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09/03/2023 | BELGIQUE | N°39/2023

Belgique | Belgique, Cour constitutionnel, 09 mars 2023, 39/2023


Cour constitutionnelle
Arrêt n° 39/2023
du 9 mars 2023
Numéros du rôle : 7660, 7699, 7722, 7724 et 7725
En cause : les recours en annulation de l’article 8 du décret flamand du 2 juillet 2021
« modifiant le décret de gouvernance du 7 décembre 2018 », introduits par l’ASBL « Aktiekomitee Red de Voorkempen » et autres, par l’ASBL « Privacy Salon », par l’ASBL « Vlaamse Vereniging van Journalisten » et autres, par Pascal Malumgré et par Stijn Verbist et la SRL « Verbist Advocaten ».
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents L. Lavry

sen et P. Nihoul, et des juges T. Giet, J. Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache, T. Detienne, D. Pie...

Cour constitutionnelle
Arrêt n° 39/2023
du 9 mars 2023
Numéros du rôle : 7660, 7699, 7722, 7724 et 7725
En cause : les recours en annulation de l’article 8 du décret flamand du 2 juillet 2021
« modifiant le décret de gouvernance du 7 décembre 2018 », introduits par l’ASBL « Aktiekomitee Red de Voorkempen » et autres, par l’ASBL « Privacy Salon », par l’ASBL « Vlaamse Vereniging van Journalisten » et autres, par Pascal Malumgré et par Stijn Verbist et la SRL « Verbist Advocaten ».
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents L. Lavrysen et P. Nihoul, et des juges T. Giet, J. Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache, T. Detienne, D. Pieters, S. de Bethune, E. Bribosia, W. Verrijdt et K. Jadin, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président L. Lavrysen,
après en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant :
I. Objet des recours et procédure
a. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 28 octobre 2021 et parvenue au greffe le 29 octobre 2021, un recours en annulation de l’article 8 du décret flamand du 2 juillet 2021 « modifiant le décret de gouvernance du 7 décembre 2018 » (publié au Moniteur belge du 8 juillet 2021) a été introduit par l’ASBL « Aktiekomitee Red de Voorkempen », Denis Malcorps, Jan Creve et Peter Verhaeghe, assistés et représentés par Me P. Vande Casteele, avocat au barreau d’Anvers.
b. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 9 décembre 2021 et parvenue au greffe le 10 décembre 2021, l’ASBL « Privacy Salon », assistée et représentée par Me R. Wens, avocat au barreau d’Anvers, et par Me P. Vande Casteele, a introduit un recours en annulation de la même disposition décrétale.
c. Par trois requêtes adressées à la Cour par lettres recommandées à la poste les 6, 7 et 10 janvier 2022 et parvenues au greffe les 7 et 11 janvier 2022, des recours en annulation de la même disposition décrétale ont été introduits respectivement par l’ASBL « Vlaamse
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Vereniging van Journalisten », l’ASBL « Journalismfund.eu », l’ASBL « Association Belge des Consommateurs Test-Achats » et la SCRL « Association des Consommateurs Test Achats », assistées et représentées par Me J. Verstraeten, avocat au barreau de Louvain, par Pascal Malumgré et par Stijn Verbist et la SRL « Verbist Advocaten », assistés et représentés par Me P. Vande Casteele.
Ces affaires, inscrites sous les numéros 7660, 7699, 7722, 7724 et 7725 du rôle de la Cour, ont été jointes.
Le Gouvernement flamand, assisté et représenté par Me S. Ronse et Me T. Quintens, avocats au barreau de Flandre occidentale, a introduit des mémoires, les parties requérantes ont introduit des mémoires en réponse et le Gouvernement flamand a également introduit des mémoires en réplique.
Par ordonnance du 23 novembre 2022, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteurs Y. Kherbache et M. Pâques, a décidé que les affaires étaient en état, qu’aucune audience ne serait tenue, à moins qu’une partie n’ait demandé, dans le délai de sept jours suivant la réception de la notification de cette ordonnance, à être entendue, et qu’en l’absence d’une telle demande, les débats seraient clos le 7 décembre 2022 et les affaires mises en délibéré.
Aucune demande d’audience n’ayant été introduite, les affaires ont été mises en délibéré le 7 décembre 2022.
Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives à la procédure et à l’emploi des langues ont été appliquées.
II. En droit
-A-
Affaires nos 7660 et 7699
A.1.1. Les parties requérantes dans l’affaire n° 7660 sont l’ASBL « Aktiekomitee Red de Voorkempen » et trois personnes physiques. La partie requérante dans l’affaire n° 7699 est l’ASBL « Privacy Salon ».
Elles demandent toutes l’annulation de l’article 8 du décret flamand du 2 juillet 2021 « modifiant le décret de gouvernance du 7 décembre 2018 » (ci-après : le décret du 2 juillet 2021).
A.1.2. Le Gouvernement flamand observe que les parties requérantes ne démontrent pas leur intérêt, de sorte que les requêtes doivent être rejetées pour cause d’irrecevabilité.
A.1.3. Les parties requérantes estiment que ni la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle ni l’article 142 de la Constitution ne prévoient que les parties requérantes doivent déjà démontrer leur intérêt au stade de la requête. En outre, la partie défenderesse a en l’espèce une « obligation d’allégation », étant donné que les exceptions, comme les moyens, doivent être pertinentes et suffisamment concrètes, en fait comme en droit.
Une simple formule de style ne peut suffire et ne peut être suivie lorsque l’intérêt des parties requérantes peut se déduire de l’ensemble des requêtes et que le Gouvernement flamand ne démontre pas que les parties requérantes n’auraient pas d’intérêt.
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Il suffit qu’elles répondent à une éventuelle exception et qu’elles exposent leur intérêt dans leur mémoire en réponse. L’appréciation de l’obligation de démontrer un intérêt ne peut être appliquée de manière exagérément restrictive ou formaliste parce qu’un seuil d’accès à la Cour trop élevé porte atteinte au droit effectif d’accès à la Cour et est inconciliable avec le droit effectif d’accès à la Cour.
Si l’on applique ce postulat à la requête déposée dans l’affaire n° 7660, les parties requérantes estiment que toute personne a intérêt à l’annulation du nouveau motif d’exception, dès lors que toute personne jouit d’un droit constitutionnel à la publicité des documents administratifs. En outre, le droit qu’ont les parties requérantes d’introduire un recours devant le Conseil d’État ou les juridictions de l’ordre judiciaire devient illusoire en l’absence de publicité. Si l’on applique ce postulat à chacune des parties requérantes dans les différentes requêtes, il y a lieu de constater que l’ASBL « Aktiekomitee Red de Voorkempen » est une association qui dispose de la capacité d’agir depuis cinquante ans, qui agit au nom d’un groupe dont les intérêts collectifs sont menacés ou violés et dont le fonctionnement est durable et effectif conformément à ses statuts. Les parties requérantes Jan Creve et Denis Malcorps sont des habitants de Doel qui ont toujours eu accès à toutes les informations des autorités; sans ces informations, ils ne pourraient s’adresser au juge en toute connaissance de cause. Grâce à la publicité de l’administration, la partie requérante Peter Verhaeghe peut se forger une idée plus précise des rouages de l’autorité publique et de sa communication. La publicité de l’administration sert la collecte d’informations, qui sert à son tour tous les citoyens et l’État de droit.
Si l’on applique ce postulat à la requête déposée dans l’affaire n° 7699, l’ASBL « Privacy Salon » estime que son activité et son but statutaire, lequel consiste, d’une part, à « informer et sensibiliser de manière critique le grand public autant que les décideurs politiques et le secteur industriel en Belgique » et, d’autre part, à « informer la presse et le public sur des questions liées à la vie privée, à collecter des informations, à construire l’opinion et à diffuser des informations », justifient son intérêt.
A.2. Les parties requérantes prennent un moyen unique de la violation des articles 10, 11, 13, 19, 23 et 32
de la Constitution, lus en combinaison ou non avec les articles 6 et 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, avec le principe de l’État de droit, avec le principe du raisonnable, avec la Convention du 25 juin 1998
sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (ci-après : la Convention d’Aarhus), avec la directive 2003/4/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2003 « concernant l’accès du public à l’information en matière d’environnement et abrogeant la directive 90/313/CEE du Conseil » (ci-après : la directive 2003/4/CE) et avec les articles 11, 20, 21, 47, 52 et 53 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
Le moyen se subdivise en quatre branches.
A.3.1. Dans la première branche, les parties requérantes soulèvent la violation de la « clause d’exception »
visée à l’article 10, paragraphe 2, de la Convention européenne des droits de l’homme parce que le motif d’exception attaqué ne fait pas partie des motifs d’exception énoncés de manière limitative audit article 10, paragraphe 2. La nouvelle exception ne peut être considérée comme poursuivant un but acceptable au sens de l’article 10, paragraphe 2, c’est-à-dire « empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou […] garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire », avec comme seule justification plausible possible, « la sécurité nationale, [...] l’intégrité territoriale ou [...] la sûreté publique, [...] la défense de l’ordre et [...] la prévention du crime, [...] la protection de la santé ou de la morale, [...] la protection de la réputation ou des droits d’autrui ».
En outre, l’introduction d’un nouveau motif d’exception est, eu égard notamment aux motifs d’exception déjà existants, manifestement déraisonnable, dès lors que ce nouveau motif d’exception a pour effet de vider de sa substance le principe de la publicité des documents administratifs. La publicité de l’administration et l’obligation de motivation formelle contribuent à l’effectivité du droit d’accès à un juge, et, sans cette publicité, le droit de recours des justiciables devant le Conseil d’État ou devant les juridictions de l’ordre judiciaire est un droit illusoire.
