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08/12/2022 | BELGIQUE | N°163/2022

Belgique | Belgique, Cour constitutionnel, 08 décembre 2022, 163/2022


Cour constitutionnelle
Arrêt n° 163/2022
du 8 décembre 2022
Numéro du rôle : 7871
En cause : la demande de suspension de l’article 5 de la loi du 30 juillet 2022 « portant assentiment aux actes internationaux suivants : 1) la Convention entre le Royaume de Belgique et la République de l’Inde d’entraide judiciaire en matière pénale, faite à Bruxelles le 16 septembre 2021, et 2) le Traité entre le Royaume de Belgique et les Émirats arabes unis sur l’entraide judiciaire en matière pénale, fait à Abu Dhabi le 9 décembre 2021, et 3) le Traité entre le Royaum

e de Belgique et les Émirats arabes unis sur l’extradition, fait à Abu Dhabi le 9 dé...

Cour constitutionnelle
Arrêt n° 163/2022
du 8 décembre 2022
Numéro du rôle : 7871
En cause : la demande de suspension de l’article 5 de la loi du 30 juillet 2022 « portant assentiment aux actes internationaux suivants : 1) la Convention entre le Royaume de Belgique et la République de l’Inde d’entraide judiciaire en matière pénale, faite à Bruxelles le 16 septembre 2021, et 2) le Traité entre le Royaume de Belgique et les Émirats arabes unis sur l’entraide judiciaire en matière pénale, fait à Abu Dhabi le 9 décembre 2021, et 3) le Traité entre le Royaume de Belgique et les Émirats arabes unis sur l’extradition, fait à Abu Dhabi le 9 décembre 2021, et 4) le Traité entre le Royaume de Belgique et la République islamique d’Iran sur le transfèrement de personnes condamnées, fait à Bruxelles le 11 mars 2022, et 5) le Protocole du 22 novembre 2017 portant amendement au Protocole additionnel à la Convention sur le transfèrement des personnes condamnées, signé le 7 avril 2022 à Strasbourg », introduite par Farzin Hashemi et autres.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges T. Giet, J. Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache, T. Detienne, D. Pieters, E. Bribosia et W. Verrijdt, assistée du greffier F. Meersschaut, présidée par le président P. Nihoul,
après en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant :
I. Objet de la demande et procédure
Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 3 octobre 2022 et parvenue au greffe le 5 octobre 2022, une demande de suspension de l’article 5 de la loi du 30 juillet 2022 « portant assentiment aux actes internationaux suivants : 1) la Convention entre le Royaume de Belgique et la République de l’Inde d’entraide judiciaire en matière pénale, faite à Bruxelles le 16 septembre 2021, et 2) le Traité entre le Royaume de Belgique et les Émirats arabes unis sur l’entraide judiciaire en matière pénale, fait à Abu Dhabi le 9 décembre 2021, et 3) le Traité entre le Royaume de Belgique et les Émirats arabes unis sur l’extradition, fait à Abu Dhabi le 9 décembre 2021, et 4) le Traité entre le Royaume de Belgique et la République islamique d’Iran sur le transfèrement de personnes condamnées, fait à Bruxelles le 11 mars 2022, et 5) le Protocole du 22 novembre 2017 portant amendement au Protocole additionnel à
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la Convention sur le transfèrement des personnes condamnées, signé le 7 avril 2022 à Strasbourg » (publiée au Moniteur belge du 4 novembre 2022, deuxième édition), a été introduite par Farzin Hashemi, Maryam Rajavi, Ahmed Ghozali, Sid Alaoddin Jalalifard, Giulio Terzi Di Sant’Agata, Robert G. Torricelli, Javad Dabiran, Tahar Boumedra, Linda Chavez, Ingrid Betancourt et l’association de droit français « Le Conseil national de la Résistance iranienne », assistés et représentés par Me F. Tulkens et Me J. Renaux, avocats au barreau de Bruxelles.
Par la même requête, les parties requérantes demandent également l’annulation de la même disposition légale.
Par ordonnance du 12 octobre 2022, la Cour a fixé l’audience pour les débats sur la demande de suspension au 26 octobre 2022, après avoir invité les autorités visées à l’article 76, § 4, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle à introduire, le 21 octobre 2022 au plus tard, leurs observations écrites éventuelles sous la forme d’un mémoire, dont une copie serait envoyée dans le même délai aux parties requérantes, ainsi qu’au greffe de la Cour par courriel envoyé à l’adresse « griffie@const-court.be ».
Des observations écrites ont été introduites par :
- la société de droit anglais « Justice for Iran », assistée et représentée par Me R. Vanreusel, avocat au barreau de Gand (partie intervenante);
- Olivier Vandecasteele, assisté et représenté par Me O. Venet, Me C. Georgiev et Me P. Minsier, avocats au barreau de Bruxelles (partie intervenante);
- le Conseil des ministres, assisté et représenté par Me B. Renson, avocat au barreau de Bruxelles.
À l’audience publique du 26 octobre 2022 :
- ont comparu :
. Me F. Tulkens et Me J. Renaux, pour les parties requérantes;
. Me A. Spreutels, avocat au barreau de Bruxelles, loco Me R. Vanreusel, pour la société de droit anglais « Justice for Iran »;
. Me C. Georgiev et Me P. Minsier, pour Olivier Vandecasteele;
. Me B. Renson, pour le Conseil des ministres;
- les juges-rapporteurs T. Giet et D. Pieters ont fait rapport;
- les avocats précités ont été entendus;
- l’affaire a été mise en délibéré.
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Les dispositions de la loi spéciale précitée du 6 janvier 1989 relatives à la procédure et à l’emploi des langues ont été appliquées.
II. En droit
-A-
Quant à l’intérêt des intervenants
A.1. Olivier Vandecasteele expose qu’il est, depuis le 24 février 2022, détenu arbitrairement et dans de mauvaises conditions dans une prison iranienne.
Il expose qu’il a intérêt au maintien des relations diplomatiques entre la Belgique et l’Iran, non seulement pour continuer à bénéficier de la protection consulaire mais aussi pour éviter une dégradation manifeste de ses conditions de détention. Il observe avoir connu une amélioration de ses conditions de détention à mesure que progressait la procédure d’assentiment au traité entre le Royaume de Belgique et la République islamique d’Iran sur le transfèrement de personnes condamnées, fait à Bruxelles le 11 mars 2022 (ci-après : le traité du 11 mars 2022). Il craint donc qu’une suspension de l’article 5 de la loi du 30 juillet 2022 « portant assentiment aux actes internationaux suivants : 1) la Convention entre le Royaume de Belgique et la République de l’Inde d’entraide judiciaire en matière pénale, faite à Bruxelles le 16 septembre 2021, et 2) le Traité entre le Royaume de Belgique et les Émirats arabes unis sur l’entraide judiciaire en matière pénale, fait à Abu Dhabi le 9 décembre 2021, et 3) le Traité entre le Royaume de Belgique et les Émirats arabes unis sur l’extradition, fait à Abu Dhabi le 9 décembre 2021, et 4) le Traité entre le Royaume de Belgique et la République islamique d’Iran sur le transfèrement de personnes condamnées, fait à Bruxelles le 11 mars 2022, et 5) le Protocole du 22 novembre 2017 portant amendement au Protocole additionnel à la Convention sur le transfèrement des personnes condamnées, signé le 7 avril 2022 à Strasbourg » (ci-après : la loi du 30 juillet 2022), qui porte assentiment à ce traité, ne mène à une dégradation de ses conditions de détention en Iran.
Olivier Vandecasteele indique aussi qu’il a été admis à intervenir lors de plusieurs autres procès lancés par les parties requérantes de la présente affaire. Il ajoute que ces dernières allèguent, dans leur requête, que sa situation explique en tout ou en partie l’adoption de la disposition législative attaquée.
A.2. L’organisation non gouvernementale « Justice for Iran » se présente comme une association établie à Londres qui a pour but de demander des comptes aux auteurs de sérieuses violations des droits de l’homme commises en Iran ou par des fonctionnaires iraniens. Elle dit, en particulier, agir pour faire respecter le droit à la vérité et le droit à la justice des victimes les plus fragiles, telles que les femmes, les minorités ethniques, religieuses et sexuelles ainsi que les dissidents politiques.
Cette organisation souligne que ses membres participaient à un rassemblement qui a eu lieu le 30 juin 2018
près de Paris et qui était visé par l’attentat terroriste qu’avait préparé Assaddollah Assadi, ressortissant iranien qui a, par la suite, été condamné pour ce fait à une peine de prison par le tribunal correctionnel d’Anvers et qui pourrait être transféré en Iran en application du traité du 11 mars 2022 auquel l’article 5 de la loi du 30 juillet 2022 donne assentiment. Cette organisation estime que si cet homme est transféré en Iran, il est hautement probable qu’il ne devra plus jamais purger le reste de sa peine de prison.
Quant à l’intérêt des parties requérantes
A.3.1. Afin de démontrer leur intérêt à demander la suspension et l’annulation de l’article 5 de la loi du 30 juillet 2022, Farzin Hashemi, Maryam Rajavi, Ahmed Ghozali, Sid Alaoddin Jalalifard, Giulio Terzi Di Sant’Agata, Robert G. Torricelli, Javad Dabiran, Tahar Boumedra, Linda Chavez,
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Ingrid Betancourt et l’association de droit français « Le Conseil national de la Résistance iranienne » (ci-après :
Hashemi et ses consorts) exposent qu’ils ont été reconnus comme victimes de la tentative d’attentat terroriste préparé par Assaddollah Assadi.
Les parties requérantes précisent que, par un jugement du 4 février 2021, le tribunal correctionnel d’Anvers a condamné cet homme à vingt ans d’emprisonnement et à réparer le dommage moral subi par Hashemi et ses consorts.
