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19/01/2023 | BELGIQUE | N°7/2023

Belgique | Belgique, Cour constitutionnel, 19 janvier 2023, 7/2023


Cour constitutionnelle
Arrêt n° 7/2023
du 19 janvier 2023
Numéro du rôle : 7637
En cause : la question préjudicielle relative à l’article 4, 1°, de l’ordonnance de la Commission communautaire commune du 25 avril 2019 « réglant l’octroi des prestations familiales », posée par le Tribunal du travail francophone de Bruxelles.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges Y. Kherbache, T. Detienne, E. Bribosia, W. Verrijdt et K. Jadin, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président P. Nihoul

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après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant :
I. Objet de la question préjudiciell...

Cour constitutionnelle
Arrêt n° 7/2023
du 19 janvier 2023
Numéro du rôle : 7637
En cause : la question préjudicielle relative à l’article 4, 1°, de l’ordonnance de la Commission communautaire commune du 25 avril 2019 « réglant l’octroi des prestations familiales », posée par le Tribunal du travail francophone de Bruxelles.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges Y. Kherbache, T. Detienne, E. Bribosia, W. Verrijdt et K. Jadin, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président P. Nihoul,
après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant :
I. Objet de la question préjudicielle et procédure
Par jugement du 14 septembre 2021, dont l’expédition est parvenue au greffe de la Cour le 21 septembre 2021, le Tribunal du travail francophone de Bruxelles a posé la question préjudicielle suivante :
« L’article 4, 1° de l’ordonnance de la Commission communautaire commune de Bruxelles-Capitale du 25 avril 2019 réglant l’octroi des prestations familiales, lu en combinaison avec l’article 3, 4° de la même ordonnance, viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec son article 23, alinéa 3, 6°, en ce qu’il prive d’allocations familiales des enfants qui ne sont plus inscrits au registre de la population suite à une radiation d’office, alors qu’ils conservent leur droit de séjourner en Belgique et qu’ils continuent à résider effectivement sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale pendant cette période de radiation d’office ? ».
Des mémoires ont été introduits par :
- l’ASBL « Parentia Brussels », assistée et représentée par Me L. Merodio, Me S. Lallemand et Me M. Merodio, avocats au barreau de Liège-Huy;
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- le Collège réuni de la Commission communautaire commune, assisté et représenté par Me M. Kaiser, Me M. Verdussen et Me C. Jadot, avocats au barreau de Bruxelles.
Par ordonnance du 26 octobre 2022, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteurs T. Detienne et W. Verrijdt, a décidé que l'affaire était en état, qu’aucune audience ne serait tenue, à moins qu’une partie n’ait demandé, dans le délai de sept jours suivant la réception de la notification de cette ordonnance, à être entendue, et qu’en l’absence d’une telle demande, les débats seraient clos le 9 novembre 2022 et l’affaire mise en délibéré.
Aucune demande d’audience n’ayant été introduite, l’affaire a été mise en délibéré le 9 novembre 2022.
Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives à la procédure et à l’emploi des langues ont été appliquées.
II. Les faits et la procédure antérieure
K. Manzani et ses enfants, qui étaient jusque-là domiciliés dans la commune de Ganshoren, ont été radiés d’office du registre de la population avec effet au 14 novembre 2019. La caisse d’allocations familiales « Parentia Brussels » (ci-après : Parentia) a par conséquent suspendu le paiement des allocations familiales pour absence de domicile des enfants au sens de l’ordonnance de la Commission communautaire commune de Bruxelles-Capitale du 25 avril 2019 « réglant l’octroi des prestations familiales » (ci-après : l’ordonnance du 25 avril 2019).
K. Manzani et ses enfants ont été réinscrits dans le registre de la population le 16 septembre 2020 et le paiement des allocations familiales a repris à partir du 1er octobre 2020, à la suite de l’octroi par le CPAS d’une adresse de référence. K. Manzani introduit une requête devant le Tribunal du travail francophone de Bruxelles afin d’obtenir le paiement des allocations familiales de ses enfants pour la période qui s’est écoulée entre la radiation d’office et la réinscription dans le registre de la population.
