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09/03/2023 | BELGIQUE | N°41/2023

Belgique | Belgique, Cour constitutionnel, 09 mars 2023, 41/2023


Cour constitutionnelle
Arrêt n° 41/2023
du 9 mars 2023
Numéro du rôle : 7804
En cause : le recours en annulation totale ou partielle du décret de la Région flamande du 22 octobre 2021 « modifiant le décret sur l'Energie du 8 mai 2009, en ce qui concerne l'interdiction de l'installation ou du remplacement d'une chaudière à mazout » et en annulation totale ou partielle de l’article 2, 4°, du décret de la Région flamande du 18 mars 2022 « modifiant le Décret sur l'Énergie du 8 mai 2009 », introduit par Marguerite Weemaes et Luc Lamine.
La Cour constitutionn

elle,
composée des présidents L. Lavrysen et P. Nihoul, et des juges T. Giet, J. ...

Cour constitutionnelle
Arrêt n° 41/2023
du 9 mars 2023
Numéro du rôle : 7804
En cause : le recours en annulation totale ou partielle du décret de la Région flamande du 22 octobre 2021 « modifiant le décret sur l'Energie du 8 mai 2009, en ce qui concerne l'interdiction de l'installation ou du remplacement d'une chaudière à mazout » et en annulation totale ou partielle de l’article 2, 4°, du décret de la Région flamande du 18 mars 2022 « modifiant le Décret sur l'Énergie du 8 mai 2009 », introduit par Marguerite Weemaes et Luc Lamine.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents L. Lavrysen et P. Nihoul, et des juges T. Giet, J. Moerman, E. Bribosia, W. Verrijdt et K. Jadin, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président L. Lavrysen,
après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant :
I. Objet du recours et procédure
Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 16 mai 2022 et parvenue au greffe le 17 mai 2022, un recours en annulation totale ou partielle du décret de la Région flamande du 22 octobre 2021 « modifiant le décret sur l'Énergie du 8 mai 2009, en ce qui concerne l'interdiction de l'installation ou du remplacement d'une chaudière à mazout » (publié au Moniteur belge du 19 novembre 2021) et en annulation totale ou partielle de l’article 2, 4°, du décret de la Région flamande du 18 mars 2022 « modifiant le Décret sur l'Énergie du 8 mai 2009 » (publié au Moniteur belge du 30 mars 2022) a été introduit par Marguerite Weemaes et Luc Lamine.
Le Gouvernement flamand, assisté et représenté par Me F. Vandendriessche, Me L. Schellekens et Me L. François, avocats au barreau de Bruxelles, a introduit un mémoire.
Par ordonnance du 21 décembre 2022, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteurs J. Moerman et K. Jadin, a décidé que l'affaire était en état, qu’aucune audience ne serait tenue,
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à moins qu’une partie n’ait demandé, dans le délai de sept jours suivant la réception de la notification de cette ordonnance, à être entendue, et qu’en l’absence d’une telle demande, les débats seraient clos le 18 janvier 2023 et l’affaire mise en délibéré.
Aucune demande d’audience n’ayant été introduite, l’affaire a été mise en délibéré le 18 janvier 2023.
Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives à la procédure et à l’emploi des langues ont été appliquées.
II. En droit
-A-
Quant à la recevabilité
A.1. Les parties requérantes sont d’avis qu’elles justifient d’un intérêt à leur recours en annulation. Elles exposent que le décret de la Région flamande du 22 octobre 2021 « modifiant le décret sur l’Énergie du 8 mai 2009, en ce qui concerne l’interdiction de l’installation ou du remplacement d’une chaudière à mazout » (ci-après :
le décret du 22 octobre 2021) instaure, à partir du 1er janvier 2022, une interdiction d’installer et de remplacer une chaudière à mazout dans des bâtiments existants, de même qu’une exception à cette interdiction dans le cas où
aucun réseau de gaz naturel n’est disponible dans la rue. Elles soulignent qu’elles vivent à la même adresse, qu’elles chauffent leur habitation à l’aide d’une chaudière à mazout, que l’administration communale les a informées qu’il y a lieu, pour vérifier si une habitation peut être raccordée au réseau de gaz naturel, d’introduire une demande de raccordement auprès de Fluvius, le gestionnaire du réseau de distribution, et qu’il est apparu lors de la consultation du site internet de Fluvius que leur logement ne peut pas être raccordé au réseau de gaz naturel.
Elles ajoutent qu’un réseau de gaz naturel est disponible dans la rue, mais pas du même côté que celui de leur habitation. Elles déduisent du fait qu’un réseau de gaz est disponible dans la rue que l’exception à l’interdiction précitée ne leur est pas applicable.
A.2.1. Le Gouvernement flamand est d’avis que les parties requérantes ne démontrent pas qu’elles ne sont pas autorisées à remplacer leur chaudière à mazout par une nouvelle chaudière à mazout et qu’elles ne démontrent donc pas que les décrets attaqués les affectent réellement. Il allègue que les parties requérantes ne semblent pas avoir introduit de demande de raccordement formelle chez Fluvius, et ce, malgré le fait que l’administration communale les avait informées qu’elles devaient introduire une telle demande pour savoir si leur habitation peut être raccordée ou non au réseau de gaz naturel. Il ajoute que l’emplacement spécifique d’une canalisation de gaz naturel, d’un côté ou de l’autre de la rue, ne permet pas de déterminer si une habitation peut effectivement être raccordée au réseau de gaz naturel : dans les deux cas, une demande doit être introduite chez le gestionnaire de réseau, qui vérifie si l’habitation en question peut être raccordée au réseau de gaz naturel. Si le gestionnaire du réseau constate qu’une habitation ne peut pas être raccordée au réseau, c’est qu’il n’y a pas, selon le Gouvernement flamand, de réseau de gaz naturel disponible, et l’interdiction d’installer et de remplacer une chaudière à mazout ne s’applique pas.
A.2.2. À supposer que la Cour estime que les parties requérantes justifient d’un intérêt à leur recours, le Gouvernement flamand fait valoir que plusieurs aspects des moyens qu’elles invoquent ne sont pas recevables, à défaut d’un exposé clair et intelligible.
Quant aux moyens
En ce qui concerne les règles répartitrices de compétences
A.3.1. Les premier, deuxième, troisième et quatrième moyens sont pris de la violation des règles répartitrices de compétences.
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A.3.2. Dans le premier moyen, les parties requérantes allèguent la violation, par l’article 3 du décret du 22 octobre 2021, des articles 39 et 143 de la Constitution, de l’article 6, § 1er, II, alinéa 1er, 1°, et VI, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles (ci-après : la loi spéciale du 8 août 1980) et des principes de bonne foi, du fair-play, de l’interdiction de l’abus de droit et de bonne législation. Elles allèguent qu’en interdisant d’installer et de remplacer une chaudière à mazout, la disposition attaquée entrave la libre circulation des biens entre les entités fédérées de l’État et que cette interdiction produit un effet d’exclusion du marché, alors qu’il appartient, non pas aux régions, mais à l’autorité fédérale de prendre des mesures de nature à entraver la libre circulation des biens et d’adopter des normes de produits. Elles font en outre valoir que la disposition attaquée rend à tout le moins exagérément difficile l’exercice des compétences fédérales précitées, de sorte que cette disposition n’est pas conforme au principe de la loyauté fédérale.
A.3.3. Dans le deuxième moyen, les parties requérantes allèguent la violation, par l’article 3 du décret du 22 octobre 2021, de l’article 6, § 1er, II, alinéa 1er, 1°, et alinéa 2, 1°, et VI, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980 et des principes de bonne législation, en ce que la disposition attaquée ne saurait trouver de fondement dans la compétence en matière de protection de l’environnement qui appartient aux régions.
A.3.4. Dans le troisième moyen, les parties requérantes allèguent la violation, par l’article 3 du décret du 22 octobre 2021, de l’article 39 de la Constitution, de l’article 6, § 1er, VII, alinéa 1er, h), de la loi spéciale du 8 août 1980 et des principes de bonne législation, en ce que la disposition attaquée n’est pas conforme aux règles répartitrices de compétences en matière d’utilisation rationnelle de l’énergie, lesquelles confèrent certes aux régions la compétence de réglementer la manière d’utiliser les chaudières à mazout, mais pas la compétence d’interdire la commercialisation et l’installation de telles chaudières.