A.3.2. Hashemi et ses consorts exposent que si Assaddollah Assadi est transféré en Iran en application du traité conclu le 11 mars 2022 entre le Royaume de Belgique et la République islamique d’Iran à propos du transfèrement des personnes condamnées, traité auquel le pouvoir législatif a donné assentiment par l’article 5 de la loi du 30 juillet 2022, ils ne pourront plus jouir des droits, ou bénéficier des garanties, que les articles 10 (§ 2, alinéa 4), 17 (§ 2, alinéa 2), 20/2, 47 (§ 1er, 3° et 4° et § 2, 3°) et 53 de la loi du 17 mai 2006 « relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté et aux droits reconnus à la victime dans le cadre des modalités d’exécution de la peine » (ci-après : la loi du 17 mai 2006) instaurent au profit des victimes.
A.3.3. Hashemi et ses consorts exposent aussi que le transfèrement vers l’Iran d’Assaddollah Assadi en application du traité du 11 mars 2022 exposera leur vie à un grave danger puisque cet homme sera à nouveau en mesure de reprendre ses activités terroristes destinées à supprimer tous les opposants au régime iranien actuel. Les parties requérantes observent que cet homme fait partie des treize terroristes les plus dangereux que le Conseil de l’Union européenne a identifiés.
A.4. Selon le Conseil des ministres, les parties requérantes n’ont pas intérêt à demander la suspension de l’article 5 de la loi du 30 juillet 2022.
Il considère que suspendre cette disposition au seul motif qu’un éventuel transfèrement d’Assaddollah Assadi porterait atteinte aux droits de victime des parties requérantes ou menacerait leur vie reviendrait à privilégier des intérêts privés au détriment de l’intérêt général. Il estime qu’il n’existe en l’espèce aucune circonstance particulière permettant de déroger à la règle de la primauté de l’intérêt général.
Le Conseil des ministres expose que le traité du 11 mars 2022, auquel la disposition législative attaquée porte assentiment, s’inscrit dans le cadre de relations diplomatiques entre États, qui sont indispensables au maintien de relations internationales pacifiques, et absolument nécessaires pour la protection des intérêts des Belges établis à l’étranger. Il ajoute que cette loi bénéficie à tous les citoyens et que la protection et la sécurité de ceux-ci constituent une exigence d’intérêt général qui doit primer les intérêts de quelques particuliers.
A.5. Selon Olivier Vandecasteele, les parties requérantes n’ont pas intérêt à demander la suspension et l’annulation de l’article 5 de la loi du 30 juillet 2022, parce que cette disposition n’affecte pas directement leur situation.
Il remarque d’abord que la disposition législative attaquée ne modifie pas la situation des dix premières parties requérantes. Il précise que cette disposition ne leur ôte ni la qualité de partie civile qui leur a été reconnue par le tribunal correctionnel d’Anvers, ni le statut de victime que leur confère la loi du 17 mai 2006. Olivier Vandecasteele ajoute que l’atteinte au droit à la vie que craignent les parties requérantes ne pourrait résulter que d’un ensemble de circonstances, à savoir une future décision de transfèrement d’Assaddollah Assadi, une décision de grâce prise par les autorités iraniennes et le comportement criminel de personnes physiques déjà condamnées.
Olivier Vandecasteele remarque ensuite que la onzième partie requérante est une personne morale, de sorte qu’elle ne peut jouir des droits reconnus aux victimes par la loi du 17 mai 2006. Il ajoute qu’il n’est pas démontré que cette personne morale puisse se prévaloir du droit à la vie consacré par l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme.
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Quant au premier moyen, pris de la violation des articles 10, 11 et 23 de la Constitution, lus en combinaison avec les articles 2 et 13 de la Convention européenne des droits de l’homme, avec les articles 2, paragraphe 3, et 6, paragraphe 1, du Pacte international relatifs aux droits civils et politiques, avec l’article 33 et 40, alinéa 2, de la Constitution et avec le principe de la séparation des pouvoirs
A.6.1. Hashemi et ses consorts exposent que l’article 5 de la loi du 30 juillet 2022 est incompatible avec le droit à la vie des victimes de personnes qui ont été condamnées par les cours et tribunaux pour avoir commis des infractions terroristes avec le soutien de l’Iran en ce que cette disposition législative permet le transfèrement de ces dernières personnes vers cet État.
A.6.2. Les parties requérantes observent que la Belgique sait que l’Iran soutient et participe à des actes de terrorisme. Elles ajoutent que ce dernier État a pour habitude d’arrêter arbitrairement des personnes de nationalité étrangère se trouvant sur son territoire et de négocier leur libération dans le cadre de discussions avec d’autres États.
Les parties requérantes soutiennent que la Belgique sait ou devrait savoir que le transfèrement, en application du traité du 11 mars 2022, d’une personne qui a été condamnée pour avoir commis des infractions terroristes avec le soutien de l’Iran sera graciée et libérée dès son arrivée sur le territoire iranien.
A.6.3.1. Hashemi et ses consorts rappellent que le droit à la vie, tel qu’il est reconnu par l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme, oblige les États membres à cette Convention à exécuter la peine qui a été infligée par une juridiction à une personne qui a attenté à la vie d’autrui.
Les parties requérantes déduisent de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, et en particulier de l’arrêt du 27 mai 2014 en cause de Marguš c. Croatie, qu’une personne qui a directement attenté à la vie d’autrui en commettant une infraction terroriste ne peut en aucun cas être graciée ou amnistiée. Elles s’appuient aussi, à cet égard, sur une résolution adoptée le 28 septembre 2001 par le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies, par laquelle cette instance enjoint les États à punir les auteurs d’actes terroristes.
A.6.3.2. Les parties requérantes déduisent ensuite de l’arrêt rendu le 26 mai 2020 en cause de Makuchyan et Minasyan c. Azerbaïdjan et Hongrie par la Cour européenne des droits de l’homme qu’un État qui procède au transfèrement vers un autre État d’une personne condamnée à une peine de prison pour avoir attenté à la vie d’autrui, alors qu’il sait ou devrait savoir que ce prisonnier sera rapidement libéré par cet autre État avant d’avoir purgé le reliquat de sa peine de prison, viole le droit à la vie.
Elles observent aussi que par une résolution adoptée le 18 novembre 2014 à propos des mesures visant à prévenir l’utilisation abusive de la Convention du 21 mars 1983 sur le transfèrement des personnes condamnées, l’Assemblée du Conseil de l’Europe a affirmé que cette Convention n’est pas conçue pour être utilisée aux fins de libération immédiate des détenus après leur retour dans leur pays d’origine.
A.6.3.3. Hashemi et ses consorts exposent, à propos du cas d’Assaddolah Assadi, que la Belgique dispose de preuves tangibles suffisantes du fait qu’il sera libéré dès son retour en Iran s’il est transféré en application du traité du 11 mars 2022.
Les parties requérantes soutiennent que le respect de la séparation des pouvoirs commande au pouvoir exécutif de s’assurer que la peine infligée à cette personne par le pouvoir judiciaire sera effectivement exécutée.
Elles ajoutent que le droit au recours effectif, tel qu’il est consacré par l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme, oblige l’État à exécuter la décision prise à la suite de l’exercice de ce recours.
A.6.4. Hashemi et ses consorts soutiennent, en outre, que le droit à la vie, tel qu’il est reconnu par l’article 2
de la Convention européenne des droits de l’homme, oblige l’État à s’assurer que la personne condamnée en raison d’une infraction terroriste attentatoire à la vie d’autrui qui est transférée vers un autre État ne puisse commettre une nouvelle infraction similaire.
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A.6.5. Hashemi et ses consorts soulignent encore que, pour respecter l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme, la Belgique aurait dû faire insérer dans le traité du 11 mars 2022, soit une clause excluant le transfèrement de personnes condamnées en raison d’infractions terroristes commises avec le soutien ou la participation de l’État d’exécution, soit une clause limitant le droit de cet État d’amnistier, de gracier ou de commuer la peine infligée à la personne transférée.
Les parties requérantes considèrent qu’en ce qu’il autorise, sans restriction, l’État d’exécution à amnistier, gracier ou commuer la peine de la personne transférée, l’article 13 du traité du 11 mars 2022 viole le droit à la vie et fait naître une différence de traitement discriminatoire entre les victimes d’une personne transférée en application de ce traité et les victimes d’une personne transférée en application des traités conclus le 5 mai 2009
avec la République dominicaine et le 18 juin 2010 avec le Gouvernement de la République du Kosovo, traités qui limitent le droit de l’État d’exécution d’accorder la grâce ou l’amnistie.
Les parties requérantes soulignent à ce sujet qu’il n’existe pas, en Belgique, de juridiction compétente pour annuler un arrêté ministériel de transfèrement pris en application de la loi du 23 mai 1990 « sur le transfèrement interétatique des personnes condamnées, la reprise et le transfert de la surveillance de personnes condamnées sous condition ou libérées sous condition ainsi que la reprise et le transfert de l’exécution de peines et de mesures privatives de liberté » (ci-après : la loi du 23 mai 1990) qui serait incompatible avec l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme. Elles allèguent que le Conseil d’État s’est toujours déclaré incompétent pour connaître d’un recours en annulation d’un tel arrêté et que le juge des référés ne pourrait que retarder le transfèrement contesté s’il y avait violation de cette disposition internationale. Les parties requérantes remarquent aussi que, même s’il existait un recours en annulation contre un arrêté de ce type, cet acte administratif n’est pas porté à la connaissance de la victime de la personne transférée qui souhaiterait contester cette décision.
