit d’accès au juge n’est pas absolu. Des limitations sont autorisées à condition qu’elles n’affectent pas la substance même du droit. Selon le Gouvernement flamand, le devoir de vigilance poursuit un but légitime : la bonne administration de la justice. L’incitation des citoyens à communiquer toutes les informations et objections éventuelles au moment utile (ce qui illustre le principe de bonne citoyenneté) leur offre une protection juridique plus étendue, parce que l’administration peut alors tenir compte de leur situation concrète et de leurs intérêts, de sorte que la qualité du processus décisionnel augmente également, ce qui contribue à l’efficacité du règlement des litiges et à la baisse du nombre des recours exercés contre des décisions prises par les juridictions administratives.
Le devoir de vigilance attaqué est en outre proportionné, en ce que son application est limitée à une « omission manifeste » entendue comme une négligence de soulever une illégalité au moment le plus utile durant la phase administrative. Le juge administratif ne pourra dès lors appliquer la disposition attaquée qu’exceptionnellement s’il estime concrètement que la condition stricte est remplie. Le fait de limiter le devoir de vigilance comme condition de recevabilité d’un moyen aux seuls moyens que le justiciable a manifestement omis de soulever durant la procédure administrative encourage les citoyens de manière pertinente et proportionnée à communiquer à l’administration leurs remarques, objections et alternatives au moment utile. La mesure établit un équilibre entre les intérêts du citoyen et l’intérêt général. Étant donné que le devoir de vigilance n’a ni pour but premier de remédier ou de rectifier des objections ni pour but d’immuniser autant que possible les décisions contre une critique de légalité, la mesure attaquée ne devait pas non plus être limitée à de simples questions procédurales (réparables). L’existence d’autres objections auxquelles l’administration ne peut pas toujours donner suite ne porte pas atteinte à l’obligation de les soulever quand même dans le cadre des principes de bonne citoyenneté. Il n’y a donc pas de discrimination entre un justiciable qui a manifestement omis de soulever un grief procédural et un justiciable qui a manifestement omis d’invoquer un grief quant au fond. Le devoir de vigilance n’est pas davantage disproportionné dans l’hypothèse d’une situation où une illégalité donnée a déjà été soulevée par un autre citoyen durant la procédure administrative. Étant donné que le devoir de vigilance porte purement et simplement sur la recevabilité d’un moyen et qu’il ne restreint donc que les limites du débat de fond, chaque justiciable, chacun en ce qui le concerne, doit soulever l’illégalité au moment utile durant la procédure administrative, parce qu’un même grief peut être pris en compte différemment dans le processus décisionnel de l’administration, selon la qualité de l’auteur du grief. Dès lors que la situation concrète d’un justiciable peut être différente et que cette situation peut être pertinente pour apprécier la gravité d’un grief déterminé, les justiciables qui ont invoqué une illégalité et ceux qui n’ont pas soulevé cette même illégalité se trouvent dans des situations essentiellement différentes, ce qui justifie, selon lui, que chacun, en ce qui le concerne, doive soulever les illégalités. L’accès au juge n’est donc pas restreint de manière disproportionnée.
Le Gouvernement flamand estime aussi, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été mentionnés en A.6.2.2, que la sanction liée au non-respect du devoir de vigilance est proportionnée. Par ailleurs, le devoir de vigilance ne porte pas atteinte à l’exigence de prévisibilité. Le législateur décrétal ne saurait prévoir dans le texte même de la loi chaque situation possible qu’il vise dans le cadre de l’application du devoir de vigilance et il peut confier cette tâche au juge administratif qui doit le mettre en œuvre tout en évitant un excès de formalisme. Tel est le cas, par exemple, de la notion de « moment utile ». Le juge administratif doit appliquer concrètement la condition de recevabilité, compte tenu des garanties en matière de droit d’accès au juge.
A.7.2.2. Pour les mêmes motifs que ceux qui ont été mentionnés en A.6.2.2, le devoir de vigilance ne porte pas non plus atteinte à l’obligation de standstill. Selon le Gouvernement flamand, des motifs d’intérêt général concernant la répression des abus de procédure et la mise en œuvre d’un examen caractérisé par la sécurité juridique, l’efficacité et la rapidité dans les procédures menées devant le juge administratif peuvent, en tout état de cause, justifier le devoir de vigilance. Le Gouvernement flamand estime en outre que la mesure attaquée crée une plus grande sécurité juridique, contribue à un processus décisionnel plus efficace, suivi d’une meilleure administration de la justice, ce qui signifie qu’il n’y a aucun recul significatif du degré de protection qui serait contraire à l’article 23 de la Constitution.
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Quant au moyen unique dans l’affaire n° 7698
A.8.1.1. Les parties requérantes dans l’affaire n° 7698 prennent un moyen unique de la violation, par l’article 6, alinéa 2, 2° et 3°, du décret du 21 mai 2021, des articles 10, 11, 13 et 23, alinéa 3, 4°, de la Constitution, lus en combinaison avec l’article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l’homme et avec l’article 9, paragraphes 2 et 3, de la Convention d’Aarhus.
A.8.1.2. Dans la première branche, elles font valoir que l’extension de l’article 35 du décret du 4 avril 2014
à trois cas dans lesquels un justiciable ne peut pas invoquer la violation d’une norme ou d’un principe général de droit pour obtenir l’annulation d’une décision administrative qu’il conteste devant le Conseil pour les contestations des autorisations ou devant le Collège de maintien, ne saurait résister au contrôle au regard de l’obligation de standstill.
Selon les parties requérantes, le législateur décrétal a entendu faire baisser le nombre de recours introduits devant le juge dans le cadre d’un droit administratif procédural dynamique et dans le souci d’aboutir à un règlement définitif des litiges, ce qui n’est possible, selon elles, que si les exigences attaquées (l’exigence de relativité et le devoir de vigilance) ont pour effet que les recours peuvent être rejetés. Selon elles, il s’agit de conditions de recevabilité relatives à l’introduction d’un recours devant le juge. Si les nouvelles exigences ne sont pas remplies, ce recours sera rejeté pour cause d’irrecevabilité. Les normes attaquées limitent les catégories de personnes pouvant introduire un recours juridictionnel à celles qui invoquent une illégalité qui est manifestement de nature à protéger les intérêts de celui qui l’invoque, d’une part, et qui n’ont pas manifestement omis de soulever l’illégalité dont elles se prévalent au moment utile où elle pouvait être invoquée durant la procédure administrative, d’autre part.
Ces conditions de recevabilité supplémentaires relèvent du champ d’application de l’obligation de standstill et ont pour effet que le degré de protection préexistant relatif au droit d’accès au juge en matière d’environnement diminue significativement. Auparavant, les justiciables pouvaient attendre la décision finale de l’administration et, donc, jusqu’à ce que toutes les informations soient disponibles pour prendre position (sur le plan juridique).
Auparavant, les justiciables avaient accès au juge en introduisant un recours administratif. L’ajout d’une condition pour pouvoir s’opposer de manière recevable à une décision administrative, comme un permis accordé, se produit, eu égard à la sanction extrême, au détriment des possibilités dont ce citoyen dispose pour faire réexaminer une décision et doit donc être considéré comme une restriction significative du degré de protection préexistant en matière d’environnement. Un tel constat vaut tant en ce qui concerne l’exigence de relativité que le devoir de vigilance. Aujourd’hui, les citoyens sont notamment contraints d’identifier les illégalités éventuelles dès la procédure administrative, puis de les apprécier en vue de les invoquer éventuellement ultérieurement devant le juge. Ceci impose un devoir de vigilance disproportionné au citoyen. Elles relèvent encore à cet égard qu’au stade de l’enquête publique, aucune décision n’a encore été prise, de sorte qu’il est impossible d’identifier toutes les illégalités.
Enfin, les parties requérantes contestent que les conditions de recevabilité accroîtraient la sécurité juridique, en précisant davantage l’intérêt requis. Selon elles, ces conditions de recevabilité contribuent précisément à une plus grande insécurité parce qu’il n’y a pas de critères déterminant quand une norme ou un principe n’est pas de nature à protéger des intérêts ni quand il s’agit d’une « omission manifeste » ou en quoi consiste le « moment utile ».
A.8.1.3. Dans la seconde branche, les parties requérantes allèguent une violation du principe d’égalité en ce qui concerne la possibilité d’introduire un recours. Elles estiment ainsi qu’en ce qui concerne l’exigence de relativité, une différence de traitement injustifiée est créée entre (1) les parties intéressées-personnes physiques qui souhaitent invoquer une illégalité qui n’est manifestement pas de nature à protéger leurs intérêts, (2) les parties intéressées-personnes physiques qui invoquent une illégalité qui est manifestement de nature à protéger leurs intérêts, et (3) les parties intéressées-personnes morales qui souhaitent invoquer une illégalité. Dans le premier cas, les personnes concernées n’ont pas la possibilité d’introduire un recours devant le juge compétent.
Elles allèguent également une différence de traitement injustifiée, en ce qui concerne le devoir de vigilance, entre (1) les justiciables-parties intéressées qui ont soulevé durant la procédure administrative l’illégalité dont ils souhaitent se prévaloir, mais qui ne l’ont pas invoquée au moment prétendument utile, (2) les justiciables-parties intéressées qui ont soulevé au moment utile durant la procédure administrative l’illégalité dont ils souhaitent se prévaloir, et (3) les justiciables-parties intéressées qui n’ont pas soulevé durant la procédure administrative
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l’illégalité dont ils souhaitent se prévaloir. Dans les premier et troisième cas, les justiciables n’ont pas la possibilité d’introduire un recours devant le juge compétent.
Les parties requérantes estiment que les catégories précitées de personnes comparées sont suffisamment comparables, étant donné qu’elles sont toutes des justiciables qui souhaitent attaquer une décision devant le Conseil pour les contestations des autorisations ou devant le Collège de maintien. Elles estiment que les différences de traitement alléguées ne sont pas raisonnablement justifiées parce qu’elles ne sont pas de nature à réaliser le but poursuivi consistant à accroître la sécurité juridique. Premièrement, les conditions de recevabilité supplémentaires ne contribuent pas à davantage de sécurité juridique et à un règlement définitif plus rapide des litiges. En effet, seule la réduction (du nombre) des recours peut assurer plus rapidement la sécurité juridique. Deuxièmement, le législateur décrétal utilise des notions larges, telles que « manifestement », « omission manifeste » et « moment utile », sans établir des critères d’interprétation, ce qui engendre précisément davantage d’insécurité.
