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10/11/2022 | BELGIQUE | N°143/2022

Belgique | Belgique, Cour constitutionnel, 10 novembre 2022, 143/2022


Cour constitutionnelle
Arrêt n° 143/2022
du 10 novembre 2022
Numéro du rôle : 7546
En cause : les questions préjudicielles concernant l’article 37/1 de la loi du 16 mars 1968
« relative à la police de la circulation routière », tel qu’il a été remplacé par l’article 10 de la loi du 6 mars 2018 « relative à l’amélioration de la sécurité routière », posées par le Tribunal de police de Liège, division de Liège.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges T. Giet, J. Moerman, D. Pieters, E. Br

ibosia et W. Verrijdt, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président P. Nihoul,
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Cour constitutionnelle
Arrêt n° 143/2022
du 10 novembre 2022
Numéro du rôle : 7546
En cause : les questions préjudicielles concernant l’article 37/1 de la loi du 16 mars 1968
« relative à la police de la circulation routière », tel qu’il a été remplacé par l’article 10 de la loi du 6 mars 2018 « relative à l’amélioration de la sécurité routière », posées par le Tribunal de police de Liège, division de Liège.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges T. Giet, J. Moerman, D. Pieters, E. Bribosia et W. Verrijdt, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président P. Nihoul,
après en avoir délibéré, rend l'arrêt suivant :
I. Objet des questions préjudicielles et procédure
Par jugement du 17 mars 2021, dont l’expédition est parvenue au greffe de la Cour le 31 mars 2021, le Tribunal de police de Liège, division de Liège, a posé les questions préjudicielles suivantes :
« 1. L’article 37/1 de la loi relative à la police de la circulation routière, coordonnée par l’arrêté royal du 16 mars 1968, tel qu’il a été modifié par l’article 10 de la loi du 6 mars 2018
relative à l’amélioration de la sécurité routière publiée au Moniteur belge du 15 mars 2018, qui autorise dans certaines circonstances et contraint dans d’autres le juge à limiter la validité du permis de conduire du contrevenant, pour une période d’un an à trois ans, ou à titre définitif, à des véhicules à moteur équipés d’un éthylotest antidémarrage et à lui imposer le respect des conditions du programme d’encadrement y relatif viole-t-il l’article 23 de la Constitution en ce que les personnes dont le véhicule personnel est également indispensable à l’exercice de leur profession (indépendant, délégué commercial, courtiers indépendants ou non) mais qui ne disposent pas de moyens financiers suffisants pour faire face au coût de la pose d’un alcolock se voient de facto privées d’exercer leur activité professionnelle contrairement aux personnes aisées financièrement ?
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2. L’article 37/1 de la loi relative à la police de la circulation routière, coordonnée par l’arrêté royal du 16 mars 1968, tel qu’il a été modifié par l’article 10 de la loi du 6 mars 2018
relative à l’amélioration de la sécurité routière publiée au Moniteur belge du 15 mars 2018, qui autorise dans certaines circonstances et contraint dans d’autres le juge à limiter la validité du permis de conduire du contrevenant, pour une période d’un an à trois ans, ou à titre définitif, à des véhicules à moteur équipés d’un éthylotest antidémarrage et à lui imposer le respect des conditions du programme d’encadrement y relatif viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution lus en combinaison avec l’article 42 de la loi relative à la police de la circulation routière, coordonnée par l’arrêté royal du 16 mars 1968, en ce que les personnes qui sont reconnues incapables de conduire et auxquelles s’applique la mesure de sûreté prévue à l’article 42 de la loi précitée se trouvent dans une situation plus favorable que les personnes en état de récidive mais dont la dépendance à l’alcool n’est pas avérée de telles sorte que la norme de l’article 37/1 apparaît disproportionnée par rapport à l’objectif poursuivi ?