A.7. « Justice for Iran » soutient les arguments avancés par les parties requérantes.
A.8.1. Selon le Conseil des ministres, le premier moyen n’est pas sérieux.
A.8.2. Il estime que ce moyen repose sur des affirmations qui ne sont pas conformes à la réalité, à savoir que la Belgique marquera son accord sur le transfèrement en Iran d’Assaddollah Assadi sans aucune condition et que cet homme sera immédiatement gracié à son arrivée en Iran.
A.8.3. Le Conseil des ministres souligne, en premier lieu, que c’est parce que la Belgique n’est jamais tenue d’accéder à une demande de transfèrement, que la plupart des traités organisant ce genre d’opération n’excluent pas certaines infractions de leur champ d’application.
Il soutient qu’en tout état de cause, un transfèrement effectué en application du traité du 11 mars 2022 ne pourra être accepté par la Belgique que si l’Iran reconnaît officiellement la décision judiciaire de condamnation de la personne concernée et accepte d’en reprendre l’exécution. Le Conseil des ministres ajoute que la Belgique peut subordonner son accord sur une demande de transfèrement à l’obtention de garanties iraniennes relatives à la correcte exécution de la condamnation belge.
A.8.4. Le Conseil des ministres constate, en second lieu, que les circonstances factuelles à l’origine des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme dont les parties requérantes tirent argument ne sont nullement comparables au contexte dans lequel s’inscrit la demande de suspension de la loi du 30 juillet 2022.
Il souligne, à ce sujet, qu’il n’existe aucune demande de transfèrement d’Assaddollah Assadi, que la Cour européenne des droits de l’homme n’interdit nullement le transfèrement interétatique de personnes condamnées et qu’il ressort de l’arrêt rendu le 26 mai 2020 par cette Cour que seule l’analyse des circonstances concrètes d’une opération de ce type permet de se prononcer sur sa compatibilité avec l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme.
A.9.1. Olivier Vandecasteele considère aussi que le premier moyen n’est pas sérieux.
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A.9.2. Il soutient, en premier lieu, que l’assentiment à un traité international ne peut limiter la portée de celui-ci en excluant son application à certaines catégories de personnes.
Il remarque qu’aucune des règles dont la violation est alléguée n’exige une telle limitation du champ d’application du traité du 11 mars 2022. Il souligne qu’un traité est une norme conventionnelle qui est le fruit de négociations entre États qui sont libres d’insérer ou non des clauses facultatives dans un tel acte.
A.9.3. Olivier Vandecasteele relève aussi qu’il n’appartient pas à la Cour de se prononcer sur l’opportunité pour la Belgique de conclure un traité avec un État au regard des pratiques de cet État.
A.9.4. Olivier Vandecasteele considère ensuite que les allégations de violation du droit à la vie ne sont pas dirigées contre l’article 5 de la loi du 30 juillet 2022 mais contre la grâce que l’Iran envisagerait d’accorder immédiatement à Assaddollah Assadi à la suite de son transfèrement supposé qui serait accepté par la Belgique sans condition.
A.9.5. Olivier Vandecasteele considère aussi que les circonstances factuelles à l’origine de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 26 mai 2020 sont totalement différentes des circonstances de la demande de suspension de la loi du 30 juillet 2022.
Il remarque, de surcroît, que le principe même du transfèrement interétatique des personnes condamnées ne viole pas l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme. Il ajoute que cette disposition internationale n’oblige pas de manière générale l’État qui accueille le condamné transféré à assurer l’exécution complète de la peine prononcée.
Olivier Vandecasteele souligne enfin que l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme n’interdit pas l’amnistie de manière générale et qu’une personne déjà condamnée ne pourrait, en tout état de cause, bénéficier d’une mesure générale qui a pour objet d’empêcher les poursuites pénales.
Quant au risque de préjudice grave difficilement réparable que l’application immédiate de la loi pourrait causer aux parties requérantes
A.10.1. Hashemi et ses consorts exposent que l’application immédiate de l’article 5 de la loi du 30 juillet 2022 risque de leur causer un préjudice grave difficilement réparable.
Les parties requérantes soutiennent que l’application immédiate de cette disposition législative les privera du bénéfice des droits qui leur sont reconnus par la loi du 17 mai 2006, en leur qualité de victime des infractions commises par Assaddollah Assadi. Elles ajoutent que l’application immédiate de cette loi entraînera aussi une violation de leur droit à la vie, dès lors que cette application permettra à Assaddollah Assadi de planifier à nouveau leur assassinat.
A.10.2. Hashemi et ses consorts allèguent que la signature du traité du 11 mars 2022 par la Belgique était uniquement motivée par la volonté des autorités belges compétentes de pouvoir transférer Assaddollah Assadi en Iran en application de la loi du 23 mai 1990, et que ce transfèrement aura certainement lieu dès l’entrée en vigueur de ce traité. Ils soutiennent aussi qu’il est hors de doute, sur la base des déclarations faites par l’Iran ces dernières années, que cet État libérera cet homme dès son retour sur son territoire.
Les parties requérantes avancent que cet homme est un des plus dangereux terroristes identifiés par le Conseil de l’Union européenne et qu’il pourrait, en cas de libération, reprendre la direction d’un réseau terroriste étatique établi pour commettre divers attentats à divers endroits du territoire de l’Union européenne.
A.10.3. Hashemi et ses consorts remarquent aussi que si Assaddollah Assadi est transféré en Iran avant que la Cour n’ait pu se prononcer sur le recours en annulation de l’article 5 de la loi du 30 juillet 2022, ils perdront leur intérêt à demander l’annulation de cette disposition législative.
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Les parties requérantes exposent aussi que si la Cour ne suspend pas cette disposition législative, qui porte atteinte au droit à la vie des parties requérantes, le recours en annulation de cette disposition ne pourra être considéré comme un « recours effectif » au sens de l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme. Elles considèrent qu’en dehors de cette suspension, seul un engagement formel du Gouvernement belge de ne pas procéder au transfèrement d’Assaddollah Assadi avant que la Cour se soit prononcée sur le recours en annulation de l’article 5 de la loi du 30 juillet 2022 pourrait permettre de qualifier ce recours d’effectif.
A.11.1. Selon le Conseil des ministres, les parties requérantes ne démontrent pas l’existence d’un risque de préjudice grave difficilement réparable que pourrait leur causer l’application immédiate de l’article 5 de la loi du 30 juillet 2022.
A.11.2. Le Conseil des ministres expose, en premier lieu, que le préjudice allégué est actuellement purement hypothétique.
Il souligne à cet égard que le traité du 11 mars 2022 n’est pas encore en vigueur et qu’il n’entrera en vigueur que trente jours après que les deux États parties se seront échangés les instruments de ratification dudit traité par voie diplomatique. Le Conseil des ministres précise que la Belgique n’a pas encore reçu d’information officielle à propos de l’achèvement de la procédure iranienne de ratification de ce traité. Il ajoute qu’au vu de la pratique en la matière, l’échange des instruments de ratification de ce traité pourrait n’avoir lieu que très longtemps après la promulgation de la loi d’assentiment.
Le Conseil des ministres expose ensuite que, même lorsque le traité du 11 mars 2022 sera entré en vigueur, une personne de nationalité iranienne ne pourra probablement être effectivement transférée en Iran que dans de nombreux mois. Il précise que, compte tenu des délais de procédure prévus par la circulaire du ministre de la Justice du 14 novembre 2001 « relative au transfèrement interétatique de personnes condamnées de la Belgique vers l’étranger » (ci-après : la circulaire ministérielle du 14 novembre 2001), le dossier d’une demande de transfèrement ne sera transmis au ministre de la Justice pour décision qu’un mois après la formulation de cette demande. Le Conseil des ministres remarque aussi que rien n’oblige les autorités belges compétentes à faire droit à une telle demande et que le transfèrement d’Assaddollah Assadi ne pourra être accepté que si l’Iran reconnaît officiellement le jugement prononcé le 4 février 2021 par le tribunal correctionnel d’Anvers. Il ajoute que ces autorités belges sont libres d’assortir leur accord sur un transfèrement de conditions ou de le subordonner à l’obtention de certaines garanties. Le Conseil des ministres relève aussi que si les autorités belges acceptent une demande de transfèrement, elles devront encore transmettre à l’Iran un dossier composé des pièces mentionnées à l’article 7, paragraphe 2, du traité du 11 mars 2022.
Selon le Conseil des ministres, les parties requérantes ne démontrent pas que les autorités iraniennes ratifieront le traité du 11 mars 2022, qu’Assaddollah Assadi consentira à son transfèrement en Iran, que les autorités belges compétentes accepteront ce transfèrement sans condition, que les autorités iraniennes gracieront ensuite Assaddollah Assadi à son retour en Iran et que tous ces actes seront posés si rapidement que la Cour n’aura pu auparavant se prononcer sur le recours en annulation de l’article 5 de la loi du 30 juillet 2022.
A.11.3. Le Conseil des ministres soutient, en deuxième lieu, que le préjudice allégué par les parties requérantes ne pourrait résulter de l’application immédiate de cette disposition législative.
Il remarque que cette disposition n’est pas encore en vigueur. Il estime que ce préjudice ne pourrait de toute façon être que la conséquence d’une éventuelle décision de transfèrement prise par le ministre de la Justice.
Le Conseil des ministres allègue aussi que ce préjudice résulterait aussi du comportement des parties requérantes, puisque ce n’est que le 4 octobre 2022 que celles-ci ont introduit leur demande de suspension de l’article 5 de la loi du 30 juillet 2022, disposition dont l’application serait, selon elles, à l’origine du risque de préjudice qu’elles mettent en avant.
