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24/11/2022 | BELGIQUE | N°155/2022

Belgique | Belgique, Cour constitutionnel, 24 novembre 2022, 155/2022


Cour constitutionnelle
Arrêt n° 155/2022
du 24 novembre 2022
Numéros du rôle : 7674, 7675, 7695, 7750, 7771 et 7773
En cause : les recours en annulation partielle du décret flamand du 9 juillet 2021 « portant modification de divers décrets relatifs au logement », introduits par la SC « De Gelukkige Haard », par Khadija Elhssika et autres, par la SC « T’Heist Best » et autres, par la SC « Gewestelijke Maatschappij voor de Kleine Landeigendom Het Volk » et autres, par l’ASBL « Vereniging van Vlaamse Huisvestingsmaatschappijen » et par la SCRL « Gewestelijke M

aatschappij voor Volkshuisvesting » et autres.
La Cour constitutionnelle,
comp...

Cour constitutionnelle
Arrêt n° 155/2022
du 24 novembre 2022
Numéros du rôle : 7674, 7675, 7695, 7750, 7771 et 7773
En cause : les recours en annulation partielle du décret flamand du 9 juillet 2021 « portant modification de divers décrets relatifs au logement », introduits par la SC « De Gelukkige Haard », par Khadija Elhssika et autres, par la SC « T’Heist Best » et autres, par la SC « Gewestelijke Maatschappij voor de Kleine Landeigendom Het Volk » et autres, par l’ASBL « Vereniging van Vlaamse Huisvestingsmaatschappijen » et par la SCRL « Gewestelijke Maatschappij voor Volkshuisvesting » et autres.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents L. Lavrysen et P. Nihoul, et des juges T. Giet, J. Moerman, M. Pâques, Y. Kherbache, T. Detienne, S. de Bethune, E. Bribosia et W. Verrijdt, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président L. Lavrysen,
après en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant :
I. Objet des recours et procédure
a. Par requêtes adressées à la Cour par lettres recommandées à la poste le 16 novembre 2021 et parvenues au greffe le 18 novembre 2021, des recours en annulation des articles 74, 79, 83, 105, 122, 124, 128, 205, 206 et 208 du décret flamand du 9 juillet 2021 « portant modification de divers décrets relatifs au logement » (publié au Moniteur belge du 10 septembre 2021) ont été introduits respectivement par la SC « De Gelukkige Haard », assistée et représentée par Me F. Judo, avocat au barreau de Bruxelles, et par Khadija Elhssika, Kelly Geeraerts, Jacqueline Van Eynde, Arlette Claeys, Carmen Don Porto Carero, Dieter Werkle, Etienne Ostin, Pascale Martin, Tamara Titanyan, Jacques Arntjen, Firas Majid, Katrien Devos, Chafia Benamor, François Gielis, Frans Haevermaet, André Inghelbrecht, Ivan De Gryse, Imilda Hek, Daniel Vanwalleghem, Claudia Piolon, Martine Eerebout, Dorine Derieuw, Redgy Jonckheere, Pierre Lingy, Redgy Seghers, Michèle Steurbaut, Anita De Cuyper, Patricia Deschumere, Inge Vermeire, Pascal Brys, Chris Cottyn, Carla Nisez, Marianne Maes, Roland Devos, Rita Hanna, Tamara Dalkhadova, Dennis Devriendt, Daniel Everaert, Nancy Aneca, William Desmadryl, Conny Van Den Kerchove, Myriam Everaert, Martine Bogaert, Gerard Logghe, Daniella Jonckheere, Paulette Desaeyer, Ivan Janssen, Lieve Fevery, Filip Baes, Dirk Dildick, Hendrik Tanghe, Chantal Meganck, Karel Neels, Virginia Van Looy, Chantal Roose, Cecile De Hamers, Marleen Anthierens, Anja Van Londersele,
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Jean-Paul Parez, Gilbert Dekien, Monique Byt, André Cafmeyer, Freddy Dildick, Franky Bauwens, Patricia Dausselaere, Carine Crombez, Brigitte De Saedeleer, Annette Sotiau, Kaat Decoster, Heidi Leyne, Yvonne Vynck, Claudine Perreman, Ronny Mylle, Hilde Moerman, Ronny Noyelle, Ludwin Bernard, Tania Vanbavinckhove, Patrick Faidherbe, Lionel Knockaert, Nicole De Lauw, Ebrima Camara, Jean Pierre Bauwens, Irina Akentieva, Claudie Van Besien, John Belotte, Viktor Dets, Sandra Larrange, Alain Everaert, Daria Ustimenko, Said-Hassan Moesaev, Milana Umalatova, Odette Wauters, Quao Johnson, Edith Beauprez, Alphonsus Claessens, Anita Calluy, Willy Vermeersch, Jeannine Lebleu, Angiolino Maffessoni, Dorinda Goutsmit, Monica Stemgee, Shpresa Boshnjaku, Eldar Tchapchayev, Eric Ameye, Barbara Gevaert, Fernand Velthof, Xavier Thomas, Vera Vandecasteele, Werner Bertels, Marnix Gevaert, Etienne Dejonghe, Nicole Bouckquez, Marc Blontrock, Felix Pirard, Roger Rau, Eddy Vanheste, Nicole Muyle, Gilbert Knockaert, Inge Minne, Andrea Vandendriessche, Martine Meeschaert, Peter Van Nuffel, Laetitia Dieusaert, Guy Werbrouck, Francine Coppens, Nicole Provoost, Eduard Van Mael, Elisabeth Vermussche, Pierre Janssens, Eveline Brouckmeersch, Freddy Vandamme, Annick Vandamme, Sandra Vandamme, Marie-Claire Schmitt et Omer Delwiche, assistés et représentés par Me F. Judo.
Par les mêmes requêtes, les parties requérantes demandaient également la suspension des mêmes dispositions décrétales. Par l’arrêt n° 19/2022 du 3 février 2022, publié au Moniteur belge du 12 juillet 2022, la Cour a rejeté les demandes de suspension.
b. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 8 décembre 2021 et parvenue au greffe le 9 décembre 2021, un recours en annulation des articles 104, 205 et 215
du même décret a été introduit par la SC « T’Heist Best », l’association d’aide sociale « Woonwinkel Knokke-Heist », la commune de Knokke-Heist, Kurt Jodts, Emmanuel Desutter, Frank Naert et Guy Demeestere, assistés et représentés par Me S. Ronse et Me T. Quintens, avocats au barreau de Flandre occidentale.
Par la même requête, les parties requérantes demandaient également la suspension des mêmes dispositions décrétales. Par l’arrêt n° 37/2022 du 10 mars 2022, publié au Moniteur belge du 6 septembre 2022, la Cour a rejeté la demande de suspension.
c. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 10 février 2022 et parvenue au greffe le 14 février 2022, un recours en annulation des articles 74, 76, 77, 79, 83, 85, 87, 105, 122, 124, 128, 205, 206 et 209 du même décret a été introduit par la SC « Gewestelijke Maatschappij voor de Kleine Landeigendom Het Volk », la SC « Volkshaard », la SC « Centrale voor Huisvesting », la SA « Volksvermogen », l’ASBL « De Kade », l’ASBL « Patrimo Midden-Vlaanderen », l’ASBL « Verbruikersbelangen Vlaamse Ardennen » et l’ASBL « Vrede en Broederliefde », assistées et représentées par Me P. Peerens, Me H. De Wilde et Me S. De Somer, avocats au barreau de Bruxelles.
d. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 8 mars 2022 et parvenue au greffe le 10 mars 2022, l’ASBL « Vereniging van Vlaamse Huisvestingsmaatschappijen », assistée et représentée par Me F. Judo, a introduit un recours en annulation des articles 124 et 205 du même décret.
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e. Par requête adressée à la Cour par lettre recommandée à la poste le 10 mars 2022 et parvenue au greffe le 14 mars 2022, un recours en annulation des articles 74, 76, 77, 79, 83, 86, 87, 105, 122, 124, 128, 205, 206 et 209 du même décret a été introduit par la SC « Gewestelijke Maatschappij voor Volkshuisvesting », la SC « Providentia », Christine Vandeput, Alexis Calmeyn, l’ASBL « BVCV », Christiaan Vanmol, Dirk De Greef, Dorette Heymans, Francis Paesmans, Gerard Cobbaert, Guy Tordeur, Heidi Elpers, Jean Dooms, Julien Sergoigne, Leo Van Den Eynde, Marc Paesmans, Martin Schoukens, l’ASBL « Mater & Magistra », Rita Dedobbeleer, la Confédération des syndicats chrétiens Bruxelles, l’association de fait « Beweging.net Liedekerke », Marc Berghman, Guy Bonnewijn, Alfons De Potter, Jean Paul Olbrechts, Eric Schamp, Daan Vanderhulst, Ludovicus Van Roost, Eddy Van Den Eede, Ann Van Langenhof, Marc Leemans, Edward De Wit, Leon Brion, Armand Hermans, l’ASBL « De Bergen », Marc Bessems, la commune de Wezembeek-Oppem et le centre public d’action sociale de Wezembeek-Oppem, assistés et représentés par Me F. Judo.
Ces affaires, inscrites sous les numéros 7674, 7675, 7695, 7750, 7771 et 7773 du rôle de la Cour, ont été jointes.
Des mémoires ont été introduits par :
- le Conseil des ministres, assisté et représenté par Me E. Jacubowitz, avocat au barreau de Bruxelles;
- le Gouvernement flamand, assisté et représenté par Me B. Martel, Me A. François, Me K. Caluwaert et Me C. Fornoville, avocats au barreau de Bruxelles.
Les parties requérantes ont introduit des mémoires en réponse.
Le Gouvernement flamand a également introduit des mémoires en réplique.
Par ordonnance du 13 juillet 2022, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteurs J. Moerman et J.-P. Moerman, a décidé que les affaires étaient en état, qu’aucune audience ne serait tenue, à moins qu’une partie n’ait demandé, dans le délai de sept jours suivant la réception de la notification de cette ordonnance, à être entendue, et qu’en l’absence d’une telle demande, les débats seraient clos le 1er août 2022 et les affaires mises en délibéré.
À la suite des demandes de plusieurs parties à être entendues, la Cour, par ordonnance du 21 septembre 2022, a fixé l’audience au 12 octobre 2022.
À l’audience publique du 12 octobre 2022 :
- ont comparu :
. Me F. Judo, pour les parties requérantes dans les affaires nos 7674, 7675, 7771 et 7773;
. Me S. Ronse, pour les parties requérantes dans l’affaire n° 7695;
. Me P. Peerens, pour les parties requérantes dans l’affaire n° 7750;
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. Me E. Jacubowitz, pour le Conseil des ministres;
. Me B. Martel, Me A. François et Me T. Coen, avocat au barreau de Bruxelles, pour le Gouvernement flamand;
- la juge J. Moerman et le juge T. Giet, rapporteur en remplacement du juge émérite J.-P. Moerman, ont fait rapport;
- les avocats précités ont été entendus;
- les affaires ont été mises en délibéré.
Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives à la procédure et à l’emploi des langues ont été appliquées.
II. En droit
-A-
Quant à la recevabilité
A.1.1. Le Gouvernement flamand fait valoir que les parties requérantes ne justifient pas, dans le cadre de certains des moyens qu’elles invoquent, de l’intérêt requis à l’annulation demandée de certains articles, attaqués dans ces moyens, du décret du 9 juillet 2021 « portant modification de divers décrets relatifs au logement » (ci-
après : le décret du 9 juillet 2021). Il observe en outre que, dans le cadre de plusieurs moyens, les parties requérantes ne développent pas des griefs à l’encontre de toutes les dispositions ou parties de ces dispositions attaquées dans ces moyens, et qu’elles n’exposent pas toujours en quoi ces dispositions ou parties de dispositions violent les normes de référence mentionnées auxdits moyens. Il fait enfin valoir que les griefs invoqués par le Conseil des ministres sont irrecevables, en ce qu’ils sont dirigés contre des dispositions que les parties requérantes ont attaquées de manière irrecevable devant la Cour, et que, en ce que les parties requérantes ajoutent, dans leurs mémoires en réponse, des objections nouvelles aux moyens invoqués dans leurs requêtes, ces objections sont irrecevables.
A.1.2. Dans le cadre de l’argumentation qu’elles ont développée au sujet des moyens invoqués, les parties requérantes contestent les exceptions soulevées par le Gouvernement flamand et indiquent qu’elles s’en remettent à la sagesse de la Cour.
Quant aux moyens
En ce qui concerne la conformité aux règles répartitrices de compétences
A.2. Le deuxième moyen dans l’affaire n° 7674, le cinquième moyen dans l’affaire n° 7675, le quatrième moyen dans l’affaire n° 7750 et le premier moyen dans l’affaire n° 7773 sont pris de la violation des règles répartitrices de compétences, et plus particulièrement de la violation des articles 6, § 1er, VI, alinéa 5, 5°, et 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles (ci-après : la loi spéciale du 8 août 1980), en ce que les dispositions attaquées dérogent au droit fédéral des sociétés. Ces moyens, considérés conjointement, sont dirigés contre les articles 79, 83, 87, 105, 122, 124, 128 et 206 du décret du 9 juillet 2021, ainsi que contre les dispositions transitoires qui règlent la cessation de l’agrément des sociétés de logement social et la transition vers les sociétés de logement.
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A.3.1. Les parties requérantes dans l’affaire n° 7750 exposent que l’article 4.39 du Code flamand du logement de 2021, tel qu’il a été remplacé par l’article 79 du décret du 9 juillet 2021, prévoit que les sociétés de logement prennent la forme d’une société à responsabilité limitée et que le Code des sociétés et associations s’y applique, pour autant qu’il n’y soit pas dérogé par ou en vertu du Code flamand du logement de 2021. Selon elles, le législateur décrétal admet donc lui-même qu’il déroge sur certains points au cadre fédéral créé pour les sociétés à responsabilité limitée. Elles relèvent de surcroît que l’article 4.39/2 du Code flamand du logement de 2021, tel qu’il a été remplacé par l’article 83 du décret du 9 juillet 2021, exclut explicitement l’application de l’article 5:102 du Code des sociétés et associations.
Les parties requérantes soulignent que le Conseil d’État a observé que la forme donnée aux nouveaux acteurs du logement s’écarte sur certains points déterminants des règles prévues par le Code des sociétés et des associations, et que cela n’est possible que s’il est satisfait aux conditions liées à l’application des pouvoirs implicites. Les parties requérantes renvoient à l’arrêt de la Cour n° 105/2000 du 25 octobre 2000, par lequel celle-ci a jugé, à propos de dispositions réglementant les sociétés de logement de service public wallonnes, qu’il était satisfait à ces conditions.
Elles estiment toutefois que le contexte dans lequel la Cour a procédé à ce contrôle dans cet arrêt diffère fondamentalement du contexte de la présente affaire, dès lors que, dans l’arrêt n° 105/2000, les sociétés de logement de service public wallonnes ont été qualifiées de personnes morales de droit public et que les dérogations au droit des sociétés qui étaient examinées dans le cadre de cet arrêt n’ont fait que confirmer des principes que les sociétés existantes avaient déjà inscrits dans leurs statuts.
Elles contestent la thèse du Gouvernement flamand selon laquelle le législateur décrétal a juste fait usage de la liberté que le législateur fédéral aurait accordée. Elles font valoir que, lorsque le législateur fédéral octroie certaines libertés aux sociétés, à leurs fondateurs et à leurs organes, il n’appartient pas au législateur décrétal de revenir sur ces libertés sous le couvert de conditions d’agrément.
A.3.2. Les parties requérantes dans l’affaire n° 7750 critiquent l’article 4.39/5 du Code flamand du logement de 2021, tel qu’il a été remplacé par l’article 87 du décret du 9 juillet 2021, en ce que cette disposition, en prévoyant que les actionnaires privés peuvent proposer la nomination d’un administrateur, règle la composition du conseil d’administration d’une société. Elles estiment qu’il est ainsi dérogé au droit des sociétés fédéral , lequel admet certes la validité de principe de clauses de présentation à caractère obligatoire, mais pas la validité de clauses réservant les nominations aux seuls porteurs d’actions relevant de catégories déterminées.
A.3.3. Les parties requérantes dans l’affaire n° 7750 critiquent également les restrictions apportées par l’article 4.46/3 du Code flamand du logement de 2021, tel qu’il a été remplacé par l’article 105 du décret du 9 juillet 2021, à la distribution d’avantages patrimoniaux à des actionnaires. Elles exposent que l’un des principes de base du droit des sociétés est que personne ne peut être exclu de la participation aux bénéfices. Elles renvoient à cet égard à l’article 5:14 du Code des sociétés et des associations.
A.3.4. Les parties requérantes dans l’affaire n° 7750 estiment que l’article 4.51 du Code flamand du logement de 2021, tel qu’il a été inséré par l’article 122 du décret du 9 juillet 2021, n’est pas conforme non plus aux règles répartitrices de compétences, en ce que le Gouvernement flamand peut désigner un mandataire ad hoc qui remplace en tout ou en partie l’organe d’administration de la société de logement. Elles soulignent que les dispositions fédérales qui règlent la désignation de mandataires pouvant remplacer l’organe d’administration ne sont applicables que dans des situations très exceptionnelles et qu’elles nécessitent en outre l’intervention d’un juge.
A.3.5. Les parties requérantes dans l’affaire n° 7750 critiquent l’article 4.53 du Code flamand du logement de 2021, tel qu’il a été remplacé par l’article 124 du décret du 9 juillet 2021, qui règle les effets du retrait de l’agrément de la société de logement. Elles exposent qu’après le retrait de l’agrément, tous les pouvoirs de gestion et d’engagement de la société de logement sont attribués aux liquidateurs désignés par le Gouvernement flamand, et que le Gouvernement flamand est compétent pour fixer le mode de liquidation, pour autoriser les liquidateurs à poser des actes et pour prononcer la clôture de la liquidation. Les parties requérantes estiment qu’il en résulte une ingérence dans l’administration de la société, de sorte qu’il est porté atteinte aux fondements du droit des sociétés fédéral.
A.3.6. Selon les parties requérantes dans l’affaire n° 7750, la règle énoncée à l’article 4.53/3 du Code flamand du logement de 2021, tel qu’il a été remplacé par l’article 128 du décret du 9 juillet 2021, selon laquelle la Société flamande du logement social (« Vlaamse Maatschappij voor Sociaal Wonen ») est subrogée dans les droits et obligations de l’office de location sociale découlant de contrats de location conclus entre le bailleur et l’office de location sociale, n’est pas conforme non plus aux règles répartitrices de compétences. Elles estiment que cette disposition déroge à l’article 2:49 du Code des sociétés et des associations, qui prévoit que les personnes morales
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agissent par leurs organes, et aux articles 2:82 et 2:83 de ce Code, qui prévoient que la société est liquidée par un liquidateur désigné par l’assemblée générale.
A.3.7. Les parties requérantes dans l’affaire n° 7750 estiment que l’article 206, 3°, du décret du 9 juillet 2021
n’est pas conforme non plus aux règles répartitrices de compétences. Elles exposent que cet article limite les droits de vote des actionnaires autres que la Région flamande et les provinces, communes et CPAS situés dans la zone d’activité de la société de logement. Elles estiment qu’il est donc dérogé à l’article 5:54 du Code des sociétés et des associations, qui prévoit que des restrictions aux droits de vote ne sont possibles que si ces restrictions s’appliquent à l’ensemble des actionnaires. Elles sont également d’avis que la disposition déroge aux règles procédurales contenues dans l’article 5:102 du Code des sociétés et des associations.
Elles critiquent également l’article 206, 5°, du décret du 9 juillet 2021, en ce que le droit de présentation régi par cet article ne satisfait pas aux conditions de validité qui, conformément au droit des sociétés fédéral, sont applicables aux clauses de présentation à caractère obligatoire.
A.3.8. Les parties requérantes dans l’affaire n° 7750 estiment que les dispositions attaquées ne sauraient résister au contrôle au regard de l’article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 parce que les conditions liées aux pouvoirs implicites ne sont pas remplies. Elles sont d’avis que les matières réglées par ces dispositions ne se prêtent pas à un régime différencié, que l’incidence sur les compétences fédérales n’est pas marginale et que le Gouvernement flamand ne démontre pas non plus que ces dispositions sont nécessaires à l’exercice des compétences de la Région flamande.
A.4.1. Les parties requérantes dans les affaires nos 7674 et 7675 estiment également que les dispositions attaquées dérogent au droit des sociétés sur plusieurs points. Elles renvoient à cet égard aux articles 79, 87, 105, 122 et 128 du décret du 9 juillet 2021 et aux dispositions transitoires de ce décret qui règlent la cessation de l’agrément des sociétés de logement social et la transition vers les sociétés de logement. Dans leur mémoire en réponse, elles exposent en quoi consisterait la dérogation au droit des sociétés. Elles justifient leur point de vue par des arguments analogues à ceux des parties requérantes dans l’affaire n° 7750.
A.4.2. Les parties requérantes dans les affaires nos 7674 et 7675 déduisent de l’arrêt de la Cour n° 105/2000
du 25 octobre 2000 que, lors de la création, en application de l’article 9 de la loi spéciale du 8 août 1980, d’un établissement public dépendant de la région qui prend la forme d’une société commerciale, il peut être dérogé, en vertu de la compétence propre à la région, à la législation fédérale relative aux sociétés, mais qu’une telle dérogation, lorsqu’il s’agit de personnes morales qui n’ont pas été créées par la région, n’est possible qu’en application de l’article 10 de la loi spéciale précitée (les pouvoirs implicites). Elles estiment que les conditions liées aux pouvoirs implicites ne sont pas respectées en l’espèce. Elles soulignent que la section de législation du Conseil d’État l’a déjà affirmé au sujet de la mesure de désignation d’un mandataire ad hoc par le Gouvernement flamand.
A.5.1. Les parties requérantes dans l’affaire n° 7773 estiment que l’article 87 du décret du 9 juillet 2021, qui insère l’article 4.39/5 dans le Code flamand du logement de 2021, n’est pas conforme aux règles répartitrices de compétences. Elles font valoir que cet article restreint sur différents points la liberté dont disposent les associés et les actionnaires en vertu du droit des sociétés fédéral en ce qui concerne la détermination de la composition de l’organe d’administration de la société. Elles soulignent que, conformément au Code des sociétés et des associations, le contrôle de la société doit revenir aux actionnaires et aux associés, alors que, selon elles, la disposition attaquée confie ce contrôle au Gouvernement flamand. Elles font valoir que l’un des principes généraux du droit des sociétés fédéral est que l’assemblée générale d’une société a le libre choix quant à la nomination des administrateurs. Elles estiment en outre que les règles de rémunération des administrateurs contenues dans la disposition attaquée dérogent à l’article 2:50 du Code des sociétés et des associations.
A.5.2. En ce qui concerne l’article 105 du décret du 9 juillet 2021, qui insère un article 4.46/3 dans le Code flamand du logement de 2021, les parties requérantes dans l’affaire n° 7773 exposent que le droit des sociétés fédéral prévoit qu’après déduction de toutes les dettes, le liquidateur partage tous les éléments patrimoniaux entre les actionnaires ou associés. En imposant des limites de distribution strictes au liquidateur d’une société de logement, la disposition attaquée déroge, selon elles, au droit des sociétés fédéral. Elles font valoir qu’en soumettant la distribution des bénéfices à des conditions décrétales, la disposition attaquée entrave la liberté dont jouit normalement l’assemblée générale sur ce point.
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A.5.3. En ce qui concerne l’article 122 du décret du 9 juillet 2021, qui remplace l’article 4.51 du Code flamand du logement de 2021, les parties requérantes dans l’affaire n° 7773 justifient leur point de vue par des arguments analogues à ceux des parties requérantes dans l’affaire n° 7750. Elles ajoutent que le législateur décrétal ne peut se prévaloir des arrêts de la Cour nos 33/2007 et 64/2015, dès lors que, dans ces arrêts, la Cour n’a pas statué sur la conformité de dispositions législatives aux règles répartitrices de compétences.
A.5.4. En ce qui concerne l’article 128 du décret du 9 juillet 2021, qui remplace l’article 4.53/3 du Code flamand du logement de 2021, les parties requérantes dans l’affaire n° 7773 justifient également leur point de vue par des arguments analogues à ceux des parties requérantes dans l’affaire n° 7750.
A.5.5. Les parties requérantes dans l’affaire n° 7773 estiment que les dispositions attaquées ne sauraient résister au contrôle au regard de l’article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980. Elles sont d’avis que le législateur décrétal n’indique pas suffisamment que l’exercice des pouvoirs implicites en l’espèce n’a qu’une incidence marginale sur la matière fédérale du droit des sociétés.
A.6.1. La première branche du deuxième moyen dans l’affaire n° 7695 est prise de la violation, par les articles 205, § 6, et 215 du décret du 9 juillet 2021, des articles 6, § 1er, IV, 2°, et 10 de la loi spéciale du 8 août 1980. Les parties requérantes contestent l’affirmation selon laquelle, à partir du retrait de l’agrément d’un office de location sociale, la Société flamande du logement social est subrogée de plein droit dans les droits et obligations de cet office de location sociale découlant de contrats conclus entre l’office de location sociale et les bailleurs privés, sans que le bailleur privé puisse marquer son accord en ce sens. Elles contestent également l’affirmation selon laquelle, lors de la création d’une société de logement, les offices de location sociale et les sociétés de logement social cèdent les baux principaux conclus avec des bailleurs privés à la société de logement sans l’accord écrit et préalable du bailleur.
A.6.2. Les parties requérantes dans l’affaire n° 7695 font valoir que les dispositions attaquées violent les règles répartitrices de compétences, en ce que le législateur décrétal intervient de manière drastique dans le droit des obligations, qui est une compétence fédérale résiduelle, sans que cela soit nécessaire. Selon elles, les dispositions attaquées touchent à un des éléments fondamentaux d’une obligation, à savoir la partie au contrat :
après la perte de l’agrément par l’office de location sociale ou après la création d’une société de logement, le bailleur privé qui avait auparavant conclu un contrat de location avec l’office de location sociale aura automatiquement pour partie au contrat la Société flamande du logement social, sans pouvoir marquer son accord en ce sens.
A.7.1. Le Gouvernement flamand estime que le deuxième moyen dans l’affaire n° 7674 et le cinquième moyen dans l’affaire n° 7675 sont irrecevables à défaut d’exposé. Il est d’avis que l’exposé des moyens ne démontre pas en quoi chacune des dispositions attaquées porterait atteinte aux normes de référence invoquées. En ce que les parties requérantes font valoir que les « dispositions transitoires qui règlent la cessation de l’agrément des sociétés de logement social et la transition vers les sociétés de logement » ne sont pas conformes aux règles répartitrices de compétences, l’on n’aperçoit par ailleurs pas clairement quelles sont précisément les dispositions transitoires visées. Il estime également que les parties requérantes ne formulent pas de griefs contre toutes les dispositions mentionnées aux moyens.
A.7.2. Le Gouvernement flamand est d’avis que la première branche du deuxième moyen dans l’affaire n° 7695 est également irrecevable à défaut d’exposé. Il estime en outre que les parties requérantes n’invoquent des griefs que contre l’article 205, § 5, attaqué, du décret du 9 juillet 2021.
A.7.3. En ce qui concerne le quatrième moyen dans l’affaire n° 7750, le Gouvernement flamand estime que le moyen est irrecevable à défaut d’exposé, en ce qu’il est dirigé contre les articles 83 et 87 du décret du 9 juillet 2021 et contre des parties de l’article 4.39 du Code flamand du logement de 2021, introduit par l’article 79 dudit décret, autres que son alinéa 1er, contre des parties de l’article 4.51 du même Code, introduit dans le Code flamand du logement de 2021 par l’article 122 du même décret, autres que son 3°, et contre des parties de l’article 206 du décret du 9 juillet 2021 autres que son alinéa 1er, 3° et 5°. Il fait en outre valoir que la règle introduite par l’article 83 de ce décret ne vaut que pour les nouvelles sociétés de logement, qui ne sont pas la continuation de sociétés de logement social existantes. Selon lui, l’article 83 attaqué n’est donc pas applicable aux parties requérantes dans l’affaire n° 7750.
A.7.4. Le Gouvernement flamand estime que le premier moyen dans l’affaire n° 7773 est irrecevable en ce qu’il est dirigé contre des parties de l’article 4.51 du Code flamand du logement de 2021, tel qu’il a été remplacé
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par l’article 122 du décret du 9 juillet 2021, autres que son 3°, parce qu’aucun grief n’est invoqué contre ces autres parties.
A.7.5. Les parties requérantes contestent les exceptions soulevées par le Gouvernement flamand. Elles estiment qu’elles ont exposé de façon suffisamment claire en quoi les dispositions attaquées violent les règles répartitrices de compétences. Elles sont en outre d’avis que le droit de défense du Gouvernement flamand n’a nullement été entravé, ce qui est attesté, selon elles, par les mémoires détaillés déposés par le Gouvernement flamand.
A.8.1. Sur le fond, le Gouvernement flamand estime en ordre principal que les articles 79, 87, 105, 128 et 206, alinéa 1er, 3° et 5°, attaqués ne nécessitent pas un recours à l’article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980. Il est d’avis que ces articles ne dérogent pas au droit des sociétés fédéral et qu’ils mettent simplement en œuvre la liberté que le législateur fédéral laisse en droit des sociétés. Il fait valoir que le législateur décrétal est habilité, dans le cadre de sa compétence en matière de logement, à fixer des conditions d’agrément et qu’il peut en outre préciser les modalités de la liberté laissée par le législateur fédéral en ce qui concerne la création de sociétés. Il relève également que les régions sont compétentes en matière de coopération intercommunale, conformément à l’article 6, § 1er, VIII, alinéa 1er, 8°, de la loi spéciale du 8 août 1980.
Le Gouvernement flamand estime que le législateur décrétal n’a pas limité la liberté des sociétés à responsabilité limitée de se structurer elles-mêmes, puisqu’il n’a fait qu’adopter des conditions d’agrément, auxquelles les sociétés concernées peuvent se soumettre en toute liberté. Il conteste la thèse des parties requérantes selon laquelle le législateur décrétal, en prévoyant à l’article 4.39 du Code flamand du logement de 2021 que le Code des sociétés et des associations s’applique aux sociétés de logement pour autant qu’il n’y soit pas dérogé, admet lui-même qu’il est dérogé au droit des sociétés. Il renvoie à l’arrêt de la Cour n° 105/2000 du 25 octobre 2000, qui portait sur un décret de la Région wallonne dans lequel figurait une disposition similaire et à l’égard duquel la Cour a néanmoins jugé que le législateur décrétal wallon n’avait pas empiété sur les compétences fédérales et ne devait pas recourir à l’article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980.
A.8.2. En ordre subsidiaire, le Gouvernement flamand estime que les conditions d’application de l’article 10
de la loi spéciale du 8 août 1980 sont remplies en l’espèce. Selon lui, les dispositions attaquées sont nécessaires à la réalisation des objectifs de la politique du logement et à l’objectif d’assigner aux pouvoirs locaux un rôle de régie. Le droit des sociétés fédéral se prête, selon lui, à un régime différencié, dès lors que la flexibilité de la société à responsabilité limitée en est le fer de lance. Selon lui, l’incidence marginale des dispositions attaquées sur le droit des sociétés fédéral résulte du fait que le champ d’application de ces dispositions est limité aux sociétés de logement. Le Gouvernement flamand renvoie à cet égard à l’arrêt de la Cour n° 105/2000 du 25 octobre 2000, et estime qu’il ne peut être déduit de cet arrêt que la nature juridique de droit public ou de droit privé des sociétés de logement aurait une importance quelconque dans le cadre du contrôle au regard de l’article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980. Il se réfère également aux arrêts de la Cour nos 83/97 et 95/98, dans lesquels il a été jugé, à propos des sociétés immobilières de service public bruxelloises, que l’incidence sur le droit des sociétés était marginale, dès lors que les dispositions attaquées portaient exclusivement sur les sociétés immobilières de service public qui fonctionnent en grande partie avec des fonds de la Région.
A.9.1. En ce qui concerne l’article 79 du décret du 9 juillet 2021, le Gouvernement flamand fait valoir que le législateur décrétal a opté pour la forme de la société à responsabilité limitée parce que, depuis l’entrée en vigueur du Code des sociétés et des associations, le statut de l’entreprise sociale est réservé à la société coopérative, parce qu’en raison de la surveillance que l’autorité flamande entendait organiser, la société coopérative ne constituait pas la forme sociétale appropriée pour les sociétés de logement à constituer et parce que, conformément au droit fédéral des sociétés, la société à responsabilité limitée offre beaucoup de flexibilité. Il estime que cette flexibilité permettait au législateur décrétal de déclarer les règles qui s’appliquaient déjà auparavant aux sociétés de logement social applicables aux sociétés de logement, par le biais de conditions d’agrément. Pour lui, le droit des sociétés fédéral ne s’oppose pas à la disposition attaquée.
A.9.2. En ce qui concerne l’article 87 attaqué, le Gouvernement flamand expose que, par cette disposition, le législateur décrétal précise les modalités de la liberté laissée explicitement à l’autorité fédérale de déterminer la composition et le fonctionnement de l’organe d’administration au sein de la société à responsabilité limitée. Il renvoie à cet égard aux articles 5:70 et suivants du Code des sociétés et des associations. Il fait valoir que, par l’article 1:14 du Code des sociétés et des associations, le législateur fédéral n’a en aucune manière voulu déterminer qui doit avoir le pouvoir de contrôle au sein d’une société, et il conteste la thèse des parties requérantes selon laquelle le Gouvernement flamand cherche à obtenir, par l’article 87 attaqué, un contrôle au sens de
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l’article 1:14, § 1er, du Code des sociétés et des associations. Il estime que la disposition attaquée ne déroge en aucune manière à l’article 2:50 du Code des sociétés et des associations, et il souligne que l’article 5:72 du même Code constitue une lex specialis par rapport à cet article 2:50. Il relève que l’article 5:72 du Code des sociétés et des associations prévoit que les administrateurs sont rémunérés pour l’exercice de leur mandat, sauf disposition contraire dans les statuts. Il souligne à cet égard que les sociétés qui veulent être agréées comme sociétés de logement doivent toujours rendre leurs statuts conformes aux conditions d’agrément. Dans la mesure où les parties requérantes prétendent que la disposition attaquée déroge à l’article 5:70 du Code des sociétés et des associations, le Gouvernement flamand estime que la disposition attaquée ne fait que concrétiser la liberté laissée par le législateur fédéral en droit des sociétés en ce qui concerne la composition de l’organe d’administration et le mode de nomination et de révocation de ses membres. En ce qui concerne l’article 4:73, § 1er, alinéa 3, du Code des sociétés et des associations, le Gouvernement flamand souligne que l’article 87 attaqué ne dispose nullement que l’organe d’administration ne disposerait plus de la plénitude de compétence, et que la disposition précitée du Code des sociétés et des associations permet de prévoir un régime statutaire selon lequel les administrateurs constituent un organe d’administration collégial.
En ce qu’il faudrait, en ce qui concerne l’article 87 attaqué, recourir à l’article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980, le Gouvernement flamand estime que les règles introduites par cette disposition sont nécessaires pour éviter toute une panoplie de modèles de gouvernance, de répartition de compétences et de modalités d’administration différents au sein des sociétés de logement et pour garantir la continuité de la pratique existante au sein des sociétés de logement social. Il est d’avis que ces règles se prêtent également à un régime différencié, compte tenu de la flexibilité du droit des sociétés fédéral, et que leur incidence sur les compétences fédérales est marginale.
A.9.3. Selon le Gouvernement flamand, l’article 105, attaqué, du décret du 9 juillet 2021 constitue également une concrétisation d’une liberté laissée par l’autorité fédérale. Il estime que cette disposition ne déroge pas à l’article 5:14 du Code des sociétés et des associations, dès lors que cette disposition n’implique nullement qu’un ou plusieurs actionnaires seraient privés d’une participation aux bénéfices. Selon lui, la limitation des bénéfices réglée par cette disposition vaut en effet pour tous les actionnaires. Selon lui, il ne résulte par ailleurs pas de cet article que les sociétés de logement ne pourraient à aucun moment distribuer des bénéfices à leurs actionnaires. Il souligne que le régime attaqué était déjà contenu dans l’ancienne réglementation relative aux sociétés de logement social, et que ce régime est également repris dans les statuts de ces sociétés. Il renvoie aux articles 1:1 et 2:8, § 2, 11°, du Code des sociétés et des associations, et en déduit que les sociétés peuvent poursuivre des objectifs autres que la distribution de bénéfices. Le Gouvernement flamand fait valoir que le droit commun des sociétés n’exige pas que l’assemblée générale et le liquidateur disposent d’une liberté totale pour déterminer la manière dont ils souhaitent affecter les bénéfices et le solde de liquidation. L’assemblée générale et le liquidateur sont en effet tenus au respect des dispositions légales contraignantes et des dispositions statutaires de la société. Il renvoie à cet égard aux articles 2:8, § 2, 8°, et 2:5, § 1er, alinéa 3, du Code des sociétés et des associations. Mise à part la règle selon laquelle les actionnaires d’une société à responsabilité limitée ne peuvent être totalement exclus de toute participation aux bénéfices ou au solde de liquidation, les statuts peuvent selon lui prévoir toutes les limites de distribution possibles. Il renvoie également à l’article 2:87, § 1er, du Code des sociétés et des associations, dont il résulte, selon lui, que les pouvoirs du liquidateur sont toujours déterminés par la liberté que les statuts lui offrent.
Il souligne enfin que les sociétés de logement doivent adopter les modèles de statuts fixés par le Gouvernement flamand, et que les limites de distribution attaquées sont reprises dans ces modèles de statuts.
En ce qu’il faudrait, en ce qui concerne l’article 87 attaqué, recourir à l’article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980, le Gouvernement flamand estime que la nécessité des règles instaurées résulte de la volonté du législateur décrétal de concrétiser la possibilité de flexibilité d’une manière cohérente, qui tienne compte du besoin d’assurer la continuité de la réglementation actuelle, et plus précisément de conserver la protection existante contre différentes formes de distribution de bénéfices manifestement contraires à la nature, aux activités et au financement des sociétés de logement social et des sociétés de logement. Selon lui, la nécessité d’une intervention décrétale résulte plus concrètement du fait que, sous l’ancien droit des sociétés, la variante de la société à finalité sociale, que les sociétés de logement social devaient obligatoirement adopter, offrait déjà en soi certaines garanties contre des distributions de bénéfices excessives. Il souligne que, du fait de la modification du droit des sociétés, il n’est plus possible d’invoquer cette protection relevant du droit des sociétés, qui doit donc être intégrée d’une autre manière. Il estime que les règles introduites par l’article 105 du décret du 9 juillet 2021 se prêtent également à un régime différencié, compte tenu de la flexibilité du droit des sociétés fédéral et du fait qu’elles sont basées sur des dispositions du droit des sociétés qui régissent les sociétés à finalité sociale et les entreprises sociales.
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A.9.4. En ce qui concerne les articles 122 et 124 du décret du 9 juillet 2021, le Gouvernement flamand estime que le législateur décrétal est pleinement compétent pour édicter des règles propres au logement, et qu’il peut soumettre à des règles de contrôle spécifiques des sociétés qui ont choisi l’agrément comme société de logement, compte tenu de leur implication dans la mise en œuvre de la politique du logement social. Il renvoie à l’arrêt de la Cour n° 116/2008 du 31 juillet 2008, et en déduit que, lorsque le législateur décrétal exerce ses compétences et édicte, dans le cadre de cet exercice, un règlement de contrôle des associations, il n’empiète pas sur le domaine de compétence de l’autorité fédérale. Il estime que les dispositions attaquées sont parfaitement justifiées au regard de la qualité qu’ont les sociétés de logement en tant qu’exécutantes privilégiées de la politique du logement social et au regard des missions d’intérêt général dont elles sont chargées.
En ce qu’il faudrait, en ce qui concerne les articles 122 et 124 attaqués, recourir à l’article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980, le Gouvernement flamand souligne que la mesure qui concerne la désignation d’un mandataire ad hoc est nécessaire pour garantir la bonne exécution de la mission de service public, pour assurer le droit à un logement conforme à la dignité humaine, garanti par la Constitution, et pour protéger le secteur des abus et de la fraude. La matière est selon lui éligible à un régime différencié puisque le droit fédéral des sociétés prévoit également des régimes permettant de désigner des mandataires se substituant à l’organe d’administration. Il ajoute que ces régimes ne nécessitent pas toujours une intervention du juge. Il souligne par ailleurs que l’ancien régime décrétal prévoyait déjà une mesure similaire. La mesure n’a selon lui qu’une incidence marginale sur les compétences de l’autorité fédérale. Il se réfère à la jurisprudence dans laquelle la Cour a admis, d’une part, que des règles qui ne concernent que des sociétés de logement social n’ont qu’une incidence marginale sur les compétences fédérales et, d’autre part, que la possibilité de désigner un mandataire ad hoc dans des structures revêtant la forme juridique d’une société de droit privé, directement ou indirectement financées et contrôlées par une autorité, se prête à un régime différencié et exerce une incidence marginale (arrêts nos 105/2000 et 9/2020). Le Gouvernement flamand souligne que la règle instaurée par l’article 124 attaqué figurait déjà dans la réglementation antérieure, et il estime que cette disposition satisfait également aux conditions liées à l’application des pouvoirs implicites.
A.9.5. En ce qui concerne l’article 128 du décret du 9 juillet 2021, l’on n’aperçoit pas, selon le Gouvernement flamand, en quoi cette disposition pourrait déroger au droit des sociétés fédéral, puisqu’elle n’énonce que des règles relatives à la cession de contrats de location dans le cadre de la matière du logement. Il estime que l’attribution aux régions de la compétence relative aux règles spécifiques concernant la location des biens ou de parties de biens destinés à l’habitation (article 6, § 1er, IV, 2°, de la loi spéciale du 8 août 1980) doit être interprétée largement et offre la possibilité de déroger au droit des obligations fédéral. Il renvoie encore à la justification de la disposition attaquée dans les travaux préparatoires.
A.9.6. En ce qui concerne l’article 206, alinéa 1er, 3°, attaqué, le Gouvernement flamand souligne tout d’abord que cette disposition est une simple reprise de l’ancienne réglementation, et qu’elle figure également dans les statuts des sociétés de logement social. Il estime que, depuis l’entrée en vigueur du Code des sociétés et des associations, le principe « un actionnaire, une voix » est de droit supplétif pour la société à responsabilité limitée, comme l’attesterait l’article 5:42 de ce Code. En ce qui concerne l’article 206, alinéa 1er, 5°, le Gouvernement flamand fait tout d’abord valoir que, conformément à l’article 4.39/2, § 2, du Code flamand du logement de 2021, les communes et les CPAS doivent toujours disposer conjointement de plus de 50 % du total des droits de vote liés aux actions, et qu’en vertu du droit commun des sociétés, ces actionnaires ont donc en principe, de par leur position majoritaire au sein de l’assemblée générale, le pouvoir de nommer tous les membres de l’organe d’administration. Selon lui, la disposition attaquée aboutit donc à ancrer par voie décrétale la faculté pour les actionnaires minoritaires de prévoir dans les statuts qu’un administrateur serait nommé sur leur proposition. Il estime par ailleurs que le droit des sociétés fédéral n’empêche nullement que les présentations en vue de nominations soient réservées aux titulaires de certaines catégories d’actions. Il souligne que la validité de principe d’une clause de présentation à caractère obligatoire est admise tant dans la jurisprudence que dans la doctrine, et qu’il est en l’espèce satisfait aux conditions qui y sont liées. La disposition attaquée prévoit seulement un droit de présentation et ne touche donc pas, selon lui, au pouvoir de l’assemblée générale de nommer des administrateurs.
En ce qu’il faudrait, en ce qui concerne la disposition attaquée, recourir à l’article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980, le Gouvernement flamand estime qu’il est satisfait aux conditions liées à l’application des pouvoirs implicites. Il renvoie à cet égard à la justification figurant dans les travaux préparatoires.
A.10. En ce qui concerne la première branche du deuxième moyen dans l’affaire n° 7695, le Gouvernement flamand estime qu’en vertu de l’article 6, § 1er, IV, 1° et 2°, de la loi spéciale du 8 août 1980, le législateur décrétal
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est effectivement compétent pour adopter, par voie de lex specialis, des règles spécifiques en matière de baux d’habitation, qui peuvent déroger au droit des obligations fédéral général. Il renvoie à cet égard aux travaux préparatoires de la loi spéciale qui a été adoptée dans le cadre de la sixième réforme de l’État, et en déduit que l’attribution aux régions de la compétence de régler spécifiquement la location des biens ou des parties de biens destinés à l’habitation est particulièrement large et permet de déroger au droit des obligations fédéral.
A.11.1. Le Conseil des ministres estime que les dispositions attaquées ne sont pas conformes aux règles répartitrices de compétences. Il considère que ces dispositions ne peuvent être considérées comme une concrétisation de la liberté laissée par le législateur fédéral. Il souligne notamment qu’aux termes de l’article 122
attaqué, le Gouvernement flamand peut imposer de lourdes sanctions qui sont soumises aux seules conditions et procédures déterminées par le Gouvernement flamand lui-même, et qu’en vertu de l’article 128 attaqué, la Société flamande du logement social peut, de sa propre initiative, être subrogée de plein droit dans les droits et obligations de la société de logement. Il est également d’avis que l’article 87 attaqué habilite le Gouvernement flamand à exercer une influence décisive sur la désignation de la majorité des administrateurs et sur l’orientation de la politique de la société. Enfin, il épingle l’article 105 du décret du 9 juillet 2021, qui, selon lui, déroge au droit des sociétés fédéral en prévoyant des limites de distribution lors du partage des avantages patrimoniaux en cas de liquidation.