Constatant que la demanderesse et ses enfants sont de nationalité belge et qu’il est prouvé à suffisance que ceux-ci ont résidé effectivement sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale durant la période concernée, le juge a quo pose la question préjudicielle reproduite plus haut.
III. En droit
-A-
A.1.1. Parentia, partie défenderesse devant le juge a quo, rappelle tout d’abord que la Région de Bruxelles-
Capitale a choisi, par l’ordonnance du 25 avril 2019, de lier le droit aux allocations familiales à la personne de l’enfant et non plus à la situation socio-professionnelle du parent. Parentia soutient ensuite que les catégories de personnes à comparer ne sont pas précisées dans la question préjudicielle. Toutefois, il est permis de déduire de la décision de renvoi que la question porte sur une éventuelle différence de traitement entre les enfants qui résident sur le territoire de la Région de Bruxelles-Capitale mais n’y sont pas domiciliés et ceux qui y sont domiciliés. Il s’agit, selon Parentia, de catégories de personnes objectivement différentes qui ne peuvent donc être traitées de façon identique.
A.1.2. En tout état de cause, selon Parentia, la différence de traitement soulevée est raisonnablement justifiée.
En effet, il ressort des travaux préparatoires de la disposition en cause que la différence de traitement poursuit
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plusieurs objectifs légitimes, à savoir celui de prévoir le rattachement territorial et celui d’éviter le double octroi d’allocations. À cet égard, Parentia souligne que l’inscription dans le registre de la population est le seul moyen légal qui existe pour déterminer le domicile et donc le critère de rattachement à l’entité fédérée compétente. Le domicile est dès lors un critère objectif et pertinent puisqu’il est reconnu par de nombreuses lois et qu’il permet de garantir avec certitude la compétence territoriale. Enfin, la différence de traitement alléguée est proportionnée aux buts visés puisqu’aucun autre critère que le domicile ne permettrait de les atteindre sans risquer de mettre à mal le système des allocations familiales dans son ensemble. Par exemple, si le critère simple de la « résidence » avait été choisi, un enfant aurait pu se trouver dans la situation d’un double rattachement. Parentia relève par ailleurs qu’en cas d’absence d’un domicile, il est toujours possible de faire fixer une adresse de référence par le CPAS.
A.1.3. Enfin, en ce qui concerne la question de la compatibilité avec l’article 23 de la Constitution qui a été soulevée, Parentia estime que ni la question préjudicielle ni la décision de renvoi ne mentionnent l’existence d’un recul significatif dans la protection relative aux prestations familiales. Or, en matière socio-économique, la Cour reconnaît un large pouvoir d’appréciation aux législateurs et l’article 23 de la Constitution n’a pas pour effet d’interdire toute réforme du système. Parentia soutient dès lors que la violation du principe de standstill n’est pas démontrée.
A.2.1. Le collège réuni de la Commission communautaire commune estime tout d’abord que la question préjudicielle se réfère à une situation factuelle hypothétique et trop casuistique et qu’il n’appartient pas à la Cour d’effectuer un examen au cas par cas, sous peine de créer trop d’incertitude juridique. Par ailleurs, la mention « alors qu’ils conservent leur droit de séjourner en Belgique » n’a aucun lien utile avec la situation soumise au juge a quo, de sorte qu’elle doit être écartée par la Cour.
A.2.2. Selon le collège réuni de la Commission communautaire commune, les entités fédérées disposent de la liberté et de l’autonomie de fixer leurs propres conditions d’accès au régime des allocations familiales et il n’appartient pas à la Cour de juger si le régime en question est équitable ou non. À la suite du transfert de cette compétence aux communautés et à la Commission communautaire commune, cette dernière a choisi, pour ouvrir ce droit, un double critère basé, d’une part, sur le lieu où l’enfant a sa résidence principale selon les informations détenues par le Registre national et, d’autre part, sur le lieu où l’enfant a effectivement son principal établissement.
C’est ainsi que la notion de « domicile », au sens de l’ordonnance du 25 avril 2019, combine les notions de « domicile légal » et de « résidence », mais ne doit pas être confondue avec celles-ci.
A.2.3. La différence de traitement soulevée par la question préjudicielle est, selon le collège réuni de Commission communautaire commune, raisonnablement justifiée.