De plus, l’ignorance des alternatives envisagées avant la prise d’une décision est aussi en contradiction avec le principe de proportionnalité.
A.3.2. Le Gouvernement flamand estime que la Cour, dans son arrêt n° 43/2020 du 12 mars 2020
(ECLI:BE:GHCC:2020:ARR.043), a clairement exposé le rapport entre l’article 32 de la Constitution et l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, sans juger toutefois que le droit fondamental inscrit à l’article 32 de la Constitution est lié par les motifs d’exception énoncés de manière limitative à l’article 10, paragraphe 2, de la Convention européenne des droits de l’homme. La disposition attaquée ne prévoit qu’un motif d’exception facultatif au principe de la publicité des documents administratifs; à moins que l’intérêt de la publicité
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prévale, les instances publiques peuvent rejeter une demande de publicité de documents administratifs si la demande concerne des communications internes.
L’exception a été fixée par voie décrétale et répond à un besoin social impérieux dans une société démocratique. La mesure est proportionnée à l’objectif poursuivi, dès lors que l’expression « communications internes » est interprétée de manière très stricte. Le constat de ce que la disposition attaquée est une transposition de l’article 4, paragraphe 1, e), de la directive 2003/4/CE et de l’article 4, paragraphe 3, c), de la Convention d’Aarhus confirme le caractère proportionné de la mesure. En outre, l’intérêt qui est protégé en vertu du motif d’exception doit toujours être concrètement mis en balance avec l’intérêt de la divulgation des documents administratifs, de sorte que le principe de la publicité des documents administratifs est préservé.
La simple circonstance que le législateur décrétal n’avait pas (encore) fait le choix de prévoir un motif d’exception pour les communications internes lorsqu’il a élaboré le décret du 7 décembre 2018 ne prive pas ce dernier de la possibilité de le faire ultérieurement.
A.3.3. Les parties requérantes répondent que, dans la mesure où le droit fondamental général inscrit à l’article 32 de la Constitution se confond avec celui qui est inscrit à l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, le droit à la publicité peut tout au plus être restreint par les motifs d’exception énoncés de manière limitative à l’article 10, paragraphe 2. Non seulement l’article 10 a une portée analogue à celle de l’article 32 de la Constitution, mais il prévaut en outre, en tant que lex superior et lex specialis, sur l’article 32 de la Constitution, en ce qu’il reconnaît le droit d’accès aux informations du secteur public. L’objectif décrétal ne constitue donc ni un objectif ni un intérêt admis dans le cadre de l’application de l’article 10, paragraphe 2, de la Convention européenne des droits de l’homme.
A.3.4. Le Gouvernement flamand souligne qu’il ressort clairement de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 8 novembre 2016 en cause de Magyar Helsinki Bizottság c. Hongrie (ECLI:CE:ECHR:2016:1108JUD001803011) que la Cour juge qu’en ce que l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme confère un droit d’accès aux informations du secteur public, des restrictions à ce droit ne sont autorisées que pour autant qu’elles soient nécessaires dans un État de droit démocratique. Compte tenu de ce qui a été exposé dans les travaux préparatoires, il y a lieu d’admettre que la norme attaquée est conforme à l’article 32 de la Constitution et à l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Le Gouvernement flamand renvoie par ailleurs à l’article II.9 du décret du 7 décembre 2018, qui impose explicitement à l’autorité une obligation active de publicité. Le nouveau motif d’exception résultant de la disposition attaquée ne porte pas atteinte à cette obligation active de publicité quant aux décisions réglementaires, et la loi du 29 juillet 1991 « relative à la motivation formelle des actes administratifs » demeure applicable quant aux décisions individuelles.
Pour ce qui concerne la transposition ultérieure de l’exception, le Gouvernement flamand observe que, dans son accord de gouvernement, l’engagement a été pris de ne pas appliquer, lors de la transposition de la réglementation européenne, des règles plus strictes que celles que la réglementation impose de façon impérative.
L’essence même de la directive 2003/4/CE est de garantir à chacun un accès aux décisions administratives et à leur justification éventuelle, mais pas aux documents échangés en interne lors de l’élaboration de la décision. C’est la raison pour laquelle la directive 2003/4/CE permet aux États membres de prévoir une exception pour les communications internes préparatoires d’une décision administrative, afin que l’administration puisse consigner par écrit les différents arguments favorables ou défavorables à une décision relative à un problème spécifique, sans que ces délibérations internes soient rendues publiques. De plus, l’utilisation massive de nouveaux moyens de communication au sein de l’autorité fait que les échanges de vues internes sont aujourd’hui beaucoup plus disponibles sur un support écrit. Il est de plus en plus nécessaire de protéger ces documents de la publicité parce qu’il n’est pas souhaitable qu’il faille chaque fois justifier des documents destinés à la seule communication interne, ni que ces documents soient interprétés dans un contexte différent de celui de leur élaboration, ou qu’un débat public soit lancé avant même qu’il y ait eu une amorce de décision de la part d’une instance publique. Du fait de cette évolution, le législateur décrétal a donc jugé nécessaire d’introduire tout de même l’exception attaquée.
A.4.1. Dans la deuxième branche de leur moyen unique, les parties requérantes font valoir que le nouveau motif d’exception n’est pas limité dans le temps. Selon elles, il est déraisonnable que la disposition attaquée ne fasse pas de distinction selon le moment auquel les communications internes sont demandées, à savoir, d’une part, le moment qui précède la prise de décision à laquelle se rapportent les communications internes et, d’autre part, le moment qui suit la prise de décision visée. Une fois que l’autorité a procédé à un échange de vues sur un dossier donné, un processus décisionnel, un avis ou un projet de réglementation et que la décision a été prise, il n’y a plus
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de raison valable de soustraire les « communications internes » à la publicité après la prise de la décision. En effet, l’objectif du législateur décrétal, qui est « de ne pas porter gravement atteinte au processus décisionnel », n’est plus susceptible d’être compromis lorsque la décision a été prise.
En outre, la disposition attaquée n’est pas non plus limitée par les prescriptions temporelles de l’article II.37
du décret du 7 décembre 2018, de sorte que l’écoulement du temps ne rend pas le nouveau motif d’exception inopérant.
A.4.2. Le Gouvernement flamand observe que le législateur décrétal, en introduisant la disposition attaquée, voulait préserver le processus décisionnel dans son ensemble. Les membres du personnel de l’administration publique doivent avoir la certitude, non seulement avant la prise de la décision, mais aussi après celle-ci, de pouvoir échanger librement leurs points de vue, idées et opinions, sans que la trace écrite de leurs échanges soit divulguée sur demande. Les travaux préparatoires confirment cette thèse, de sorte qu’il peut toujours subsister un besoin social impérieux qui nécessitera que les communications internes ne soient pas divulguées après la prise de la décision.
En outre, l’intérêt qui doit être protégé en vertu du motif d’exception doit toujours être concrètement mis en balance avec l’intérêt de la divulgation des documents administratifs. Il n’est dès lors pas nécessaire de faire le lien avec les prescriptions de l’article II.37 du décret du 7 décembre 2018, car, si l’intérêt de la publicité prévaut sur celui de la protection des communications internes, ces dernières devront être divulguées.
A.4.3. Selon les parties requérantes, le constat selon lequel le motif d’exception doit toujours être apprécié concrètement n’est pas pertinent pour justifier l’absence d’une limitation dans le temps. L’article II.37 du décret du 7 décembre 2018 garantit un droit subjectif à la publicité après l’écoulement d’un certain laps de temps, sans qu’une évaluation concrète soit requise. Cette garantie ne vaut dès lors pas pour la clause spéciale relative aux « communications internes ».
A.4.4. Le Gouvernement flamand répète qu’il peut y avoir un besoin social impérieux qui nécessite que les communications internes ne soient pas divulguées après la prise de la décision. « Un certain degré ‘ d’intimité politique ’ et de confidentialité est nécessaire pour aboutir à une prise de décision efficace ».
Selon le Gouvernement flamand, les parties requérantes ne démontrent nullement dans leur mémoire en réponse en quoi l’inapplicabilité de l’article II.37 du décret du 7 décembre 2018 serait contraire à une norme constitutionnelle.
A.5.1. Le moyen unique, en sa troisième branche, est pris, selon les parties requérantes, de la violation de l’obligation de standstill contenue dans l’article 23 de la Constitution et dans l’article 3, paragraphe 1, de la Convention d’Aarhus. Le nouveau motif d’exception a été adopté en dépit des motifs d’exception relatifs et absolus déjà existants et malgré le risque de « chevauchements » soulevé par la section de législation du Conseil d’État dans son avis. La disposition attaquée réduit de manière inadmissible le niveau de la protection juridique. La licéité du recul de la publicité de l’administration doit être contrôlée au regard du principe de standstill.
Selon les parties requérantes, ni l’article 23 de la Constitution ni les articles 3, paragraphe 1, 4, paragraphe 3, et 9 de la Convention d’Aarhus n’autorisent le nouveau motif d’exception parce que l’article II.33, 3°, du décret du 7 décembre 2018 viole le principe constitutionnel et conventionnel de standstill. Aucune raison admissible ne justifie un tel recul de la protection juridique, de la publicité de l’administration et de l’accès au juge. La nouvelle exception ne constitue pas une « mesure nécessaire » à la mise en œuvre de la Convention d’Aarhus.