A.11.2. Le Conseil des ministres estime que le législateur décrétal ne démontre pas la nécessité des dispositions attaquées dans le cadre de la politique de logement visée ni dans celui de l’objectif qui consiste à assigner un rôle de régie aux pouvoirs locaux. Selon lui, les dispositions attaquées limitent la liberté que le législateur fédéral a accordée aux sociétés à responsabilité limitée, sans qu’il soit clairement établi en quoi ces limitations sont nécessaires. Il estime que les dispositions attaquées ont sur les compétences fédérales une incidence qui ne peut être considérée comme marginale. Il fait valoir que ces dispositions touchent un grand nombre d’entreprises et influencent la vie familiale de très nombreux locataires sociaux.
A.11.3. Selon le conseil des ministres, le fait que le droit des sociétés fédéral prévoie des procédures permettant à un administrateur, un mandataire judiciaire ou un mandataire ad hoc de reprendre tout ou partie de l’administration d’une société ne démontre en aucune manière que la mesure introduite par le décret attaqué n’a en ce qui concerne la désignation d’un mandataire ad hoc qu’une incidence marginale sur les compétences fédérales. Dès lors qu’il est dérogé aux procédures fédérales, les garanties que la législation fédérale offre sur ce plan ne s’appliquent pas.
A.12. En ce qui concerne la dérogation au droit des obligations fédéral invoquée par les parties requérantes dans l’affaire n° 7695, le Conseil des ministres estime que le législateur décrétal a agi dans les limites de ses compétences et qu’il ne saurait donc être question d’une violation des règles répartitrices de compétences.
En ce qui concerne l’adoption de la forme juridique d’une société à responsabilité limitée
A.13. Le quatrième moyen dans l’affaire n° 7674, le quatrième moyen dans l’affaire n° 7675 et le cinquième moyen dans l’affaire n° 7773 sont dirigés contre l’article 79 du décret du 9 juillet 2021 et sont pris de la violation de la liberté d’association, telle qu’elle est garantie par l’article 27 de la Constitution, par l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme et par l’article 22 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, en ce que la disposition attaquée oblige les sociétés de logement à prendre la forme juridique d’une société à responsabilité limitée.
A.14. Les parties requérantes estiment que la mesure attaquée viole la liberté d’association, et en particulier la liberté, qui y est liée, de déterminer l’organisation interne de l’association, en ce qu’elle est dénuée de pertinence et disproportionnée aux objectifs poursuivis. Elles expliquent que l’exposé des motifs relatif au Code des sociétés et des associations renvoie, certes, en ce qui concerne la société coopérative, aux principes dits de l’ACI (principes coopératifs), mais que ces principes n’ont pas de base légale en tant que tels. Elles soulignent que le législateur décrétal, pour justifier la pertinence, a explicitement invoqué une plus grande participation des habitants, une plus grande intégration et une plus grande égalité des chances entre les habitants. Elles estiment que, dans une société à responsabilité limitée, une telle participation et une telle implication des locataires sociaux ne sont pas possibles dans la même mesure que dans une société coopérative. Même si, pour motiver son choix de la forme juridique de la société à responsabilité limitée, le législateur décrétal a argué de la simplification du paysage du logement et du souci d’éviter le recours à deux formes de sociétés, elles estiment que l’utilisation de formes de sociétés différentes n’empêche pas la simplification du paysage du logement.
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A.15. Le Gouvernement flamand estime que les moyens ne sont recevables qu’en tant qu’ils sont dirigés contre l’article 4.39, alinéa 1er, du Code flamand du logement de 2021, tel qu’il a été remplacé par la disposition attaquée, puisque les parties requérantes n’invoquent des griefs que contre cet alinéa 1er.
A.16.1. Sur le fond, le Gouvernement flamand estime que le fait d’imposer une forme juridique déterminée aux acteurs du logement social est justifié parce que ces acteurs sont les exécutants privilégiés de la politique flamande du logement, et parce qu’ils sont chargés de la mise en œuvre d’un service public. Il fait valoir que la disposition attaquée n’empêche pas les actionnaires de sociétés de logement social de constituer d’autres personnes morales poursuivant d’autres objets sociaux, et il estime qu’il en résulte que la liberté d’association n’est pas violée.
A.16.2. Le Gouvernement flamand expose que le législateur décrétal a opté pour la forme de la société à responsabilité limitée parce que, depuis l’entrée en vigueur du Code des sociétés et des associations, le statut de l’entreprise sociale est réservé à la société coopérative, parce que la société coopérative, en raison notamment du contrôle que l’autorité flamande entendait organiser, ne constituait pas la forme sociétale appropriée pour les sociétés de logement à constituer, et parce que, conformément au droit des sociétés fédéral, la société à responsabilité limitée permet une grande flexibilité. Il conteste la thèse des parties requérantes selon laquelle les principes de l’ACI ne jouent aucun rôle dans la qualification d’une entreprise en tant que société coopérative, et souligne qu’une société qui se qualifie à tort de société coopérative peut être dissoute judiciairement en vertu du droit des sociétés fédéral. Il souligne que l’entreprise sociale doit être agréée par le Service public fédéral Économie, de sorte que, si le législateur décrétal avait opté pour la forme juridique de l’entreprise sociale, les sociétés de logement devraient être agréées par deux autorités. Selon lui, la flexibilité de la société à responsabilité limitée facilite grandement le passage d’une société coopérative inappropriée à une société à responsabilité limitée.
Il souligne qu’en vertu du droit des sociétés fédéral, il peut même arriver dans certains cas qu’un tel passage s’opère de plein droit. Il estime qu’il ressort de tout ceci que la disposition attaquée est pertinente et proportionnée aux objectifs poursuivis par le législateur décrétal.
En ce qui concerne l’actionnariat des autorités de droit public et la limitation des droits des actionnaires privés
A.17. Le premier moyen dans l’affaire n° 7750, en sa deuxième branche, est pris de la violation, par les articles 83 et 205 du décret du 9 juillet 2021, de la liberté d’entreprendre, telle qu’elle est garantie par les articles II.3 et II.4 du Code de droit économique, lus en combinaison avec les articles 10 et 11 de la Constitution, de la liberté d’association, telle qu’elle est garantie par l’article 27 de la Constitution et par l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme, lus en combinaison avec les articles 10 et 11 de la Constitution, du principe d’égalité et de non-discrimination, garanti par les articles 10 et 11 de la Constitution, et du droit de propriété, tel qu’il est garanti par l’article 16 de la Constitution, en ce que seules certaines autorités de droit public peuvent détenir des actions d’une société de logement.
Le deuxième moyen dans l’affaire n° 7750 est pris de la violation, par les articles 83, 105, 205 et 206 du décret du 9 juillet 2021, des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec l’article 1er du Premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme, en ce que les dispositions attaquées limitent sans justification suffisante et sans compensation les droits des actionnaires privés de sociétés de logement social agréées existantes qui souhaitent conserver leur agrément en se convertissant en une société de logement.
Le quatrième moyen dans l’affaire n° 7773 est pris de la violation, par les articles 83 et 206, lus en combinaison avec les articles 105 et 205, § 4, du décret du 9 juillet 2021, de la liberté d’association, telle qu’elle est garantie par l’article 27 de la Constitution, par l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme et par l’article 22 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, lus en combinaison avec le droit de propriété, tel qu’il est garanti par l’article 1er du Premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme, en ce que les dispositions attaquées prévoient un régime extinctif pour l’actionnariat privé dans les sociétés de logement, avec une limitation des droits que les actionnaires privés peuvent faire valoir vis-à-vis de la société.
A.18. Dans la deuxième branche de leur premier moyen, les parties requérantes dans l’affaire n° 7750 critiquent la règle introduite par l’article 83 du décret du 9 juillet 2021, selon laquelle seuls la Région flamande et les provinces,
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les communes et les CPAS situés dans la zone d’activité de la société de logement peuvent détenir des actions d’une société de logement. Elles critiquent également l’article 205, § 1er, dernier alinéa, de ce décret, en vertu duquel, à partir de la date d’entrée en vigueur du décret, les personnes autres que les provinces, les communes et les CPAS ne peuvent acquérir des actions dans une société de logement social. Elles exposent que le décret ne prévoit une possibilité de rester actionnaire d’une société de logement que pour les actionnaires qui étaient déjà actionnaires d’une société de logement social avant la date d’entrée en vigueur (article 206 du décret du 9 juillet 2021).
Elles estiment que la réglementation précitée limite de manière discriminatoire la liberté d’entreprendre et la liberté d’association, en ce qu’une différence de traitement non justifiée est créée entre certaines personnes morales de droit public et d’autres personnes morales de droit public et de droit privé. Elles estiment que cette différence de traitement ne peut être justifiée par la circonstance que le secteur du logement social est en grande partie financé par des deniers publics, dès lors que les provinces, les communes et les CPAS n’interviennent pas dans le subventionnement du secteur et que la Région flamande, qui intervient effectivement dans ce subventionnement, est soumise à des restrictions lorsqu’elle souscrit des actions d’une société de logement. Elles considèrent en outre que le secteur est aussi financé en grande partie par des moyens privés. Elles contestent la justification donnée dans les travaux préparatoires, basée sur l’intention du législateur décrétal d’assigner aux pouvoirs locaux le rôle de régie de la politique du logement. Elles estiment qu’il y a d’autres manières de garantir la prise en compte de particularismes locaux dans le processus décisionnel des sociétés concernées. Le législateur décrétal a par ailleurs prévu pour les sociétés de logement un large éventail de possibilités de prendre des participations dans d’autres personnes morales, ce qui, selon elles, heurte l’objectif, poursuivi, de renforcement de l’actionnariat public.
A.19.1. Dans le cadre du deuxième moyen dans l’affaire n° 7750, les parties requérantes critiquent le fait que, dans certaines circonstances, des actionnaires autres que la Région flamande, les communes, les provinces et les CPAS
(ci-après : les « autres actionnaires ») ont une possibilité de devenir actionnaires d’une société de logement agréée, mais à des conditions dans lesquelles la valeur de leur action est à peine comparable à la valeur antérieure de celle-
ci. Elles soulignent que les actionnaires peuvent certes choisir de quitter la société en question, mais critiquent le fait qu’ils n’ont alors droit qu’au remboursement de leur apport dans la société.
A.19.2. Selon les parties requérantes dans l’affaire n° 7750, les dispositions attaquées violent le droit de propriété, tel qu’il est garanti par l’article 1er du Premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme. Elles estiment que les restrictions au droit de propriété contenues dans les dispositions attaquées sont graves, puisqu’au maximum un dixième du nombre de voix présentes ou représentées peuvent participer à l’assemblée générale, indépendamment du nombre d’actions dont on dispose, dès lors que les actionnaires publics sont toujours en surreprésentation dans le processus décisionnel et que les statuts peuvent prévoir que les « autres actionnaires » ne peuvent présenter qu’un seul administrateur. Selon elles, il est ainsi dérogé au principe général « un actionnaire, une voix » qui est appliqué en droit des sociétés, et il est créé une différence de traitement qui n’est pas compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution.
A.19.3. Si la Cour devait considérer que les dispositions attaquées sont nécessaires pour atteindre les objectifs poursuivis, les parties requérantes dans l’affaire n° 7750 estiment qu’il resterait nécessaire de prévoir une juste indemnisation. Selon elles, le remboursement aux actionnaires de leur apport dans la société ne constitue pas une indemnité permettant de compenser les restrictions du droit de propriété critiquées, qui se traduisent en réalité par le fait que les actionnaires perdent la possibilité de rester actionnaire tout en jouissant de tous les droits qui en découlent en vertu du droit commun des sociétés.
A.20. Les parties requérantes dans l’affaire n° 7773 font valoir que le choix de l’actionnariat public et la limitation des droits des actionnaires privés entraînent une incompatibilité avec la liberté d’association, en ce que ces mesures affectent radicalement la liberté des sociétés sur le plan de la détermination de leur organisation, de leur structure et de leur administration, et une incompatibilité avec le droit de propriété des actionnaires, en ce que leur droit de vote à l’assemblée générale de la société est fortement limité. Elles justifient leur point de vue par des arguments analogues à ceux des parties requérantes dans l’affaire n° 7750.
A.21.1. Le Gouvernement flamand estime que le premier moyen dans l’affaire n° 7750, en sa deuxième branche, ne serait recevable qu’en tant qu’il est dirigé contre l’article 4.39/2, § 1er, alinéa 1er, du Code flamand du logement de 2021, tel qu’il a été remplacé par l’article 83 du décret du 9 juillet 2021, et contre l’article 205, § 1er, dernier alinéa, de ce décret, dès lors que les parties requérantes n’ont invoqué des griefs que contre ces dispositions. Il considère en outre
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que les parties requérantes ne justifient pas d’un intérêt à l’annulation de l’article 4.39/2, § 1er, alinéa 1er, du Code flamand du logement de 2021, puisque la règle énoncée par cette disposition ne vaut que pour les nouvelles sociétés de logement qui ne sont pas la continuation de sociétés de logement social existantes. Selon lui, le premier moyen dans l’affaire n° 7750, en sa deuxième branche, est également irrecevable en ce qu’il est pris de la violation du principe d’égalité et de non-discrimination, dès lors que les parties requérantes n’exposent pas en quoi ce principe serait violé.
A.21.2. Selon le Gouvernement flamand, le deuxième moyen dans l’affaire n° 7750 est uniquement recevable en ce qu’il est dirigé contre les articles 205, §§ 4 et 5, et 206, alinéa 1er, 3° et 4°, du décret du 9 juillet 2021. Il estime que les parties requérantes n’invoquent pas de griefs contre les autres parties de ces articles, et qu’elles ne justifient pas d’un intérêt à l’annulation de l’article 4.39/2, § 1er, alinéa 1er, du Code flamand du logement de 2021, dès lors que cette disposition ne vaut que pour des nouvelles sociétés de logement. Il estime également que le moyen est irrecevable, faute d’exposé, en ce qu’il est pris de la violation du principe d’égalité et de non-discrimination.
A.21.3. Selon le Gouvernement flamand, le quatrième moyen dans l’affaire n° 7773 ne pourrait être recevable qu’en tant qu’il est dirigé contre l’article 4.39/2, § 1er, alinéa 1er, et § 2, alinéa 1er, du Code flamand du logement de 2021, introduit par l’article 83 du décret du 9 juillet 2021, et contre l’article 206, 1°, 3° et 4°, du décret du 9 juillet 2021. Selon lui, les parties requérantes n’invoquent pas de griefs contre les autres parties de ces articles.
A.21.4. Les parties requérantes contestent les exceptions soulevées par le Gouvernement flamand. Elles estiment qu’elles justifient bel et bien d’un intérêt à attaquer l’article 83 du décret du 9 juillet 2021, dès lors qu’une annulation de la réglementation transitoire énoncée à l’article 206 attaqué aurait pour effet de leur rendre applicable l’article 4.39/2
du Code flamand du logement de 2021, qui leur est encore plus préjudiciable. Elles considèrent en outre que ce dernier article est applicable à tout le moins en partie aux sociétés de logement qui sont la continuation de sociétés de logement social existantes, ce qui, selon elles, ressort du paragraphe 2 de cet article. Elles estiment par ailleurs que des actionnaires privés d’une société de logement social ont un intérêt à ce qu’une disposition exclue l’actionnariat privé de nouvelles sociétés de logement. Elles allèguent également que les différentes parties des articles qu’elles attaquent présentent une connexité.
A.22.1. Sur le fond, le Gouvernement flamand observe que la Cour a déjà jugé, plus précisément par son arrêt n° 64/2015 du 21 mai 2015, que, lorsqu’il y a lieu de prévoir, au sein d’une société de logement social, une différence de traitement entre les actionnaires privés et les actionnaires publics afin que la société de logement social mène une politique qui soit conforme à la politique flamande du logement, cette différence de traitement est raisonnablement justifiée et ne viole pas les articles 10 et 11 de la Constitution.
A.22.2. Le Gouvernement flamand estime que les dispositions attaquées reposent sur une mise en balance minutieuse des différents intérêts que la Région doit prendre en considération pour mettre en œuvre la politique du logement social. Il considère que ces dispositions montrent que le législateur décrétal a tenu compte non seulement des pouvoirs locaux sur lesquels reposent les obligations positives de réaliser le droit fondamental au logement et des locataires sociaux en tant que destinataires de la politique du logement, mais aussi des acteurs actuels du logement social et de leurs actionnaires. Se référant aux travaux préparatoires, le Gouvernement flamand observe que le secteur du logement social est essentiellement financé par l’autorité flamande. Il estime que la Région flamande, puisqu’elle finance le secteur du logement social, peut choisir de désigner les pouvoirs locaux comme partenaires prioritaires pour mettre en œuvre la politique flamande du logement au niveau local. Il souligne à cet égard que le législateur décrétal entendait explicitement assigner un rôle de régie aux pouvoirs locaux.
A.22.3. Selon le Gouvernement flamand, le législateur décrétal était parfaitement conscient des répercussions que la réforme aurait pour les sociétés existantes de logement social et leurs actionnaires. Selon lui, c’est pour cette raison qu’il a élaboré, en faisant usage du large pouvoir d’appréciation dont il dispose, un régime transitoire permettant de limiter au maximum ces répercussions. Il expose que le régime prévoit que les actionnaires peuvent choisir librement parmi plusieurs options : (1) ils peuvent se retirer de la société aux dépens du patrimoine de celle-ci, sachant que le législateur décrétal a renforcé les possibilités de sortie; (2) en tant que membres de l’assemblée générale, ils peuvent participer à la décision de ne pas faire agréer la société de logement social comme société de logement et de ne pas la faire absorber non plus par une société de logement, sachant qu’en cas de dissolution de la société, les actionnaires obtiennent le remboursement de la valeur nominale de leur apport réellement versé et non encore remboursé; et (3) ils peuvent faire usage du régime transitoire qui leur permet de rester actionnaires après la restructuration de la société, sans limitation dans le temps. Il souligne que la survie d’une société de logement social dépend toujours d’un agrément
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octroyé par les autorités publiques et en déduit que les actionnaires sont censés savoir qu’ils détiennent une participation dans une société qui est soumise à un cadre réglementaire spécifique.
A.22.4. Selon le Gouvernement flamand, l’indemnisation prévue par les dispositions attaquées suit les règles de droit commun, et plus précisément les règles applicables aux entreprises sociales. Il estime qu’il n’y aurait aucune raison, d’un point de vue juridique ou politique de prévoir un régime d’indemnisation plus favorable dans le contexte de sociétés actives dans la politique du logement social financée principalement par des deniers publics, . Il est d’avis que l’indemnisation a donc un caractère intégral. Il relève que la section de législation du Conseil d’État, dans son avis du 3 mai 2021, a jugé que le régime d’indemnisation était conforme au droit de propriété.
A.22.5. En ce qui concerne l’article 206, alinéa 1er, 1°, attaqué, aux termes duquel les actionnaires privés ne peuvent en principe pas acquérir des actions supplémentaires ni étendre leurs droits de vote d’une autre manière, le Gouvernement flamand fait remarquer que cette disposition limite le bénéfice du régime transitoire aux personnes qui étaient actionnaires d’une société de logement social existante à la date d’entrée en vigueur du décret du 9 juillet 2021
et au nombre d’actions et de voix dont ils disposaient. Il fait valoir que, dès lors que dans le cadre de la conversion en une société de logement, des opérations de restructuration auront lieu entre des sociétés de logement social dans le cadre desquelles les actionnaires seront indemnisés en actions, la disposition précitée permet expressément que les actionnaires concernés puissent étendre leur participation dans le cadre d’une telle opération. Il estime que ce régime de faveur permettra de minimiser l’impact de la réforme sur les participations existantes des actionnaires privés de sociétés de logement social, sans hypothéquer les objectifs de rationalisation et de démocratisation de la réforme. En ce qui concerne la limitation du droit de vote contenue dans l’article 206, alinéa 1er, 3°, il souligne que ces règles existaient déjà dans la législation décrétale antérieure et qu’elles sont reprises dans les statuts des sociétés de logement social. Selon lui, la règle contenue dans l’article 206, alinéa 1er, 4°, est nécessaire pour garantir le rôle de régie des communes et des CPAS. Il est d’avis que la règle contenue dans l’article 206, alinéa 1er, 5°, vise à empêcher que les objectifs politiques du législateur décrétal soient compromis, et il vise plus précisément à établir que la régie de la société de logement incombe bien aux pouvoirs locaux. Il souligne à cet égard que le droit commun des sociétés n’empêche nullement que le droit de présenter des administrateurs soit réservé à des actionnaires disposant d’une qualité donnée.
A.22.6. Le Gouvernement flamand conteste la thèse des parties requérantes selon laquelle les actionnaires devraient recevoir une compensation parce que des attributs du droit de propriété leur seraient retirés. Il estime que les dispositions attaquées ne prévoient pas une privation du droit de propriété et qu’elles énoncent tout au plus une régulation de ce droit, parce que les actionnaires ne sont pas obligés de faire agréer la société en tant que société de logement. Selon lui, lors du contrôle au regard du droit de propriété, il convient dès lors de vérifier si les dispositions attaquées réalisent un juste équilibre entre les exigences de l’intérêt général et celles de la protection du droit de propriété. Il estime que l’appréciation de cet équilibre doit tenir compte de l’ensemble du dispositif, et plus spécialement de toutes les possibilités offertes aux actionnaires. Il souligne encore que lorsqu’une société de logement social est convertie en une société de logement et que les actionnaires décident d’en rester actionnaires, ils le font en parfaite connaissance de leurs droits dans le nouveau cadre d’agrément.
A.22.7. Si la Cour devait juger que le deuxième moyen dans l’affaire n° 7750 est recevable en ce qu’il est pris de la violation du principe d’égalité et de non-discrimination, le Gouvernement flamand estime qu’on ne pourrait que supposer que les parties requérantes allèguent qu’une éventuelle violation d’un droit fondamental entraînerait aussi automatiquement une violation du principe d’égalité et de non-discrimination. Selon lui, puisqu’il n’y a en l’espèce aucune violation du droit de propriété, ce principe n’est pas non plus violé.
En ce qui concerne l’actionnariat des locataires sociaux
A.23. Le premier moyen dans l’affaire n° 7674 est dirigé contre les articles 83 et 208 du décret du 9 juillet 2021 et est pris de la violation de la liberté d’association, telle qu’elle est garantie par l’article 27 de la Constitution, par l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme et par l’article 22 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, en ce que les dispositions attaquées privent les locataires sociaux de l’actionnariat dans les sociétés de logement social, en limitant les droits qu’ils peuvent faire valoir vis-à-vis de la société.
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Le premier moyen dans l’affaire n° 7675 est identique au premier moyen dans l’affaire n° 7674, à ceci près qu’il est également pris de la violation du droit de propriété, tel qu’il est garanti par l’article 16 de la Constitution et par l’article 1er du Premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme.
A.24.1. Les parties requérantes exposent que l’article 83 du décret du 9 juillet 2021 insère, dans le Code flamand du logement de 2021, un article 4.39/2 aux termes duquel seuls la Région flamande et les provinces, les communes et les CPAS situés dans la zone d’activité de la société de logement peuvent détenir des actions d’une société de logement. Elles ajoutent que l’article 208 du décret du 9 juillet 2021 dispose que, si une société de logement social a permis aux locataires sociaux de souscrire des actions en remplacement du versement d’une garantie locative, les actionnaires concernés sont réputés se retirer de plein droit avec ces actions à la date d’entrée en vigueur du décret, la part de retrait à laquelle le locataire social a droit étant convertie de plein droit en une garantie locative.
A.24.2. Les parties requérantes estiment que les dispositions attaquées violent la liberté d’association, en ce qu’elles excluent un actionnariat privé dans les sociétés de logement, et en particulier en ce qu’elles empêchent les locataires sociaux d’être actionnaires. Elles déduisent des travaux préparatoires que, par l’actionnariat public, le législateur décrétal a entendu mieux aligner la politique et la stratégie des sociétés de logement sur celles des pouvoirs locaux. Elles estiment toutefois que les mesures prises sont dénuées de pertinence et disproportionnées à cet objectif. Elles estiment que cette harmonisation est déjà garantie, entre autres, par la concertation locale sur le logement organisée au sein du Conseil du logement de la ville. Elles sont également d’avis que le législateur décrétal n’a pas motivé de manière cohérente la pertinence des mesures, puisqu’il a prévu pour les actionnaires privés qui ne sont pas des locataires sociaux une mesure moins radicale que pour les actionnaires privés qui sont locataires sociaux.
A.25.1. Les parties requérantes dans l’affaire n° 7675 estiment que les dispositions attaquées sont aussi contraires au droit de propriété. Selon elles, l’obligation de transférer des actions à des conditions que les actionnaires ne peuvent pas déterminer eux-mêmes peut être considérée comme une privation de propriété au sens de l’article 16 de la Constitution et de l’article 1er, paragraphe 1, deuxième phrase, du Premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme.
A.25.2. Les parties requérantes dans l’affaire n° 7675 allèguent que les mesures attaquées ne sont pas assorties d’une juste indemnisation. Elles soulignent que les locataires-actionnaires ont droit, en vertu de l’article 208 attaqué, à une part de retrait qui ne doit pas être payée, mais qui est convertie de plein droit en une garantie locative. Elles déduisent des articles 105 et 205, § 4, du décret du 9 juillet 2021 que la part de retrait est égale à la valeur nominale de l’apport au patrimoine de la société de logement réellement versé et non encore remboursé, telle qu’enregistrée au moment de l’apport. Elles estiment que la part de retrait ne constitue donc pas une réparation intégrale du préjudice subi ni une juste indemnisation. Elles renvoient à cet égard à un avis du Conseil d’État du 5 décembre 2016. Elles soutiennent en outre que l’octroi d’une part de retrait constitue une compensation uniquement financière, et qu’il ne compense pas la perte du droit de participer à l’assemblée générale de la société.
A.26. Le deuxième moyen dans l’affaire n° 7675 est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, en ce que l’article 208 du décret du 9 juillet 2021 fait naître une différence de traitement non raisonnablement justifiée entre les actionnaires privés, selon qu’ils sont ou non des locataires sociaux.
A.27. Les parties requérantes dans l’affaire n° 7675 exposent que, pour les actionnaires privés qui ne sont pas locataires, il est prévu non pas une mesure semblable à celle qui est contenue dans l’article 208 du décret du 9 juillet 2021, mais une limitation de leur pouvoir de décision au sein de la société. Elles estiment que la différence de traitement entre les actionnaires privés qui ne sont pas des locataires et les actionnaires privés qui sont des locataires n’est pas raisonnablement justifiée. Elles soutiennent tout d’abord que la différence de traitement ne repose pas sur un critère objectif, dès lors que le législateur décrétal n’a en aucune manière précisé pourquoi les actionnaires privés qui sont des locataires sociaux ne peuvent plus être actionnaires d’une société de logement social, alors que d’autres actionnaires privés peuvent rester actionnaires. Elles estiment en outre que la différence de traitement est dénuée de pertinence et disproportionnée à l’objectif poursuivi en ce qui concerne l’alignement de la politique et de la stratégie des sociétés de logement sur la politique et la stratégie des pouvoirs locaux. Elles justifient leur point de vue par des arguments analogues à ceux qu’elles ont formulés dans le cadre du premier moyen dans les affaires nos 7674 et 7675.
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A.28.1. Le Gouvernement flamand estime que le premier moyen dans l’affaire n° 7674 et le premier moyen dans l’affaire n° 7675 sont irrecevables en ce qu’ils sont dirigés contre l’article 83 du décret du 9 juillet 2021, puisque les parties requérantes ne développent aucun grief contre cette disposition et n’exposent pas non plus en quoi cette disposition violerait les normes de référence invoquées. En outre, la disposition introduite par cet article dans le Code flamand du logement de 2021 ne s’applique selon lui qu’aux nouvelles sociétés de logement qui ne sont pas la continuation de sociétés de logement social existantes. En ce qui concerne l’article 208 du décret du 9 juillet 2021, le Gouvernement flamand estime que les parties requérantes ne développent des griefs que contre l’alinéa 1er de cette disposition. Selon lui, les moyens ne sont donc recevables qu’en ce qu’ils sont dirigés contre l’article 208, alinéa 1er, du décret du 9 juillet 2021.
A.28.2. Les parties requérantes dans les affaires nos 7674 et 7675 contestent l’affirmation selon laquelle elles n’ont pas invoqué de griefs contre l’article 83 du décret du 9 juillet 2021 dans leurs requêtes.
A.29.1. Le Gouvernement flamand déduit de la jurisprudence de la Cour que la liberté d’association n’interdit pas à l’autorité publique de soumettre des associations qui participent à la réalisation d’une mission d’intérêt général et qui perçoivent des subventions publiques à des modalités de fonctionnement et de contrôle justifiées par leur rapport particulier avec l’exercice des missions de service public.
A.29.2. Le Gouvernement flamand déduit des travaux préparatoires qu’avec l’article 208 du décret du 9 juillet 2021, le législateur décrétal a voulu mettre un terme à la pratique illégale de certaines sociétés de logement social consistant à faire souscrire des actions à des locataires sociaux en remplacement du paiement d’une garantie locative. Il renvoie à cet égard à l’article 6.26 du Code flamand du logement de 2021 et à l’article 6.61, § 1er, alinéa 1er, de l’arrêté du Gouvernement flamand du 11 septembre 2020 « portant exécution du Code flamand du Logement de 2021 » et estime qu’il ressort de ces articles que, dans le contexte du logement social, le paiement d’une garantie locative est rendu obligatoire par voie décrétale. Il fait valoir qu’il n’est pas autorisé de remplacer l’obligation de payer une garantie locative par la souscription d’actions d’une société de logement social, même si ces actions sont ensuite données en nantissement. Selon le Gouvernement flamand, lorsqu’une société de logement social oblige les locataires sociaux à acheter des actions de la société, cette pratique enfreint non seulement les prescriptions décrétales relatives à la garantie locative, mais aussi les prescriptions relatives aux conditions que les candidats locataires doivent remplir pour pouvoir prétendre à la location d’un logement social.
A.29.3. Le Gouvernement flamand estime que l’objectif poursuivi par le législateur décrétal est licite et que les parties requérantes considèrent à tort que l’objectif poursuivi se rapporte à l’actionnariat public des futures sociétés de logement. Il est également d’avis que la disposition attaquée est pertinente et proportionnée à l’objectif de mettre un terme à une pratique illégale.
A.30. En ce qui concerne la violation alléguée du droit de propriété, le Gouvernement flamand expose que la disposition attaquée prévoit essentiellement un retrait de plein droit d’une catégorie spécifique d’actionnaires d’une société, moyennant paiement d’une part de retrait fixée par voie décrétale. Il ajoute que le régime d’indemnisation prévu suit les règles du droit commun des sociétés et considère que le décret prévoit ainsi une indemnisation intégrale des actionnaires concernés. Il estime qu’aucune distinction ne doit être faite à cet égard entre le droit de propriété d’actionnaires qui se retirent volontairement de la société et celui d’actionnaires qui ne le font pas volontairement. Enfin, il rappelle l’article 208, alinéa 2, du décret du 9 juillet 2021, qui prévoit, selon lui, une compensation supplémentaire pour les actionnaires concernés.
A.31. À supposer que la Cour juge que le premier moyen dans l’affaire n° 7674 est recevable en ce qu’il est dirigé contre l’article 83 du décret du 9 juillet 2021, il estime que le moyen n’est pas non plus fondé. Il justifie sa position en développant des arguments analogues aux arguments invoqués par les parties requérantes dans l’affaire n° 7750 dans la deuxième branche de leur premier moyen.
A.32.1. En ce qui concerne le deuxième moyen dans l’affaire n° 7675, le Gouvernement flamand estime en ordre principal que les catégories de personnes mentionnées par les parties requérantes ne sont pas comparables.
Selon lui, c’est précisément par souci de préserver les droits des actionnaires privés existants que le législateur a élaboré à l’article 206 du décret du 9 juillet 2021 un régime transitoire qui n’est pas limité dans le temps et permet à ces actionnaires de rester actionnaires d’une société de logement. Il souligne que l’article 206 ne fait à cet égard aucune distinction entre les actionnaires privés selon qu’ils sont locataires sociaux ou non. Selon lui, l’article 208
attaqué met fin à une pratique illégale de certaines sociétés de logement social, mais est en tant que tel sans lien
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avec la constitution des sociétés de logement. Cette disposition ne vise selon lui que les locataires sociaux qui ont souscrit des actions en remplacement du versement d’une garantie locative. Il souligne que les locataires sociaux qui ont versé une garantie locative ne relèvent pas de l’article 208 attaqué et que les locataires sociaux qui détiendraient des actions pour un montant supérieur à la valeur de la garantie locative ne relèvent de cette disposition qu’en ce qui concerne les actions qu’ils ont souscrites en remplacement de la garantie locative.
B.32.2. À supposer que la Cour juge que les catégories de personnes concernées sont effectivement comparables, le Gouvernement flamand estime que la différence de traitement est objectivement et raisonnablement justifiée. Cette différence de traitement repose selon lui sur un critère objectif, à savoir le fait de détenir ou non des actions en remplacement du versement d’une garantie locative, et poursuit un objectif légitime, à savoir mettre un terme à une situation irrégulière. Selon lui, la mesure attaquée est également pertinente et proportionnée au regard de ce but. Il rappelle l’article 208, alinéa 2, du décret du 9 juillet 2021, qui instaure un régime compensatoire pour les actionnaires concernés.
En ce qui concerne la dissolution de plein droit d’une société et l’indemnisation des actionnaires
A.33. Le troisième moyen dans l’affaire n° 7674 et le troisième moyen dans l’affaire n° 7675 sont dirigés contre les articles 74, 124 et 205 du décret du 9 juillet 2021, et sont pris de la violation de la liberté d’association, telle qu’elle est garantie par l’article 27 de la Constitution, par l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme et par l’article 22 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, en ce que les dispositions attaquées prévoient la dissolution de plein droit des sociétés de logement social lorsque celles-ci ne sont pas agréées comme sociétés de logement à une date donnée et la dissolution de plein droit des sociétés de logement lorsque celles-ci se voient retirer leur agrément. Le premier moyen dans l’affaire n° 7771 et le troisième moyen dans l’affaire n° 7773 ont un contenu identique aux moyens précités, si ce n’est qu’ils sont dirigés exclusivement contre les articles 124 et 205 du décret du 9 juillet 2021. La première branche du premier moyen dans l’affaire n° 7695
est également identique aux moyens précités, à ceci près qu’elle est dirigée contre les articles 104 et 205 du décret du 9 juillet 2021.
Les troisième et quatrième branches du premier moyen dans l’affaire n° 7750 sont dirigées contre les articles 105, 124 et 205, § 5, du décret du 9 juillet 2021, et concernent également – en partie - la dissolution de plein droit d’une société de logement social. Ledit moyen est pris de la violation de la liberté d’entreprise, telle qu’elle est garantie par les articles II.3 et II.4 du Code de droit économique, lus en combinaison avec les articles 10 et 11 de la Constitution, de la liberté d’association, telle qu’elle est garantie par l’article 27 de la Constitution et par l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme, lus en combinaison avec les articles 10 et 11 de la Constitution, du principe d’égalité et de non-discrimination, tel qu’il est garanti par les articles 10 et 11 de la Constitution, et du droit de propriété, tel qu’il est garanti par l’article 16 de la Constitution.
A.34.1. Les parties requérantes exposent que les sociétés de logement social qui, au 31 décembre 2022, ne sont pas agréées ni temporairement agréées comme sociétés de logement perdent leur agrément de plein droit à compter du 1er janvier 2023, conformément à l’article 205, § 5, du décret du 9 juillet 2021, et que les sociétés de logement temporairement agréées qui ne sont pas agréées au 30 juin 2023 perdent aussi de plein droit leur agrément temporaire. Elles soulignent que les articles 74 et 124 du décret règlent l’agrément comme société de logement, le retrait de l’agrément, ainsi que les conséquences de celui-ci.
A.34.2. Les parties requérantes estiment que les mesures attaquées violent la liberté d’association, en ce qu’elles sont dénuées de pertinence et disproportionnées aux objectifs, poursuivis quant à la rationalisation du secteur du logement social et du droit à un logement décent. Elles estiment que le législateur décrétal pouvait prendre des mesures moins radicales pour atteindre ces objectifs. Se référant à un avis du Conseil d’État du 26 mars 1997, elles font valoir que les conditions d’agrément et de subventionnement ne peuvent aboutir à l’adoption de règles qui affectent substantiellement l’existence, l’organisation et le fonctionnement des personnes morales concernées ou qui organisent de manière générale un contrôle administratif à l’égard de ces personnes morales.
Une mesure qui aboutit à ce que le retrait de l’agrément entraîne de plein droit la dissolution de la société de logement social ne peut, selon elles, s’inscrire dans un régime d’agrément et de subventionnement et n’est pas compatible avec la liberté d’association. Se référant à un avis du Conseil d’État du 5 décembre 2016, elles font valoir qu’une fusion forcée comme sanction du non-respect d’une condition d’agrément n’est pas proportionnée à l’objectif poursuivi de garantir une politique du logement social plus efficace. Elles relèvent que, dans le cadre de l’examen des dispositions attaquées, il doit être tenu compte du nouveau contexte créé par le décret du 9 juillet 2021. Elles estiment que la disproportion de la mesure prise résulte aussi du fait que le délai entre la publication
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des dispositions attaquées et la dissolution d’une société est déraisonnablement court. Elles font valoir que le délai dont les sociétés de logement social et les offices de location sociale disposent pour parvenir à une fusion en un seul acteur du logement est particulièrement court, au vu de la complexité d’une telle mission.
A.34.3. La critique formulée par les parties requérantes dans l’affaire n° 7695 est également dirigée contre l’article 104 du décret du 9 juillet 2021. Elle porte sur le fait que, selon les dispositions attaquées, un acteur du logement existant ne peut être agréé comme société de logement qu’à la condition qu’il gère au moins 1 000 logements locatifs sociaux, et sur le fait que, si l’acteur du logement ne satisfait pas aux conditions d’agrément avant le 31 décembre 2022, celui-ci sera dissous de plein droit.
A.35.1. Le troisième moyen dans l’affaire n° 7695 est pris de la violation, par l’article 205, § 5, du décret du 9 juillet 2021, de l’article 16 de la Constitution et de l’article 1er du Premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme, en ce que la norme attaquée dispose qu’après la dissolution de plein droit de la société de logement social, les actionnaires reçoivent au maximum la valeur nominale de leur apport réellement versé. Selon les parties requérantes, un tel paiement aux actionnaires d’au maximum la valeur nominale de leurs actions ne pourrait en aucun cas être considéré comme une juste indemnité, puisqu’il ne tient pas compte de la valeur réelle de leurs actions. Elles justifient leur point de vue en développant des arguments analogues à ceux que les parties requérantes ont invoqués dans l’affaire n° 7675 dans le cadre de leur premier moyen.
A.35.2. Dans les troisième et quatrième branches du premier moyen dans l’affaire n° 7750, les parties requérantes formulent des critiques analogues à celles qui sont formulées dans le troisième moyen dans l’affaire n° 7695, si ce n’est que leurs critiques sont également dirigées contre les articles 105 et 124 du décret du 9 juillet 2021. Selon les parties requérantes dans l’affaire n° 7750, la circonstance que, lors de la dissolution, après apurement du passif de la société de logement social ou de la société de logement, les actionnaires reçoivent au maximum la valeur nominale de leur apport à l’actif de la société de logement social réellement versé et non encore remboursé et que le patrimoine qui subsiste ensuite est transféré à une ou plusieurs sociétés de logement désignées par le Gouvernement flamand constitue une forme de privation de propriété qui viole l’article 16 de la Constitution, puisque cet article exige une indemnisation intégrale.
A.36. Le Gouvernement flamand estime que les moyens invoqués contre l’article 205 du décret du 9 juillet 2021 ne sont recevables que dans la mesure où ils concernent le paragraphe 5 de cet article, dès lors que les parties requérantes n’ont pas développé de griefs contre les autres parties de cet article. Selon lui, il ne peut par ailleurs être déduit des requêtes dans les affaires nos 7674 et 7675 que les parties requérantes formulent des griefs contre les articles 74 et 124 du décret du 9 juillet 2021.
En ce qui concerne la troisième branche du premier moyen dans l’affaire n° 7750, il estime qu’elle n’est recevable que dans la mesure où elle est dirigée contre l’article 4.53, alinéa 1er, du Code flamand du logement de 2021, tel qu’il a été remplacé par l’article 124 attaqué, et contre l’article 205, § 5, du décret du 9 juillet 2021. Il estime que les parties requérantes n’invoquent pas de griefs contre les autres parties de ces articles.
A.37.1. Sur le fond, le Gouvernement flamand observe tout d’abord que la sanction du retrait de l’agrément et la dissolution consécutive de plein droit ne sont pas nouvelles. Il expose que le décret du 15 juillet 1997
« contenant le Code flamand du Logement » prévoyait déjà ladite sanction et que celle-ci a été maintenue lors des modifications ultérieures de la réglementation. Il relève que les parties requérantes n’ont pas attaqué les dispositions en question devant la Cour et que leur contenu est également repris dans les statuts de certaines des parties requérantes. Il estime que la prétendue incertitude quant à la survie des sociétés fait donc partie de l’essence même de ces sociétés.
A.37.2. Le Gouvernement flamand fait ensuite valoir que l’avis du Conseil d’État du 26 mars 1997 auquel les parties requérantes se réfèrent ne tient pas suffisamment compte de la situation particulière des sociétés de logement social. Se référant à la réponse du ministre compétent de l’époque au sujet de l’avis précité, il fait valoir qu’il est très difficile de récupérer des subventions accordées pour la construction de logements sociaux parce que les habitations ont entre-temps été vendues ou parce que cela nécessiterait de les mettre en vente. Le Gouvernement flamand observe que le Conseil d’État, dans ses avis ultérieurs, n’a plus soulevé d’objections contre la sanction attaquée, voire s’y est référé dans un avis du 5 décembre 2016. Selon lui, l’avis du 16 décembre 2008, qui porte sur l’organisation et le financement de la politique en matière de sciences et d’innovation, ne peut pas simplement être transposé à la situation particulière des sociétés de logement social et des sociétés de logement. Il se réfère également à la jurisprudence de la Cour dont il déduit que cette dernière a déjà tenu compte de la sanction précitée.
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A.37.3. Le Gouvernement flamand estime que la mesure attaquée ne viole pas la liberté d’association. Il estime que la mesure de dissolution de plein droit de la société est nécessaire pour garantir la continuité de l’affectation comme patrimoine de logements sociaux des avoirs immobiliers de la société en question et pour prévoir une forme de protection patrimoniale de l’immobilier subventionné. Il souligne que la dissolution de plein droit et la liquidation subséquente de la société s’imposent pour que l’on puisse continuer à affecter à la politique régionale de logements sociaux le patrimoine de logements sociaux subventionnés par l’autorité publique. Il souligne que la société de logement social dont l’agrément a été retiré ne peut plus réaliser son objet social.
A.37.4. Dans la mesure où les parties requérantes font valoir que la disproportion de la mesure prise résulte aussi du fait que le délai entre la publication des dispositions attaquées et la dissolution d’une société est déraisonnablement court, le Gouvernement flamand estime que ce grief est sans rapport avec la violation de la liberté d’association alléguée par les parties requérantes. Il est par ailleurs d’avis que le délai précité n’est pas déraisonnablement court, puisqu’il est supérieur à un an. Il relève encore que le législateur décrétal a aussi prévu de surcroît la possibilité de demander, si nécessaire, un agrément temporaire.
En ce qui concerne la première branche du premier moyen dans l’affaire n° 7695, le Gouvernement flamand fait encore valoir que la condition d’agrément portant sur le fait d’avoir en gestion au moins 1 000 logements locatifs sociaux ne doit être remplie qu’au 1er janvier 2024. Il souligne en outre que cette condition d’agrément n’est pas nouvelle.
A.38. En ce qui concerne le régime d’indemnisation des actionnaires en cas de dissolution de la société (troisième moyen dans l’affaire n° 7695 et troisième et quatrième branches du premier moyen dans l’affaire n° 7750), le Gouvernement flamand justifie son point de vue en développant des arguments analogues à ceux qui sont invoqués dans l’affaire n° 7675 dans le cadre du premier moyen.
En ce qui concerne le principe d’une société de logement agréée unique par zone d’activité
A.39. Dans la première branche du premier moyen dans l’affaire n° 7750, qui est dirigée contre les articles 74, 76 et 77 du décret du 9 juillet 2021, les parties requérantes critiquent le principe d’un acteur du logement agréé unique par zone d’activité. Le premier moyen dans l’affaire n° 7750 est pris de la violation de la liberté d’entreprendre, telle qu’elle est garantie par les articles II.3 et II.4 du Code de droit économique, lus en combinaison avec les articles 10 et 11 de la Constitution, de la liberté d’association, telle qu’elle est garantie par l’article 27 de la Constitution et par l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme, lus en combinaison avec les articles 10 et 11 de la Constitution, du principe d’égalité et de non-discrimination, tel qu’il est garanti par les articles 10 et 11 de la Constitution, et du droit de propriété, tel qu’il est garanti par l’article 16 de la Constitution.