A.11.4. Le Conseil des ministres objecte, en troisième lieu, que les parties requérantes n’identifient pas concrètement le préjudice qu’elles allèguent.
Il rappelle à ce sujet qu’un préjudice moral ne peut être qualifié de difficilement réparable puisque l’annulation de la disposition législative attaquée le fait disparaître.
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A.11.5. Le Conseil des ministres met enfin en doute la gravité du préjudice allégué par les parties requérantes.
Il souligne qu’il ne suffit pas de démontrer qu’une disposition législative peut affecter défavorablement la situation d’une personne pour établir l’existence d’un risque de préjudice grave de nature à justifier la suspension de cette disposition.
A.11.6. À propos des considérations des parties requérantes relatives à l’effectivité du recours en annulation, le Conseil des ministres relève que les victimes d’une personne qui fait l’objet d’un transfèrement interétatique n’ont pas droit à un recours contre la décision qui accepte une telle opération, puisqu’elles ne jouent aucun rôle dans la procédure.
A.12.1. Olivier Vandecasteele considère aussi que les parties requérantes ne démontrent pas l’existence d’un risque de préjudice grave difficilement réparable que pourrait leur causer l’application immédiate de l’article 5 de la loi du 30 juillet 2022.
A.12.2. Olivier Vandecasteele expose d’abord que le préjudice allégué par les parties requérantes est purement hypothétique.
Il précise qu’en application de la loi du 23 mai 1990 et du traité du 11 mars 2022, une éventuelle procédure de transfèrement d’Assaddollah Assadi comprendra de nombreuses étapes et que la première d’entre elles ne pourra être franchie tant que le traité du 11 mars 2022 ne sera pas en vigueur.
Olivier Vandecasteele remarque que le transfèrement de cette personne est de toute façon actuellement impossible puisque les autorités iraniennes refusent de reconnaître officiellement la condamnation prononcée le 4 février 2021 par le tribunal correctionnel d’Anvers, alors que les autorités belges compétentes subordonneront l’acceptation d’un transfèrement à la reconnaissance de cette décision judiciaire.
Olivier Vandecasteele ajoute que, même si les autorités belges prennent un arrêté accordant le transfèrement d’Assaddollah Assadi, les parties requérantes pourront demander en extrême urgence la suspension de cette décision au Conseil d’État ou aux cours et tribunaux. Il note, au surplus, que les parties requérantes ne produisent pas de données concrètes permettant de considérer qu’en cas de rejet de ce recours, Assaddollah Assadi sera libéré par l’Iran et exposera les parties requérantes à un risque de représailles.
A.12.3. Olivier Vandecasteele expose ensuite que ce n’est pas l’application de l’article 5 de la loi du 30 juillet 2022 qui risque de menacer la vie des parties requérantes. Il relève que cette menace ne pourrait résulter que d’un ensemble de circonstances externes à cette application : un accord belge sur le transfèrement d’Assaddollah Assadi, une décision iranienne de gracier cette personne et des comportements criminels des personnes responsables.
Olivier Vandecasteele considère aussi que l’éventuelle perte du bénéfice des droits que la loi du 17 mai 2006
reconnaît aux parties requérantes ne pourrait pas résulter de l’application de l’article 5 de la loi du 30 juillet 2022.
Il estime que ce préjudice provient du fait que la loi du 17 mai 2006 ne s’applique pas au transfèrement réglé par la loi du 23 mai 1990.
A.12.4. Selon Olivier Vandecasteele, les parties requérantes ne démontrent pas non plus que l’impossibilité pour eux de donner leur avis sur l’éventuel transfèrement d’Assaddollah Assadi constitue un préjudice grave.
Il observe, à ce sujet, que la circulaire ministérielle du 14 novembre 2001 enjoint au service chargé de conseiller le ministre de prendre en compte les intérêts des victimes de la personne dont le transfèrement est demandé et que rien n’empêche ces victimes de transmettre de manière informelle leur point de vue sur la mesure de transfèrement à l’administration, comme les parties requérantes l’ont déjà fait en l’espèce.
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A.12.5. Olivier Vandecasteele soutient, en outre, que les parties requérantes ne perdront pas leur intérêt à demander l’annulation de l’article 5 de la loi du 30 juillet 2022 si Assaddollah Assadi est transféré en Iran avant que la Cour ne se soit définitivement prononcée sur la constitutionnalité de cette disposition législative.
Il remarque aussi que l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme n’oblige pas les autorités nationales à instaurer un recours suspensif contre les décisions de transfèrement interétatique. Il considère que la seule existence d’un droit de demander à la Cour la suspension de la disposition législative en cause démontre l’absence de violation de cette disposition internationale. Il renvoie aussi à la possibilité de contester un arrêté de transfèrement devant le Conseil d’État ou devant les cours et tribunaux. Il souligne enfin que l’exigence d’effectivité d’un recours ne signifie pas que ce recours doit avoir un effet suspensif automatique.
Olivier Vandecasteele remarque également que les victimes ne jouent aucun rôle dans une procédure de transfèrement interétatique.
-B-
Quant à la disposition législative attaquée et à son contexte législatif
B.1.1. L’article 1er de la loi du 23 mai 1990 « sur le transfèrement interétatique des personnes condamnées, la reprise et le transfert de la surveillance de personnes condamnées sous condition ou libérées sous condition ainsi que la reprise et le transfert de l’exécution de peines et de mesures privatives de liberté » (ci-après : la loi du 23 mai 1990), dispose :
« Le Gouvernement peut, en exécution des conventions et traités conclus avec les États étrangers sur la base de la réciprocité, accorder le transfèrement de toute personne condamnée et détenue en Belgique vers l’État étranger dont elle est le ressortissant ou accepter le transfèrement vers la Belgique de tout ressortissant belge condamné et détenu à l’étranger, pour autant toutefois :
1° que le jugement prononçant condamnation soit définitif;
2° que le fait qui est à la base de la condamnation constitue également une infraction au regard de la loi belge et de la loi étrangère;
3° que la personne détenue consente au transfèrement.
Au sens de la présente loi, le terme de ‘ condamnation ’ vise toute peine ou toute mesure privative de liberté prononcée par une juridiction pénale en complément ou en substitution d’une peine ».
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B.1.2. L’article 4 de la loi du 23 mai 1990 dispose :
« Lorsqu’en application d’une convention ou d’un traité international, une demande est adressée à l’État belge ou par l’État belge en vue de transférer une personne condamnée et détenue en Belgique vers l’État étranger dont elle est le ressortissant, cette personne est entendue par le procureur du Roi près le tribunal du lieu de détention, qui l’informe de cette demande et des conséquences qui découleraient du transfèrement.
Elle est assistée d’un conseil, soit lorsqu’elle le demande, soit lorsque le procureur du Roi l’estime nécessaire compte tenu de l’état mental ou de l’âge du détenu ».
B.1.3. L’article 5 de la loi du 23 mai 1990 dispose :
« Le consentement est irrévocable pendant une période de 90 jours à dater de celui de la comparution.
Si le transfèrement n’a pas eu lieu à l’expiration de ce délai, le condamné peut librement révoquer son consentement, par lettre adressée au directeur de l’établissement pénitentiaire, jusqu’au jour où lui est notifiée la date du transfèrement ».
B.1.4. L’article 27 de la loi du 23 mai 1990, tel qu’il a été inséré par l’article 20 de la loi du 26 mai 2005, dispose :
« Les peines ou mesures privatives de liberté dont l’exécution a été transférée à un État étranger ne peuvent plus être exécutées en Belgique, sauf si l’État étranger communique que l’exécution est refusée ou est impossible ».
B.2. L’article 5 de la loi du 30 juillet 2022 « portant assentiment aux actes internationaux suivants : 1) la Convention entre le Royaume de Belgique et la République de l’Inde d’entraide judiciaire en matière pénale, faite à Bruxelles le 16 septembre 2021, et 2) le Traité entre le Royaume de Belgique et les Émirats arabes unis sur l’entraide judiciaire en matière pénale, fait à Abu Dhabi le 9 décembre 2021, et 3) le Traité entre le Royaume de Belgique et les Émirats arabes unis sur l’extradition, fait à Abu Dhabi le 9 décembre 2021, et 4) le Traité entre le Royaume de Belgique et la République islamique d’Iran sur le transfèrement de personnes condamnées, fait à Bruxelles le 11 mars 2022, et 5) le Protocole du 22 novembre 2017 portant amendement au Protocole additionnel à la Convention sur le transfèrement des personnes condamnées, signé le 7 avril 2022 à Strasbourg » (ci-après : la loi du 30 juillet 2022) dispose :
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« Le Traité entre le Royaume de Belgique et la République islamique d’Iran sur le transfèrement de personnes condamnées, fait à Bruxelles le 11 mars 2022, sortira son plein et entier effet ».
B.3.1. Le contrôle de constitutionnalité d’une loi d’assentiment à un traité international ne peut être utile que s’il tient compte du contenu des dispositions pertinentes de ce traité.
B.3.2. Le Traité entre le Royaume de Belgique (ci-après : la Belgique) et la République islamique d’Iran (ci-après : l’Iran) sur le transfèrement de personnes condamnées, fait à Bruxelles le 11 mars 2022 (ci-après : le traité du 11 mars 2022), dispose :
« ARTICLE 1 – Définitions
Aux fins du présent Traité, l’expression :
1. ‘ condamnation ’ désigne toute peine ou mesure privative de liberté prononcée par un tribunal pour une durée limitée ou indéterminée en raison d’une infraction pénale;
2. ‘ jugement ’ désigne une décision de justice prononçant une condamnation;
3. ‘ État de condamnation ’ désigne l’État où a été condamnée la personne qui peut être transférée ou l’a été;
4. ‘ État d’exécution ’ désigne l’État vers lequel la personne condamnée peut être transférée ou l’a déjà été, afin d’y subir sa condamnation;
5. ‘ personne condamnée ’ désigne une personne qui a été condamnée en vertu d’un jugement rendu par les tribunaux de l’une des Parties à une peine d’emprisonnement ou de privation de liberté pour avoir commis une infraction pénale;
6. Par ‘ donnée ’, on entend toute information relative à une personne physique identifiée ou identifiable.
ARTICLE 2 - Autorités centrales
Aux fins de la mise en œuvre du présent Traité, les Parties désignent une Autorité centrale :
a. Dans le cas de la République islamique d’Iran, l’Autorité centrale est le ministère de la Justice;
b. Dans le cas de la Belgique, l’Autorité centrale est le Service Public Fédéral Justice.