3. L’article 37/1 de la loi relative à la police de la circulation routière, coordonnée par l’arrêté royal du 16 mars 1968, tel qu’il a été modifié par l’article 10 de la loi du 6 mars 2018
relative à l’amélioration de la sécurité routière publiée au Moniteur belge du 15 mars 2018, qui autorise dans certaines circonstances et contraint dans d’autres cas le juge à limiter la validité du permis de conduire du contrevenant, pour une période d’un an à trois ans, ou à titre définitif, à des véhicules à moteur équipés d’un éthylotest antidémarrage et à lui imposer le respect des conditions du programme d’encadrement y relatif viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution lus en combinaison avec l’article 12 de la Constitution, avec l’article 7, paragraphe 1 de la Convention européenne des droits de l’homme et avec l’article 15
paragraphe 1 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques en ce que en qualifiant l’article 37/1 sus nommé à une mesure de sûreté, le justiciable est privé de toute personnalisation de la peine ? ».
Des mémoires ont été introduits par :
- le procureur du Roi près le Tribunal de police de Liège;
- le Conseil des ministres, assisté et représenté par Me E. Jacubowitz et Me C. Caillet, avocats au barreau de Bruxelles.
Par ordonnance du 13 juillet 2022, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteurs E. Bribosia et D. Pieters, a décidé que l'affaire était en état, qu’aucune audience ne serait tenue, à moins qu’une partie n’ait demandé, dans le délai de sept jours suivant la réception de la notification de cette ordonnance, à être entendue, et qu’en l’absence d’une telle demande, les débats seraient clos le 1er août 2022 et l’affaire mise en délibéré.
Aucune demande d’audience n’ayant été introduite, l’affaire a été mise en délibéré le 1er août 2022.
Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives à la procédure et à l’emploi des langues ont été appliquées.
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II. Les faits et la procédure antérieure
G.L. est poursuivi pour avoir conduit, le 24 novembre 2018, dans un lieu public, un véhicule à moteur, alors que l’analyse de son haleine a démontré la présence d’une concentration d’alcool de 0,69 mg/l. L’analyse salivaire a fait apparaître en outre la présence d’au moins l’une des substances suivantes : THC, amphétamine, MDMA, MDEA, MBDB, morphine, cocaïne ou benzoylecgonine.
Ces faits ont été commis dans un délai de trois ans à dater d’un jugement du 20 janvier 2016 du Tribunal de police du Hainaut, division de Charleroi, aux termes duquel G.L. a déjà été condamné pour avoir circulé, le 16 mai 2015, avec un véhicule à moteur en présentant un taux d’alcool de 0,90 milligramme par litre d’air alvéolaire expiré.
En raison de la récidive, le ministère public estime que le juge a quo est tenu, en vertu de l’article 37/1, § 1er, alinéa 3, de la loi du 16 mars 1968 « relative à la police de la circulation routière », de limiter la validité du permis de conduire de G.L. aux véhicules à moteur équipés d’un éthylotest antidémarrage. Avant de statuer, le juge a quo pose à la Cour les trois questions préjudicielles reproduites plus haut.
III. En droit
-A-
A.1.1. Selon le ministère public, il ressort des travaux préparatoires de la loi du 6 mars 2018 « relative à l’amélioration de la sécurité routière » que la condamnation à la pose d’un éthylotest antidémarrage n’est pas une peine mais une mesure de prévention. Il en va de même des examens de réintégration dans le droit de conduire visés à l’article 38, § 3, de la loi du 16 mars 1968 « relative à la police de la circulation routière » (ci-après : la loi relative à la circulation routière) et de la déchéance du droit de conduire pour des raisons psychiques ou physiques, visée à l’article 42 de la même loi, qui sont deux mesures à propos desquelles la Cour de cassation a jugé qu’il s’agit de mesures de sûreté.
A.1.2. Le ministère public considère, en outre, que l’installation obligatoire d’un éthylotest antidémarrage est, par nature, une mesure de sûreté, spécialement en raison de sa méthode de fonctionnement et du suivi du condamné qu’elle implique. Les mesures de sûreté visent la prévention et non la punition. Il s’agit de « neutraliser »
l’intéressé et de le « réadapter » ensuite. L’argument selon lequel l’obligation d’installer un éthylotest antidémarrage aggrave la situation du prévenu ne suffit pas pour qualifier cette mesure de « peine ». Si la mesure comporte certes un coût pour le condamné, elle n’entraîne pas une interdiction de conduire un véhicule à moteur, d’autant plus que ce coût peut être déduit de l’amende pénale.