A.40. Les parties requérantes exposent que les dispositions attaquées sont contraires à la liberté d’entreprendre et à la liberté d’association en ce qu’elles obligent les acteurs du logement actuellement actifs dans une zone d’activité donnée à fusionner ou à se scinder s’ils veulent poursuivre leur activité en tant qu’acteur du logement agréé dans cette zone. Selon elles, le législateur décrétal peut certes imposer des modalités de fonctionnement et de contrôle à des sociétés qui perçoivent des subventions publiques, mais ces règles ne peuvent pas aboutir à ce que l’existence, l’organisation et le fonctionnement des personnes morales concernées soient radicalement affectés. Elles soulignent qu’en l’espèce, il ne s’agit pas de personnes morales de droit public mais de sociétés, et que les sociétés de logement social qui ne souhaitent pas adhérer au processus de scission et de fusion perdront leur agrément et donc leur droit de continuer à exister.
A.41.1. Le Gouvernement flamand estime que la première branche du moyen n’est recevable qu’en ce qu’elle est dirigée contre les articles 4.37, deuxième phrase, et 4.38, § 2, du Code flamand du logement de 2021, tels qu’ils ont été remplacés par les articles 76 et 77 attaqués, puisque les parties requérantes n’invoquent des griefs que contre ces dispositions.
A.41.2. Les parties requérantes répondent qu’elles contestent la conversion obligatoire d’acteurs du logement en sociétés de logement et la limitation à une seule société de logement par zone d’activité, et que les différentes parties des articles attaqués sont liées.
A.42.1. Sur le fond, le Gouvernement flamand estime que les dispositions attaquées ne violent pas la liberté d’association ni la liberté d’entreprendre. Il fait valoir que les sociétés de logement social sont les exécutants privilégiés
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de la politique flamande du logement et qu’elles sont chargées de l’exercice d’une mission de service public. Se référant à la jurisprudence de la Cour, il estime que c’est à l’autorité compétente qu’il appartient de choisir la voie la plus appropriée pour mettre en œuvre les missions de service public dont elle est chargée. Il estime que le législateur décrétal peut donc offrir un cadre de fonctionnement aux sociétés de logement social et prendre les mesures nécessaires pour qu’elles mènent une politique conforme à la politique flamande du logement. Selon lui, le législateur décrétal peut réaliser cet objectif en prévoyant des conditions d’agrément et de subventionnement pouvant varier en fonction des exigences changeantes de l’intérêt général. Il renvoie aux travaux préparatoires du décret attaqué et souligne que le législateur décrétal a motivé de manière circonstanciée la nécessité de modifier les conditions d’agrément. Selon lui, les sociétés de logement actuelles sont libres de se réorganiser pour remplir les nouvelles conditions d’agrément, ou de décider de procéder à la dissolution de la société conformément à leurs propres statuts. Par ailleurs, rien n’empêche les actionnaires de constituer une nouvelle personne morale qui pourra acquérir un patrimoine immobilier et mettre des logements sociaux en location.
A.42.2. Le Gouvernement flamand estime que l’avis du Conseil d’État auquel les parties requérantes font référence, qui porte sur la création du Fonds national de la recherche scientifique, ne peut être déclaré applicable par analogie aux sociétés de logement social. Il renvoie à l’arrêt de la Cour n° 19/2022 du 3 février 2022 et en déduit que la survie d’une société de logement social dépend toujours du maintien de l’agrément accordé par l’autorité publique, de sorte que les conditions d’agrément touchent par définition à la survie des sociétés de logement social. Il observe que les statuts des première et deuxième parties requérantes montrent que les sociétés en question peuvent être dissoutes à la suite d’une obligation de fusion imposée par le Gouvernement flamand et à la suite du retrait de l’agrément.
A.42.3. Le Gouvernement flamand estime que le législateur décrétal ne se prononce pas sur la façon dont les sociétés de logement social doivent se conformer aux conditions d’agrément, et que c’est aux sociétés de logement social elles-mêmes qu’il appartient d’organiser de commun accord cette mise en conformité. Selon lui, même s’il devait être question d’une fusion ou d’une scission imposée par l’autorité publique, celle-ci ne constitue pas nécessairement une violation de la liberté d’association. Il se réfère à cet égard à l’arrêt de la Cour n° 1/97 du 16 janvier 1997.
En ce qui concerne la désignation d’un mandataire ad hoc
A.43. La cinquième branche du premier moyen dans l’affaire n° 7750 est dirigée contre l’article 122 du décret du 9 juillet 2021, qui insère dans le Code flamand du logement de 2021 une règle en vertu de laquelle le Gouvernement flamand peut, à titre de sanction, désigner un mandataire ad hoc qui remplace en tout ou en partie l’organe d’administration de la société de logement et qui sera rémunéré par la société de logement pour les prestations effectuées dans le cadre de cette mission. Le premier moyen dans l’affaire n° 7750 est pris de la violation de la liberté d’entreprendre, telle qu’elle est garantie par les articles II.3 et II.4 du Code de droit économique, lus en combinaison avec les articles 10 et 11 de la Constitution, de la liberté d’association, telle qu’elle est garantie par l’article 27 de la Constitution et par l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme, lus en combinaison avec les articles 10 et 11 de la Constitution, du principe d’égalité et de non-discrimination, tel qu’il est garanti par les articles 10
et 11 de la Constitution, et du droit de propriété, tel qu’il est garanti par l’article 16 de la Constitution.
A.44. Les parties requérantes estiment que la disposition attaquée viole la liberté d’entreprendre et la liberté d’association. Elles déduisent de l’utilisation du terme « sanction » que le législateur décrétal a voulu prévoir une peine.
Elles estiment que, même si le législateur décrétal avait voulu garantir la qualité du service, il aurait pu prévoir des mesures moins radicales. Elles renvoient à des avis du Conseil d’État dont elles déduisent que la désignation d’un mandataire ad hoc intervient à l’excès dans l’administration d’une société, dès lors que cette mesure équivaut à une subrogation. Elles estiment que la mesure s’apparente à l’autorité hiérarchique, et que la liberté d’association et la liberté d’entreprendre restreignent le contrôle qu’une autorité peut exercer à l’égard de personnes morales de droit privé.
A.45.1. Le Gouvernement flamand estime que la cinquième branche du premier moyen dans l’affaire n° 7750
ne pourrait être recevable que dans la mesure où elle est dirigée contre l’article 4.51, alinéa 1er, 3°, du Code flamand du logement de 2021, tel qu’il a été remplacé par l’article 122 du décret du 9 juillet 2021, puisque les parties requérantes n’invoquent des griefs que contre cette partie de l’article. Il est par ailleurs d’avis que les première et deuxième parties requérantes n’expliquent pas en quoi elles pourraient être affectées par la règle contenue dans l’article 4.51, alinéa 1er, 3°, du Code flamand du logement de 2021. Il estime que les autres parties requérantes n’expliquent pas non plus en
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quoi la désignation d’un mandataire ad hoc porterait atteinte à leur liberté d’association, étant donné que cette mesure n’a aucune incidence sur leur possibilité ou leur capacité à aliéner leurs actions ou à se retirer de la société. Selon lui, elles n’expliquent pas non plus en quoi leur liberté d’entreprendre serait affectée.
A.45.2. Les parties requérantes répondent que, pour assurer leur survie, les deux premières parties requérantes, qui sont des sociétés de logement social, devront se convertir en une société de logement à laquelle s’appliquera la disposition attaquée. Elles soulignent que les actionnaires privés qui sont requérants subiront alors également les conséquences de la disposition attaquée.
A.46. Sur le fond, le Gouvernement flamand relève que, pour l’autorité flamande, les conditions d’agrément et de subventionnement constituent l’instrument qui leur permet d’aligner la politique du logement social sur les exigences changeantes de l’intérêt général. Il estime que la particularité des sociétés de logement social justifie pleinement que les conditions d’agrément touchent à l’existence, à l’organisation et au fonctionnement de ces personnes morales, et ajoute que la Cour l’a déjà admis. Pour autant que l’on puisse parler d’une ingérence dans la liberté d’association ou dans la liberté d’entreprendre, force est de constater que la mesure critiquée a été adoptée par décret, qu’elle poursuit un but légitime et qu’elle est proportionnée. Il souligne que la mesure attaquée n’a pas la nature d’une peine, puisqu’elle n’a pas pour objet ou pour effet de constater la faute de l’entité concernée. La mesure a selon lui pour objet de protéger le secteur des actes de mauvaise gestion, des abus et de la fraude. Il estime qu’il ressort de l’arrêt n° 9/2020 du 16 janvier 2020 que la Cour a déjà jugé que la possibilité de désigner un mandataire ad hoc dans une société de droit privé financée et contrôlée directement ou indirectement par l’autorité publique est justifiée. Il souligne enfin que la désignation d’un mandataire ad hoc sans l’intervention préalable du juge est une mesure que prévoient également d’autres réglementations, notamment pour les établissements de crédit et d’assurance.
En ce qui concerne le transfert de biens à une société de logement agréée
A.47. Le troisième moyen dans l’affaire n° 7750 est pris de la violation, par les articles 77 et 209 du décret du 9 juillet 2021, des garanties constitutionnelles qui s’appliquent en cas de privation de propriété, et qui sont offertes par l’article 16 de la Constitution (en ordre principal) et par le principe de la sécurité juridique et les principes de bonne législation (en ordre subsidiaire), en ce que les sociétés de logement social, les offices de location sociale, le Fonds flamand du logement et les sociétés de logement qui possèdent des biens immobiliers dans une zone d’activité donnée, mais ne sont pas agréées comme sociétés de logement pour cette zone, sont forcés de transférer ces biens à la société de logement agréée pour cette zone, sans obtenir la garantie d’une indemnisation intégrale.
A.48.1. Les parties requérantes exposent que le décret attaqué prévoit le principe selon lequel une société de logement ne peut être active que dans la zone d’activité pour laquelle elle est agréée et qu’au vu de ce principe, il introduit des dispositions en vertu desquelles la société de logement acquiert tous les droits des biens immobiliers adaptés au logement social. Selon elles, ces dispositions entraînent également des obligations de transfert de droits sur des biens immobiliers. Elle souligne que l’indemnité que doit payer la société de logement qui intervient en qualité de cessionnaire des droits sur un bien immeuble est réglée par l’article 4.38, § 7, du Code flamand du logement de 2021, tel qu’il a été remplacé par l’article 77 attaqué, sachant que cette disposition ne s’applique que si le transfert ne peut se faire en actions et que les parties ne parviennent pas à un accord sur le prix du transfert des droits. Selon cet article 4.38, § 7, le prix s’élève à la valeur vénale des droits, compte tenu des caractéristiques particulières des sociétés de logement social ou des sociétés de logement, de laquelle sont déduits les prêts et subventions qui n’ont en aucune manière contribué à la valeur marchande du bien immobilier concerné.
A.48.2. La critique des parties requérantes est dirigée contre les mots énoncés à l’article 4.38, § 7, du Code flamand du logement de 2021 « compte tenu des caractéristiques particulières des sociétés de logement social ou des sociétés de logement ». Elles estiment que, par son arrêt n° 33/2007 du 7 mars 2007, la Cour n’a pas jugé que les caractéristiques particulières des sociétés de logement social, si elles interviennent en tant que propriétaires, justifieraient que la valeur vénale du bien soit calculée d’une autre matière que ce qui serait le cas si un particulier ou une autre entreprise était privé de sa propriété. Les parties requérantes font valoir qu’il n’est pas exact que des biens qui appartiennent à des acteurs du logement social ne pourraient pas être vendus sur le marché privé. Les parties requérantes estiment qu’en ce qu’elles indiquent que la valeur vénale du bien pourrait éventuellement être corrigée par les caractéristiques particulières des sociétés de logement, les dispositions attaquées violent l’article 16 de la Constitution.
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A.48.3. En ordre subsidiaire, et pour autant que la Cour juge que les dispositions attaquées ne violent pas l’article 16 de la Constitution, les parties requérantes font valoir que ces dispositions sont contraires au principe de la sécurité juridique et aux principes de bonne législation, en ce que le législateur décrétal a négligé de définir les caractéristiques particulières des sociétés de logement social ou des sociétés de logement.
A.49.1. Le Gouvernement flamand estime que le moyen n’est recevable qu’en ce qu’il est dirigé contre les termes contenus dans l’article 4.38, § 7, du Code flamand du logement de 2021, tel qu’il a été remplacé par l’article 77 attaqué, « compte tenu des caractéristiques particulières des sociétés de logement social ou des sociétés de logement », et contre l’article 209, § 3, alinéa 3, du décret du 9 juillet 2021. Il estime que les parties requérantes n’invoquent pas de griefs contre les autres parties des articles en question. Il estime en outre que la deuxième branche du moyen est irrecevable parce que la Cour n’est pas compétente pour contrôler des dispositions décrétales directement au regard de principes généraux du droit. Selon lui, il ressort clairement de la formulation de cette branche que la violation du principe de la sécurité juridique et la violation du droit de propriété sont alléguées de manières distinctes.
A.49.2. Les parties requérantes répondent que la deuxième branche du moyen fait partie de ce moyen, qui porte essentiellement sur la violation de l’article 16 de la Constitution. Elles soulignent que la deuxième branche porte sur la base juridique insuffisamment sûre du droit à une indemnité, qui constitue l’une des conditions de l’expropriation au sens de l’article 16 de la Constitution.
A.50.1. Sur le fond, le Gouvernement flamand déduit de la jurisprudence de la Cour qu’une indemnité égale à la valeur vénale d’un bien immeuble peut être considérée comme une juste indemnité au sens de l’article 16 de la Constitution, et que, lors de la fixation de la valeur vénale, il y a lieu de tenir compte de tous les éléments influençant positivement ou négativement cette valeur. Selon lui, il ressort en outre de la jurisprudence de la Cour et des avis du Conseil d’État que, lorsque la personne qui est privée de sa propriété présente des caractéristiques particulières, ces caractéristiques peuvent être prises en compte dans le cadre de l’évaluation du respect de l’exigence de la juste indemnité. En ajoutant la phrase précisant qu’il faut tenir compte des caractéristiques particulières des sociétés de logement social et des sociétés de logement, le législateur décrétal a selon lui simplement voulu confirmer que la valeur vénale des biens à transférer qui sont adaptés au logement social et que la société de logement acquéreuse continuera d’utiliser pour cet usage sera différente de la valeur vénale d’un bien identique ou comparable qui serait négocié sur le marché privé. Il estime que, lors de la fixation de la valeur vénale, il faudra tenir compte des limitations de propriété existantes qui affectent le bien, comme l’obligation pour l’acquéreur d’affecter le bien au logement social.
A.50.2. Le Gouvernement flamand souligne que les acteurs du logement puisent dans le Code flamand du logement de 2021 leurs pouvoirs et leurs droits sur leur patrimoine - subventionné -, et que leur existence, fonctionnement et acquisition de patrimoine subventionnés par des deniers publics sont une conséquence directe de leur agrément par le Gouvernement flamand comme société de logement social ou office de location sociale. Il estime qu’il ne peut être fait abstraction de ces éléments lors de l’appréciation du préjudice exact que subit un acteur du logement social existant en cas de transfert de propriété imposé. Il souligne que les acteurs du logement ont au regard du droit des sociétés un objet qui ne vise pas principalement à maximiser les profits ou à constituer un patrimoine, mais à veiller à une offre suffisante de logements locatifs sociaux et logements acquisitifs sociaux. Selon lui, cela a pour conséquence que le patrimoine n’est pas négociable librement, mais qu’il ne peut en principe être affecté qu’à du logement social. Il souligne que la disposition attaquée doit être lue conjointement avec les paragraphes 4 et 5 de l’article 4.38, , qui prévoient un transfert obligatoire de droits sur des biens immobiliers adaptés au logement social. Il relève également qu’un moratoire temporaire a été institué par le décret du 29 avril 2022 « modifiant le décret du 9 juillet 2021 portant modification de divers décrets relatifs au logement, en ce qui concerne le moratoire sur la vente de logements locatifs sociaux et l’exemption d’une étude d’orientation du sol lors de la cession obligatoire de terrains à risque par des acteurs du logement social » sur la vente de logements locatifs sociaux en dehors du secteur du logement social. Il estime enfin que le régime de transfert que la Cour a évalué par son arrêt n° 33/2007 du 7 mars 2007 diffère fondamentalement du régime de transfert attaqué.
A.50.3. À supposer que la Cour juge que la deuxième branche du moyen est recevable, le Gouvernement flamand estime que les parties requérantes ne peuvent pas prétendre sérieusement qu’elles ignoreraient ce qu’il faut entendre précisément par les caractéristiques particulières des sociétés de logement social. Selon lui, il est clair que ces caractéristiques particulières figurent dans le Code flamand du logement de 2021. Il relève que ces caractéristiques
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particulières sont longuement abordées dans les travaux préparatoires, et que la Cour a également précisé ces caractéristiques par son arrêt n° 33/2007. Selon lui, le fait que les dispositions attaquées ne précisent pas de façon exhaustive ce qu’il faut entendre par les caractéristiques particulières des sociétés de logement social n’est pas contraire au principe de sécurité juridique, puisque la détermination concrète de ces caractéristiques ne sera à l’ordre du jour que lors de l’estimation dans le cadre d’un transfert individuel. Il relève que la valeur vénale sera fixée concrètement par les commissaires du Service flamand des impôts, qui sont compétents pour les expertises, et que les prix de transfert fixés pourront être attaqués en justice a posteriori.
En ce qui concerne la position des bailleurs actifs sur le marché privé qui sont confrontés au retrait de l’agrément de l’office de location sociale avec lequel ils ont conclu un contrat
A.51. Le deuxième moyen dans l’affaire n° 7695, en sa seconde branche, est pris de la violation, par les articles 205, § 6, et 215 du décret du 9 juillet 2021, des articles 10 et 11 de la Constitution. Les dispositions attaquées feraient naître, sans qu’existe une justification raisonnable, une différence de traitement entre, d’une part, les bailleurs actifs sur le marché privé qui sont confrontés au retrait de l’agrément de l’office de location sociale avec lequel ils ont conclu un contrat et qui, sans pouvoir donner leur accord, doivent accepter que la Société flamande du logement social soit subrogée dans les droits de l’office de location sociale et, d’autre part, les bailleurs actifs sur le marché privé qui sont confrontés à la dissolution ou à la liquidation d’une société de logement avec laquelle ils ont conclu un contrat et qui peuvent donner leur accord sur la cession de leur contrat à la Société flamande du logement social.
A.52. Le Gouvernement flamand estime que le deuxième moyen dans l’affaire n° 7695, en sa deuxième branche, est irrecevable, en ce qu’il est dirigé contre l’article 215 du décret du 9 juillet 2021, dès lors que les parties requérantes n’invoquent pas de griefs contre cet article.
A.53. Sur le fond, le Gouvernement flamand relève que l’article 205, § 6, alinéa 2, du décret du 9 juillet 2021 contient une erreur matérielle, qui sera rectifiée. Il expose que cette erreur matérielle porte sur le renvoi, dans cette disposition, à l’article 4.56 du Code flamand du logement de 2021. Il fait valoir à cet égard que les travaux préparatoires démontrent clairement que le législateur décrétal avait l’intention de faire référence à l’article 4.58
du Code flamand du logement de 2021, tel qu’il était applicable avant la date d’entrée en vigueur du décret du 9 juillet 2021. Compte tenu de l’intention du législateur décrétal de faire référence à l’article 4.58, le Gouvernement flamand estime que l’article 205, § 6, du décret du 9 juillet 2021 ne prévoit pas un autre traitement que l’article 128 de ce décret. Il considère que l’article 205, § 6, du décret du 9 juillet 2021 ne viole donc pas les articles 10 et 11 de la Constitution.
En ce qui concerne la contestation en justice de la perte d’agrément
A.54. Le deuxième moyen dans l’affaire n° 7771 est dirigé contre les articles 124 et 205 du décret du 9 juillet 2021 et est pris de la violation du droit d’accès au juge, tel qu’il est garanti par l’article 13 de la Constitution et par l’article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l’homme, lus en combinaison avec le droit à un recours effectif, tel qu’il est garanti par l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme.
A.55. La partie requérante fait valoir que les dispositions attaquées, en prévoyant qu’un non-agrément comme société de logement entraîne de plein droit la dissolution d’une société de logement social ou d’un office de location sociale à la date à laquelle la décision de non-agrément est notifiée, ont pour conséquence que les personnes morales concernées ne sont pas en mesure de contester le non-agrément en justice. Elle expose qu’une personne morale dissoute de plein droit est réputée continuer d’exister pendant la liquidation pour les objectifs de la liquidation, à savoir le paiement des dettes en souffrance et la détermination de l’affectation du solde éventuel.
Étant donné que la capacité juridique d’une personne morale pendant la phase de liquidation porte uniquement sur l’accomplissement des actes liés à la liquidation, cette personne morale n’a selon lui plus accès au juge pour contester utilement la décision administrative de retrait de l’agrément. Elle critique le fait que les dispositions attaquées ne prévoient pas de possibilité de recours à cet égard. Elle relève que les sociétés de logement social peuvent également perdre leur agrément sans que cette perte découle d’une décision administrative du Gouvernement flamand. C’est selon elle le cas lorsque la société de logement social n’introduit pas de nouvelle demande d’agrément ou introduit cette demande tardivement. Même s’il fallait admettre la possibilité d’un recours devant le Conseil d’État, ce recours ne pourrait selon elle constituer un recours effectif, étant donné le fait qu’une
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seule société de logement peut être agréée par zone d’activité. Elle estime que ces dispositions limitent donc de manière disproportionnée le droit d’accès au juge et le droit à un recours effectif.
A.56.1. En ce qui concerne l’article 205, le Gouvernement flamand estime que le moyen ne pourrait être recevable qu’en ce qu’il est dirigé contre le paragraphe 5 de cet article. Pour lui, partie requérante n’invoque aucun grief contre les autres parties de cet article. Mais il estime que le moyen est aussi irrecevable en ce qui concerne le paragraphe 5 de l’article 205, puisque la mesure, actuellement attaquée, de dissolution de plein droit résulte tout autant de l’application de l’article 4.53 du Code flamand du logement de 2021 qui était applicable avant l’entrée en vigueur du décret du 9 juillet 2021, et que le délai de recours relatif à cette disposition a expiré depuis longtemps.
A.56.2. La partie requérante dans l’affaire n° 7771 conteste les exceptions soulevées par le Gouvernement flamand.
A.57. Sur le fond, le Gouvernement flamand estime qu’il ne peut être déduit de l’absence d’une procédure de recours spécifique que la décision de retrait ou de refus d’un agrément ne peut faire l’objet d’aucun recours.
Selon lui, cette décision peut faire l’objet d’une demande de suspension, introduite ou non en extrême urgence, et d’un recours en annulation devant la section du contentieux administratif du Conseil d’État. Il conteste la thèse de la partie requérante selon laquelle l’introduction d’un recours ne cadrerait pas avec l’objectif de liquidation de la société. Il renvoie à l’arrêt du Conseil d’État n° 199.790 du 21 janvier 2010 et en déduit qu’une personne morale mise en liquidation a toujours intérêt à l’annulation de l’acte administratif unilatéral qui est à l’origine de sa liquidation. Il relève en outre que les actionnaires et les administrateurs peuvent également introduire un recours.
En ce qui concerne la condition d’agrément consistant à disposer d’un patrimoine de 1 000 logements locatifs sociaux
A.58. Le premier moyen dans l’affaire n° 7695, en sa deuxième branche, est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution par l’article 104 du décret du 9 juillet 2021. Selon les parties requérantes, la condition d’agrément contenue dans la décision attaquée, qui est de disposer d’un patrimoine d’au moins 1 000
logements locatifs sociaux, viole le principe d’égalité et de non-discrimination. Les acteurs du logement qui gèrent moins de 1 000 logements locatifs sociaux sont en effet traités autrement que les acteurs du logement qui gèrent 1 000 logements locatifs sociaux ou plus. Selon les parties requérantes, le but poursuivi par le législateur décrétal, qui est d’augmenter l’efficacité afin de promouvoir le droit constitutionnel au logement, est certes un but légitime, mais la mesure attaquée, qui impose un critère quantitatif arbitraire, n’est selon elles ni pertinente ni nécessaire pour atteindre cet objectif. Des études feraient en effet apparaître que les petites sociétés de logement social sont plus efficaces que les grandes.
A.59. Après avoir souligné que la condition d’agrément visée existait déjà dans l’ancienne réglementation et que la première partie requérante dans l’affaire n° 7695 avait obtenu un délai jusqu’au 1er janvier 2024 pour satisfaire à cette condition, le Gouvernement flamand fait valoir que la différence de traitement critiquée est pertinente et raisonnablement justifiée. Il estime que la condition d’agrément doit être considérée dans le cadre de l’objectif stratégique plus large du législateur décrétal sur le plan de la poursuite de la rationalisation du secteur du logement social et de l’augmentation de l’efficacité dans l’exécution de la politique du logement social par les organisations de logement social. Selon lui, en introduisant une échelle de grandeur, le législateur décrétal cherche entre autres à accélérer la réalisation de l’offre de logements sociaux et la rénovation du parc de logements existant, à proposer une meilleure aide au logement, à offrir aux locataires davantage de possibilités en matière de contrôle des prix en maîtrisant les frais de fonctionnement et la viabilité, à promouvoir l’intégration et l’égalité des chances des occupants. Selon lui, tous ces objectifs exigent une échelle de grandeur minimale pour les rendre réalisables et financièrement abordables. La poursuite de ces objectifs contribue selon lui au droit à un logement décent. Le Gouvernement flamand se réfère aux travaux préparatoires du décret qui a introduit la condition d’agrément dans l’ancienne réglementation, et souligne que la pertinence et la proportionnalité de la mesure attaquée ont été largement explicitées lors de ces travaux.
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En ce qui concerne le principe de légalité
A.60. Le deuxième moyen dans l’affaire n° 7773 est pris de la violation, par les articles 74, 76, 77 et 209 du décret du 9 juillet 2021, des articles 105 et 108, lus en combinaison avec les articles 23, alinéas 2 et 3, 3°, et 27, de la Constitution, avec le principe de légalité et avec le principe de la séparation des pouvoirs.
A.61. Les parties requérantes exposent que les dispositions attaquées autorisent le Gouvernement flamand à fixer les zones d’activité des sociétés de logement. Elles estiment que ces zones d’activités constituent un élément essentiel de la réglementation contenue dans le décret attaqué, parce qu’elles pèsent lourdement sur le droit à un logement décent et sur la liberté d’association. Elles relèvent qu’une seule société de logement peut être agréée par zone d’activité, ce qui expose des sociétés de logement social existantes à un risque de dissolution de plein droit. Elles se réfèrent à l’arrêt de la Cour n° 103/2006 du 21 juin 2006 et estiment que l’on peut déduire de cet arrêt, par un raisonnement a contrario, que les normes de référence invoquées dans le moyen ne sont pas remplies en l’espèce.
A.62.1. Le Gouvernement flamand estime que le moyen n’est recevable qu’en ce qu’il est dirigé contre l’article 76 du décret du 9 juillet 2021, plus précisément en ce que cette disposition introduit l’article 4.37, alinéa 1er, du Code flamand du logement de 2021, puisqu’il n’y a que contre cette disposition que des griefs sont effectivement formulés. Pour lui, les parties requérantes ne développent aucun grief contre les articles 74, 77 et 209 attaqués. Le Gouvernement flamand estime également que le moyen est partiellement irrecevable parce que la Cour n’est pas compétente pour contrôler des normes décrétales directement au regard des articles 105 et 108
de la Constitution.
A.62.2. Les parties requérantes contestent les exceptions soulevées par le Gouvernement flamand. Elles relèvent que les dispositions attaquées sont étroitement liées et que la Cour est compétente pour contrôler des normes de nature législative au regard de l’article 23 de la Constitution, lu en combinaison avec les articles 105 et 108 de la Constitution.
A.63. Sur le fond, le Gouvernement flamand estime qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour que l’article 23 de la Constitution permet au législateur compétent d’accorder des délégations, pour autant qu’elles portent sur l’exécution de mesures dont l’objet a été déterminé par le législateur. Il estime qu’il est en l’espèce satisfait à cette condition, puisque l’article 4.37, alinéa 1er, du Code flamand du logement de 2021 indique formellement que la délégation accordée au Gouvernement flamand porte sur la détermination des zones d’activité des sociétés de logement. Il souligne en outre que le législateur décrétal a défini par voie décrétale les critères et la procédure à suivre pour délimiter les zones d’activité. Il se réfère enfin à l’arrêt de la Cour n° 93/2018 du 19 juillet 2018 et en déduit que, lorsqu’une disposition constitutionnelle particulière offre la garantie que, dans une matière donnée, l’objet des mesures à adopter sera déterminé par une assemblée délibérante démocratiquement élue, elle englobe la garantie offerte par les articles 105 et 108 de la Constitution.
En ce qui concerne le maintien des effets
A.64. Le Gouvernement flamand demande à la Cour, pour le cas où elle jugerait que les articles 205, § 6, 208 et 215, attaqués, du décret du 9 juillet 2021 doivent être annulés, de maintenir définitivement les effets de ces dispositions. Il expose qu’une annulation de l’article 208 du décret du 9 juillet 2021 aurait une incidence sur la composition de l’assemblée générale de certaines sociétés de logement social et sur la validité juridique des décisions prises par ces assemblées générales. En ce qui concerne les articles 205, § 6, et 215 du décret du 9 juillet 2021, il souligne qu’une annulation non modulée conduirait à une insécurité juridique pour les locataires sociaux.
Pour le surplus, il fait valoir que lors de l’évaluation des effets d’une annulation non modulée, il est pratiquement impossible de prendre en compte tous les scénarios d’annulation possibles et demande à la Cour de se prononcer d’abord sur les recours en annulation, et ensuite, le cas échéant, de donner au Gouvernement flamand la possibilité de défendre son point de vue sur le maintien des effets. Si une telle procédure ne pouvait être suivie, il demande à la Cour de maintenir définitivement, pour le passé et jusqu’à deux ans après la date de publication de l’arrêt de la Cour au Moniteur belge, les effets des articles 74, 76, 77, 79, alinéa 1er, 83, 87, 105, 124, 128, 205, §§ 1 à 5, 206 et 209, § 3, dernier alinéa, du décret du 9 juillet 2021, ainsi que de l’article 4.51, alinéa 1er, du Code flamand du logement de 2021, remplacé par l’article 122 du décret précité. Il souligne que la réforme visée par le
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décret attaqué bat son plein et que les sociétés de logement social sont en train de prendre toute une panoplie de mesures pour satisfaire aux obligations découlant de ce décret.
-B-
Quant aux dispositions attaquées et à leur contexte
B.1.1. Les articles 74, 76, 77,79, 83, 85, 86, 87, 104, 105, 122, 124 et 128, attaqués, du décret flamand du 9 juillet 2021 « portant modification de divers décrets relatifs au logement »
(ci-après : le décret du 9 juillet 2021) modifient le Code flamand du logement de 2021 et disposent :
« Art. 74. L’article 4.36 du même Code est remplacé par ce qui suit :
‘ Art. 4.36. § 1. Les sociétés de logement sont des sociétés autonomes agréées par le Gouvernement flamand et responsables de l’exécution correcte de la politique du logement social, telle qu’elle leur est confiée par le présent Code et ses arrêtés d’exécution, ainsi que par tout autre décret ou arrêté, dans la mesure où il concerne les aspects de la politique du logement social.
§ 2. Pour être agréée et rester agréée en tant que société de logement, une société doit répondre au minimum aux dispositions des chapitres 1 à 7. Le Gouvernement flamand peut imposer des conditions supplémentaires pour l’agrément en tant que société de logement.
§ 3. Le Gouvernement flamand fixe la procédure de l’agrément et du retrait de l’agrément.
Les sociétés de logement agréées peuvent volontairement renoncer à leur agrément. Le Gouvernement flamand peut fixer la procédure de renonciation à un agrément. La renonciation entraîne des conséquences identiques à celles fixées à l’article 4.53. ’ ».
« Art. 76. L’article 4.37 du même Code est remplacé par ce qui suit :
‘ Art. 4.37. Le Gouvernement flamand fixe les zones d’activité.
Le Gouvernement flamand agrée une société de logement par zone d’activité, qui doit être constituée d’une commune ou de communes géographiquement contiguës. Le Gouvernement flamand peut accorder des exceptions à la contiguïté géographique des communes. ’ ».
« Art. 77. L’article 4.38 du même Code est remplacé par ce qui suit :
‘ Art. 4.38. § 1. Tant le siège statutaire qu’effectif de la société de logement est sis dans la zone d’activité pour laquelle elle est agréée.
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Le Gouvernement flamand peut accorder une exception aux dispositions de l’alinéa 1, en cas de demande motivée à cet effet dans la demande d’agrément ou de modification des statuts.
§ 2. Une société de logement est exclusivement active au sein de la zone d’activité pour laquelle elle est agréée.
§ 3. Par dérogation au paragraphe 2, les activités s’étendant au-delà de la zone d’activité sont autorisées en cas de coopération avec une autre société de logement ou pour autant que les activités revêtent un caractère subsidiaire et accessoire au service des activités au sein de la propre zone d’activité.
Le Gouvernement flamand peut arrêter les modalités relatives aux activités s’étendant au-
delà de la zone d’activité.
§ 4. La société de logement acquiert, dans les plus brefs délais et au plus tard à la date fixée par le Gouvernement flamand, tous les droits sur les biens immobiliers adaptés au logement social situés dans sa zone d’activité auprès des sociétés de logement social, des offices de location sociale, du Fonds flamand du logement et d’autres sociétés de logement.
§ 5. Une société de logement reprend les droits relatifs aux biens immobiliers situés dans sa zone d’activité qui sont adaptés au logement social et qui sont proposés à la société de logement par une commune ou un CPAS.
§ 6. En cas de transfert des droits visés aux paragraphes 4 et 5, le cédant transfère le cas échéant au cessionnaire les prêts en cours auprès de la VMSW, du Fonds flamand de financement de la politique foncière et du logement pour le Brabant flamand ou de Vlabinvest apb relatifs à ces biens immobiliers ou à ces droits.
§ 7. Si le transfert ne peut avoir lieu contre une indemnité en actions et si les parties ne parviennent pas à un accord sur le prix du transfert des droits visés aux paragraphes 4 et 5, le prix s’élève à la valeur vénale de ces droits, compte tenu des caractéristiques particulières des sociétés de logement social ou des sociétés de logement, de laquelle sont déduits les prêts visés au paragraphe 6 et les subventions, à l’exception de celles qui n’ont d’aucune manière contribué à la valeur marchande du bien immobilier concerné. Le Gouvernement flamand fixe le prix de transfert.
Dans tous les cas, le cédant utilise, sauf s’il s’agit d’une commune ou d’un CPAS, les recettes du transfert pour rembourser les prêts en cours du cédant auprès de la Région flamande ou de la VMSW. Sauf s’il s’agit d’une commune ou d’un CPAS, le cédant utilise les moyens restants conformément à l’article 4.1/1. Le Gouvernement flamand peut arrêter des modalités plus détaillées à ce sujet.
Le Gouvernement flamand peut, dans les limites des crédits inscrits à cet effet au budget de la Région flamande, accorder des prêts et des subventions à une société de logement, sous ses conditions, pour l’acquisition des droits relatifs aux biens immobiliers visés aux paragraphes 4 et 5. ’ ».
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« Art. 79. L’article 4.39 du même Code est remplacé par ce qui suit :
‘ Art. 4.39. La société de logement prend la forme juridique d’une société à responsabilité limitée. Le Code des sociétés et des associations s’applique aux sociétés de logement pour autant qu’il n’y soit pas dérogé par ou en vertu du présent Code.
Conformément à l’article I.22, 8°, du Code de droit économique, pour l’application du livre XX du Code de droit économique, les sociétés de logement ne sont pas considérées comme des débiteurs au sens du livre XX. ’ ».
« Art. 83. Dans le même Code, il est inséré un article 4.39/2, rédigé comme suit :
‘ Art. 4.39/2. § 1. Seuls la Région flamande et les provinces, les communes et les CPAS
situés dans la zone d’activité de la société de logement peuvent détenir des actions d’une société de logement.
Les communes et les CPAS situés dans la zone d’activité de la société de logement, mais qui ne sont pas encore actionnaires, ont le droit, au moment de l’agrément de la société de logement ou de la modification de la zone d’activité, de souscrire au minimum une action de la société de logement, laquelle sera émise par cette dernière à la première demande. Cette émission n’entraîne pas l’application de l’article 5:102 du Code des sociétés et des associations.
La société de logement ne peut émettre d’autres titres que des actions avec droit de vote.
§ 2. Les communes et les CPAS situés dans la zone d’activité de la société de logement et qui sont actionnaires de cette société de logement disposent toujours conjointement de plus de 50 % du total des droits de vote liés aux actions.
Le Gouvernement flamand détermine le rapport des droits de vote entre les communes et les CPAS visés à l’alinéa 1 sur la base de critères objectifs liés à la politique du logement. La détermination ou la modification de ce rapport n’entraîne pas l’application de l’article 5:102 du Code des sociétés et des associations. ’ ».
« Art. 85. Dans le même Code, il est inséré un article 4.39/4, rédigé comme suit :
‘ Art. 4.39/4. Lors de l’agrément ou de la fusion d’une société de logement au nom du Gouvernement flamand, ce dernier a le droit de souscrire au maximum un nombre d’actions donnant droit au maximum à un quart du nombre total des voix à l’assemblée générale. ’ ».
« Art. 86. Dans le même Code, il est inséré après l’article 4.39/4 un nouvel intitulé rédigé comme suit :
‘ Chapitre 4. Administration’ ».
« Art. 87. Dans le même Code, il est inséré un article 4.39/5, rédigé comme suit :
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‘ Art. 4.39/5. § 1. La société de logement est administrée par un organe d’administration collégial. Les membres de l’organe d’administration sont nommés pour six ans maximum, mais leur mandat est renouvelable de manière illimitée.
§ 2. L’organe d’administration se compose de quinze membres maximum, dont au maximum deux tiers sont du même sexe.
§ 3. L’organe d’administration est composé de manière à disposer d’une expertise suffisante pour les différentes activités de la société de logement, ainsi que d’une diversité suffisante en termes de compétences et de parcours. Le Gouvernement flamand peut imposer des exigences de compétences aux membres de l’organe d’administration.
Au maximum deux membres de l’organe d’administration sont des administrateurs indépendants au sens du Décret de gouvernance. En cas de motif grave, l’assemblée générale peut révoquer à tout moment les administrateurs indépendants. L’article III.41 à III.43 du Décret de gouvernance s’applique dans la mesure où il n’y est pas dérogé dans le présent décret.
§ 4. Outre le nombre maximal de mandats d’administrateur déterminé au paragraphe 2, les sociétés de logement peuvent nommer un administrateur sur proposition de l’organe d’administration après avis contraignant des locataires sociaux. Le Gouvernement flamand peut fixer les modalités relatives à la manière dont l’organe d’administration obtient l’avis contraignant des locataires sociaux.
§ 5. L’organe d’administration peut confier la gestion quotidienne de la société de logement, ainsi que la représentation de la société en ce qui concerne cette administration, à un directeur désigné par l’organe d’administration ou à un organe d’administration quotidienne composé de plusieurs personnes, dont le directeur désigné par l’organe d’administration. Au maximum deux membres de l’organe d’administration siègent, en plus du directeur, au sein de l’organe d’administration quotidienne. Par dérogation à ce qui précède quatre membres au maximum de l’organe d’administration siègent au sein de l’organe d’administration quotidienne en plus du directeur, si la société de logement gère au moins 5 000 logements sociaux ou si sa zone d’exploitation couvre au moins le territoire de quinze communes.
L’organe d’administration quotidienne agit en collège. Dans ce cas, la représentation de l’administration quotidienne peut être confiée à un ou plusieurs de ses membres.
Sous sa responsabilité, l’organe d’administration peut octroyer des procurations spéciales au directeur ou à l’organe d’administration quotidienne pour toutes les questions qui sortent du champ d’action de l’administration quotidienne.
§ 6. L’organe d’administration, le directeur chargé de l’administration quotidienne ou l’organe d’administration quotidienne peut, sous sa responsabilité, créer un ou plusieurs comités consultatifs. En outre, l’organe d’administration et l’organe d’administration quotidienne peuvent, sous leur responsabilité, créer des comités auxquels ils accordent une ou plusieurs procurations spéciales. L’organe d’administration ou l’organe d’administration quotidienne détermine sa composition, sa mission nettement définie et le processus décisionnel.
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§ 7. Les mandats au sein de l’organe d’administration quotidienne et des comités créés par l’organe d’administration, l’organe d’administration quotidienne ou le directeur, exercés par des personnes autres que les membres de l’organe d’administration, ne sont pas rémunérés.
Le Gouvernement flamand peut déterminer les conditions financières du mandat d’un membre de l’organe d’administration, y compris ses fonctions éventuelles dans l’organe d’administration quotidienne ou dans un comité créé par l’organe d’administration, par le directeur ou par l’organe d’administration quotidienne.
Le Gouvernement flamand peut régler les compétences et la composition des comités, visés au paragraphe 6.
§ 8. A la suite de la fusion de deux ou plusieurs sociétés de logement social en vue de former une société de logement, lors de la formation de la société de logement par plusieurs acteurs du logement agréés, ou à la suite de la restructuration de deux ou plusieurs sociétés de logement entre elles, un nombre plus élevé d’administrateurs peut continuer à être nommé que celui visé au paragraphe 2. Dans ce cas, après la nomination du premier organe d’administration de la société fusionnée, plus aucun nouvel administrateur ne peut être nommé ou plus aucun mandat ne peut être renouvelé tant que leur nombre est trop élevé. Il doit être satisfait à toutes les conditions au plus tard après le remplacement ou la prolongation de l’ensemble des mandats des membres de l’organe d’administration après la composition du premier conseil d’administration de la société fusionnée. ’ ».
« Art. 104. Dans le même Code, il est inséré un article 4.46/2, rédigé comme suit :
‘ Art. 4.46/2. La société de logement dispose au plus tard à compter du 1 janvier 2024 d’un patrimoine d’au moins 1 000 logements locatifs sociaux en gestion. Pour le calcul du nombre de logements locatifs sociaux en gestion il est tenu compte des logements locatifs sociaux que la société de logement a réalisés et planifiés au 1 janvier 2024, ou à la date d’introduction de la demande d’agrément si cette date est postérieure. Pour le calcul du nombre de logements en gestion il n’est pas tenu compte des logements pris en location sur le marché locatif privé en vue de la sous-location conformément à la réglementation relative au régime de location sociale.
Un logement locatif social est planifié s’il n’a pas encore été réalisé, mais l’exécution ou la procédure d’adjudication pour la réalisation du logement peut être lancée dans un délai de trois ans. La réalisation des logements locatifs sociaux planifiés doit au moins figurer dans le planning pluriannuel, visé à l’article 4.13, § 2. ’ ».
« Art. 105. Dans le même Code, il est inséré un article 4.46/3, rédigé comme suit :
‘ Art. 4.46/3. La société de logement n’a pas pour vocation principale de distribuer ou de procurer un avantage patrimonial direct ou indirect à ses actionnaires et respecte donc les limites de distribution suivantes :
1° un avantage patrimonial distribué sous quelque forme que ce soit par la société de logement à ses actionnaires ne peut, sous peine de nullité, excéder le taux d’intérêt fixé par le Roi en exécution de la loi du 20 juillet 1955 portant institution d’un Conseil national de la Coopération, de l’Entrepreunariat social et de l’entreprise Agricole, appliqué à la valeur
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nominale de l’apport au patrimoine de la société de logement réellement versé par les actionnaires et pas encore remboursé telle qu’enregistrée au moment de l’apport;
2° une distribution des bénéfices est possible uniquement à la condition que, outre celle visée au point 1°, il soit satisfait à la condition selon laquelle le montant du dividende maximal à distribuer aux actionnaires puisse uniquement être déterminé après la détermination d’un montant réservé par la société de logement à des projets ou affectations nécessaires ou adaptés à la réalisation de son objet; l’organe d’administration rédige un rapport à ce sujet chaque année, lequel figure au rapport annuel;
3° en cas de démission ou d’exclusion, tant à la charge du patrimoine social qu’à la suite de l’application de la procédure de résolution des conflits internes visée au livre 2, titre 7 du Code des sociétés et des associations, l’actionnaire démissionnaire ou exclu reçoit au maximum la valeur nominale de son apport à l’actif de la société de logement réellement versé et pas encore remboursé telle qu’enregistrée au moment de l’apport;
4° en cas de liquidation de la société de logement, le patrimoine subsistant après apurement du passif et remboursement aux actionnaires de la valeur nominale de leur apport réellement versé et pas encore remboursé à l’actif de la société de logement telle qu’enregistrée au moment de l’apport, est transféré à une société de logement désignée par le Gouvernement flamand ’ ».
« Art. 122. L’article 4.51 du même Code est remplacé par ce qui suit :
‘ Art. 4.51. De sa propre initiative ou à la demande du contrôleur, le Gouvernement flamand peut imposer les sanctions suivantes à une société de logement qui ne satisfait pas aux conditions d’agrément, qui n’exécute pas dûment les missions qui lui sont confiées par décret ou par arrêté du Gouvernement flamand, qui ne respecte pas ses engagements ou dont le fonctionnement reste en défaut :
1° anticiper la prochaine évaluation des performances, conformément à la procédure d’évaluation des performances des sociétés de logement fixée par le Gouvernement flamand;
2° l’obligation de faire appel à un accompagnement externe. Les frais liés à l’accompagnement externe peuvent faire l’objet d’une subvention, dans les limites des crédits inscrits à cet effet au budget de la Région flamande. Le Gouvernement flamand arrête les conditions et la procédure d’obtention de cette subvention supplémentaire;
3° la désignation d’un mandataire ad hoc qui remplace en tout ou en partie l’organe d’administration de la société de logement et qui sera rémunéré par la société de logement pour les prestations effectuées dans le cadre de cette mission;
4° la sous-traitance temporaire des activités de la société de logement;
5° l’obligation de coopérer avec une autre société de logement;
6° la suspension du financement de futurs projets de construction nouvelle, s’il n’a pas été satisfait à la condition d’agrément visée à l’article 4.46/2;
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7° l’imposition à la société de logement d’une trajectoire de croissance limitée dans le temps, dans la zone d’activité dont le nombre de logements loués ne s’accroît pas conformément à la condition visée à l’article 4.41;
8° si l’agence de logement ne réalise pas la trajectoire de croissance imposée visée au point 7, le retrait de l’agrément de l’agence de logement demeurant en défaut.