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ARTICLE 3 - Principes généraux
1. Les Parties s’engagent à s’accorder mutuellement, dans les conditions prévues par le présent Traité, la coopération la plus large possible en matière de transfèrement des personnes condamnées.
2. Une personne condamnée sur le territoire d’une Partie peut, conformément aux dispositions du présent Traité, être transférée sur le territoire de l’autre Partie pour y subir le reliquat de la condamnation qui lui a été infligée. À cette fin, elle peut exprimer soit auprès de l’État de condamnation, soit auprès de l’État d’exécution, le souhait d’être transférée en vertu du présent Traité.
3. Le transfèrement peut être demandé soit par l’État de condamnation, soit par l’État d’exécution.
ARTICLE 4 - Conditions du transfèrement
1. Un transfèrement ne peut avoir lieu aux termes du présent Traité qu’aux conditions suivantes :
a. La personne condamnée doit être un ressortissant de l’État d’exécution;
b. le jugement doit être définitif et exécutoire;
c. la durée de condamnation que la personne condamnée a encore à subir doit être au moins d’un an à la date de réception de la demande de transfèrement, ou indéterminée;
d. la personne condamnée ou, lorsqu’en raison de son âge ou de son état physique ou mental l’un des deux États l’estime nécessaire, son représentant légal doit consentir au transfèrement, sauf dans les cas mentionnés aux articles 8 et 12;
e. les actes ou omissions qui ont donné lieu à la condamnation doivent constituer une infraction pénale au regard du droit de l’État d’exécution ou devraient en constituer une s’ils survenaient sur son territoire; et
f. l’État de condamnation et l’État d’exécution doivent s’être mis d’accord sur ce transfèrement.
2. Dans des cas exceptionnels, les Parties peuvent convenir d’un transfèrement même si la durée de la condamnation que la personne condamnée a encore à subir est inférieure à celle prévue au paragraphe 1.c du présent article.
ARTICLE 5 - Obligation de fournir des informations
1. Toute personne condamnée à laquelle le présent Traité peut s’appliquer doit être informée par l’État de condamnation de la teneur du présent Traité.
2. Si la personne condamnée a exprimé auprès de l’État de condamnation son souhait d’être transférée en vertu du présent Traité, cet État doit en informer l’État d’exécution le plus rapidement possible après que le jugement soit devenu définitif.
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3. Ces informations doivent comprendre :
a. le nom, le nom du père, la nationalité, la date et le lieu de naissance de la personne condamnée;
b. le cas échéant, son adresse dans l’État d’exécution;
c. un exposé des faits ayant entraîné la condamnation;
d. la nature, la durée et la date de début de la condamnation.
4. Si la personne condamnée a exprimé auprès de l’État d’exécution le souhait d’être transféré en vertu du présent Traité, l’État de condamnation communique à ce dernier, à sa demande, les informations visées au paragraphe 3 ci-dessus.
5. La personne condamnée doit être informée par écrit de toute démarche entreprise par l’État de condamnation ou d’exécution en application des paragraphes précédents, ainsi que de toute décision prise par l’un des deux États au sujet d’une demande de transfèrement.
ARTICLE 6 - Demandes et réponses
1. La demande de transfèrement et les réponses doivent être formulées par écrit.
2. L’État requis doit informer l’État requérant, dans les plus brefs délais, de sa décision d’accepter ou de refuser le transfèrement demandé.
3. Toutes les communications entre les Parties doivent être faites par écrit et envoyées par la voie diplomatique.
ARTICLE 7 - Pièces à l’appui
1. L’État d’exécution doit, sur demande de l’État de condamnation, fournir à ce dernier :
a. un document ou une déclaration indiquant que la personne condamnée est ressortissante de cet État ;
b. une copie des dispositions légales de l’État d’exécution desquelles il résulte que les actes ou omissions qui ont donné lieu à la condamnation dans l’État de condamnation constituent une infraction pénale au regard du droit de l’État d’exécution ou en constitueraient une s’ils survenaient sur son territoire;
2. Si un transfèrement est demandé, l’État de condamnation doit fournir les documents suivants à l’État d’exécution, à moins que l’un ou l’autre des États ait déjà indiqué qu’il ne donnerait pas son accord au transfèrement :
a. une copie certifiée conforme du jugement et des dispositions légales appliquées;
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b. l’indication de la durée de la peine déjà subie, y compris des renseignements sur toute détention provisoire, remise de peine ou autre acte concernant l’exécution de la condamnation;
c. en dehors des cas mentionnés aux articles 8 et 12, une déclaration constatant le consentement au transfèrement visé à l’article 4,1.d.;
d. un rapport sur le comportement de la personne condamnée pendant sa détention éventuelle;
et
e. chaque fois qu’il y aura lieu, tout rapport médical ou social sur la personne condamnée, toute information sur son traitement dans l’État de condamnation et toute recommandation pour la suite de son traitement dans l’État d’exécution.
3. L’État de condamnation et l’État d’exécution peuvent, l’un et l’autre, demander à recevoir l’un quelconque des documents ou déclarations visés aux paragraphes 1 ou 2 ci-dessus avant de faire une demande de transfèrement ou de prendre la décision d’accepter ou de refuser le transfèrement.
ARTICLE 8 - Consentement et vérification
1. L’État de condamnation veille à ce que la personne qui doit donner son consentement au transfèrement en vertu de l’article 4.1.d le fasse volontairement et en pleine connaissance des conséquences juridiques qui en découlent. La procédure à suivre à ce sujet sera régie par la loi de l’État de condamnation.
2. L’État de condamnation doit donner à l’État d’exécution la possibilité de vérifier, par l’intermédiaire d’un consul ou d’un autre fonctionnaire désigné en accord avec l’État d’exécution, que le consentement a été donné dans les conditions prévues au paragraphe précédent.
ARTICLE 9 - Protection des données
1. Les Parties veillent à ce que les données transférées d’une Partie à l’autre ne soient utilisées qu’aux fins de l’exécution d’une demande, conformément au présent Traité. Aucune donnée ne sera utilisée à d’autres fins, ni transférée à un pays tiers sans l’accord préalable de la Partie qui a transféré les données.
2. Les Parties garantissent l’exactitude des données personnelles transférées en vertu du présent Accord et veillent à ce que des mesures appropriées soient prises pour protéger les données transmises contre la destruction accidentelle ou non autorisée ou la perte accidentelle, ainsi que contre l’accès, la modification ou la diffusion non autorisés.
3. Les données transférées sont conservées pendant une durée n’excédant pas celle nécessaire aux finalités pour lesquelles elles sont traitées, conformément au présent Accord.
Les Parties se consultent sur la nécessité de rectifier des données inexactes, incomplètes ou non fiables ou sur le désir ou la nécessité d’effacer des données ou de limiter leur utilisation.
4. Les Parties veillent à ce que les données qui révèlent l’origine raciale ou ethnique, les opinions politiques, les convictions religieuses ou philosophiques, l’appartenance syndicale, les
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données génétiques, les données biométriques ou les données personnelles concernant la santé, la vie sexuelle ou l’orientation sexuelle d’une personne fassent l’objet de garanties appropriées.
5. La personne condamnée peut recevoir des informations sur les catégories de données transférées et la finalité du transfert de données.
6. La personne condamnée a le droit de déposer une plainte lorsqu’elle estime que ses droits concernant le traitement de ses données sur la base du présent Accord ont été violés.
ARTICLE 10 - Conséquences du transfèrement pour l’État de condamnation
1. La prise en charge de la personne condamnée par les autorités de l’État d’exécution a pour effet de suspendre l’exécution de la condamnation dans l’État de condamnation.
2. L’État de condamnation ne peut plus exécuter la condamnation lorsque l’État d’exécution considère [que] l’exécution de la condamnation comme étant terminée.
ARTICLE 11 - Conséquences du transfèrement pour l’État d’exécution
1. Les autorités compétentes de l’État d’exécution doivent poursuivre l’exécution de la condamnation soit immédiatement soit sur la base d’une décision judiciaire ou administrative, dans les conditions énoncées à l’article 12.
2. L’exécution de la condamnation est régie par la loi de l’État d’exécution et cet État est seul compétent pour prendre toutes les décisions appropriées.
ARTICLE 12 - Nature et durée de la sanction
1. L’État d’exécution est lié par la nature juridique et la durée de la sanction telles qu’elles résultent de la condamnation.
2. Toutefois, si la nature ou la durée de cette sanction est incompatible avec la législation de l’État d’exécution, ou si la législation de cet État l’exige, l’État d’exécution peut, par décision judiciaire ou administrative, adapter cette sanction à la peine ou mesure prévue par sa propre loi pour des infractions de même nature. Cette peine ou mesure correspond, autant que possible, quant à sa nature, à celle infligée par la condamnation à exécuter. Elle ne peut aggraver par sa nature ou par sa durée la sanction prononcée dans l’État de condamnation ni excéder le maximum prévu par la loi de l’État d’exécution.