A.5.2. Pour le Gouvernement flamand, l’article 3, paragraphe 1, de la Convention d’Aarhus n’impose pas d’obligation claire et précise aux parties contractantes, de sorte qu’on ne peut en inférer un standstill.
Le Gouvernement flamand observe ensuite que les instances publiques ne peuvent invoquer le motif d’exception prévu par la disposition attaquée, lequel répond à son tour à un besoin social impérieux et est proportionné à l’objectif légal poursuivi, que dans le respect de conditions strictes. En outre, l’intérêt du motif d’exception doit toujours être concrètement mis en balance avec l’intérêt de la divulgation des documents
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administratifs. Il s’ensuit que la disposition attaquée n’entraîne pas un recul significatif du niveau de protection des citoyens.
La disposition attaquée constitue également une transposition directe en droit interne de l’article 4, paragraphe 1, e), de la directive 2003/4/CE et de l’article 4, paragraphe 3, c), de la Convention d’Aarhus. Pour le Gouvernement flamand, les parties requérantes ne peuvent pas soutenir sérieusement que le législateur décrétal ne pouvait pas transposer en droit interne l’article 4, paragraphe 3, c), de la Convention d’Aarhus, dès lors qu’une convention doit se lire dans son ensemble et que l’article 4, paragraphe 3, c), fait tout autant partie de la Convention que l’article 3, paragraphe 1.
A.5.3. Les parties requérantes répètent que l’article 3, paragraphe 1, de la Convention d’Aarhus instaure une disposition de standstill parce qu’il impose un devoir d’abstention aux États membres. Des mesures qui entraînent un recul de la protection juridique ne sont pas des « mesures nécessaires » à la mise en œuvre de la Convention et ne contribuent pas à la « mise en place et au maintien d’un cadre clair, transparent et cohérent aux fins de l’application des dispositions de la présente Convention ».
Quant à l’éventuelle application de l’obligation formelle de motivation, les parties requérantes observent que cette obligation de motivation ne s’applique pas aux décisions réglementaires, de sorte qu’il s’agit d’un recul significatif du niveau de protection, en tout cas en ce qui concerne ces décisions.
En outre, les parties requérantes constatent que le régime de publicité prévu à l’article 4 de la directive 2003/4/CE et à l’article 4 de la Convention d’Aarhus doit être conforme à l’article 10, paragraphe 2, de la Convention européenne des droits de l’homme, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
A.5.4. Le Gouvernement flamand répète que les instances publiques ne peuvent invoquer le motif d’exception prévu par la disposition attaquée que dans le respect de conditions strictes. L’exception répond à un besoin social impérieux et est proportionnée au but poursuivi. En outre, l’intérêt protégé en vertu du motif d’exception doit toujours être concrètement mis en balance avec l’intérêt de la publicité. Il s’ensuit qu’il ne peut être question d’un recul du niveau de protection.
A.6.1. Dans la dernière branche de leur moyen unique, les parties requérantes font valoir que l’article 4, paragraphe 1, e), de la directive 2003/4/CE, viole les articles 11, 20, 21, 47, 52 et 53 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, de sorte qu’il y a lieu de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne.
A.6.2. Compte tenu de ce qu’il a exposé à propos des trois premières branches du moyen, le Gouvernement flamand objecte qu’il n’est pas utile de poser à la Cour de justice la question préjudicielle suggérée.
A.6.3. Les parties requérantes estiment que l’argumentation du Gouvernement flamand n’est ni pertinente ni fondée. S’en référer uniquement à « son exposé à propos des trois premières branches du moyen » n’est en effet pas une justification valable de la thèse dilatoire selon laquelle « il n’est pas utile de poser à la Cour de justice de l’Union européenne la question préjudicielle suggérée ».
A.6.4. Le Gouvernement flamand constate que la question préjudicielle que les parties requérantes suggèrent de poser à la Cour de justice de l’Union européenne porte uniquement sur la directive 2003/4/CE. Cependant, la norme attaquée constitue une transposition en droit interne non seulement de l’article 4, paragraphe 1, e), de la directive 2003/4/CE, mais aussi de l’article 4, paragraphe 3, c), de la Convention d’Aarhus, de sorte que la question préjudicielle n’est pas utile au traitement du recours en annulation.
Affaire n° 7722
A.7. Les parties requérantes dans l’affaire n° 7722 sont l’ASBL « Vlaamse Vereniging van Journalisten », l’ASBL « Journalismfund.eu », l’ASBL « Association Belge des Consommateurs Test-Achats » et la SCRL « Association des Consommateurs Test Achats ».
Elles demandent l’annulation de l’article 8 du décret du 2 juillet 2021 et démontrent leur intérêt à cette fin.
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A.8. Les parties requérantes dans l’affaire n° 7722 prennent un moyen unique de la violation des articles 10
et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l’article 32 de la Constitution et avec l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Le moyen unique se subdivise en deux branches.
A.9.1. Dans la première branche du moyen unique, les parties requérantes dénoncent la violation de l’article 32 de la Constitution, en ce que la disposition qui introduit la nouvelle exception n’est pas raisonnablement justifiée et produit des effets disproportionnés. La modification décrétale affecte le droit du citoyen, des journalistes et des organisations de défense des consommateurs de consulter des documents administratifs.
Tout d’abord, la réglementation n’est pas raisonnablement justifiée parce que l’intérêt que le législateur décrétal cherche à protéger en introduisant cette exception est déjà suffisamment garanti par les exceptions existantes en ce qui concerne la publicité des documents administratifs. Les délibérations des organes de l’autorité flamande, des autorités locales, des institutions investies d’une mission de service public et des instances environnementales sont secrètes. De même, une exception à la publicité est déjà prévue en ce qui concerne les actes d’une instance publique lorsque leur confidentialité est nécessaire pour la prise de décision politique. Enfin, une demande de divulgation peut également être rejetée lorsqu’elle concerne des documents administratifs qui « sont inachevés ou incomplets ».
La réglementation attaquée produit par ailleurs des effets disproportionnés. Le législateur décrétal va beaucoup plus loin que ce que demandent la directive 2003/4/CE et la Convention d’Aarhus. La directive précitée et la Convention ne portent en effet que sur des informations en matière d’environnement, alors que la réglementation attaquée s’applique également à d’autres informations. De plus, le caractère facultatif de l’exception génère une plus grande insécurité juridique et ouvre la porte à l’arbitraire et à une limitation disproportionnée du droit fondamental à la publicité des documents administratifs. L’on n’aperçoit pas clairement dans quels cas il peut être affirmé que la divulgation de « communications internes » peut porter gravement atteinte au processus décisionnel, à moins qu’un intérêt public supérieur commande la divulgation des documents visés.
A.9.2. Le Gouvernement flamand estime que la Cour, par son arrêt n° 43/2020 du 12 mars 2020 précité, a clairement exposé le rapport qui existe entre l’article 32 de la Constitution et l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme. La disposition attaquée prévoit un motif d’exception facultatif au principe de la publicité des documents administratifs; à moins que l’intérêt de la publicité prévale, les instances publiques peuvent rejeter une demande de divulgation de documents administratifs lorsque cette demande porte sur des « communications internes ».
L’exception a été fixée par voie décrétale et répond à un besoin social impérieux dans une société démocratique. La mesure est proportionnée à l’objectif poursuivi, dès lors que l’expression « communications internes » est interprétée de façon très stricte. La portée de la notion de « communications internes » doit être interprétée compte tenu de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne. Le constat de ce que la disposition attaquée est une transposition de l’article 4, paragraphe 1, e), de la directive 2003/4/CE et de l’article 4, paragraphe 3, c), de la Convention d’Aarhus confirme le caractère proportionné de la mesure. L’observation des parties requérantes selon laquelle la directive 2003/4/CE et la Convention d’Aarhus porteraient uniquement sur des informations environnementales n’y change rien. La Convention d’Aarhus vise à élargir au maximum l’accès aux informations environnementales; les exceptions au principe du droit d’accès aux informations environnementales doivent rester limitées. Selon le Gouvernement flamand, il n’est donc pas déraisonnable qu’un motif d’exception qui trouve son origine dans le cadre international et supranational plus strict de l’accès aux informations environnementales soit instauré de façon généralisée au moyen de l’article 8 du décret du 2 juillet 2021.
Enfin, l’intérêt protégé en vertu du motif d’exception doit toujours être concrètement mis en balance avec l’intérêt de la divulgation des documents administratifs, de sorte que le principe de la publicité des documents administratifs est maintenu. Lorsqu’une instance rejette une demande d’information sur la base de l’article 8 du décret du 2 juillet 2021, le justiciable a la possibilité d’introduire un recours administratif auprès de l’instance de recours (article II.48 et suivants du décret du 7 décembre 2018) et, le cas échéant, d’introduire un recours juridictionnel devant le Conseil d’État contre cette décision de l’instance de recours. Le justiciable se voit offrir la protection juridique nécessaire contre l’arbitraire et l’insécurité juridique.
A.9.3. Les parties requérantes répètent qu’elles estiment que la réglementation attaquée n’est pas raisonnablement justifiée et qu’elle produit des effets disproportionnés. Le besoin social impérieux qui consiste,
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selon le Gouvernement flamand, à protéger les délibérations internes, n’est pas prouvé, voire est à peine exposé, par le législateur décrétal. Selon les parties requérantes, l’on n’aperçoit toujours pas clairement pour quelle raison la société a besoin de protéger les délibérations internes et les consultations, pourquoi ce besoin était auparavant absent et en quoi cette protection contribue de manière effective à l’efficacité du processus décisionnel.