À titre subsidiaire, les parties requérantes estiment que les normes attaquées ne sont pas non plus proportionnées. Il s’agit d’une limitation disproportionnée du droit d’accès au juge. Les parties requérantes soutiennent qu’un recours contre un permis accordé est introduit dans seulement 1 % des dossiers, mais que 60 à 80 % des recours introduits donnent lieu à une annulation du permis par le juge. Ainsi, il n’apparaît pas que les citoyens introduisent arbitrairement ou sans raison valable une procédure devant le juge. Pour rationaliser le contentieux administratif, il semble donc plus indiqué d’augmenter la qualité du processus décisionnel. Les dispositions attaquées sont en soi déjà disproportionnées puisqu’elles limitent l’accès au juge à ceux qui ont un intérêt manifeste à la protection de la règle ou du principe qu’elles invoquent et à ceux qui n’ont pas manifestement omis d’agir à un moment utile. Les cas dans lesquels on peut manifestement avoir un intérêt à la protection d’une règle ou d’un principe que l’on invoque ne sont toutefois pas clairement identifiables. Selon les parties requérantes, le législateur décrétal a omis de préciser dans le texte de la loi que le fait de soulever une illégalité liée à la santé publique, aux pressions sur l’environnement, à la nature ou au paysage est toujours destiné à protéger ceux qui s’en prévalent. Le devoir de vigilance provoque également une insécurité juridique, en ce que le justiciable ne peut pas savoir quand il ne respecte pas cette obligation, dès lors que ce qu’il y a lieu d’entendre par « omission manifeste » ou par « moment utile » n’est pas clair. Elles renvoient à cet égard aux remarques qui ont été formulées par la section de législation du Conseil d’État.
L’exigence de relativité et le devoir de vigilance sont aussi incompatibles avec le droit d’accès au juge, garanti par les dispositions mentionnées de la Constitution et de la Convention européenne des droits de l’homme. Ils ne sont pas prévisibles et, en ce qui concerne le devoir de vigilance, la substance même du droit d’accès au juge est affectée. Le législateur décrétal transforme le droit de participation en une obligation de participation. Le droit d’accès au juge est réduit, en réalité, à la question de savoir si le justiciable a soulevé (à temps) une illégalité durant la procédure administrative. Le devoir de vigilance a pour effet d’empêcher les justiciables de faire usage des voies de recours disponibles sans que des exceptions à la règle aient été fixées. Enfin, un devoir de vigilance excessivement strict est imposé au citoyen.
Enfin, les parties requérantes estiment que l’exigence de relativité et le devoir de vigilance sont incompatibles avec le droit d’accès au juge en matière d’environnement, garanti par la Convention d’Aarhus. Elles observent que les conditions attaquées portent sur les conditions de recevabilité concernant des recours juridictionnels introduits notamment contre des décisions qui relèvent du champ d’application des articles 6 et 9, paragraphe 2, de la Convention d’Aarhus. L’article 9, paragraphe 2, de la Convention d’Aarhus ne permet pas de subordonner l’accès au juge du public concerné à la participation préalable au processus décisionnel et la possibilité de soulever des illégalités ne peut pas davantage être limitée à celle qui consiste à protéger les intérêts de celui qui s’en prévaut.
L’article 9, paragraphe 3, de la Convention d’Aarhus prévoit également un accès élargi au juge pour contester des actes administratifs, comme les permis d’environnement, qui sont contraires au droit de l’environnement. Cet accès ne peut pas être rendu extrêmement difficile ou impossible. L’exigence de relativité et le devoir de vigilance compliquent toutefois de manière disproportionnée l’accès au juge pour les intéressés. En renvoyant à la jurisprudence de la Cour de justice, les parties requérantes soutiennent que le devoir de vigilance et l’exigence de relativité sont, en toute hypothèse, contraires à la Convention d’Aarhus.
A.8.2.1. Le Gouvernement flamand estime que le moyen unique n’est pas fondé.
A.8.2.2. En ce qui concerne la première branche, le Gouvernement flamand conteste en ordre principal que les dispositions attaquées entraîneraient un recul significatif.
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L’exigence de relativité, telle qu’elle est fixée par l’article 6, alinéa 2, 2°, du décret du 21 mai 2021, constitue une codification de la jurisprudence existante, ce qui accroît ainsi la sécurité juridique. Il n’y a donc pas de recul et, à plus forte raison, pas de recul significatif du degré de protection existant.
Le devoir de vigilance, tel qu’il est établi par l’article 6, alinéa 2, 3°, du décret du 21 mai 2021, vise à inciter les citoyens à communiquer toutes les informations et objections au « moment utile ». Une protection juridique élargie est offerte aux parties intéressées parce qu’il est possible de tenir compte de leurs situations concrètes et de leurs intérêts. Il s’agit donc plutôt d’une augmentation du degré de protection.
À titre subsidiaire, le Gouvernement flamand estime que l’objectif légitime consistant à favoriser la bonne administration de la justice peut justifier l’exigence de relativité et le devoir de vigilance. Pour le surplus, il reprend, dans le cadre de ce moyen, la position qui a déjà été développée en A.6.2.2.
Quant au moyen unique dans l’affaire n° 7701
A.9.1.1. La partie requérante dans l’affaire n° 7701 prend un moyen unique de la violation, par l’article 6 du décret du 21 mai 2021, des articles 10, 11, 13 et 23 de la Constitution, lus en combinaison avec l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, avec le principe général du raisonnable, avec le principe de la sécurité juridique et avec les principes généraux de l’accès au juge, de légalité et de diligence, avec les articles 1er, 3, 6 et 9 de la Convention d’Aarhus, avec les articles 4, 6, 9 et 11 de la directive 2011/92/UE et avec l’article 25 de la directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010 « relative aux émissions industrielles (prévention et réduction intégrées de la pollution) (refonte) ».
A.9.1.2. Dans la première branche, elle fait valoir que l’exigence en matière de lésion d’intérêts et l’exigence de relativité ont pour effet que, lorsqu’il invoque un moyen, un justiciable doit disposer d’un intérêt à ce moyen.
Un justiciable devant le juge administratif ne peut donc plus invoquer tous les moyens qui peuvent entraîner un constat d’illégalité et donc l’annulation de la décision administrative, de sorte que l’étendue du contrôle juridictionnel est également limitée. Même si le juge saisi a déjà établi préalablement qu’un justiciable a intérêt à l’annulation - ce qui constitue également un examen de la situation concrète de la partie requérante - le justiciable ne pourra pas invoquer un moyen s’il n’a pas un intérêt direct à celui-ci, de sorte que les possibilités du public concerné pour invoquer devant le juge tous les moyens qui peuvent compromettre la légitimité d’une décision sont restreintes, en contradiction avec la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne. Le fait que l’appréciation de l’intérêt par le juge administratif repose sur la situation concrète du justiciable, sans que des critères fixes soient établis, donnera lieu à un grand débat entre les parties au procès, ce qui n’aboutit ni à une optimisation des procédures ni à une plus grande sécurité juridique. En outre, il est déraisonnable que chaque moyen invoqué doive être apprécié en tenant compte de la situation concrète du justiciable, étant donné que la recevabilité et l’intérêt du justiciable à l’annulation ont déjà été appréciés de manière générale.
A.9.1.3. Dans la seconde branche, la partie requérante estime que le devoir de vigilance est contraire à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, qui s’oppose à ce que les possibilités d’invoquer des moyens et, dès lors, celles du contrôle juridictionnel soient limitées. En outre, par sa formulation large, la disposition attaquée engendre une grande insécurité, étant donné que le devoir de vigilance semble s’appliquer à chaque illégalité qu’une partie aurait pu éventuellement invoquer durant la phase administrative. Selon la partie requérante, la formulation « manifestement omis » génère une controverse et est source d’imprécision. L’on n’aperçoit pas clairement si une simple « omission » due à une négligence ou si une « omission » intentionnelle, volontaire ou de mauvaise foi est requise pour être qualifiée d’« omission manifeste ». Ce manque de sécurité juridique limite aussi dans une mesure importante et de manière disproportionnée l’accès au juge. À cet égard, elle souligne en particulier que le citoyen n’est pas nécessairement assisté par un avocat pendant la phase administrative et qu’il n’est donc pas évident d’identifier les illégalités. Ainsi, le citoyen est en réalité présumé avoir une connaissance juridique et technique approfondie de l’environnement, ce qui ne sera pas toujours le cas. Selon la partie requérante, il sera très souvent possible, dans ces circonstances, d’argumenter devant le juge administratif que certains griefs n’ont pas été formulés durant la procédure administrative et qu’un justiciable aurait dû le faire.
Il est donc question d’une limitation déraisonnable du droit d’accès au juge.
A.9.2.1. Le Gouvernement flamand objecte que les première et seconde branches du moyen unique sont partiellement irrecevables parce que la partie requérante a omis d’expliquer en ce qui concerne plusieurs
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dispositions conventionnelles et constitutionnelles si et dans quelle mesure ces dispositions sont violées concrètement.
A.9.2.2. Le Gouvernement flamand estime que la première branche du moyen unique n’est pas fondée.
En ce qui concerne l’exigence en matière de lésion d’intérêts, il relève que cette exigence avait, en réalité, déjà été introduite précédemment et que, par son arrêt n° 87/2018 du 5 juillet 2018
(ECLI:BE:GHCC:2018:ARR.087), la Cour n’y a vu aucun inconvénient. La disposition attaquée a uniquement pour effet de préciser et de concrétiser cette exigence. Selon le Gouvernement flamand, cette exigence a pour conséquence que les procédures devant le juge sont optimisées d’une manière plus sûre juridiquement et que l’administration de la justice est en adéquation avec le litige concret. Le Gouvernement flamand conteste la pertinence de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne à laquelle il est fait référence.
En ce qui concerne l’exigence de relativité, il reprend sa position, telle qu’elle a déjà été développée en A.6.2.2.
A.9.2.3. Le Gouvernement flamand estime que la seconde branche du moyen unique n’est pas fondée. Il conteste que l’utilisation des termes « manifestement omis » entraînerait précisément une plus grande insécurité juridique dans les procédures engagées devant les juridictions administratives. Il estime que l’omission d’un justiciable d’invoquer une illégalité à temps peut uniquement avoir pour effet que le moyen est irrecevable à défaut d’intérêt. Le recours proprement dit devant le juge reste inchangé en tant que tel. Il soutient que le devoir de vigilance est conforme à la jurisprudence en vigueur, puisque la réglementation est limitée cumulativement à l’appréciation du moyen, et non au recours dans son ensemble, et est limité à une omission « manifeste » de soulever l’illégalité à temps.
Pour le surplus, il reprend sa position, telle qu’elle a déjà été développée en A.6.2.2.