ARTICLE 13 - Grâce, amnistie, commutation
Chaque Partie peut accorder la grâce, l’amnistie ou la commutation de la condamnation conformément à sa Constitution ou à ses autres dispositions légales.
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ARTICLE 14 - Révision du jugement
L’État de condamnation seul a le droit de statuer sur tout recours introduit contre le jugement.
ARTICLE 15 - Cessation de l’exécution
L’État d’exécution doit mettre fin à l’exécution de la condamnation dès qu’il a été informé par l’État de condamnation de toute décision ou mesure qui a pour effet d’enlever à la condamnation son caractère exécutoire.
ARTICLE 16 - Informations concernant l’exécution
L’État d’exécution fournira des informations à l’État de condamnation concernant l’exécution de la condamnation :
a. lorsqu’il considère terminée l’exécution de la condamnation;
b. si la personne condamnée s’évade avant que l’exécution de la condamnation ne soit terminée;
c. si l’État de condamnation lui demande un rapport spécial.
[…]
ARTICLE 20 - Règlement des litiges
Tout litige entre les Parties concernant l’interprétation ou l’application du présent Traité sera réglé à l’amiable et par négociation par la voie diplomatique.
ARTICLE 21 – Amendements
Le présent Traité peut être modifié à tout moment d’un commun accord entre les Parties sous forme écrite. Un tel amendement entrera en vigueur selon la même procédure que celle applicable à l’entrée en vigueur du présent Traité.
ARTICLE 22 - Clauses finales
1. Le présent Traité est soumis à ratification et entre en vigueur pour une durée illimitée trente jours après l’échange des instruments de ratification par voie diplomatique.
2. Le présent Traité est également applicable à l’exécution des condamnations prononcées avant son entrée en vigueur.
3. Sans préjudice des procédures en cours, l’une ou l’autre des Parties peut dénoncer le présent Traité à tout moment en envoyant une notification écrite à l’autre Partie par la voie diplomatique. La dénonciation prendra effet un an après la date de réception de cette notification.
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4. La dénonciation du présent Traité n’affectera pas les demandes de transfèrement qui ont été présentées avant sa dénonciation ».
Quant à la recevabilité de la demande de suspension
B.4. La demande de suspension étant subordonnée au recours en annulation, la recevabilité de celui-ci doit être vérifiée dès l’examen de la demande de suspension.
En ce qui concerne l’intérêt des parties requérantes
B.5. L’article 142, alinéa 3, de la Constitution et l’article 2, alinéa 1er, 2°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle imposent à toute personne physique ou morale qui introduit un recours en annulation de justifier d’un intérêt. Ne justifient de l’intérêt requis que les personnes dont la situation pourrait être directement et défavorablement affectée par la norme attaquée; il s’ensuit que l’action populaire n’est pas admissible.
B.6. Il ressort d’un jugement passé en force de chose jugée qui a été rendu le 4 février 2021 par le tribunal correctionnel d’Anvers, et qui est produit par les parties requérantes, que celles-ci ont introduit une action civile contre Assaddollah Assadi, une personne de nationalité iranienne qui, par ce jugement, a été définitivement condamnée à une peine de prison de vingt ans ainsi qu’à réparer le dommage moral causé aux parties requérantes par la tentative d’attentat terroriste qu’elle a commise.
Les dix premières parties requérantes, qui sont des personnes physiques, ont dès lors la qualité de victime au sens de l’article 2, 6°, de la loi du 17 mai 2006 « relative au statut juridique externe des personnes condamnées à une peine privative de liberté et aux droits reconnus à la victime dans le cadre des modalités d’exécution de la peine » (ci-après : la loi du 17 mai 2006).
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B.7.1. La victime au sens de cette loi doit être informée de l’octroi au condamné concerné d’une première permission de sortie afin de préparer sa réinsertion sociale au cours des deux années précédant la date d’admissibilité à sa libération conditionnelle, d’un premier congé pénitentiaire ou d’un placement en maison de transition et, le cas échéant, des conditions de cet octroi qui ont été fixées dans l’intérêt de la victime (article 10, § 2, alinéa 4, de la loi du 17 mai 2006, tel qu’il a été modifié par l’article 43 de la loi du 30 juillet 2022 « visant à rendre la justice plus humaine, plus rapide et plus ferme II »).
La même victime doit aussi être informée de l’octroi d’une interruption de l’exécution de la peine (article 17, § 2, alinéa 2, de la loi du 17 mai 2006) et de la remise en liberté du condamné détenu qui est motivée par le fait que ce dernier a purgé toute sa peine (article 20/2
de la loi du 17 mai 2006, inséré par l’article 12 de la loi du 15 décembre 2013 « portant diverses dispositions en vue d’améliorer le statut de la victime dans le cadre des modalités d’exécution de la peine »).
B.7.2. En outre, une permission de sortie, un congé pénitentiaire, un placement en maison de transition ou l’interruption de l’exécution de la peine ne peut être accordé, par le ministre ou son délégué, sans tenir compte du risque que le condamné importune sa victime (articles 5, 2°, 7, 2°, et 16 de la loi du 17 mai 2006; article 9/3, § 1er, 3°, de la même loi, tel qu’il a été inséré par l’article 71 de la loi du 11 juillet 2018 « portant des diverses dispositions en matière pénale »).
B.7.3. Avant d’octroyer à une personne condamnée à une peine privative de liberté de vingt ans une mesure de « détention limitée », de « surveillance électronique » ou de « libération conditionnelle », le tribunal de l’application des peines doit aussi tenir compte du « risque que le condamné importune les victimes », de l’« attitude du condamné à l’égard des victimes des infractions qui ont donné lieu à sa condamnation » et des « efforts consentis par le condamné pour indemniser la partie civile, compte tenu de la situation patrimoniale du condamné telle qu’elle a évolué par son fait depuis la perpétration des faits pour lesquels il a été condamné » (article 47, § 1er, 3°, 4° et 6°, de la loi du 17 mai 2006, tel qu’il a été modifié
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par l’article 159, 1°, de la loi du 5 février 2016 « modifiant le droit pénal et la procédure pénale et portant des dispositions diverses en matière de justice »).
Toute décision de « mise en liberté provisoire en vue de l’éloignement du territoire ou de la remise » ne peut être prise par ce tribunal sans tenir compte du « risque que le condamné importune les victimes » et des « efforts fournis par le condamné pour indemniser les parties civiles » (article 47, § 2, 3° et 4°, de la loi du 17 mai 2006).
La victime a le droit d’être entendue par le tribunal de l’application des peines à propos des « conditions particulières » qui, « dans son intérêt », doivent assortir les mesures précitées. Elle peut présenter ses observations, entre autres, sur les conditions que le ministère public et, le cas échéant, le fonctionnaire compétent de l’administration pénitentiaire ont formulées au préalable dans l’intérêt de la victime (article 53, alinéas 2 et 3, de la loi du 17 mai 2006, tel qu’il a été modifié par l’article 18 de la loi du 15 décembre 2013 « portant diverses dispositions en vue d’améliorer le statut de la victime dans le cadre des modalités d’exécution de la peine »).
B.8.1. Le traité du 11 mars 2022 permet au Gouvernement d’accorder le transfèrement d’une personne de nationalité iranienne qui est détenue en Belgique après avoir été condamnée par un tribunal belge (Doc. parl., Chambre, 2021-2022, DOC 55-2784/003, p. 10), aux conditions énoncées dans ce traité ainsi que dans la loi du 23 mai 1990.
Si un tel transfèrement a lieu, l’exécution de la condamnation de cette personne sera régie par la loi iranienne et l’Iran sera seul compétent pour prendre toutes les décisions appropriées (article 11, paragraphe 2, du traité du 11 mars 2022). La loi du 17 mai 2006, qui détermine les modalités d’exécution des peines privatives de liberté, ne sera dès lors plus applicable, de sorte que les parties requérantes ne pourront plus invoquer les droits précités que cette loi leur reconnaît, ni bénéficier des règles établies dans leur intérêt que cette loi énonce.
B.8.2. Aucune des parties devant la Cour n’indique que la loi iranienne donne aux victimes des droits analogues ou contient des règles de protection similaires.
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B.9. Il apparaît donc, à ce stade de la procédure, que l’assentiment au traité du 11 mars 2022 par l’article 5 de la loi du 30 juillet 2022 pourrait affecter directement et défavorablement la situation des dix premières parties requérantes.
Leur intérêt à demander l’annulation - et donc la suspension - de cette disposition législative est par conséquent établi.
B.10. Il n’est pas nécessaire d’examiner l’intérêt de la onzième partie requérante.
En ce qui concerne l’intérêt à intervenir d’Olivier Vandecasteele
B.11.1. Justifie d’un intérêt à intervenir dans la procédure, la personne qui montre que sa situation peut être directement affectée par l’arrêt que la Cour est appelée à rendre à propos de la demande de suspension.
B.11.2. Olivier Vandecasteele, ressortissant belge détenu en Iran depuis février 2022 pour un motif inconnu tant de lui-même que des autorités belges, fait valoir, sans être contredit sur ce point ni par les parties requérantes ni par le Conseil des ministres, que la suspension de la loi attaquée pourrait avoir un effet direct et défavorable sur sa situation actuelle. Il a par conséquent intérêt à intervenir dans la procédure de suspension.
Quant à la réunion des conditions de la suspension
B.12. Aux termes de l’article 20, 1°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989, deux conditions doivent être remplies pour que la suspension puisse être décidée :
- des moyens sérieux doivent être invoqués;
- l’application immédiate de la règle attaquée doit risquer de causer un préjudice grave difficilement réparable.