Les parties requérantes observent également que la mise en balance concrète ne peut constituer une protection contre l’arbitraire. Le risque d’arbitraire provient justement de l’application incertaine de la norme attaquée et de la grande latitude laissée à l’instance, lors de l’application de la norme, de décider encore au moment même si celle-ci s’applique.
En outre, selon les parties requérantes, la Cour de justice de l’Union européenne confère déjà une interprétation très large aux termes « communications » et « internes », dans le cadre de laquelle la délimitation est très floue et très vague.
A.9.4. Le Gouvernement flamand estime que la crainte de l’arbitraire n’est pas fondée, puisque, lorsqu’une instance rejette la demande d’information, le justiciable peut introduire un recours administratif organisé auprès de l’instance de recours (article II.48 et suivants du décret du 7 décembre 2018) et, le cas échéant, contre cette décision. Le caractère nécessaire et proportionné de la disposition attaquée est donc incontestable.
A.10.1. Le moyen unique dans l’affaire n° 7722, en sa deuxième branche, est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme. Il existe une différence de traitement entre, d’une part, les personnes qui demandent un document qui ne relève pas de communications internes, puisque cette catégorie pourra toujours compter sur la divulgation du document, et les personnes qui demandent un document qui relève de communications internes, puisque cette catégorie ne pourra compter sur la divulgation que lorsque l’intérêt public prévaudra sur l’intérêt qui consiste à protéger le processus décisionnel interne. La différence de traitement ne saurait être raisonnablement justifiée parce que deux autres exceptions à la publicité des documents administratifs sont déjà inscrites à l’article II.33 du décret du 7 décembre 2018. Les exceptions existantes suffisent pour couvrir suffisamment l’intérêt que le législateur décrétal souhaite protéger. De plus, l’opinion individuelle d’un collaborateur de l’administration, qui, le cas échéant, peut s’avérer déterminante pour le processus décisionnel, est un élément inhérent au processus décisionnel interne, qui ne nécessite aucune protection supplémentaire.
De surcroît, aucun besoin social impérieux ne justifie la limitation du droit à la divulgation, de sorte qu’il s’agit également d’une violation de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme.
A.10.2. Le Gouvernement flamand observe tout d’abord que les catégories de personnes identifiées ne sont pas comparables. Il existe une différence essentielle entre de simples documents administratifs et des « communications internes », de sorte qu’une égalité de traitement n’est pas nécessaire.
Dans l’hypothèse où les catégories de personnes à comparer seraient tout de même comparables, le Gouvernement flamand estime que la différence de traitement peut être raisonnablement justifiée. L’article 8, attaqué, du décret du 2 juillet 2021 poursuit un objectif légitime et revêt un caractère nécessaire. La mesure est par ailleurs proportionnée à l’objectif poursuivi et constitue une transposition de l’article 4, paragraphe 1, e), de la directive 2003/4/CE et de l’article 4, paragraphe 3, c), de la Convention d’Aarhus. Le motif d’exception n’est pas non plus absolu, puisqu’il faut toujours apprécier concrètement si l’intérêt protégé par l’article 8 prévaut sur l’intérêt de la divulgation des documents administratifs.
En ce qui concerne la violation de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, il suffit de se référer à l’arrêt n° 43/2020 du 12 mars 2020, précité, dans lequel la Cour a précisé qu’en ce que l’article 10
de la Convention européenne des droits de l’homme reconnaît le droit d’accès aux informations du secteur public, cet article a une portée analogue à celle de l’article 32 de la Constitution, de sorte qu’il n’y a pas lieu de l’examiner plus amplement.
A.10.3. Les parties requérantes estiment que conclure à la non-comparabilité parce que des « communications internes » ne constitueraient pas des documents administratifs ouvrirait la porte à des abus. Les deux catégories de documents contribuent en effet au processus décisionnel et peuvent donc être valables en termes de transparence. De plus, la comparabilité ne nécessite pas une identité absolue; un certain degré d’analogie suffit.
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Pour le surplus, il est rappelé ce qui a été observé à propos de la première branche du moyen.
A.10.4. Le Gouvernement flamand estime que les parties requérantes n’avancent aucun élément nouveau dans leur mémoire en réponse.
Affaires nos 7724 et 7725
A.11.1. La partie requérante dans l’affaire n° 7724 est une personne physique et les parties requérantes dans l’affaire n° 7725 sont une personne physique et une personne morale, à savoir la SRL « Verbist Advocaten ».
Elles demandent toutes l’annulation de l’article 8 du décret du 2 juillet 2021.
A.11.2. Le Gouvernement flamand observe que les parties requérantes dans les affaires nos 7724 et 7725 ne démontrent pas leur intérêt, de sorte que ces requêtes doivent être rejetées pour cause d’irrecevabilité.
A.11.3. Les parties requérantes estiment que ni la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle ni l’article 142 de la Constitution ne prévoient que les parties doivent déjà démontrer leur intérêt au stade de la requête. Il suffit que les parties requérantes répondent à une exception éventuelle et clarifient leur intérêt dans leur mémoire en réponse.
Si l’on applique ce postulat à leur requête, les parties requérantes estiment que tout citoyen a un intérêt à l’annulation du nouveau motif d’exception, dès lors que toute personne jouit d’un droit constitutionnel à la publicité des documents administratifs. Si l’on applique ce principe à chacune des parties requérantes, force est de constater qu’elles sont non seulement des citoyens, mais aussi des avocats. En leur qualité d’avocat, elles ont un intérêt à pouvoir assister, représenter et défendre leurs clients dans les meilleures conditions. L’exception supplémentaire à la publicité des documents administratifs entrave l’exercice de leur profession parce qu’elles ne pourront plus conseiller et assister leurs clients en parfaite connaissance de cause, encore moins dans des procédures où leurs clients font l’objet de poursuites administratives ou disciplinaires.
A.12.1. Les parties requérantes invoquent la violation des articles 10, 11, 13 et 32 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec le principe général du droit de la défense, et avec l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme. À l’appui de leur moyen, les parties requérantes renvoient à la décision de l’instance de recours n° OVB/2021/400 du 24 novembre 2021. Elles constatent que le nouveau motif d’exception des communications internes introduit par voie décrétale prévaut sur l’intérêt de la personne qui invoque son droit de défense, dès lors que le droit de défense ne sert qu’un intérêt privé et non un intérêt public.
A.12.2. Le Gouvernement flamand estime tout d’abord que le moyen est irrecevable. La Cour est en effet interrogée sur la légalité de la décision n° OVB/2021/400, qui ne relève pas de sa compétence. Le Gouvernement flamand souligne que la décision précitée fait l’objet d’un recours en annulation devant le Conseil d’État (G/A
235.135/X – 18039).
Quant au fond, le Gouvernement flamand estime que l’intérêt doit toujours être apprécié concrètement. Il devra toujours être mis en balance avec l’intérêt public qui peut être servi par la divulgation des documents administratifs demandés. Le Gouvernement flamand observe par ailleurs qu’il ne voit pas pourquoi l’article 8 du décret du 2 juillet 2021 serait contraire au droit d’accès au juge et aux droits de la défense. La non-divulgation de communications internes ne porte pas atteinte au devoir de motivation formelle d’actes administratifs individuels qui incombe à l’autorité. C’est la motivation des actes administratifs, et non des « communications internes » qui précèdent l’acte, qui doit permettre au justiciable d’apprécier s’il y a lieu d’introduire un recours contre cette décision. L’application de la disposition attaquée ne limite donc pas le droit d’accès au juge.
A.12.3. Quant à l’irrecevabilité, les parties requérantes observent qu’elles demandent l’annulation de l’article 8 du décret du 2 juillet 2021, et qu’elles n’ont cité la décision n° OVB/2021/400 que pour illustrer la portée de la clause d’exception.
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Quant au fond, les parties requérantes estiment qu’il ne sera pas procédé à une mise en balance des intérêts parce que l’autorité décidera invariablement « qu’il n’y a en l’espèce pas d’intérêt public, comme indiqué dans les travaux préparatoires, impliqué dans la divulgation des documents concernés ».
A.12.4. Selon le Gouvernement flamand, l’intérêt qui prévaudra sera toujours l’intérêt public et non un intérêt privé du demandeur. Il faudra donc toujours procéder à une mise en balance par rapport à l’intérêt public pouvant être servi par la divulgation des documents demandés.
Le Gouvernement flamand estime par ailleurs que la référence à la décision n° OVB/2021/400 n’est pas utile, puisqu’il s’agit d’une simple décision d’application qui ne relève pas du pouvoir de contrôle de la Cour.
-B-
B.1. Les parties requérantes demandent toutes l’annulation de l’article 8 du décret flamand du 2 juillet 2021 « modifiant le décret de gouvernance du 7 décembre 2018 » (ci-après : le décret du 2 juillet 2021). L’article 8 attaqué ajoute à l’article II.33 du décret flamand de gouvernance du 7 décembre 2018 (ci-après : le décret du 7 décembre 2018) un point 3, rédigé comme suit :
« 3° si la demande concerne des communications internes ».
En conséquence, l’article II.33 du décret du 7 décembre 2018 dispose :
« Sauf si l’importance de la publicité prévaut, les instances publiques visées à l’article II.28, § 1er, peuvent rejeter une demande :
1° si la demande demeure manifestement déraisonnable ou formulée de façon trop générale, après que l'instance concernée a demandé de reformuler la première demande au sens de l’article II.42;
2° si la demande concerne des documents administratifs qui sont inachevés ou incomplets;
3° si la demande concerne des communications internes ».