Le critère choisi par l’ordonnance du 25 avril 2019, à savoir le fait d’avoir son domicile sur le territoire de la région bilingue de Bruxelles-Capitale, est un critère objectif. La différence de traitement poursuit par ailleurs un objectif légitime qui vise à garantir la présence officielle et réelle de l’enfant sur ce territoire et, par conséquent, à éviter une domiciliation fictive. À cet égard, le critère du domicile est pertinent puisque le Registre national est une source authentique qui permet d’éviter les fraudes et qu’il établit de façon certaine le rattachement à la Région de Bruxelles-Capitale. Le collège réuni de la Commission communautaire commune souligne en outre que l’inscription dans le registre correspond à une obligation qui revient à tout citoyen résidant en Belgique.
L’importance du lien effectif avec le territoire bruxellois est enfin renforcée par le fait que les allocations familiales sont financées par les ressources générales de la Région.
De plus, la différence de traitement est proportionnée aux buts poursuivis. Selon le collège réuni de la Commission communautaire commune, le critère du domicile est raisonnable puisqu’il correspond au critère qui a prévalu lors du transfert des moyens octroyés à la Commission communautaire commune au moment de la communautarisation de la matière, transfert qui tient compte du nombre d’enfants domiciliés sur ce territoire. Le tout doit également être mis en relation avec les limites budgétaires qui s’imposent à la Commission communautaire commune. Par ailleurs, le collège réuni estime que le fait de se baser sur une source authentique est le meilleur moyen d’éviter la fraude ainsi que les lourdes formalités de vérification de la résidence effective à tout moment. En outre, il doit être souligné que les hypothèses dans lesquelles une personne n’a pas de domicile, malgré l’obligation légale de s’inscrire dans le registre, sont très rares. Il est par ailleurs possible de faire fixer une
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adresse de référence par le CPAS. Enfin, le collège réuni de la Commission communautaire commune relève que c’est le parent qui perçoit le montant des allocations familiales et qu’il n’est pas déraisonnable d’attendre de sa part qu’il agisse pour effectuer les démarches nécessaires, lesquelles ne sont nullement complexes.
A.2.4. En ce qui concerne l’article 23 de la Constitution, le collège réuni de la Commission communautaire commune soutient qu’il n’existe pas de recul significatif du degré de la protection puisque les ménages sont tenus de faire les démarches d’inscription avec diligence. En tout état de cause, un éventuel recul est suffisamment justifié par des raisons impérieuses d’intérêt général qui tiennent à l’équilibre budgétaire et à la sécurité juridique.
-B-
B.1. L’ordonnance de la Commission communautaire commune du 25 avril 2019 « réglant l’octroi des prestations familiales » (ci-après : l’ordonnance du 25 avril 2019) fixe « les droits aux prestations familiales en région bilingue de Bruxelles-Capitale » (article 2 de la même ordonnance).
Parmi ces prestations familiales figurent les allocations familiales (articles 7 à 14 de l’ordonnance du 25 avril 2019).
B.2.1. L’article 4 de l’ordonnance du 25 avril 2019 dispose :
« Ouvre droit aux prestations familiales, l’enfant :
1° ayant son domicile en région bilingue de Bruxelles-Capitale;
2° belge ou étranger bénéficiaire d’un titre de séjour;
3° répondant aux conditions fixées par l’article 25 ou 26 ».
B.2.2. Aux termes de l’article 3, 4°, de la même ordonnance, le « domicile » au sens de la disposition précitée s’entend du « lieu où la personne a sa résidence principale selon les informations fournies par le Registre national des personnes physiques et où elle a effectivement son principal établissement ».
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Le « Registre national des personnes physiques » est défini par la même ordonnance comme « le registre organisé par la loi du 8 août 1983 organisant un Registre national des personnes physiques » (article 3, 3°, de l’ordonnance du 25 avril 2019).
B.3. Les dispositions législatives précitées sont entrées en vigueur le 1er janvier 2020
(article 40 de l’ordonnance du 25 avril 2019).