Sans préjudice de la responsabilité personnelle et solidaire des fondateurs, des actionnaires et des administrateurs, le Gouvernement flamand peut, de sa propre initiative et à la demande du contrôleur, imposer les sanctions suivantes à une société de logement qui ne satisfait pas aux conditions d’agrément, qui n’exécute pas dûment les missions qui lui sont confiées par décret ou par arrêté du Gouvernement flamand, qui ne respecte pas ses engagements ou dont le fonctionnement reste en défaut :
1° l’obligation de fusionner avec une autre société de logement;
2° le retrait de l’agrément de société de logement.
Préalablement à la décision d’imposer une des sanctions visées aux alinéas 1 et 2, le Gouvernement flamand envoie une mise en demeure à la société de logement en question. Dans la mise en demeure, le Gouvernement flamand explique pourquoi la société de logement ne satisfait pas aux conditions d’agrément, n’exécute pas dûment les missions qui lui sont confiées par décret ou par arrêté du Gouvernement flamand, ne respecte pas ses engagements ou ne fonctionne pas correctement. La mise en demeure est envoyée par envoi sécurisé. La société de logement qui a été mise en demeure est invitée à une audition. Elle peut s’y faire assister.
Sans préjudice de l’application des articles 4.52 et 4.53, le Gouvernement flamand peut arrêter les règles et la procédure d’imposition des sanctions visées aux alinéas 1 et 2 ’ ».
« Art. 124. L’article 4.53 du même Code est remplacé par ce qui suit :
‘ Art. 4.53. Le retrait de l’agrément d’une société de logement entraîne de plein droit sa dissolution.
La décision de retrait de l’agrément produit ses effets à partir de la date de sa notification à la société de logement. A partir de ce moment, toutes les compétences d’administration et d’engagement de la société de logement sont attribuées à un ou plusieurs liquidateurs désignés par le Gouvernement flamand. Ces derniers sont compétents pour prendre toute mesure et assurer tout acte d’administration et de disposition qui sont nécessaires au transfert du patrimoine de la société dissoute à la/aux société(s) de logement désignée(s) par le Gouvernement flamand. Le Gouvernement flamand est explicitement compétent, avec exclusion de tout organe social, pour fixer le mode de liquidation, entendre le rapport des liquidateurs qu’il a désignés et prononcer la clôture de la liquidation. Le Gouvernement flamand est seul compétent pour autoriser les liquidateurs à effectuer tout acte nécessaire à la procédure de liquidation ’ ».
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« Art. 128. Dans le même Code, il est inséré un article 4.53/3, rédigé comme suit :
‘ Art. 4.53/3. § 1. Sans préjudice de l’application de l’article 4.51, et dans les conditions visées à l’alinéa 2, la VMSW est subrogée de plein droit dans les droits et obligations de la société de logement découlant d’un contrat conclu entre la société de logement et un ou plusieurs bailleurs sur le marché locatif privé.
La subrogation visée à l’alinéa 1 a lieu dès que la VMSW, de sa propre initiative ou après notification par une partie intéressée, établit que les conditions suivantes sont cumulativement remplies :
1° le bailleur a donné son accord pour la cession du contrat de location;
2° la société de logement se trouve dans un des cas suivants :
a) soit une procédure de liquidation est engagée, soit une demande de liquidation judiciaire a été déposée, soit une décision de dissolution volontaire de la société de logement a été prise;
b) après une période de neuf mois au cours de laquelle la VMSW a repris l’obligation de payer le loyer en application de l’article 4.20, la société de logement n’est toujours pas en mesure de remplir ses obligations de payer le loyer;
3° le contrat de location est conclu entre un bailleur et une société de logement, et ne contient aucune clause incompatible avec les dispositions du présent Code et de ses arrêtés d’exécution. Le loyer convenu dans le contrat de location ne peut dépasser la limite de loyer fixée par le Gouvernement flamand pour l’obtention d’une intervention accordée en vertu de l’article 5.73.
La notification d’une partie intéressée, visée à l’alinéa 2, contient au moins une indication documentée du cas d’application, visé à l’alinéa 2, 2°, sur lequel elle est fondée.
§ 2. Le Gouvernement flamand peut arrêter les modalités et la procédure de la subrogation visée au paragraphe 1, alinéa 1 ’ ».
B.1.2. Les articles 205, 206, 208, 209 et 215, attaqués, du décret du 9 juillet 2021 font partie de la section 1ère (« Dispositions transitoires relatives aux articles 72 à 129 ») du chapitre 8 (« Dispositions transitoires ») du décret et disposent :
« Art. 205. § 1. Les sociétés de logement social agréées la veille de l’entrée en vigueur du présent décret conformément aux conditions d’agrément valables à cette date, peuvent conserver cet agrément jusqu’au 31 décembre 2022 au plus tard, pour autant qu’elles continuent à remplir ces conditions d’agrément.
Les sociétés de logement social visées à l’alinéa 1 peuvent continuer à bénéficier du financement jusqu’à cette date conformément aux dispositions du Code flamand du Logement de 2021, tel qu’applicable avant la date d’entrée en vigueur du présent décret.
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À partir de la date d’entrée en vigueur du présent décret, les personnes autres que les provinces, les communes et les CPAS ne peuvent acquérir des actions dans une société de logement social. Par dérogation à cette disposition, les actionnaires existants des sociétés de logement social peuvent acquérir des actions dans le cadre d’opérations de restructuration relevant du droit des sociétés avec une société de logement social ou une société de logement.
§ 2. Le Gouvernement flamand détermine la procédure selon laquelle une société de logement social agréée peut être agréée comme société de logement.
§ 3. Le Gouvernement flamand peut accorder un agrément temporaire jusqu’au 30 juin 2023 aux sociétés de logement social qui démontrent que, pour le 30 juin 2023 au plus tard, soit elles rempliront toutes les conditions d’agrément en tant que société de logement, soit elles transféreront leurs avoirs patrimoniaux et leur personnel destinés au logement social à une ou plusieurs sociétés de logement. Le Gouvernement flamand détermine la procédure et les conditions d’octroi de l’agrément temporaire et la manière dont l’agrément temporaire est converti en agrément définitif visé au paragraphe 2.
§ 4. Dans une société de logement social ayant la forme d’une société coopérative à responsabilité limitée ou d’une société privée, les actionnaires peuvent se retirer à tout moment durant l’exercice comptable à partir de la convocation de l’assemblée générale destinée à mettre les statuts en conformité avec les conditions d’agrément des sociétés de logement sans avoir à répondre à une autre condition. Ils notifient leur retrait à la société conformément à l’article 2:32
du Code des sociétés et des associations au plus tard cinq jours avant la date de l’assemblée générale. L’article 4.46/3, 3°, du Code flamand du Logement de 2021, tel qu’inséré par l’article 105 du présent décret, s’applique.
Les sociétés de logement social qui ont pris la forme d’une société anonyme offrent à leurs actionnaires, lors de la convocation à l’assemblée générale destinée à mettre les statuts en conformité avec les conditions d’agrément des sociétés de logement, la possibilité de faire acheter leurs actions par la société à un prix qui n’excède pas l’apport au patrimoine de la société de logement social réellement versé par les actionnaires et pas encore remboursé tel qu’enregistré au moment de l’apport. En cas d’insuffisance de moyens conformément à l’article 7:212 du Code des sociétés et des associations afin de payer le prix, le droit au paiement est suspendu jusqu’à ce que les distributions soient à nouveau permises. Le montant restant dû
sur le prix est payable avant toute autre distribution aux actionnaires. Aucun intérêt n’est dû sur ce montant.
§ 5. Les sociétés de logement social qui, au 31 décembre 2022, ne sont pas agréées comme sociétés de logement conformément au paragraphe 2 et ne sont pas temporairement agréées comme société[s] de logement conformément au paragraphe 3, perdent de plein droit leur agrément à compter du 1 janvier 2023. Les sociétés de logement temporairement agréées qui ne sont pas agréées au 30 juin 2023 conformément au paragraphe 3, perdent de plein droit leur agrément temporaire. Dans les deux cas, la perte de l’agrément entraîne de plein droit la résiliation mentionnée à l’article 4.53 du Code flamand du logement de 2021, tel qu’applicable avant la date d’entrée en vigueur du présent décret. Les actionnaires reçoivent, après apurement du passif de la société de logement social, au maximum la valeur nominale de leur apport réellement versé et pas encore remboursé au patrimoine de la société de logement social telle
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qu’enregistrée au moment de l’apport. Le patrimoine subsistant est transféré à une ou plusieurs sociétés de logement désignées par le Gouvernement flamand.
§ 6. Les offices de location sociale agréés la veille de l’entrée en vigueur du présent décret conformément aux conditions d’agrément valables à cette date, peuvent conserver cet agrément jusqu’au 30 juin 2023 au plus tard, pour autant qu’elles continuent à remplir ces conditions d’agrément. Les offices de location sociale ainsi agréés peuvent continuer à bénéficier du financement jusqu’à cette date conformément aux dispositions du Code flamand du Logement de 2021, tel qu’applicable la veille de l’entrée en vigueur du présent décret. Ils perdent de plein droit leur agrément à compter du 1 juillet 2023.
À partir de la date de perte de l’agrément conformément à l’alinéa 1, la VMSW est subrogée de plein droit dans les droits et obligations de l’office de location sociale découlant d’un contrat conclu entre l’office de location sociale et un ou plusieurs bailleurs sur le marché locatif privé, dans les conditions des articles 4.20 à 4.23 et de l’article 4.56 du Code flamand du Logement de 2021, tel qu’applicable avant la date d’entrée en vigueur du présent décret.
§ 7. Les sociétés de logement social agréées la veille de l’entrée en vigueur du présent décret conformément aux conditions d’agrément valables à cette date, restent, sans préjudice de l’application du présent article à l’article 217, et jusqu’à la clôture de leur liquidation, soumises aux dispositions du Code flamand du logement de 2021, tel qu’applicable la veille de l’entrée en vigueur du présent décret.
Les agences locatives sociales agréé[e]s la veille de l’entrée en vigueur du présent décret conformément aux conditions d’agrément valables à cette date, restent, sans préjudice de l’application du présent article à l’article 217, et jusqu’à la perte de leur agrément, soumis aux dispositions du Code flamand du logement de 2021, tel qu’applicable la veille de l’entrée en vigueur du présent décret.
Par dérogation aux alinéas 1 et 2, l’article 56 du présent décret s’applique aux sociétés de logement social, visées à l’alinéa 1, et aux agences locatives sociales, visées à l’alinéa 2.
Nonobstant toute disposition contraire et en complément de l’article 4.45 du Code flamand du logement de 2021, tel qu’applicable avant l’entrée en vigueur du présent décret, ils peuvent transférer des biens immobiliers de gré à gré à des sociétés de logement social ou à des offices de location sociale, pour autant que le transfert soit effectué à la condition suspensive que cette société de logement social soit agréée en tant que société de logement.
Jusqu’au retrait de leur agrément de plein droit ou jusqu’au retrait de leur agrément en vertu d’un arrêté du Gouvernement flamand, les offices de location sociale et les sociétés de logement social sont considérés comme sociétés de logement pour l’application du Code flamand de la Fiscalité du 13 décembre 2013.
Art. 206. Les sociétés de logement visées à l’article 205, § 2, du présent décret, qui ne satisfont pas à l’article 4.39/2, § 1, du Code flamand du Logement de 2021, tel qu’inséré par l’article 83 du présent décret, peuvent néanmoins être agréées comme société[s] de logement.
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Jusqu’à la date à laquelle elles satisfont à l’article 4.39/2, § 1, du Code flamand du Logement de 2021, les règles suivantes s’appliquent à ces sociétés de logement par dérogation à cet article :
1° les actionnaires autres que la Région flamande et les provinces, communes et CPAS
situés dans la zone d’activité de la société de logement ne peuvent acquérir des titres ou acquérir davantage de droits de vote d’une autre manière. Par dérogation à cette disposition, les actionnaires existants des sociétés de logement social peuvent acquérir des actions dans le cadre d’opérations de restructuration relevant du droit des sociétés avec une société de logement social ou une société de logement;
2° tout transfert de titres est signifié à la société de logement;
3° les actionnaires autres que la Région flamande et les provinces, communes et CPAS
situés dans la zone d’activité de la société de logement, ne participent pas au vote à l’assemblée générale de la société avec plus d’un dixième du nombre de voix présentes ou représentées;
4° les actionnaires autres que les communes et CPAS situés dans la zone d’activité de la société de logement ne peuvent participer conjointement aux votes de l’assemblée générale qu’avec un maximum des voix nécessaires à la majorité requise moins une;
5° les statuts de la société de logement peuvent prévoir que les actionnaires autres que la Région flamande et les provinces, communes et CPAS situés dans la zone d’activité de la société de logement, peuvent proposer conjointement au maximum un seul administrateur; les autres administrateurs étant toujours proposés par la Région flamande, les provinces, les communes et les CPAS.
Les conventions ou accords qui ont pour objet ou pour effet de déroger aux dispositions de l’alinéa 1, 1°, 3° ou 4°, sont nuls et non avenus.
Tout transfert de titres à d’autres personnes que la Région flamande et les provinces, communes et CPAS situés dans la zone d’activité de la société de logement est de plein droit nul et non avenu. Tout transfert de titres à la suite duquel les droits de vote combinés des communes et des CPAS situés dans la zone d’activité de la société de logement ne dépassent plus à tout moment 50 % du nombre total des droits de vote attachés aux actions est nul et non avenu de plein droit si, dans un délai de trois mois après le transfert, ces droits de vote ne sont pas portés à plus de 50 % par l’émission de nouvelles actions ou la modification des statuts.
Le Gouvernement flamand peut uniquement exercer son droit visé à l’article 4.39/4, tel qu’inséré par l’article 85 du présent décret, à condition que les droits de vote de personnes autres que la Région flamande, les provinces, les communes et les CPAS ne soient pas réduits en proportion du nombre total de droits de vote ».
« Art. 208. Si une société de logement social a permis aux locataires sociaux de souscrire des actions en remplacement du versement d’une garantie locative, les actionnaires concernés sont réputés se retirer de plein droit avec ces actions à la date d’entrée en vigueur du présent décret. La part de retrait à laquelle le locataire social a droit est convertie de plein droit en garantie locative.
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Les sociétés de logement qui sont le successeur légal ou qui ont acquis des biens immobiliers d’une société de logement social pour laquelle l’application de l’alinéa 1 portait sur 25 % ou plus des actions, appliquent l’article 4.39/5, § 4, du Code flamand du logement de 2021 tel qu’inséré par l’article 87 du présent décret.
Art. 209. § 1. Par dérogation à l’article 4.38, § 2 et § 4, du Code flamand du Logement de 2021 tel qu’inséré par l’article 77 du présent décret, les dispositions du présent article s’appliquent aux sociétés de logement agréées conformément à l’article 205, § 2.
§ 2. A partir de son agrément, la société de logement ne déploie plus de nouvelles activités en dehors de la zone d’activité pour laquelle elle est agréée.
La société de logement limite au plus tard à partir du 1 janvier 2028 ses activités à la zone d’activité pour laquelle elle est agréée.
§ 3. La société de logement acquiert, dans les plus brefs délais, au moins la gestion des biens immobiliers adaptés au logement social situés dans sa zone d’activité auprès des sociétés de logement social, d’autres sociétés de logement, des offices de location sociale et du Fonds flamand du logement. La société de logement acquiert, au plus tard au 1 janvier 2028, tous les droits sur les biens immobiliers adaptés au logement social situés dans sa zone d’activité auprès des sociétés de logement social, des agences locatives sociales, du Fonds flamand du logement et d’autres sociétés de logement.
La société de logement transfert, dans les plus brefs délais, au moins la gestion des biens immobiliers adaptés au logement social situés en dehors de sa zone d’activité aux sociétés de logement agréées pour la zone d’activité dans laquelle les biens immobiliers sont situés. La société de logement transfert, au plus tard au 1 janvier 2028, tous les droits sur ces biens immobiliers aux sociétés de logement agréées pour la zone d’activité dans laquelle les biens immobiliers sont situés.
L’article 4.38, § 6 et § 7, s’applique par analogie ».
« Art. 215. Par dérogation à l’article 4 du livre III, titre VIII, chapitre II, section II, de l’ancien Code civil et à l’article 31 du décret flamand sur la location d’habitations du 9 novembre 2018, l’agence locative sociale, la société de logement social ou la société de logement transfère, lors de la création d’une société de logement, le contrat de location principal avec un ou plusieurs bailleurs sur le marché locatif privé à la société de logement sans le consentement écrit préalable du ou des bailleurs.
Dans le cas de restructurations ou de transferts dans le cadre de la création d’une société de logement, les clauses contractuelles des contrats de location dans le cadre des missions, visées à l’article 4.55, alinéa 2, 1°, du Code flamand du Logement de 2021, tel qu’applicable avant la date d’entrée en vigueur du présent décret, ou à l’article 4.40, 4°, 5° ou 6°, du Code flamand du Logement de 2021, tel qu’inséré par l’article 91 du présent décret, prévoyant le droit de résiliation anticipée pour changement de contrôle, sont abrogées ».
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B.2.1. Les dispositions attaquées s’inscrivent dans le cadre d’une réforme par laquelle le législateur décrétal vise à remplacer, d’ici le 1er janvier 2023, les sociétés de logement social et les offices de location sociale par un seul et même acteur du logement, à savoir la société de logement, qui, au sein des zones d’activité à fixer par le Gouvernement flamand, fait office d’interlocuteur unique pour le candidat-locataire social ou le candidat-acheteur social.
Les travaux préparatoires mentionnent :
« Ainsi qu’il est indiqué dans la note de politique du logement 2019-2024, les acteurs du logement social au sein d’une zone d’activité fusionneront, d’ici le 1er janvier 2023, en une seule et même société de logement social. Cette intégration vise à assurer la convivialité à l’égard des clients, la transparence ainsi qu’une étroite collaboration portant sur des activités diverses dans le domaine du logement social, et elle renforcera le rôle de régie des pouvoirs locaux. Ces mesures doivent aboutir à une politique du logement locale de qualité.
Plusieurs motifs justifient la réforme. Premièrement, la réforme vise à créer des avantages pour le locataire social et pour le candidat-locataire social. Il ne devra plus s’inscrire qu’une seule fois, alors que, dans le contexte actuel, il est tenu de le faire séparément auprès de tous les acteurs du logement social. La simplification doit aussi faciliter tant le suivi du candidat-
locataire que celui du bailleur.
La réforme peut aussi offrir une solution au problème auquel sont confrontés les candidats-
locataires ayant le plus besoin d’un logement (qui sont souvent ceux dont les revenus sont les plus bas), à savoir qu’ils se retrouvent dans un office de location sociale où le loyer est nettement plus élevé que le loyer moyen d’une habitation qui est louée par une société de logement social. La fusion des deux activités pose les jalons d’une solution à ce problème.
Le regroupement des activités des offices de location sociale et des sociétés de logement social permet de partager l’expertise et de créer des économies d’échelle de manière beaucoup plus concrète. Alors que les sociétés de logement social sont traditionnellement plus expertes dans les domaines de la construction et de la rénovation du patrimoine du logement social, on suppose que les offices de location sociale – nés pour la plupart de l’action des CPAS ou des acteurs du bien-être – exercent surtout leurs talents dans le domaine de l’accompagnement au logement. La coexistence des unes et des autres doit permettre de construire davantage, d’améliorer la qualité et de mieux faire retentir les bonnes pratiques de chacun au sein de la société de logement fusionnée, ce qui bénéficiera à tous les locataires.
Deuxièmement, la réforme offre des avantages aux pouvoirs locaux. Grâce aux sociétés de logement, les pouvoirs locaux ont à leur disposition un unique exécutant direct de la politique locale du logement social et ils ne doivent donc plus tenir compte des différents acteurs actuels du logement, qui ont chacun leur propre fonctionnement et leurs propres idées. Dès lors qu’un pouvoir de décision suffisant au sein de la société de logement leur sera par ailleurs toujours garanti, les pouvoirs locaux peuvent mettre leurs propres accents et, par conséquent, mieux répondre aux défis spécifiques (supra-locaux ou non) en matière de politique du logement sur leur territoire.
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Une série d’avantages, dont les locataires bénéficient, profitent évidemment aussi aux bailleurs. La centralisation des connaissances des deux activités en un seul grand acteur élargit l’expertise et permet ainsi des synergies. La fusion des acteurs en un seul acteur du logement par commune permet d’éliminer toute concurrence entre les acteurs du logement dans le cadre de la réalisation de l’objectif social contraignant et permet, en d’autres termes, d’agir de manière plus ciblée en fonction des objectifs concrets. La fusion permet en outre de fluidifier la communication, en ce que cet acteur unique parlera d’une seule voix tant aux candidats-
locataires qu’aux locataires, mais aussi aux responsables de la politique du logement et aux parties privées qui peuvent constituer des partenaires pour atteindre les objectifs dans le domaine du logement social.
Comme pour toute réforme, les véritables gains d’efficacité ne seront visibles qu’après un certain temps. Ils sont un effet secondaire intéressant et s’inscrivent dans le cadre des efforts de performance déjà mis en œuvre précédemment dans le secteur, mais ils ne constituent pas une fin en soi dans le cadre de cette réforme » (Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 828/1, p. 6).
B.2.2. Aux termes de l’article 4.36, § 1er, du Code flamand du logement de 2021, tel qu’il a été remplacé par l’article 74, attaqué, du décret du 9 juillet 2021, les sociétés de logement sont des sociétés autonomes agréées par le Gouvernement flamand et responsables de la bonne exécution de la politique du logement social. Pour être agréée et rester agréée en tant que société de logement, une société doit répondre au minimum aux dispositions des chapitres 1 à 7 du titre 3 (« Sociétés de logement ») du livre 4 (« Acteurs du logement ») du Code précité, le Gouvernement flamand pouvant imposer des conditions d’agrément supplémentaires (article 4.36, § 2).
Aux termes de l’article 4.37 du Code flamand du logement de 2021, tel qu’il a été remplacé par l’article 76, attaqué, du décret du 9 juillet 2021, le Gouvernement flamand agrée une société de logement par zone d’activité, cette dernière devant être constituée d’une commune ou de communes géographiquement contiguës. Le Gouvernement flamand fixe les zones d’activité et peut accorder des exceptions à la contiguïté géographique des communes.
Une société de logement est, en principe, exclusivement active au sein de la zone d’activité pour laquelle elle est agréée, même si les activités s’étendant au-delà de la zone d’activité sont autorisées sous certaines conditions (article 4.38, §§ 2 et 3, du Code flamand du logement de 2021, tel qu’il a été remplacé par l’article 77, attaqué, du décret du 9 juillet 2021).
La société de logement acquiert, dans les plus brefs délais, tous les droits sur les biens immobiliers adaptés au logement social situés dans sa zone d’activité auprès des sociétés de
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logement social, des offices de location sociale, du Fonds flamand du logement et d’autres sociétés de logement et reprend les droits relatifs aux biens immobiliers situés dans sa zone d’activité qui sont adaptés au logement social et qui sont proposés à la société de logement par une commune ou un CPAS (article 4.38, §§ 4 et 5, du Code flamand du logement de 2021). Si le transfert ne peut avoir lieu contre une indemnité en actions et que les parties ne parviennent pas à un accord sur le prix du transfert des droits, le décret prévoit un régime d’indemnisation à l’article 4.38, § 7, du Code flamand du logement de 2021.
Selon l’article 4.46/2 du Code flamand du logement de 2021, qui a été inséré par l’article 104, attaqué, du décret du 9 juillet 2021 et qui fait partie du chapitre 6 (« Patrimoine et maintien de la société de logement ») du titre 3, précité, du livre 4, la société de logement doit au plus tard à partir du 1er janvier 2024 disposer d’un patrimoine d’au moins 1 000 logements locatifs sociaux en gestion. Dans ce cadre, il est tenu compte des logements locatifs sociaux que la société de logement a réalisés et planifiés, mais pas des logements pris en location sur le marché locatif privé en vue de la sous-location conformément au régime de location sociale.
B.2.3. En vertu de l’article 4.39 du Code flamand du logement de 2021, tel qu’il a été remplacé par l’article 79, attaqué, du décret du 9 juillet 2021, la société de logement prend la forme juridique d’une société à responsabilité limitée et le Code des sociétés et des associations s’y applique pour autant qu’il n’y soit pas dérogé par ou en vertu du Code précité.
Aux termes de l’article 4.46/3 de ce Code, tel qu’il a été inséré par l’article 105, attaqué, du décret du 9 juillet 2021, la société de logement n’a pas pour vocation principale de distribuer ou de procurer un avantage patrimonial direct ou indirect à ses actionnaires. Cette disposition prévoit donc un certain nombre de limites de distribution. Une de ces limites tient en ce qu’en cas de démission ou d’exclusion, un actionnaire reçoit au maximum la valeur nominale de l’apport à l’actif de la société de logement réellement versé par lui et non encore remboursé, telle qu’enregistrée au moment de l’apport (article 4.46/3, 3°). Cette disposition prévoit également qu’en cas de liquidation de la société de logement, le patrimoine subsistant après
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apurement du passif et remboursement aux actionnaires de leur apport est transféré à une société de logement désignée par le Gouvernement flamand (article 4.46/3, 4°).
L’article 4.39/5 du Code flamand du logement de 2021, tel qu’il a été inséré par l’article 87, attaqué, du décret du 9 juillet 2021, contient des règles relatives à la composition, au fonctionnement et aux pouvoirs de l’organe d’administration de la société de logement, ainsi qu’à la rémunération des administrateurs.
B.2.4. Par les dispositions attaquées, le législateur décrétal a également voulu « renforcer le rôle des autorités publiques dans le cadre de l’exécution de la politique du logement social par les organisations du logement social » (ibid., p. 16). C’est pourquoi l’article 4.39/2, § 1er, du Code flamand du logement de 2021, tel qu’il a été inséré par l’article 83, attaqué, du décret du 9 juillet 2021, dispose que seuls la Région flamande et les provinces, les communes et les CPAS situés dans la zone d’activité de la société de logement peuvent détenir des actions d’une société de logement. Puisque « les pouvoirs locaux (communes et CPAS) jouent un rôle crucial dans l’élaboration et dans l’exécution de la politique du logement » (ibid., p. 10), le législateur décrétal a en outre prévu que les communes et les CPAS qui sont situés dans la zone d’activité de la société de logement et qui sont actionnaires de cette société de logement disposent toujours conjointement de plus de 50 % du total des droits de vote liés aux actions (article 4.39/2, § 2, du Code flamand du logement de 2021). Lors de l’agrément ou de la fusion d’une société de logement au nom de la Région flamande, le Gouvernement flamand a le droit de souscrire au maximum un nombre d’actions donnant droit au maximum à un quart du nombre total des voix à l’assemblée générale (article 4.39/4, du Code flamand du logement de 2021, tel qu’il a été inséré par l’article 85, attaqué, du décret du 9 juillet 2021).
Il ressort des travaux préparatoires que le « choix d’un actionnariat public renforcé qui prévoit un rôle de régie renforcé pour les pouvoirs locaux est aussi déterminé par des motifs financiers » :
« Les sociétés de logement social et les offices de location sociale sont aujourd’hui principalement subventionnés par la Flandre. La Région flamande offre aux sociétés de logement social un important soutien financier (notamment par l’intermédiaire de la VMSW
(Société flamande du logement social)) en vue de la réalisation des logements locatifs et d’achat et des lots. Ce soutien financier revêt des formes différentes selon l’investissement et la nature du projet (par exemple, un projet de location ou un projet d’achat) : la Région accorde des
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subventions, prend en charge les coûts ou intervient dans la charge des emprunts que les initiateurs contractent auprès de la VMSW pour réaliser un projet.
Outre l’aide à l’investissement, l’autorité flamande octroie aussi des subventions directes.
Ainsi, les offices de location sociale qui sous-louent des logements reçoivent des subventions directes. Celles-ci consistent en partie en un forfait de base et en partie en un montant variable, selon le nombre de logements qui est géré par un office de location sociale.
Par le passé, les investissements réalisés par des actionnaires privés dans les sociétés de logement social sont toujours restés limités à l’apport de capital. La valeur nominale de toutes les actions des sociétés de logement social qui sont aux mains d’actionnaires privés s’élève à environ 3 millions d’euros. Près des deux tiers de ce montant ont été investis par les locataires des sociétés coopératives de logement ‘ De Gelukkige Haard ’ et ‘ A.B.C. ’ et ne constituent en réalité pas un investissement, mais une garantie locative. Les offices de location sociale comptent non pas des actionnaires, mais des membres, aucune distinction n’étant possible entre les contributions des membres publics et celles des membres privés. Le montant total de l’apport en numéraire dans les offices de location sociale s’élève à environ 2,6 millions d’euros.
Compte tenu de la structure des effectifs, on s’attend à ce que, à tout le moins, la moitié de ce montant provienne de membres publics. Globalement, il peut donc être constaté que, tout au long des années du fonctionnement, les parties privées n’ont pas investi plus de 5 millions d’euros dans le secteur du logement social.
Les investissements relativement limités réalisés par les parties privées dans le logement social font pâle figure par rapport à ceux de la Région flamande. Rien qu’en 2020, la Région flamande prévoit d’investir près de 900 millions d’euros en crédits d’investissement subventionnés, afin de permettre la construction et la rénovation d’habitations sociales de location. Une intervention sous la forme d’une subvention-intérêts – rapportée à aujourd’hui –
qui s’élève à environ la moitié de l’investissement total, est liée à ces subventions d’investissement. Outre les interventions sous la forme d’une subvention-intérêts, réalisées dans le cadre des financements, la Région flamande prévoit aussi, en 2020, d’accorder, au profit des sociétés de logement social et des offices de location sociale, un montant de près de 35 millions d’euros de subventions directes sous la forme de subventions de fonctionnement, ainsi que la correction sociale régionale. En outre, un budget d’investissement s’élevant à près de 60 millions d’euros est prévu en 2020 pour financer les travaux d’infrastructure qui sont nécessaires dans le cadre du logement social. Les locataires d’offices de location sociale reçoivent également une subvention locative ou une prime à la location, pour lesquelles la Région prévoit un montant de près de 30 millions d’euros en 2020 (pour être précis, le montant total des subventions locatives et des primes à la location est encore plus élevé). En résumé, il est donc clair que les investissements réalisés par la Région flamande dans les activités des offices de location sociale et des sociétés de logement social sont, rien qu’en 2020, bien plus élevés que ceux jamais réalisés par les parties privées elles-mêmes » (ibid., pp. 10-11).
B.2.5. Aux termes de l’article 4.51 du Code flamand du logement de 2021, tel qu’il a été remplacé par l’article 122, attaqué, du décret du 9 juillet 2021, le Gouvernement flamand peut sanctionner une société de logement sous certaines conditions. Les sanctions possibles sont énumérées dans cet article. Le Gouvernement flamand dispose notamment de la faculté de désigner un mandataire ad hoc qui remplace en tout ou en partie l’organe d’administration de
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la société de logement (article 4.51, alinéa 1er, 3°) et de retirer l’agrément de la société de logement (article 4.51, alinéa 1er, 8°, et alinéa 2, 2°).
Aux termes de l’article 4.53 du Code flamand du logement de 2021, tel qu’il a été remplacé par l’article 124, attaqué, du décret du 9 juillet 2021, le retrait de l’agrément d’une société de logement entraîne de plein droit sa dissolution. Toutes les compétences d’administration et d’engagement de la société de logement sont attribuées à un ou plusieurs liquidateurs désignés par le Gouvernement flamand, qui prennent les mesures nécessaires au transfert du patrimoine de la société dissoute à la/aux société(s) de logement désignée(s) par le Gouvernement flamand.
Lorsqu’une procédure de liquidation est engagée, la Société flamande du logement social (« Vlaamse Maatschappij voor Sociaal Wonen ») est, dans certaines conditions, subrogée de plein droit dans les droits et obligations de la société de logement découlant d’un contrat conclu entre la société de logement et un ou plusieurs bailleurs sur le marché locatif privé (article 4.53/3 du Code flamand du logement de 2021, tel qu’il a été inséré par l’article 128, attaqué, du décret du 9 juillet 2021).
B.3.1. Il ressort des travaux préparatoires que les « sociétés de logement social existantes peuvent se faire agréer comme sociétés de logement » et que, dans ce cadre, « certaines mesures transitoires sont prévues » (ibid., p. 9).
B.3.2. En vertu de l’article 205, § 1er, attaqué, du décret du 9 juillet 2021, les sociétés de logement social qui sont agréées la veille de l’entrée en vigueur de ce décret conformément aux conditions d’agrément valables à cette date peuvent conserver cet agrément jusqu’au 31 décembre 2022 au plus tard, pour autant qu’elles continuent à remplir ces conditions d’agrément, et continuer à bénéficier du financement jusqu’à cette date conformément aux dispositions du Code flamand du logement de 2021, tel qu’applicable avant la date d’entrée en vigueur dudit décret.
Aux termes de l’article 205, § 3, du décret du 9 juillet 2021, le Gouvernement flamand peut en outre accorder un agrément temporaire jusqu’au 30 juin 2023 aux sociétés de logement social qui démontrent que, pour le 30 juin 2023 au plus tard, soit elles rempliront toutes les conditions
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d’agrément comme sociétés de logement, soit elles transféreront leurs avoirs patrimoniaux et leur personnel destinés au logement social à une ou plusieurs sociétés de logement.
Les sociétés de logement social qui sont agréées la veille de l’entrée en vigueur dudit décret conformément aux conditions d’agrément valables à cette date restent soumises, jusqu’à la clôture de leur liquidation, aux dispositions du Code flamand du logement de 2021, tel qu’applicable la veille de l’entrée en vigueur de ce décret (article 205, § 7).
B.3.3. Les sociétés de logement social qui, au 31 décembre 2022, ne sont pas agréées ou ne sont pas agréées temporairement comme sociétés de logement perdent de plein droit leur agrément à compter du 1er janvier 2023. Les sociétés de logement temporairement agréées qui ne sont pas agréées au 30 juin 2023 perdent aussi de plein droit leur agrément temporaire (article 205, § 5). Dans les deux cas, la perte de l’agrément entraîne de plein droit la dissolution.
Les actionnaires reçoivent, après apurement du passif de la société de logement social, au maximum la valeur nominale de leur apport réellement versé et non encore remboursé au patrimoine de la société de logement social, telle qu’enregistrée au moment de l’apport. Le patrimoine qui subsiste est transféré à une ou plusieurs sociétés de logement désignées par le Gouvernement flamand.
B.3.4. À partir de la date d’entrée en vigueur du décret du 9 juillet 2021, à savoir le 20 septembre 2021, les personnes autres que les provinces, les communes et les CPAS ne peuvent en principe pas acquérir des actions dans une société de logement social. Par dérogation à cette disposition, les actionnaires existants des sociétés de logement social peuvent toutefois acquérir des actions dans le cadre d’opérations de restructuration relevant du droit des sociétés avec une société de logement social ou une société de logement (article 205, § 1er, alinéa 3, du décret du 9 juillet 2021).
B.3.5. En vertu de l’article 206, attaqué, du décret du 9 juillet 2021, les sociétés de logement existantes qui ne satisfont pas à la condition contenue dans l’article 4.39/2, § 1er, du Code flamand du logement de 2021, selon laquelle seuls la Région flamande, les provinces, les communes et les CPAS peuvent détenir des actions d’une société de logement, peuvent néanmoins être agréées comme sociétés de logement, si ce n’est que, dans ce cas, quelques règles dérogatoires sont applicables jusqu’à la date à laquelle elles satisfont à la condition
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précitée. Les actionnaires autres que la Région flamande, les provinces, les communes et CPAS
ne peuvent participer au vote de l’assemblée générale de la société avec plus d’un dixième du nombre de voix présentes ou représentées (article 206, alinéa 1er, 3°) et ne peuvent participer conjointement à un vote de l’assemblée générale qu’avec un maximum des voix nécessaires à la majorité requise moins une (article 206, alinéa 1er, 4°). Les statuts de la société de logement peuvent prévoir que les actionnaires autres que la Région flamande et les provinces, communes et CPAS situés dans la zone d’activité de la société de logement peuvent proposer conjointement au maximum un seul administrateur (article 206, alinéa 1er, 5°).
B.3.6. L’article 208, attaqué, du décret du 9 juillet 2021 prévoit des règles particulières en ce qui concerne la situation des locataires sociaux qui ont souscrit des actions en remplacement du versement d’une garantie locative. Aux termes de cette disposition, les actionnaires concernés sont réputés se retirer de plein droit avec ces actions à la date d’entrée en vigueur du décret, la part de retrait à laquelle le locataire social a droit étant convertie de plein droit en une garantie locative.
B.3.7. Il ressort des travaux préparatoires que, pour les offices de location sociale, « il n’est pas prévu qu’ils puissent se transformer en une société de logement parce que la forme juridique de la société de logement diffère trop. Par contre, les offices de location sociale peuvent céder leur patrimoine à titre onéreux ou gratuit à une société de logement social en vue de constituer une société de logement » (ibid., p. 147).
L’article 205, § 6, attaqué, du décret du 9 juillet 2021 dispose que les offices de location sociale qui étaient agréés la veille de l’entrée en vigueur de ce décret conformément aux conditions d’agrément valables à cette date conservent cet agrément jusqu’au 30 juin 2023 au plus tard, tant qu’ils continuent à remplir ces conditions, et qu’ils continuent jusqu’à cette date à bénéficier du financement conformément aux dispositions du Code flamand du logement de 2021, tel qu’applicable la veille de l’entrée en vigueur de ce décret. Ils perdent de plein droit leur agrément à partir du 1er juillet 2023.
À partir de la date de perte de l’agrément de l’office de location sociale, la Société flamande du logement social est subrogée de plein droit dans les droits et obligations de l’office de
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location sociale qui découlent d’un contrat conclu entre l’office de location sociale et un ou plusieurs bailleurs actifs sur le marché locatif privé.
B.3.8. Selon l’article 215, attaqué, du décret du 9 juillet 2021, lors de la création d’une société de logement, le bail principal conclu par l’office de location sociale, la société de logement social ou la société de logement avec un ou plusieurs bailleurs actifs sur le marché locatif privé est cédé à la société de logement. Par dérogation aux dispositions de l’ancien Code civil et du décret flamand du 9 novembre 2018 « contenant des dispositions relatives à la location de biens destinés à l’habitation ou de parties de ceux-ci », cette cession s’effectue sans accord écrit et préalable du ou des bailleurs. Le législateur décrétal entendait ainsi empêcher « que le propriétaire-bailleur puisse s’opposer à cette ou ces cessions », et ce « dans un souci de garantir au locataire social la jouissance paisible » (ibid., p. 158).
B.3.9. Aux termes de l’article 209, § 3, attaqué, du décret du 9 juillet 2021, une société de logement qui est issue d’une société de logement social agréée acquiert, dans les plus brefs délais, la gestion des biens immobiliers adaptés au logement social situés dans sa zone d’activité auprès des sociétés de logement social, d’autres sociétés de logement, des offices de location sociale et du Fonds flamand du logement. Au plus tard le 1er janvier 2028, la société de logement acquiert tous les droits sur ces biens immobiliers. La société de logement transfère en outre, dans les plus brefs délais, au moins la gestion des biens immobiliers adaptés au logement social situés en dehors de sa zone d’activité aux sociétés de logement agréées pour la zone d’activité dans laquelle les biens immobiliers sont situés. Au plus tard le 1er janvier 2028, elle transfère tous les droits sur ces biens immobiliers aux sociétés de logement concernées. Si le transfert ne peut avoir lieu contre une indemnité en actions et que les parties ne parviennent pas à un accord sur le prix du transfert des droits, le régime d’indemnisation prévu à l’article 4.38, § 7, du Code flamand du logement de 2021 est applicable.
Quant à la recevabilité
B.4. Le Gouvernement flamand soutient que les parties requérantes qui sont des sociétés de logement social agréées ou des actionnaires de sociétés de logement social agréées n’ont pas
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d’intérêt à leur recours, en ce qu’il est dirigé contre l’article 4.39/2, § 1er, alinéa 1er, du Code flamand du logement de 2021, tel qu’il a été inséré par l’article 83 du décret du 9 juillet 2021, dès lors que cette disposition est exclusivement applicable aux sociétés de logement qui ne sont pas la continuation de sociétés de logement social agréées.
B.5.1. Aux termes de l’article 4.39/2, § 1er, alinéa 1er, du Code flamand du logement de 2021, tel qu’il a été inséré par l’article 83 du décret du 9 juillet 2021, seuls la Région flamande et les provinces, les communes et les CPAS situés dans la zone d’activité de la société de logement peuvent détenir des actions d’une société de logement. En vertu de l’article 205, § 2, du décret du 9 juillet 2021, le Gouvernement flamand détermine la procédure selon laquelle une société de logement social agréée peut être agréée comme société de logement. En vertu de l’article 206 du décret du 9 juillet 2021, les sociétés de logement visées à l’article 205, § 2, de ce décret qui ne satisfont pas à l’article 4.39/2, § 1er, alinéa 1er, du Code flamand du logement de 2021 peuvent néanmoins être agréées comme sociétés de logement, et, de ce fait, être soumises à des règles spécifiques.
B.5.2. Il en découle que l’article 4.39/2, § 1er, alinéa 1er, du Code flamand du logement de 2021 s’applique exclusivement aux sociétés de logement qui ne sont pas la continuation d’une société de logement social agréée. Cette circonstance ne porte toutefois pas atteinte à l’intérêt des parties requérantes qui invoquent leur qualité d’actionnaire privé ou d’ancien actionnaire privé d’une société de logement social agréée. L’article 4.39/2, § 1er, alinéa 1er, du Code flamand du logement de 2021 ne les empêche en effet pas de devenir actionnaires d’une société de logement qui n’est pas la continuation d’une société de logement social existante.
Elles sont donc affectées directement et défavorablement par cette disposition. Dès lors que les moyens invoqués contre l’article 83 du décret du 9 juillet 2021 émanent d’un certain nombre de personnes qui font valoir leur qualité d’actionnaire privé ou d’ancien actionnaire privé d’une société de logement social agréée, plusieurs parties requérantes à tout le moins justifient de l’intérêt requis et il n’est pas nécessaire, pour cette raison, d’examiner l’intérêt des autres parties requérantes.
B.6. Le Gouvernement flamand soutient aussi que les parties requérantes ne peuvent pas attaquer de manière recevable la mesure, contenue dans l’article 205, § 5, du décret du 9 juillet 2021, relative à la dissolution de plein droit d’une société de logement social, dès lors que cette
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disposition renvoie à « la résiliation mentionnée à l’article 4.53 du Code flamand du logement de 2021, tel qu’applicable avant la date d’entrée en vigueur du présent décret » et dès lors que le délai pour introduire un recours recevable contre cet article 4.53 a déjà expiré.
B.7.1. Pour satisfaire aux exigences de l’article 3, § 1er, de la loi spéciale du 6 janvier 1989
sur la Cour constitutionnelle, un recours en annulation doit être introduit dans le délai de six mois suivant la publication de la norme attaquée.
B.7.2. Lorsque, dans une législation nouvelle, le législateur reprend une disposition ancienne et s’approprie de cette manière son contenu, un recours peut être introduit contre la disposition reprise, dans les six mois de sa publication.
En prévoyant, à l’article 205, § 5, du décret du 9 juillet 2021, qu’une société de logement social qui n’est pas agréée comme société de logement à une date déterminée perd de plein droit son agrément et que la perte de cet agrément entraîne de plein droit la résiliation mentionnée à l’article 4.53 du Code flamand du logement de 2021, tel qu’il était applicable avant la date d’entrée en vigueur dudit décret, le législateur décrétal a légiféré en ce qui concerne la mesure relative à la résiliation de plein droit, plus spécifiquement dans le cadre du régime transitoire qu’il a prévu. Il ne saurait donc être déduit du simple renvoi, dans l’article 205, § 5, du décret du 9 juillet 2021, à la mesure relative à la résiliation de plein droit mentionnée dans la législation décrétale qui était en vigueur précédemment que les recours ne sont pas recevables ratione temporis, en ce qu’ils sont dirigés contre l’article 205, § 5.
B.8. Dans le cadre de plusieurs des moyens soulevés par les parties requérantes, le Gouvernement flamand fait valoir que les parties requérantes ne développent pas des griefs contre toutes les dispositions ou parties de ces dispositions attaquées dans ces moyens et qu’elles n’exposent pas toujours en quoi ces dispositions ou parties de dispositions violent les normes de référence mentionnées aux moyens concernés. En outre, il soutient que certains moyens sont partiellement irrecevables, au motif que la Cour n’est pas compétente pour contrôler des normes législatives directement au regard de certains articles constitutionnels et principes généraux mentionnés dans ces moyens, et que, dans la mesure où les parties requérantes ajoutent, dans leurs mémoires en réponse, des griefs nouveaux aux moyens invoqués dans leurs requêtes, ces griefs sont irrecevables.