A.1.3. Le ministère public soutient également, sur la base des critères dégagés par la Cour européenne des droits de l’homme permettant de distinguer une mesure de sûreté d’une peine pénale, que l’éthylotest antidémarrage est une mesure de sûreté et non une peine. Plus précisément, il s’agit d’une mesure de sûreté spécifique se rapportant uniquement à l’infraction de conduite sous l’influence de l’alcool.
A.1.4. Selon le ministère public, le raisonnement que la Cour a mené dans l’arrêt n° 76/2017 du 15 juin 2017
à propos de l’obligation de réussir des examens pour obtenir la réintégration dans le droit de conduire après une déchéance, peut s’appliquer mutatis mutandis à l’éthylotest antidémarrage. La Cour de cassation a d’ailleurs jugé que l’installation d’un éthylotest antidémarrage constitue une mesure préventive de sûreté, et non une peine.
A.1.5. Le ministère public précise que si la mesure était assortie d’un sursis, cela créerait un véritable obstacle pour les services d’exécution du parquet, spécialement dans l’hypothèse où le sursis serait révoqué.
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A.1.6. Le ministère public précise encore qu’une mesure de sûreté et une peine pénale ne peuvent pas être comparées. En tout état de cause, le principe de proportionnalité est respecté. En effet, le coût de la pose d’un éthylotest antidémarrage, qui comprend le coût de l’installation, de l’entretien et de la garantie de l’appareil, mais aussi de l’encadrement et du suivi du condamné, peut être déduit de l’amende. En outre, le juge peut limiter la mesure à une ou à plusieurs catégories de permis.
A.1.7. Le ministère public observe que le contrevenant ne soutient pas qu’il se trouve dans une des situations évoquées dans les première et deuxième questions préjudicielles. Le prévenu ne demande pas non plus de pouvoir bénéficier d’un sursis. La réponse à ces questions est donc sans intérêt pour le litige pendant devant le juge a quo.
A.1.8. Le ministère public fait valoir que la situation des personnes inaptes à conduire, au sens de l’article 42
de la loi relative à la circulation routière, et celle des personnes en état de récidive, au sens des articles 36 et 37/1, alinéa 3, de la même loi, ne sont pas comparables. Une inaptitude à conduire empêche toute conduite d’un véhicule à moteur, alors que le placement d’un éthylotest antidémarrage n’interdit pas la conduite mais l’encadre.
A.1.9. Le ministère public soutient que la première question préjudicielle n’est pas pertinente. L’article 23
de la Constitution ne confère pas de droits subjectifs, mais contient seulement une obligation de standstill. La disposition en cause n’entrave pas les droits visés à l’article 23 de la Constitution, puisqu’elle encadre la conduite sans l’interdire.
A.1.10. Selon le ministère public, la deuxième question préjudicielle n’est pas pertinente non plus. En effet, il n’y a pas de différence de traitement entre les personnes déclarées inaptes à conduire sur la base de l’article 42
de la loi relative à la circulation routière, et celles qui sont condamnées à placer un éthylotest antidémarrage.
L’inaptitude à conduire peut être déclarée dans d’autres situations que celle dans laquelle il y a assuétude à l’alcool.
Or, la pose d’un éthylotest antidémarrage ne vise qu’à lutter contre l’alcool au volant, qu’il y ait ou non assuétude.
Enfin, à supposer que les situations soient comparables, il existe une raison objective justifiant une différence de traitement, à savoir l’état de récidive.
A.1.11. Quant à la troisième question préjudicielle, le ministère public soutient qu’elle n’est pas non plus pertinente. La personnalisation d’une mesure de sûreté n’est pas possible, sauf à vider cette mesure de sa substance.