B.4. Il ressort des motifs de la décision de renvoi que la Cour est invitée à vérifier si l’article 4, 1°, de l’ordonnance du 25 avril 2019, lu en combinaison avec l’article 3, 4°, de la même ordonnance, est compatible avec le principe d’égalité et de non-discrimination, tel qu’il découle des articles 10 et 11 de la Constitution, en ce que ces dispositions législatives feraient naître une différence de traitement discriminatoire entre les enfants qui ont leur « domicile » au sens de l’ordonnance précitée en Région de Bruxelles-Capitale et les enfants qui ont leur résidence principale effective sur ce même territoire mais ne sont plus inscrits dans le registre de la population à la suite d’une radiation d’office.
B.5.1. Le « lieu où la personne a sa résidence principale selon les informations fournies par le Registre national des personnes physiques », dont il est question à l’article 3, 4°, de l’ordonnance du 25 avril 2019, cité en B.2.2, est le « domicile légal » au sens de l’article 1er, 4°, de l’accord de coopération portant sur les facteurs de rattachement, la gestion des charges du passé, l’échange des données en matière de prestations familiales et les modalités concernant le transfert de compétence entre caisses d’allocations familiales, que la Commission communautaire commune a conclu le 6 septembre 2017 avec la Communauté flamande, la Région wallonne et la Communauté germanophone (Doc. parl., Assemblée réunie de la Commission communautaire commune, 2018-2019, n° B-160/1, p. 11).
Cet accord de coopération définit le « domicile légal » comme « le lieu où une personne est inscrite à titre principal sur les registres de la population, conformément à l’article 32, 3°, du Code judiciaire ».
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Les registres auxquels renvoie cette dernière définition sont « les registres tels que définis à l’article 1er, 1° [,] de la loi du 19 juillet 1991 relative aux registres de la population, aux cartes d’identité, aux cartes d’étranger et aux documents de séjour et modifiant la loi du 8 août 1983
organisant un Registre national des personnes physiques » (article 1er, 3°, de l’accord de coopération du 6 septembre 2017).
Tel qu’il a été complété par l’article 8 de la loi du 4 mai 2016 « relative à l’internement et à diverses dispositions en matière de Justice », l’article 32, 3°, du Code judiciaire définit le « domicile » comme « le lieu où la personne est inscrite à titre principal sur les registres de la population ».
B.5.2. L’article 1er, § 1er, alinéa 1er, 1°, de la loi du 19 juillet 1991 « relative aux registres de la population, aux cartes d’identité, aux cartes des étrangers et aux documents de séjour »
dispose, depuis sa modification par l’article 9 de la loi du 9 novembre 2015 « portant dispositions diverses Intérieur » :
« Dans chaque commune sont tenus :
1° des registres de la population dans lesquels sont inscrits au lieu où ils ont établi leur résidence principale, qu’ils y soient présents ou qu’ils en soient temporairement absents, les Belges et les étrangers admis ou autorisés à séjourner plus de trois mois dans le Royaume, autorisés à s’y établir, ou les étrangers inscrits pour une autre raison conformément aux dispositions de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers, à l’exception des étrangers qui sont inscrits au registre d’attente visé au 2° ainsi que les personnes visées à l’article 2bis de la loi du 8 août 1983 organisant un Registre national des personnes physiques; ».
B.5.3. Les « personnes inscrites aux registres de la population et au registre des étrangers visés à l’article 1er, § 1er, alinéa 1er, 1°, de la loi du 19 juillet 1991 » sont « inscrites au Registre national des personnes physiques » (article 2, § 1er, 1°, de la loi du 8 août 1983
« organisant un Registre national des personnes physiques », tel qu’il a été remplacé par l’article 3 de la loi du 25 novembre 2018 « portant des dispositions diverses concernant le Registre national et les registres de population »).
La « résidence principale » est l’une des informations qui sont enregistrées dans le Registre national des personnes physiques pour chaque personne inscrite dans les registres visés à
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l’article 1er, § 1er, alinéa 1er, 1°, de la loi du 19 juillet 1991 (article 3, alinéa 1er, 5°, de la loi du 8 août 1983, tel qu’il a été modifié par l’article 6, 1°, de la loi du 25 novembre 2018).
B.6. Il résulte de ce qui précède que l’enfant auquel s’applique l’ordonnance du 25 avril 2019, qui a sa résidence principale effective en région bilingue de Bruxelles-Capitale et qui est inscrit dans les registres de la population que la commune de sa résidence tient en application de l’article 1er, § 1er, alinéa 1er, 1°, de la loi du 19 juillet 1991, remplit la condition énoncée à l’article 4, 1°, de la même ordonnance.
