La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/11/2022 | BELGIQUE | N°151/2022

Belgique | Belgique, Cour constitutionnel, 17 novembre 2022, 151/2022


Cour constitutionnelle
Arrêt n° 151/2022
du 17 novembre 2022
Numéro du rôle : 7714
En cause : la question préjudicielle relative aux articles 20110, 20111 et 20112 du Code des droits et taxes divers, posée par le Tribunal de première instance néerlandophone de Bruxelles.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents L. Lavrysen et P. Nihoul, et des juges T. Giet, J. Moerman, E. Bribosia, W. Verrijdt et K. Jadin, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président L. Lavrysen,
après en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant :
I

. Objet de la question préjudicielle et procédure
Par jugement du 19 novembre 2021, dont l’...

Cour constitutionnelle
Arrêt n° 151/2022
du 17 novembre 2022
Numéro du rôle : 7714
En cause : la question préjudicielle relative aux articles 20110, 20111 et 20112 du Code des droits et taxes divers, posée par le Tribunal de première instance néerlandophone de Bruxelles.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents L. Lavrysen et P. Nihoul, et des juges T. Giet, J. Moerman, E. Bribosia, W. Verrijdt et K. Jadin, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président L. Lavrysen,
après en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant :
I. Objet de la question préjudicielle et procédure
Par jugement du 19 novembre 2021, dont l’expédition est parvenue au greffe de la Cour le 21 décembre 2021, le Tribunal de première instance néerlandophone de Bruxelles a posé la question préjudicielle suivante :
« Les articles 20110, 20111 et 20112 du Code des droits et taxes divers, le cas échéant adaptés ou insérés par la loi du 3 août 2016 instaurant une nouvelle taxe annuelle sur les établissements de crédit, violent-ils le principe d’égalité prévu par les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, en ce qu’il ressort clairement des travaux préparatoires que l’intention du législateur n’est pas de soumettre à la taxe annuelle les institutions financières qui agissent comme prestataires de services dans le secteur financier (et qui n’exercent pas d’activités bancaires classiques ou qui n’en exercent que dans une mesure très limitée), mais qu’en revanche, l’exemption prévue à l’article 20112/1 se borne aux établissements de crédit agréés en Belgique comme ‘ organismes de liquidation ’ ou ‘ institutions assimilées à un organisme de liquidation ’, alors qu’une succursale belge d’une institution financière établie dans l’UE est soumise à la taxe annuelle sans pouvoir prétendre à l’exemption, bien que, tant dans les faits que sur la base de son agrément (en l’espèce, dans un autre État membre de l’UE) et de ses statuts, elle agisse elle aussi purement comme un prestataire de services dans le secteur financier (et n’exerce pas d’activités bancaires classiques ou n’en exerce que dans une mesure très limitée) ? ».
2
Des mémoires ont été introduits par :
- la société de droit français « CACEIS Bank SA », assistée et représentée par Me C. Coudron et Me M. Vekeman, avocats au barreau de Bruxelles;
- le Conseil des ministres, assisté et représenté par Me I. Bollingh, avocat au barreau de Bruxelles.
La société de droit français « CACEIS Bank SA » a également introduit un mémoire en réponse.
Par ordonnance du 21 septembre 2022, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteurs J. Moerman et T. Giet, en remplacement du juge émérite J.-P. Moerman, a décidé que l’affaire était en état, qu’aucune audience ne serait tenue, à moins qu’une partie n’ait demandé, dans le délai de sept jours suivant la réception de la notification de cette ordonnance, à être entendue, et qu’en l’absence d’une telle demande, les débats seraient clos le 12 octobre 2022 et l’affaire mise en délibéré.
Aucune demande d’audience n’ayant été introduite, l’affaire a été mise en délibéré le 12 octobre 2022.
Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives à la procédure et à l’emploi des langues ont été appliquées.
II. Les faits et la procédure antérieure