Quant au maintien des effets
A.10. Le Gouvernement flamand demande à la Cour, le cas échéant, de maintenir définitivement les effets des dispositions annulées jusqu’au moment de la publication de l’arrêt au Moniteur belge. Il estime que l’annulation non modulée des dispositions attaquées pourrait créer une grande insécurité juridique pour les citoyens et pour les autorités qui sont ou ont été impliquées dans des procédures engagées devant les juridictions administratives pertinentes.
-B-
Quant à la recevabilité
B.1.1. Le Gouvernement flamand conteste l’intérêt des parties requérantes dans les affaires nos 7638, 7644 et 7656 à l’annulation de la disposition attaquée, qui vise à optimiser la procédure devant certaines juridictions administratives flamandes.
B.1.2. La Constitution et la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle imposent à toute personne physique ou morale qui introduit un recours en annulation de justifier d’un intérêt. Ne justifient de l’intérêt requis que les personnes dont la situation pourrait être
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affectée directement et défavorablement par la norme attaquée; il s’ensuit que l’action populaire n’est pas admissible.
B.1.3. Les parties requérantes dans les affaires nos 7638, 7644 et 7656, qui sont des personnes physiques et des personnes morales, demandent l’annulation de l’article 6 du décret de la Région flamande du 21 mai 2021 « modifiant le décret du 4 avril 2014 relatif à l’organisation et à la procédure de certaines juridictions administratives flamandes, en ce qui concerne l’optimisation des procédures » (ci-après : le décret du 21 mai 2021). Elles démontrent qu’elles ont déjà agi précédemment en tant que parties à un procès devant le Conseil pour les contestations des autorisations et devant le Collège de maintien, qu’elles vont manifestement encore le faire et que certaines d’entre elles sont en outre parties à une procédure pendante devant le Conseil pour les contestations des autorisations dans laquelle l’administration défenderesse demande l’application de la disposition attaquée.
L’exception est rejetée.
B.2.1. Le Gouvernement flamand demande également que les ASBL requérantes dans les affaires nos 7644 et 7656, « Aktiekomitee Red de Voorkempen » et « Vereniging van Schotenhof », produisent la preuve d’une décision d’agir en justice prise par l’organe compétent.
B.2.2. Il ressort du dossier que les requêtes ont été signées par l’avocat des parties requérantes.
En vertu de l’article 440, alinéa 2, du Code judiciaire, l’avocat comparaît comme mandaté par la partie sans avoir à justifier de la moindre procuration, sauf lorsque la loi exige un mandat spécial. Le mandat ad litem est donc légalement présumé exister dans le chef de l’avocat. Cette présomption est réfragable, tant à l’égard des personnes physiques que des personnes morales.
L’article 7, alinéa 3, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 prévoit que la preuve de la décision d’agir en justice de l’organe compétent de la personne morale doit être produite « à la première demande ». Cette formulation permet à la Cour de renoncer à une telle demande, notamment lorsque la personne morale est représentée par un avocat. Une partie peut objecter que la
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décision d’agir en justice n’a pas été prise par les organes compétents de la personne morale, mais la preuve de son allégation, qu’elle peut apporter par toutes voies de droit, lui incombe.
B.2.3. Le Gouvernement flamand ne démontre pas que l’avocat des parties requérantes ne dispose pas du mandat requis. Il ne démontre pas non plus que les ASBL requérantes n’ont pas introduit valablement leurs recours.
L’exception est rejetée.
B.3.1. Enfin, le Gouvernement flamand soutient que, d’une part, les moyens dans les affaires nos 7638, 7644 et 7656 et, d’autre part, le moyen unique dans l’affaire n° 7701 sont partiellement irrecevables en ce qu’ils n’exposent pas en quoi et dans quelle mesure certaines des normes de référence mentionnées dans ces moyens seraient violées.
B.3.2. Pour satisfaire aux exigences de l’article 6 de la loi spéciale du 6 janvier 1989, les moyens de la requête doivent faire connaître, parmi les règles dont la Cour garantit le respect, celles qui seraient violées ainsi que les dispositions qui violeraient ces règles et exposer en quoi ces règles auraient été transgressées par ces dispositions.
La Cour examine les moyens dans la mesure où ils répondent à ces exigences.
Quant aux dispositions attaquées et à leur contexte
B.4.1. Les parties requérantes dans les affaires n° 7638, 7644, 7656, 7683, 7698 et 7701
demandent l’annulation de l’article 6 du décret du 21 mai 2021. La partie requérante dans l’affaire n° 7683 demande également l’annulation de l’article 9 du décret du 21 mai 2021.
B.4.2. L’article 6 du décret du 21 mai 2021 dispose que, dans l’article 35 du décret de la Région flamande du 4 avril 2014 « relatif à l’organisation et à la procédure de certaines juridictions administratives flamandes » (ci-après : le décret du 4 avril 2014), l’alinéa 3 est remplacé. L’article 35, ainsi modifié, du décret du 4 avril 2014 dispose :
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« Si une juridiction administrative flamande telle que visée à l’article 2, 1°, a) et b), déclare le recours fondé, elle annule entièrement ou partiellement la décision contestée, sans préjudice de l’application de l’article 34.
Dans son arrêt, une juridiction administrative flamande telle que visée à l’article 2, 1°, a)
et b), statue sur tous les moyens [invoqués] dont elle juge que l’évaluation peut être utile en cas d’une nouvelle décision ou d’un autre acte de l’administration.
Sans qu’il soit porté préjudice à la possibilité d’invoquer la violation de règles d’ordre public, la violation d’une norme ou d’un principe de droit général ne peut donner lieu à une annulation dans l’un des cas suivants :
1° si la partie qui avance la violation n’est pas lésée par l’illégalité invoquée. Le fait que la violation [invoquée] constitue une illégalité susceptible de donner lieu à une annulation, ne signifie pas en soi que la partie est lésée par l’illégalité invoquée;
2° si l’illégalité invoquée n’est manifestement pas de nature à protéger les intérêts de celui qui l’invoque;
3° si la partie a manifestement omis [de soulever] l’illégalité invoquée au moment utile où
l’illégalité [pouvait] être [soulevée] pendant la procédure administrative ».
Les conditions mentionnées dans l’article 35, alinéa 3, ainsi modifié, du décret du 4 avril 2014 ont pour conséquence que la violation d’une norme ou d’un principe général de droit ne peut aboutir à l’annulation de l’acte administratif attaqué que si la partie qui invoque la violation est lésée par l’illégalité dont elle se prévaut (la « lésion d’intérêts »), si cette illégalité est en outre de nature à protéger les intérêts de cette partie (la « condition de relativité ») et si cette partie n’a pas manifestement omis d’invoquer cette illégalité au moment le plus utile pendant la procédure administrative (le « devoir de vigilance »).
B.4.3. Il ressort des travaux préparatoires que le législateur décrétal a voulu faire évoluer le modèle de la jurisprudence administrative vers un règlement définitif des litiges plus rapide et plus efficace, orienté vers la recherche de solutions et basé sur la situation concrète du justiciable :
« Notre droit administratif procédural ne fonctionne pas encore de manière optimale. Le projet de décret vise à promouvoir l’évolution vers un modèle de procédure administrative fondé principalement sur la fonction de protection juridique et, par extension, sur la mission de règlement des litiges du juge administratif. À cette fin, le juge administratif doit disposer de compétences lui permettant de faire rapidement la clarté sur les rapports juridiques concrets entre les parties intéressées et les organes administratifs, sans que soient réduites les possibilités de contestation des décisions. Le décret du 4 avril 2014 donne déjà actuellement au juge
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administratif des instruments pour régler définitivement un litige en fonction des intérêts concrets des requérants, sans qu’il doive nécessairement toujours procéder à une annulation pure et simple. Ainsi, l’article 37 de ce décret permet au juge administratif de prononcer des injonctions ou de régler lui-même le dossier, l’article 34 permet quant à lui l’application de la boucle administrative et l’article 36 permet le maintien des effets, si nécessaire d’office. Les clarifications apportées à l’article 35, alinéa 3, du décret du 4 avril 2014 visent à renforcer cette tendance vers un règlement définitif des litiges qui tienne compte des intérêts concrets des parties.
[…]
33. La proposition d’article 35, alinéa 3, du décret du 4 avril 2014 vise à clarifier et à reformuler l’intérêt au moyen en tenant compte de l’objectif poursuivi consistant à fournir une protection juridique basée sur la situation concrète du requérant, et ce, dans le respect des droits fondamentaux et du droit européen.
34. La proposition de modification de l’alinéa 3 de l’article 35 règle trois situations distinctes dans lesquelles une illégalité invoquée ne peut pas aboutir à une annulation. Il s’agit donc de trois cas séparés et non de conditions cumulatives » (Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 699/1, pp. 11-12).
B.4.4. L’article 35 du décret du 4 avril 2014 est applicable à la procédure devant les juridictions administratives mentionnées à l’article 2, 1°, a), de ce décret. Il s’agit du Conseil pour les contestations des autorisations et du Collège de maintien. Le Conseil pour les contestations des autorisations est une juridiction administrative qui statue sur les recours formés notamment contre les actes administratifs en matière d’environnement (article 105 du décret du 25 avril 2014 « relatif au permis d’environnement », ci-après : le décret du 25 avril 2014; article 4.8.2. du Code flamand de l’aménagement du territoire). Le Collège de maintien est une juridiction administrative qui statue sur les recours formés contre les amendes administratives, notamment en matière d’environnement (article 16.4.19 du décret du 5 avril 1995 « contenant des dispositions générales concernant la politique de l’environnement »; ci-
après : le décret du 5 avril 1995), par celui à qui l’amende a été infligée (article 16.4.39 du décret du 5 avril 1995). La Cour examine les moyens séparément en ce qu’ils portent sur l’application de la disposition attaquée devant le Conseil pour les contestations des autorisations et devant le Collège de maintien.
B.4.5. L’article 9 du décret du 21 mai 2021 dispose :
« L’article 3, l’article 4, 1° à 7° et 9° à 11°, l’article 5, 2°, et les articles 6 et 8 s’appliquent aux actions introduites à partir de la date d’entrée en vigueur de l’article concerné.
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Les articles 20, 21, 31/1, 35 et 42 du décret du 4 avril 2014 relatif à l’organisation et à la procédure de certaines juridictions administratives flamandes, tels qu’en vigueur avant l’entrée en vigueur des articles 3, 4, 1° à 7° et 9° à 11°, 5, 2°, 6 et 8 du présent décret, s’appliquent aux éventuelles actions complémentaires dont l’action principale a été introduite avant l’entrée en vigueur des articles 3, 4, 1° à 7° et 9° à 11°, 5, 2°, 6 et 8 du présent décret.
L’article 7 s’applique aux arrêts d’annulation rendus à partir de la date d’entrée en vigueur de l’article 7 ».