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B.9.1. La Cour est compétente pour contrôler des normes de nature législative au regard des règles répartitrices de compétences entre l’autorité fédérale, les communautés et les régions, ainsi qu’au regard des articles du titre II (« Des Belges et de leurs droits ») et des articles 143, § 1er, 170, 172 et 191 de la Constitution.
Tous les moyens sont pris de la violation d’une ou plusieurs règles dont la Cour garantit le respect. Pour autant que les parties requérantes invoquent en outre des dispositions conventionnelles, d’autres articles de la Constitution et des principes généraux, la Cour n’examine ceux-ci qu’en tant que les parties requérantes dénoncent la violation des règles précitées, lues en combinaison avec les dispositions et principes visés. Dans cette mesure, les moyens sont recevables.
B.9.2. Pour satisfaire aux exigences de l’article 6 de la loi spéciale du 6 janvier 1989, les moyens de la requête doivent faire connaître, parmi les règles dont la Cour garantit le respect, celles qui seraient violées ainsi que les dispositions qui violeraient ces règles et exposer en quoi ces règles auraient été transgressées par ces dispositions.
La Cour examine les moyens en ce qu’ils satisfont aux exigences précitées.
B.9.3. Il n’appartient pas aux parties requérantes de modifier, dans leur mémoire en réponse, les moyens du recours tels qu’elles les ont elles-mêmes formulés dans la requête. Un grief qui est formulé dans un mémoire en réponse mais qui diffère de celui qui a été formulé dans la requête constitue dès lors un moyen nouveau et est irrecevable.
La Cour examine les moyens tels qu’ils sont formulés dans les requêtes et ne tient donc pas compte des griefs formulés dans les mémoires en réponse, qui doivent être qualifiés de moyens nouveaux.
B.10. Le Gouvernement flamand soutient enfin que les griefs formulés par le Conseil des ministres ne sont pas recevables, en ce qu’ils sont dirigés contre des dispositions que les parties requérantes n’attaquent pas de manière recevable devant la Cour.
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B.11. L’article 85, alinéa 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 permet notamment au Conseil des ministres d’introduire un mémoire dans une affaire concernant un recours en annulation et de formuler dans ce mémoire des moyens nouveaux. Une telle intervention ne peut cependant ni modifier ni étendre le recours. Tel serait le cas si un moyen nouveau était articulé contre une disposition qui n’est pas attaquée de manière recevable devant la Cour par les parties requérantes.
La Cour tient compte des mémoires introduits par le Conseil des ministres, dans la mesure où ils satisfont à l’exigence précitée.
B.12. Les exceptions sont rejetées.
Quant aux moyens
En ce qui concerne la conformité aux règles répartitrices de compétences
B.13. Le deuxième moyen dans l’affaire n° 7674, le cinquième moyen dans l’affaire n° 7675, le quatrième moyen dans l’affaire n° 7750 et le premier moyen dans l’affaire n° 7773
sont pris de la violation des règles répartitrices de compétences, et plus particulièrement de la violation des articles 6, § 1er, VI, alinéa 5, 5°, et 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles (ci-après : la loi spéciale du 8 août 1980), en ce que les dispositions attaquées dérogent au droit des sociétés fédéral. Ces moyens, considérés conjointement, sont dirigés contre les articles 79, 83, 87, 105, 122, 124, 128 et 206 du décret du 9 juillet 2021, ainsi que contre les dispositions transitoires qui règlent la cessation de l’agrément des sociétés de logement social et la transition vers les sociétés de logement.
B.14. Ces moyens, en ce qu’ils sont dirigés contre « les dispositions transitoires qui règlent la cessation de l’agrément des sociétés de logement social et la transition vers les sociétés de logement », sont irrecevables. L’on n’aperçoit en effet pas clairement quelles sont les dispositions du décret du 9 juillet 2021 qui sont précisément visées. Du reste, les parties requérantes n’exposent pas en quoi ces dispositions transitoires violeraient les normes de référence mentionnées aux moyens.
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B.15.1. L’article 6, § 1er, IV, de la loi spéciale du 8 août 1980 dispose :
« § 1er. Les matières visées à l’article 39 de la Constitution sont :
[…]
IV. En ce qui concerne le logement :
1° le logement et la police des habitations qui constituent un danger pour la propreté et la salubrité publiques;
2° les règles spécifiques concernant la location des biens ou de parties de biens destinés à l’habitation ».
B.15.2. Le Constituant et le législateur spécial, dans la mesure où ils n’en disposent pas autrement, ont attribué aux communautés et aux régions toute la compétence d’édicter les règles propres aux matières qui leur ont été transférées.
B.15.3. Il peut se déduire de l’article 6, § 1er, IV, de la loi spéciale du 8 août 1980 que les régions sont compétentes pour régler l’ensemble de la matière du logement. Il ressort des travaux préparatoires de la loi spéciale du 8 août 1980 qu’elles sont compétentes notamment pour « la promotion de la construction, l’occupation, l’assainissement, l’amélioration, l’adaptation et la démolition de logements » et « en ce qui concerne la construction de logements sociaux, les formes d’aide, les types d’habitation, le financement et les conditions de contrats de vente et de location des habitations des sociétés publiques de logement, ainsi que l’infrastructure » (Doc. parl., Sénat, 1979-1980, n° 434/1, p. 20).
B.16. Selon l’article 6, § 1er, VI, alinéa 5, 5°, de la loi spéciale du 8 août 1980, l’autorité fédérale est seule compétente pour le droit commercial et le droit des sociétés.
B.17. L’article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 dispose :
« Les décrets peuvent porter des dispositions de droit relatives à des matières pour lesquelles les Parlements ne sont pas compétents, dans la mesure où ces dispositions sont nécessaires à l'exercice de leur compétence ».
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Plus particulièrement, cette disposition autorise la Région flamande à prendre un décret réglant une matière fédérale, pour autant que cette disposition soit nécessaire à l’exercice de ses compétences, que cette matière se prête à un règlement différencié et que son incidence sur la matière fédérale ne soit que marginale.
B.18.1. Comme il est dit en B.2.2, les sociétés de logement créées sur la base du décret du 9 juillet 2021 sont des sociétés autonomes qui sont responsables de l’exécution correcte de la politique du logement social et qui doivent être agréées par le Gouvernement flamand. Pour être agréée comme société de logement, la société doit répondre au minimum aux dispositions des chapitres 1 à 7 du titre 3 (« Sociétés de logement ») du livre 4 (« Acteurs du logement »)
du Code flamand du logement de 2021 (article 4.36 de ce Code, tel qu’il a été remplacé par l’article 74 du décret du 9 juillet 2021).
Les dispositions des chapitres 1 à 7 du titre 3 du livre 4 du Code flamand du logement de 2021 contiennent donc des conditions d’agrément. Ces dispositions portent notamment sur la forme juridique et les statuts de la société de logement, sur les actions, les actionnaires et l’assemblée générale des actionnaires, sur l’administration de la société de logement, son but, son objet, ses missions, ses compétences et son patrimoine, de même que sur son contrôle et sa surveillance.
B.18.2. Selon l’article 4.39/7 du Code flamand du logement de 2021, tel qu’il a été inséré par l’article 90 du décret du 9 juillet 2021, la société de logement a pour but principal de contribuer, dans l’intérêt général, au droit à un logement conforme à la dignité humaine et à l’exécution de la politique flamande du logement. Cette même disposition décrit les sociétés de logement comme étant « les exécutants privilégiés de la mission de la politique du logement flamande en ce qui concerne la réalisation d’une offre de logement social ».
B.18.3. Aux termes de l’article 4.39 du Code flamand du logement de 2021, tel qu’il a été remplacé par l’article 79, attaqué, du décret du 9 juillet 2021, la société de logement prend la forme juridique d’une société à responsabilité limitée et le Code des sociétés et des associations s’y applique « pour autant qu’il n’y soit pas dérogé par ou en vertu du présent Code ».
B.19.1. Il ressort de ce qui précède que le législateur décrétal a considéré, d’une part, que seules les sociétés à responsabilité limitée peuvent être prises en considération pour être agréées
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comme sociétés de logement et, d’autre part, qu’il y a lieu de prévoir à l’égard de ces sociétés des dérogations au Code des sociétés et des associations.
Dès lors que ces dérogations ont été conçues comme des conditions d’agrément, elles ne s’appliquent qu’aux sociétés qui souhaitent se faire agréer comme sociétés de logement.
B.19.2. Les travaux préparatoires du décret du 9 juillet 2021 mentionnent :
« Le Code flamand du logement prévoit actuellement que les sociétés de logement social prennent, sans rien perdre de leur caractère civil, la forme de sociétés coopératives ou anonymes à finalité sociale. Les conditions d’agrément relatives aux sociétés de logement seront, dans la mesure du possible, alignées sur les conditions d’agrément des sociétés de logement social existantes, de façon à faciliter l’agrément, comme sociétés de logement, des sociétés de logement social existantes.
Il convient toutefois, à cet égard, de prendre en compte les profondes modifications apportées ces dernières années au droit des entreprises et au droit des sociétés. Il va sans dire que les conditions d’agrément relatives aux sociétés de logement doivent en tenir dûment compte. Des explications sur la façon dont ces modifications sont prises en considération suivront ci-après.
[…]
La distinction entre les actes civils et les actes commerciaux, et avec elle la distinction entre les sociétés civiles et les sociétés commerciales, a été supprimée en droit des entreprises fédéral pour être remplacée par une notion générique de l’entreprise. En droit des sociétés fédéral, c’est la qualification de société ‘ à finalité sociale ’ qui a été supprimée. En lieu et place, (seules) les SC peuvent obtenir un agrément comme entreprises sociales auprès du Service public fédéral Économie.
L’instauration d’un régime qui subordonnerait la société de logement agréée par la région à un agrément préalable par une instance fédérale n’est pas souhaitable, sans compter qu’elle serait inefficace, ce régime supposant des demandes d’agrément successives auprès de l’autorité fédérale et de la Région flamande. Un tel système entraînerait en outre une insécurité juridique, tant en ce qui concerne les agréments proprement dits qu’en ce qui concerne le contrôle du respect des conditions d’agrément. C’est pourquoi les sociétés de logement ne doivent pas adopter la qualification d’entreprise sociale agréée : elles doivent uniquement obtenir un agrément comme société de logement. Les conditions et la procédure d’agrément figurent, comme c’est le cas aujourd’hui, dans le Code flamand du logement et dans ses arrêtés d’exécution.
Toutefois, le choix opéré sous le régime de l’ancien droit des sociétés en faveur de la forme juridique de la société à finalité sociale offrait certaines garanties contre les distributions de bénéfices. Ces garanties sont maintenues dans le secteur du logement social, eu égard notamment à l’application du droit à un logement social, garanti par la Constitution. Dès lors que les sociétés de logement ne doivent pas obtenir d’agrément fédéral comme entreprises
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sociales pour les raisons évoquées plus haut, ces garanties doivent être intégrées d’une autre façon. C’est pourquoi ce projet reprend une série des caractéristiques matérielles propres à l’ancienne société à finalité sociale ou à l’entreprise sociale au titre de conditions d’agrément pour la société de logement. C’est ainsi qu’il est par exemple exigé que les sociétés de logement n’aient pas pour but premier l’enrichissement de leurs actionnaires et qu’elles reprennent dans leurs statuts les autres buts fixés par le législateur décrétal (sur la base de l’art. 1:1 du Code des sociétés et des associations), qui garantissent qu’elles contribueront à porter et à mettre en œuvre la politique du logement de la Région flamande. D’autre part, les conditions d’agrément imposent une série de restrictions en termes de distribution, par analogie avec les anciennes règles relatives aux sociétés à finalité sociale, qu’on retrouve à présent dans les conditions d’agrément fédérales relatives aux SC agréées comme entreprises sociales.
[…]
Dès lors qu’aucun agrément comme entreprise sociale ne sera imposé à l’avenir, il n’est pas vraiment nécessaire pour les sociétés de logement de (continuer à) choisir le statut de société coopérative. Ce choix comporte par ailleurs des risques juridiques. Le Code des sociétés et des associations et son exposé des motifs limitent le champ d’application de la société coopérative aux coopérations ‘ à proprement parler ’, dans le respect des principes dits de l’ACI, et prévoit à cet égard une nouvelle définition. En conséquence, la SC constitue désormais une forme juridique très spécifique, qui comporte un risque de dissolution (article 6:127 du Code des sociétés et des associations) en cas de non-respect de la définition et de la spécialité qui y est formulée.
Plusieurs caractéristiques relatives à la société de logement sont en outre difficilement conciliables avec les principes de l’ACI, qui constituent la pierre de touche pour décider si la forme juridique de la SC peut être adoptée. Le législateur fédéral avait clairement pour objectif, dans le cadre du Code des sociétés et des associations, de réserver la SC aux sociétés qui portent l’idéal coopératif tel qu’il est inscrit dans les principes de l’ACI. Si la plupart des principes coopératifs sont conciliables avec l’organisation des sociétés de logement, une série de caractéristiques organisationnelles essentielles des sociétés de logement, en particulier les éléments permettant la surveillance nécessaire de l’autorité flamande, semblent incompatibles avec le choix de la société coopérative comme forme juridique.
Pour ces raisons, ce projet de décret prévoit que les sociétés de logement adoptent la forme de la ‘ société à responsabilité limitée ’, qui devient la nouvelle forme juridique standard, tout en étant celle qui, sous le nouveau droit, se rapproche le plus de la SCRL qui existait sous l’ancien droit (par exemple en permettant de faire énormément de sur-mesure). À la lumière, notamment, de l’objectif susmentionné de simplifier le paysage du logement, et afin d’éviter que l’on continue à travailler avec deux formes de sociétés, toutes les sociétés de logement doivent adopter la forme de la société à responsabilité limitée » (Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 828/1, pp. 11-13).
B.19.3. Il ressort des travaux préparatoires cités que le choix du législateur décrétal d’opter pour la forme juridique de la société à responsabilité limitée a notamment été dicté par la réforme du droit des sociétés opérée par le Code des sociétés et des associations du 23 mars 2019. Par cette réforme, les formes juridiques qui étaient auparavant prescrites pour les sociétés de logement social (société coopérative ou anonyme à finalité sociale) ont été supprimées et
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remplacées par l’« entreprise sociale », qui est soumise à un agrément par le Service public fédéral Économie. Par ailleurs, seules les sociétés coopératives peuvent être agréées comme entreprises sociales.
B.19.4. Le législateur décrétal a considéré à cet égard que la forme juridique de la société coopérative, agréée en tant qu’entreprise sociale, n’était pas indiquée pour les sociétés de logement à constituer, et ce pour deux raisons. Premièrement, il a estimé que la nature des sociétés de logement, en raison notamment du contrôle qu’il souhaitait organiser à leur égard, serait difficilement conciliable avec la forme juridique de la société coopérative, qui, conformément à l’objectif du législateur fédéral, devait être réservée aux coopérations « proprement dites » qui respectent les principes dits de l’ACI (principes coopératifs). Il a également tenu compte à cet égard de l’article 6:127 du Code des sociétés et des associations, aux termes duquel le tribunal de l’entreprise peut prononcer à la requête soit d’un actionnaire, soit d’un tiers intéressé, soit du ministère public la dissolution d’une société coopérative qui ne satisfait pas aux exigences de l’article 6:1 de ce Code. Deuxièmement, le législateur décrétal a estimé qu’il n’était pas souhaitable de soumettre les sociétés de logement à plusieurs agréments délivrés par des autorités différentes, en particulier à un agrément comme entreprise sociale délivré par l’autorité fédérale et à un agrément comme société de logement délivré par la Région flamande.
B.19.5. Pour les motifs précités, entre autres, le législateur décrétal a opté pour la forme juridique de la société à responsabilité limitée, qui constitue la forme juridique standard dans le droit des sociétés fédéral. Ce choix apparaît comme ayant été dicté, en partie, par le fait que cette forme juridique est celle qui se rapproche le plus des formes juridiques prises par les sociétés de logement social et par le fait que cette forme juridique, conformément au droit des sociétés fédéral, permet de faire « énormément de sur-mesure ». Il ressort en effet des travaux préparatoires du Code des sociétés et des associations que le législateur fédéral a voulu offrir « un cadre flexible en ce sens que de nombreuses règles applicables aujourd’hui deviennent supplétives », notamment les « règles touchant à l’administration de la société et aux cessions d’actions » (Doc. parl., Chambre, 2017-2018, DOC 54-3119/001, p. 13). Le caractère flexible de la société à responsabilité limitée a essentiellement pour atout que la société, par ses statuts, peut déroger à plusieurs règles du Code des sociétés et des associations.
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Dès lors qu’à la forme juridique de la société à finalité sociale sous l’ancien droit des sociétés étaient liées certaines caractéristiques qui étaient considérées comme essentielles pour le secteur du logement social, le législateur décrétal a intégré certaines de ces caractéristiques comme conditions d’agrément dans la forme juridique de la société à responsabilité limitée que les sociétés de logement doivent adopter. Parmi ces conditions d’agrément, il y a notamment le fait que les sociétés de logement ne peuvent avoir pour but premier l’enrichissement de leurs actionnaires, qui, pour cette raison, sont soumis à certaines restrictions de distribution. Le législateur décrétal a en outre prévu, sous la forme de conditions d’agrément, des modalités liées, entre autres, à la surveillance du secteur, qu’il estimait nécessaire vu le caractère public du financement du secteur du logement social, et aux objectifs généraux qu’il a poursuivis par la réforme du secteur opérée par le décret du 9 juillet 2021. Ainsi qu’il ressort des travaux préparatoires cités en B.2.1, l’un des objectifs poursuivis par le législateur décrétal dans le cadre de cette réforme était d’intégrer les acteurs actuels du logement social (les sociétés de logement social et les offices de location sociale) en une seule société de logement par zone d’activité et d’assigner aux pouvoirs locaux un « rôle de régie » en matière de logement social.
B.20.1. En matière de politique du logement, qui occupe une place centrale dans la politique socio-économique des sociétés contemporaines, la Cour doit, compte tenu de l’obligation faite au législateur décrétal, par l’article 23, alinéa 3, 3°, de la Constitution, de garantir le droit à un logement décent, respecter l’appréciation de ce législateur quant à l’intérêt général, sauf si cette appréciation n’est pas raisonnablement justifiée.
B.20.2. Sur la base des motifs mentionnés en B.19.1 à B.19.5, le législateur décrétal pouvait en principe considérer que, dans le cadre de l’exercice de ses compétences en matière de logement, il était nécessaire de prévoir que la société de logement doive prendre la forme juridique d’une société à responsabilité limitée, laquelle relève de l’application du Code des sociétés et des associations « pour autant qu’il n’y soit pas dérogé par ou en vertu du présent Code » (article 4.39 du Code flamand du logement de 2021, tel qu’il a été remplacé par l’article 79, attaqué). Eu égard à l’objectif du législateur fédéral de conférer un caractère flexible à la forme juridique de la société à responsabilité limitée, avec pour effet que la société, par ses statuts, peut déroger à plusieurs règles contenues dans le Code des sociétés et des
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associations, la matière se prête en principe à un régime différencié. Compte tenu du fait que les dispositions en question du Code flamand du logement de 2021 ont été conçues comme des conditions d’agrément auxquelles les entreprises concernées se soumettent volontairement et du fait que le champ d’application de ces dispositions se limite au secteur du logement social en Région flamande, leur incidence sur la matière fédérale du droit des sociétés est en principe marginale.
B.21. La Cour doit toutefois encore examiner concrètement si les articles 83, 87, 105, 122, 124, 128 et 206, attaqués, du décret du 9 juillet 2021 sont conformes aux règles répartitrices de compétences.
B.22.1. En vertu de l’article 4.39/2, § 1er, alinéa 1er, du Code flamand du logement de 2021, tel qu’il a été inséré par l’article 83, attaqué, du décret du 9 juillet 2021, seuls la Région flamande et les provinces, les communes et les CPAS situés dans la zone d’activité de la société de logement peuvent détenir des actions d’une société de logement. Aux termes de l’article 4.39/2, § 1er, alinéa 2, du même Code, les communes et les CPAS qui sont situés dans la zone d’activité de la société de logement mais qui ne sont pas encore actionnaires ont le droit, au moment de l’agrément de la société de logement ou de la modification de la zone d’activité, de souscrire au minimum une action de la société de logement, laquelle sera émise par cette dernière à la première demande. Toujours aux termes de cet alinéa, cette émission n’entraîne pas l’application de l’article 5:102 du Code des sociétés et des associations. Selon l’article 4.39/2, § 2, les communes et les CPAS qui sont actionnaires d’une société de logement disposent toujours conjointement de plus de 50 % du total des droits de vote liés aux actions, et le Gouvernement flamand détermine le rapport des droits de vote entre les communes et les CPAS sur la base de critères objectifs liés à la politique du logement. Ni la détermination ni la modification de ce rapport n’entraînent, selon cette même disposition, l’application de l’article 5:102 du Code des sociétés et des associations.
B.22.2. L’article 83 du décret du 9 juillet 2021 n’est attaqué, en ce qui concerne la conformité aux règles répartitrices de compétences, que par les parties requérantes dans l’affaire n° 7750. Il ressort de l’exposé du quatrième moyen de leur requête que ces parties requérantes n’invoquent des griefs que contre l’exclusion, prévue à l’article 4.39/2 du Code flamand du logement de 2021, de l’application de l’article 5:102 du Code des sociétés et des associations.
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Conformément à ce qui est dit en B.9.2, la Cour examine uniquement si cet aspect de la disposition attaquée est conforme aux règles répartitrices de compétences.
B.22.3. Les travaux préparatoires du décret du 9 juillet 2021 mentionnent :
« Le deuxième alinéa garantit à chaque commune ou CPAS un droit de participation dans la société de logement qui est compétente pour son territoire. Ce droit s’applique bien évidemment aux communes et aux CPAS qui ne sont pas encore actionnaires. Concrètement, la commune et le CPAS entrants ont le droit, chacun, ou l’un à défaut de l’autre, de souscrire une action. Cela n’affecte pas la possibilité de souscrire davantage d’actions de la société de logement en concertation avec cette dernière. À la première demande de la commune ou du CPAS, la société de logement fera le nécessaire pour procéder à l’émission d’au moins une nouvelle action. Le Code des sociétés et des associations permet d’inscrire un tel régime dans les statuts. Une possibilité dont le législateur décrétal a fait usage et qui s’est avérée nécessaire au regard de l’objectif de la politique du logement, mentionné plus haut, d’assigner un rôle de régie aux pouvoirs locaux. Un tel droit de souscription pour des personnes données auquel la société ou ses actionnaires ne peuvent opposer un refus n’est pas étranger au droit des sociétés fédéral. Des possibilités analogues sont prévues tant dans le droit des SRL (article 5:63, alinéa 2, du CSA) que dans le droit des SC (article 6:106, alinéa 2, du CSA), de sorte que le droit des sociétés fédéral se prête en tout état de cause à un régime différencié. Au demeurant, on peut signaler que l’article 139 du Code wallon de l’habitation durable du 29 octobre 1998
contient (logiquement) une disposition similaire. La portée limitée et la proportionnalité de la règle, de même que son incidence marginale sur le droit des sociétés fédéral doivent aussi être soulignées : outre le fait que le champ d’application de cette règle se limite aux sociétés de logement, le droit de souscription est par ailleurs limité à une seule action, soit le minimum absolu pour réaliser l’objectif poursuivi (à savoir offrir aux pouvoirs locaux qui le souhaitent la garantie d’avoir leur mot à dire dans la société de logement et dans la politique locale du logement).
Une application stricte de la réglementation relative à la constitution des classes d’actions (article 5:102 du CSA), par laquelle chaque commune et/ou chaque CPAS disposerait d’une ‘ classe ’ propre d’actions du fait du droit de vote différent attaché à ces actions (voy.
l’article 5:48 du CSA), vide de sa substance l’objectif poursuivi par cette disposition . En effet, chaque commune ou CPAS déjà actionnaire de la société de logement disposerait alors d’un droit de veto qui ferait obstacle à l’admission (imposée de manière contraignante par voie décrétale) de la commune. Pour cette raison, l’application de l’article 5:102 du CSA aux fins de cette émission est exclue. Précisons par souci de clarté que ces communes/CPAS ne peuvent pas non plus faire application de la théorie dite des droits acquis. Cette exclusion s’inspire notamment de l’article 6:46, alinéa 2, du CSA, qui dispose que les droits spécifiques attribués à un actionnaire sur la base de ses qualités (comme en l’espèce la qualité de commune ou de CPAS situé dans la zone d’activité de la société de logement) ne donnent pas lieu à la constitution d’une classe séparée (et donc n’entraîne pas l’application de la procédure renforcée). En conséquence, le régime se prête assurément à un régime différencié. Quant au caractère marginal de son impact, il découle du fait que le champ d’application de cette exclusion se trouve limité à l’hypothèse visée dans l’article, à savoir la détermination ou la modification d’une zone d’activité par le Gouvernement flamand. Pour autant qu’il s’avérerait nécessaire de recourir aux pouvoirs implicites, le Conseil d’État a confirmé dans son avis qu’il
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pouvait être admis que les conditions pour recourir aux pouvoirs implicites sont réunies (avis du Conseil d’État n° 68.995, nos 7.4.3-7.4.4) » (Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 828/1, pp. 94-95).
B.22.4. Il en ressort que, dans le cadre de son objectif général d’assigner aux pouvoirs locaux un rôle de régie en matière de politique du logement social, le législateur décrétal a voulu conférer à chaque commune et à chaque CPAS le droit de prendre une participation dans la société de logement compétente pour son territoire, par la souscription d’au minimum une action. Le législateur décrétal a pu considérer à cet égard qu’il était nécessaire d’exclure l’application de l’article 5:102 du Code des sociétés et des associations, dès lors que l’application de la réglementation fédérale relative à la constitution des classes d’actions contreviendrait à son objectif consistant à conférer aux pouvoirs locaux un droit de participation dans la société de logement. Il résulte par ailleurs des travaux préparatoires cités qu’en ce qui concerne le régime en question, le législateur décrétal s’est inspiré de l’article 6:46, alinéa 2, du Code des sociétés et des associations, qui est applicable aux sociétés coopératives et qui dispose que les droits spécifiques attribués à un actionnaire sur la base de ses qualités sans que ces droits se rapportent à des actions spécifiques ne donnent pas lieu à la constitution d’une classe séparée. Eu égard à cette disposition et aux motifs mentionnés en B.20.2, la matière en question se prête à un régime différencié et l’incidence du régime attaqué sur la matière fédérale du droit des sociétés est marginale.
B.23.1. Comme il est dit en B.2.3, l’article 4.39/5 du Code flamand du logement de 2021, tel qu’il a été inséré par l’article 87, attaqué, du décret du 9 juillet 2021, prévoit des règles relatives à la composition, au fonctionnement et aux compétences de l’organe d’administration de la société de logement, de même que des règles relatives à la rémunération des administrateurs.
B.23.2. Les parties requérantes font valoir que l’article 4.39/5 du Code flamand du logement de 2021, en prévoyant un nombre fixe d’administrateurs, un quota de genre et la possibilité pour le Gouvernement flamand d’imposer des exigences de compétences, déroge au droit des sociétés fédéral. Il restreindrait ainsi la liberté dont disposent les associés et les actionnaires en vertu du droit des sociétés fédéral pour déterminer la composition de l’organe d’administration de la société. Les parties requérantes font également valoir que la disposition attaquée déroge au droit des sociétés fédéral en ce qu’elle confie le contrôle de la société au Gouvernement flamand et non aux associés et actionnaires, en ce qu’elle prévoit des règles
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spécifiques relatives à la rémunération des administrateurs, des membres de l’organe d’administration quotidienne et des membres des comités créés au sein de la société et en ce qu’elle prévoit que les actionnaires privés ne peuvent présenter qu’un seul administrateur.
B.23.3. Contrairement à ce que font valoir les parties requérantes, la circonstance que le Gouvernement flamand est habilité à imposer des exigences de compétences aux membres de l’organe d’administration, à fixer les modalités relatives à la manière dont l’organe d’administration obtient l’avis contraignant des locataires sociaux visé à l’article 4.39/5, § 4, du Code flamand du logement de 2021, à déterminer les conditions financières du mandat d’un membre de l’organe d’administration et à régler les compétences et la composition des comités visés à l’article 4.39/5, § 6, du même Code ne permet pas de déduire que le contrôle de la société est confié au Gouvernement flamand.
B.23.4. En ce qui concerne les règles prévues à l’article 4.39/5, §§ 2 et 3, du Code flamand du logement de 2021 relatives au nombre d’administrateurs, au quota de genre et aux exigences de compétences applicables aux administrateurs, mais aussi les règles prévues à l’article 4.39/5, § 7, du même Code en ce qui concerne la rémunération des administrateurs et des autres mandats, les travaux préparatoires du décret du 9 juillet 2021 mentionnent :
« Le deuxième paragraphe fixe le quota du nombre de mandats dont l’organe d’administration des sociétés de logement peut être composé. Cet article modifie l’article 4.36, § 1er, alinéa 2, du Code flamand du logement. Les catégories de sociétés existantes sont rendues obsolètes, d’une part, par l’imposition de l’échelle de grandeur minimale qui était prévue à l’article 40, alinéa 2, 11°, du Code flamand du logement à compter du 1er janvier 2019 et, d’autre part, par la fusion des activités des sociétés de logement social et des offices de location sociale. Puisque l’on s’attend à ce que l’opération aboutisse à une augmentation d’échelle généralisée avec moins d’acteurs sur une zone d’activité plus large, en tenant compte du fait que la représentation des pouvoirs locaux au sein du conseil d’administration doit pouvoir être suffisamment équilibrée, le nombre d’administrateurs est fixé à maximum quinze. Ce nombre s’inspire du nombre maximal d’administrateurs pouvant siéger dans les intercommunales (article 434, § 1er, alinéa 2, du décret sur l’administration locale) et facilite également l’intégration de l’expertise supplémentaire requise au sein de l’organe d’administration (à la suite de la fusion des activités des sociétés de logement social et des offices de location sociale).
En droite ligne du décret de gouvernance, un maximum de deux tiers des membres peuvent être du même sexe.
Le troisième paragraphe prévoit que la composition de l’organe d’administration doit mettre en œuvre les exigences de compétences sur le plan de l’expertise et de la diversité en termes de compétences et de parcours. À cette fin, le Gouvernement flamand peut imposer des exigences de compétences pour l’organe d’administration collégial et pour les membres
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individuels. Il convient de souligner que la composition de l’organe d’administration doit permettre aux sociétés de logement d’assumer tant les missions des sociétés de logement social que celles des offices de location sociale » (Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 828/1, p. 97).
« Les dispositions qui permettent au Gouvernement flamand de déterminer les conditions financières pour l’exercice des mandats au sein de l’organe d’administration ont été rassemblées au paragraphe 7. Cela ne remet pas en cause la règle selon laquelle la rémunération, qui doit certes satisfaire aux règles établies par le Gouvernement flamand, doit être déterminée par l’assemblée générale (article 2:50 du CSA). Seuls les membres de l’organe d’administration peuvent endosser des mandats rémunérés, y compris au sein de l’éventuel organe d’administration quotidienne ou au sein des comités éventuellement à créer. Cette description renvoie à la terminologie de l’article 2:50 du CSA. La même possibilité est prévue en ce qui concerne le mandat d’un membre de l’organe d’administration quotidienne ou des comités éventuellement créés par l’organe d’administration, étant entendu que, au sein de ces organes, seuls les administrateurs peuvent être rémunérés. Toutes les autres personnes ne peuvent percevoir aucune rémunération pour l’exercice éventuel d’un mandat au sein d’une assemblée délibérante, quelle qu’elle soit, de la société de logement » (ibid., p. 99).
B.23.5. Il en ressort que la prescription relative aux exigences de compétences applicables aux administrateurs est motivée par le fait que les sociétés de logement reprennent les missions qui étaient anciennement réalisées tant par les sociétés de logement social que par les offices de location sociale. Pour cette raison, l’article 4.39/5, § 3, du Code flamand du logement dispose que l’organe d’administration doit être composé de manière à disposer d’une expertise suffisante pour les différentes activités de la société de logement, ainsi que de compétences et de parcours suffisamment diversifiés, et habilite le Gouvernement flamand à fixer des exigences de compétences. Les prescriptions relatives au nombre de membres de l’organe d’administration et au quota de genre trouvent leur origine dans l’article 4.36, § 1er, alinéa 2, 15°, du Code flamand du logement de 2021, tel qu’il était applicable avant la date d’entrée en vigueur du décret du 9 juillet 2021, même si, pour déterminer le nombre maximal de membres, le législateur décrétal a tenu compte de l’augmentation d’échelle qu’entraîne le décret attaqué pour les sociétés de logement agréées. S’il est vrai que, par la disposition relative à la rémunération des administrateurs, le législateur décrétal a habilité le Gouvernement flamand à déterminer les conditions financières du mandat d’administrateur, il n’a pas voulu pour autant porter atteinte au pouvoir de l’assemblée générale de déterminer la rémunération des administrateurs conformément aux conditions fixées par le Gouvernement flamand. Cependant, les personnes autres que les administrateurs ne peuvent pas percevoir de rémunération.
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Le législateur décrétal a pu considérer qu’il était nécessaire d’exiger certaines compétences de la part des administrateurs, en raison de l’éventail des missions confiées aux sociétés de logement. Eu égard au fait que le secteur du logement social est financé par l’autorité publique et compte tenu des missions d’intérêt général confiées aux sociétés de logement, il a également pu considérer qu’il était nécessaire non seulement de maintenir, dans une version actualisée, les prescriptions relatives au nombre de membres de l’organe d’administration et au quota de genre qui étaient auparavant applicables aux sociétés de logement social, mais aussi de régler la rémunération des administrateurs ainsi que celle d’autres mandats. Pour les motifs mentionnés en B.20.2, les matières en question se prêtent à un régime différencié et l’incidence du régime attaqué sur la matière fédérale du droit des sociétés est marginale.
B.23.6. Selon l’article 4.39/5, § 4, du Code flamand du logement de 2021, les sociétés de logement peuvent, outre le nombre maximal de mandats d’administrateur, nommer un administrateur sur proposition de l’organe d’administration, après avis contraignant des locataires sociaux.
À ce sujet, les travaux préparatoires mentionnent :
« Le quatrième paragraphe prévoit que nombre maximal de mandats d’administrateur peut être étendu à un mandat d’administrateur, sur proposition de l’organe d’administration, ce dernier étant lié, pour cette proposition, par l’‘ avis contraignant ’ des locataires sociaux. Le Gouvernement flamand peut élaborer les modalités procédurales y relatives. L’initiative émane de l’organe d’administration, à la demande de l’assemblée générale ou non. Cette disposition sera obligatoire pour certaines sociétés de logement (voy. également le commentaire des dispositions transitoires) » (Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 828/1, p. 98).
B.23.7. Il ressort de la formulation de l’article 4.39/5, § 4, du Code flamand du logement de 2021, de même que des travaux préparatoires cités, que la nomination visée dans cet article offre une possibilité, sans constituer une obligation. Il appartient à l’organe d’administration, le cas échéant à la demande de l’assemblée générale, de prendre ou non l’initiative de présenter un administrateur après l’obtention de l’avis contraignant des locataires sociaux. Le législateur décrétal a donc voulu offrir aux sociétés de logement la possibilité de prévoir une représentation des locataires sociaux au sein de l’organe d’administration de la société. Eu égard au fait que ces derniers constituent la cible de la politique que la Région flamande entend mener par l’intermédiaire des sociétés de logement, le législateur décrétal a pu considérer qu’il était nécessaire de prévoir une disposition susceptible de faciliter leur participation au sein de la
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société de logement. Pour les motifs mentionnés en B.20.2 et compte tenu du fait que le droit des sociétés fédéral n’interdit pas en soi les clauses de présentation à caractère obligatoire, la matière réglée par la disposition attaquée se prête à un régime différencié et l’incidence du régime attaqué sur la matière fédérale du droit des sociétés est marginale.
B.24.1. Aux termes de l’article 4.46/3 du Code flamand du logement de 2021, tel qu’il a été inséré par l’article 105, attaqué, du décret du 9 juillet 2021, la société de logement n’a pas pour vocation principale de distribuer ou de procurer un avantage patrimonial direct ou indirect à ses actionnaires. C’est pourquoi cette disposition prévoit un certain nombre de restrictions de distribution. Ces restrictions ont essentiellement pour effet que l’avantage patrimonial que la société de logement distribue à ses actionnaires ne peut excéder le taux d’intérêt visé à l’article 4.46/3, 1°, appliqué à la valeur nominale de l’apport au patrimoine de la société de logement versé par les actionnaires, qu’une telle distribution n’est possible qu’après détermination d’un montant que la société réserve à des projets ou affectations nécessaires ou utiles à la réalisation de son objet, et que, en cas de démission, d’exclusion ou de liquidation, l’actionnaire reçoit au maximum la valeur nominale de l’apport à l’actif de la société de logement qu’il a réellement versé. En cas de liquidation, le patrimoine restant après apurement du passif et remboursement aux actionnaires de leur apport est transféré à une société de logement désignée par le Gouvernement flamand.
B.24.2. Comme il est dit en B.19.5, le législateur décrétal, dès lors que la forme juridique de la société à finalité sociale sous l’ancien droit des sociétés présentait certaines caractéristiques qui étaient considérées comme essentielles pour le secteur du logement social, a intégré certaines de ces caractéristiques, comme conditions d’agrément, dans la forme juridique de la société à responsabilité limitée que les sociétés de logement doivent adopter.
Parmi les caractéristiques de la société à finalité sociale figurait le fait que la société n’avait pas pour but l’enrichissement de ses actionnaires, lesquels, pour cette raison, étaient soumis à des limites de distribution. Eu égard au fait que le secteur du logement social est dans une très large mesure financé par des deniers publics, ainsi qu’il ressort des travaux préparatoires cités en B.2.4, le législateur décrétal a pu considérer que les restrictions de distribution prévues par la
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disposition attaquée, qui trouvent leur source dans les règles qui étaient anciennement applicables aux sociétés de logement social, étaient nécessaires dans le cadre de la politique du logement qu’il entendait mener. Par ailleurs, contrairement à ce que certaines parties requérantes prétendent, les restrictions de distribution contenues dans la disposition attaquée n’ont pas pour effet de priver les actionnaires de toute participation aux bénéfices. Pour les motifs mentionnés en B.20.2, la matière réglée par la disposition attaquée se prête à un régime différencié et l’incidence du régime attaqué sur la matière fédérale du droit des sociétés est marginale.
B.25.1. Selon l’article 4.51 du Code flamand du logement de 2021, tel qu’il a été remplacé par l’article 122, attaqué, du décret du 9 juillet 2021, le Gouvernement flamand peut, de sa propre initiative ou à la demande du contrôleur, imposer certaines sanctions à une société de logement qui ne satisfait pas aux conditions d’agrément, qui n’exécute pas dûment les missions qui lui sont confiées par décret ou par arrêté du Gouvernement flamand, qui ne respecte pas ses engagements ou dont le fonctionnement reste en défaut. Les parties requérantes critiquent la désignation, visée à l’article 4.51, alinéa 1er, 3°, d’un mandataire ad hoc, qui remplace en tout ou en partie l’organe d’administration de la société de logement. Conformément à ce qui est dit en B.9.2, la Cour examine uniquement si cet aspect de la disposition attaquée est conforme aux règles répartitrices de compétences.
B.25.2. Les travaux préparatoires du décret du 9 juillet 2021 mentionnent :
« Du reste, pour ce qui est du régime relatif au mandataire ad hoc (article 122) et de celui relatif à la subrogation de plein droit par la Société flamande du logement social (articles 128
et 205), le projet se limite à la reprise de règles existantes figurant déjà dans les actuels articles 4.51, alinéa 1er, et 4.58 du Code flamand du logement de 2021, étant entendu qu’en ce qui concerne le régime relatif au mandataire ad hoc, seule une correction terminologique, remplaçant le terme ‘ administrateur ’ par le terme ‘ mandataire ad hoc ’, a été apportée. […]
Pour autant que de besoin, nous abordons encore le point de l’avis concernant le mandataire ad hoc qui peut remplacer en tout ou en partie l’organe d’administration, par lequel le Conseil d’État remet en cause la question de savoir si la condition de l’incidence marginale sur la compétence de l’autorité fédérale est remplie. Le Conseil d’État renvoie, pour ce point, à un avis antérieur dans lequel il affirme que ‘ l’administration de la société coopérative ou anonyme par le conseil d’administration et l’assemblée générale semble appartenir à l’essence de ces formes de société ’ […].
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Le Conseil d’État omet toutefois à cet égard que le droit fédéral des sociétés aussi contient des règles pour désigner des mandataires qui agissent en lieu et place de l’organe d’administration.
C’est ainsi que le droit des sociétés fédéral prévoit par exemple que tout intéressé peut demander au président du tribunal de l’entreprise, en référé, de désigner un administrateur provisoire ou un autre mandataire de justice (comme un administrateur ad hoc ou un séquestre)
(article 584, alinéa 3, du Code judiciaire juncto l’article 2:8, § 1er, 5°, d), du CSA). Les compétences du mandataire peuvent être déterminées par le président. Le critère d’appréciation pour examiner le fondement d’une telle demande et déterminer la portée des compétences du mandataire ad hoc est une ‘ atteinte ou menace d’atteinte grave à l’intérêt de la société ’.
Le livre XX du Code de droit économique aussi prévoit diverses procédures par lesquelles une forme de mandataire ad hoc reprend en tout ou en partie l’administration d’une société (voy. notamment le mandataire de justice au sens de l’article XX.30 du CDE, l’administrateur provisoire au sens de l’article XX.31 ou de l’article XX.32 du CDE, le mandataire judiciaire au sens de l’article XX.39/1 ou dans le cadre d’un transfert d’entreprise sous autorité judiciaire au sens de l’article XX.85 et suivants du CDE, ou encore le curateur en cas de faillite (voy.
notamment l’article XX.110 du CDE et l’article XX.122 et suivants du CDE)).
Le régime relatif au mandataire ad hoc ne déroge donc pas à l’‘ essence ’ de la forme de société. Cette disposition prévoit en revanche un régime nécessaire dans le contexte spécifique des sociétés de logement. En effet, le livre XX, par exemple, ne s’applique pas à ces sociétés (voy. l’article 4.39, alinéa 2, en projet, du Code flamand du logement), parce que ce régime n’est pas adapté aux missions particulières des sociétés de logement. Il existe par ailleurs encore d’autres situations, en dehors des cas relatifs à une insolvabilité dans lesquels la société ne respecte pas les conditions d’agrément, qui exigent que, compte tenu des missions d’intérêt général de ces sociétés, l’autorité flamande puisse intervenir. Ainsi qu’il a été démontré, le droit fédéral se prête parfaitement à un régime différencié. Le régime a par ailleurs une incidence marginale, étant donné que son champ d’application est strictement limité aux sociétés de logement » (Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 828/1, pp. 65-66).
B.25.3. Il en ressort que la mesure attaquée trouve sa source dans le régime qui était anciennement applicable aux sociétés de logement social, et qu’elle est motivée par les missions particulières d’intérêt général qui sont confiées aux sociétés de logement ainsi que par l’objectif du législateur décrétal d’offrir au Gouvernement flamand la possibilité d’intervenir lorsque ces missions d’intérêt général ne sont pas dûment exécutées. Eu égard à l’obligation qui pèse sur le législateur décrétal en vertu de l’article 23, alinéa 3, 3°, de la Constitution de garantir le droit à un logement décent et compte tenu du fait que le secteur du logement social est financé dans une très large mesure par des deniers publics, le législateur décrétal a pu considérer qu’il était nécessaire de prévoir cette mesure. Ainsi que la Cour l’a déjà jugé par les arrêts nos 36/95 et 9/2011, les régions peuvent, sur la base de leur compétence en matière de logement, confier à
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des sociétés de droit privé une mission de service public et soumettre ces sociétés à son contrôle pour l’exercice de cette mission. Dès lors que le droit des sociétés fédéral prévoit aussi des règles pouvant aboutir à ce que des mandataires se substituent à l’organe d’administration d’une société, la matière en question se prête à un régime différencié. Par ailleurs, pour les motifs mentionnés en B.20.2, l’incidence du régime attaqué sur la matière fédérale du droit des sociétés est marginale.
B.26.1. L’article 4.53 du Code flamand du logement de 2021, tel qu’il a été remplacé par l’article 124 du décret du 9 juillet 2021, règle les effets relatifs au retrait de l’agrément d’une société de logement. Les parties requérantes critiquent le fait qu’après le retrait de l’agrément, toutes les compétences d’administration et d’engagement de la société de logement soient attribuées aux liquidateurs désignés par le Gouvernement flamand, et le fait que le Gouvernement flamand soit compétent pour fixer le mode de liquidation, pour habiliter les liquidateurs à effectuer des actes et pour prononcer la clôture de la liquidation. Elles estiment que l’on touche ainsi à l’administration de la société, de sorte qu’il est dérogé au droit des sociétés fédéral. Conformément à ce qui est dit en B.9.2, la Cour examine uniquement si ces aspects de la disposition attaquée sont conformes aux règles répartitrices de compétences.
B.26.2. Dès lors que la liquidation d’une société de logement a notamment pour effet que des décisions doivent être prises quant à l’affectation des logements sociaux financés principalement par des deniers publics, le législateur décrétal a pu considérer, eu égard à l’obligation qui lui incombe de garantir le droit à un logement décent inscrit à l’article 23, alinéa 3, 3°, de la Constitution, qu’il était nécessaire de prévoir des règles particulières pour la liquidation d’une société de logement. Le régime critiqué trouve par ailleurs sa source dans les règles qui étaient anciennement applicables aux sociétés de logement social. Pour les motifs mentionnés en B.20.2, la matière réglée par la disposition attaquée se prête à un régime différencié et l’incidence de la disposition attaquée sur la matière fédérale du droit des sociétés est marginale.