B.2.1. Le législateur décrétal a ainsi ajouté à l’article II.33 du décret du 7 décembre 2018
un nouveau motif d’exception au droit d’accès aux documents administratifs lorsque la demande de divulgation de documents administratifs porte sur des « communications internes ».
Selon les travaux préparatoires, cette exception est une transposition de l’article 4, paragraphe 1, e), de la directive 2003/4/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier
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2003 « concernant l’accès du public à l’information en matière d’environnement et abrogeant la directive 90/313/CEE du Conseil » (ci-après : la directive 2003/4/CE) et de l’article 4, paragraphe 3, c), de la Convention du 25 juin 1998 « sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement » (ci-
après : la Convention d’Aarhus) (Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 780/1, p. 90).
L’article 4, paragraphe 1, e), de la directive 2003/4/CE dispose :
« 1. Les États membres peuvent prévoir qu’une demande d’information environnementale peut être rejetée dans les cas où :
[…]
e) la demande concerne des communications internes, en tenant compte de l'intérêt que la divulgation des informations demandées présenterait pour le public ».
L’article 4, paragraphe 3, c), de la Convention d’Aarhus dispose :
« 3. Une demande d’informations sur l’environnement peut être refusée si :
[…]
c) la demande porte sur des documents qui sont en cours d’élaboration ou concerne des communications internes des autorités publiques à condition que cette exception soit prévue par le droit interne ou la coutume, compte tenu de l’intérêt que la divulgation des informations demandées présenterait pour le public ».
Les deux dispositions laissent aux États membres la possibilité de prévoir ou non cette exception supplémentaire, dès lors que « les États membres peuvent prévoir » ou qu’« une demande d’informations sur l’environnement peut être refusée ».
B.2.2. Les travaux préparatoires définissent en ces termes l’objectif de l’article attaqué :
« L’objectif de cette exception est d’offrir aux instances publiques le droit de protéger leurs consultations et délibérations internes lorsque cela est nécessaire pour l’exécution de leurs missions, c’est-à-dire lorsque la divulgation du document porterait gravement atteinte au processus décisionnel, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé » (ibid., pp. 90).
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Quant à la recevabilité
B.3. Le Gouvernement flamand fait valoir que les requêtes introduites dans les affaires nos 7660, 7699, 7724 et 7725 sont irrecevables parce qu’aucune des parties requérantes ne démontre son intérêt. L’intérêt des parties requérantes dans l’affaire n° 7722 n’est pas contesté.
B.4.1. La Constitution et la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle imposent à toute personne physique ou morale qui introduit un recours en annulation de justifier d’un intérêt. Ne justifient de l’intérêt requis que les personnes dont la situation pourrait être affectée directement et défavorablement par la norme attaquée.
B.4.2.1 Les recours dans les affaires nos 7660 et 7699 ont été introduits, entre autres, respectivement, par l’ASBL « Aktiekomitee Red de Voorkempen » et par l’ASBL « Privacy Salon ».
Lorsqu’une association sans but lucratif qui n’invoque pas son intérêt personnel agit devant la Cour, il est requis que son but statutaire soit d’une nature particulière et, dès lors, distinct de l’intérêt général; qu’elle défende un intérêt collectif; que la norme attaquée soit susceptible d’affecter son but; qu’il n’apparaisse pas, enfin, que ce but n’est pas ou n’est plus réellement poursuivi.
B.4.2.2. Les deux associations démontrent leur intérêt dans leurs mémoires en réponse respectifs.
Conformément à l’article 2, § 1er, de ses statuts, l’ASBL « Aktiekomitee Red de Voorkempen » a notamment pour but de « maintenir et de rétablir le caractère propre, la diversité et l’intégrité ainsi que le caractère durable de l’environnement dans l’arrondissement administratif d’Anvers, en prenant des mesures générales de protection de l’environnement [...], d’unir, de coordonner et de soutenir tous les efforts poursuivant un but similaire, d’informer et d’éduquer les utilisateurs de l’environnement, et de propager un idéal environnemental ».
Conformément à l’article 2, section 1, de ses statuts, l’ASBL « Privacy Salon » a notamment pour but d’informer et de sensibiliser (de manière critique) le grand public autant que les décideurs politiques et le secteur industriel en Belgique, en Europe et au-delà [...] », et,
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conformément à l’article 2, section 2, de ses statuts, « d’informer la presse et le public sur des questions liées à la vie privée, de collecter des informations, de construire l’opinion et de diffuser des informations ».
B.4.2.3. Le but statutaire des ASBL requérantes est distinct de l’intérêt général et est aussi réellement poursuivi, ainsi qu’il ressort notamment, pour ce qui concerne l’ASBL « Aktiekomitee Red de Voorkempen », des recours en annulation qu’elle a introduits dans le passé devant la Cour et devant le Conseil d’État, et, pour ce qui concerne l’ASBL « Privacy Salon », de l’organisation de plusieurs conférences sur la vie privée.
La disposition attaquée peut affecter directement et défavorablement leur but statutaire en ce que le nouveau motif d’exception est susceptible d’affecter les activités d’information des ASBL concernées, de sorte qu’elles ont un intérêt à introduire leur recours.
B.4.2.4. Dès lors que les ASBL requérantes disposent de l’intérêt requis, il n’est pas nécessaire d’examiner l’intérêt des autres parties requérantes dans ces affaires.
B.4.2.5. L’exception est rejetée.
B.4.3. Les parties requérantes dans les affaires nos 7724 et 7725 sont deux avocats personnes physiques et un bureau d’avocats. Elles invoquent un moyen unique, pris de la violation des articles 10, 11, 13 et 32 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme. Dès lors que ce moyen n’est pas plus étendu que celui qui est invoqué dans les affaires nos 7660 et 7699, il n’est pas non plus nécessaire d’examiner l’intérêt de ces parties requérantes.
B.5. Le Gouvernement flamand fait valoir que le moyen unique dans les affaires nos 7724
et 7725 est irrecevable, en ce que la Cour serait interrogée sur la légalité de la décision de l’instance de recours n° OVB/2021/400 du 24 novembre 2021, alors que cette décision ne relèverait pas de la compétence de la Cour.
B.6.1. Il ressort de l’exposé des requêtes nos 7724 et 7725 que les recours sont dirigés contre l’article 8 du décret du 2 juillet 2021 et que la référence à la décision de l’instance de recours n° OVB/2021/400 ne sert qu’à illustrer l’éventuelle portée de la nouvelle exception.
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B.6.2. L’exception est rejetée.
B.7. Enfin, pour satisfaire aux exigences de l’article 6 de la loi spéciale du 6 janvier 1989, les moyens et les branches de moyens doivent non seulement préciser, parmi les règles dont la Cour garantit le respect, celles qui seraient violées, mais aussi les dispositions qui violeraient ces règles, et exposer en quoi ces règles auraient été transgressées par les dispositions visées.
La Cour examine les moyens et les branches de moyen pour autant qu’ils satisfassent aux exigences précitées.
Quant au fond
B.8.1. Les parties requérantes invoquent plusieurs moyens et branches de moyen. En résumé, ceux-ci sont pris de la violation des articles 10, 11, 13, 19, 23 et 32 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 6 et 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, avec le principe de l’État de droit, avec le principe du raisonnable, avec la Convention d’Aarhus, avec la directive 2003/4/CE, et avec les articles 11, 20, 21, 47, 52 et 53 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
B.8.2 Toutes les parties requérantes contestent la constitutionnalité du nouveau motif d’exception, attaqué, prévu à l’article 8 du décret du 2 juillet 2021, mais pour des raisons différentes.
Les parties requérantes dans les affaires nos 7660 et 7699 contestent la constitutionnalité de ce motif d’exception en ce qu’il ne relèverait pas des exceptions prévues à l’article 10, paragraphe 2, de la Convention européenne des droits de l’homme (première branche), en ce qu’il ne serait pas limité dans le temps (deuxième branche) et en ce qu’il réduirait de manière inacceptable la protection juridique (troisième branche). Enfin, elles font valoir que l’article 4, paragraphe 1, e), de la directive 2003/4/CE contredit plusieurs articles de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, de sorte qu’il conviendrait de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne.
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Les parties requérantes dans l’affaire n° 7722 contestent la constitutionnalité du nouveau motif d’exception, attaqué, en ce que celui-ci serait contraire à l’article 32 de la Constitution (première branche) et au principe d’égalité et de non-discrimination (deuxième branche).
Les parties requérantes dans les affaires nos 7224 et 7225 soutiennent que la nouvelle exception l’emportera toujours sur l’intérêt de la personne qui invoque son droit de défense, puisque ce droit servira toujours un intérêt privé et non un intérêt public. La disposition attaquée priverait ainsi de manière injustifiée le justiciable de son droit de défense.
B.9.1. En prévoyant, à l’article 32 de la Constitution, que chaque document administratif - notion qui, selon le Constituant, doit être interprétée très largement - est en principe public, le Constituant a érigé le droit à la publicité des documents administratifs en un droit fondamental.
B.9.2. L’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme garantit le droit à la liberté d’expression, qui comprend la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées. L’article 11 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne aussi garantit le droit à la liberté d’expression, qui comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées.
