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09/02/2023 | BELGIQUE | N°24/2023

Belgique | Belgique, Cour constitutionnel, 09 février 2023, 24/2023


Cour constitutionnelle
Arrêt n° 24/2023
du 9 février 2023
Numéro du rôle : 7886
En cause : la demande de suspension de l’article 64, § 2, de la loi du 30 juillet 2022 « visant à rendre la justice plus humaine, plus rapide et plus ferme II », introduite par l’ASBL « Ligue des droits humains » et l’ASBL « Syndicat des Avocats pour la Démocratie ».
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges J. Moerman, M. Pâques, D. Pieters, W. Verrijdt et K. Jadin, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le

président P. Nihoul,
après en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant :
I. Objet de la dema...

Cour constitutionnelle
Arrêt n° 24/2023
du 9 février 2023
Numéro du rôle : 7886
En cause : la demande de suspension de l’article 64, § 2, de la loi du 30 juillet 2022 « visant à rendre la justice plus humaine, plus rapide et plus ferme II », introduite par l’ASBL « Ligue des droits humains » et l’ASBL « Syndicat des Avocats pour la Démocratie ».
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges J. Moerman, M. Pâques, D. Pieters, W. Verrijdt et K. Jadin, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président P. Nihoul,
après en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant :
I. Objet de la demande et procédure
Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 8 novembre 2022 et parvenue au greffe le 10 novembre 2022, une demande de suspension de l’article 64, § 2, de la loi du 30 juillet 2022 « visant à rendre la justice plus humaine, plus rapide et plus ferme II »
(publiée au Moniteur belge du 8 août 2022) a été introduite par l’ASBL « Ligue des droits humains » et l’ASBL « Syndicat des Avocats pour la Démocratie », assistées et représentées par Me L. Laperche, avocat au barreau de Liège-Huy.
Par la même requête, les parties requérantes demandent également l’annulation de la même disposition légale.
Par ordonnance du 23 novembre 2022, la Cour a fixé l’audience pour les débats sur la demande de suspension au 21 décembre 2022, après avoir invité les autorités visées à l’article 76, § 4, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle à introduire, le 15 décembre 2022 au plus tard, leurs observations écrites éventuelles sous la forme d’un mémoire, dont une copie serait envoyée dans le même délai aux parties requérantes, ainsi qu’au greffe de la Cour par courriel envoyé à l’adresse « griffie@const-court.be ».
2
Le Conseil des ministres, assisté et représenté par Me E. de Lophem et Me S. Depré, avocats au barreau de Bruxelles, a introduit des observations écrites.
À l’audience publique du 21 décembre 2022 :
- ont comparu :
. Me L. Laperche, pour les parties requérantes;
. Me E. de Lophem et Me M. Bakiasi, avocat au barreau de Bruxelles, loco Me S. Depré, pour le Conseil des ministres;
- les juges-rapporteurs K. Jadin et D. Pieters ont fait rapport;
- les avocats précités ont été entendus;
- l’affaire a été mise en délibéré.
Les dispositions de la loi spéciale précitée du 6 janvier 1989 relatives à la procédure et à l’emploi des langues ont été appliquées.
II. En droit
-A-
A.1. Aux fins de démontrer l’existence d’un risque de préjudice grave difficilement réparable qui résulterait de l’application immédiate de la disposition législative dont elles demandent l’annulation, l’association sans but lucratif « Ligue des droits humains » et l’association sans but lucratif « Syndicat des avocats pour la démocratie »
exposent que l’article 64, § 2, de la loi du 30 juillet 2022 « visant à rendre la justice plus humaine, plus rapide et plus ferme II » (ci-après : la loi du 30 juillet 2022) empêche certaines catégories de personnes qui ont été condamnées à une peine privative de liberté de prétendre à la « libération anticipée » au sens de l’article 64, § 1er, de cette loi.
Ces associations estiment que l’application immédiate de l’article 64, § 2, de la loi du 30 juillet 2022 cause donc un préjudice à ces personnes en ce qu’elle les prive d’une perspective de libération à court terme. Elles allèguent que ce préjudice est grave et difficilement réparable dans la mesure où il touche à la liberté des personnes, que les associations requérantes ont pour mission de défendre. Les associations requérantes soulignent en outre que la « libération conditionnelle » et la « mise en liberté provisoire en vue de l’éloignement du territoire » que ces personnes physiques pourraient demander en application de la loi du 17 mai 2006 « relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté et aux droits reconnus à la victime dans le cadre des modalités d’exécution de la peine » sont des mesures bien moins avantageuses pour elles que la mesure de « libération anticipée » instaurée par l’article 64 de la loi du 30 juillet 2022.