B.27.1. Selon l’article 4.53/3 du Code flamand du logement de 2021, tel qu’il a été inséré par l’article 128 du décret du 9 juillet 2021, lorsqu’une procédure de liquidation est engagée, la
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Société flamande du logement social est, sous certaines conditions, subrogée de plein droit dans les droits et obligations de la société de logement qui découlent d’un contrat conclu entre la société de logement et un ou plusieurs bailleurs sur le marché locatif privé. Les parties requérantes estiment que l’on s’immisce ainsi dans l’administration de la société, de sorte qu’il est dérogé au droit des sociétés fédéral.
B.27.2. Les travaux préparatoires de la loi spéciale du 6 janvier 2014 relative à la Sixième Réforme de l’État, par laquelle les « règles spécifiques concernant la location des biens ou de parties de biens destinés à l’habitation » visées à l’article 6, § 1er, IV, 2°, de la loi spéciale du 8 août 1980 ont été attribuées aux régions, mentionnent :
« La proposition de loi spéciale attribue aux régions la compétence de fixer des règles spécifiques relatives aux contrats de bail qui pourront s’écarter du droit commun déterminé au niveau fédéral. Une autre interprétation aurait pour conséquence de figer le droit du bail dans son état actuel. Par définition, le droit du bail concerne en effet un ensemble de règles juridiques qui complètent ou qui s’écartent du droit commun.
La totalité des règles spécifiques concernant la location de biens ou de parties de biens destinés à l’habitation est transférée aux régions.
Il s’agit entre autres des règles suivantes : les normes relatives au caractère écrit ou verbal du contrat de bail, les conditions de forme du contrat de bail, la date fixe et l’opposabilité du contrat de bail, la preuve du contrat de bail, la cession du bail et la sous-location, […] les droits et les obligations du bailleur, les droits et les obligations du preneur […] » (Doc. parl., Sénat, 2012-2013, n° 5-2232/1, p. 83).
B.27.3. Il en ressort que la compétence attribuée aux régions en ce qui concerne les « règles spécifiques concernant la location des biens ou de parties de biens destinés à l’habitation » doit être interprétée au sens large et que les régions sont notamment compétentes pour régler la cession du bail, ainsi que les droits et les obligations du bailleur et du preneur.
B.27.4. En prévoyant que la Société flamande du logement social est, sous certaines conditions, subrogée dans les droits et obligations de la société de logement qui découlent d’un contrat conclu entre la société de logement et un ou plusieurs bailleurs sur le marché locatif privé, le législateur décrétal a adopté une règle qui trouve son fondement, quant à la répartition des compétences, dans l’article 6, § 1er, IV, 2°, de la loi spéciale du 8 août 1980. En ce qu’elle
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entraîne une ingérence dans l’administration d’une société et dérogerait ainsi au droit des sociétés fédéral, cette disposition remplit, pour les mêmes motifs que ceux qui sont mentionnés en B.26.2, les conditions liées à l’application de l’article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980.
B.28.1. En vertu de l’article 206, attaqué, du décret du 9 juillet 2021, qui fait partie de la section première (« Dispositions transitoires relatives aux articles 72 à 129 ») du chapitre 8
(« Dispositions transitoires ») de ce décret, les sociétés de logement existantes qui ne satisfont pas à la condition, prévue à l’article 4.39/2, § 1er, du Code flamand du logement de 2021, selon laquelle seuls la Région flamande, les provinces, les communes et les CPAS peuvent détenir des actions d’une société de logement, peuvent néanmoins être agréées en qualité de société de logement, si ce n’est que, dans ce cas, quelques règles dérogatoires sont applicables jusqu’à la date à laquelle elles satisfont à la condition précitée.
Les parties requérantes dirigent leurs griefs contre l’article 206, alinéa 1er, 3°, aux termes duquel les actionnaires autres que la Région flamande, les provinces, les communes et les CPAS
ne peuvent pas participer au vote à l’assemblée générale de la société avec plus d’un dixième du nombre de voix présentes ou représentées, contre l’article 206, alinéa 1er, 4°, aux termes duquel ils ne peuvent participer conjointement à un vote qu’avec un maximum des voix nécessaires à la majorité requise moins une, et contre l’article 206, alinéa 1er, 5°, aux termes duquel les statuts de la société de logement peuvent prévoir que les actionnaires autres que la Région flamande et les provinces, les communes et les CPAS situés dans la zone d’activité de la société de logement peuvent proposer conjointement au maximum un seul administrateur.
B.28.2. Comme il est dit en B.2.4, le législateur décrétal a notamment cherché, par le décret du 9 juillet 2021, à renforcer le rôle des autorités publiques dans le cadre de l’exécution de la politique du logement social par les organisations du logement social. C’est pourquoi l’article 4.39/2, § 1er, du Code flamand du logement de 2021, tel qu’il a été inséré par l’article 83, attaqué, du décret du 9 juillet 2021, dispose que seuls la Région flamande et les provinces, les communes et les CPAS situés dans la zone d’activité de la société de logement peuvent détenir des actions d’une société de logement. Il a en outre été prévu que les communes et les CPAS qui sont situés dans la zone d’activité de la société de logement et qui sont actionnaires de cette société de logement disposent toujours conjointement de plus de 50 % du
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total des droits de vote liés aux actions (article 4.39/2, § 2, du Code flamand du logement de 2021).
Les règles précitées s’appliquent aux sociétés de logement qui ne sont pas la continuation d’une société de logement social existante. Comme il est dit en B.3.1, les sociétés de logement social existantes peuvent néanmoins se faire agréer comme sociétés de logement social, auquel cas il y a lieu de tenir compte des dispositions transitoires prévues par le décret du 9 juillet 2021. Les dispositions de l’article 206 de ce décret critiquées par les parties requérantes font partie de ces dispositions transitoires.
B.28.3. Les travaux préparatoires du décret du 9 juillet 2021 mentionnent :
« Cet article dispose que les sociétés de logement visées à l’article 205, § 2, qui ne satisfont pas à la condition, contenue dans l’article 4.39/2, § 1er, du Code flamand du logement, selon laquelle une société de logement ne compte pas d’autres actionnaires que les actionnaires publics mentionnés dans cet article, peuvent malgré tout conserver leur agrément moyennant le respect d’une série de conditions. De la sorte, le législateur décrétal tient compte des droits des actionnaires privés existants des sociétés de logement social. Les droits de vote des actionnaires privés sont, dans ce cas, limités à l’assemblée générale, comme décrit dans ledit article.
[…]
3°: Par cette disposition, l’on reprend l’ancienne règle prévue à l’article 661, alinéa 1er, 4°, du Code des sociétés qui s’appliquait aux sociétés à finalité sociale. Il existe une règle comparable pour les entreprises sociales également (article 8:5, § 1er, alinéa 2, du Code des sociétés et des associations juncto l’article 6, § 1er, 5°, de l’arrêté royal du 28 juin 2019 fixant les conditions d’agrément comme entreprise agricole [et comme entreprise sociale]). Vaut déjà aujourd’hui la règle selon laquelle, en vertu de l’article 14 des modèles de statuts, en ce qui concerne les sociétés de logement social, cette limitation du droit de vote ne s’applique pas à la Région flamande, aux provinces, aux communes et aux centres publics d’action sociale.
À supposer qu’il soit admis que cette disposition déroge au droit des sociétés fédéral dans la mesure où elle ne s’applique pas à la Région flamande et aux communes, provinces et CPAS
situés dans la zone d’activité de la société de logement, il y a lieu de souligner que cette dérogation est nécessaire, eu égard à la mission d’intérêt général des sociétés de logement, à leur statut d’exécutants privilégiés de la politique flamande du logement et au fait que la bonne exécution des missions confiées aux sociétés de logement est essentielle pour pouvoir garantir le respect du droit fondamental au logement garanti par la Constitution. Cette règle s’inscrit dans les mécanismes de surveillance dont disposent les autorités publiques flamandes pour garantir la bonne exécution de la politique du logement, ainsi que dans la continuité de la façon dont est exercée cette surveillance. La règle se prête à un régime différencié. La dérogation existe d’ailleurs déjà aujourd’hui. La Cour constitutionnelle a déjà confirmé que la distinction
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opérée était justifiée pour ce qui concerne les sociétés de logement social. Enfin, la dérogation n’a qu’une incidence marginale. Il s’agit d’une dérogation au droit des sociétés limitée, qui concerne uniquement les sociétés souhaitant se faire agréer comme sociétés de logement.
4°: Cette condition vise à ce que les communes et les CPAS disposent toujours de la majorité des voix pour les décisions qui sont prises à l’assemblée générale, comme le prévoit l’accord de gouvernement. Cette disposition s’inscrit dans la logique selon laquelle les sociétés de logement ne pourront avoir que des actionnaires publics à l’avenir, sans compter qu’elle est aussi nécessaire pour réaliser l’objectif susmentionné en matière de logement social consistant à assigner le rôle de régie aux pouvoirs locaux au sein de la zone d’activité de la société de logement. Si l’on veut permettre aux actionnaires privés de conserver leur participation (qui plus est sans que ce droit soit limité dans le temps pour ces actionnaires privés existants), cette restriction s’impose. Les actionnaires privés pourront de cette façon encore peser sur les décisions, mais ils ne pourront jamais forcer une décision contre la volonté des actionnaires publics. Le fait que cette matière se prête à un régime différencié découle du fait qu’il est également possible, dans le droit commun des sociétés, d’attacher des droits de vote différents à différentes ‘ classes ’ d’actions ou ‘ qualités ’ d’actionnaires, par exemple en prévoyant un droit de vote multiple. D’autre part, des droits de veto peuvent être attribués de manière statutaire, dans un règlement intérieur. Il est aussi possible d’inclure des conventions de vote dans les conventions d’actionnaires. Quant à l’incidence marginale, elle découle du fait que le régime n’a été prévu que dans le droit transitoire et ne trouve à s’appliquer qu’aux sociétés de logement qui comprennent un actionnariat privé (historique).
5°: Cette condition vise, comme le prévoit l’accord de gouvernement, à limiter à un seul le nombre d’administrateurs nommés sur présentation des actionnaires ‘ privés ’. Les autres administrateurs doivent être nommés sur présentation des actionnaires ‘ publics ’, à savoir la Région flamande, les provinces, les communes et les CPAS. L’on concrétise ainsi par voie de décret une des possibilités que le droit commun des sociétés offre déjà, plus précisément la possibilité de prévoir un droit de présentation contraignant au bénéfice d’une classe d’actions déterminée ou d’actionnaires dotés d’une qualité donnée. Le droit des sociétés permet même de conférer un droit de présentation à des tiers. Le droit des sociétés permet également de conférer un droit de présentation à certains actionnaires ou à certaines classes d’actions, mais pas à d’autres. Un tel droit de présentation peut être inscrit dans les statuts aussi bien que dans un règlement d’ordre intérieur et une convention d’actionnaires. Il n’est dès lors aucunement question d’une dérogation au droit des sociétés. Le décret laisse également la liberté aux parties d’établir des accords en la matière et se borne à disposer qu’au maximum un administrateur peut être présenté par les actionnaires privés. À supposer qu’il soit considéré qu’il y a lieu de recourir aux pouvoirs implicites visés à l’article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles pour adopter cette disposition, force est de constater que les conditions pour ce faire sont réunies. L’imposition d’un droit de présentation contraignant est nécessaire au regard de l’objectif susmentionné de la politique du logement social consistant à assigner un rôle de régie aux autorités publiques actives dans le cadre du logement social. Le fait que ce qui précède est susceptible de faire l’objet d’un régime différencié découle du fait que le droit des sociétés fédéral permet d’imposer un droit de présentation contraignant. Il est à souligner, enfin, que l’incidence de cet article est marginale : ce régime transitoire ne s’applique qu’aux sociétés de logement qui possèdent un actionnariat privé, et uniquement aussi longtemps que ces
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actionnaires privés continuent à détenir une participation dans la société de logement » (Doc.
parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 828/1, pp. 148-150).
B.28.4. Il ressort donc de ces travaux préparatoires que la règle contenue dans l’article 206, alinéa 1er, 3°, attaqué trouve son origine dans les modèles de statuts que les sociétés de logement social devaient adopter, conformément à la réglementation anciennement en vigueur, pour pouvoir être agréées. Ainsi que la Cour l’a jugé par l’arrêt n° 64/2015 du 21 mai 2015 en ce qui concerne la différence de traitement qui existait auparavant entre les actionnaires de droit privé et les actionnaires de droit public, le législateur décrétal peut prendre les mesures nécessaires pour que les « exécutants privilégiés » de la politique flamande du logement mènent une politique qui soit conforme à celle-ci. Compte tenu de ces éléments et eu égard aux objectifs poursuivis, qui sont mentionnés en B.2.4, le législateur décrétal a pu considérer qu’il était nécessaire de prévoir la règle contenue dans l’article 206, alinéa 1er, 3°, du décret du 9 juillet 2021. Dès lors que, par le décret attaqué, il a notamment visé à assigner aux pouvoirs locaux un rôle de régie en ce qui concerne la politique du logement, le législateur décrétal a également pu considérer qu’il était nécessaire de prévoir la règle inscrite à l’article 206, alinéa 1er, 4°, qui garantit que les communes et les CPAS disposent toujours de la majorité des voix pour les décisions qui sont prises à l’assemblée générale de la société de logement. Enfin, il a pu considérer, pour des motifs analogues, qu’il était nécessaire de prévoir la règle inscrite à l’article 206, alinéa 1er, 5°, qui garantit la réalisation de l’objectif de renforcer la position des autorités de droit public au sein de la société de logement également au niveau du conseil d’administration de la société de logement. Pour les motifs mentionnés en B.20.2 et compte tenu du fait que le droit des sociétés fédéral n’interdit pas en soi les clauses de présentation à caractère contraignant, mais aussi du fait que ce droit permet que les statuts d’une société à responsabilité limitée dérogent au principe selon lequel chaque action donne droit à une voix (article 5:42 du Code des sociétés et des associations), la matière réglée par la disposition attaquée se prête à un régime différencié et l’incidence de la réglementation attaquée sur la matière fédérale du droit des sociétés est marginale.
B.29. Sans qu’il y ait lieu, en l’espèce, d’examiner si chacune des règles attaquées par les parties requérantes peut être considérée comme une concrétisation de la liberté que le législateur fédéral laisse sur le plan de la création et de l’organisation des sociétés à responsabilité limitée, il suffit de constater que, comme il ressort de ce qui précède, ces règles satisfont aux conditions
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liées à l’application de l’article 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 et qu’elles sont donc conformes aux règles répartitrices de compétences.
B.30. Le deuxième moyen dans l’affaire n° 7674, le cinquième moyen dans l’affaire n° 7675, le quatrième moyen dans l’affaire n° 7750 et le premier moyen dans l’affaire n° 7773
ne sont pas fondés.
B.31. Le deuxième moyen dans l’affaire n° 7695, en sa première branche, est pris de la violation des articles 6, § 1er, IV, 2°, et 10 de la loi spéciale du 8 août 1980 par les articles 205, § 6, alinéa 2, et 215, alinéa 1er, du décret du 9 juillet 2021.
B.32.1. Aux termes de l’article 205, § 6, alinéa 1er, du décret du 9 juillet 2021, les offices de location sociale agréés la veille de l’entrée en vigueur du décret conformément aux conditions d’agrément valables à cette date, peuvent maintenir cet agrément jusqu’au 30 juin 2023 au plus tard, pour autant qu’ils continuent à remplir ces conditions d’agrément. Selon l’article 205, § 6, alinéa 2, à partir de la date de perte de l’agrément, la Société flamande du logement social est subrogée de plein droit dans les droits et les obligations de l’office de location sociale découlant de contrats conclus entre l’office de location sociale et un ou plusieurs bailleurs sur le marché locatif privé.
Selon l’article 215, alinéa 1er, du décret du 9 juillet 2021, l’office de location sociale, la société de logement social ou la société de logement transfère, lors de la création d’une société de logement, le contrat de location principal avec un ou plusieurs bailleurs sur le marché locatif privé à la société de logement sans le consentement écrit préalable du ou des bailleurs.
B.32.2. Les parties requérantes allèguent que les dispositions précitées violent les règles répartitrices de compétences, en ce que le législateur décrétal, en touchant à l’un des éléments fondamentaux d’un engagement, à savoir la partie contractante, s’immisce dans le droit des obligations qui relève de la compétence résiduelle de l’autorité fédérale.
B.33.1. Il ressort des travaux préparatoires, cités en B.27.2, de la loi spéciale du 6 janvier 2014 relative à la Sixième Réforme de l’État, par laquelle les « règles spécifiques concernant la location des biens ou de parties de biens destinés à l’habitation » visées à l’article 6, § 1er,
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IV, 2°, de la loi spéciale du 8 août 1980 ont été attribuées aux régions, que les régions sont compétentes pour fixer des règles spécifiques en matière de contrats de bail susceptibles de déroger au droit des obligations fédéral. Il ressort par ailleurs de ces travaux préparatoires que les régions sont compétentes pour édicter les règles en matière de cession du bail et en matière de droits et obligations du bailleur et du preneur.
B.33.2. Les articles 205, § 6, alinéa 2, et 215, alinéa 1er, attaqués, du décret du 9 juillet 2021 trouvent dès lors leur fondement quant à la répartition des compétences dans l’article 6, § 1er, IV, 2°, de la loi spéciale du 8 août 1980.
B.34. Le deuxième moyen dans l’affaire n° 7695, en sa première branche, n’est pas fondé.
En ce qui concerne l’adoption de la forme juridique d’une société à responsabilité limitée
B.35. Le quatrième moyen dans l’affaire n° 7674, le quatrième moyen dans l’affaire n° 7675 et le cinquième moyen dans l’affaire n° 7773 sont dirigés contre l’article 79 du décret du 9 juillet 2021 et sont pris de la violation de la liberté d’association, telle qu’elle est garantie par l’article 27 de la Constitution, par l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme et par l’article 22 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, en ce que la disposition attaquée oblige les sociétés de logement à prendre la forme juridique d’une société à responsabilité limitée.
B.36.1. L’article 27 de la Constitution dispose :
« Les Belges ont le droit de s’associer; ce droit ne peut être soumis à aucune mesure préventive ».
B.36.2. L’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme dispose :
« 1. Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, y compris le droit de fonder avec d’autres des syndicats et de s’affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts.
2. L’exercice de ces droits ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité
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nationale, à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. Le présent article n’interdit pas que des restrictions légitimes soient imposées à l’exercice de ces droits par les membres des forces armées, de la police ou de l’administration de l’État ».
B.36.3. L’article 22 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques dispose :
« 1. Toute personne a le droit de s’associer librement avec d’autres, y compris le droit de constituer des syndicats et d’y adhérer pour la protection de ses intérêts.
2. L’exercice de ce droit ne peut faire l’objet que des seules restrictions prévues par la loi et qui sont nécessaires dans une société démocratique, dans l’intérêt de la sécurité nationale, de la sûreté publique, de l’ordre public, ou pour protéger la santé ou la moralité publiques ou les droits et les libertés d’autrui. Le présent article n’empêche pas de soumettre à des restrictions légales l’exercice de ce droit par les membres des forces armées et de la police.
3. Aucune disposition du présent article ne permet aux États parties à la Convention de 1948 de l’Organisation internationale du Travail concernant la liberté syndicale et la protection du droit syndical de prendre des mesures législatives portant atteinte - ou d’appliquer la loi de façon à porter atteinte - aux garanties prévues dans ladite convention ».
B.36.4. Lorsqu’une disposition conventionnelle liant la Belgique a une portée analogue à celle d’une des dispositions constitutionnelles dont le contrôle relève de la compétence de la Cour et dont la violation est alléguée, les garanties consacrées par cette disposition conventionnelle constituent un ensemble indissociable avec les garanties inscrites dans les dispositions constitutionnelles concernées.
Il s’ensuit que, dans le contrôle qu’elle exerce au regard de l’article 27 de la Constitution, la Cour tient compte de l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme et de l’article 22 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui garantissent des droits ou libertés analogues.
B.36.5. La liberté d’association consacrée par l’article 27 de la Constitution a pour objet de garantir la création d’associations privées et la participation à leurs activités. Elle implique le droit de s’associer et celui de déterminer librement l’organisation interne de l’association, mais également le droit de ne pas s’associer.
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L’autonomie organisationnelle des associations constitue un aspect important de la liberté d’association protégée par l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH, 4 avril 2017, Lovrić c. Croatie, § 71).
B.36.6. Aux termes de l’article 4.36, § 1er, du Code flamand du logement de 2021, tel qu’il a été remplacé par l’article 74 du décret du 9 juillet 2021, les sociétés de logement sont des sociétés autonomes agréées par le Gouvernement flamand et responsables de la bonne exécution de la politique du logement social. Ces sociétés autonomes sont des associations privées au sens de l’article 27 de la Constitution, en ce qu’elles résultent d’une initiative privée.
La circonstance que les missions d’intérêt général qu’elles accomplissent sont définies par décret et qu’elles bénéficient d’un subventionnement public ne modifie pas ce constat.
B.37. Comme il est dit en B.18.1, une société, pour être agréée comme société de logement, doit satisfaire au moins aux dispositions des chapitres 1 à 7 du titre 3 du livre 4 du Code flamand du logement de 2021, de sorte que les dispositions de ces chapitres contiennent des conditions d’agrément.
L’article 79, attaqué, du décret du 9 juillet 2021 remplace l’article 4.39 du Code flamand du logement de 2021 et fait partie du chapitre 2 du titre 3 du livre 4 de ce Code. L’article inséré par cette disposition dans le Code flamand du logement de 2021, aux termes duquel la société de logement prend la forme juridique d’une société à responsabilité limitée, constitue donc une condition d’agrément pour les sociétés qui souhaitent se faire agréer comme sociétés de logement.
B.38.1. En prévoyant que les sociétés de logement doivent adopter la forme juridique d’une société à responsabilité limitée, la disposition attaquée limite la liberté d’organisation des associations en question.
B.38.2. L’article 27 de la Constitution interdit de soumettre la liberté d’association à des mesures préventives, mais n’empêche pas que des associations qui participent à la réalisation d’une mission d’intérêt général et qui sont subventionnées par des deniers publics puissent être
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soumises à des conditions de fonctionnement et de contrôle, pour autant que celles-ci n’altèrent pas la substance de cette liberté.
B.38.3. Il ressort des travaux préparatoires cités en B.19.2 que le choix du législateur décrétal en faveur de la forme juridique de la société à responsabilité limitée a été motivé par la réforme du droit des sociétés mise en œuvre par le Code des sociétés et des associations, et plus précisément par le constat que les formes juridiques que pouvaient auparavant prendre les sociétés de logement social ont été abrogées à l’occasion de cette réforme. Le législateur décrétal a opté pour la forme juridique de la société à responsabilité limitée parce que cette forme juridique constitue la forme standard en droit des sociétés fédéral, parce qu’elle offre un cadre flexible, qu’elle est celle qui se rapproche le plus des formes juridiques que pouvaient auparavant prendre les sociétés de logement social, et parce que les autres formes juridiques ont été jugées moins adaptées aux sociétés de logement à constituer. Il ressort par ailleurs de ces travaux préparatoires que le législateur décrétal a cherché à simplifier le paysage du logement en évitant l’utilisation de formes de sociétés différentes au sein du secteur du logement social. Les objectifs qu’il poursuit sont légitimes et de nature à pouvoir contribuer indirectement à l’effectivité du droit à un logement décent, garanti par l’article 23 de la Constitution.
B.38.4. La mesure attaquée est pertinente au regard des objectifs précités. En outre, la prescription relative à la forme juridique de la société de logement, dès lors qu’elle s’applique, à titre de condition d’agrément, exclusivement aux associations souhaitant se faire agréer comme sociétés de logement de leur propre initiative, ne produit pas des effets disproportionnés. Le législateur décrétal a pu considérer que les missions d’intérêt général accomplies par les sociétés de logement ainsi que le fait que ces sociétés soient financées par des deniers publics justifient que les associations en question soient soumises à une condition d’agrément qui porte sur leur forme juridique.
B.39. Le quatrième moyen dans l’affaire n° 7674, le quatrième moyen dans l’affaire n° 7675 et le cinquième moyen dans l’affaire n° 7773 ne sont pas fondés.
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En ce qui concerne l’actionnariat des autorités de droit public et la limitation des droits des actionnaires privés
B.40. Le premier moyen dans l’affaire n° 7750, en sa deuxième branche, est pris de la violation, par les articles 83 et 205 du décret du 9 juillet 2021, de la liberté d’entreprendre, telle qu’elle est garantie par les articles II.3 et II.4 du Code de droit économique, lus en combinaison avec les articles 10 et 11 de la Constitution, de la liberté d’association, telle qu’elle est garantie par l’article 27 de la Constitution et par l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme, lus en combinaison avec les articles 10 et 11 de la Constitution, du principe d’égalité et de non-discrimination, tel qu’il est garanti par les articles 10 et 11 de la Constitution, et du droit de propriété, tel qu’il est garanti par l’article 16 de la Constitution, en ce que seules certaines autorités de droit public peuvent détenir des actions d’une société de logement.
B.41. Dans le cadre de la deuxième branche du premier moyen dans l’affaire n° 7750, les parties requérantes allèguent en substance que les dispositions qu’elles attaquent limitent de manière discriminatoire la liberté d’entreprendre et la liberté d’association. Leur argumentation réside donc en ceci qu’elles estiment que ces dispositions sont contraires aux articles 10 et 11
de la Constitution, lus en combinaison avec la liberté d’association et avec la liberté d’entreprendre. Les parties requérantes n’exposent pas, dans le cadre de la deuxième branche du premier moyen, en quoi les dispositions attaquées seraient contraires au droit de propriété garanti par l’article 16 de la Constitution. En ce qu’il est pris de la violation de l’article 16 de la Constitution, le premier moyen dans l’affaire n° 7750, en sa deuxième branche, est irrecevable.
B.42.1. Les articles 10 et 11 de la Constitution ont une portée générale. Ils interdisent toute discrimination, quelle qu’en soit l’origine : les règles constitutionnelles de l’égalité et de la non-
discrimination sont applicables à l’égard de tous les droits et de toutes les libertés, en ce compris ceux résultant des conventions internationales liant la Belgique.
B.42.2. Le principe d’égalité et de non-discrimination n’exclut pas qu’une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu’elle repose sur un critère objectif et qu’elle soit raisonnablement justifiée.
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L’existence d’une telle justification doit s’apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d’égalité et de non-
discrimination est violé lorsqu’il est établi qu’il n’existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.
B.43.1. La Cour n’est pas compétente pour contrôler des dispositions législatives au regard de dispositions législatives, tels les articles II.3 et II.4 du Code de droit économique, qui ne sont pas des règles répartitrices de compétences entre l’autorité fédérale, les communautés et les régions.
B.43.2. La loi du 28 février 2013, qui a introduit l’article II.3 du Code de droit économique, a abrogé le décret dit d’Allarde des 2-17 mars 1791. Ce décret, qui garantissait la liberté de commerce et d’industrie, a servi régulièrement de norme de référence à la Cour dans son contrôle du respect des articles 10 et 11 de la Constitution.
B.43.3. La liberté d’entreprendre, visée par l’article II.3 du Code de droit économique, doit s’exercer « dans le respect des traités internationaux en vigueur en Belgique, du cadre normatif général de l’union économique et de l’unité monétaire tel qu’établi par ou en vertu des traités internationaux et de la loi » (article II.4 du même Code). La liberté d’entreprendre doit par conséquent être lue en combinaison avec les dispositions de droit de l’Union européenne applicables, ainsi qu’avec l’article 6, § 1er, VI, alinéa 3, de la loi spéciale du 8 août 1980, au regard duquel la Cour peut effectuer directement un contrôle, s’agissant d’une règle répartitrice de compétences. Enfin, la liberté d’entreprendre est également garantie par l’article 16 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
B.43.4. Par conséquent, la Cour est compétente pour contrôler les dispositions attaquées au regard des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison avec la liberté d’entreprendre.
B.43.5. La liberté d’entreprendre ne peut être conçue comme une liberté absolue. Elle ne fait pas obstacle à ce que le législateur compétent règle l’activité économique des personnes et des entreprises. Celui-ci n’interviendrait de manière déraisonnable que s’il limitait la liberté
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d’entreprendre sans aucune nécessité ou si cette limitation était disproportionnée au but poursuivi.
B.44.1. Comme il est dit en B.28.2, le législateur décrétal, en adoptant le décret du 9 juillet 2021, a notamment cherché à renforcer le rôle des pouvoirs publics dans le cadre de l’exécution de la politique du logement social par les organisations de logement social, raison pour laquelle il a prévu, à l’article 4.39/2, § 1er, du Code flamand du logement de 2021, tel qu’il a été inséré par l’article 83, attaqué, du décret du 9 juillet 2021, que seuls la Région flamande et les provinces, les communes et les CPAS situés dans la zone d’activité de la société de logement peuvent détenir des actions d’une société de logement.
Cette condition d’agrément s’applique aux sociétés de logement qui ne sont pas la continuation d’une société de logement existante. Néanmoins, les sociétés de logement social existantes peuvent aussi se faire agréer comme sociétés de logement, auquel cas il y a lieu de tenir compte des dispositions transitoires que prévoit le décret du 9 juillet 2021. Selon l’article 206 de ce décret, les sociétés de logement existantes qui ne satisfont pas à la condition d’agrément précitée peuvent être agréées comme sociétés de logement, à ceci près que, dans ce cas, quelques règles dérogatoires sont applicables jusqu’à la date à laquelle elles satisfont à la condition précitée. L’article 205, § 1er, alinéa 3, du décret du 9 juillet 2021, critiqué par les parties requérantes, dispose, dans ce cadre, qu’à partir de la date d’entrée en vigueur de ce décret, les personnes autres que les provinces, les communes et les CPAS ne peuvent pas acquérir d’actions dans une société de logement social. Par dérogation à cette disposition, les actionnaires existants des sociétés de logement social peuvent toutefois acquérir des actions dans le cadre d’opérations de restructuration relevant du droit des sociétés avec une société de logement social ou une société de logement.
B.44.2. En ce qui concerne l’article 205, § 1er, alinéa 3, du décret du 9 juillet 2021, les travaux préparatoires mentionnent :
« À partir de l’entrée en vigueur du décret, les actionnaires autres que les provinces, les communes et les CPAS ne pourront pas, compte tenu des objectifs susmentionnés en matière d’actionnariat public des sociétés de logement, étendre leur participation dans des sociétés de logement social. Pour les motifs exposés dans le commentaire du quatrième alinéa de l’article 206, il n’est pas souhaitable que la Région flamande puisse étendre sa participation dans les sociétés de logement social. Cette interdiction prend cours à compter de l’entrée en vigueur du décret. En revanche, dès lors qu’en cas de fusion par absorption, des actions de la
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société absorbante sont distribuées aux actionnaires de la société absorbée, une interprétation stricte de la première phrase du troisième alinéa du paragraphe 1er aurait pour effet que seuls les pouvoirs locaux puissent recevoir de telles actions, ce qui va à l’encontre de l’objectif consistant à tolérer les participations existantes des actionnaires privés dans les sociétés de logement social lorsque celles-ci se convertissent en sociétés de logement. La possibilité de dérogation qui figure dans la deuxième phrase précise ce point » (Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 828/1, pp. 140-141).
B.44.3. Le législateur décrétal a donc eu pour objectif de parvenir à la constitution d’un « actionnariat public » dans les sociétés de logement, « les participations existantes des actionnaires privés dans les sociétés de logement social [étant toutefois tolérées] lorsque celles-
ci se convertissent en sociétés de logement ». À partir de l’entrée en vigueur du décret, les actionnaires privés existants ne peuvent plus étendre leur participation dans la société que dans le cadre d’une opération de restructuration visant à constituer une société de logement.
B.45. L’article 4.39/2, § 1er, alinéa 1er, du Code flamand du logement de 2021, tel qu’il a été inséré par l’article 83, attaqué, du décret du 9 juillet 2021, et l’article 205, § 1er, alinéa 3, de ce décret font naître une différence de traitement entre, d’une part, les autorités de droit public mentionnées dans ces dispositions et, d’autre part, les personnes privées et les autres autorités de droit public.
B.46.1. Par son arrêt n° 64/2015 du 21 mai 2015, la Cour s’est prononcée sur une question préjudicielle qui portait notamment sur une différence de traitement entre les actionnaires privés et les actionnaires publics d’une société de logement social :
« B.6. En matière de politique du logement, qui occupe une place centrale dans les politiques sociales et économiques des sociétés modernes, la Cour doit, compte tenu de l’obligation faite au législateur décrétal, par l’article 23, alinéa 3, 3°, de la Constitution, de garantir le droit à un logement décent, respecter l’appréciation de ce législateur quant à l’intérêt général, sauf si cette appréciation est sans justification raisonnable.
B.7.1. Comme il est dit en B.1, une société à finalité sociale est une société qui n’est pas vouée à l’enrichissement de ses associés. Une telle société ne peut de surcroît agir en tant que société de logement social que si elle a été agréée à cette fin par le Gouvernement flamand. Le retrait de l’agrément implique d’office la dissolution de la société et le patrimoine de la société dissoute, après apurement du passif et remboursement éventuel de l’apport aux associés, est transféré à une autre société de logement social.
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En cas d’agrément, de fusion ou de conversion d’une société de logement social, le Gouvernement flamand a le droit de souscrire, au nom de la Région flamande, à un quart au maximum du capital social de la société de logement social. Lorsque les autorités publiques (la Région flamande, les provinces, les communes et les centres publics d’action sociale)
détiennent la majorité du capital social, leurs délégués doivent détenir la majorité au sein du conseil d’administration. De sa propre initiative ou à la demande du contrôleur, le Gouvernement flamand peut imposer des sanctions à une société de logement social, notamment lorsqu’elle n’exerce pas correctement ses missions. La sanction peut aller jusqu’au retrait de l’agrément.
La mission essentielle des sociétés de logement social consiste à améliorer les conditions d’habitation des ménages et personnes isolées en manque de logement, en garantissant une offre suffisante d’habitations sociales de location et d’achat. Le financement des sociétés de logement social est essentiellement supporté par la Région flamande.
Il ressort de ce qui précède que les sociétés de logement social doivent être considérées comme des « exécutants privilégiés » de la politique flamande du logement, ce qui est par ailleurs expressément confirmé à l’article 29 du Code flamand du logement.
B.7.2. Dans la mesure où les sociétés de logement social doivent être considérées comme des « exécutants privilégiés » de la politique flamande du logement, le législateur décrétal pouvait prendre les mesures nécessaires pour que ces sociétés mènent une politique qui soit conforme à la politique flamande du logement.
B.8. Eu égard à ce qui précède et compte tenu du pouvoir d’appréciation étendu dont dispose le législateur décrétal en matière de politique du logement, les différences de traitement en cause ne sont pas sans justification raisonnable ».
B.46.2. Pour les mêmes motifs que ceux qui sont mentionnés dans l’arrêt précité, les différences de traitement critiquées en l’espèce ne sont pas non plus dénuées de justification raisonnable. Les sociétés de logement sont en effet investies d’une mission analogue à celle des sociétés de logement social et sont elles aussi financées dans une large mesure par la Région flamande. Eu égard au large pouvoir d’appréciation dont dispose le législateur décrétal en matière de politique du logement et compte tenu du fait que les sociétés de logement sont les exécutants privilégiés de la politique flamande du logement social (article 4.39/7 du Code flamand du logement de 2021, tel qu’il a été inséré par l’article 90 du décret du 9 juillet 2021), le législateur décrétal pouvait prendre des mesures visant à renforcer le rôle des autorités publiques, en particulier des pouvoirs locaux, dans le cadre de l’exécution de la politique flamande du logement social.
B.46.3. La lecture combinée des articles 10 et 11 de la Constitution avec la liberté d’entreprendre et avec la liberté d’association, telles qu’elles sont garanties par les dispositions
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mentionnées au moyen, ne conduit pas à une autre conclusion. Ces libertés n’ont en effet pas un caractère absolu et n’empêchent pas, comme il est dit en B.38.2, que des associations qui participent à la réalisation d’une mission d’intérêt général et qui sont subventionnées par des deniers publics puissent être soumises à des conditions de fonctionnement et de contrôle.
B.47. Le premier moyen dans l’affaire n° 7750, en sa deuxième branche, n’est pas fondé.
B.48. Le deuxième moyen dans l’affaire n° 7750 est pris de la violation, par les articles 83, 105, 205 et 206 du décret du 9 juillet 2021, des articles 10 et 11 de la Constitution, lus en combinaison ou non avec l’article 1er du Premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme, en ce que les dispositions attaquées limitent sans compensation les droits des actionnaires privés des sociétés de logement social agréées existantes qui souhaitent conserver leur agrément en se convertissant en une société de logement.
B.49.1. Bien que le deuxième moyen dans l’affaire n° 7750 soit formellement dirigé contre les articles 83, 105, 205 et 206 du décret du 9 juillet 2021, les parties requérantes n’invoquent des griefs que contre les articles 205, § 4, et 206, alinéa 3, 3°, 4° et 5°, de ce décret. Conformément à ce qui est dit en B.9.2, la Cour examine le deuxième moyen dans l’affaire n° 7750 dans la seule mesure où il est dirigé contre ces dispositions.
B.49.2. Contrairement à ce que le Gouvernement flamand fait valoir, le deuxième moyen dans l’affaire n° 7750 est recevable en ce qu’il est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution. Lorsqu’une partie requérante dénonce, dans le cadre d’un recours en annulation, la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, combinés avec d’autres dispositions constitutionnelles ou internationales ou avec d’autres principes généraux du droit garantissant un droit fondamental, le moyen tient en effet en ceci qu’elle estime qu’une différence de traitement est créée dès lors que la disposition qu’elle attaque dans le recours la prive de l’exercice de ce droit fondamental, alors que ce dernier serait garanti sans restriction à tout autre citoyen.
B.50.1. L’article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme dispose :
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« Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes ».
B.50.2. L’article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme offre une protection non seulement contre l’expropriation ou contre la privation de propriété (premier alinéa, seconde phrase), mais également contre toute ingérence dans le droit au respect des biens (premier alinéa, première phrase) et contre toute réglementation de l’usage des biens (second alinéa).
Cet article ne porte pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général.
L’ingérence dans le droit au respect des biens n’est compatible avec ce droit que si elle est raisonnablement proportionnée au but poursuivi, c’est-à-dire si elle ne rompt pas le juste équilibre entre les exigences de l’intérêt général et celles de la protection de ce droit. La Cour européenne des droits de l’homme considère également que les États membres disposent en la matière d’une grande marge d’appréciation (CEDH, 2 juillet 2013, R.Sz. c. Hongrie, § 38).
B.51.1. Comme il est dit en B.44.1, les sociétés de logement social existantes peuvent se faire agréer comme sociétés de logement. Selon l’article 206 du décret du 9 juillet 2021, les sociétés de logement existantes qui ne satisfont pas à la condition d’agrément selon laquelle seuls la Région flamande et les provinces, les communes et les CPAS situés dans la zone d’activité de la société de logement peuvent détenir des actions d’une société de logement peuvent néanmoins être agréées comme sociétés de logement, à ceci près que, dans ce cas, quelques règles dérogatoires sont applicables jusqu’à la date à laquelle elles satisfont à la condition précitée. Ces règles dérogatoires sont notamment contenues dans l’article 206, alinéa 1er, 3°, 4° et 5°, du décret du 9 juillet 2021, qui prévoit, comme il est dit en B.28.2, des restrictions au droit de vote des actionnaires autres que
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la Région flamande, les provinces, les communes et les CPAS, et qui règle leur droit en matière de présentation d’administrateurs.
B.51.2. Il ressort des travaux préparatoires cités en B.28.3 que le législateur décrétal, même s’il avait l’intention de parvenir à la constitution d’un « actionnariat public » dans les sociétés de logement, a voulu tenir compte des droits des actionnaires privés existants des sociétés de logement social. Ces actionnaires privés peuvent conserver leur participation dans une société de logement, si ce n’est que leur pouvoir de décision au sein de cette société est soumis à restrictions.
Afin de garantir que ces actionnaires privés « ne se retrouvent pas ‘ prisonniers ’ dans la société après la modification des conditions d’agrément » (Doc. parl., Parlement flamand, 2020-
2021, n° 828/1, p. 141), le législateur décrétal a prévu une procédure de retrait assouplie, à l’article 205, § 4, du décret du 9 juillet 2021. À ce sujet, les travaux préparatoires mentionnent :
« Le premier alinéa du paragraphe 4 prévoit une possibilité de retrait pour tout actionnaire d’une société de logement social ayant la forme d’une SRL ou d’une SCRL à partir de la convocation de l’assemblée générale destinée à mettre les statuts en conformité avec les conditions d’agrément des sociétés de logement. Cette possibilité a été prévue afin de garantir que les actionnaires puissent également se retirer si la conversion avait lieu au cours des six derniers mois de l’exercice comptable. […]
[…]
Le deuxième alinéa du paragraphe 4 vise à prévoir un ‘ droit de retrait ’ similaire pour les actionnaires d’une société de logement social ayant pris la forme d’une société anonyme. Les sociétés de logement social ayant la forme d’une SA doivent à ce moment-là offrir la possibilité à leurs actionnaires de faire racheter leurs actions par la société à un prix ne pouvant excéder l’apport au patrimoine de la société de logement social réellement versé par eux et non encore remboursé.
Cela reste possible même en l’absence de moyens distribuables, mais, dans ce cas, le paiement du prix des actions est suspendu jusqu’à ce que la société dispose de suffisamment de moyens distribuables » (ibid., pp. 141-142).
B.51.3. Au moment du retrait, les actionnaires en question reçoivent au maximum la valeur nominale de l’apport au patrimoine de la société réellement versé par eux et non encore remboursé, telle qu’enregistrée au moment de l’apport (article 205, § 4, alinéa 2, du décret du 9 juillet 2021).
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B.52.1. Une limitation des droits attachés à des actions constitue une ingérence dans le droit de propriété (CEDH, 25 juillet 2002, Sovtransavto Holding c. Ukraine, §§ 91-92).
B.52.2. Toutefois, l’ingérence dans le droit de propriété dont il est question en l’espèce repose sur un juste équilibre entre les exigences de l’intérêt général et celles de la protection de ce droit.
Eu égard notamment au large pouvoir d’appréciation dont il dispose pour satisfaire à l’obligation qui lui incombe en vertu de l’article 23, alinéa 3, 3°, de la Constitution de garantir le droit à un logement décent, et compte tenu du fait que le secteur du logement social est financé dans une très large mesure par la Région flamande, le législateur décrétal pouvait prendre des mesures visant à renforcer le rôle des autorités publiques, en particulier des pouvoirs locaux, dans le cadre de l’exécution de la politique flamande du logement social.
Il ressort de ce qui précède que le législateur décrétal a tenu compte à cet égard de la situation des actionnaires privés existants des sociétés de logement social et qu’il leur a offert la possibilité soit de poursuivre leur participation dans une société de logement, mais avec des restrictions quant à leur pouvoir de décision au sein cette société, soit de se retirer de la société de logement social, auquel cas ils ont droit au remboursement de leur apport au patrimoine de la société.
Par ailleurs, les actionnaires privés existants d’une société de logement social savent qu’ils détiennent une participation dans une société qui n’a pas pour but premier de distribuer des avantages patrimoniaux à ses actionnaires et qui est soumise à des conditions d’agrément que l’autorité publique peut modifier en fonction des exigences changeantes de l’intérêt général. Sous la réglementation qui était anciennement applicable aux sociétés de logement social, les droits de vote des actionnaires privés étaient par ailleurs déjà soumis à des restrictions qui ne s’appliquaient pas aux autorités de droit public.
La circonstance que la limitation du pouvoir de décision au sein de la société ne donne pas lieu à une indemnisation n’a pas pour effet que le juste équilibre sur lequel repose l’ingérence critiquée dans le droit de propriété est en l’espèce rompu. Le seul fait que l’autorité impose des
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restrictions au droit de propriété dans l’intérêt général n’a en effet pas pour conséquence qu’elle soit tenue à indemnisation.
B.53. Le deuxième moyen dans l’affaire n° 7750 n’est pas fondé.
B.54. Le quatrième moyen dans l’affaire n° 7773 est pris de la violation, par les articles 83 et 206, lus en combinaison avec les articles 105 et 205, § 4, du décret du 9 juillet 2021, de la liberté d’association, telle qu’elle est garantie par l’article 27 de la Constitution, par l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme et par l’article 22 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, lus en combinaison avec le droit de propriété, tel qu’il est garanti par l’article 1er du Premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme, en ce que les dispositions attaquées prévoient un régime extinctif pour l’actionnariat privé dans les sociétés de logement, avec une limitation des droits que les actionnaires privés peuvent faire valoir vis-à-vis de la société.
B.55. Les parties requérantes n’invoquent des griefs que contre l’article 4.39/2, § 1er, alinéa 1er, du Code flamand du logement de 2021, tel qu’il a été inséré par l’article 83 du décret du 9 juillet 2021, et contre l’article 206, alinéa 1er, 1°, 3° et 4°, du décret du 9 juillet 2021.
Conformément à ce qui est dit en B.9.2, la Cour examine le quatrième moyen dans l’affaire n° 7773
dans la seule mesure où il est dirigé contre ces dispositions.
B.56. Les parties requérantes dans l’affaire n° 7773 allèguent en substance que le choix opéré en faveur de l’actionnariat public et la limitation des droits des actionnaires privés conduisent à une incompatibilité avec la liberté d’association, dès lors que ces mesures touchent à la liberté dont jouissent les entreprises pour déterminer leur organisation, leur structure et leur administration, de même qu’à une incompatibilité avec le droit de propriété des actionnaires privés, dès lors que leur pouvoir de décision au sein de l’assemblée générale de la société s’en trouve limité.