A.3.5. Dans le quatrième moyen, les parties requérantes allèguent la violation, par l’article 3 du décret du 22 octobre 2021, de l’article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 et des principes de bonne législation. Elles font valoir qu’en l’espèce, le législateur décrétal ne peut se prévaloir des compétences implicites, dès lors que les conditions à cet effet ne sont pas remplies. Elles estiment que la disposition attaquée n’est pas nécessaire à l’exercice des compétences de la Région flamande, que la matière réglée par cette disposition ne se prête pas à un régime différencié et que l’incidence sur les compétences fédérales n’est pas marginale.
A.4. Selon le Gouvernement flamand, les moyens sont irrecevables, en ce qu’ils invoquent la violation de toute une série de principes sans exposer en quoi la disposition attaquée violerait ces principes.
A.5. Quant au fond, le Gouvernement flamand estime que la disposition attaquée ne comporte pas une interdiction absolue d’utilisation et qu’elle ne produit dès lors aucun effet d’exclusion du marché, de sorte que, selon lui, cette disposition ne contient aucune norme de produits. Il considère que la disposition attaquée s’inscrit dans la compétence matérielle de la Région flamande consistant à prendre des mesures relatives aux nouvelles sources d’énergie, à l’utilisation rationnelle de l’énergie et à l’efficacité énergétique, ainsi qu’à la protection de l’environnement. Il fait valoir que les chaudières à mazout émettent des gaz polluants et peuvent affecter la qualité des sols en raison de fuites, de sorte que le législateur décrétal pouvait se prévaloir de la compétence de la Région flamande en matière de protection de l’environnement. Selon le Gouvernement flamand, la disposition attaquée s’inscrit par ailleurs dans la transition énergétique vers une société pauvre en carbone et durable, de sorte que le législateur décrétal pouvait également se prévaloir de la compétence de la Région flamande en matière d’utilisation rationnelle de l’énergie et de sources d’énergie renouvelables. Dès lors qu’il y a plusieurs fondements de compétence à l’intervention du législateur décrétal, le Gouvernement flamand estime qu’il n’est nullement nécessaire de faire application des compétences implicites.
En ce qui concerne l’interdiction d’installer et de remplacer une chaudière à mazout
A.6.1. Dans les cinquième, sixième, septième, huitième, neuvième, dixième, onzième, douzième, dix-
neuvième, vingtième et vingt et unième moyens, les parties requérantes allèguent que l’article 3 du décret du 22 octobre 2021, lu en combinaison ou non avec l’article 2, 4°, du décret du 18 mars 2022 « modifiant le Décret sur l’Énergie du 8 mai 2009 » (ci-après : le décret du 18 mars 2022), produit des effets disproportionnés et viole pour cette raison plusieurs droits fondamentaux.
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A.6.2. Dans le cinquième moyen, les parties requérantes allèguent la violation des articles 10, 11, 15, 16, 22
et 23 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec les articles 1er, 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme, avec l’article 1er du Premier Protocole additionnel à cette Convention, avec l’article 11 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, avec l’article 2, paragraphe 2, de l’Accord de Paris, avec le principe fraus omnia corrumpit, avec le principe général du droit à la dignité humaine, avec les principes de bonne législation, avec le devoir de minutie, avec l’obligation de motivation établie par la Cour européenne des droits de l’homme, avec le principe de bonne foi, avec le principe de la confiance légitime, avec l’article 1408, § 1er, 1°, du Code judiciaire, avec l’article 4.1.11/3 du décret du 8 mai 2009 « portant les dispositions générales en matière de la politique de l’énergie » (ci-après : le décret sur l’énergie), avec l’article 3.1.43 de l’arrêté du Gouvernement flamand du 19 novembre 2010 « portant des dispositions générales en matière de la politique de l’énergie » (ci-après : l’arrêté du 19 novembre 2010) et avec les articles 2.2.6, 2.2.7, 2.2.15, 2.2.21, 2.2.27 et 2.2.29 du règlement technique pour la distribution du gaz en Région flamande du 9 novembre 2021. Les parties requérantes font valoir en substance que la disposition attaquée viole le droit à la propriété, le droit à la dignité humaine, le droit au respect du domicile et de la vie privée ainsi que le droit à un logement décent et à un logement chauffé, en ce que cette disposition est disproportionnée au regard des objectifs poursuivis, à défaut de prévoir des mesures destinées à permettre un raccordement rapide et efficace au réseau de gaz naturel. Selon elles, la disproportion de la disposition attaquée découle du fait que des personnes puissent être privées pendant des mois de chauffage et d’eau chaude dans leur habitation.
A.6.3. Dans le sixième moyen, les parties requérantes allèguent la violation des articles 10, 11, 15, 16, 22 et 23 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec les articles 1er, 3, 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme, avec l’article 1er du Premier Protocole additionnel à cette Convention, avec les articles 11 et 12 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, avec l’article 2, paragraphe 2, de l’Accord de Paris, avec le principe fraus omnia corrumpit, avec l’obligation de motivation, avec les principes de bonne législation, avec le principe du raisonnable, avec le principe de proportionnalité et le principe qui en découle selon lequel nul n’est tenu à l’impossible, avec l’article 4.1.11/3 du décret sur l’énergie, avec l’article 3.1.43 de l’arrêté du 19 novembre 2010 et avec les articles 2.2.6, 2.2.7, 2.2.15, 2.2.21, 2.2.27 et 2.2.29 du règlement technique pour la distribution du gaz en Région flamande du 9 novembre 2021. En substance, les parties requérantes critiquent le fait qu’en ce qui concerne l’exception qu’elle prévoit, la disposition attaquée n’opère aucune distinction selon le côté de la rue duquel se trouve la canalisation de gaz, ainsi que le fait que, pour des raisons techniques, les propriétaires ou les utilisateurs de bâtiments dont la canalisation de gaz se trouve de l’autre côté de la rue vivent dans l’insécurité quant au fait de savoir si leur bâtiment peut être raccordé ou non au réseau de gaz naturel. Les parties requérantes estiment dès lors que cette disposition est disproportionnée aux objectifs poursuivis.
A.6.4. Dans le septième moyen, les parties requérantes allèguent la violation des articles 10, 11, 15, 22 et 23
de la Constitution, lus en combinaison ou non avec les articles 1er, 3, 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme, avec l’article 11 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, avec l’article 2, paragraphe 2, de l’Accord de Paris, avec le principe fraus omnia corrumpit, avec les principes de bonne législation, avec l’article 4.1.11/3 du décret sur l’énergie, avec l’article 3.1.43 de l’arrêté du 19 novembre 2010 et avec les articles 2.2.6, 2.2.7, 2.2.15, 2.2.21, 2.2.27 et 2.2.29 du règlement technique pour la distribution du gaz en Région flamande du 9 novembre 2021. Les parties requérantes font valoir en substance que la disposition attaquée fait naître une différence de traitement injustifiée entre les personnes qui chauffent leur habitation au gaz naturel et celles qui chauffent leur habitation au mazout : tandis que les personnes de la première catégorie peuvent immédiatement faire remplacer leur installation de chauffage en cas de panne, tel n’est pas le cas pour les personnes de la seconde catégorie.
A.6.5. Dans le huitième moyen, les parties requérantes allèguent la violation des articles 10, 11, 15, 22 et 23
de la Constitution, lus en combinaison ou non avec les articles 1er, 3, 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme, avec l’article 11 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, avec les articles 1er, paragraphe 1, 3, paragraphe 2, 6 et 7 du Traité instituant l’Union économique Benelux, avec l’article 4 du Traité du 17 juin 2008 portant révision du Traité instituant l’Union économique Benelux signé le 3 février 1958, avec l’article 3 du Traité sur l’Union européenne, avec les articles 26 à 37 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, avec les articles 1er, 3, 6, 17, 20, 21, 25, 37 et 38 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, avec la directive 2012/27/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 « relative à l’efficacité énergétique, modifiant les directives 2009/125/CE et 2010/30/UE et abrogeant les directives 2044/8/CE et 2006/32/CE », avec les principes de bonne législation, avec le principe de l’interdiction de fraude à la loi, avec le principe de bonne foi, avec le principe du fair-play, avec le principe de proportionnalité, avec l’article 4.1.11/3 du décret sur l’énergie, avec l’article 3.1.43 de l’arrêté du 19 novembre 2010 et avec les articles 2.2.6, 2.2.7, 2.2.15, 2.2.21, 2.2.27 et 2.2.29 du règlement technique pour la distribution
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du gaz en Région flamande du 9 novembre 2021. Les parties requérantes font valoir en substance que la disposition attaquée, eu égard au caractère disproportionné de la mesure qu’elle contient par rapport aux objectifs poursuivis, est contraire à l’Union économique belge et à la libre circulation des biens au sein de l’Union européenne et du Benelux. En cas de doute, elles demandent à la Cour de poser des questions préjudicielles à la Cour de justice Benelux et à la Cour de justice de l’Union européenne.