B.9.3. Lorsqu’une disposition conventionnelle liant la Belgique a une portée analogue à celle d’une des dispositions constitutionnelles dont le contrôle relève de la compétence de la Cour et dont la violation est alléguée, les garanties consacrées par cette disposition conventionnelle constituent un ensemble indissociable avec les garanties inscrites dans les dispositions constitutionnelles concernées.
B.9.4. Il résulte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme que
« l’article 10 n’accorde pas à l’individu un droit d’accès aux informations détenues par une autorité publique, ni n’oblige l’État à les lui communiquer. Toutefois, [...] un tel droit ou une telle obligation peuvent naître, premièrement, lorsque la divulgation des informations a été imposée par une décision judiciaire devenue exécutoire [...] et, deuxièmement, lorsque l’accès
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à l’information est déterminant pour l’exercice par l’individu de son droit à la liberté d’expression, en particulier ‘ la liberté de recevoir et de communiquer des informations ’, et que refuser cet accès constitue une ingérence dans l’exercice de ce droit » (CEDH, grande chambre, 8 novembre 2016, Magyar Helsinki Bizottság c. Hongrie, ECLI:CE:ECHR:2016:1108JUD001803011, § 156; CEDH, 3 février 2022, Šeks c. Croatie, ECLI:CE:ECHR:2022:0203JUD003932520, § 36).
Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne :
« 81. Pour ce qui concerne la liberté d’expression et d’information, consacrée à l’article 11
de la Charte, il y a lieu de rappeler que cette liberté est également protégée par l’article 10 de la CEDH [...] (arrêt du 17 décembre 2015, Neptune Distribution, C-157/14, EU:C:2015:823, point 64 et la jurisprudence citée).
82. Or, la liberté d’expression et d’information, consacrée à l’article 11 de la Charte et à l’article 10 de la CEDH, ayant le même sens et la même portée dans chacun de ces deux instruments, ainsi qu’il ressort de l’article 52, paragraphe 3, de la Charte et des explications relatives à celle-ci en ce qui concerne son article 11, il convient de constater que la mesure nationale en cause au principal, [...] constitue une atteinte, dans le chef de ces opérateurs, à cette liberté fondamentale (voir, en ce sens, arrêts du 26 juin 1997, Familiapress, C-368/95, EU:C:1997:325, point 26; du 23 octobre 2003, RTL Television, C-245/01, EU:C:2003:580, point 68, ainsi que du 17 décembre 2015, Neptune Distribution, C-157/14, EU:C:2015:823, points 64 et 65) » (CJUE, 3 février 2021, C-555/19, Fussl Modestraße Mayr GmbH, ECLI:EU:C:2021:89, points 81-82).
En ce qu’ils reconnaissent le droit d’accès aux informations du secteur public, l’article 10
de la Convention européenne des droits de l’homme et l’article 11 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ont une portée analogue à celle de l’article 32 de la Constitution. Les garanties fournies par ces dispositions forment dès lors, dans cette mesure, un tout indissociable.
B.9.5. Le droit d’accès aux documents administratifs, tel qu’il est garanti par l’article 32
de la Constitution, par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme et par l’article 11 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, n’est pas absolu.
Ces dispositions n’excluent pas une limitation du droit d’accès aux documents administratifs, mais elles exigent que cette limitation soit autorisée par une disposition législative suffisamment précise, qu’elle réponde à un besoin social impérieux dans une société démocratique et qu’elle soit proportionnée à l’objectif légitime qu’elle poursuit (CEDH, grande chambre, 8 novembre 2016, Magyar Helsinki Bizottság c. Hongrie, ECLI:CE:ECHR:2016:1108JUD001803011, §§ 181, 187 et 196; CEDH, 9 décembre 2021,
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Rovshan Hajiyev c. Azerbeijan, ECLI:CE:ECHR:2021:1209JUD001992512, § 53; CJUE, 4 mai 2016, C-547/14, Philip Morris Brands SARL ea, ECLI:EU:C:2016:325, point 149).
B.9.6. Des exceptions au principe de la publicité des documents administratifs ne sont possibles que dans les conditions fixées par la loi, le décret ou l’ordonnance. Elles doivent être justifiées et sont de stricte interprétation (Doc. parl., Sénat, 1991-1992, n° 100-49/2°, p. 9).
B.9.7. En permettant au législateur de prévoir dans quels cas et à quelles conditions il peut être dérogé au principe de la transparence administrative, le Constituant n’a pas exclu que l’accès à certains documents soit soumis à des conditions ou soit limité, pour autant que ces restrictions soient raisonnablement justifiées et ne produisent pas des effets disproportionnés.
Il convient, à cet égard, de souligner que la transparence administrative participe à l’effectivité de l’exercice du droit de recours des administrés devant le Conseil d’État ou devant les cours et tribunaux ordinaires.
B.9.8. Quand le Constituant a adopté l’article 32 de la Constitution, il a été souligné que les exceptions à ce droit appellent en principe un examen au cas par cas des différents intérêts en présence : « l’intérêt de la [publicité] doit chaque fois contrebalancer concrètement l’intérêt qui est protégé par un motif d’exception » (Doc. parl., Chambre, 1992-1993, n° 839/1, p. 5).
Dans les travaux préparatoires, il est précisé :
« Si, par exemple, la sécurité de l’État était un motif d’exception, il faudrait vérifier si l’autorisation de consulter un certain document porte concrètement atteinte ou non à la sécurité de l’État. Il est possible qu’à un certain moment, ce soit effectivement le cas tandis qu’à un autre moment, le même document peut être rendu public sans aucun problème » (ibid.).
Il découle de ce qui précède que le Constituant a jugé qu’il était admissible de prévoir des restrictions à l’accès aux documents administratifs, à condition qu’il y ait toujours une mise en balance entre l’intérêt de la publicité des documents administratifs et l’intérêt protégé par le motif d’exception. Par ailleurs, une appréciation concrète est toujours requise pour vérifier s’il
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est réellement porté atteinte à l’intérêt protégé et si l’intérêt de la publicité prévaut sur l’intérêt protégé.
B.10.1. L’article 8, attaqué, du décret du 2 juillet 2021 insère un motif d’exception nouveau à l’article II.33, 3°, du décret du 7 décembre 2018. En vertu de cette disposition, la demande de divulgation des « communications internes » est rejetée, « sauf si l’importance de la publicité prévaut ». En d’autres termes, il est possible d’opposer un refus à la demande d’accès à la communication interne « si la divulgation du document devait porter une atteinte grave au processus décisionnel, à moins qu’un intérêt public supérieur justifie la divulgation du document visé » (Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 780/1, p. 90).
Selon les travaux préparatoires, un processus décisionnel effectif suppose
« que les membres du personnel de l’autorité puissent échanger librement des propositions, idées ou opinions sur des questions de fond, de processus, d’organisation ou de politique, et que ces échanges puissent aussi se faire par écrit sans qu’il faille divulguer sur demande ces propositions, idées ou opinions.
Un régime de publicité trop rigide sur ce point a pour effet pervers d’empêcher que des idées soient échangées librement au sein de l’autorité à propos d’un dossier, d’un processus décisionnel, d’un avis ou d’un projet de réglementation.
La perspective, pour les fonctionnaires ou membres des cabinets, que leurs avis personnels se retrouvent publiés pour ainsi dire dès le lendemain dans les journaux ou qu’ils puissent faire l’objet d’un débat parlementaire les incite à faire preuve d’une très grande retenue dans leurs communications ou rapports écrits internes, ce qui constitue une entrave au bon déroulement du processus décisionnel. Un certain degré ‘ d’intimité politique ’ et de confidentialité est nécessaire pour aboutir à une prise de décision efficace.
C’était également le point de départ de la directive (voyez la réponse de la Commission à la question écrite n° 3955/03) : ‘ Les communications internes servent à préparer une décision administrative; il faut qu’une administration puisse mettre par écrit les différents arguments pour ou contre une décision à prendre sur un problème particulier sans que ces délibérations internes soient rendues publiques. En fin de compte, c’est la décision administrative et son éventuelle justification qui constituent l'information essentielle, et non la manière dont la décision a été prise. ’ » (ibid. p. 91).
B.10.2.1. Ce nouveau motif d’exception exige que l’autorité publique effectue toujours une mise en balance entre l’intérêt protégé par celui-ci et l’intérêt public servi par la divulgation des communications internes. Ce motif d’exception ne peut être invoqué systématiquement, ni
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appliqué de manière automatique, et l’instance publique concernée doit toujours apprécier concrètement si la divulgation porte atteinte au processus décisionnel interne.
Les travaux préparatoires mentionnent :
« En vertu de l’article 4, paragraphe 2, deuxième alinéa, de la directive 2003/4/CE, lors de chaque demande, l’intérêt général servi par la divulgation doit être concrètement mis en balance avec l’intérêt spécifique servi par le refus de divulguer.
Il est naturellement d’intérêt public que les décisions administratives soient accessibles, de même que tous les éléments qui les ont étayées, mais pour des documents internes portant uniquement sur la manière dont la décision a été élaborée au sein de l’autorité, la divulgation n’est pas nécessairement d’intérêt général. Dans ce cas, la nécessité de protéger la liberté de pensée des personnes à l’origine des communications en cause et le libre échange de leurs points de vue peut peser davantage.
Lors de cette mise en balance, il faut être attentif à toutes les circonstances de fait et de droit au moment de la demande de divulgation. Il est donc parfaitement possible qu’à un moment donné, il faille refuser l’accès à des communications internes, mais que, par la suite, il ne soit plus nécessaire de créer un espace protégé pour les délibérations internes des instances publiques et que le document puisse alors être divulgué » (Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 780/1, pp. 92-93) ».