Cette disposition règle le champ d’application temporel de l’article 35, alinéa 3, du décret du 4 avril 2014, remplacé par l’article 6, attaqué, du décret du 21 mai 2021. L’article 35, alinéa 3, du décret du 4 avril 2014, ainsi remplacé, s’applique aux actions introduites à partir du 24 juin 2021, date d’entrée en vigueur des dispositions attaquées.
Quant à la procédure devant le Conseil pour les contestations des autorisations
En ce qui concerne la première branche du moyen unique dans l’affaire n° 7701
B.5. Le moyen unique dans l’affaire n° 7701, en sa première branche, est pris de la violation, par l’article 35, alinéa 3, 1°, du décret du 4 avril 2014, introduit par l’article 6 du décret du 21 mai 2021, des articles 10, 11, 13 et 23 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 6, 13 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme, avec l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, avec le principe général du raisonnable, avec le principe de la sécurité juridique et avec les principes généraux du droit d’accès au juge, de légalité et de diligence, avec les articles 1er, 3, 6 et 9 de la Convention d’Aarhus, avec les articles 4, 6, 9 et 11 de la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 « concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement » (ci-après : la directive 2011/92/UE) et avec l’article 25
de la directive 2010/75/UE du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2010
« relative aux émissions industrielles (prévention et réduction intégrées de la pollution)
(refonte) » (ci-après : la directive 2010/75/UE).
B.6. La partie requérante dans l’affaire n° 7701 n’expose pas en quoi la disposition attaquée violerait l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme, les articles 3
21
et 6 de la Convention d’Aarhus, les articles 4, 6 et 9 de la directive 2011/92/UE et l’article 25
de la directive 2010/75/UE.
En ce qu’il est pris de la violation de ces dispositions, le moyen unique dans l’affaire n° 7701, en sa première branche, n’est pas recevable.
B.7.1. Les articles 10 et 11 de la Constitution ont une portée générale. Ils interdisent toute discrimination, quelle qu’en soit l’origine : les règles constitutionnelles de l’égalité et de la non-
discrimination sont applicables à l’égard de tous les droits et de toutes les libertés, en ce compris ceux résultant des conventions internationales liant la Belgique.
B.7.2. L’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme dispose :
« La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation ».
B.7.3. L’article 13 de la Constitution dispose :
« Nul ne peut être distrait, contre son gré, du juge que la loi lui assigne ».
L’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme garantit aussi le droit d’accès à un juge exerçant un contrôle de pleine juridiction pour les contestations sur des droits et obligations de caractère civil et pour établir le bien-fondé d’une accusation en matière pénale.
L’article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l’homme dispose :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l’accès de la salle d’audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l’intérêt de la moralité, de l’ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l’exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice ».
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Le droit d’accès au juge peut être soumis à des conditions de recevabilité. Ces conditions ne peuvent cependant aboutir à restreindre le droit d’accès au juge de manière telle que celui-
ci s’en trouve atteint dans sa substance même. Tel serait le cas si les restrictions imposées ne tendaient pas vers un but légitime et s’il n’existait pas un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé. La compatibilité d’une telle restriction avec le droit d’accès au juge dépend des particularités de la procédure en cause et s’apprécie au regard de l’ensemble du procès (CEDH, 24 février 2009, L’Erablière c. Belgique, ECLI:CE:ECHR:2009:0224JUD004923007, § 36; 29 mars 2011, R.T.B.F. c. Belgique, ECLI:CE:ECHR:2011:0329JUD005008406, § 70; 18 octobre 2016, Miessen c. Belgique, ECLI:CE:ECHR:2016:1018JUD003151712, § 64; 17 juillet 2018, Vermeulen c. Belgique, ECLI:CE:ECHR:2018:0717JUD000547506, § 58).
Les règles en question ne peuvent toutefois pas empêcher les justiciables de faire valoir les voies de recours disponibles. « En effet, le droit d’accès à un tribunal se trouve atteint lorsque sa réglementation cesse de servir les buts de la sécurité juridique et de la bonne administration de la justice et constitue une sorte de barrière qui empêche le justiciable de voir son litige tranché au fond par la juridiction compétente » (CEDH, 24 mai 2011, Sabri Güneş c. Turquie, ECLI:CE:ECHR:2011:0524JUD002739606, § 58; 13 janvier 2011, Evaggelou c. Grèce, ECLI:CE:ECHR:2011:0113JUD004407807, § 19; 18 octobre 2016, Miessen c. Belgique, ECLI:CE:ECHR:2016:1018JUD003151712, § 66).
L’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne prévoit également le droit à un recours effectif. Il convient de donner à cette disposition la même portée qu’aux articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l’homme (CJUE, grande chambre, 19 novembre 2019, C-585/18, C-624/18 et C-625/18, A. K./Krajowa Rada Sądownictwa et CP et DO/Sąd Najwyższy, ECLI:EU:C:2019:982, point 117).
B.7.4. L’article 23 de la Constitution dispose :
« Chacun a le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine.
23
À cette fin, la loi, le décret ou la règle visée à l’article 134 garantissent, en tenant compte des obligations correspondantes, les droits économiques, sociaux et culturels, et déterminent les conditions de leur exercice.
Ces droits comprennent notamment :
[…]
2° le droit à la sécurité sociale, à la protection de la santé et à l’aide sociale, médicale et juridique;
[…]
4° le droit à la protection d’un environnement sain;
[…] ».
B.7.5. L’article 23 de la Constitution dispose que chacun a le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine. À cette fin, les différents législateurs garantissent, en tenant compte des obligations correspondantes, les droits économiques, sociaux et culturels, et déterminent les conditions de leur exercice. Ces droits comprennent notamment le droit à la protection d’un environnement sain. Il relève du pouvoir d’appréciation de chaque législateur de déterminer les mesures qu’il estime adéquates et opportunes pour réaliser cet objectif.
Un large accès à la justice en matière d’environnement contribue à la préservation, à la protection et à l’amélioration de la qualité de l’environnement et à la protection de la santé humaine (CJUE, 7 novembre 2013, C-72/12, Gemeinde Altrip, ECLI:EU:C:2013:712, point 46). Dans ce contexte, l’article 23, alinéa 3, 4°, de la Constitution est également pertinent en ce qui concerne l’accès à la justice en matière d’environnement.
B.7.6. L’article 1er de la Convention d’Aarhus sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement dispose :
« Afin de contribuer à protéger le droit de chacun, dans les générations présentes et futures, de vivre dans un environnement propre à assurer sa santé et son bien-être, chaque Partie garantit les droits d’accès à l’information sur l’environnement, de participation du public au processus décisionnel et d’accès à la justice en matière d’environnement conformément aux dispositions de la présente Convention ».
L’article 9 de la même Convention dispose :
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« 1. Chaque Partie veille, dans le cadre de sa législation nationale, à ce que toute personne qui estime que la demande d’informations qu’elle a présentée en application de l’article 4 a été ignorée, rejetée abusivement, en totalité ou en partie, ou insuffisamment prise en compte ou qu’elle n’a pas été traitée conformément aux dispositions de cet article, ait la possibilité de former un recours devant une instance judiciaire ou un autre organe indépendant et impartial établi par la loi.
Dans les cas où une Partie prévoit un tel recours devant une instance judiciaire, elle veille à ce que la personne concernée ait également accès à une procédure rapide établie par la loi qui soit gratuite ou peu onéreuse, en vue du réexamen de la demande par une autorité publique ou de son examen par un organe indépendant et impartial autre qu’une instance judiciaire.
Les décisions finales prises au titre du présent paragraphe 1 s’imposent à l’autorité publique qui détient les informations. Les motifs qui les justifient sont indiqués par écrit, tout au moins lorsque l’accès à l’information est refusé au titre du présent paragraphe.
2. Chaque Partie veille, dans le cadre de sa législation nationale, à ce que les membres du public concerné
a) ayant un intérêt suffisant pour agir
ou, sinon,
b) faisant valoir une atteinte à un droit, lorsque le code de procédure administrative d’une Partie pose une telle condition,
puissent former un recours devant une instance judiciaire et/ou un autre organe indépendant et impartial établi par loi pour contester la légalité, quant au fond et à la procédure, de toute décision, tout acte ou toute omission tombant sous le coup des dispositions de l’article 6 et, si le droit interne le prévoit et sans préjudice du paragraphe 3 ci-après, des autres dispositions pertinentes de la présente Convention.
Ce qui constitue un intérêt suffisant et une atteinte à un droit est déterminé selon les dispositions du droit interne et conformément à l’objectif consistant à accorder au public concerné un large accès à la justice dans le cadre de la présente Convention. A cet effet, l’intérêt qu’a toute organisation non gouvernementale répondant aux conditions visées au paragraphe 5
de l’article 2 est réputé suffisant au sens de l’alinéa a) ci-dessus. Ces organisations sont également réputées avoir des droits auxquels il pourrait être porté atteinte au sens de l’alinéa b)
ci-dessus.
Les dispositions du présent paragraphe 2 n’excluent pas la possibilité de former un recours préliminaire devant une autorité administrative et ne dispensent pas de l’obligation d’épuiser les voies de recours administratif avant d’engager une procédure judiciaire lorsqu’une telle obligation est prévue en droit interne.
3. En outre, et sans préjudice des procédures de recours visées aux paragraphes 1 et 2 ci-
dessus, chaque Partie veille à ce que les membres du public qui répondent aux critères éventuels prévus par son droit interne puissent engager des procédures administratives ou judiciaires pour
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contester les actes ou omissions de particuliers ou d’autorités publiques allant à l’encontre des dispositions du droit national de l’environnement.
4. En outre, et sans préjudice du paragraphe 1, les procédures visées aux paragraphes 1, 2
et 3 ci-dessus doivent offrir des recours suffisants et effectifs, y compris un redressement par injonction s’il y a lieu, et doivent être objectives, équitables et rapides sans que leur coût soit prohibitif. Les décisions prises au titre du présent article sont prononcées ou consignées par écrit. Les décisions des tribunaux et, autant que possible, celles d’autres organes doivent être accessibles au public.
5. Pour rendre les dispositions du présent article encore plus efficaces, chaque Partie veille à ce que le public soit informé de la possibilité qui lui est donnée d’engager des procédures de recours administratif ou judiciaire, et envisage la mise en place de mécanismes appropriés d’assistance visant à éliminer ou à réduire les obstacles financiers ou autres qui entravent l’accès à la justice ».
L’article 11 de la directive 2011/92/UE dispose :
« 1. Les États membres veillent, conformément à leur cadre juridique en la matière, à ce que les membres du public concerné :
a) ayant un intérêt suffisant pour agir, ou sinon
b) faisant valoir une atteinte à un droit, lorsque le droit administratif procédural d’un État membre impose une telle condition,
puissent former un recours devant une instance juridictionnelle ou un autre organe indépendant et impartial établi par la loi pour contester la légalité, quant au fond ou à la procédure, des décisions, des actes ou omissions relevant des dispositions de la présente directive relatives à la participation du public.