La société de droit français « CACEIS Bank SA » sollicite, devant le Tribunal de première instance néerlandophone de Bruxelles, le remboursement des montants qu’elle a payés au titre de taxe annuelle sur les établissements de crédit en ce qui concerne les exercices d’imposition 2017 et 2018. Elle fait valoir qu’elle pouvait et peut prétendre à une exemption de cette taxe. Elle soutient à cet égard que la circonstance que cette exemption est limitée aux organismes assimilés aux organismes de liquidation et agréés par la Banque nationale de Belgique est inconstitutionnelle. Le Tribunal pose dès lors la question préjudicielle reproduite plus haut.
III. En droit
-A-
A.1. La société de droit français « CACEIS Bank SA », partie requérante dans le litige soumis au juge a quo, allègue que l’exigence d’un agrément supplémentaire de la Banque nationale de Belgique est inconstitutionnelle.
Selon elle, l’intention du législateur était de ne pas soumettre à la taxe les banques qui n’exercent pas des activités bancaires classiques mais qui agissent comme prestataires de services dans le secteur financier. En limitant toutefois l’application de l’exemption aux organismes assimilés aux organismes de liquidation, le législateur a, à tort, limité l’exemption à un certain nombre d’acteurs spécifiques à identifier. Ces derniers sont les concurrents directs de la partie requérante dans le litige soumis au juge a quo et ils sont donc, selon elle, avantagés. Elle soutient que son agrément en France en qualité de banque dépositaire devrait être suffisant et qu’il n’est pas raisonnablement justifié d’exiger en outre qu’elle obtienne un agrément de la Banque nationale de Belgique, bien qu’elle puisse y prétendre.
3
A.2. Le Conseil des ministres soutient à titre principal que la question préjudicielle est irrecevable, dès lors que la partie requérante n’apporte aucune preuve qu’un agrément lui a été refusé ni qu’elle en a même fait la moindre demande. Il ressort cependant clairement de la lecture combinée de l’article 20112/1 du Code des droits et taxes divers avec l’article 36/26/1, § 6, de la loi du 22 février 1998 « fixant le statut organique de la Banque Nationale de Belgique » et avec l’article 36 de l’arrêté royal du 26 septembre 2005 « relatif au statut des organismes de liquidation et des organismes assimilés à des organismes de liquidation » qu’elle peut prétendre à cet agrément, tout comme les concurrents auxquels elle renvoie sans cesse.
Sur le fond, le Conseil des ministres estime que la partie requérante ne peut être comparée à d’autres établissements qui disposent de l’agrément requis, précisément parce qu’elle n’est pas agréée. Même s’ils étaient comparables, le choix d’un système d’agréments est raisonnablement justifié, en ce qu’il permet d’éviter qu’il faille chaque fois revérifier pour chaque établissement de crédit dans quelle mesure ses activités ou son agrément sont suffisamment limités ou non à certaines activités ou à certains clients déterminés. En outre, le champ d’application matériel de la taxe tient déjà compte de la possibilité que les établissements développent plusieurs activités. C’est aussi ce qui ressort de la situation de la partie requérante dans le litige soumis au juge a quo. L’on ne saurait donc parler d’effets disproportionnés.
-B-
B.1. La Cour est interrogée sur la compatibilité, avec les articles 10, 11 et 172 de la Constitution, de l’article 20112/1 du Code des droits et taxes divers, tel qu’il a été inséré par l’article 4 de la loi du 3 août 2016 « instaurant une nouvelle taxe annuelle sur les établissements de crédit en remplacement des taxes annuelles existantes, des mesures de limitation de déductions à l'impôt des sociétés et de la contribution à la stabilité financière », en ce qu’une succursale belge d’une institution financière établie dans l’UE est soumise à la taxe annuelle sur les établissements de crédit sans pouvoir prétendre aux exemptions contenues dans cette disposition.
B.2.1. L’article 20112/1 du Code des droits et taxes divers, tel qu’il a été introduit par l’article 4 de la loi du 3 août 2016 précitée et avant sa modification par l’article 102 de la loi du 27 juin 2021 « portant des dispositions fiscales diverses et modifiant la loi du 18 septembre 2017 relative à la prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme et à la limitation de l’utilisation des espèces », dispose :