Il résulte aussi de ce qui précède que l’enfant auquel s’applique la même ordonnance, qui a aussi sa résidence principale effective en région bilingue de Bruxelles-Capitale mais qui n’est plus inscrit dans les registres de la population que les communes belges tiennent en application de la disposition précitée de la loi du 19 juillet 1991 en raison d’une radiation d’office ne remplit pas la condition énoncée à l’article 4, 1°, de l’ordonnance du 25 avril 2019, de sorte qu’il n’a pas droit aux allocations familiales prévues par cette ordonnance.
B.7. Il résulte de ce qui est dit en B.5 que cette différence de traitement découle des mots « selon les informations fournies par le Registre national des personnes physiques » contenus dans l’article 3, 4°, de l’ordonnance du 25 avril 2019.
B.8. Le principe d’égalité et de non-discrimination n’exclut pas qu’une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu’elle repose sur un critère objectif et qu’elle soit raisonnablement justifiée.
L’existence d’une telle justification doit s’apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d’égalité et de non-
discrimination est violé lorsqu’il est établi qu’il n’existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.
B.9.1. L’ordonnance du 25 avril 2019 détermine les conditions de l’exercice du « droit aux prestations familiales », qui est reconnu par l’article 23, alinéa 3, 6°, de la Constitution.
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Comme les autres « droits économiques et sociaux » cités à l’article 23, alinéa 3, de la Constitution, le « droit aux prestations familiales » doit être garanti en vue de permettre à chacun de « mener une vie conforme à la dignité humaine », mentionné à l’article 23, alinéa 1er, de la Constitution.
B.9.2. Le « droit aux prestations familiales » est le droit de recevoir des pouvoirs publics compétents une contribution financière destinée à couvrir au moins partiellement les frais d’entretien et d’éducation d’un enfant (Doc. parl., Sénat, 2012-2013, n° 5-2240/1, p. 2; ibid., 2013-
2014, n° 5-2232/5, pp. 91-92).
B.10. Lors des travaux préparatoires de l’ordonnance du 25 avril 2019, ni la condition de domicile énoncée à l’article 4, 1°, de cette ordonnance ni la différence de traitement décrite en B.6
n’ont été justifiées.
B.11. Dans la mesure où elle subordonne le droit d’un enfant aux allocations familiales à l’inscription de celui-ci dans les registres de la population, cette condition a pour effet qu’un enfant auquel l’ordonnance du 25 avril 2019 peut s’appliquer, qui réside effectivement et principalement en région bilingue de Bruxelles-Capitale et qui ne peut être rattaché à aucun des régimes de prestations familiales applicables dans les autres régions du Royaume peut être privé du droit aux prestations familiales reconnu par l’article 23, alinéa 3, 6°, de la Constitution.
B.12. Il résulte de ce qui précède que la différence de traitement décrite en B.6 n’est pas raisonnablement justifiée.
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Par ces motifs,
la Cour
dit pour droit :
Les mots « selon les informations fournies par le Registre national des personnes physiques » contenus dans l’article 3, 4°, de l’ordonnance de la Commission communautaire commune du 25 avril 2019 « réglant l’octroi des prestations familiales » violent les articles 10
et 11 de la Constitution.
Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l’article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 19 janvier 2023.
Le greffier, Le président,
P.-Y. Dutilleux P. Nihoul


Synthèse
Numéro d'arrêt : 7/2023
Date de la décision : 19/01/2023
Type d'affaire : Droit constitutionnel

Analyses

Violation (les mots « selon les informations fournies par le Registre national des personnes physiques » contenus dans l'article 3, 4°, de l'ordonnance de la Commission communautaire commune du 25 avril 2019)

COUR CONSTITUTIONNELLE - DROIT PUBLIC ET ADMINISTRATIF - COUR CONSTITUTIONNELLE - la question préjudicielle relative à l'article 4, 1°, de l'ordonnance de la Commission communautaire commune du 25 avril 2019 « réglant l'octroi des prestations familiales », posée par le Tribunal du travail francophone de Bruxelles. Sécurité sociale - Bruxelles-Capitale - Commission communautaire commune - Allocations familiales - Exclusion - Enfants étrangers non-inscrits dans un registre de la population tenu par une commune belge


Origine de la décision
Date de l'import : 30/05/2023
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.constitutionnel;arret;2023-01-19;7.2023 ?

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