B.57.1. En ce qu’il est pris de la violation de la liberté d’association, le moyen n’est pas fondé, pour les mêmes motifs que ceux qui sont mentionnés en B.44.1 à B.46.3.
B.57.2. En ce qu’il est pris de la violation du droit de propriété, le moyen n’est pas fondé, pour les mêmes motifs que ceux qui sont mentionnés en B.50.1 à B.52.2.
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B.58. Le quatrième moyen dans l’affaire n° 7773 n’est pas fondé.
En ce qui concerne l’actionnariat des locataires sociaux
B.59. Le premier moyen dans l’affaire n° 7674 est dirigé contre les articles 83 et 208 du décret du 9 juillet 2021 et est pris de la violation de la liberté d’association, telle qu’elle est garantie par l’article 27 de la Constitution, par l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme et par l’article 22 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, en ce que les dispositions attaquées privent les locataires sociaux de l’actionnariat des sociétés de logement social, en limitant les droits qu’ils peuvent faire valoir à l’égard de la société.
Le premier moyen dans l’affaire n° 7675 est identique au premier moyen dans l’affaire n° 7674, si ce n’est qu’il est également pris de la violation du droit de propriété, tel qu’il est garanti par l’article 16 de la Constitution et par l’article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme.
B.60. En ce que les parties requérantes font valoir dans les moyens précités que l’article 83
du décret du 9 juillet 2021 est contraire à la liberté d’association, ces moyens ne sont pas fondés, pour les mêmes motifs que ceux qui sont mentionnés en B.44.1 à B.46.3.
B.61. La Cour doit encore examiner si l’article 208, attaqué, du décret du 9 juillet 2021 viole ou non la liberté d’association et le droit de propriété.
B.62. Ainsi que le soulève le Gouvernement flamand, les parties requérantes n’invoquent des griefs que contre l’alinéa 1er de l’article 208 du décret du 9 juillet 2021. Conformément à ce qui est dit en B.9.2, la Cour examine les moyens dans la seule mesure où ils sont dirigés contre l’article 208, alinéa 1er, du décret du 9 juillet 2021.
B.63.1. Si une société de logement social a permis aux locataires sociaux de souscrire des actions en remplacement du versement d’une garantie locative, les actionnaires concernés sont, en vertu de l’article 208, alinéa 1er, du décret du 9 juillet 2021, réputés se retirer de plein droit avec ces actions à la date d’entrée en vigueur du décret, la part de retrait à laquelle le locataire
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social a droit étant convertie de plein droit en une garantie locative. Puisque le décret du 9 juillet 2021 est, sauf en ce qui concerne les articles énumérés en son article 225, entré en vigueur le 20 septembre 2021, les actionnaires visés se sont retirés de la société avec leurs actions à cette date. Du fait de ce retrait, les personnes concernées ne font plus partie de l’assemblée générale de la société.
B.63.2. Il ressort des travaux préparatoires du décret du 9 juillet 2021 que le législateur décrétal, partant du constat qu’un certain nombre de sociétés de logement social « ont, par le passé, permis à des locataires sociaux de souscrire des actions de la société de logement social, au lieu de payer une garantie locative », a estimé nécessaire « de régulariser cette absence historique d’une garantie locative » (Doc. parl, Parlement flamand, 2020-2021, n° 828/1, p. 151). Il a estimé à cet égard que les montants que les locataires sociaux devaient payer pour acquérir les actions « ne constituent en réalité pas un investissement, mais une garantie locative » (ibid., p. 11).
B.64.1. Il en résulte que, par la disposition attaquée, le législateur décrétal a voulu mettre fin à la pratique de certaines sociétés de logement social qui consistait à permettre aux locataires sociaux de souscrire des actions de la société en lieu et place de leur obligation, découlant de l’article 6.26 du Code flamand du logement de 2021, de fournir une garantie en vue du respect de leurs engagements.
B.64.2. Les modalités relatives au respect de l’obligation précitée de fournir une garantie locative sont réglées à l’article 6.61 de l’arrêté du Gouvernement flamand du 11 septembre 2020 « portant exécution du Code flamand du Logement de 2021 », lequel renvoie à cet égard à l’article 37 du décret du 9 novembre 2018 « contenant des dispositions relatives à la location de biens destinés à l’habitation ou de parties de ceux-ci ». Ces dispositions ne prévoient pas de possibilité de satisfaire à l’obligation visée à l’article 6.26 du Code flamand du logement de 2021 par la souscription d’actions d’une société de logement social.
En outre, comme la Cour l’a constaté par l’arrêt n° 19/2022 du 3 février 2022, certaines sociétés de logement social, parmi lesquelles la partie requérante dans l’affaire n° 7674, ont élaboré leurs statuts et leur règlement locatif de manière telle que les intéressés ne peuvent
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devenir locataires d’un logement social qu’en souscrivant un certain nombre d’actions de la société, le locataire devant ensuite donner ces actions en nantissement à titre de garantie locative. Ainsi que le Gouvernement flamand l’allègue, ce procédé impose aux candidats à un logement social une condition pour prétendre à un logement locatif qui n’est pas prévue dans la réglementation applicable en la matière.
B.65. La mesure attaquée est pertinente au regard de l’objectif consistant à mettre fin à la pratique précitée et elle ne produit pas des effets disproportionnés. En effet, si les personnes concernées ont acquis les actions visées, ce n’est pas tant dans le but d’acquérir un pouvoir de décision au sein de la société mais dans le but de satisfaire à leur obligation de fournir une garantie et, le cas échéant, de prétendre à l’attribution d’un logement locatif social. Par ailleurs, la part de retrait à laquelle le locataire social à droit doit, en vertu de la disposition attaquée, être convertie en une garantie locative.
B.66. L’article 208, alinéa 1er, du décret du 9 juillet 2021 ne viole pas la liberté d’association, telle qu’elle est garantie par les dispositions constitutionnelles et conventionnelles mentionnées aux moyens.
B.67. En ce qui concerne la violation du droit de propriété alléguée dans le premier moyen dans l’affaire n° 7675, les parties requérantes font valoir que la part de retrait à laquelle les actionnaires visés dans la disposition attaquée ont droit ne constitue pas une juste indemnisation, dès lors que cette part s’élève au maximum à la valeur nominale de l’apport au patrimoine de la société de logement réellement versé et non encore remboursé, telle qu’enregistrée au moment de l’apport.
B.68.1. L’article 16 de la Constitution dispose :
« Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique, dans les cas et de la manière établis par la loi, et moyennant une juste et préalable indemnité ».
B.68.2. L’article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme ayant une portée analogue à celle de l’article 16 de la Constitution, les
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garanties qu’il contient forment un ensemble indissociable avec celles qui sont inscrites dans cette disposition constitutionnelle, de sorte que la Cour en tient compte lors de son contrôle de la disposition attaquée.
B.69.1. Comme il est dit en B.50.2, le droit de propriété garanti par l’article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme ne porte pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général.
Dès lors que, par la disposition attaquée, le législateur décrétal a voulu mettre fin à une pratique de certaines sociétés de logement social, cette disposition poursuit un objectif d’intérêt général.
B.69.2. Comme il est dit en B.52.2, les actionnaires d’une société de logement social savent qu’ils détiennent une participation dans une société qui n’a pas pour but premier de distribuer des avantages patrimoniaux à ses actionnaires. La part de retrait à laquelle les actionnaires visés dans la disposition attaquée ont droit – et qui est convertie en garantie locative – ne diffère pas de la part que les autres actionnaires reçoivent en cas de démission ou d’exclusion d’une société de logement ou d’une société de logement social. En effet, conformément à l’article 4.46/3, 3°, du Code flamand du logement de 2021 et à l’article 205, § 4, du décret du 9 juillet 2021, ces actionnaires aussi peuvent recevoir au maximum la valeur nominale de l’apport au patrimoine de la société de logement réellement versé par eux et non encore remboursé, telle qu’enregistrée au moment de l’apport.
B.69.3. L’ingérence dans le droit au respect des biens critiquée en l’espèce est proportionnée à l’objectif poursuivi par le législateur décrétal de mettre fin à la pratique précitée. La circonstance que la perte du droit de participer à l’assemblée générale de la société ne donne pas lieu à une indemnisation ne conduit pas à une autre conclusion. En effet, comme il est dit en B.65, si les personnes concernées ont acquis les actions visées, ce n’est pas tant dans le but d’acquérir un pouvoir de décision au sein de la société, mais dans le but de satisfaire à leur obligation de fournir une garantie et, le cas échéant, de prétendre à l’attribution d’un
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logement locatif social. Le seul fait que l’autorité impose des restrictions au droit de propriété dans l’intérêt général n’a pas en soi pour conséquence que cette autorité soit tenue à indemnisation.
B.70. L’article 208, alinéa 1er, du décret du 9 juillet 2021 ne viole pas le droit de propriété, tel qu’il est garanti par les dispositions constitutionnelles et conventionnelles mentionnées aux moyens.
B.71. Le premier moyen dans l’affaire n° 7674 et le premier moyen dans l’affaire n° 7675
ne sont pas fondés.
B.72. Le deuxième moyen dans l’affaire n° 7675 est pris de la violation des articles 10 et 11 de la Constitution, en ce que l’article 208 du décret du 9 juillet 2021 fait naître une différence de traitement qui ne serait pas raisonnablement justifiée entre les actionnaires privés, selon qu’ils sont des locataires sociaux ou non.
Les parties requérantes dans l’affaire n° 7675 critiquent en substance le fait que, pour les actionnaires privés qui ne sont pas des locataires sociaux, il est prévu non pas une mesure telle que celle qui est contenue dans l’article 208, alinéa 1er, du décret du 9 juillet 2021, mais seulement une limitation de leur pouvoir de décision au sein de la société (article 206 du décret du 9 juillet 2021).
B.73.1. Comme il est dit en B.28.1, les actionnaires privés d’une société de logement social qui devient une société de logement peuvent, conformément à l’article 206 du décret du 9 juillet 2021, rester actionnaires de cette société de logement, si ce n’est que leur pouvoir de décision au sein de cette société est soumis aux restrictions prévues dans cet article. En revanche, les actionnaires visés à l’article 208, alinéa 1er, du décret du 9 juillet 2021, sont, en vertu de ce même article, réputés se retirer de plein droit à la date d’entrée en vigueur de ce décret avec les actions qui servent de substitut au versement d’une garantie locative.
B.73.2. L’article 208, alinéa 1er, attaqué, du décret du 9 juillet 2021 fait dès lors naître une différence de traitement entre, d’une part, les actionnaires privés d’une société de logement social visés dans cette disposition et, d’autre part, les actionnaires privés visés à l’article 206
du même décret.
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B.74.1. Contrairement à ce que le Gouvernement flamand allègue, les catégories de personnes précitées sont suffisamment comparables. Les personnes relevant de ces deux catégories étaient en effet détentrices, avant l’entrée en vigueur du décret attaqué, d’actions d’une société de logement social agréée.
B.74.2. La différence de traitement critiquée repose sur un critère objectif. L’article 208, alinéa 1er, du décret du 9 juillet 2021 s’applique en effet exclusivement aux actionnaires privés qui ont souscrit des actions en remplacement du versement d’une garantie locative. Le retrait réglé par cette disposition porte de surcroît uniquement sur les actions qui servent de substitut au versement d’une garantie locative. L’article 206 de ce décret, en revanche, règle le statut des actionnaires privés d’une société de logement social qui disposent d’actions ne servant pas de substitut au versement d’une garantie locative. Contrairement à ce que les parties requérantes semblent soutenir, l’article 208, alinéa 1er, du décret du 9 juillet 2021 n’implique pas que les locataires sociaux qui ont souscrit des actions ne servant pas de substitut au versement d’une garantie locative sont réputés se retirer de plein droit avec ces actions à la date d’entrée en vigueur du décret du 9 juillet 2021.
B.74.3. Pour les mêmes motifs que ceux qui sont mentionnés en B.64.1 à B.65 et en B.69.1
à B.69.3, la différence de traitement critiquée est raisonnablement justifiée.
B.75. Le deuxième moyen dans l’affaire n° 7675 n’est pas fondé.
En ce qui concerne la dissolution de plein droit d’une société et l’indemnisation des actionnaires
B.76. Le troisième moyen dans l’affaire n° 7674 et le troisième moyen dans l’affaire n° 7675 sont dirigés contre les articles 74, 124 et 205 du décret du 9 juillet 2021 et sont pris de la violation de la liberté d’association, telle qu’elle est garantie par l’article 27 de la Constitution, par l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme et par l’article 22 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, en ce que les dispositions attaquées prévoient la dissolution de plein droit d’une société de logement social lorsque celle-
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ci n’est pas agréée comme société de logement à une date déterminée, de même que la dissolution de plein droit d’une société de logement lorsque celle-ci se voit retirer son agrément.
Le premier moyen dans l’affaire n° 7771 et le troisième moyen dans l’affaire n° 7773 ont le même contenu que les moyens précités, à ceci près qu’ils sont dirigés exclusivement contre les articles 124 et 205 du décret du 9 juillet 2021. Le premier moyen dans l’affaire n° 7695, en sa première branche, a également une portée analogue, à ceci près qu’il est dirigé contre les articles 104 et 205 du décret du 9 juillet 2021.
Le premier moyen dans l’affaire n° 7750, en ses troisième et quatrième branches, porte également – en partie – sur la mesure de dissolution de plein droit d’une société de logement social ou d’une société de logement qui est prévue aux articles 124 et 205, § 5, du décret du 9 juillet 2021.
Les parties requérantes font valoir que les dispositions précitées violent la liberté d’entreprendre, telle qu’elle est garantie par les articles II.3 et II.4 du Code de droit économique, lus en combinaison avec les articles 10 et 11 de la Constitution, ainsi que la liberté d’association, telle qu’elle est garantie par l’article 27 de la Constitution et par l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme, lus en combinaison avec les articles 10 et 11 de la Constitution.
B.77. Comme il est dit en B.2.2, l’article 74, attaqué, du décret du 9 juillet 2021 remplace l’article 4.36, § 1er, du Code flamand du logement de 2021. En vertu de cet article, une société peut être agréée et rester agréée comme société de logement si elle satisfait au moins aux dispositions des chapitres 1 à 7 du titre 3 (« Sociétés de logement ») du livre 4 (« Acteurs du logement ») du Code précité, étant entendu que le Gouvernement flamand peut imposer des conditions d’agrément supplémentaires (article 4.36, § 2).
Comme il est dit en B.2.5, le retrait de l’agrément d’une société de logement a pour effet de dissoudre cette dernière de plein droit, conformément à l’article 4.53 du Code flamand du logement de 2021, tel qu’il a été remplacé par l’article 124, attaqué, du décret du 9 juillet 2021.
Toutes les compétences d’administration et d’engagement de la société de logement sont alors attribuées à un ou plusieurs liquidateurs désignés par le Gouvernement flamand, qui prennent les mesures nécessaires au transfert du patrimoine de la société dissoute à la/aux société(s) de logement désignée(s) par le Gouvernement flamand.
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Comme il est dit en B.3.3, les sociétés de logement social qui, au 31 décembre 2022, ne sont pas agréées ou pas agréées temporairement comme sociétés de logement perdent de plein droit leur agrément à compter du 1er janvier 2023, conformément à l’article 205, § 5, du décret du 9 juillet 2021. Les sociétés de logement temporairement agréées qui ne sont pas agréées au 30 juin 2023 perdent elles aussi de plein droit leur agrément temporaire. Dans les deux cas, la perte de l’agrément entraîne de plein droit la dissolution. Les actionnaires reçoivent, après apurement du passif de la société de logement social, au maximum la valeur nominale de l’apport réellement versé par eux et non encore remboursé au patrimoine de la société de logement social, telle qu’enregistrée au moment de l’apport. Le patrimoine subsistant est transféré à une ou plusieurs sociétés de logement désignées par le Gouvernement flamand.
B.78.1. Les parties requérantes critiquent en substance la mesure, contenue dans l’article 4.53 du Code flamand du logement de 2021, de dissolution de plein droit d’une société de logement lorsque celle-ci se voit retirer son agrément, de même que la mesure, contenue dans l’article 205 du décret du 9 juillet 2021, de dissolution de plein droit d’une société de logement social qui n’a pas été agréée comme société de logement à une date déterminée.
Les deux mesures aboutissent à ce qu’une société qui perd son agrément comme société de logement social ou société de logement est dissoute de plein droit.
B.78.2. En ce que, dans la première branche de leur premier moyen, les parties requérantes dans l’affaire n° 7695 dirigent également leur critique contre l’article 104 du décret du 9 juillet 2021, qui insère, dans le Code flamand du logement de 2021, un article 4.46/2, aux termes duquel une société de logement dispose au plus tard à compter du 1er janvier 2024 d’un patrimoine d’au moins 1 000 logements locatifs sociaux en gestion, force est de constater que cette disposition contient une condition d’agrément.
Il ressort de l’exposé de la branche en question dans la requête que les parties requérantes dans l’affaire n° 7695 font en substance valoir que le non-respect de la condition d’agrément précitée peut aboutir au retrait de l’agrément et à la dissolution de plein droit de la société, et que c’est en réalité par la dissolution de plein droit de la société qu’elles se sentent lésées. La première branche du premier moyen dans l’affaire n° 7695 ne vise dès lors pas, en soi,
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l’article 104 du décret du 9 juillet 2021, mais l’article 205 du même décret, également attaqué dans cette branche. Conformément à ce qui est dit en B.9.2, la Cour examine le premier moyen dans l’affaire n° 7695, en sa première branche, dans la seule mesure où il est dirigé contre cette dernière disposition.
B.79.1. La mesure relative à la dissolution d’une société de logement social qui a perdu son agrément trouve son origine dans l’article 42, alinéa 1er, du décret du 15 juillet 1997
« contenant le Code flamand du Logement ».
Les travaux préparatoires de ce décret mentionnent :
« Le régime proposé garantit, en cas de retrait de l’agrément à titre de sanction, que les deniers publics attribués à la société depuis sa création pour ses activités sociales reviennent à la région (sous la forme d’une autre société de logement ou via la VHM) et que les investissements consentis conservent leur finalité sociale » (Doc. parl., Parlement flamand, 1996-1997, n° 654/1, p. 25).
« [Le ministre] insiste sur le fait qu’il est extrêmement difficile de récupérer tout bonnement les subventions attribuées pour la construction de logements sociaux qui sont occupés par des personnes qui remplissent les critères. Soit les logements ont été vendus entretemps (logements acquisitifs), soit les subventions ne peuvent être récupérées que par la vente du patrimoine (logements locatifs). Cela irait à l’encontre de plusieurs autres dispositions du Code du logement qui visent précisément à préserver le patrimoine locatif social. L’objectif est en outre d’offrir une certaine protection au locataire social. En effet, une récupération pure et simple des subventions aboutirait en cas de vente à une expulsion du locataire social, ce qui n’est pas souhaitable » (Doc. parl., Parlement flamand, 1996-1997, n° 654/6, p. 66).
B.79.2. Il en ressort que, par la mesure relative à la dissolution de plein droit d’une société de logement social, le législateur décrétal a voulu « que les investissements consentis conservent leur finalité sociale », de même qu’il a entendu « préserver le patrimoine locatif social » et « offrir une certaine protection au locataire social ».
Le législateur décrétal a donc voulu garantir la continuité des services de logement social, ainsi que le droit du locataire social à un logement décent, tel qu’il est garanti par l’article 23, alinéa 3, 3°, de la Constitution.
B.79.3. Il y a lieu d’admettre que, par les dispositions attaquées, le législateur décrétal poursuit les mêmes objectifs.
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B.80.1. Comme il est dit en B.38.2, la liberté d’association, telle qu’elle est garantie par les dispositions constitutionnelles et conventionnelles citées au moyen, ne s’oppose pas à ce que les associations qui participent à la réalisation d’une mission d’intérêt général et qui sont subventionnées par des deniers publics puissent être soumises à des conditions de fonctionnement et de contrôle, pour autant que celles-ci n’altèrent pas la substance de cette liberté.
B.80.2. En prévoyant une mesure de dissolution de plein droit d’une association, les dispositions attaquées touchent à la substance de la liberté d’association.
B.81. Dès lors que les dispositions attaquées visent notamment à préserver le droit à un logement décent du locataire d’un logement social d’une société qui perd son agrément comme société de logement social ou comme société de logement, un conflit émerge entre, d’une part, la liberté d’association de la société en question et, d’autre part, le droit à un logement décent du locataire social. Dans une telle situation, il convient de ménager un juste équilibre entre ces droits et libertés et les intérêts qui y sont liés.
B.82. Les dispositions attaquées sont pertinentes au regard des objectifs poursuivis par le législateur décrétal. La dissolution d’une société de logement social ou d’une société de logement fait en effet naître une situation de liquidation qui permet de prendre les mesures nécessaires pour atteindre les objectifs mentionnés en B.79.2. Tant l’article 4.53 du Code flamand du logement de 2021, tel qu’il a été remplacé par l’article 124, attaqué, du décret du 9 juillet 2021, que l’article 205, § 5, de ce décret prévoient expressément, dans le cadre de la mesure attaquée relative à la dissolution de plein droit de la société, que le patrimoine subsistant de la société dissoute est transféré à une ou plusieurs sociétés de logement désignées par le Gouvernement flamand.
B.83.1. Conformément à la réglementation qui était applicable avant l’entrée en vigueur du décret attaqué, les sociétés de logement social devaient adopter les modèles de statuts établis par le Gouvernement flamand et s’engager à adapter immédiatement leurs statuts à toute modification ultérieure que le Gouvernement flamand apporterait à ces modèles de statuts
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(article 40, § 1er, alinéa 2, 5°, du décret du 15 juillet 1997 « contenant le Code flamand du Logement »).
Selon les modèles de statuts établis par l’arrêté du Gouvernement flamand du 22 octobre 2010 « fixant les conditions complémentaires et la procédure pour l’agrément comme société de logement social et établissant la procédure d’évaluation des prestations des sociétés de logement social » (ci-après : l’arrêté du Gouvernement flamand du 22 octobre 2010), la société pouvait être dissoute « suite à une obligation de fusion et de retrait d’agrément imposée par le Gouvernement flamand ».
Les sociétés de logement social devaient donc inclure dans leurs statuts une disposition selon laquelle la société pouvait être dissoute à la suite d’une obligation de fusion imposée par le Gouvernement flamand et à la suite du retrait de l’agrément.
B.83.2. L’article 4.39/1 du Code flamand du logement de 2021, tel qu’il a été inséré par l’article 80 du décret du 9 juillet 2021, dispose aussi en ce qui concerne les sociétés de logement que celles-ci doivent adopter les modèles de statuts et s’engager à adapter immédiatement leurs statuts à toute modification ultérieure apportée à ces modèles par le Gouvernement flamand.
Selon les modèles de statuts établis par l’arrêté du Gouvernement flamand du 11 septembre 2020 « portant exécution du Code flamand du Logement de 2021 » (ci-après : l’arrêté du Gouvernement flamand du 11 septembre 2020), tel qu’il a été modifié par l’arrêté du 17 décembre 2021 « modifiant divers arrêtés relatifs au logement », la société peut également être dissoute « suite à une obligation de fusion imposée par le Gouvernement flamand ou le retrait de l’agrément ».
B.83.3. Les sociétés qui ont demandé à être agréées comme sociétés de logement social par le passé se sont soumises volontairement, par leur demande d’agrément, aux conditions d’agrément établies par l’autorité publique, notamment à la condition selon laquelle elles doivent inclure dans leurs statuts que la société peut être dissoute à la suite d’une obligation de fusion imposée par le Gouvernement flamand ou du retrait de l’agrément. Les sociétés qui souhaitent se faire agréer comme sociétés de logement se soumettent elles aussi à une telle condition.
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B.84. Ainsi que la Cour l’a jugé par l’arrêt n° 19/2022 du 3 février 2022, les sociétés de logement social et les sociétés de logement ne peuvent poursuivre leurs buts statutaires que dans la mesure où elles sont agréées par l’autorité, qui peut retirer l’agrément et le subventionnement y afférent sous certaines conditions. En outre, l’autorité compétente peut en principe modifier les conditions d’agrément en fonction des exigences changeantes de l’intérêt général. La pérennité d’une société de logement social ou d’une société de logement est donc toujours subordonnée au maintien de l’agrément accordé par l’autorité.
B.85.1. Eu égard à ce qui précède et compte tenu des objectifs poursuivis par le législateur décrétal, mentionnés en B.79.2, les dispositions attaquées reposent sur un juste équilibre entre, d’une part, la liberté d’association des sociétés concernées et, d’autre part, le droit à un logement décent du locataire social.
B.85.2. Dans la mesure où les parties requérantes dans les affaires n os 7674 et 7675 font encore valoir que la disproportion de la mesure de dissolution d’une société de logement social qui est prévue à l’article 205, § 5, du décret du 9 juillet 2021 découle du fait que le délai entre la publication des dispositions attaquées et la dissolution de la société est déraisonnablement court, il y a lieu de constater que le décret du 9 juillet 2021 a été publié au Moniteur belge du 10 septembre 2021, que le secteur du logement social a été associé à la préparation de ce décret et que, lors de cette préparation, la date du 31 décembre 2022 a toujours été avancée comme date ultime pour la conversion des sociétés de logement social en sociétés de logement.
L’article 205, § 3, du décret du 9 juillet 2021 prévoit par ailleurs la possibilité pour les sociétés de logement social d’obtenir, sous certaines conditions, un agrément temporaire jusqu’au 30 juin 2023. Les parties requérantes ne démontrent pas qu’elles se trouvent dans l’impossibilité de s’adapter à temps aux dispositions du décret du 9 juillet 2021.
B.86.1. Les dispositions attaquées, en ce qu’elles prévoient la dissolution de plein droit d’une société, ne violent pas la liberté d’association, telle qu’elle est garantie par les dispositions constitutionnelles et conventionnelles mentionnées aux moyens.
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B.86.2. Pour les mêmes motifs, ces dispositions ne violent pas non plus la liberté d’entreprendre, lue en combinaison avec les articles 10 et 11 de la Constitution.
B.87. Le troisième moyen dans l’affaire n° 7674, le troisième moyen dans l’affaire n° 7675, le premier moyen dans l’affaire n° 7695, en sa première branche, le premier moyen dans l’affaire n° 7771 et le troisième moyen dans l’affaire n° 7773 ne sont pas fondés. En ce qu’il porte sur la dissolution de plein droit d’une société, le premier moyen dans l’affaire n° 7750, en ses troisième et quatrième branches, n’est pas davantage fondé.
B.88. Le troisième moyen dans l’affaire n° 7695 est pris de la violation, par l’article 205, § 5, du décret du 9 juillet 2021, de l’article 16 de la Constitution et de l’article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme, en ce que la norme attaquée dispose qu’après la dissolution de plein droit de la société de logement social, les actionnaires reçoivent au maximum la valeur nominale de l’apport réellement versé par eux.
Dans le premier moyen dans l’affaire n° 7750, en ses troisième et quatrième branches, les parties requérantes formulent une critique analogue à celle qui est formulée dans le troisième moyen dans l’affaire n° 7695, à ceci près que leur critique est aussi dirigée contre l’article 105
du décret du 9 juillet 2021 et qu’elles ciblent également le transfert du patrimoine subsistant à une société de logement désignée par le Gouvernement flamand.
B.89. En vertu de l’article 205, § 5, du décret du 9 juillet 2021, les actionnaires d’une société de logement social reçoivent, en cas de dissolution de cette société conformément à cette disposition, au maximum la valeur nominale de l’apport au patrimoine de la société de logement social réellement versé par eux et non encore remboursé, telle qu’enregistrée au moment de l’apport. Le patrimoine qui subsiste après apurement du passif et remboursement des actionnaires est transféré à une société de logement désignée par le Gouvernement flamand.
Selon l’article 4.46/3, 4°, du Code flamand du logement de 2021, tel qu’il a été inséré par l’article 105 du décret du 9 juillet 2021, les actionnaires d’une société de logement reçoivent, en cas de liquidation de cette société, la valeur nominale de l’apport au patrimoine de la société de logement réellement versé par eux et non encore remboursé, telle qu’enregistrée au moment
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de l’apport. Le patrimoine qui subsiste après apurement du passif et remboursement des actionnaires est transféré à une société de logement désignée par le Gouvernement flamand.
B.90. Comme il est dit en B.50.2, B.68.2 et B.69.1, les garanties prévues à l’article 16 de la Constitution et à l’article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme forment un ensemble indissociable, et le droit de propriété garanti par ces dispositions ne porte pas atteinte au droit que possèdent les États d’appliquer les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général. Une ingérence dans le droit au respect des biens n’est compatible avec ce droit que si elle est raisonnablement proportionnée au but poursuivi, c’est-à-dire si elle ne rompt pas le juste équilibre entre les exigences de l’intérêt général et celles de la protection de ce droit.
B.91.1. Conformément à l’article 4.37 du Code flamand du logement de 2021 qui était applicable avant l’entrée en vigueur du décret du 9 juillet 2021, les sociétés de logement social devaient adopter la forme d’une société coopérative ou d’une société anonyme à finalité sociale.
Selon l’article 661 du Code des sociétés qui était applicable avant l’entrée en vigueur du Code des sociétés et des associations, les sociétés à finalité sociale n’étaient pas vouées à l’enrichissement de leurs associés et leurs statuts devaient stipuler que leurs associés ne rechercheraient qu’un bénéfice patrimonial limité voire aucun bénéfice patrimonial et qu’après l’apurement de tout le passif et le remboursement de leur apport aux associés, le surplus de liquidation recevrait une affectation qui se rapprocherait le plus possible du but social de la société.
Selon les modèles de statuts établis par l’arrêté du Gouvernement flamand du 22 octobre 2010, les sociétés de logement social devaient inclure dans leurs statuts que les associés ne poursuivraient pas un avantage de fortune, ou tout au plus un avantage limité, et qu’après apurement du passif et remboursement éventuel aux associés de leur apport, le patrimoine de la société dissoute serait transféré à une société de logement désignée par le Gouvernement flamand.
B.91.2. Le choix du législateur décrétal en faveur de la forme juridique de la société à responsabilité limitée que les sociétés de logement créées par le décret attaqué doivent adopter
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a été motivé, comme il est dit en B.19.3, par la réforme du droit des sociétés opérée par le Code des sociétés et des associations. À cet égard, le législateur décrétal a intégré, comme conditions d’agrément, certaines des caractéristiques de la société à finalité sociale dans la forme juridique de la société à responsabilité limitée devant être adoptée par les sociétés de logement. Les conditions d’agrément en question ont notamment été motivées par le fait que le secteur du logement social est financé dans une très large mesure par des deniers publics. L’article 4.46/3, qui a été inséré dans le Code flamand du logement de 2021 par l’article 105, attaqué, du décret du 9 juillet 2021, fait partie des dispositions auxquelles une société doit satisfaire pour pouvoir être agréée comme société de logement.
Selon les modèles de statuts établis par l’arrêté du Gouvernement flamand du 11 septembre 2020, les sociétés de logement doivent inclure dans leurs statuts que les actionnaires ne peuvent rechercher qu’un bénéfice patrimonial limité, qu’en cas de démission ou d’exclusion, les actionnaires reçoivent au maximum la valeur nominale de l’apport à l’actif de la société réellement versé par eux et non encore remboursé, telle qu’enregistrée au moment de l’apport, et qu’en cas de liquidation de la société, le patrimoine subsistant après apurement du passif et remboursement des actionnaires est transféré à une société de logement désignée par le Gouvernement flamand.
B.91.3. Il ressort des travaux préparatoires cités en B.2.4 que le législateur décrétal a constaté que « par le passé, les investissements réalisés par des actionnaires privés dans les sociétés de logement social sont toujours restés limités à l’apport de capital ».
B.92.1. Eu égard à ce qui précède, les mesures attaquées par les parties requérantes, contrairement à ce que celles-ci font valoir, ne peuvent pas être qualifiées d’expropriation au sens de l’article 16 de la Constitution. En effet, tant les sociétés de logement social que les sociétés de logement ont pour caractéristique essentielle de ne pas avoir pour but premier de distribuer des avantages patrimoniaux à leurs actionnaires, et en cas de liquidation, de donner à leur patrimoine, après apurement du passif et remboursement des actionnaires, une affectation qui se rapproche étroitement des buts sociaux de la société en question.
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B.92.2. Les mesures attaquées reposent en outre sur un juste équilibre entre les exigences de l’intérêt général et celles de la protection du droit au respect des biens. Dès lors que, par le passé, les investissements des actionnaires privés dans les sociétés de logement social sont restés limités à des apports en capitaux, il est raisonnablement justifié, compte tenu notamment de la nature des sociétés en question, qu’en cas de liquidation, ces actionnaires reçoivent au maximum la valeur nominale de l’apport au patrimoine de la société de logement réellement versé par eux et non encore remboursé, telle qu’enregistrée au moment de l’apport, et qu’après apurement du passif, le patrimoine subsistant de la société soit transféré à une société de logement désignée par le Gouvernement flamand.
B.93. Le troisième moyen dans l’affaire n° 7695 et le premier moyen dans l’affaire n° 7750, en ses troisième et quatrième branches, en ce que celles-ci portent sur le droit de propriété, ne sont pas fondés.
En ce qui concerne le principe d’une société de logement agréée unique par zone d’activité
B.94. Dans la première branche du premier moyen dans l’affaire n° 7750, qui est dirigée contre les articles 74, 76 et 77 du décret du 9 juillet 2021, les parties requérantes critiquent le principe d’une société de logement agréée unique par zone d’activité. Il ressort de l’exposé de cette branche dans la requête qu’elle est prise de la violation de la liberté d’entreprendre, telle qu’elle est garantie par les articles II.3 et II.4 du Code de droit économique, lus en combinaison avec les articles 10 et 11 de la Constitution, ainsi que de la violation de la liberté d’association, telle qu’elle est garantie par l’article 27 de la Constitution et par l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme, lus en combinaison avec les articles 10 et 11 de la Constitution.
Les parties requérantes allèguent en substance que le principe d’une société de logement unique par zone d’activité a pour effet que les acteurs du logement existants se voient contraints de fusionner avec d’autres acteurs du logement et de procéder à des opérations de scission, ce qui entraîne, selon elles, une ingérence disproportionnée dans la liberté d’association et dans la liberté d’entreprendre.
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B.95. Les griefs des parties requérantes sont dirigés contre les articles 4.37, alinéa 2, et 4.38, § 2, du Code flamand du logement de 2021, tels qu’ils ont été remplacés par les articles 76 et 77, attaqués, du décret du 9 juillet 2021. Conformément à ce qui a été dit en B.9.2, la Cour examine le premier moyen dans l’affaire n° 7750, en sa première branche, dans la seule mesure où il est dirigé contre ces dispositions.
B.96. Selon l’article 4.37, alinéa 2, du Code flamand du logement de 2021, le Gouvernement flamand agrée une société de logement par zone d’activité, laquelle doit être constituée d’une commune ou de communes géographiquement contiguës. Les zones d’activité sont fixées par le Gouvernement flamand (article 4.37, alinéa 1er).
Aux termes de l’article 4.38, § 2, du Code flamand du logement de 2021, une société de logement est exclusivement active au sein de la zone d’activité pour laquelle elle est agréée.
B.97. Comme il a déjà été dit à plusieurs reprises, l’article 27 de la Constitution n’empêche pas que des associations qui participent à la réalisation d’une mission d’intérêt général et qui sont subventionnées par des deniers publics puissent être soumises à des conditions de fonctionnement et de contrôle, pour autant que celles-ci n’altèrent pas la substance de cette liberté, de même que la liberté d’entreprendre ne fait pas obstacle à ce que le législateur compétent règle l’activité économique des personnes et des entreprises. Le législateur interviendrait de manière déraisonnable s’il limitait la liberté d’entreprendre sans aucune nécessité ou si cette limitation était disproportionnée au but poursuivi.
B.98.1. Il appartient au législateur décrétal de choisir la voie la plus appropriée pour réaliser les missions de service public dont il est chargé. Dès lors que les sociétés de logement social et les sociétés de logement sont les exécutants privilégiés de la politique flamande du logement, qu’elles ont pour mission de contribuer, dans l’intérêt général, au droit à un logement conforme à la dignité humaine (article 4.39/7 du Code flamand du logement de 2021, tel qu’il a été inséré par l’article 90 du décret du 9 juillet 2021) et que leur fonctionnement est subventionné dans une large mesure au moyen de deniers publics, le législateur décrétal peut proposer un cadre de fonctionnement à ces sociétés et prendre les mesures nécessaires pour qu’elles mènent une politique qui soit conforme à la politique flamande du logement. Il dispose d’un large pouvoir d’appréciation en la matière. Il peut également élaborer un tel cadre pour les
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offices de location sociale, qui remplissent aussi une mission d’intérêt général et sont également subventionnés dans une large mesure au moyen de deniers publics.
B.98.2. En l’espèce, le cadre élaboré par le législateur décrétal en ce qui concerne les acteurs du logement social se traduit par des conditions d’agrément et de subventionnement, que le législateur décrétal peut en principe modifier en fonction des exigences changeantes de l’intérêt général, comme la Cour l’a jugé par l’arrêt n° 19/2022.
B.98.3. Les sociétés de logement social savent qu’elles ne peuvent poursuivre leurs buts statutaires que dans la mesure où elles sont agréées par l’autorité publique, laquelle peut, sous certaines conditions, retirer l’agrément et le subventionnement y afférent. Comme il est dit en B.83.1, les sociétés de logement social doivent en effet inclure dans leurs statuts une disposition selon laquelle la société peut être dissoute à la suite d’une obligation de fusion imposée par le Gouvernement flamand et à la suite du retrait de l’agrément. De même, l’autorité publique peut, sous certaines conditions, retirer l’agrément et le subventionnement y afférent d’offices de location sociale.
B.99. Contrairement à ce que les parties requérantes font valoir, les dispositions attaquées n’obligent pas en soi les acteurs du logement social existants à procéder à des opérations de fusion avec les autres acteurs, ni à réaliser des opérations de scission. Il appartient aux sociétés et entreprises concernées de déterminer elles-mêmes s’il est souhaitable de souscrire aux nouvelles conditions d’agrément et de subventionnement et de procéder, à cette fin, aux opérations de fusion et de scission qu’elles jugent souhaitables ou nécessaires.
B.100. Ainsi qu’il ressort des travaux préparatoires cités en B.2.1, le législateur décrétal a voulu, par la réforme qu’il a mise en œuvre en adoptant le décret attaqué, que « les acteurs du logement social au sein d’une zone d’activité [fusionnent], d’ici le 1er janvier 2023, en une seule et même société de logement social », afin d’« assurer la convivialité, la transparence ainsi qu’une étroite collaboration portant sur des activités diverses dans le domaine du logement social ». Le législateur décrétal entendait notamment parvenir à ce que le candidat-locataire social ne doive s’inscrire qu’une seule fois auprès d’un acteur du logement social, contrairement à ce qui était le cas sous l’ancien système, dans lequel il était tenu de s’inscrire séparément auprès de tous les acteurs du logement social. Par la réforme attaquée, il a également voulu offrir une solution au problème auquel sont confrontés les candidats-locataires qui ont le plus
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besoin d’un logement, à savoir celui de se retrouver dans un office de location sociale où le loyer est nettement plus élevé que le loyer moyen d’une habitation louée par une société de logement social. Enfin, le législateur décrétal a également cherché à réaliser des économies d’échelle et à favoriser le partage d’expertise en matière de logement social.
B.101. Les objectifs poursuivis par le législateur décrétal sont légitimes et les dispositions attaquées sont pertinentes au regard de ces objectifs. Eu égard au large pouvoir d’appréciation dont dispose le législateur décrétal en la matière et compte tenu du fait que les associations et les entreprises concernées opèrent dans un cadre dans lequel elles ne peuvent poursuivre leurs buts qu’en ce qu’elles sont agréées et subventionnées par l’autorité publique, ainsi que du fait qu’elles peuvent déterminer elles-mêmes s’il est souhaitable de souscrire aux nouvelles conditions d’agrément et de subventionnement, ces dispositions ne produisent pas des effets disproportionnés.
B.102. Les dispositions attaquées ne violent pas la liberté d’association. Elles ne violent pas davantage la liberté d’entreprendre, lue en combinaison avec les articles 10 et 11 de la Constitution.
B.103. Le premier moyen dans l’affaire n° 7750, en sa première branche, n’est pas fondé.
En ce qui concerne la désignation d’un mandataire ad hoc
B.104. Le premier moyen dans l’affaire n° 7750, en sa cinquième branche, est dirigé contre l’article 122 du décret du 9 juillet 2021, qui insère dans le Code flamand du logement de 2021 une règle en vertu de laquelle le Gouvernement flamand peut désigner un mandataire ad hoc qui remplace en tout ou en partie l’organe d’administration de la société de logement. Il ressort de l’exposé de cette branche dans la requête qu’elle est prise de la violation de la liberté d’entreprendre, telle qu’elle est garantie par les articles II.3 et II.4 du Code de droit économique, lus en combinaison avec les articles 10 et 11 de la Constitution, et de la violation de la liberté d’association, telle qu’elle est garantie par l’article 27 de la Constitution et par l’article 11 de la Convention européenne des droits de l’homme, lus en combinaison avec les articles 10 et 11 de la Constitution.
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Les parties requérantes font en substance valoir que la mesure relative à la désignation d’un mandataire ad hoc constitue une ingérence injustifiée dans les droits des associés d’une société, et qu’elle porte donc atteinte à la liberté d’association et à la liberté d’entreprendre.
B.105. Les griefs des parties requérantes sont dirigés contre l’article 4.51, alinéa 1er, 3°, du Code flamand du logement de 2021, tel qu’il a été remplacé par l’article 122, attaqué, du décret du 9 juillet 2021. Conformément à ce qui est dit en B.9.2, la Cour examine le premier moyen dans l’affaire n° 7750, en sa cinquième branche, dans la seule mesure où il est dirigé contre cette disposition.
B.106. En vertu de l’article 4.51, alinéa 1er, du Code flamand du logement de 2021, le Gouvernement flamand peut, de sa propre initiative ou à la demande du contrôleur, imposer les sanctions énumérées dans cette disposition à une société de logement qui ne satisfait pas aux conditions d’agrément, qui n’exécute pas dûment les missions qui lui sont confiées par décret ou par arrêté du Gouvernement flamand, qui ne respecte pas ses engagements ou dont le fonctionnement reste en défaut. Ces sanctions varient en intensité et vont d’une simple anticipation de la prochaine évaluation des performances jusqu’au retrait de l’agrément. La sanction attaquée par les parties requérantes porte sur la désignation, par le Gouvernement flamand, d’un mandataire ad hoc qui remplace en tout ou en partie l’organe d’administration de la société de logement et qui doit être rémunéré par cette dernière pour les prestations effectuées dans le cadre de cette mission.
Selon l’article 4.51, alinéa 3, du Code flamand du logement de 2021, le Gouvernement flamand, avant de décider d’imposer une des sanctions, envoie à la société de logement concernée une mise en demeure dans laquelle il explique pourquoi la société de logement concernée ne satisfait pas aux conditions d’agrément, n’exécute pas dûment ses missions, ne respecte pas ses engagements ou ne fonctionne pas correctement. La société de logement mise en demeure a le droit d’être entendue.
B.107.1. La désignation, par le Gouvernement flamand, d’un mandataire ad hoc qui remplace en tout ou en partie l’organe d’administration d’une association constitue une ingérence dans la liberté d’organisation interne de cette association et une restriction à sa liberté d’entreprendre.
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B.107.2. Ainsi qu’il ressort des travaux préparatoires cités en B.25.2, la mesure trouve son origine dans la réglementation qui était précédemment applicable aux sociétés de logement social et est motivée par les missions particulières d’intérêt général qui sont confiées aux sociétés de logement ainsi que par l’objectif du législateur décrétal de permettre au Gouvernement flamand d’intervenir lorsque ces missions d’intérêt général ne sont pas correctement réalisées. La désignation d’un mandataire ad hoc constitue dès lors une mesure de contrôle des associations qui réalisent une mission d’intérêt général et reçoivent des subventions publiques dans ce cadre.
Comme il est dit en B.38.2, l’article 27 de la Constitution ne fait en principe pas obstacle à ce que l’autorité publique élabore des mesures de contrôle dans de telles circonstances.
La sanction vise plus particulièrement à préserver, en cas de défaillance d’une société de logement, le droit des locataires sociaux à un logement décent, tel qu’il est garanti par l’article 23, alinéa 3, 3°, de la Constitution, et à veiller à ce que les deniers publics, versés par voie de subventionnement à la société de logement concernée, soient affectés au but prévu. Les objectifs poursuivis par le législateur décrétal sont légitimes.
B.107.3. La désignation d’un mandataire ad hoc qui remplace en tout ou en partie l’organe d’administration de la société de logement constitue une mesure qui est pertinente au regard des objectifs poursuivis par le législateur. En ce qu’elle est mise en œuvre dans des situations qui présentent un degré de gravité suffisant, cette mesure ne produit pas des effets disproportionnés.
Dès lors que les sanctions énumérées à l’article 4.51, alinéa 1er, du Code flamand du logement de 2021 varient en intensité, il y a lieu d’admettre que le législateur décrétal a considéré que, pour évaluer la sanction à imposer, le Gouvernement flamand doit tenir compte de la gravité des manquements de la société de logement concernée. Étant donné que cette dernière doit être mise en demeure et qu’elle dispose du droit d’être entendue, elle a la possibilité de faire connaître ses points de vue au Gouvernement flamand préalablement à l’imposition de la sanction. Pour le surplus, il appartient le cas échéant au juge compétent d’apprécier concrètement la proportionnalité de la sanction imposée.