2. Les États membres déterminent à quel stade les décisions, actes ou omissions peuvent être contestés.
3. Les États membres déterminent ce qui constitue un intérêt suffisant pour agir ou une atteinte à un droit, en conformité avec l’objectif visant à donner au public concerné un large accès à la justice. À cette fin, l’intérêt de toute organisation non gouvernementale, répondant aux exigences visées à l’article 1er, paragraphe 2, est réputé suffisant aux fins du paragraphe 1, point a), du présent article. De telles organisations sont aussi réputées bénéficier de droits susceptibles de faire l’objet d’une atteinte aux fins du paragraphe 1, point b), du présent article.
4. Le présent article n’exclut pas la possibilité d’un recours préalable devant une autorité administrative et n’affecte en rien l’obligation d’épuiser toutes les voies de recours administratif avant d’engager des procédures de recours juridictionnel dès lors que la législation nationale prévoit une telle obligation.
Ces procédures doivent être régulières, équitables, rapides et d’un coût non prohibitif.
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5. Afin d’accroître l’efficacité des dispositions du présent article, les États membres veillent à ce qu’une information pratique soit mise à la disposition du public concernant l’accès aux voies de recours administratif et juridictionnel ».
B.8.1. Avant son remplacement litigieux, l’article 35, alinéa 3, du décret du 4 avril 2014
disposait :
« Une illégalité aboutit uniquement à une annulation si la partie qui l’avance, est lésée par l’illégalité invoquée ».
B.8.2. Par son arrêt n° 87/2018 du 5 juillet 2018 (ECLI:BE:GHCC:2018:ARR.087), la Cour a jugé, en ce qui concerne la compatibilité de la condition décrétale précitée avec les dispositions mentionnées en B.7, dans la version qui était applicable à l’époque :
« B.28.1. L’article 35, alinéa 3, du décret du 4 avril 2014, tel qu’il a été inséré par l’article 11 du décret attaqué, dispose qu’une illégalité ne peut donner lieu à une annulation que ‘ si la partie qui l’avance est lésée par l’illégalité invoquée ’. Bien que les juridictions administratives flamandes statuent par voie d’arrêts relativement aux recours en annulation et annulent en règle générale l’acte administratif attaqué lorsqu’il est illégal, une condition de recevabilité est liée à l’invocation d’un moyen relatif à l’illégalité.
B.28.2. La disposition attaquée consacre dans le décret l’exigence de l’intérêt au moyen, telle qu’elle découle de la jurisprudence du Conseil d’Etat. Selon cette jurisprudence, la partie requérante n’est en principe recevable à invoquer une illégalité que lorsque celle-ci lèse ses intérêts.
B.29.1. Les parties requérantes semblent d’abord craindre que les associations qui invoquent un intérêt collectif ne puissent plus invoquer une illégalité lorsque celle-ci n’affecte pas leur situation personnelle.
Ni les travaux préparatoires ni la mesure elle-même ne sont susceptibles de fonder cette crainte. La mesure attaquée n’a pas pour effet qu’une association requérante qui poursuit un intérêt collectif puisse seulement invoquer des moyens auxquels l’association a un intérêt personnel. Au contraire, comme c’était le cas avant l’entrée en vigueur de la disposition attaquée, cette association peut pleinement invoquer des irrégularités qui lèsent l’intérêt collectif qu’elle poursuit.
B.29.2. En ce qui concerne le droit de l’Union, et en particulier l’article 10bis de la directive 85/337/CEE du Conseil du 27 juin 1985 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (actuellement l’article 11 de la directive 2011/92/UE), la Cour de justice a jugé :
‘ […]
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42. Il en résulte que, quelle que soit l’option d’un Etat membre quant au critère de recevabilité d’un recours, les associations de protection de l’environnement sont en droit, conformément à l’article 10bis de la directive 85/337, de former un recours devant une instance juridictionnelle ou un autre organe indépendant et impartial établi par la loi pour contester la légalité, quant au fond ou à la procédure, des décisions, actes ou omissions visés audit article.
43. Enfin, il y a également lieu de rappeler que, lorsque, en l’absence de règles fixées dans ce domaine par le droit de l’Union, il appartient à l’ordre juridique de chaque Etat membre de désigner les juridictions compétentes et de régler les modalités procédurales des recours destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union, ces modalités ne doivent pas être moins favorables que celles concernant des recours similaires de nature interne (principe de l’équivalence) et ne doivent pas rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union (principe d’effectivité).
44. Ainsi, s’il appartient aux Etats membres de déterminer, lorsque tel est leur système juridique, quels sont les droits dont la violation peut donner lieu à un recours en matière d’environnement, dans les limites imparties par l’article 10bis de la directive 85/337, ceux-ci ne sauraient, en procédant à cette détermination, priver les associations de défense de l’environnement, qui répondent aux exigences visées à l’article 1er, paragraphe 2, de cette directive, de la possibilité de jouer le rôle qui leur est reconnu tant par la directive 85/337 que par la convention d’Aarhus.
45. S’agissant d’une législation telle que celle en cause au principal, s’il est loisible au législateur national de limiter les droits dont la violation peut être invoquée par un particulier dans le cadre d’un recours juridictionnel contre l’un des décisions, actes ou omissions visés à l’article 10bis de la directive 85/337, aux seuls droits subjectifs publics, une telle limitation ne peut s’appliquer telle quelle aux associations de défense de l’environnement sauf à méconnaître les objectifs de l’article 10bis, troisième alinéa, dernière phrase, de la directive 85/337.
46. En effet, si, ainsi qu’il ressort de cette disposition, ces associations doivent pouvoir faire valoir les mêmes droits que les particuliers, il serait contraire à l’objectif d’assurer au public concerné un large accès à la justice, d’une part, ainsi qu’au principe d’effectivité, d’autre part, que lesdites associations ne puissent également faire valoir l’atteinte à des normes issues du droit de l’Union de l’environnement au seul motif que celles-ci protègent des intérêts collectifs. En effet, ainsi que le montre le litige au principal, cela les priverait très largement de la possibilité de faire contrôler le respect des normes issues de ce droit, lesquelles sont, le plus souvent, tournées vers l’intérêt général et non vers la seule protection des intérêts des particuliers pris individuellement.
47. Il en résulte tout d’abord que la notion d’“ atteinte à un droit ” ne saurait dépendre de conditions que seules d’autres personnes physiques ou morales pourraient remplir, telles, par exemple, la condition d’être voisin plus ou moins proche d’une installation, ou celle de subir d’une manière ou d’une autre les effets de son fonctionnement.
48. Il en résulte, plus généralement, que l’article 10bis, troisième alinéa, dernière phrase, de la directive 85/337, doit être lu en ce sens que, au nombre des “ droits susceptibles de faire
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l’objet d’une atteinte ”, dont les associations de défense de l’environnement sont réputées bénéficier, doivent nécessairement figurer les règles du droit national qui mettent en œuvre la législation de l’Union en matière d’environnement, ainsi que les règles du droit de l’Union de l’environnement d’effet direct ’ (CJUE, 12 mai 2011, C-115/09, Bund für Umwelt und Naturschutz Deutschland).
La Cour de justice a ensuite dit pour droit que l’article 10bis de la directive 85/337/CEE
(actuellement l’article 11 de la directive 2011/92/UE) s’oppose à une législation qui ne reconnaît pas à une organisation non gouvernementale qui œuvre en faveur de la protection de l’environnement, visée à l’article 1er, paragraphe 2, de cette directive, la possibilité d’invoquer en justice, dans le cadre d’un recours contre une décision d’autorisation de projets ‘ susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement ’ au sens de l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 85/337/CEE (actuellement l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2011/92/UE), la violation d’une règle découlant du droit de l’Union et ayant pour objet la protection de l’environnement, au motif que cette règle ne protège que les seuls intérêts de la collectivité et non pas ceux des particuliers.
B.29.3. Les parties requérantes semblent craindre en second lieu de ne plus pouvoir invoquer une illégalité lorsqu’elles ne sont pas en mesure de démontrer que l’illégalité alléguée peut avoir une influence sur le sens de la décision prise. Ni la mesure ni les précisions contenues dans les travaux préparatoires ne sont susceptibles de fonder cette crainte.
La disposition attaquée n’a dès lors pas la portée que les parties requérantes lui donnent et ne crée pas la différence de traitement alléguée. En particulier, la mesure n’a pas pour effet qu’un requérant doive lui-même prouver que l’irrégularité alléguée peut avoir une influence sur le sens de la décision prise.
B.29.4. En ce qui concerne l’article 10bis de la directive 85/337/CEE (actuellement l’article 11 de la directive 2011/92/UE), la Cour de justice a jugé :
‘ 47. En l’occurrence, et s’agissant, en premier lieu, du critère tiré du lien de causalité qui doit exister entre le vice de procédure invoqué et le sens de la décision finale contestée (ci-
après : le “ critère de causalité ”), il doit être relevé que, en exigeant que les Etats membres veillent à ce que les membres du public concerné puissent former un recours pour contester la légalité, quant au fond ou à la procédure, des décisions, des actes ou des omissions relevant des dispositions de la directive 85/337, le législateur de l’Union n’a, comme il a été rappelé au point 36 du présent arrêt, aucunement limité les moyens qui peuvent être invoqués à l’appui d’un recours. Il n’a, dans tous les cas, pas entendu lier la possibilité d’invoquer un vice de procédure à la condition qu’il ait une incidence sur le sens de la décision finale contestée.
48. Au demeurant, dès lors que cette directive a notamment pour objet de fixer des garanties procédurales permettant en particulier une meilleure information et une participation du public dans le cadre de l’évaluation des incidences sur l’environnement des projets publics et privés susceptibles d’avoir un impact important sur cet environnement, le contrôle du respect des règles de procédure dans ce domaine revêt une importance particulière. Conformément à l’objectif visant à lui donner un large accès à la justice, le public concerné doit donc pouvoir, par principe, invoquer tout vice de procédure à l’appui d’un recours en contestation de la légalité des décisions visées par ladite directive.
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49. Toutefois, il ne saurait être contesté que tout vice de procédure n’emporte pas nécessairement de conséquences de nature à affecter le sens d’une telle décision et que, par suite, il ne peut, dans ce cas, être regardé comme lésant dans ses droits celui qui l’invoque. Dans un tel cas, il n’apparaît pas que l’objectif de la directive 85/337 visant à donner au public concerné un large accès à la justice serait compromis si le droit d’un Etat membre considérait qu’un requérant s’appuyant sur un vice de cette nature devrait être considéré comme n’étant pas atteint dans ses droits et, par suite, comme n’étant pas recevable à contester une telle décision.