A.6.6. Dans le neuvième moyen, les parties requérantes allèguent la violation des articles 10, 11, 15, 22 et 23 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec les articles 1er, 3, 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme, avec l’article 11 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, avec l’article 2, paragraphe 2, de l’Accord de Paris, avec le principe fraus omnia corrumpit et avec les principes de bonne législation. Les parties requérantes font valoir en substance que la disposition attaquée est discriminatoire en ce que le régime qu’elle prévoit ne s’applique qu’aux chaudières à mazout et non aux autres dispositifs qui fonctionnent au mazout ou utilisent des combustibles similaires, comme les voitures qui roulent au diesel.
A.6.7. Dans le dixième moyen, les parties requérantes allèguent la violation des articles 10, 11, 15, 22 et 23
de la Constitution, lus en combinaison ou non avec les articles 1er, 3, 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme, avec l’article 11 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, avec l’article 2, paragraphe 2, de l’Accord de Paris, avec le principe fraus omnia corrumpit, avec les principes de bonne législation, avec l’article 4.1.11/3 du décret sur l’énergie, avec l’article 3.1.43 de l’arrêté du 19 novembre 2010, avec les articles du règlement technique pour la distribution du gaz en Région flamande du 9 novembre 2021
et avec le devoir de minutie. En substance, les parties requérantes critiquent le fait que, pour justifier la disposition attaquée, les travaux préparatoires faisaient état de l’existence d’une procédure rapide auprès du gestionnaire du réseau de distribution, Fluvius, pour le raccordement d’une habitation au réseau de gaz naturel, alors qu’une telle procédure n’existerait pas.
A.6.8. Dans le onzième moyen, les parties requérantes allèguent la violation des articles 10, 11, 15, 22 et 23
de la Constitution, lus en combinaison ou non avec les articles 1er, 3, 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme, avec l’article 11 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, avec l’article 2, paragraphe 2, de l’Accord de Paris, avec le principe fraus omnia corrumpit, avec les principes de bonne législation, avec le principe de proportionnalité, avec le devoir de minutie, avec l’obligation de motivation établie par la Cour européenne des droits de l’homme, avec l’article 4.1.11/3 du décret sur l’énergie, avec l’article 3.1.43 de l’arrêté du 19 novembre 2010 et avec les articles 2.2.6, 2.2.7, 2.2.15, 2.2.21, 2.2.27 et 2.2.29 du règlement technique pour la distribution du gaz en Région flamande du 9 novembre 2021. Les parties requérantes critiquent le fait que l’interdiction prévue par la disposition attaquée ne soit pas limitée aux situations visées à l’alinéa 1er de cette disposition, plus précisément les situations dans lesquelles un permis d’environnement pour des actes urbanistiques relatifs à une nouvelle construction ou à une rénovation énergétique substantielle est demandé à partir du 1er janvier 2022. Elles estiment en substance que le principe de proportionnalité est de ce fait violé.
A.6.9. Dans le douzième moyen, les parties requérantes allèguent la violation des articles 10, 11, 15, 22 et 23 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec les articles 1er, 3, 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme, avec l’article 11 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, avec l’article 2, paragraphe 2, de l’Accord de Paris, avec le principe fraus omnia corrumpit, avec les principes de bonne législation, avec le principe de proportionnalité, avec le principe selon lequel nul ne peut être à la fois juge et partie, avec l’article 4.1.11/3 du décret sur l’énergie, avec l’article 3.1.43 de l’arrêté du 19 novembre 2010 et avec les articles 2.2.6, 2.2.7, 2.2.15, 2.2.21, 2.2.27 et 2.2.29 du règlement technique pour la distribution du gaz en Région flamande du 9 novembre 2021. Les parties requérantes font valoir en substance que la disposition attaquée limite de manière disproportionnée le droit au respect de la vie privée.
A.6.10. Dans le dix-neuvième moyen, les parties requérantes invoquent la violation des articles 10, 11, 15, 16, 22 et 23 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec les articles 1er, 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme, avec l’article 1er du Premier Protocole additionnel à cette Convention, avec l’article 11 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, avec l’article 2, paragraphe 2, de l’Accord de Paris, avec le principe fraus omnia corrumpit, avec le principe général du droit à la dignité humaine, avec les principes de bonne législation, avec le principe de bonne foi, avec le principe de la confiance légitime, avec l’article 1408, § 1er, 1°, du Code judiciaire, avec l’article 4.1.11/3 du décret sur l’énergie, avec l’article 3.1.43 de l’arrêté du 19 novembre 2010 et avec les articles 2.2.6, 2.2.7, 2.2.15, 2.2.21, 2.2.27 et 2.2.29 du règlement technique pour la distribution du gaz en Région flamande du 9 novembre 2021. Les parties requérantes font valoir en substance que la disposition attaquée viole le principe de l’égalité des citoyens devant les charges publiques, le droit à la propriété, le droit à la dignité humaine, le droit au respect du domicile et de la vie privée ainsi que le
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droit à un logement décent et à un logement chauffé, en ce que cette disposition entre en vigueur avant que soient réalisés, aux frais de la Région flamande, des travaux permettant de raccorder chaque habitation au gaz naturel dans les vingt-quatre heures.
A.6.11. Dans le vingtième moyen, les parties requérantes allèguent la violation des articles 10, 11, 12, 14, 16, 22 et 23 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec les articles 1er, 7, 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme, avec l’article 1er du Premier Protocole additionnel à cette Convention, avec l’article 11 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, avec l’article 2, paragraphe 2, de l’Accord de Paris, avec le principe de légalité en matière pénale, avec le principe de l’interprétation stricte de la loi pénale, avec les principes de bonne législation, avec le principe de bonne foi et avec le principe de la confiance légitime. La critique des parties requérantes porte essentiellement sur le fait que la mesure prévue par la disposition attaquée ne s’applique qu’aux habitations qui sont situées le long d’une rue et non aux habitations qui sont situées le long d’une place. Elles estiment que cette disposition est pour cette raison contraire au principe d’égalité et de non-discrimination. À supposer que la disposition attaquée soit interprétée en ce sens que la notion de « rue » englobe également celle de « place », la disposition attaquée est alors contraire, selon elles, au principe de légalité en matière pénale.
A.6.12. Dans le vingt et unième moyen, les parties requérantes allèguent la violation des articles 10, 11, 16, 19, 22 et 23 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec les articles 1er, 8, 9, 10 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme, avec l’article 1er du Premier Protocole additionnel à cette Convention, avec l’article 11 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, avec l’article 2, paragraphe 2, de l’Accord de Paris, avec le principe de la séparation de l’Église et de l’État, avec les principes de bonne législation et avec le principe de neutralité. Les parties requérantes critiquent en substance le fait que l’interdiction d'installer ou de remplacer une chaudière à mazout ne s’applique pas aux bâtiments énumérés à l’article 2, 4°, du décret du 18 mars 2022. Elles estiment que les dispositions attaquées violent de ce fait le principe d’égalité et de non-discrimination ainsi que le principe de neutralité.
A.7. Le Gouvernement flamand estime que les moyens précités ne sont pas recevables, en ce que les parties requérantes y invoquent toute une série de dispositions et de principes comme normes de référence sans exposer en quoi les dispositions attaquées seraient contraires aux dispositions et principes invoqués comme normes de référence. Il considère que ces moyens ne sont pas davantage recevables en ce qu’ils invoquent des dispositions législatives et des règlements comme normes de référence.
A.8. Quant au fond, le Gouvernement flamand estime en substance que les dispositions attaquées ne produisent pas d’effets disproportionnés. Il relève que ces dispositions s’inscrivent dans l’ambition plus large de l’Union européenne et des autorités flamandes de protéger la qualité des sols et de concrétiser une transition énergétique vers une société pauvre en carbone et durable, même si elle se déploie graduellement et par étapes. Il considère que le choix du législateur décrétal de prendre la nature de l’installation de chauffage comme critère de distinction se fonde, d’une part, sur les limites de la compétence de la Région flamande et, d’autre part, sur l’adhésion de la société en faveur de la mise en place de mesures relatives à la transition énergétique poursuivie.