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En ce qui concerne l’existence d’un moyen sérieux
B.13. Un moyen n’est sérieux au sens de l’article 20, 1°, de la loi spéciale du 6 janvier 1989
que s’il revêt une apparence de fondement au terme d’un premier examen des éléments dont la Cour dispose à ce stade de la procédure.
B.14. Lorsqu’elle examine le contenu d’un traité, la Cour tient compte du fait qu’il ne s’agit pas d’un acte de souveraineté unilatéral, mais d’une norme conventionnelle par laquelle la Belgique a pris un engagement de droit international à l’égard d’au moins un autre État.
B.15. En l’espèce, le premier moyen est notamment pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Il ressort des développements de ce moyen que les parties requérantes soutiennent que, en tant qu’il autorise le Gouvernement belge à transférer en Iran une personne condamnée par les cours et tribunaux pour avoir commis, avec le soutien de l’Iran, une infraction terroriste qui a attenté à la vie d’autres personnes, l’article 5 de la loi du 30 juillet 2022 viole le droit à la vie de ces dernières personnes.
B.16.1. L’article 2, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l’homme dispose :
« Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d’une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi ».
B.16.2. Le droit de toute personne à la vie est l’une des valeurs fondamentales des États démocratiques qui forment le Conseil de l’Europe. Ce droit oblige chaque État à prendre les mesures nécessaires à la protection de la vie des personnes relevant de sa juridiction (CEDH, grande chambre, 31 janvier 2019, Fernandes de Oliveira c. Portugal, § 104; 26 mai 2020, Makuchyan et Minasyan c. Azerbaïdjan et Hongrie, §§ 109-110). Cette obligation de protection
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vaut notamment à l’égard des personnes qui ont été confrontées à un risque imminent pour leur vie, même si elles n’ont pas été blessées (CEDH, 26 mai 2020, Makuchyan et Minasyan c. Azerbaïdjan et Hongrie, §§ 89-94) et implique aussi que l’autorité compétente mène une enquête effective en cas d’éventuelle violation du droit à la vie (CEDH, grande chambre, 26 mai 2014, Marguš c. Croatie, §§ 125 et 127; 26 mai 2020, Makuchyan et Minasyan c. Azerbaïdjan et Hongrie, § 154).
B.16.3. L’exigence d’effectivité de l’enquête pénale découlant de l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme peut aussi être interprétée comme une obligation pour les États d’exécuter sans délai leurs jugements définitifs. C’est le cas parce que l’exécution d’une peine qui est infligée dans le cadre du droit à la vie doit être considérée comme faisant partie intégrante de l’obligation procédurale de l’État en vertu de cet article (CEDH, 13 octobre 2016, Kitanovska Stanojkovic et autres c. « l’ex-République yougoslave de Macédoine », § 32).
Lorsque la personne qui est condamnée à cette peine est non ressortissante de cet État et que cet État accepte que cette personne soit transférée vers son pays d’origine pour y purger sa peine d’emprisonnement, en exécution d’un traité international qui lie les deux États, l’État de condamnation doit protéger, dans le cadre de la procédure de transfèrement, le droit à la vie des personnes qui sont affectées par l’infraction commise (CEDH, 26 mai 2020, Makuchyan et Minasyan c. Azerbaïdjan et Hongrie, §§ 195-197).
Quand un fonctionnaire d’un État est condamné pour un crime qui viole le droit à la vie, l’octroi ultérieur de l’amnistie ou de la grâce ne peut guère être considéré comme servant l’objectif d’une sanction adéquate. Les États doivent, au contraire, lorsqu’ils punissent leurs fonctionnaires pour des crimes qui ont sérieusement menacé la vie, être plus sévères. Dans de telles situations, ce n’est pas seulement la responsabilité pénale individuelle des auteurs qui est en cause, mais aussi le devoir de l’État de lutter contre le sentiment d’impunité dont les auteurs pourraient penser jouir en raison de leur fonction (CEDH, 26 mai 2020, Makuchyan et Minasyan c. Azerbaïdjan et Hongrie, § 157).
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B.17. Aux termes de l’article 2, e), de la résolution 1373 (2001) adoptée le 28 septembre 2001 par le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies, tous les États doivent « veiller à ce que toutes personnes qui participent au financement, à l’organisation, à la préparation ou à la perpétration d’actes de terrorisme ou qui y apportent un appui soient traduites en justice, à ce que, outre les mesures qui pourraient être prises contre ces personnes, ces actes de terrorisme soient érigés en infractions graves dans la législation et la réglementation nationales et à ce que la peine infligée soit à la mesure de la gravité de ces actes ».
Cette obligation découle entre autres du constat que « tout acte de terrorisme international, constitue […] une menace à la paix et à la sécurité internationales » (préambule de la résolution 1373 (2001)).
B.18.1. En application du traité du 11 mars 2022, l’État où a été condamnée une personne (« État de condamnation ») peut transférer celle-ci vers l’autre État (« État d’exécution ») « afin d’y subir sa condamnation ». C’est « pour y subir le reliquat de la condamnation qui lui a été infligée » que la personne condamnée sur le territoire de l’État de condamnation peut être transférée sur le territoire de l’État d’exécution (articles 1er, point 3, 1er, point 4, et 3, paragraphe 2, du traité du 11 mars 2022).
Ce traité précise que les autorités compétentes de l’État d’exécution « doivent poursuivre l’exécution de la condamnation » (article 11, paragraphe 1), que cet État est en principe « lié par la nature juridique et la durée de la sanction telles qu’elles résultent de la condamnation »
(article 12, paragraphe 1), et qu’une éventuelle adaptation de cette sanction doit « autant que possible » correspondre à la peine infligée par la condamnation à exécuter (article 12, paragraphe 2). Il ressort aussi de ce traité que seul l’État de condamnation peut réviser le jugement de condamnation (article 14).
B.18.2. Le traité du 11 mars 2022 confirme cependant le droit de l’État d’exécution d’accorder à la personne transférée depuis l’État de condamnation la grâce, l’amnistie ou la commutation de sa condamnation conformément à ses lois (article 13).
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B.18.3. Il résulte de ce qui précède qu’il ne peut être exclu qu’une décision de grâce ou d’amnistie de l’État d’exécution mène effectivement à la non-exécution de cette peine.
B.19. Chaque transfèrement vers l’Iran d’une personne condamnée en Belgique nécessite l’accord exprès de ces deux États (articles 4, paragraphe 1, f), 6, paragraphe 2, et 7, paragraphe 2, du traité du 11 mars 2022).
Ce transfèrement ne peut avoir lieu que si cette personne y a consenti (articles 4, paragraphe 1, d), 7, paragraphe 2, c), et 8 du même traité; article 1er, alinéa 1er, 3°, et articles 4
et 5 de la loi du 23 mai 1990).
B.20.1. Lors des travaux préparatoires de la loi du 30 juillet 2022, le ministre compétent a déclaré que l’Iran a recours à des « pratiques » condamnables tels que des enlèvements, des « détentions illégales » ou des actes terroristes (Doc. parl., Chambre, 2021-2022, DOC 55-2784/003, p. 12), que l’Iran est un « régime autoritaire » et dictatorial qui n’a « aucune ligne éthique ou morale », qui « fait la promotion du terrorisme » (ibid., pp. 39-40, 50) et qui n’est pas un membre responsable de la communauté internationale (ibid., p. 54).
B.20.2. Il ressort du dossier des parties requérantes que, par un jugement du 4 février 2021, le tribunal correctionnel d’Anvers a condamné Assaddollah Assadi, un fonctionnaire diplomatique de nationalité iranienne, pour avoir commis, avec d’autres personnes, une infraction terroriste qui a attenté à la vie d’autrui. Il ressort de cette même décision judiciaire que cette personne a été arrêtée le 1er juillet 2018 dans le cadre de l’instruction pénale à l’origine de cette condamnation. Selon un arrêt de la Cour d’appel d’Anvers du 10 mai 2022, qui figure aussi au dossier des parties requérantes, ce condamné s’est désisté de l’appel qu’il avait initialement interjeté contre le jugement du 4 février 2021.
Il ressort tant de ce jugement que de l’arrêt du 10 mai 2022 que c’est en tant qu’agent des services étatiques iraniens du renseignement et de la sécurité que cette personne a commis l’infraction terroriste pour laquelle elle a été condamnée.
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En outre, par la décision (PESC) 2022/152 du 3 février 2022 « portant mise à jour de la liste des personnes, groupes et entités auxquels s’appliquent les articles 2, 3 et 4 de la position commune 2001/931/PESC relative à l’application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme, et abrogeant la décision (PESC) 2021/1192 », le Conseil de l’Union européenne a inscrit Assaddollah Assadi sur la liste des personnes impliquées dans des actes terroristes.
Lors des travaux préparatoires de la loi du 30 juillet 2022, le ministre compétent a déclaré que, dès l’arrestation de ce fonctionnaire diplomatique, l’Iran a exercé des pressions sur la Belgique (Doc. parl., Chambre, 2021-2022, DOC 55-2784/003, p. 53).
B.20.3. Lors des travaux préparatoires de la loi du 30 juillet 2022, le ministre compétent a aussi déclaré qu’il était peu probable que les personnes de nationalité iranienne qui ont été condamnées et emprisonnées en Belgique en raison de « faits de droit commun » consentent à un transfèrement vers leur État d’origine (ibid., p. 40).
B.21. Au vu de ce qui précède, la Belgique sait ou doit savoir que si, en exécution du traité du 11 mars 2022, l’Iran et celle-ci s’accordent sur le transfèrement sur le territoire de l’Iran d’une personne de nationalité iranienne qui a été condamnée par les cours et tribunaux belges pour avoir commis, avec le soutien de l’Iran, une infraction terroriste en vue d’attenter à la vie d’autrui, l’Iran n’exécutera pas effectivement cette peine, en application de l’article 13 de ce traité.