50. A cet égard, il convient de rappeler que l’article 10bis de cette directive laisse aux Etats membres une marge de manœuvre appréciable pour déterminer ce qui constitue une atteinte à un droit (voir, en ce sens, arrêt Bund für Umwelt und Naturschutz Deutschland, Landesverband Nordrhein-Westfalen, précité, point 55).
51. Dans ces conditions, il pourrait être admis que le droit national ne reconnaisse pas l’atteinte à un droit au sens de l’article 10bis, sous b), de ladite directive s’il est établi qu’il est envisageable, selon les circonstances de l’espèce, que la décision contestée n’aurait pas été différente sans le vice de procédure invoqué ’ (CJUE, 7 novembre 2013, C-72/12, Gemeinde Altrip).
La Cour de justice a ensuite dit pour droit que l’article 10bis, point b, de la directive 85/337/CEE, telle qu’elle a été modifiée par la directive 2003/35/CE (actuellement l’article 11, paragraphe 1, point b), de la directive 2011/92/UE), devait être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une jurisprudence nationale qui ne reconnaît pas l’atteinte à un droit au sens de cet article s’il est établi qu’il est envisageable, au regard des circonstances de l’espèce, que la décision contestée n’aurait pas été différente sans le vice de procédure invoqué par le demandeur. Il ne peut toutefois en aller ainsi qu’à la condition que l’instance juridictionnelle ou l’organe saisis du recours ne fassent aucunement peser la charge de la preuve à cet égard sur le demandeur et se prononcent au vu, le cas échéant, des éléments de preuve fournis par le maître de l’ouvrage ou les autorités compétentes et, plus généralement, au vu de l’ensemble des pièces du dossier qui leur est soumis, en tenant compte notamment du degré de gravité du vice invoqué et en vérifiant en particulier, à ce titre, s’il a privé le public concerné d’une des garanties instituées en vue de lui permettre, conformément aux objectifs de la directive 85/337/CEE, d’avoir accès à l’information et de participer au processus de décision (voy. aussi les conclusions de l’avocat général M. Wathelet du 21 mai 2015, dans l’affaire C-137/14, Commission européenne c. République fédérale d’Allemagne, points 95-101).
B.29.5. Dès lors que la disposition attaquée peut être interprétée en conformité avec le droit de l’Union, il appartient tant à la Cour qu’aux juridictions administratives flamandes d’interpréter cette disposition en conformité avec le droit de l’Union (CJUE, 13 novembre 1990, C-106/89, Marleasing, point 8).
B.29.6. Les parties requérantes semblent en troisième lieu craindre que la mesure attaquée soit également applicable à l’invocation de moyens d’office par les parties requérantes. Un moyen est d’ordre public lorsque son intérêt transcende les intérêts du justiciable. Les règles et principes de droit dont le respect est assuré d’office ont en commun de toucher à l’essence même de l’Etat de droit démocratique et de tendre à la réalisation du bien-être général et des
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valeurs que la société actuelle juge essentielles. Le fait que le moyen soit pris en considération ou non comme motif d’annulation ne peut dépendre du justiciable, qui peut uniquement agir dans son propre intérêt. Tel est le cas, quel que soit l’intérêt de la partie requérante à l’annulation.
B.30. Sous réserve de ce qui est dit en B.29, le septième moyen n’est pas fondé ».
B.8.3. En substance, l’article 35, alinéa 3, 1°, du décret du 4 avril 2014, introduit par l’article 6 du décret du 21 mai 2021, reprend et précise la condition décrétale qui existait déjà.
Par la disposition attaquée, le législateur décrétal a voulu empêcher que cette condition soit interprétée largement et perde tout son sens :
« Premièrement, la violation d’une norme ou d’un principe général de droit ne peut être soulevée si la partie qui invoque la violation n’est pas lésée par l’illégalité dont elle se prévaut.
Cette situation est donc liée à la condition d’une lésion d’intérêts et suit de près le texte existant de l’article 35, alinéa 3, du décret du 4 avril 2014. Il est précisé que la circonstance que la violation invoquée constitue une illégalité susceptible de donner lieu à une annulation ne signifie pas en soi que la partie est lésée par l’illégalité invoquée. En effet, une interprétation aussi large de la condition de la lésion d’intérêts aurait pour conséquence que n’importe quelle illégalité pourrait être invoquée et viderait de sa substance la condition de la lésion d’intérêts.
À titre d’exemple, la condition de la lésion d’intérêts n’est pas remplie dans les cas suivants :
- Un requérant ne justifie pas d’un intérêt à un moyen portant sur l’organisation de l’enquête publique relative à une demande d’autorisation lorsqu’il s’avère qu’il a déposé une réclamation dans le cadre de cette enquête. Toute annulation fondée sur ce moyen est dès lors en principe impossible. Même si la réglementation vise à protéger les intérêts de la partie, ses intérêts n’ont, dans les faits, pas été affectés.
- Un requérant ne justifie pas d’un intérêt à se prévaloir d’une notification incomplète lorsqu’il s’avère qu’il a effectivement bénéficié dans les faits de la notification qu’il réclame dans son moyen.
- Une violation de l’obligation formelle de motivation ne conduit par exemple pas à l’annulation de la décision attaquée s’il s’avère qu’avant d’introduire le recours, le requérant a eu suffisamment connaissance, d’une autre manière, des motifs de l’acte attaqué.
- La partie requérante qui, dans un moyen, se prévaut de l’affichage prétendument incomplet de la décision d’autorisation ne justifie pas d’un intérêt à ce moyen lorsqu’il s’avère que l’affichage prétendument incomplet n’a pas affecté sa faculté d’introduire de manière régulière un recours administratif ou juridictionnel.
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- Le requérant n’est pas lésé par le fait qu’une décision attaquée mentionne une date d’audience erronée et contienne des numéros de référence erronés, de sorte qu’il ne justifie pas d’un intérêt au moyen.
- Un requérant ne justifie pas d’un intérêt à un moyen dans lequel il est argumenté qu’un avis n’a pas été pris en compte s’il ressort du contenu de cet avis que ce dernier lui est encore plus défavorable que ce qui a été décidé dans l’acte attaqué.
- Une partie requérante/un demandeur ne justifie pas d’un intérêt pour attaquer une ‘ évaluation aquatique ’ qui comporte une appréciation positive à son égard et qui ne constituait pas un motif de refus. En effet, la partie requérante ne justifie d’un intérêt au moyen que si une annulation fondée sur cette évaluation aquatique peut remédier au préjudice qu’elle décrit »
(Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 699/1, pp. 26-27).
B.8.4. Pour les mêmes motifs que ceux qui sont indiqués dans l’arrêt de la Cour n° 87/2018
du 5 juillet 2018, mentionné en B.8.2, il y a lieu d’interpréter la condition de la lésion d’intérêts en ce sens qu’il faut toujours considérer qu’une illégalité commise lors du processus décisionnel en matière d’environnement lèse l’intérêt collectif des associations de défense de l’environnement, de sorte que la disposition attaquée ne peut pas restreindre l’intérêt de telles associations à se prévaloir d’une telle illégalité.
B.9. Le moyen unique dans l’affaire n° 7701, en sa première branche, dirigé contre l’application de l’article 35, alinéa 3, 1°, du décret du 4 avril 2014 dans la procédure devant le Conseil pour les contestations des autorisations, et sous réserve de ce qui est dit en B.8.2, n’est pas fondé.
En ce qui concerne le moyen unique dans l’affaire n° 7698
B.10. Le moyen unique dans l’affaire n° 7698 est pris notamment de la violation des articles 10, 11, 13 et 23 de la Constitution, lus en combinaison avec l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et avec l’article 9, paragraphes 2 et 3, de la Convention d’Aarhus, par l’article 35, alinéa 3, 2°, du décret du 4 avril 2014, introduit par l’article 6 du décret du 21 mai 2021 et tel qu’il est applicable à la procédure devant le Conseil pour les contestations des autorisations.
B.11. L’article 35, alinéa 3, 2°, du décret du 4 avril 2014, introduit par l’article 6 du décret du 21 mai 2021, dispose que la violation d’une norme ou d’un principe général de droit ne peut
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aboutir à l’annulation de l’acte administratif attaqué si l’illégalité invoquée n’est manifestement pas de nature à protéger les intérêts de celui qui s’en prévaut.
B.12.1. L’étendue du contrôle juridictionnel constitue un élément essentiel du droit d’accès au juge et du droit à un recours effectif dans le cadre d’un contentieux d’annulation (CEDH, grande chambre, 6 novembre 2018, Ramos Nunes de Carvalho e Sá c. Portugal, ECLI:CE:ECHR:2018:1106JUD005539113, § 184; grande chambre, 28 mai 2002, Kingsley c. Royaume-Uni, ECLI:CE:ECHR:2002:0528JUD003560597, §§ 32-34).
B.12.2. La condition attaquée a pour effet que le Conseil pour les contestations des autorisations n’examine pas le fond d’un moyen s’il estime que la norme ou le principe général de droit dont la violation est invoquée n’est manifestement pas de nature à protéger les intérêts de la personne qui s’en prévaut. Bien que cette condition ne règle donc pas directement la recevabilité du recours, elle a toutefois pour conséquence d’empêcher qu’il soit statué sur le fond du litige.
B.12.3. Par conséquent, la condition attaquée doit satisfaire aux conditions qui découlent des dispositions constitutionnelles et conventionnelles mentionnées en B.7.3. La Cour doit dès lors vérifier si cette condition n’emporte pas une restriction supplémentaire inadmissible de l’accès au juge et du droit à un recours effectif. À cet égard, il convient également de tenir compte du constat selon lequel l’accès à la justice en matière d’environnement garantit la préservation du droit à la protection d’un environnement sain, garanti par l’article 23 de la Constitution (B.7.5).
B.13.1. Les travaux préparatoires commentent la condition attaquée en ces termes :
« Il convient d’éviter qu’un juge administratif doive annuler une décision pour violation d’une règle de droit si ce n’est pas pour protéger un intérêt dans le cadre duquel le requérant est effectivement lésé. Pour promouvoir l’efficacité du droit administratif procédural, la violation alléguée d’une règle de droit ne peut aboutir à une annulation que s’il existe un lien entre le motif du recours et la raison réelle sous-jacente qui incite le requérant à contester une décision en justice. Ceci s’inscrit dans l’effort visant à mettre en place un droit administratif procédural plus dynamique, dans lequel les litiges sont plus souvent réglés définitivement et qui lutte contre l’usage abusif des règles de droit dans des procédures devant le juge administratif. Le
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contre-argument selon lequel le citoyen a droit en toutes circonstances à une décision légale à tous égards ne convainc pas. Il va de soi que l’administration doit toujours respecter la loi, mais il ne s’ensuit pas que chaque partie effectivement intéressée ait toujours le droit, pour chaque illégalité, de faire annuler la décision par un juge. Il existe également d’autres moyens de veiller au respect par l’administration de la légalité, comme le contrôle administratif. La protection juridique que procure le juge doit être garantie aux personnes dont la situation juridique a été (prétendument) affectée, mais toute violation d’une règle de droit n’affecte pas automatiquement la situation juridique de chaque partie intéressée.