Le Gouvernement flamand souligne que le législateur décrétal a prévu une exception à l’interdiction attaquée, que cette interdiction ne vaut que pour le remplacement complet d’une chaudière à mazout, et donc pas pour la réparation des composants de celle-ci, et que les dispositions attaquées laissent une marge de manœuvre aux citoyens concernés pour passer à une autre méthode de chauffage qui soit efficace en matière de coûts et moins émettrice de gaz à effet de serre, tout en ne représentant aucun de risque de pollution des sols. Il estime que le choix du législateur décrétal, qui est le fruit d’un équilibre délicat, n’est pas manifestement déraisonnable.
En ce qui concerne la banque de données de la consommation et de la production d’énergie
A.9.1. Les quatorzième, seizième et dix-huitième moyens portent sur la banque de données de la consommation et de la production d’énergie.
A.9.2. Le quatorzième moyen est dirigé contre l’article 12.5.1, § 1er, alinéa 2, 8°, du décret sur l’énergie, inséré par l’article 6 du décret du 22 octobre 2021, et est pris de la violation des articles 10, 11, 13 et 22 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec les articles 1er, 6, 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme et avec le principe des droits de la défense. Les parties requérantes critiquent en substance le fait que la disposition attaquée ne prévoit pas que cette banque de données ait également pour objectif de collecter des données sur les circonstances dans lesquelles des personnes n’ont pas respecté l’interdiction d’installer et de
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remplacer une chaudière à mazout. Il en résulte, selon elles, une violation du principe d’égalité et de non-
discrimination, du droit à un procès équitable ainsi que de la présomption d’innocence.
A.9.3. Le seizième moyen est dirigé contre l’article 9 du décret du 22 octobre 2021 et est pris de la violation des articles 10, 11 et 16 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec les articles 1er, 6 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme et avec l’article 1er du Premier Protocole additionnel à cette Convention. Les parties requérantes critiquent le fait que l’article 6 du décret du 22 octobre 2021 est entré en vigueur le 1er janvier 2022, alors qu’en l’absence d’arrêtés d’exécution, la banque de données précitée n’est pas encore opérationnelle.
Elles estiment que les personnes qui remplacent illégalement leur chaudière à mazout après le 1er janvier 2022 et avant la mise en opération de la banque de données courent un risque plus faible de recevoir une amende que les personnes qui le font après la mise en opération de la banque de données, ce qui conduit, selon elles, à une violation du principe d’égalité et de non-discrimination. Les parties requérantes estiment en outre qu’il est plus difficile pour les personnes de la première catégorie de préparer leur défense que pour les personnes de la seconde catégorie, ce qui conduit là encore, selon elles, à une violation du principe d’égalité et de non-discrimination.
A.9.4. Le dix-huitième moyen est dirigé contre l’article 6 du décret du 22 octobre 2021 et est pris de la violation des articles 10, 11 et 22 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec les articles 1er, 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme. Les parties requérantes critiquent en substance le fait que l’on crée une banque de données pour faire respecter l’interdiction d’installer et de remplacer une chaudière à mazout, mais pas pour faire respecter, notamment, les prescriptions en matière d’aménagement du territoire.
A.10. Le Gouvernement flamand considère que les moyens précités ne sont pas recevables, en ce que les parties requérantes y invoquent des dispositions et des principes comme normes de référence sans exposer en quoi les dispositions attaquées seraient contraires à ces dispositions et principes invoqués comme normes de référence.
Il estime, d'autre part, que les seizième et dix-huitième moyens ne sont pas recevables, parce que la Cour n’est pas compétente pour statuer sur l’absence d’un arrêté d’exécution (seizième moyen) et que le Code flamand de l’aménagement du territoire ne fait pas l’objet du recours présentement examiné (dix-huitième moyen).
A.11.1. Quant au fond, le Gouvernement flamand estime que, dans le cadre du quatorzième moyen, les parties requérantes interprètent erronément la disposition attaquée. Selon lui, on n’aperçoit pas en quoi la collecte de données concernant les circonstances dans lesquelles des personnes n’ont pas respecté l’interdiction d’installer et de remplacer une chaudière à mazout ne relèverait pas de l’objectif consistant à « assurer le suivi et le [respect]
des obligations imposées aux propriétaires d’immeubles, aux locataires et aux titulaires d’un droit réel sur les installations de chauffage de l’immeuble », qui figure dans la disposition attaquée.
A.11.2. À supposer que le seizième moyen soit recevable, le Gouvernement flamand estime qu’il n’est pas fondé, dès lors que pour contrôler le respect du principe d’égalité et de non-discrimination, il n’est pas pertinent de comparer deux réglementations applicables à des moments différents. Selon lui, une différence de traitement entre les personnes qui relèvent du champ d’application d’une réglementation ancienne et les personnes qui relèvent du champ d’application d’une réglementation nouvelle ne constitue pas en soi une violation des articles 10
et 11 de la Constitution.
A.11.3. À supposer que le dix-huitième moyen soit recevable, le Gouvernement flamand estime qu’il n’est pas fondé, dès lors que les personnes qui ne respectent pas l'interdiction d’installer et de remplacer une chaudière à mazout ne sont pas comparables aux personnes qui commettent une infraction en matière d’aménagement du territoire.
En ce qui concerne la sanction administrative
A.12.1. Les treizième, quatorzième, quinzième et dix-septième moyens portent sur la sanction administrative instaurée par l’article 8 du décret du 22 octobre 2021.
A.12.2. Le treizième moyen est pris de la violation des articles 10, 11, 12, alinéa 2, 14 et 16 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec les articles 1er, 7 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme, avec l’article 1er du Premier Protocole additionnel à cette Convention, avec l’article 49 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, avec le principe de légalité en matière pénale et avec le principe de proportionnalité des délits et des peines. Les parties requérantes font valoir en substance que l’amende administrative instaurée par la disposition attaquée est excessivement élevée, dès lors qu’elle ne prévoit aucune peine minimale ni aucune peine maximale, alors que d’autres dispositions du décret sur l’énergie en prévoient.
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Elles critiquent également la disposition attaquée en ce qu’elle ne prévoit pas qu’une chaudière à mazout installée illégalement doive être retirée, ce qui fait naître une différence de traitement entre les citoyens aisés et les citoyens moins aisés, étant donné que les citoyens de la première catégorie, contrairement aux citoyens de la seconde, peuvent se permettre de payer une amende administrative.
A.12.3. Le quatorzième moyen est pris de la violation des articles 10, 11, 13 et 22 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec les articles 1er, 6, 8 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme et avec le principe des droits de la défense. Les parties requérantes critiquent le fait qu’aucun droit à être entendu n’est prévu avant que l’amende ne soit infligée.
A.12.4. Le quinzième moyen est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme et avec les articles 2 et 3
de la directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2012 « relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales ». Les parties requérantes critiquent le fait que le contrevenant à l’interdiction attaquée ne doit pas être informé de la nature et de la cause de l’accusation lorsque l’amende est infligée, ni du droit à un avocat, du droit à l’assistance judiciaire gratuite, du droit à un interprète et du droit au silence. Elles demandent à la Cour de poser des questions en la matière à la Cour de justice de l’Union européenne.
A.12.5. Le dix-septième moyen est pris de la violation des articles 10, 11, 12, 13 et 16 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec les articles 1er, 6 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme et avec les principes généraux du droit à un procès équitable et des droits de la défense, en particulier le droit à la contradiction. Les parties requérantes critiquent le fait que la disposition attaquée ne prévoit pas que les infractions doivent être constatées par un fonctionnaire désigné par le législateur décrétal. Elles critiquent également le fait que le constat de l’infraction ne soit pas transmis à l’auteur de l’infraction. Sur la base d’une comparaison avec la procédure organisée à l’article 6.2.5 du Code flamand de l’aménagement du territoire, elles déduisent par ailleurs une violation du principe d’égalité et de non-discrimination.
A.13. Le Gouvernement flamand estime que les moyens précités ne sont pas recevables, en ce que les parties requérantes y invoquent des dispositions et des principes comme normes de référence sans exposer en quoi les dispositions attaquées seraient contraires à ces dispositions et principes invoqués comme normes de référence.