B.22. Au terme d’un premier examen, en tant qu’il permet le transfèrement vers l’Iran d’une personne qui a été condamnée par les cours et tribunaux pour avoir commis, avec le soutien de l’Iran, une infraction terroriste, le traité du 11 mars 2022 auquel l’article 5 de la loi du 30 juillet 2022 porte assentiment semble violer le droit à la vie, tel qu’il est reconnu par l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme.
B.23. Le premier moyen est sérieux.
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En ce qui concerne le risque de préjudice grave difficilement réparable que l’application immédiate de la loi pourrait causer
B.24.1. La suspension par la Cour d’une disposition législative doit permettre d’éviter que l’application immédiate de celle-ci cause à la partie requérante un préjudice grave, qui ne pourrait être réparé ou qui pourrait difficilement l’être en cas d’annulation de cette disposition.
B.24.2. Il ressort de l’article 22 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 que, pour satisfaire à la seconde condition énoncée en B.12, la personne qui forme une demande de suspension doit exposer, dans sa requête, des faits concrets et précis qui prouvent à suffisance que l’application immédiate de la disposition législative dont elle demande l’annulation risque de lui causer un préjudice grave difficilement réparable.
Cette personne doit notamment faire la démonstration de l’existence du risque de préjudice, de sa gravité et de son lien avec l’application des dispositions législatives attaquées.
B.25.1. Comme il est dit en B.6 et B.7, les dix premières parties requérantes disposent de divers droits et de diverses garanties en rapport avec l’exécution de la peine d’une personne de nationalité iranienne.
Il ressort d’un premier examen du dossier que cette dernière personne pourrait remplir les conditions d’un transfèrement énoncées à l’article 4, paragraphe 1, du traité du 11 mars 2022, auquel l’article 5 de la loi du 30 juillet 2022 porte assentiment, ainsi qu’à l’article 1er de la loi du 23 mai 1990.
B.25.2. Comme il est dit en B.8, le transfèrement en Iran de cette personne en application du traité du 11 mars 2022 aurait pour effet de faire perdre ces droits et garanties à ces parties requérantes.
Comme il est dit en B.21 et B.22, la possibilité de transférer vers l’Iran une personne qui a été condamnée par les cours et tribunaux pour avoir, avec le soutien de l’Iran, commis une infraction
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terroriste en vue d’attenter à la vie d’autres personnes constitue en outre une atteinte au droit à la vie de ces personnes. La nature de cette mesure a pour effet que cette atteinte ne peut être réparée.
Cette perte et cette atteinte au droit à la vie constitueraient pour ces personnes un préjudice grave difficilement réparable résultant de l’application dudit traité, auquel la disposition législative attaquée porte assentiment.
B.26.1. Aux termes de l’article 22, paragraphe 1, du traité du 11 mars 2022, celui-ci entrera en vigueur trente jours après « l’échange des instruments de ratification par voie diplomatique ».
B.26.2. Une fois le traité du 11 mars 2022 entré en vigueur, l’éventuel transfèrement de la personne visée en B.25.1 ne peut avoir lieu que lorsque toutes les étapes de la procédure décrites par les articles 3 à 8 de ce traité ainsi que par les articles 4 et 5 de la loi du 23 mai 1990 ont été franchies.
Le Conseil des ministres a, à ce sujet, déposé devant la Cour une circulaire ministérielle « relative au transfèrement étatique de personnes condamnées de la Belgique vers l’étranger »
signée en 2001 par le ministre de la Justice, qui détaille la procédure à suivre par les autorités belges compétentes.
Ce traité, cette loi et cette circulaire ne permettent pas à la Cour d’évaluer avec suffisamment de précision le temps qui serait nécessaire pour que toutes les étapes d’une éventuelle procédure de transfèrement de la personne visée en B.25.1 soient franchies.
B.26.3. Il résulte de ce qui précède que la personne visée en B.25.1 pourrait être transférée en Iran en application du traité du 11 mars 2022, auquel l’article 5 de la loi du 30 juillet 2022 porte assentiment, avant que la Cour ait été mise en mesure de se prononcer sur le recours en annulation de cette loi.
Il est donc établi que l’application immédiate de cette loi pourrait causer aux dix premières parties requérantes le préjudice décrit en B.25.2.
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B.27. Il y a aussi lieu de relever que ni le traité du 11 mars 2022, ni la loi du 23 mai 1990, ni aucune autre loi ne garantit à ces parties requérantes qu’elles seront informées de l’existence et de l’évolution d’une éventuelle procédure de transfèrement vers l’Iran de la personne visée en B.25.1
ou de l’existence d’une décision belge favorable à ce transfèrement prise en application de cette loi.
Les victimes requérantes dans la présente affaire ne seront donc pas en mesure d’introduire un recours utile contre cette décision, d’autant plus que le Conseil d’État a déjà jugé, à plusieurs reprises, qu’il n’est pas compétent pour connaître d’un recours contre une décision ministérielle de transfèrement prise en application de la loi du 23 mai 1990 (C.É., 14 juin 2010, n° 205.129;
12 janvier 2012, n° 217.205; 14 août 2014, n° 228.202; 25 octobre 2016, n° 236.252).
B.28. Le risque de préjudice grave difficilement réparable que pourrait causer l’application immédiate du traité du 11 mars 2022 auquel l’article 5 de la loi du 30 juillet 2022 porte assentiment est établi.
Quant à la portée de la suspension
B.29. Les dispositions d’un traité international forment un ensemble indissociable.
L’assentiment à un traité international est un acte indivisible par lequel le pouvoir législatif marque son accord sur l’ensemble des dispositions de ce traité.
Dès lors que la Cour estime, pour les motifs indiqués en B.15 à B.22, que le premier moyen est sérieux, et que la preuve d’un risque de préjudice grave et difficilement réparable est rapportée, il y a lieu de suspendre l’article 5 de la loi du 30 juillet 2022 portant assentiment au traité du 11 mars 2022, en tant que ce traité permet le transfèrement vers l’Iran d’une personne qui a été condamnée par les cours et tribunaux pour avoir commis, avec le soutien de l’Iran, une infraction terroriste.
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Par ces motifs,
la Cour
suspend l’article 5 de la loi du 30 juillet 2022 « portant assentiment aux actes internationaux suivants : 1) la Convention entre le Royaume de Belgique et la République de l’Inde d’entraide judiciaire en matière pénale, faite à Bruxelles le 16 septembre 2021, et 2) le Traité entre le Royaume de Belgique et les Émirats arabes unis sur l’entraide judiciaire en matière pénale, fait à Abu Dhabi le 9 décembre 2021, et 3) le Traité entre le Royaume de Belgique et les Émirats arabes unis sur l’extradition, fait à Abu Dhabi le 9 décembre 2021, et 4) le Traité entre le Royaume de Belgique et la République islamique d’Iran sur le transfèrement de personnes condamnées, fait à Bruxelles le 11 mars 2022, et 5) le Protocole du 22 novembre 2017 portant amendement au Protocole additionnel à la Convention sur le transfèrement des personnes condamnées, signé le 7 avril 2022 à Strasbourg », en ce que le traité du 11 mars 2022 entre le Royaume de Belgique et la République islamique d’Iran sur le transfèrement de personnes condamnées permet le transfèrement vers l’Iran d’une personne qui a été condamnée par les cours et tribunaux pour avoir commis, avec le soutien de l’Iran, une infraction terroriste.
Ainsi rendu en langue française, en langue néerlandaise et en langue allemande, conformément à l’article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 8 décembre 2022.
Le greffier, Le président,
F. Meersschaut P. Nihoul


Synthèse
Numéro d'arrêt : 163/2022
Date de la décision : 08/12/2022
Type d'affaire : Droit constitutionnel

Analyses

Suspension (article 5 de la loi du 30 juillet 2022, en ce que le traité du 11 mars 2022 entre le Royaume de Belgique et la République islamique d'Iran sur le transfèrement de personnes condamnées permet le transfèrement vers l'Iran d'une personne qui a été condamnée par les cours et tribunaux pour avoir commis, avec le soutien de l'Iran, une infraction terroriste)

COUR CONSTITUTIONNELLE - DROIT PUBLIC ET ADMINISTRATIF - COUR CONSTITUTIONNELLE - la demande de suspension de l'article 5 de la loi du 30 juillet 2022 portant assentiment aux actes internationaux suivants : 1) la Convention entre le Royaume de Belgique et la République de l'Inde d'entraide judiciaire en matière pénale, faite à Bruxelles le 16 septembre 2021, et 2) le Traité entre le Royaume de Belgique et les Émirats arabes unis sur l'entraide judiciaire en matière pénale, fait à Abu Dhabi le 9 décembre 2021, et 3) le Traité entre le Royaume de Belgique et les Émirats arabes unis sur l'extradition, fait à Abu Dhabi le 9 décembre 2021, et 4) le Traité entre le Royaume de Belgique et la République islamique d'Iran sur le transfèrement de personnes condamnées, fait à Bruxelles le 11 mars 2022, et 5) le Protocole du 22 novembre 2017 portant amendement au Protocole additionnel à la Convention sur le transfèrement des personnes condamnées, signé le 7 avril 2022 à Strasbourg, introduite par Farzin Hashemi et autres. Droit pénal - Entraide judiciaire - Loi portant assentiment à un traité - Traité entre le Royaume de Belgique et la République islamique d'Iran sur le transfèrement de personnes condamnées - Condamné pour des faits de terrorisme


Origine de la décision
Date de l'import : 30/05/2023
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.constitutionnel;arret;2022-12-08;163.2022 ?

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