La condition de relativité n’est ainsi pas remplie dans les exemples suivants :
- Le Conseil d’État juge qu’une riveraine n’a pas convaincu quant à son intérêt à l’égard du non-respect, lors de l’agrandissement d’un dépôt, des exigences en matière de performance énergétique globale, d’isolation thermique, d’installations de ventilation et de conditions minimales de climat intérieur.
- Une partie ne peut pas non plus se prévaloir d’une prétendue violation des normes de sécurité des éoliennes si cette personne ne court pas elle-même de risques de sécurité (s’il ne s’agit pas d’un riverain, par exemple).
- Un voisin ne peut pas contester un permis d’environnement par seule crainte de nuisances et invoquer à cet égard la violation de règles qui portent exclusivement sur la protection de la sécurité des personnes qui séjournent dans le bâtiment concerné.
- Les voisins d’un projet d’aire de jeux pour enfants ne peuvent pas se prévaloir d’une violation de la réglementation en matière d’accueil des enfants, qui vise à protéger les intérêts des enfants et non ceux des riverains craignant des nuisances sonores.
La condition de relativité n’affecte pas le droit d’accès au juge et porte encore moins atteinte à la substance de ce droit. Le Conseil d’État néerlandais a jugé que la condition de relativité au sens du droit néerlandais est conforme au droit d’accès au juge, tel qu’il est garanti notamment par la Convention européenne des droits de l’homme, par la Convention d’Aarhus et par le droit européen.
De plus, la condition de relativité doit être appliquée par les juges administratifs en conformité avec le droit européen et le droit constitutionnel.
L’utilisation du mot ‘ manifestement ’ permet de souligner que ce n’est que s’il est clairement établi que la norme ou le principe général de droit invoqué n’est pas de nature à protéger les intérêts de la personne qui s’en prévaut que le moyen est rejeté pour ce motif (Doc.
parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 699/1, pp. 28-29).
Le législateur décrétal inscrit cette condition dans le cadre d’une évolution plus large du contentieux administratif :
« Le modèle du contentieux administratif évolue ainsi dans la direction d’un modèle procédural orienté vers la résolution des litiges et basé sur la situation concrète du requérant. Il
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s’agit d’un modèle procédural dans lequel la justice administrative s’intéresse en premier lieu à la situation juridique, à savoir les intérêts protégés par le droit, de la partie requérante et, ce faisant, prend également en compte les intérêts du destinataire de la décision. C’est un modèle dans lequel la fonction de protection juridique du droit administratif procédural bénéficie d’une attention croissante, plutôt que le contrôle absolu de la légalité des actes des pouvoirs publics.
Dans un tel modèle procédural, toute violation d’une règle de droit n’entraîne pas automatiquement aussi une atteinte à la situation juridique de la partie intéressée. Le fait de tenir compte de la situation concrète des parties permet d’aboutir plus rapidement au règlement définitif d’un litige et d’éviter des ‘ carrousels ’ inutiles. La rapidité de résolution d’un litige constitue, avec l’expertise, l’une des caractéristiques intrinsèques d’une jurisprudence de qualité. Autrement dit, sans un règlement définitif rapide des litiges, il est impossible d’avoir une jurisprudence de qualité » (ibid. p. 6).
B.13.2. L’objectif de limiter les annulations d’actes administratifs illégaux à l’hypothèse dans laquelle la situation juridique des parties requérantes est affectée ne saurait justifier la restriction attaquée du droit d’accès au juge, étant donné que, ainsi qu’il a déjà été dit, l’examen du fond d’un moyen requiert également que l’illégalité invoquée cause aux justiciables une lésion d’intérêts. À supposer que le juge administratif ait constaté concrètement à l’égard de la partie requérante qu’elle a intérêt à son recours et dès lors à l’annulation de la décision attaquée et que l’illégalité invoquée lui cause une lésion d’intérêts, il n’est pas raisonnablement justifié d’empêcher quand même l’examen au fond de ce moyen. En limitant le pouvoir d’annulation du Conseil pour les contestations des autorisations aux intérêts poursuivis in abstracto par les normes concernées, sans tenir compte des conséquences in concreto de la violation de ces normes sur les intérêts du justiciable, la condition attaquée est, au contraire, en contradiction avec l’objectif du législateur décrétal de faire en sorte que la justice administrative soit le plus possible adaptée à la situation concrète des parties à un litige.
La considération selon laquelle la condition ne joue que si la norme ou le principe général de droit invoqué n’est « manifestement » pas de nature à protéger les intérêts ne change rien à ce constat. Le fait que le législateur décrétal n’envisageait, pour des normes déterminées, que certains intérêts n’empêche pas en soi que la violation de ces normes puisse aussi avoir une incidence négative sur d’autres intérêts. Admettre le contraire permettrait au législateur décrétal de vider de sa substance la protection juridique dans les affaires environnementales, en limitant le champ d’application des normes ou principes généraux de droit généralement invoqués dans cette matière. Simultanément, et paradoxalement, il convient d’observer que le champ d’application de la plupart des normes ou principes généraux de droit généralement invoqués
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en matière d’environnement n’est pas délimité ou est difficile à délimiter, ce qui compromet la prévisibilité d’application de l’exigence attaquée au point de porter atteinte au principe de la sécurité juridique. Enfin, dès lors que cette condition nécessite de déterminer à chaque fois les intérêts qui sont protégés par la norme invoquée, elle ne contribue pas non plus de manière évidente à l’accélération procédurale recherchée par le législateur décrétal.
B.14. En ce qu’il est pris de la violation de l’article 13 de la Constitution, lu en combinaison avec l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, par l’article 35, alinéa 3, 2°, du décret du 4 avril 2014, introduit par l’article 6 du décret du 21 mai 2021 et tel qu’il est applicable à la procédure devant le Conseil pour les contestations des autorisations, le premier moyen dans l’affaire n° 7698 est fondé. L’article 35, alinéa 3, 2°, du décret du 4 avril 2014 doit être annulé.
En ce qui concerne le second moyen dans l’affaire n° 7683
B.15. Le second moyen dans l’affaire n° 7683 est pris notamment de la violation de l’article 13 de la Constitution, lu en combinaison ou non avec l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, par l’article 35, alinéa 3, 3°, du décret du 4 avril 2014, introduit par l’article 6 du décret du 21 mai 2021.
B.16.1. L’article 35, alinéa 3, 3°, du décret du 4 avril 2014, introduit par l’article 6 du décret du 21 mai 2021, dispose que la violation d’une norme ou d’un principe général de droit ne peut donner lieu à l’annulation de l’acte administratif attaqué si la partie requérante a manifestement omis de soulever cette illégalité au moment utile où elle pouvait être soulevée pendant la procédure administrative.
À l’inverse, cette disposition emporte l’obligation, du point de vue du public concerné, de soulever des illégalités au moment le plus utile pendant la phase administrative afin de pouvoir encore s’en prévaloir par la suite devant le juge administratif.
B.16.2. Bien que cette condition ne règle donc pas directement la recevabilité du recours, elle a toutefois pour conséquence d’empêcher qu’il soit statué sur le fond du litige. Par
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conséquent, la condition attaquée doit satisfaire aux conditions qui découlent des dispositions constitutionnelles et conventionnelles mentionnées en B.7.3. La Cour doit dès lors vérifier si cette condition n’emporte pas une restriction supplémentaire inadmissible de l’accès au juge et du droit à un recours effectif. À cet égard, il convient également de tenir compte du constat selon lequel l’accès à la justice en matière d’environnement garantit la préservation du droit à la protection d’un environnement sain, garanti par l’article 23 de la Constitution (B.7.5).
B.17.1. Les travaux préparatoires commentent la condition attaquée en ces termes :
« L’instauration de ce devoir de vigilance s’inscrit dans le cadre de l’effort visant à recueillir le plus d’informations possible au cours de la procédure administrative. Les citoyens sont ainsi encouragés à communiquer toutes les informations utiles et objections éventuelles le plus tôt possible. Ceci doit permettre aux autorités chargées de délivrer les permis de prendre une décision en connaissance de cause. Le cas échéant, les objections formulées donnent également à ces autorités la possibilité de remédier à certains points, par exemple en faisant usage de la boucle administrative.
Lors de l’application du devoir de vigilance, le juge administratif doit veiller à ce qu’il ne soit pas porté atteinte à l’essence même du droit d’accès au juge, garanti notamment par l’article 13 de la Constitution et par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme. Ainsi, la disposition ne peut par exemple pas être interprétée en ce sens que les membres du public concerné qui ne sont informés d’éléments de la demande susceptibles de leur faire grief qu’au moment de la publication de la décision expressément motivée en première ou en dernière instance administrative ne pourraient plus invoquer ce moyen de manière recevable. Cette disposition ne peut pas non plus être interprétée comme privant de leur accès au juge les membres du public concerné qui ne prennent connaissance de la violation de règles de droit ou de principes généraux de droit susceptible de leur faire grief qu’au moment de la publication de la décision d’autorisation.
[…]
Pour que la disposition soit conforme aux avis du Conseil d’État, il a été explicité dans le projet d’article 35 du décret du 4 avril 2014 qu’il n’est pas porté préjudice à la possibilité d’invoquer la violation de règles touchant à l’ordre public et une condition a été ajoutée selon laquelle l’application du devoir de vigilance nécessite que la partie concernée ait ‘ manifestement ’ omis d’invoquer l’illégalité au moment le plus utile pendant la phase administrative (voy. point 1.3.1 de cet exposé des motifs pour une discussion sur les avis du Conseil d’État) » (Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 699/1, pp. 29-30).