B.10.2.2. Outre l’évaluation concrète requise de la part des instances concernées, il y a aussi la procédure de recours devant l’instance de recours « en matière de publicité de l’administration et de réutilisation des informations du secteur public » prévue aux articles II.48
à II.51 du décret du 7 décembre 2018. Ces articles règlent le recours que le demandeur peut introduire contre une décision d’une instance publique relative à une demande de publicité, de correction ou de complément d’un document administratif, contre l’absence de décision ou contre le refus d’exécution d’une décision de publicité, de correction ou de complément.
Enfin, il appartient en dernier ressort aux juridictions compétentes de veiller à ce que les instances publiques concernées ne fassent pas un usage impropre de ce motif d’exception.
B.10.3.1. Le nouveau motif d’exception est la transposition de l’article 4, paragraphe 1, e), de la directive 2003/4/CE et de l’article 4, paragraphe 3, c), de la Convention d’Aarhus. Pour interpréter la notion de « communications internes », il faut dès lors tenir compte de la
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jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne. Les travaux préparatoires mentionnent que :
« la notion de ‘ communications internes ’ doit être interprétée et appliquée exactement dans le même sens que dans la Convention d’Aarhus et la directive 2003/4/CE. La directive ne permet pas aux États membres de définir eux-mêmes la notion dans leur droit interne.
[…]
- communications
La notion de communications ‘ vise une information adressée par un auteur à un destinataire, étant entendu que ce destinataire peut aussi bien être une entité abstraite, telle que les “ membres ” d’une administration ou le “ conseil d’administration ” d’une personne morale, qu’une personne spécifique appartenant à une telle entité, tel un agent ou un fonctionnaire. ’ (arrêt CJUE, 20 janvier 2021, point 37 - C-619/19).
Il n’y a pas de restrictions en ce qui concerne le contenu des communications : il peut s’agir aussi bien d’opinions ou d’arguments politiques personnels que d’informations factuelles ou de simples données, pour autant que ces échanges d’informations s’inscrivent dans le cadre d’une décision ou de la recherche d’une solution à un problème spécifique.
- internes
Le qualificatif ‘ interne ’ implique qu’il s’agit ‘ d’une information qui ne quitte pas la sphère interne d’une autorité publique, en particulier lorsqu’elle n’a pas été divulguée à un tiers ou n’a pas été mise à la disposition du public. ’ (arrêt CJUE, 20 janvier 2021, point 43 – C-619/19) » (Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 780/1, pp. 91-92).
À la suite de l’amendement n° 4, le terme « mededelingen » employé dans la version néerlandaise pour désigner les « communications » a été remplacé par le terme « communicatie ». Les travaux préparatoires apportent à ce sujet les précisions suivantes :
« Par le présent amendement, nous faisons le choix d’un motif d’exception plus clair que celui qui figurait dans le projet de décret.
Ce motif d’exception porte sur les communications internes traduites par l’expression néerlandaise ‘ interne communicatie ’, qui s’inspire de l’expression néerlandaise ‘ interne mededelingen ’ utilisée dans la version néerlandaise de la Convention d’Aarhus, mais qui correspond à une définition plus précise et plus actuelle.
L’expression néerlandaise ‘ interne communicatie ’ est également utilisée dans la traduction néerlandaise de la législation autrichienne ou italienne relative à la publicité des informations environnementales. La version néerlandaise du Code wallon de l’environnement prévoit également des exceptions en ce qui concerne les termes néerlandais ‘ interne communicatie ’.
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[...]
Nous entendons par là que les messages échangés en interne et au quotidien entre des instances de l’autorité flamande ou entre des instances d’autorités locales (par exemple, les échanges réciproques entre les collaborateurs des cabinets, les échanges entre les collaborateurs des cabinets et l’administration flamande, et les échanges au sein de l’administration flamande)
peuvent relever de l’exception à la publicité » (Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 780/4, pp. 2-3).
B.10.3.2. Le constat de ce que l’exception à la publicité des documents administratifs ne se limite pas aux informations environnementales ne donne pas, en soi, à ce motif d’exception un caractère disproportionné. Les communications internes dans n’importe quel domaine politique peuvent s’avérer pertinentes pour l’exercice de la mission publique, et l’accès sans restriction à ces communications peut donc avoir une incidence défavorable sur le processus décisionnel.
B.10.4. Le moyen unique dans les affaires nos 7660 et 7699, en sa première branche, et le moyen unique dans l’affaire n° 7722, en sa première branche, ne sont pas fondés.
B.11. Les parties requérantes dans les affaires nos 7660 et 7699 soutiennent, dans la deuxième branche de leur moyen unique, que le nouveau motif d’exception est contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution, puisque, contrairement à d’autres motifs d’exception, il ne serait pas limité dans le temps, de sorte que la différence de traitement ne serait pas raisonnablement justifiée.
Les parties requérantes dans l’affaire n° 7722 allèguent, dans la deuxième branche de leur moyen unique, que le nouveau motif d’exception est contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme, dès lors que les exceptions déjà existantes suffiraient pour couvrir l’intérêt que le législateur décrétal souhaite protéger, de sorte que la différence de traitement ne serait pas raisonnablement justifiée.
B.12.1. En prévoyant le nouveau motif d’exception, le législateur décrétal a fait naître une différence de traitement entre les personnes qui demandent un document ne constituant pas une « communication interne », en ce que les personnes de cette catégorie peuvent en principe toujours compter sur la divulgation du document, et les personnes qui demandent un document
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constituant une « communication interne », en ce qu’elles ne peuvent compter sur la divulgation que lorsque c’est l’intérêt public qui prévaut, et non l’intérêt de protéger le processus décisionnel interne.
B.12.2. Contrairement à ce que soutient le Gouvernement flamand, les documents administratifs ordinaires et les documents administratifs qui sont des « communications internes » sont comparables car ces deux catégories concernent des documents administratifs, indépendamment de leur contenu. Il ne faut en effet pas confondre différence et non-comparabilité. Les différences soulevées par le Gouvernement flamand peuvent certes constituer un élément dans l’appréciation d’une différence de traitement, mais elles ne sauraient suffire pour conclure à la non-comparabilité, sous peine de vider de sa substance le contrôle au regard du principe d’égalité et de non-discrimination.
B.12.3. L’objectif légitime du législateur décrétal de protéger les « communications internes » dans les situations où leur divulgation porterait une atteinte grave au processus décisionnel répond à un besoin social impérieux dans une société démocratique, à savoir empêcher la diffusion de communications confidentielles (article 10, paragraphe 2, de la Convention européenne des droits de l’homme).
Le motif d’exception attaqué est pertinent pour atteindre l’objectif du législateur décrétal.
B.12.4. Selon les travaux préparatoires, la nouvelle exception relative aux « communications internes » complète les motifs d’exception déjà existants, de sorte qu’il n’est pas pertinent que le législateur décrétal n’ait fait usage qu’ultérieurement de la possibilité, inscrite à l’article 4, paragraphe 1, e), de la directive 2003/4/CE et à l’article 4, paragraphe 3, c), de la Convention d’Aarhus, de prévoir une exception supplémentaire. Ni l’article 4, paragraphe 1, e), de la directive 2003/4/CE ni l’article 4, paragraphe 3, c), de la Convention d’Aarhus n’énoncent une obligation d’introduire l’exception supplémentaire ou un calendrier dans lequel l’exception supplémentaire en question devrait être introduite en droit interne.
Quant à la nécessité de cette exception supplémentaire, les travaux préparatoires apportent les précisions suivantes :
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« L’article II.34, 3°, et l’article II.36, § 1er, alinéa 2, 2°, protègent uniquement les délibérations d’organes collégiaux et seulement dans la mesure où ces délibérations sont confidentielles, et non donc les délibérations entre membres du personnel ou services.
L’article II.35, 5°, et l’article II.36, § 1er, alinéa 2, 9°, protègent la confidentialité dans 3
situations spécifiques :
- l’exercice du contrôle administratif;
- l’exécution d’un audit interne;
- l’élaboration d’une décision politique.
Dans cette disposition, ‘ l’élaboration d’une décision politique ’ a toujours été interprétée en ce sens qu’elle porte uniquement sur les documents adressés à des mandataires politiques (ministres, députés, bourgmestres, etc.) par leurs proches collaborateurs. La concertation confidentielle au sein d’une instance publique (l’administration flamande, l’administration au sein d’une administration provinciale ou communale, etc.) ou entre l’administration et les mandataires politiques ou leur cabinet ne relève pas de la protection offerte par ladite disposition » (Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 780/1, p. 72).
Le législateur décrétal a pu considérer que l’introduction de la nouvelle exception était nécessaire pour préserver suffisamment l’intérêt protégé par l’article 8 attaqué.
B.12.5. De même, la circonstance que le motif d’exception ne fait pas de distinction entre les communications internes avant que la décision ait été prise et les communications internes après que la décision a été prise, et ne serait donc pas limité dans le temps, n’implique pas ipso facto que le motif d’exception attaqué soit inconstitutionnel.
Ainsi qu’il a déjà été observé en B.10.2.1, le motif d’exception attaqué doit faire l’objet d’une appréciation concrète, de sorte qu’implicitement, cette exception est effectivement limitée dans le temps. Lors de l’examen de la demande de divulgation, toutes les circonstances de fait et de droit au moment de la demande doivent être prises en considération, de sorte que le constat de ce que la décision a déjà été prise ou non constitue un élément d’appréciation. Il peut toujours y avoir un besoin social impérieux, qui peut exiger que les « communications internes » ne soient pas divulguées après la prise d’une décision, mais il est également possible que l’instance publique estime que ces « communications internes » peuvent être divulguées.