A.14.1. Quant au fond, le Gouvernement flamand estime que le treizième moyen n’est pas fondé. Il considère que l’amende est proportionnée, dès lors que celle-ci a été fixée proportionnellement au coût d’une nouvelle chaudière à mazout et qu’il a été tenu compte à cet égard du nombre d’unités d’habitation dans un bâtiment. D’autre part, le Gouvernement flamand est d’avis que, lorsque le législateur décrétal instaure une amende administrative qui n’est pas manifestement excessive, celui-ci n’a pas l’obligation de prévoir un montant minimum et un montant maximum. Le fait que d’autres dispositions du décret sur l’énergie prévoient un montant minimum et un montant maximum pour une amende n’est, selon lui, pas pertinent en l’espèce. Enfin, le Gouvernement flamand estime que le législateur décrétal n’a aucune obligation de prévoir des mesures de réparation et que c’est le propre de toute amende d’avoir potentiellement des répercussions variables selon la situation personnelle de celui qui doit s’en acquitter.
A.14.2. Selon le Gouvernement flamand, le quatorzième moyen n’est pas fondé, puisque l’obligation d’être entendu est un principe général de bonne administration, applicable même lorsque la réglementation n’en fait pas expressément mention.
A.14.3. Le Gouvernement flamand considère que le quinzième moyen n’est pas fondé, parce que l’article 6, paragraphe 3, de la Convention européenne des droits de l’homme et la directive 2012/13/UE ne peuvent s’appliquer que dans les procédures pénales. Il est d’avis que la disposition attaquée n’a aucun rapport avec une procédure pénale.
A.14.4. Selon le Gouvernement flamand, le dix-septième moyen n’est pas fondé, puisque la procédure qui encadre l’imposition de l’amende administrative n’est pas contraire aux droits de la défense. Il souligne que le montant de l’amende est communiqué à l’intéressé par envoi recommandé - avec mention des causes qui ont donné lieu à l’imposition de l’amende et renvoi aux articles applicables -, que l’intéressé a le droit d’être entendu, qu’il peut introduire un recours administratif contre l’amende imposée et, enfin, qu’il peut également introduire un recours devant le Conseil d’État. Le simple fait que les installateurs de chaudières à mazout soient soumis à une obligation de déclaration n’emporte aucune inconstitutionnalité, selon le Gouvernement flamand.
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-B-
Quant aux dispositions attaquées et à leur contexte
B.1.1. Les parties requérantes demandent l’annulation totale ou partielle du décret de la Région flamande du 22 octobre 2021 « modifiant le décret sur l’Énergie du 8 mai 2009, en ce qui concerne l’interdiction de l’installation ou du remplacement d’une chaudière à mazout »
(ci-après : le décret du 22 octobre 2021), ainsi que l’annulation totale ou partielle de l’article 2, 4°, du décret de la Région flamande du 18 mars 2022 « modifiant le Décret sur l’Énergie du 8 mai 2009 » (ci-après : le décret du 18 mars 2022).
B.1.2. L’article 3 du décret du 22 octobre 2021 insère dans le décret de la Région flamande du 8 mai 2009 « portant les dispositions générales en matière de la politique de l’énergie » (ci-
après : le décret sur l’énergie), sous le titre XI (« Performances énergétiques de bâtiments »), un article 11.1/1.3, qui instaure l’interdiction, d’une part, d’installer une chaudière à mazout dans les bâtiments résidentiels et non résidentiels pour lesquels le permis d’environnement pour des actes urbanistiques relatifs à une nouvelle construction ou à une rénovation énergétique substantielle est demandé à partir du 1er janvier 2022 et, d’autre part, de remplacer, à partir de cette même date, dans les bâtiments existants, une chaudière à mazout par une chaudière à mazout, un corps de chaudière par un corps de chaudière ou une technologie de chauffage autre qu’une chaudière à mazout par une chaudière à mazout, sauf si aucun réseau de gaz naturel n’est disponible dans la rue.
L’article 1.1.3, 114°/1, du décret sur l’énergie, inséré par l’article 2, 3°, du décret du 22 octobre 2021, définit la notion de « chaudière à mazout » comme étant « le corps de chaudière et le brûleur combinés conçus pour transmettre à l’eau la chaleur de combustion du mazout, dans le but de fournir le chauffage de locaux ou de l’eau chaude sanitaire ».
L’article 1.1.3, 74°/0, du décret sur l’énergie, inséré par l’article 2, 2°, du décret du 22 octobre 2021, définit la notion de « corps de chaudière » comme étant « l’ensemble des composants d’une chaudière à mazout qui n’assurent pas la combustion du combustible mais le transfert de la chaleur de combustion à l’eau ». Il s’agit du « composant le plus robuste » de la chaudière à mazout (Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 813/7, p. 6). L’interdiction attaquée ne
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porte donc pas sur le remplacement du brûleur (Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 813/5, p. 2).
L’extension de l’interdiction au remplacement d’un « corps de chaudière » par un autre « corps de chaudière » est le résultat d’un amendement, qui a été justifié comme suit :
« Sur une chaudière à mazout, c’est en effet généralement le brûleur qui a besoin d’être remplacé après une quinzaine d’années. Le corps de chaudière, beaucoup plus grand, a quant à lui une durée de vie de 30 à 50 ans. Si l’on permettait également d’encore remplacer le corps de chaudière, cela créerait ainsi de nouveau un effet de verrouillage (lock-in) pour une longue période. D’autant que dans nombre de cas, ce corps de chaudière en fonte ou en acier doit être démantelé pour être éliminé, si bien qu’il s’agit d’un moment idéal pour reconsidérer le choix du système de chauffage. C’est pourquoi il est aussi proposé, en ce qui concerne les bâtiments existants, d’interdire également le remplacement du corps de chaudière » (Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 813/5, p. 3).
B.1.3. L’article 4 du décret du 22 octobre 2021, qui insère un article 11.1/1.4 dans le décret sur l’énergie, impose l’obligation aux installateurs de chaudières à mazout de communiquer trimestriellement à la « Vlaams Energie- en Klimaatagentschap » (l’Agence flamande de l’énergie et du climat, ci-après : la VEKA) une liste des adresses des bâtiments résidentiels et non résidentiels dans lesquels ils ont installé ou remplacé une ou plusieurs chaudières à mazout ou un ou plusieurs corps de chaudière au cours du trimestre précédent.
B.1.4. Les articles 5 et 6 du décret du 22 octobre 2021 prévoient que la VEKA gère une banque de données de la consommation et de la production d’énergie, dont les objectifs sont définis, et ils déterminent également l’accès aux données, ainsi que leur durée de conservation.
B.1.5. Enfin, les articles 7 et 8 du décret du 22 octobre 2021 prévoient une sanction administrative si la VEKA constate qu’une chaudière à mazout ou un corps de chaudière a été installé ou remplacé dans un bâtiment résidentiel ou non résidentiel en violation de l’interdiction prévue à l’article 11.1/1.3 du décret sur l’énergie. La sanction consiste en une amende administrative de 3 000 euros, majorée de 2 000 euros par unité de bâtiment dans l’immeuble, et est infligée à la personne soumise à déclaration, s’il s’agit d’une nouvelle construction ou d’une rénovation énergétique substantielle, et au propriétaire ou au titulaire d’un droit réel, s’il s’agit d’un bâtiment existant.
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B.1.6. L’article 2, 4°, du décret du 18 mars 2022 insère à l’article 1.1.3 du décret sur l’Energie un point 92°/1/0/1, dans lequel la notion de « bâtiment non résidentiel » est définie comme suit :
« un bâtiment ayant une destination principale non résidentielle, à l’exception des :
a) bâtiments isolés dont la surface au sol utile totale est inférieure à 50 m2;
b) bâtiments temporaires qui, en principe, ne sont pas utilisés pendant plus de deux ans;
c) bâtiments utilisés pour des cultes et des activités religieuses;
d) bâtiments industriels;
e) ateliers;
f) entrepôts à usage non industriel;
g) bâtiments d’un bâtiment agricole non affectés au logement ».
B.2.1. Les travaux préparatoires du décret du 22 octobre 2021 justifient l'interdiction contenue dans l’article 3 de ce décret comme suit :
« Le Gouvernement flamand peut, dans le cadre de sa politique en matière d’utilisation rationnelle de l’énergie et de promotion de la performance énergétique des bâtiments, interdire l’utilisation de certaines installations de chauffage, installations techniques et systèmes techniques de bâtiment, ou soumettre leur utilisation à des conditions. Cette disposition figure à l’article 11.1/1.1 du décret sur l’énergie du 8 mai 2009, lequel a récemment été inséré par le décret du 30 octobre 2020.