B.17.2. La disposition attaquée a pour conséquence d’obliger les citoyens à identifier et à soulever au moment le plus utile pendant la procédure administrative toutes les illégalités dont
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un acte administratif pourrait être entaché, afin de préserver leur accès à un juge doté de la plénitude de juridiction pour contrôler la légalité matérielle et procédurale de l’acte administratif attaqué. Cette condition exige des citoyens qu’ils soient en mesure de signaler sans délai tous les problèmes juridiques dans des dossiers bien souvent complexes et techniques, ce qui, dans la plupart des cas, aura pour conséquence de les obliger à se faire assister par un avocat dès le début de la phase administrative. Le « droit administratif réciproque » poursuivi par le législateur décrétal ne peut pas justifier que le fait qu’une autorité commette une illégalité ait des conséquences moins drastiques que le fait que le citoyen n’ait pas immédiatement relevé cette illégalité. À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’un devoir de légalité et de diligence incombe à l’administration et que celle-ci dispose souvent, en comparaison d’un citoyen moyen, de davantage de connaissances et de moyens, notamment en matière de conseils juridiques, pour veiller à la légalité du processus décisionnel en matière d’environnement. Au regard de ce devoir de diligence, il ne peut par ailleurs pas être soutenu que l’autorité concernée ne serait pas en mesure, sans que le citoyen n’intervienne, d’identifier et de rectifier encore pendant la procédure administrative des irrégularités qui peuvent être soulevées à ce stade.
Même à supposer que tel soit le cas, cela ne justifierait en aucun cas que le devoir de diligence incombant à l’autorité soit transformé dans la pratique en un devoir de diligence incombant au citoyen. Il en va de même pour l’objectif consistant à fournir à l’autorité toutes les informations possibles dans les meilleurs délais.
B.17.3. Ni l’objectif consistant à fournir à l’autorité chargée de délivrer les permis toutes les informations dans les meilleurs délais et à remédier aux illégalités éventuelles dès la phase de procédure administrative ni l’objectif d’efficacité du règlement définitif des litiges par le juge ne sauraient justifier la restriction attaquée apportée au droit d’accès au juge. En outre, en ce qui concerne ce dernier objectif, on peut se demander si une condition qui entraîne de facto une obligation de participation dès le début de la procédure administrative, ainsi qu’un débat potentiel sur la question de savoir si chaque moyen a été invoqué au moment utile, contribue réellement au traitement efficace des litiges.
La mention qu’un moyen ne peut pas entraîner l’annulation d’un acte administratif illégal uniquement lorsque la partie requérante a « manifestement » omis de mentionner l’illégalité invoquée au moment le plus utile ne permet pas d’aboutir à une autre conclusion.
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B.18. En ce qu’il porte sur l’article 35, alinéa 3, 3°, du décret du 4 avril 2014, introduit par l’article 6 du décret du 21 mai 2021 et tel qu’il est applicable à la procédure devant le Conseil pour les contestations des autorisations, le second moyen dans l’affaire n° 7683 est fondé. Cette disposition doit donc être annulée.
Quant à la procédure devant le Collège de maintien
B.19.1. Le second moyen dans les affaires nos 7638 et 7644 est pris de la violation, par l’article 6 du décret du 21 mai 2021, des articles 10, 11, 12 et 13 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 6, 13 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme, avec le principe général du raisonnable et avec les principes généraux du droit d’accès au juge, de la sécurité juridique, de l’état de droit et de la légalité, avec l’article 159 de la Constitution, avec la présomption d’innocence en matière pénale et avec les droits de la défense. À cet égard, les parties requérantes dans les affaires nos 7638 et 7644 critiquent explicitement l’application de l’article 35, alinéa 3, du décret du 4 avril 2014, introduit par l’article 6 du décret du 21 mai 2021, à la procédure devant le Collège de maintien.
B.19.2. Comme il est dit en B.3.2, pour satisfaire aux exigences de l’article 6 de la loi spéciale du 6 janvier 1989, les moyens doivent faire connaître, parmi les règles dont la Cour garantit le respect, celles qui seraient violées ainsi que les dispositions qui violeraient ces règles et exposer en quoi ces règles auraient été transgressées par ces dispositions.
La Cour examine les moyens dans la mesure où ils répondent à ces exigences.
B.20. Pour les mêmes motifs que ceux qui sont exposés en B.8.1 à B.8.4, le moyen n’est pas fondé en ce qui concerne l’application de l’article 35, alinéa 3, 1°, du décret du 4 avril 2014
dans la procédure devant le Collège de maintien.
B.21.1. En ce qui concerne l’article 35, alinéa 3, 2° et 3°, du décret du 4 avril 2014, il y a lieu de tenir compte de la nature des décisions attaquées. En ce qui concerne la protection juridique dans le cadre de la police administrative en matière d’environnement, le législateur
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décrétal a voulu, compte tenu du caractère punitif des sanctions administratives susceptibles d’être imposées, prévoir au bénéfice du contrevenant des garanties juridiques étendues (telles que la présomption d’innocence et le droit d’accès au juge) dans ses rapports avec l’administration, garanties qui découlent notamment des articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l’homme (Doc. parl., Parlement flamand, 2006-2007, n° 1249/1, pp. 16-17).
B.21.2. Le droit d’accès à un juge ayant pleine juridiction, et plus particulièrement le droit à un recours effectif et les droits de la défense, garantis par l’article 13 de la Constitution et par les articles 6, paragraphe 1, et 13 de la Convention européenne des droits de l’homme, s’opposent à l’application de l’article 35, alinéa 3, 2°, du décret du 4 avril 2014 dans des recours dirigés contre des sanctions administratives devant le Collège de maintien. La personne qui fait l’objet d’une telle sanction doit pouvoir invoquer tous les moyens contre celle-ci. La restriction du pouvoir d’annulation du Collège de maintien et l’immunisation corrélative d’une sanction infligée illégalement par l’administration portent atteinte aux garanties juridiques auxquelles un contrevenant peut prétendre, en particulier aux droits de la défense.
La présomption d’innocence et les droits de la défense du contrevenant-justiciable dans le cadre de la sanction précitée s’opposent en outre à ce que l’intéressé soit tenu de participer au processus décisionnel qui conduit à sa sanction.
À titre surabondant, il convient de constater que les motifs cités dans les travaux préparatoires en ce qui concerne les conditions mentionnées dans l’article 35, alinéa 3, 2° et 3°, ne sont pas utiles pour ce qui est de la procédure devant le Collège de maintien. Les travaux préparatoires ne contiennent pas non plus la moindre justification portant spécifiquement sur cette procédure.
B.22. En ce qu’il porte sur l’article 35, alinéa 3, 2° et 3°, du décret du 4 avril 2014, introduit par l’article 6 du décret du 21 mai 2021 et tel qu’il est applicable à la procédure devant le Collège de maintien, le deuxième moyen dans les affaires nos 7638 et 7644 est fondé. Cette disposition doit donc être annulée.
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Quant aux autres moyens
B.23.1. Compte tenu de l’annulation de l’article 35, alinéa 3, 3°, du décret du 4 avril 2014, le moyen unique dans l’affaire n° 7683, en sa seconde branche, qui est dirigée contre l’article 9
du décret du 21 mai 2021, ne doit pas être examiné. En effet, la critique de la partie requérante concernant l’article 9 du décret du 21 mai 2021 porte exclusivement sur l’entrée en vigueur, prévue par cette disposition, du devoir de vigilance et sur l’absence de droit transitoire.
B.23.2. Dès lors que les autres moyens portent sur l’article 35, alinéa 3, 2° et 3°, du décret du 4 avril 2014 et ne peuvent aboutir à une annulation plus étendue de ces dispositions, ceux-
ci ne doivent pas être examinés.
Quant au maintien des effets des dispositions attaquées
B.24. Le Gouvernement flamand demande que les effets des dispositions annulées soient maintenus définitivement jusqu’au moment de la publication de l’arrêt au Moniteur belge, afin que la sécurité juridique soit garantie.
B.25. L’annulation présentement décidée a pour conséquence que les décisions en matière d’environnement qui ont déjà fait l’objet d’un recours recevable devant le Conseil pour les contestations des autorisations ou devant le Collège de maintien, lesquels n’ont pas encore rendu d’arrêt définitif sur ces recours ou dont les arrêts sont encore susceptibles d’un recours en cassation devant le Conseil d’État, peuvent à nouveau, avec effet rétroactif, être annulées par le Conseil pour les contestations des autorisations ou par le Collège de maintien sur la base de moyens qui ne remplissent pas les conditions fixées par l’article 35, alinéa 3, 2° et 3°, du décret du 4 avril 2014.
Il est par ailleurs possible qu’à l’égard de recours sur lesquels il a, en revanche, déjà été statué, il soit fait application de l’article 18 de la loi spéciale du 6 janvier 1989. L’incidence éventuelle de cette possibilité ne saurait toutefois justifier le maintien des effets des dispositions
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annulées ni de la violation constatée du droit d’accès à un juge, en particulier à la lumière du droit à la protection d’un environnement sain.
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Par ces motifs,
la Cour
- annule l’article 35, alinéa 3, 2° et 3°, du décret de la Région flamande du 4 avril 2014
« relatif à l’organisation et à la procédure de certaines juridictions administratives flamandes », introduit par l’article 6 du décret de la Région flamande du 21 mai 2021 « modifiant le décret du 4 avril 2014 relatif à l’organisation et à la procédure de certaines juridictions administratives flamandes, en ce qui concerne l’optimisation des procédures »;
- sous réserve de ce qui est dit en B.8.2, rejette les recours pour le surplus.
Ainsi rendu en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l’article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 11 avril 2023.
Le greffier, Le président,
F. Meersschaut L. Lavrysen


Synthèse
Numéro d'arrêt : 59/2023
Date de la décision : 11/04/2023
Type d'affaire : Droit constitutionnel

Analyses

- Annulation (article 35, alinéa 3, 2° et 3°, du décret du 4 avril 2014, inséré par l'article 6 du décret de la Région flamande du 21 mai 2021) - Rejet des recours pour le surplus (sous réserve de ce qui est dit en B.8.2)

COUR CONSTITUTIONNELLE - DROIT PUBLIC ET ADMINISTRATIF - COUR CONSTITUTIONNELLE - les recours en annulation des articles 6 et 9 du décret de la Région flamande du 21 mai 2021 « modifiant le décret du 4 avril 2014 relatif à l'organisation et à la procédure de certaines juridictions administratives flamandes, en ce qui concerne l'optimisation des procédures », introduits par Hugo Bogaerts et autres, par l'ASBL « Aktiekomitee Red de Voorkempen », par l'ASBL « Vereniging van Schotenhof », par l'« Orde van Vlaamse balies », par l'ASBL « Natuurpunt » et autres et par l'ASBL « Bescherm Bomen en Natuur ». Droit administratif - Environnement - Juridictions administratives flamandes - Conseil pour les contestations des autorisations - Collège de maintien - Acte administratif - Annulation - Conditions - Lésion d'intérêt - Condition de relativité - Devoir de vigilance


Origine de la décision
Date de l'import : 30/05/2023
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.constitutionnel;arret;2023-04-11;59.2023 ?

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