« La taxe annuelle ne s’applique pas aux sociétés agréées par le Roi en qualité de dépositaire central d’instruments financiers au sens de l’arrêté royal n° 62 coordonné du 10 novembre 1967 relatif au dépôt d’instruments financiers fongibles et à la liquidation d’opérations sur ces instruments, ou disposant d’un agrément en qualité d’organisme assimilé à un organisme de liquidation conformément à l’article 36/26, § 7, de la loi du 22 février 1998
fixant le statut organique de la Banque Nationale de Belgique ».
4
B.2.2. L’article 36/26/1, § 6, de la loi du 22 février 1998 « fixant le statut organique de la Banque Nationale de Belgique », tel qu’il était applicable avant sa modification par la loi du 20 juillet 2022, dispose :
« Aux fins du présent paragraphe, sont considérés comme des banques dépositaires les établissements de crédit établis en Belgique dont l’activité consiste exclusivement à fournir des services de conservation, de tenue de comptes, de règlement d’instruments financiers et des services non-bancaires y relatifs, outre les activités visées à l’article 1er, § 3, alinéa 1er de la loi du 25 avril 2014 relative au statut et au contrôle des établissements de crédit, lorsque ces activités sont accessoires ou liées aux services précités.
Les banques dépositaires visées à l’alinéa 1er sont tenues de se faire agréer par la Banque, sur avis de la FSMA. La Banque est chargée du contrôle prudentiel de ces organismes. Sur avis de la Banque et de la FSMA, le Roi règle notamment, tant sur base consolidée que sur base non consolidée, les conditions et la procédure de l’agrément et du maintien de l’agrément de ces organismes par la Banque, y compris la portée de l’avis de la FSMA et les conditions auxquelles les personnes qui assurent la gestion effective et les personnes qui détiennent une participation importante, doivent satisfaire.
La Banque peut autoriser les banques dépositaires à fournir d’autres services que les services visés à l’alinéa 1er et elle détermine les conditions d’une telle autorisation ».
B.2.3. L’article 36 de l’arrêté royal du 26 septembre 2005 « relatif au statut des organismes de liquidation et des organismes assimilés à des organismes de liquidation »
dispose :
« Les chapitres II à V sont applicables aux organismes assimilés à des organismes de liquidation qui opèrent en Belgique sous forme de succursales d’organismes étrangers.
Les organismes visés à l’alinéa 1er doivent en outre démontrer que les conditions suivantes sont réunies :
1° ils sont soumis dans leur Etat d’origine à un régime de contrôle jugé adéquat par la FSMA;
2° les possibilités d’échange d’informations entre la FSMA et les autorités compétentes ou autres instances pertinentes de l’Etat du droit duquel ils relèvent, n’entravent pas l’exercice d’un contrôle adéquat au sens du présent arrêté ».
B.3. Il ressort des dispositions précitées que la partie requérante dans l’instance au fond peut effectivement prétendre à l’exemption prévue par l’article 20112/1. Cela ressort également des mémoires introduits par cette partie, dans lesquels elle déclare expressément qu’elle satisfait
5
aux conditions pour obtenir un agrément en qualité de banque dépositaire et, par conséquent, l’exemption qui en découle. La question préjudicielle repose sur une prémisse erronée et n’appelle dès lors pas de réponse.
6
Par ces motifs,
la Cour
dit pour droit :
La question préjudicielle n’appelle pas de réponse.
Ainsi rendu en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l’article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 17 novembre 2022.
Le greffier, Le président,
P.-Y. Dutilleux L. Lavrysen


Synthèse
Numéro d'arrêt : 151/2022
Date de la décision : 17/11/2022
Type d'affaire : Droit constitutionnel

Analyses

La question préjudicielle n'appelle pas de réponse

COUR CONSTITUTIONNELLE - DROIT PUBLIC ET ADMINISTRATIF - COUR CONSTITUTIONNELLE - la question préjudicielle relative aux articles 20110, 20111 et 20112 du Code des droits et taxes divers, posée par le Tribunal de première instance néerlandophone de Bruxelles. Droit fiscal - Taxe annuelle sur les établissements de crédit - Exemption - Banque dépositaire


Origine de la décision
Date de l'import : 30/05/2023
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.constitutionnel;arret;2022-11-17;151.2022 ?

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award