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B.108. La disposition attaquée ne viole pas la liberté d’association. Elle ne viole pas non plus la liberté d’entreprendre, lue en combinaison avec les articles 10 et 11 de la Constitution.
B.109. Le premier moyen dans l’affaire n° 7750, en sa cinquième branche, n’est pas fondé.
En ce qui concerne le transfert de biens à une société de logement agréée
B.110. Le troisième moyen dans l’affaire n° 7750 est pris de la violation, par les articles 77
et 209 du décret du 9 juillet 2021, des garanties constitutionnelles qui s’appliquent en cas de privation de propriété, consacrées par l’article 16 de la Constitution (à titre principal) ainsi que par le principe de la sécurité juridique et par les principes de bonne législation (à titre subsidiaire), en ce que les sociétés de logement social, les offices de location sociale, le Fonds flamand du logement et les sociétés de logement qui possèdent des biens immobiliers dans une zone d’activité donnée mais qui ne sont pas agréées en tant que sociétés de logement pour cette zone, sont tenus de transférer ces biens à la société de logement agréée pour cette zone, sans obtenir à cet égard la garantie d’une indemnisation intégrale.
B.111. Les griefs des parties requérantes sont dirigés contre les mots « compte tenu des caractéristiques particulières des sociétés de logement social ou des sociétés de logement »
énoncés à l’article 4.38, § 7, du Code flamand du logement de 2021, tel qu’il a été remplacé par l’article 77 attaqué, et contre l’article 209, § 3, alinéa 3, du décret du 9 juillet 2021, en ce que cet article renvoie à l’article 4.38, § 7, précité. Conformément à ce qui est dit en B.9.2, la Cour examine le troisième moyen dans l’affaire n° 7750 dans la seule mesure où il est dirigé contre les mots, précités, qui sont contenus dans ces dispositions.
B.112.1. En vertu de l’article 209, § 3, alinéas 1er et 2, du décret du 9 juillet 2021, une société de logement agréée qui émane d’une société de logement social agréée acquiert, dans les plus brefs délais, la gestion des biens immobiliers adaptés au logement social situés dans sa zone d’activité auprès des sociétés de logement social, d’autres sociétés de logement, des offices de location sociale et du Fonds flamand du logement. La société de logement acquiert tous les droits sur ces biens immobiliers au plus tard le 1er janvier 2028. Elle transfère en outre, dans les plus brefs délais, au moins la gestion des biens immobiliers situés en dehors de sa zone d’activité aux sociétés de
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logement agréées pour la zone d’activité dans laquelle les biens immobiliers sont situés. Au plus tard le 1er janvier 2028, elle transfère tous les droits sur ces biens immobiliers aux sociétés de logement concernées.
L’article 4.38, § 4, du Code flamand du logement de 2021 prévoit, pour les sociétés de logement agréées qui ne sont pas la continuation d’une société de logement social, un régime analogue à celui que prévoit l’article 209, § 3, alinéa 1er, du décret du 9 juillet 2021.
B.112.2. Les dispositions attaquées s’inscrivent dans le cadre de l’objectif, poursuivi par le législateur décrétal, qui consiste à parvenir à une seule société de logement par zone d’activité, tout en assurant « la conservation du patrimoine de logements sociaux et la garantie du droit au logement pour tous » (Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 828/1, p. 18). Par ces dispositions, le législateur décrétal a plus précisément voulu permettre que « les biens immobiliers utiles au logement social aboutissent entre les mains de la société de logement qui sera compétente, en tant qu’acteur unique du logement, pour la zone d’activité dans laquelle ces biens immobiliers sont situés » :
« Dans cette optique, il est notamment exigé que les droits relatifs aux biens immobiliers utiles au logement social qui appartiennent à une société de logement mais qui sont situés en dehors de la zone d’activité pour laquelle cette société de logement est compétente soient transférés à (et donc aussi obligatoirement repris par) la société de logement compétente pour cette zone d’activité (voy. la disposition transitoire à l’article 209, § 3). De même, il est exigé que dans l’hypothèse où
une nouvelle société de logement serait créée, celle-ci acquière les éventuels droits subsistants des sociétés de logement social, des offices de location sociale et des autres sociétés de logement (voy.
l’article 4.38, § 2, alinéa 2, en projet, du Code flamand du logement). Enfin, pour qu’elles puissent jouer leur rôle de guichet unique pour le locataire social et l’acheteur social, les sociétés de logement sont également tenues de reprendre les droits relatifs aux biens immobiliers utiles au logement social qui leur sont proposés par les pouvoirs locaux (article 4.38, § 4, du Code flamand du logement) » (ibid., pp. 17-18).
B.113.1. L’article 4.38, § 7, du Code flamand du logement de 2021 prévoit que, si le transfert ne peut avoir lieu contre une indemnité en actions et que les parties ne parviennent pas à un accord sur le prix du transfert des droits, le prix s’élève à la valeur vénale de ces droits, compte tenu des caractéristiques particulières des sociétés de logement social ou des sociétés de logement, de
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laquelle sont déduits les prêts visés au paragraphe 6 de cette disposition ainsi que les subventions, à l’exception de celles qui n’ont d’aucune manière contribué à la valeur marchande du bien immobilier concerné. Le prix de transfert est fixé par le Gouvernement flamand.
L’article 209, § 3, alinéa 3, du décret du 9 juillet 2021 dispose qu’en ce qui concerne les transferts visés aux alinéas 1er et 2 de cette disposition, l’article 4.38, § 7, précité, s’applique par analogie.
B.113.2. Il en ressort que les transferts précités des droits relatifs aux biens immobiliers se font en principe contre une indemnité en actions ou selon un prix convenu entre les parties concernées.
Ce n’est que lorsqu’il est impossible d’indemniser de la sorte le transfert des droits qu’un prix de transfert est fixé par décret. Ce prix s’élève en principe à la valeur vénale des droits visés, « compte tenu des caractéristiques particulières des sociétés de logement social ou des sociétés de logement ».
B.114. Les parties requérantes font en substance valoir que le prix de transfert ainsi fixé ne constitue pas une juste indemnité au sens de l’article 16 de la Constitution. Elles considèrent que, certes, la valeur vénale des droits visés constitue une juste indemnité, mais que, si l’on tient compte des caractéristiques particulières des sociétés de logement social et des sociétés de logement, le caractère équitable de cette indemnité est compromis. Elles estiment de surcroît que l’on n’aperçoit pas clairement ce qu’il y a lieu d’entendre par les caractéristiques particulières visées.
B.115.1. En ce qu’ils emportent une obligation pour les sociétés et les entreprises non dissoutes, de même que pour les sociétés dissoutes dont le passif n’a pas encore été apuré et dont les actionnaires n’ont pas encore été remboursés, de transférer les droits relatifs aux biens immobiliers, l’article 209, § 3, du décret du 9 juillet 2021 et l’article 4.38, § 4, du Code flamand du logement de 2021 relèvent du champ d’application de l’article 16 de la Constitution.
B.115.2. L’article 16 de la Constitution offre une garantie générale contre les privations de propriété, quelle que soit la nature juridique de la personne qui est privée de sa propriété.
112
Toutefois, lorsque cette personne présente des caractéristiques particulières, la Cour peut en tenir compte pour apprécier s’il est satisfait à l’obligation d’une juste et préalable indemnité.
B.116.1. Selon l’article 1.3, § 1er, alinéa 1er, 57°, du Code flamand du logement de 2021, la valeur vénale est le prix que le candidat-acheteur le plus offrant serait disposé à payer si un bien immeuble était mis en vente aux conditions les plus favorables et après une préparation adéquate.
B.116.2. Une juste indemnité au sens de l’article 16 de la Constitution requiert en principe la réparation intégrale du préjudice subi. Une indemnité égale à la valeur vénale, qui est égale à la valeur de vente ou à la valeur du marché d’un immeuble, peut être considérée comme une juste indemnité.
B.116.3. En ce qui concerne les caractéristiques particulières des sociétés de logement social et des sociétés de logement dont il convient de tenir compte pour déterminer le prix de transfert, les travaux préparatoires mentionnent :
« Pour déterminer la valeur vénale, il faut bien sûr tenir compte des caractéristiques particulières des sociétés de logement social, le cas échéant des sociétés de logement, ainsi que du caractère social des biens immeubles dont les droits sont transférés. Par comparaison avec le calcul de la valeur de marché des ‘ logements locatifs non sociaux ’, bon nombre d’éléments supplémentaires qui influencent objectivement la valeur vénale du bien à transférer doivent être pris en compte.
Il convient tout d’abord de souligner que les logements locatifs sociaux sont soumis à une obligation de location sociale. Ce à quoi vient s’ajouter la mission d’intérêt général des bailleurs sociaux. La raison d’existence de ces derniers est la mise à disposition de logements locatifs sociaux. Ces logements sont destinés à être loués au groupe cible selon les règles du régime du logement social. Les bailleurs sociaux doivent agir conformément à leur but, ce qui signifie qu’ils ne peuvent poser que des actes qui contribuent à ce dernier.
L’obligation de location sociale implique notamment (par comparaison avec un propriétaire privé) que les conditions de location ne peuvent être déterminées librement et que le bailleur est tenu par des obligations très étroitement réglementées en matière d’attribution des logements, de fixation des loyers et de soutien, comme prévu dans le livre 6 du Code flamand du logement de 2021.
Par comparaison avec les logements des propriétaires privés, les logements locatifs sociaux sont par ailleurs assortis de très nombreuses conditions de location supplémentaires, de sorte que le rendement locatif net moyen d’un logement locatif social est nettement inférieur à celui d’un logement comparable appartenant à un propriétaire privé.
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Comparativement aux propriétaires de logements privés qui souhaitent louer leur logement sur le marché locatif privé, les bailleurs de logements locatifs sociaux doivent consentir des investissements supplémentaires pour pouvoir assurer les tâches d’encadrement de base obligatoires. C’est ainsi que l’article 6.19, alinéa 1er, 2°, du Code flamand du logement impose explicitement au bailleur d’un logement social, outre ses obligations de bailleur mentionnées dans le décret flamand sur la location d’habitations, l’obligation de réaliser les tâches d’encadrement de base fixées par le Gouvernement flamand. Ces investissements supplémentaires obligatoires ont pour effet de créer une pression négative supplémentaire sur le rendement qui peut être attendu d’un tel logement (voy. également infra).
Du fait de leur mission d’intérêt général et du groupe cible auquel elles s’adressent, les sociétés de logement social qui agissent en tant que bailleurs sociaux sont en outre jugées plus sévèrement dans la jurisprudence. Elles accomplissent une mission publique et interviennent en tant qu’autorité dans le cadre de la location de logements sociaux, de sorte que s’appliquent, notamment, les principes de bonne administration. Le fait que leurs actes soient régis par un but n’est pas non plus sans influence : à titre d’exemple, si un bailleur privé peut résilier le bail sans motif après neuf ans, tel ne sera pas le cas pour le bailleur social.
L’impossibilité pour l’acteur du logement social qui doit louer un logement social de déterminer librement le locataire de ce logement ainsi que les conditions de location supplémentaires devant être respectées par le bailleur exercent à l’évidence une pression considérable sur le rendement escompté de la location du bien immobilier concerné. Aussi ces circonstances influencent-elles objectivement la valeur vénale du bien.
D’autre part, du fait de leur but et de leur objet particuliers, les sociétés de logement social et les sociétés de logement évoluent sur un marché fermé. Les cas dans lesquels elles peuvent vendre un logement sont en effet fixés par décret et parfois elles sont même obligées de vendre à un acheteur en particulier.
Il importe par ailleurs de distinguer la situation dans laquelle ces acteurs aliènent un logement locatif social pouvant être loué au sein comme en dehors du système du logement social. Les conditions auxquelles des logements peuvent être sortis du système du logement social sont elles aussi expressément prévues par la réglementation, de sorte que ces conditions ne sont clairement pas les mêmes que celles qui régissent le transfert de logements sociaux expressément soumis à une obligation de location sociale. En d’autres termes, il convient, pour déterminer la valeur vénale du bien immeuble ou des droits à transférer, de tenir compte des caractéristiques particulières des sociétés de logement social (ou des sociétés de logement)
elles-mêmes, ainsi que de l’ensemble des missions qui leur ont été confiées par voie de décret, des obligations auxquelles elles doivent se plier, des mesures de surveillance qui leur sont applicables et des droits dont elles disposent.
Sur chacun de ces aspects, les sociétés de logement social diffèrent sensiblement d’un vendeur purement ‘ privé ’ » (Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 828/1, pp. 23-24).
B.116.4. Il en ressort que le législateur décrétal a considéré que les caractéristiques particulières des sociétés de logement social et des sociétés de logement constituent des éléments qui influencent objectivement la valeur vénale du bien à transférer « [par]
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comparaison au calcul de la valeur de marché des ‘ logements non sociaux ’ ». Ces éléments concernent des restrictions au droit de propriété découlant de la réglementation relative au logement social et portent notamment sur le fait que les biens immobiliers visés sont assortis d’une obligation de location sociale, que les conditions de location relatives à ces biens immobiliers ne peuvent pas être déterminées librement, que les sociétés de logement social et les sociétés de logement ont l’obligation de réaliser une série de tâches d’encadrement de base à l’égard des locataires des biens en question et sur le fait que les acteurs du logement concernés doivent, vu leur mission d’intérêt général, respecter une série de règles particulières. Selon le législateur décrétal, de telles restrictions influencent le rendement auquel on peut s’attendre sur un logement locatif social, et donc également la valeur vénale d’un tel logement.
B.117.1. Ainsi qu’il ressort de ce qui est dit en B.112.2, le législateur décrétal, en adoptant les dispositions attaquées, a essentiellement voulu éviter que le patrimoine de logement subventionné affecté au logement social perde cette affectation à la suite de la réforme mise en œuvre par le décret attaqué. C’est pourquoi il a élaboré un régime qui entraîne en substance le transfert des biens immobiliers entre les acteurs du logement social. À cet égard, le législateur décrétal a pu considérer que, dans un tel contexte, la valeur vénale des biens immobiliers en question est influencée par les restrictions auxquelles sont soumis ces biens immobiliers dans le cadre de la réglementation relative au logement social. Le rendement financier d’un logement locatif social n’est en effet pas le même que celui de tout autre logement locatif.
B.117.2. La circonstance qu’il y a lieu de tenir compte des « caractéristiques particulières des sociétés de logement social ou des sociétés de logement » pour déterminer la valeur vénale des droits concernés ne porte en l’espèce pas atteinte à l’obligation, qui découle de l’article 16
de la Constitution, de verser une juste indemnité. Eu égard à ce qui est dit en B.116.4, et compte tenu du fait que les acteurs du logement social agissent à titre professionnel et qu’ils doivent, dans ce cadre, être considérés comme capables d’estimer ce qu’il y a lieu d’entendre par les caractéristiques particulières précitées, le législateur décrétal a déterminé l’indemnisation d’une façon suffisamment claire. Pour le surplus, il appartient au juge compétent, le cas échéant, d’apprécier concrètement si, dans le cadre d’un transfert de droits, le prix de transfert fixé par
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le Gouvernement flamand conformément aux dispositions attaquées répond à l’exigence d’une juste indemnité.
B.118.1. Les dispositions attaquées ne violent pas l’article 16 de la Constitution.
B.118.2. La lecture combinée de cette disposition constitutionnelle avec le principe de la sécurité juridique et avec les principes de bonne législation ne conduit pas à une autre conclusion.
B.119. Le troisième moyen dans l’affaire n° 7750 n’est pas fondé.
En ce qui concerne la position des bailleurs actifs sur le marché privé qui sont confrontés au retrait de l’agrément de l’office de location sociale avec lequel ils ont conclu un contrat
B.120. Le deuxième moyen dans l’affaire n° 7695, en sa deuxième branche, est pris de la violation, par les articles 205, § 6, et 215 du décret du 9 juillet 2021, des articles 10 et 11 de la Constitution. Les dispositions attaquées feraient naître, sans qu’existe une justification raisonnable, une différence de traitement entre, d’une part, les bailleurs actifs sur le marché privé qui sont confrontés au retrait de l’agrément de l’office de location sociale avec lequel ils ont conclu un contrat et qui, sans pouvoir donner leur accord, doivent accepter que la Société flamande du logement social soit subrogée dans les droits de l’office de location sociale et, d’autre part, les bailleurs actifs sur le marché privé qui sont confrontés à la dissolution ou à la liquidation d’une société de logement avec laquelle ils ont conclu un contrat et qui peuvent donner leur accord sur la cession de leur contrat à la Société flamande du logement social.
B.121. Dans le cadre de la deuxième branche du deuxième moyen dans l’affaire n° 7695, les parties requérantes ne développent des griefs que contre l’article 205, § 6, alinéa 2, du décret du 9 juillet 2021. Conformément à ce qui est dit en B.9.2, la Cour examine cette branche dans la seule mesure où elle est dirigée contre cette disposition.
B.122. Selon l’article 205, § 6, alinéa 1er, du décret du 9 juillet 2021, qui fait partie du régime transitoire contenu dans ce décret, les offices de location sociale agréés la veille de l’entrée en vigueur du décret conformément aux conditions d’agrément valables à cette date
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peuvent maintenir cet agrément jusqu’au 30 juin 2023 au plus tard. Ils perdent toutefois de plein droit leur agrément à compter du 1er juillet 2023.
L’article 205, § 6, alinéa 2, attaqué, dispose à cet égard que la Société flamande du logement social est subrogée de plein droit dans les droits et obligations de l’office de location sociale découlant d’un contrat conclut entre l’office de location sociale et un ou plusieurs bailleurs sur le marché locatif privé, « dans les conditions des articles 4.20 à 4.23 et de l’article 4.56 du Code flamand du Logement de 2021, tel qu’applicable avant la date d’entrée en vigueur du présent décret ».
B.123.1. Les parties requérantes déduisent de l’article 205, § 6, alinéa 2, du décret du 9 juillet 2021 que le bailleur actif sur le marché privé qui se trouve confronté au retrait de l’agrément de l’office de location sociale avec lequel il a conclu un contrat doit accepter que la Société flamande du logement social agisse, en tant que partie contractante, en lieu et place de l’office de location sociale, même s’il n’y consent pas.
B.123.2. Les parties requérantes allèguent que cette disposition fait naître une différence de traitement non justifiée entre les bailleurs actifs sur le marché privé, selon qu’ils sont confrontés au retrait de l’agrément de l’office de location sociale avec lequel ils ont conclu un contrat ou à la dissolution ou la liquidation, réglée à l’article 4.53/3, § 1er, tel qu’il a été inséré dans le Code flamand du logement de 2021 par l’article 128 du décret du 9 juillet 2021, d’une société de logement avec laquelle ils ont conclu un contrat. Alors que, dans le cas de la seconde catégorie de bailleurs actifs sur le marché privé, la règle est que la Société flamande du logement social ne peut être subrogée dans les droits de la société de logement dissoute ou en liquidation qu’après que le bailleur a accordé son accord pour la cession du contrat de location (article 4.53/3, § 1er, alinéa 2, 1°, du Code flamand du logement de 2021), la règle qui prévaudrait dans le cas de la première catégorie de bailleurs actifs sur le marché privé serait que ceux-ci doivent accepter la subrogation de la Société flamande du logement social même s’ils ne sont pas d’accord de céder le bail.
B.124. Le Gouvernement flamand allègue que l’article 205, § 6, alinéa 2, du décret du 9 juillet 2021 contient une erreur matérielle, en ce qu’il fait référence à l’article 4.56 du Code flamand du logement de 2021, tel qu’il était applicable avant la date d’entrée en vigueur du
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décret du 9 juillet 2021. Il fait valoir que ce n’est pas à cette disposition que le législateur décrétal a voulu faire référence, mais plutôt à l’article 4.58 de ce Code.
B.125.1. En ce qui concerne l’article 205, § 6, alinéa 2, du décret du 9 juillet 2021, les travaux préparatoires mentionnent :
« Le deuxième alinéa du sixième paragraphe reprend l’actuel article 4.58 du Code flamand du logement aux fins du régime transitoire. Il y est fait référence au commentaire de l’article 128 » (Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 828/1, p. 148).
B.125.2. Il ressort des travaux préparatoires cités que, plutôt qu’à l’article 4.56, le législateur décrétal a effectivement voulu renvoyer à l’article 4.58 du Code flamand du logement de 2021, tel qu’il était applicable avant la date d’entrée en vigueur du décret du 9 juillet 2021.
Alors que l’article 4.56 du Code flamand du logement de 2021, tel qu’il était applicable avant la date d’entrée en vigueur du décret du 9 juillet 2021, portait sur l’octroi de subventions destinées au fonctionnement des services locatifs agréés, l’article 4.58 de ce Code portait précisément sur la subrogation de la Société flamande du logement social dans les droits et obligations d’un office de location sociale.
B.125.3. Il y a dès lors lieu d’admettre que la référence, à l’article 205, § 6, alinéa 2, du décret du 9 juillet 2021, à l’article 4.56 du Code flamand du logement de 2021, tel qu’il était applicable avant la date d’entrée en vigueur du décret du 9 juillet 2021, repose sur une erreur matérielle, et que le législateur décrétal a en réalité voulu renvoyer à l’article 4.58 de ce Code.
B.126.1. En vertu de l’article 4.58, § 1er, alinéa 1er, du Code flamand du logement de 2021, tel qu’il était applicable avant la date d’entrée en vigueur du décret du 9 juillet 2021, la Société flamande du logement social est, aux conditions visées à l’alinéa 2, subrogée de plein droit dans les droits et obligations de l’office de location sociale découlant d’un contrat conclu entre l’office de location sociale et un ou plusieurs bailleurs sur le marché locatif privé. Selon l’article 4.58, § 1er, alinéa 2, 2°, la subrogation précitée a notamment lieu lorsque l’agrément de l’office de location sociale a été retiré. Selon l’article 4.58, § 1er, alinéa 2, 1°, cette
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subrogation ne peut avoir lieu que lorsque le bailleur a donné son accord pour la cession du bail.
B.126.2. Il s’ensuit que l’article 205, § 6, alinéa 2, du décret du 9 juillet 2021 subordonne la subrogation qu’il règle à l’accord du bailleur actif sur le marché privé.
B.127. Il en résulte également que la disposition attaquée ne fait pas naître la différence de traitement critiquée.
B.128. Compte tenu de ce qui a été dit en B.125.3, le deuxième moyen dans l’affaire n° 7695, en sa deuxième branche, n’est pas fondé.
En ce qui concerne la contestation en justice de la perte de l’agrément
B.129. Le deuxième moyen dans l’affaire n° 7771 est dirigé contre les articles 124 et 205
du décret du 9 juillet 2021 et est pris de la violation du droit d’accès au juge, tel qu’il est garanti par l’article 13 de la Constitution et par l’article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l’homme, lus en combinaison avec le droit à un recours effectif, tel qu’il est garanti par l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme.
La partie requérante fait valoir en substance qu’en prévoyant que le non-agrément en qualité de société de logement entraîne de plein droit la dissolution d’une société à partir de la date de la notification de la décision de non-agrément, les dispositions attaquées ont pour effet que la personne morale concernée n’est pas en mesure de contester en droit ce non-agrément.
B.130. Dans le cadre du deuxième moyen dans l’affaire n° 7771, la partie requérante ne développe des griefs que contre l’article 4.53 du Code flamand du logement de 2021, tel qu’il a été remplacé par l’article 124 du décret du 9 juillet 2021, et contre l’article 205, § 5, du même décret. Conformément à ce qui est dit en B.9.2, la Cour examine ce moyen dans la seule mesure où il est dirigé contre ces dispositions.
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B.131. Alors que l’article 4.53 du Code flamand du logement de 2021, tel qu’il a été remplacé par l’article 124 du décret du 9 juillet 2021, porte sur le retrait de l’agrément d’une société de logement, l’article 205, § 5, de ce décret, en revanche, porte sur la situation d’une société de logement social qui n’a pas été agréée comme société de logement à la date prévue par cette disposition. Les deux articles règlent la situation d’une société qui se trouve confrontée à la perte de son agrément. Ils disposent tous deux que, en pareille situation, la société est dissoute de plein droit.
B.132.1. L’article 13 de la Constitution dispose :
« Nul ne peut être distrait, contre son gré, du juge que la loi lui assigne ».
B.132.2. L’article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l’homme dispose :
« Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l’accès de la salle d’audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l’intérêt de la moralité, de l’ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l’exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice ».
L’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme dispose :
« Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles ».
B.133.1. Le droit d’accès au juge constitue un principe général de droit qui doit être garanti à chacun dans le respect de l’article 13 de la Constitution et des articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l’homme. Il constitue un aspect essentiel du droit à un procès équitable
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et est fondamental dans un État de droit. De plus, le droit de s’adresser à un juge concerne tout autant la liberté d’agir en justice que celle de se défendre.
B.133.2. Le droit à une bonne administration de la justice, garanti par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, suppose notamment qu’une personne intéressée doit pouvoir soumettre une décision administrative à un organe juridictionnel indépendant et impartial disposant d’une pleine juridiction, établi « par la loi » et statuant dans un délai raisonnable.
B.134.1. Lorsque le Gouvernement flamand prend, sur la base de l’article 4.51 du Code flamand du logement de 2021, tel qu’il a été remplacé par l’article 122 du décret du 9 juillet 2021, la décision de retirer l’agrément d’une société de logement, il prend une décision administrative susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation devant le Conseil d’État.
B.134.2. La circonstance que le retrait de l’agrément fondé sur l’article 4.53 du Code flamand du logement de 2021, tel qu’il a été remplacé par l’article 124, attaqué, du décret du 9 juillet 2021, entraîne la dissolution de plein droit de la société de logement n’empêche pas celle-ci d’introduire un recours en annulation devant le Conseil d’État. La dissolution d’une société de logement n’a en effet pas pour conséquence de faire perdre à celle-ci sa personnalité juridique ni sa capacité à agir, tant que la liquidation n’a pas été clôturée. Selon la jurisprudence du Conseil d’État, une personne morale qui a cessé ses activités conserve par ailleurs un intérêt moral à l’annulation d’une décision qui est à l’origine de sa mise en liquidation (C.É., 21 janvier 2010, n° 199.790).
B.135.1. Selon l’article 205, § 2, du décret du 9 juillet 2021, les sociétés de logement social agréées peuvent être agréées comme sociétés de logement, et c’est le Gouvernement flamand qui détermine la procédure à suivre en la matière. Cette procédure est réglée aux articles 4.96 et suivants de l’arrêté du Gouvernement flamand du 11 septembre 2020 « portant exécution du Code flamand du Logement de 2021 » et prévoit en substance que les sociétés concernées doivent introduire une demande d’agrément comme société de logement auprès de l’agence « Wonen-Vlaanderen », que l’agence doit transmettre un accusé de réception au demandeur et que le ministre compétent décide de la demande dans les 90 jours suivant le jour
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auquel le demandeur a reçu l’accusé de réception, sachant que cette décision peut contenir l’octroi de l’agrément comme son refus (article 4.98). Si l’agrément est accordé, celui-ci vaut pour 33 ans (article 4.99, alinéa 2). Le demandeur est informé de la décision du ministre par envoi sécurisé (article 4.98, § 3, alinéa 1er). Si le ministre ne prend pas de décision sur la demande dans le délai précité, l’agrément comme société de logement est réputé accordé (article 4.98, § 3, alinéa 3).
B.135.2. La décision du ministre compétent relative à la demande d’agrément comme société de logement constitue également une décision administrative susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation devant le Conseil d’État.
B.136.1. Il ressort de la jurisprudence du Conseil d’État que celui-ci procède à un contrôle de pleine juridiction tant au regard de la loi qu’au regard des principes généraux du droit. Le Conseil d’État examine à cette occasion si la décision de l’autorité soumise à son contrôle est fondée en fait et si la décision n’est pas manifestement disproportionnée aux faits établis.
Certes, le Conseil d’État ne peut substituer sa décision à celle de l’autorité concernée, mais lorsqu’il annule cette dernière décision, l’autorité publique est tenue de se conformer à l’arrêt du Conseil d’État : lorsque l’autorité prend une nouvelle décision, elle ne peut méconnaître les motifs de l’arrêt annulant la première décision.
B.136.2. En outre, le Conseil d’État peut, dans les conditions prévues à l’article 17 des lois sur le Conseil d’État, coordonnées le 12 janvier 1973, ordonner la suspension de l’exécution de la décision, le cas échéant en statuant en extrême urgence.
B.137.1. Il découle de ce qui précède que les personnes morales précitées peuvent contester en justice une décision de refus ou de retrait de l’agrément comme société de logement en droit devant un organe juridictionnel indépendant et impartial disposant d’une compétence de pleine juridiction.
B.137.2. La circonstance qu’une société de logement social ne peut, si elle n’introduit pas de demande d’agrément comme société de logement auprès de l’agence « Wonen-
Vlaanderen », contester en droit la perte de l’agrément et la dissolution de plein droit qui en
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résulte conformément à l’article 205, § 5, du décret du 9 juillet 2021 ne constitue pas, contrairement à ce que la partie requérante allègue, une violation du droit d’accès au juge, tel qu’il est garanti par les normes de référence mentionnées au moyen. Les sociétés de logement social savent en effet qu’elles ne peuvent poursuivre leurs buts statutaires que dans la mesure où elles sont agréées par l’autorité publique, laquelle peut en principe modifier les conditions d’agrément en fonction des exigences changeantes de l’intérêt général et, dans ce cadre, soumettre les sociétés en question à l’obligation d’introduire une nouvelle demande d’agrément conformément aux conditions d’agrément nouvellement établies. Le fait qu’une société de logement social ne puisse pas, dans les circonstances précitées, contester en droit la perte de l’agrément et la dissolution qui en résulte est la conséquence du choix opéré par la société de logement social concernée de ne pas introduire une demande d’agrément comme société de logement auprès de l’agence « Wonen-Vlaanderen ». En n’introduisant pas de demande d’agrément comme société de logement, la société de logement social concernée fait savoir à l’autorité publique qu’elle ne souhaite plus jouer le rôle d’acteur du logement dans le nouveau cadre élaboré par le législateur décrétal.
B.138. Le deuxième moyen dans l’affaire n° 7771 n’est pas fondé.
En ce qui concerne la condition d’agrément consistant à disposer d’un patrimoine de 1 000 logements locatifs sociaux
B.139. Le premier moyen dans l’affaire n° 7695, en sa deuxième branche, est pris de la violation, par l’article 104 du décret du 9 juillet 2021, des articles 10 et 11 de la Constitution, en ce que la disposition attaquée fait naître une différence de traitement injustifiée entre les sociétés de logement, selon qu’elles disposent ou non d’un patrimoine d’au moins 1 000 logements locatifs sociaux en gestion.
B.140.1. L’article 104 du décret du 9 juillet 2021 insère, dans le Code flamand du logement de 2021, un article 4.46/2, aux termes duquel les sociétés de logement disposent au plus tard à compter du 1er janvier 2024 d’un patrimoine d’au moins 1 000 logements locatifs sociaux en gestion.
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B.140.2. La disposition attaquée constitue une condition d’agrément, et le non-respect de celle-ci peut notamment aboutir au retrait de l’agrément d’une société de logement.
B.141. Cette disposition fait naître une différence de traitement entre les sociétés de logement, selon qu’elles disposent ou non, à compter de la date qui y est prévue, d’un patrimoine d’au moins 1 000 logements locatifs sociaux en gestion. Cette différence de traitement repose sur un critère objectif.
B.142.1. Les travaux préparatoires mentionnent ce qui suit :
« L’article 4.46/2, en projet, du Code flamand du logement prévoit l’obligation, d’ici le 1er janvier 2024, d’atteindre l’échelle minimale de 1 000 logements locatifs sociaux en gestion.
L’actuel article 4.36, § 2, 11°, du Code flamand du logement contenait déjà une telle obligation, qui était assortie d’une série de dispositions transitoires. Avec la fixation de la date du 1er janvier 2024 comme date ultime pour atteindre la taille minimale requise, le délai est aligné sur le régime transitoire applicable aux sociétés de logement social existantes en vertu de l’actuel article 4.36, § 2, alinéa 1er, du Code flamand du logement. Si une société de logement satisfait à cette condition avant cette date, elle doit bien sûr continuer d’y satisfaire. La méthode de calcul du nombre de logements sociaux que la société de logement a en gestion est une reprise des deuxième et troisième phrases de l’actuel article 4.36, § 1er, alinéa 4, du Code flamand du logement. Afin d’éviter d’affaiblir les conditions d’agrément actuelles relatives à l’échelle de grandeur minimale des sociétés de logement social (et de porter ainsi préjudice aux mesures antérieures destinées à améliorer la performance), le calcul du nombre de logements en gestion ne peut pas prendre en compte les logements pris en location sur le marché locatif privé en vue de la sous-location conformément à la réglementation relative au régime de location sociale » (Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 838/1, p. 105).
B.142.2. Il en ressort que la disposition attaquée trouve son origine dans la réglementation qui était précédemment applicable aux sociétés de logement social, et plus précisément dans l’article 4.36, anciennement en vigueur, du Code flamand du logement de 2021, qui disposait, dans le cadre des conditions d’agrément, qu’une société devait disposer au plus tard au 1er janvier 2019 d’un patrimoine d’au moins 1 000 logements locatifs sociaux en gestion. Selon cette même disposition, le Gouvernement flamand pouvait toutefois accorder à une société de logement social un sursis de cinq ans maximum pour satisfaire à cette condition. La date du 1er janvier 2024 mentionnée dans la disposition attaquée correspond dès lors à la date ultime à laquelle la condition mentionnée dans l’ancienne réglementation devait être remplie en cas de sursis accordé par le Gouvernement flamand.
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B.142.3. Les travaux préparatoires du décret du 28 avril 2017 « introduisant des mesures d’accompagnement pour améliorer le fonctionnement performant des organisations de logement social », par lequel la condition, précitée, relative au fait de disposer d’un patrimoine d’au moins 1 000 logements locatifs sociaux en gestion a été introduite dans la réglementation, mentionnent :
« L’augmentation d’échelle découlant des nouvelles conditions d’agrément permettra une meilleure réalisation des objectifs particuliers de la politique du logement, tels qu’ils sont formulés à l’article 4 du Code flamand du logement. L’idée de départ est d’accélérer la réalisation de l’offre de logements sociaux et la rénovation du parc de logements, de proposer une meilleure aide au logement, d’offrir aux locataires davantage de possibilités en matière de maîtrise des prix grâce à la maîtrise des frais de fonctionnement, d’améliorer la fonctionnalité des logements, d’offrir aux occupants davantage de possibilités de participation et de promouvoir la viabilité, l’intégration et l’égalité des chances pour les habitants. Pour être et rester réalistes et financièrement abordables, tous ces objectifs requièrent une échelle de grandeur minimale.
[…]
Parmi les critères pertinents pour évaluer la nécessité d’instaurer une échelle minimale de 1 000 logements en gestion figure le pourcentage des sociétés de logement social bénéficiant d’une correction sociale régionale (CSR) dans la catégorie des sociétés de moins de 1 000 logements locatifs sociaux. Cette CSR est une intervention destinée aux sociétés de logement qui possèdent un nombre important de locataires défavorisés, de sorte que les revenus locatifs sociaux plafonnés ne suffisent plus à eux seuls pour couvrir les dépenses. Il ressort de données fournies par la Société flamande du logement social (VMSW) que, en 2014, 28,95 %
des sociétés de logement social de moins de 1 000 logements étaient bénéficiaires de la CSR, contre seulement 11,54 % des sociétés de logement social de plus de 1 000 logements. Les petites sociétés courent un risque deux à trois fois plus grand de non-viabilité économique structurelle que les grandes sociétés qui possèdent plus de 1 000 logements en gestion. Une petite taille renforce la vulnérabilité des sociétés si leur zone d’activité (limitée) rend difficile l’émergence d’une mixité sociale dans le cadre de la location sociale. L’instauration de l’échelle de grandeur minimale peut potentiellement libérer des moyens consacrés à la CSR qui peuvent être utilisés ailleurs en vue d’augmenter la réalisation de l’offre de logements sociaux.
[…]
[…] La norme proposée par ce projet vise plutôt à instaurer un seuil minimal prudent, mais nécessaire, sans forcer le secteur tout entier à se réformer d’un seul mouvement. L’on s’efforce ainsi de réaliser l’opération en gardant à l’esprit la faisabilité et le caractère financièrement abordable pour les acteurs » (Doc. parl., Parlement flamand, 2016-2017, n° 1081/1, pp. 7-9).
B.142.4. Il en ressort que, par le décret, précité, du 28 avril 2017, le législateur décrétal a voulu obtenir une augmentation de la taille des sociétés de logement social afin de rendre et de maintenir réalisables et abordables les objectifs qu’il poursuit en matière de politique du
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logement social. À cet égard, il a considéré que les petites sociétés sont plus exposées que les grandes au risque de non-viabilité économique structurelle.
B.142.5. Les objectifs que le législateur décrétal poursuivait en 2017 rejoignent ceux qu’il poursuit par le décret attaqué. Comme il est dit en B.100, il voulait en effet aussi, par ce dernier, réaliser des économies d’échelle, entre autres.
B.143. Si, pour atteindre les objectifs qu’il poursuit, le législateur décrétal choisit d’établir une distinction entre les acteurs du logement, selon l’étendue du patrimoine de logements locatifs sociaux dont ceux-ci disposent, il doit nécessairement appréhender la diversité des situations en faisant usage de catégories qui ne correspondent à la réalité que de manière approximative. Le recours à un tel procédé n’est pas incompatible en soi avec les articles 10 et 11 de la Constitution.
Il ressort des travaux préparatoires cités que le seuil de 1 000 logements locatifs sociaux est motivé, entre autres, par le constat selon lequel le pourcentage d’acteurs du logement bénéficiant de la « correction sociale régionale » est sensiblement plus élevé dans la catégorie des acteurs du logement disposant de moins de 1 000 logements locatifs sociaux que dans la catégorie des acteurs du logement disposant de 1 000 logements locatifs sociaux ou plus. Sur la base de ce constat et compte tenu du fait qu’il doit en l’espèce nécessairement appréhender la diversité des situations en faisant usage de catégories qui ne correspondent à la réalité que de manière approximative, le législateur décrétal pouvait considérer que le seuil en la matière devait être fixé à 1 000 logements locatifs sociaux en gestion.
B.144. Comme il est dit en B.98.1, il appartient au législateur décrétal de choisir la voie la plus appropriée pour mettre en œuvre les missions de service public dont il est chargé, et il peut proposer aux sociétés de logement un cadre de fonctionnement et prendre les mesures nécessaires afin que celles-ci mènent une politique qui soit conforme à la politique flamande du logement. Les objectifs que le législateur décrétal poursuit par la disposition attaquée sont légitimes et, eu égard notamment au large pouvoir d’appréciation dont ce dernier dispose en la
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matière, cette disposition est également pertinente au regard de ces objectifs. Compte tenu du fait que les acteurs du logement social savaient déjà depuis l’entrée en vigueur du décret, précité, du 28 avril 2017 que le législateur décrétal entendait parvenir à la constitution d’acteurs du logement disposant d’un patrimoine de 1 000 logements locatifs sociaux ou plus en gestion, cette disposition ne produit pas des effets disproportionnés.
B.145. Le premier moyen dans l’affaire n° 7695, en sa deuxième branche, n’est pas fondé.
En ce qui concerne le principe de légalité
B.146. Le deuxième moyen dans l’affaire n° 7773 est pris de la violation, par les articles 74, 76, 77 et 209 du décret du 9 juillet 2021, des articles 105 et 108, lus en combinaison avec les articles 23, alinéas 2 et 3, 3°, et 27 de la Constitution, avec le principe de légalité et avec le principe de la séparation des pouvoirs, en ce que le Gouvernement flamand est habilité à fixer les zones d’activité des sociétés de logement.
B.147. Dans le cadre du deuxième moyen dans l’affaire n° 7773, les parties requérantes ne développent des griefs que contre l’article 4.37 du Code flamand du logement de 2021, tel qu’il a été remplacé par l’article 76 du décret du 9 juillet 2021. Conformément à ce qui est dit en B.9.2, la Cour examine ce moyen dans la seule mesure où il est dirigé contre cette disposition.
B.148.1. L’article 23 de la Constitution dispose :
« Chacun a le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine.
A cette fin, la loi, le décret ou la règle visée à l’article 134 garantissent, en tenant compte des obligations correspondantes, les droits économiques, sociaux et culturels, et déterminent les conditions de leur exercice.
Ces droits comprennent notamment :
[…]
3° le droit à un logement décent;
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[…] ».
B.148.2. L’article 23, alinéas 2 et 3, 3o, de la Constitution oblige le législateur compétent à garantir le droit à un logement décent et à déterminer les conditions d’exercice de ce droit.
Cette disposition constitutionnelle n’interdit cependant pas à ce législateur d’accorder des délégations au pouvoir exécutif, pour autant qu’elles portent sur l’exécution de mesures dont le législateur a déterminé l’objet.
Cette disposition constitutionnelle n’impose pas au législateur de régler tous les éléments essentiels du droit à un logement décent et ne lui interdit pas d’habiliter le pouvoir exécutif à régler ceux-ci.
B.149.1. L’article 105 de la Constitution dispose :
« Le Roi n’a d’autres pouvoirs que ceux que lui attribuent formellement la Constitution et les lois particulières portées en vertu de la Constitution même ».
L’article 108 de la Constitution dispose :
« Le Roi fait les règlements et arrêtés nécessaires pour l’exécution des lois, sans pouvoir jamais ni suspendre les lois elles-mêmes, ni dispenser de leur exécution ».
B.149.2. Lorsqu’une disposition constitutionnelle spécifique, tel l’article 23 de la Constitution, offre la garantie que, dans une matière donnée, l’objet des mesures à adopter sera déterminé par une assemblée délibérante démocratiquement élue, elle englobe la garantie offerte par les articles 105 et 108 de la Constitution. Ceci vaut également en ce qui concerne le principe de légalité et le principe de la séparation des pouvoirs invoqués au moyen.
B.150.1. En vertu de l’article 4.37 du Code flamand du logement de 2021, tel qu’il a été remplacé par l’article 76, attaqué, le Gouvernement flamand fixe les zones d’activité des sociétés de logement et agrée une société de logement par zone d’activité, laquelle doit être
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constituée d’une commune ou de communes géographiquement contiguës. Le Gouvernement flamand peut toutefois autoriser des exceptions à la contiguïté géographique des communes.
B.150.2. Il ressort des travaux préparatoires que « le Gouvernement flamand a l’intention de demander l’avis des communes pour la première fixation des zones d’activité » « compte tenu du rôle de régie important des communes dans la politique du logement social et dans la gestion future des sociétés de logement » (Doc. parl., Parlement flamand, 2020-2021, n° 828/1, p. 89). Les travaux préparatoires font également apparaître que « le Gouvernement flamand ne doit pas fixer toutes les zones d’activité en même temps : il peut fixer certaines zones d’activité dès qu’il dispose de suffisamment d’informations provenant de certaines communes, tout en reportant la fixation des autres zones d’activité à un moment ultérieur » (ibid.).
B.151. En prévoyant que le Gouvernement flamand fixe les zones d’activité des sociétés de logement et que ces zones d’activité doivent en principe être constituées d’une commune ou de communes géographiquement contiguës, le législateur décrétal a déterminé l’objet des mesures que le Gouvernement flamand doit prendre.
En outre, compte tenu de l’intention de requérir l’avis des communes pour délimiter les zones d’activité, il n’est pas sans justification raisonnable d’habiliter le Gouvernement flamand à ce faire.
B.152. La disposition attaquée ne viole pas l’article 23, alinéas 2 et 3, 3°, de la Constitution. La lecture combinée de cet article avec l’article 27 de la Constitution ne conduit pas à une autre conclusion.
B.153. Le deuxième moyen dans l’affaire n° 7773 n’est pas fondé.
129
Par ces motifs,
la Cour,
compte tenu de ce qui est dit en B.125.3, rejette les recours.
Ainsi rendu en langue néerlandaise, en langue française et en langue allemande, conformément à l’article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 24 novembre 2022.
Le greffier, Le président,
P.-Y. Dutilleux L. Lavrysen


Synthèse
Numéro d'arrêt : 155/2022
Date de la décision : 24/11/2022
Type d'affaire : Droit constitutionnel

Analyses

Rejet des recours (compte tenu de ce qui est dit en B.125.3)

COUR CONSTITUTIONNELLE - DROIT PUBLIC ET ADMINISTRATIF - COUR CONSTITUTIONNELLE - les recours en annulation partielle du décret flamand du 9 juillet 2021 « portant modification de divers décrets relatifs au logement », introduits par la SC « De Gelukkige Haard », par Khadija Elhssika et autres, par la SC « T'Heist Best » et autres, par la SC « Gewestelijke Maatschappij voor de Kleine Landeigendom Het Volk » et autres, par l'ASBL « Vereniging van Vlaamse Huisvestingsmaatschappijen » et par la SCRL « Gewestelijke Maatschappij voor Volkshuisvesting » et autres. Logement social - Région flamande - Remplacement des sociétés de logement social et des offices de location sociale par des sociétés de logement - Règles répartitrices de compétences - Forme juridique - Actionnariat des autorités de droit public et limitation des droits des actionnaires privés - Actionnariat des locataires sociaux - Conditions d'agrément - Dissolution


Origine de la décision
Date de l'import : 30/05/2023
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.constitutionnel;arret;2022-11-24;155.2022 ?

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