La présente proposition de décret permet de fixer par voie décrétale des conditions strictes pour les chaudières à mazout, et donc d’en réglementer strictement l’utilisation. Cette lex specialis implique qu’en application de l’article 11.1/1.1 précité, le Gouvernement flamand ne peut pas instaurer de dispositions dérogatoires dans cette matière, qui a déjà été réglée par le législateur décrétal. La Région flamande œuvre ainsi à rendre les bâtiments plus durables. Il sera par conséquent interdit désormais d’installer ou de remplacer une chaudière à mazout dans les bâtiments résidentiels et non résidentiels dont le permis d’environnement pour des actes urbanistiques relatifs à une nouvelle construction ou à une rénovation énergétique substantielle est demandé à partir du 1er janvier 2022. Même dans les bâtiments existants, il ne sera plus possible à partir de cette date – même lors de la réalisation de travaux non soumis à permis –
de remplacer une chaudière à mazout par une autre chaudière à mazout, sauf si aucun réseau de gaz naturel n’est disponible dans la rue.
L’article 11.1/1.3 en projet met ainsi en œuvre l’accord de gouvernement flamand 2019-
2024 pour, d’une part, les nouvelles constructions et les rénovations énergétiques substantielles
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et, d’autre part, les bâtiments existants. L’accord de gouvernement prévoit en effet les dispositions suivantes en ce qui concerne les chaudières à mazout :
- ‘ À partir de 2021, une chaudière à mazout existante ne pourra plus être remplacée si la rue abrite un réseau de gaz naturel. Les propriétaires seront informés de toutes les autres solutions possibles. ’
- ‘ Pour cette raison, à partir de 2021, plus aucune chaudière à mazout ne pourra être installée dans le cas d’une nouvelle construction et de rénovations énergétiques substantielles, et un raccordement au gaz naturel ne sera plus possible, pour les nouveaux grands lotissements et grands immeubles à appartements, qu’à des fins de chauffage collectif par cogénération ou en combinaison avec un système d’énergie renouvelable comme chauffage principal. ’
[…]
Le Plan flamand sur l’énergie et le climat mentionne cependant : ‘ À partir de 2021, nous introduisons une interdiction des chaudières à mazout dans les constructions nouvelles et en cas de rénovation énergétique substantielle. Les chaudières à mazout existantes ne peuvent plus être remplacées par d’autres chaudières à mazout s’il existe une possibilité de raccordement à un réseau de gaz naturel dans la rue, sauf s’il peut être démontré que les chaudières à mazout ont une performance équivalente à celle des chaudières à condensation au gaz naturel les plus récentes. ’ Cette problématique sera abordée plus en détail ci-après.
Le fait que cette technologie de chauffage s’avère moins efficace énergétiquement et moins écologique pour les nouvelles constructions et les rénovations énergétiques substantielles, tout en étant dépassée, est également attesté par les données statistiques ci-dessous, tirées des déclarations EPB (EPB : ‘ energieprestatie en binnenklimaat ’ (prestation énergétique et climat intérieur)) qui ont été introduites.
[…]
À partir de 2022, l’installation ou le remplacement d’une chaudière à mazout par une autre chaudière à mazout ne sera plus autorisé non plus dans les bâtiments existants. La seule exception possible est le cas de figure où aucun réseau de gaz naturel n’est disponible dans la rue. Par le remplacement d’une chaudière à mazout, l’on entend par ailleurs uniquement le remplacement de l’intégralité de l’installation, et non le remplacement de composants individuels d’une installation de chauffage existante, comme le brûleur.
[…]
C.2.b. La mesure telle qu’elle est formulée dans le Plan flamand sur l’énergie et le climat
La mesure telle qu’elle est formulée dans le Plan flamand sur l’énergie et le climat se révèle toutefois problématique au regard de l’article 6 de la directive-cadre relative à l’écoconception et du règlement (UE) n° 813/2013. Selon cette formulation, le remplacement d’une chaudière à mazout existante par une autre, tandis qu’il existe une possibilité de raccordement à un réseau de gaz naturel dans la rue, serait malgré tout autorisé ‘ s’il peut être démontré que les chaudières à mazout ont une performance équivalente à celle des chaudières à condensation au gaz naturel les plus récentes ’. Dans ce scénario, l’autorisation d’installer une chaudière à mazout pour en remplacer une autre dépend donc d’une évaluation des performances.
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Cette évaluation des performances portera (au moins) sur l’efficacité énergétique. Or, l’Annexe II au règlement (UE) n° 813/2013 fixe déjà des exigences applicables à l’efficacité énergétique saisonnière et à l’efficacité énergétique pour le chauffage de l’eau. Si la Région flamande subordonne l’admissibilité du remplacement d’une chaudière à mazout par une autre chaudière à mazout à une évaluation complémentaire de l’efficacité énergétique, cela sera qualifié comme une exigence en matière d’écoconception qui a trait à des paramètres qui sont déjà couverts par le règlement (UE) n° 813/2013 et qui est contraire à l’article 6, paragraphe 1, de la directive-cadre relative à l’écoconception, à moins qu’il s’agisse d’une ‘ exigence en matière de performance énergétique ’ de bâtiments ou d’unités de bâtiment ou d’une ‘ exigence relative aux systèmes techniques ’ conformément à l’article 4, paragraphe 1, ou à l’article 8 de la directive PEB. Cette dernière hypothèse ne s’applique cependant pas en l’espèce : en effet, la condition selon laquelle une chaudière à mazout doit être aussi performante que les chaudières à condensation au gaz les plus récentes ne constitue pas une exigence relative aux systèmes techniques, mais bien une exigence en matière d’écoconception.
La mesure telle qu’elle est formulée dans le Plan flamand sur l’énergie et le climat est, pour cette raison, contraire à l’article 6 de la directive-cadre relative à l’écoconception, ainsi qu’au règlement (UE) n° 813/2013.
Pour ces raisons, la mesure ne peut se concrétiser que sous la forme établie dans l’accord de gouvernement flamand » (Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 813/1, pp. 2, 5-6 et 10-11).
Les explications qui précèdent se retrouvent également dans l’exposé relatif à la compétence de la Région flamande pour adopter le décret du 22 octobre 2021 :
« En ce qui concerne l’interdiction des chaudières à mazout, la présente proposition de décret s’inscrit en effet parfaitement dans le cadre de la compétence matérielle de la Région en matière d’efficacité énergétique et de protection de l’environnement. De telles installations de chauffage au mazout ne sont effectivement pas suffisamment efficaces sur le plan énergétique, ni suffisamment écologiques, pour continuer à jouer un rôle dans la transition énergétique actuelle. En raison de la combustion du mazout, les chaudières à mazout ont une plus grande incidence sur les émissions et la qualité de l’air. À titre d’exemple, le facteur d’émission de CO2 (Ktonne CO2/PJ) du mazout est supérieur d’environ 32 % à celui du gaz naturel, et supérieur de 15 à 18 % à celui du propane et du butane. Les émissions de NOx d’une nouvelle chaudière à mazout sont par exemple également supérieures d’environ 45 % aux émissions d’une nouvelle chaudière au gaz naturel.
En 2019, le mazout représentait 35 % des émissions de gaz à effet de serre du secteur du bâtiment (tous bâtiments résidentiels et bâtiments non résidentiels confondus) et 10 % du total des émissions de gaz à effet de serre hors SEQE (système d’échange de quotas d’émission) en Flandre. Une suppression progressive des chaudières à mazout peut donc contribuer significativement à l’objectif de réduction des émissions hors SEQE à court terme (2030) et à long terme (2050) de la Flandre. En cas de passage au gaz naturel, on peut déjà s’attendre à une réduction de 32 % grâce au seul facteur d’émission de CO2 plus faible. En cas de passage à des installations de chauffage fonctionnant sans énergie fossile, la réduction des émissions de CO2
sera de 100 %.
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La mesure exercera également une influence positive sur la qualité des sols, puisque l’utilisation des installations au mazout constitue un risque accru de pollution des sols, en raison, notamment, d’écoulements de mazout lors de la livraison ou de fuites dans les cuves à mazout. Le fait que la mesure, en plus d’influer sur l’efficacité énergétique et les émissions de gaz à effet de serre, améliore également la qualité des sols, est un objectif qui est poursuivi. La mesure produit donc des effets qui ne s’appliquent pas aux autres types d’installations de chauffage : en effet, les mesures relatives à ces autres types d’installations n’exercent pas cette pression environnementale spécifique, de sorte qu’il ne saurait s’agir d’une situation comparable.