Au surplus, l’installation obligatoire d’un éthylotest antidémarrage n’empêche pas toute personnalisation des modalités de la mesure, puisque le juge peut limiter celle-ci à une ou plusieurs catégories de permis. Par ailleurs, le juge peut diminuer l’amende et fixer la durée de la mesure entre un an à trois ans. Il n’y a donc pas de violation du principe d’égalité de traitement.
A.1.12. Le ministère public conclut que les trois questions préjudicielles ne sont pas pertinentes, qu’elles sont sans objet pour la solution du litige pendant devant le juge a quo et, subsidiairement, qu’elles appellent une réponse négative.
A.2.1. Quant à la première question préjudicielle, le Conseil des ministres soutient, à titre principal, que la question préjudicielle appelle une réponse négative, en ce qu’elle donne une portée à l’article 23 de la Constitution qu’il n’a pas. Cette disposition ne consacre pas un droit subjectif à avoir un emploi, à le conserver ou à l’exercer, ou encore un droit subjectif à disposer d’un véhicule. Dès lors, la limitation de la validité du permis de conduire ne constitue pas une limitation du droit au travail garanti par l’article 23, alinéa 3, 1°, de la Constitution.
À titre subsidiaire, le raisonnement que la Cour a tenu dans l’arrêt n° 202/2019 du 12 décembre 2019 peut être transposé au cas d’espèce. Dans cet arrêt, la Cour a admis que la pose d’un éthylotest antidémarrage peut être ordonnée, y compris pour le véhicule que le condamné utilise à des fins professionnelles. Le fait que certaines personnes n’aient pas les moyens financiers pour équiper leur véhicule d’un éthylotest antidémarrage ne remet pas en cause la constitutionnalité de la mesure contestée. En effet, le législateur ne peut pas tenir compte de chaque situation particulière. En outre, il a accordé au juge la faculté de déduire de l’amende pénale le coût de l’installation et de l’utilisation d’un éthylotest antidémarrage ainsi que du programme d’encadrement.
A.2.2.1. Quant à la deuxième question préjudicielle, le Conseil des ministres observe que la Cour est invitée à comparer, d’une part, la situation d’une personne reconnue physiquement ou psychiquement inapte à la conduite
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d’un véhicule, étant entendu que la fin de la déchéance du droit de conduire dépend de la preuve que l’intéressé n’est plus inapte à conduire, et, d’autre part, la situation d’un contrevenant en état de récidive qui fait l’objet d’une mesure de limitation de la validité de son permis de conduire, sans que le contrevenant puisse demander la fin anticipée de cette mesure.
A.2.2.2. À titre principal, le Conseil des ministres soutient que ces situations ne sont pas suffisamment comparables. En effet, la déchéance du droit de conduire en raison de l’incapacité physique ou psychique du contrevenant exclut l’imposition simultanée d’un éthylotest antidémarrage. Ce sont donc deux mesures de sûreté alternatives. Dès lors, dans un cas, la personne est déchue de son droit de conduire en raison d’une incapacité physique ou psychique, alors que, dans l’autre cas, la personne récidiviste se voit seulement imposer une limitation de la validité de son permis de conduire.
A.2.2.3. À titre subsidiaire, le Conseil des ministres fait valoir que la différence de traitement repose sur un critère objectif qui est l’incapacité psychique ou physique de conduire un véhicule motorisé ou non.
Par ailleurs, l’imposition d’un éthylotest antidémarrage poursuit un but légitime, à savoir l’amélioration de la sécurité routière.
La différence de traitement n’engendre pas de conséquences disproportionnées. Tout d’abord, la personne qui fait l’objet de la mesure en cause n’est pas déchue de son droit de conduire. Il s’agit uniquement de limiter la validité de son permis de conduire aux seuls véhicules munis d’un éthylotest antidémarrage. Ensuite, le fait que certains contrevenants n’aient pas les moyens financiers d’installer un éthylotest antidémarrage ne rend pas la mesure disproportionnée, d’autant plus que le coût généré par la pose et l’utilisation de ce système peut être soustrait du montant de l’amende pénale. Par ailleurs, la déchéance du droit de conduire en raison d’une incapacité physique ou psychique est prononcée pour une durée indéterminée et ne peut cesser que si la preuve que l’intéressé n’est plus inapte à conduire est rapportée. Si la demande de réintégration peut être introduite après au moins six mois à compter du prononcé du jugement de condamnation, la réintégration n’est pas acquise à ce moment-là.