A.2. Le Conseil des ministres soutient, à ce sujet, que la demande de suspension doit être rejetée parce que le risque de préjudice dont les associations requérantes font état pour motiver cette demande n’est ni personnel ni difficilement réparable.
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-B-
B.1. La demande de suspension porte sur l’article 64, § 2, de la loi du 30 juillet 2022
« visant à rendre la justice plus humaine, plus rapide et plus ferme II » (ci-après : la loi du 30 juillet 2022).
B.2. Aux termes de l’article 20, 1°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, deux conditions doivent être remplies pour que la suspension puisse être décidée :
- des moyens sérieux doivent être invoqués;
- l’application immédiate de la règle attaquée doit risquer de causer un préjudice grave difficilement réparable.
Les deux conditions étant cumulatives, la constatation que l’une de ces deux conditions n’est pas remplie entraîne le rejet de la demande de suspension.
B.3.1. La suspension par la Cour d’une disposition législative doit permettre d’éviter que l’application immédiate de celle-ci cause à la partie requérante un préjudice grave qui ne pourrait être réparé ou qui pourrait difficilement l’être en cas d’annulation de cette disposition.
B.3.2. Il ressort de l’article 22 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 que, pour satisfaire à la seconde condition rappelée en B.2, la personne qui forme une demande de suspension doit exposer, dans sa requête, des faits concrets et précis qui prouvent à suffisance que l’application immédiate de la disposition législative dont elle demande l’annulation risque de lui causer un préjudice grave difficilement réparable.
Cette personne doit notamment faire la démonstration de l’existence du risque de préjudice, de sa gravité et de son lien avec l’application des dispositions législatives attaquées.
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B.4. Le préjudice dont les associations requérantes font état dans leur requête concerne exclusivement la liberté individuelle de personnes physiques qui ont été condamnées à une peine privative de liberté.
Cette requête ne contient aucun exposé de faits concrets et précis indiquant que l’application immédiate de l’article 64, § 2, de la loi du 30 juillet 2022 risque de causer un quelconque préjudice à ces associations.
B.5. Une personne morale qui défend des principes ou qui protège un intérêt collectif ne peut être confondue avec les personnes physiques affectées dans leur situation personnelle auxquelles ces principes ou cet intérêt sont relatifs.
Les personnes physiques étant seules susceptibles de subir le préjudice allégué par les associations requérantes à l’appui de leur demande de suspension, le préjudice qui pourrait être causé aux associations requérantes elles-mêmes n’excède pas celui, purement moral, que causerait l’adoption de dispositions législatives contraires aux principes que ces associations ont pour objet de défendre. Ce préjudice n’est pas difficilement réparable, puisqu’il disparaîtrait en cas d’annulation des dispositions attaquées.
B.6. Les associations requérantes ne démontrent donc pas l’existence d’un risque de préjudice grave et difficilement réparable.
B.7. Dès lors qu’une des conditions pour que la Cour puisse conclure à une suspension n’est pas remplie, il y a lieu de rejeter la demande de suspension.
5
Par ces motifs,
la Cour
rejette la demande de suspension.
Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l’article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 9 février 2023.
Le greffier, Le président,
F. Meersschaut P. Nihoul


Synthèse
Numéro d'arrêt : 24/2023
Date de la décision : 09/02/2023
Type d'affaire : Droit constitutionnel

Origine de la décision
Date de l'import : 30/05/2023
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.constitutionnel;arret;2023-02-09;24.2023 ?

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