L’utilisation de telles nouvelles installations au mazout s’intègre dès lors moins bien dans la transition énergétique vers une société pauvre en carbone. Une étude commandée par le secteur du mazout (Informazout) lui-même qui offre un autre son de cloche ne peut pas être considérée comme scientifiquement correcte. À la demande de la ministre Zuhal Demir, une tierce partie (Energyville et le panel climat) a soumis cette étude à une évaluation par les pairs.
Cette évaluation conclut que le rapport d’Informazout analyse en détail, sur base d’une méthode fondée sur l’analyse du cycle de vie, une tendance vraiment hypothétique, à savoir la transition totale du chauffage au mazout classique vers le chauffage au gaz, et ce à relativement brève échéance (d’ici 2030), les chercheurs s’efforçant, par diverses hypothèses partiales en défaveur du gaz naturel, de démontrer que le mazout peut, à terme, exercer une pression plus limitée sur le climat. Toutefois, vu les problèmes méthodologiques et les choix subjectifs effectués, l’évaluation par les pairs conclut que l’on ne saurait affirmer que ce soit le cas. L’hypothèse de travail du secteur, selon laquelle le gaz naturel serait plus nocif que le mazout, n’est dès lors ni démontrée ni crédible, mais présente un problème méthodologique, de sorte qu’elle semble n’être que le reflet d’un réflexe plutôt tendancieux et protectionniste » (Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 813/1, pp. 3-4).
B.2.2. Il ressort des explications reproduites ci-dessus que le décret du 22 octobre 2021
s’inscrit dans « l’objectif de réduction des émissions hors SEQE à court terme (2030) et à long terme (2050) de la Flandre ». Il s’agit de l’objectif imposé par l’Union européenne aux États membres pour les secteurs dits hors SEQE, à savoir les secteurs qui ne relèvent pas du système d’échange de droits d’émission de l’Union européenne. Il s’agit principalement des secteurs du bâtiment, du transport, de l’agriculture et des déchets. Cet objectif à court terme, fixé par le règlement (UE) 2018/842 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 « relatif aux réductions annuelles contraignantes des émissions de gaz à effet de serre par les États membres de 2021 à 2030 contribuant à l’action pour le climat afin de respecter les engagements pris dans le cadre de l’accord de Paris et modifiant le règlement (UE) n° 525/2013 » et repris par la Région flamande dans son Plan flamand sur l’énergie et le climat, implique que la Belgique doit réduire, d’ici 2030, ses émissions de gaz à effet de serre de 35 % par rapport aux niveaux de 2005. Quant à l’objectif à long terme, il consiste en une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 80 à 95 % d’ici 2050, par rapport aux niveaux atteints en 1990.
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La « loi européenne sur le climat » (règlement (UE) 2021/1119 du Parlement européen et du Conseil du 30 juin 2021 « établissant le cadre requis pour parvenir à la neutralité climatique et modifiant les règlements (CE) n° 401/2009 et (UE) 2018/1999 ») prévoit des objectifs plus ambitieux pour l’Union européenne, lesquels consistent en une réduction, dans l’Union, des émissions nettes des gaz à effet de serre (émissions après déduction des absorptions) d’au moins 55 % d’ici 2030 par rapport aux niveaux de 1990, ainsi qu’une neutralité climatique totale en 2050. À la lumière de ces objectifs modifiés, la Commission européenne a publié, le 14 juillet 2021, son paquet « Ajustement à l’objectif 55 », dans lequel il est proposé de relever l’objectif national de la Belgique à 47 % d’ici 2030, par rapport aux niveaux de 2005.
B.2.3. Pour ce qui concerne la Région flamande, le décret du 22 octobre 2021 s’inscrit dans le prolongement d’une série d’autres décrets récents qui, afin d’atteindre l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre hors SEQE de la Flandre pour les horizons 2030
et 2050, visent également à réduire les émissions de gaz à effet de serre provoquées par l’utilisation du gaz naturel.
Une première étape dans cette direction a été franchie avec l’article 12 du décret du 30 octobre 2020 « modifiant le décret sur l’Énergie du 8 mai 2009 ». À la suite de cette modification, l’article 4.1.16/1 du décret sur l’énergie dispose que, dans le cas de nouveaux grands lotissements, de grands projets d’habitations de groupe ou de grands immeubles à appartements, dont le permis d’environnement pour le lotissement de terrains ou pour des actes urbanistiques a été demandé à partir du 1er janvier 2021, il ne peut plus être prévu qu’un raccordement au réseau de distribution de gaz naturel en cas de chauffage collectif par cogénération ou en combinaison avec un système d’énergie renouvelable comme chauffage principal.
L’article 6 du décret du 18 mars 2022 constitue la deuxième étape. Cet article insère, dans le décret sur l’énergie, un article 4.1.16/2, qui dispose que les gestionnaires du réseau de distribution de gaz naturel ne peuvent plus prévoir de raccordement au réseau de distribution de gaz pour les bâtiments résidentiels et non résidentiels pour lesquels une demande de permis d’environnement pour des actes urbanistiques relatifs à une nouvelle construction est introduite à partir du 1er janvier 2026. Par décret du 17 juin 2022 « modifiant l'article 4.1.16/2 du Décret sur l'Énergie du 8 mai 2009 », la date prévue pour l’interdiction de raccordement au réseau de gaz naturel en cas de nouvelles constructions a été avancée au 1er janvier 2025.
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Quant à la recevabilité
B.3. Le Gouvernement flamand conteste l’intérêt des parties requérantes, parce qu’elles ne démontrent pas qu’elles sont affectées par l’interdiction d’installer ou de remplacer une chaudière à mazout.
B.4. La Constitution et la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle imposent à toute personne physique ou morale qui introduit un recours en annulation de justifier d'un intérêt. Ne justifient de l'intérêt requis que les personnes dont la situation pourrait être affectée directement et défavorablement par la norme attaquée.
B.5. Les parties requérantes justifient leur intérêt en indiquant qu'elles chauffent leur logement au moyen d’une chaudière à mazout et que leur logement n’est pas raccordable au réseau de gaz naturel, bien qu’une conduite de gaz naturel soit disponible dans leur rue. Elles exposent que cette conduite de gaz naturel se trouve, par rapport à leur habitation, de l’autre côté de la rue. Elles déduisent de la circonstance qu’une conduite de gaz naturel est disponible dans leur rue que l’exception à l’interdiction d’installer ou de remplacer une chaudière à mazout ne leur est pas applicable, étant donné que cette exception vaut uniquement « si aucun réseau de gaz naturel n’est disponible dans la rue ». Elles estiment donc qu’elles sont affectées directement et défavorablement par les dispositions attaquées, puisque celles-ci leur interdiraient de remplacer leur chaudière à mazout.
B.6.1. Selon l’article 11.1/1.3, alinéa 2, du décret sur l’énergie, inséré par l’article 3 du décret du 22 octobre 2021, l’interdiction d’installer et de remplacer une chaudière à mazout dans les bâtiments existants n’est pas applicable « si aucun réseau de gaz naturel n’est disponible dans la rue ».
B.6.2. En ce qui concerne le membre de phrase « si aucun réseau de gaz naturel n’est disponible dans la rue » contenu dans cette disposition, la Cour a jugé par son arrêt n° 147/2022
du 10 novembre 2022 (ECLI:BE:GHCC:2022:ARR.147) :
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« B.34.3. Contrairement à ce que fait valoir la partie requérante dans l’affaire n° 7726, les cas dans lesquels une habitation peut être raccordée à une conduite de gaz naturel, même dans la situation dans laquelle le réseau de distribution de gaz naturel se trouve de l’autre côté de la rue, ont en outre été déterminés d’une manière objective et garante de la sécurité juridique.
En prévoyant une exception à l’interdiction ‘ si aucun réseau de gaz naturel n’est disponible dans la rue ’, le décret attaqué renvoie aux articles 1.1.3, 4.1.13 et 4.1.15 du décret sur l’énergie, qui décrivent les cas dans lesquels une habitation doit ou peut être raccordée au réseau de gaz naturel.