Sur ce point, les travaux préparatoires mentionnent :
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« À chaque demande, il s’agira d’évaluer concrètement si la divulgation de communications internes risque de porter atteinte à l’efficacité d’une concertation stratégique menée en interne au sein de l’autorité. Cela signifie également qu’un document dont la confidentialité doit être assurée à un moment donné pour cette raison pourra ultérieurement faire l’objet d’une divulgation » (Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 780/1, p. 72).
B.12.6. Le moyen unique dans les affaires nos 7660 et 7699, en sa deuxième branche, et le moyen unique dans l’affaire n° 7722, en sa deuxième branche, ne sont pas fondés.
B.13. Les parties requérantes dans les affaires nos 7660 et 7699 font valoir, dans la troisième branche de leur moyen unique, que l’article 8, attaqué, du décret du 2 juillet 2021 est contraire au principe de standstill parce qu’il réduirait de manière inacceptable la protection juridique.
Le moyen unique des parties requérantes dans les affaires nos 7724 et 7725 est pris de la violation des droits de la défense par l’article 8 attaqué, en ce que le nouveau motif d’exception l’emportera toujours sur l’intérêt de la personne qui souhaite invoquer son droit de défense.
B.14.1. Le droit à l’aide juridique est garanti par l’article 23, alinéa 3, 2°, de la Constitution, et par l’article 47, alinéa 3, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. L’article 23, alinéa 3, 2°, de la Constitution implique une obligation de standstill qui fait obstacle à ce que le législateur compétent réduise de manière significative le niveau de protection qu’offre la législation applicable, sans qu’existent pour ce faire des motifs liés à l’intérêt général. En l’espèce, le motif d’exception facultatif et relatif attaqué n’entraîne pas un recul significatif du niveau de protection des citoyens. Les instances publiques concernées ne peuvent se prévaloir du nouveau motif d’exception attaqué qu’à de strictes conditions, compte tenu de l’interprétation mentionnée en B.10.3.1. Par ailleurs, il doit toujours y avoir une mise en balance concrète entre l’intérêt de la protection des « communications internes » et l’intérêt de la divulgation des documents administratifs.
B.14.2. De plus, tous les actes administratifs individuels sont soumis à l’application de la loi du 29 juillet 1991 « relative à la motivation formelle des actes administratifs » et les actes administratifs réglementaires sont soumis à l’application de l’article II.9 du décret du
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7 décembre 2018. Le refus de divulguer des « communications internes » ne porte pas atteinte au devoir de motivation des actes administratifs qui incombe à l’instance publique concernée, dès lors que la motivation en question est censée permettre au justiciable d’apprécier s’il y a lieu d’introduire un recours contre cet acte administratif.
B.14.3. Le moyen unique dans les affaires nos 7660 et 7699, en sa troisième branche, et le moyen unique dans les affaires nos 7724 et 7725 ne sont pas fondés.
B.15.1. Dans les affaires nos 7660 et 7699, les parties requérantes demandent à la Cour de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne. Elles estiment qu’il conviendrait d’interroger la Cour de justice au sujet de la validité de l’article 4, paragraphe 1, e), de la directive 2003/4/CE au regard des articles 11, 20, 21, 47, 52 et 53 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, en posant la question préjudicielle suivante :
« L’article 4, paragraphe 1, e), de la directive 2003/4/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 janvier 2003 concernant l’accès du public à l’information en matière d’environnement et abrogeant la directive 90/313/CEE du Conseil viole-t-il le principe d’égalité, le droit à la liberté d’expression, le droit à la collecte d’informations, le droit à la publicité de l’administration et le droit d’accès au juge, ainsi que les articles 11, 20, 21, 47, 52
et 53 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne,
en ce que le prescrit selon lequel ‘ les États membres peuvent prévoir qu’une demande d’information environnementale peut être rejetée dans les cas où : […] e) la demande concerne des communications internes, en tenant compte de l’intérêt que la divulgation des informations demandées présenterait pour le public ’,
(1) d’une part, concerne également les demandes de divulgation introduites après la prise d’une décision sur laquelle portent les communications internes qui ont précédé et,
(2) d’autre part, habilite à cet égard les États membres à prévoir que la demande de divulgation des communications internes peut également être refusée sur la base d’un motif d’exception national qui n’a toutefois pas été introduit pour ‘ empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire ’, c’est-à-dire les termes et les objectifs empruntés à l’article 10, paragraphe 2, de la Convention européenne des droits de l’homme,
de sorte que la restriction, instaurée et autorisée par les États membres, de la divulgation des communications internes ne doit pas non plus répondre à la condition énoncée à l’article 10, paragraphe 2, de la Convention européenne des droits de l’homme, à savoir que la restriction à la liberté d’expression, à la publicité de l’administration et au droit à la collecte d’informations doit constituer ‘ [une] mesur[e] (proportionnée et subsidiaire), dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et
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à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui ’ ? ».
B.15.2. L’article 267 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne habilite la Cour de justice à statuer, à titre préjudiciel, aussi bien sur l’interprétation des traités et des actes des institutions de l’Union européenne que sur la validité de ces actes. En vertu du troisième alinéa de cette disposition, une juridiction nationale est tenue de saisir la Cour de justice lorsque ses décisions - comme celles de la Cour constitutionnelle - ne sont pas susceptibles d’un recours juridictionnel de droit interne. En cas de doute sur l’interprétation ou sur la validité d’une disposition du droit de l’Union européenne importante pour la solution d’un litige pendant devant une telle juridiction nationale, celle-ci doit, même d’office, poser une question préjudicielle à la Cour de justice.
B.15.3. Il ressort de la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne que « les juridictions nationales peuvent examiner la validité d’un acte de l’Union et, si elles n’estiment pas fondés les moyens d’invalidité relevés d’office ou soulevés par les parties, rejeter ces moyens en concluant que l’acte est pleinement valide » (CJCE, 22 octobre 1987, Foto-Frost, 314/85, ECLI:EU:C:1987:452, point 14; CJUE, 3 juillet 2019, Eurobolt BV, C-644/17, ECLI:EU:C:2019:555, point 28).
B.15.4. L’article 4, paragraphe 1, e), de la directive 2003/4/CE, tel qu’il est exécuté par la disposition attaquée, n’a ni pour objet ni pour effet de faire obstacle au respect des articles 11, 20, 21, 47, 52 et 53 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. La faculté offerte aux États membres de prévoir en outre un motif d’exception pour les « communications internes » repose sur un critère objectif et ne porte pas atteinte à l’obligation pour l’autorité publique de toujours effectuer une mise en balance entre l’intérêt protégé par le motif d’exception et l’intérêt public servi par la divulgation des communications internes.
En outre, l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2003/4/CE prévoit que les États membres prennent les dispositions nécessaires pour que tout demandeur qui considère que sa demande d’information a été ignorée, indûment rejetée (en partie ou en totalité), ou bien qu’elle a été
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insuffisamment prise en compte ou n’a pas été traitée conformément aux articles 3, 4 ou 5, puisse engager une procédure dans le cadre de laquelle les actes ou omissions de l’autorité publique concernée peuvent être réexaminés par cette autorité publique ou par une autre ou faire l’objet d'un recours administratif devant un organe indépendant et impartial établi par la loi. Toute procédure de ce type doit être rapide et gratuite ou peu onéreuse.
Outre la procédure de recours visée au paragraphe 1, les États membres prennent aussi les dispositions nécessaires pour que tout demandeur puisse engager une procédure devant une juridiction ou un autre organe indépendant et impartial établi par la loi, compétent pour réexaminer les actes ou omissions de l’autorité publique concernée et dont les décisions peuvent passer en force de chose jugée. Les États membres peuvent en outre prévoir que les tiers qui sont lésés par la divulgation des informations puissent également disposer d’une voie de recours (article 6, paragraphe 2). Les décisions définitives prises au titre du paragraphe 2 s’imposent à l’autorité publique qui détient les informations. Les motifs qui les justifient sont indiqués par écrit, tout au moins lorsque l’accès aux informations est refusé au titre du présent article (article 6, paragraphe 3).
Dès lors, la faculté offerte aux États membres d’instaurer un motif d’exception supplémentaire en ce qui concerne les « communications internes » ne porte pas atteinte à la publicité de l’administration (article 11 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne), au principe de l’égalité devant la loi (article 20), au principe de non-discrimination (article 21) et au droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial (article 47). Dans le respect du principe de proportionnalité, des limitations ont été apportées aux droits fondamentaux, mais ces limitations étaient nécessaires et répondaient effectivement aux besoins de la protection des droits et libertés d’autrui (article 52).
B.15.5. Il n’est dès lors pas nécessaire de poser à la Cour de justice la question préjudicielle suggérée par les parties requérantes.
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Par ces motifs,
la Cour
rejette les recours.
Ainsi rendu en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l’article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 9 mars 2023.
Le greffier, Le président,
P.-Y. Dutilleux L. Lavrysen


Synthèse
Numéro d'arrêt : 39/2023
Date de la décision : 09/03/2023
Type d'affaire : Droit constitutionnel

Origine de la décision
Date de l'import : 30/05/2023
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.constitutionnel;arret;2023-03-09;39.2023 ?

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