L’article 1.1.3 du décret sur l’énergie dispose :
‘ Dans le présent décret, on entend par :
[…]
3° unité d’habitation ou bâtiment raccordable : une unité d’habitation ou un bâtiment qui n’est pas encore raccordé au réseau de distribution de gaz naturel, et qui répond à l’une des conditions suivantes :
a) une conduite à basse pression est présente le long de la voie publique du même côté de la voie et à la hauteur de l’unité d’habitation ou du bâtiment;
b) l’unité d’habitation ou le bâtiment n’est pas situé dans une zone destinée à l’habitat, et une conduite à basse pression est présente le long de la voie publique à la hauteur de l’unité d’habitation ou du bâtiment, du même côté, ou non, que l’unité d’habitation ou le bâtiment concerné;
c) une conduite à moyenne pression de catégorie A ou B est présente le long de la voie publique du même côté de la voie que l’unité d’habitation ou le bâtiment et cette conduite a été réalisée spécifiquement pour le raccordement respectivement des unités de logement ou des bâtiments;
[…] ’.
L’article 4.1.13 du décret sur l’énergie, modifié en dernier lieu par le décret du 18 mars 2022 ‘ modifiant le Décret sur l’Énergie du 8 mai 2009 ’, dispose :
‘ § 1er. Pour le raccordement au réseau de distribution de gaz naturel d’une unité d’habitation ou d’un bâtiment raccordable dans la zone géographique pour laquelle il a été désigné, le gestionnaire du réseau de distribution de gaz naturel peut facturer un prix maximal de 250 euros, si les conditions suivantes sont satisfaites de manière cumulative :
1° la capacité de la conduite de gaz naturel le long de la voie publique, où l’unité d’habitation ou le bâtiment raccordable est situé, est suffisante;
2° la distance entre la conduite de gaz naturel et le futur point de prélèvement ne dépasse pas 20 mètres;
3° la capacité de raccordement demandée est inférieure ou égale à 10 m3(n) par heure;
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4° la pression de fourniture demandée est de 21 ou de 25 mbar.
§ 2. Si le gestionnaire de réseau de distribution de gaz naturel décide néanmoins, pour des raisons d’ordre technique ou économique, de raccorder un bâtiment non raccordable situé dans une zone destinée à l’habitation, par forage sous voirie à une conduite de gaz naturel située de l’autre côté de la rue, dans la zone géographique pour laquelle il a été désigné, il peut facturer un prix maximal de 250 euros, si les conditions suivantes sont satisfaites de façon cumulative :
1° la capacité de la conduite de gaz naturel le long de la voie publique, où l’unité d’habitation ou le bâtiment non raccordable est situé, est suffisante;
2° la distance entre la conduite de gaz naturel et le futur point de prélèvement ne dépasse pas 20 mètres;
3° la capacité de raccordement demandée est inférieure ou égale à 10 m3(n) par heure;
4° la pression de fourniture demandée est de 21 ou de 25 mbar ’.
L’article 4.1.15 du décret sur l’énergie, modifié en dernier lieu par le décret du 10 mars 2017 ‘ modifiant le décret sur l’Énergie du 8 mai 2009, en ce qui concerne le raccordement à un réseau de distribution de gaz naturel et portant confirmation de la continuité de la prise de sanctions de la réglementation de la performance énergétique ’, dispose :
‘ Chaque gestionnaire de réseau de gaz naturel est tenu de raccorder chaque client qui achète du gaz naturel pour sa propre utilisation domestique et non pas pour des activités commerciales ou professionnelles au réseau de distribution de gaz naturel en conformité avec les règles du règlement technique applicable s’il y est invité, à condition que :
a) le demandeur puisse produire un permis d’environnement pour les actes urbanistiques valable en cas de construction neuve;
b) l’habitation soit principalement autorisée ou réputée autorisée en cas d’unités d’habitation existantes ou d’habitations existantes ’.
Il résulte de ces dispositions du décret sur l’énergie qu’il appartient au gestionnaire du réseau de distribution de gaz naturel d’examiner si, pour des raisons d’ordre technique ou économique, et sur la base des critères objectifs contenus dans ces dispositions, une habitation qui, comme celle de la partie requérante dans l’affaire n° 7726, se trouve de l’autre côté de la rue par rapport au réseau de distribution de gaz naturel, peut être raccordée. Dans l’exposé des motifs de la proposition de décret qui a donné lieu au décret attaqué, il est observé à cet égard qu’on ‘ peut facilement vérifier, sur le site internet de Fluvius, si un bâtiment ou un immeuble d’habitation est raccordable ou non au réseau de distribution de gaz naturel ’ (Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 813/1, p. 16).
La critique formulée par la partie requérante dans l’affaire n° 7726 n’est dès lors pas fondée, d’autant que le décret attaqué permet au demandeur, si le gestionnaire du réseau de distribution de gaz naturel estime que son habitation ne peut pas être raccordée à un réseau de
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gaz naturel, de remplacer sa chaudière à mazout ou le corps de chaudière par une autre chaudière à mazout ou par un autre corps de chaudière. […] ».
B.6.3. Il en ressort que le membre de phrase « si aucun réseau de gaz naturel n’est disponible dans la rue » contenu dans l’article 11.1/1.3, alinéa 2, du décret sur l’énergie doit être lu en combinaison avec les articles 1.1.3, 4.1.13 et 4.1.15 de ce décret et qu’il appartient au gestionnaire du réseau de distribution de gaz naturel d’examiner, sur la base de motifs techniques ou économiques et sur la base des critères objectifs mentionnés dans ces dispositions, si une habitation qui se trouve de l’autre côté du réseau de distribution de gaz naturel peut y être raccordée. En employant le mot « disponible » à l’article 11.1/1.3, alinéa 2, du décret sur l’énergie, le législateur décrétal a voulu indiquer que, dans le cadre du champ d’application de l’exception à l’interdiction d’installer et de remplacer une chaudière à mazout, le fait qu’un réseau de gaz naturel soit « présent » dans la rue n’est pas déterminant en soi; la réponse à la question de savoir si l’habitation en question peut être raccordée au réseau de gaz naturel est quant à elle déterminante.
Le site internet du gestionnaire du réseau de distribution Fluvius contient à cet effet une application qui permet de vérifier si une habitation peut éventuellement être raccordée au réseau de gaz naturel (https://www.fluvius.be/nl/thema/aansluitingen-aardgas/aansluitbaar-op-het-
aardgasnet). Cette application mentionne expressément qu’il peut être demandé à Fluvius d’examiner si une habitation ou une parcelle est raccordable au réseau de gaz naturel et que cette demande est gratuite pour les clients résidentiels qui souhaitent un raccordement au réseau de gaz naturel d’une capacité maximale de 25 m³/h.
B.6.4. Il s’ensuit que l’interdiction d’installer ou de remplacer une chaudière à mazout dans un bâtiment existant ne s’applique pas lorsque, à la demande de l’intéressé, le gestionnaire du réseau de distribution estime que l’habitation, sur la base de motifs techniques ou économiques et sur la base des critères objectifs mentionnés dans les dispositions précitées du décret sur l’énergie, ne peut pas être raccordée au réseau de gaz naturel, et ce même lorsqu’une conduite de gaz naturel est présente de l’autre côté de la rue.
B.7. Dès lors que l’habitation des parties requérantes n’est pas raccordable au réseau de gaz naturel, ainsi qu’elles l’affirment elles-mêmes dans leur requête, l’interdiction d’installer ou de remplacer une chaudière à mazout ne leur est pas applicable et, contrairement à ce qu’elles
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font valoir dans le cadre de la motivation de leur intérêt, elles ne sont pas directement et défavorablement affectées par les dispositions attaquées.
B.8. Les parties requérantes ne justifiant pas de l’intérêt requis, leur recours est irrecevable.
Par conséquent, le recours doit être rejeté et il n’y a dès lors pas lieu de poser à la Cour de justice de l’Union européenne et à la Cour de justice Benelux les questions préjudicielles suggérées par les parties requérantes.
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Par ces motifs,
la Cour
rejette le recours.
Ainsi rendu en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l’article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 9 mars 2023.
Le greffier, Le président,
P.-Y. Dutilleux L. Lavrysen


Synthèse
Numéro d'arrêt : 41/2023
Date de la décision : 09/03/2023
Type d'affaire : Droit constitutionnel

Origine de la décision
Date de l'import : 30/05/2023
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.constitutionnel;arret;2023-03-09;41.2023 ?

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