Elle n’est pas non plus automatique. En outre, il n’est pas disproportionné de permettre aux seules personnes faisant l’objet de la mesure de déchéance visée à l’article 42 de la loi relative à la circulation routière, de demander leur réintégration dans le droit de conduire, étant donné que cette mesure ne s’applique pas uniquement aux personnes ayant conduit en état d’imprégnation alcoolique en raison d’une assuétude. Enfin, la possibilité de demander la fin anticipée de la présence d’un éthylotest antidémarrage dans le véhicule pourrait avoir pour conséquence que cette mesure manquerait son objectif de sécurité. En effet, des études ont montré que l’éthylotest antidémarrage permet de réduire jusqu’à 95 % la récidive en matière d’abus d’alcool pendant la période d’utilisation obligatoire de ce dispositif. Enfin, comme la Cour l’a déjà jugé, le législateur dispose d’une large marge d’appréciation pour ce qui est de renforcer la sécurité routière.
A.2.2.4. Le Conseil des ministres conclut que la deuxième question préjudicielle appelle une réponse négative.
A.2.3.1. Le Conseil des ministres considère, à titre principal, que la troisième question préjudicielle n’appelle pas de réponse. En effet, le jugement de renvoi n’indique pas en quoi la disposition en cause serait discriminatoire et n’identifie pas les catégories de personnes à comparer. Il n’indique pas non plus en quoi la qualification de la mesure en cause en tant que mesure de sûreté entraînerait une violation de l’article 7 de la Convention européenne des droits de l’homme.
A.2.3.2. À titre subsidiaire, le Conseil des ministres constate que le juge a quo critique la qualification, en tant que « mesure de sûreté », de la limitation de la validité du permis de conduire aux seuls véhicules à moteur équipés d’un éthylotest antidémarrage et considère qu’il s’agit au contraire d’une peine. Or, dans un arrêt du 3 mars 2021, la Cour de cassation a déjà admis la qualification de la mesure en « mesure de sûreté ». La circulaire n° 8/2012 du 21 juin 2012 du Collège des Procureurs généraux va dans le même sens.
A.2.3.3. Certes, la notion de « peine » au sens de l’article 7 de la Convention européenne des droits de l’homme a une portée autonome. En l’espèce, toutefois, la limitation de la validité du permis de conduire aux véhicules équipés d’un éthylotest antidémarrage répond aux critères fixés par la jurisprudence pour ne pas être qualifiée de peine de nature pénale.
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En effet, premièrement, la Cour de cassation estime que la mesure de limitation de la validité du permis de conduire aux véhicules équipés d’un éthylotest antidémarrage constitue une mesure de sûreté et non une peine.
Deuxièmement, les travaux préparatoires indiquent que l’objectif de la mesure n’est pas d’ordre punitif mais préventif. Il s’agit de prévenir « l’alcool au volant ».
Troisièmement, la Cour a déjà jugé que l’obligation de réussir des examens pour s’assurer qu’une personne déchue de son droit de conduire réunit les capacités et qualifications nécessaires pour circuler à nouveau sur la voie publique, n’est pas une peine pénale. Il convient d’appliquer ce raisonnement à la mesure visée par la disposition en cause.
Quatrièmement, comme le souligne l’avocat général à la Cour de cassation, le fait que la limitation de la validité du permis de conduire soit ressentie par le condamné comme une peine n’est pas déterminant.
Cinquièmement, la pose d’un éthylotest antidémarrage n’est pas une mesure qui peut être imposée aux personnes dépendantes à l’alcool. Elle a plutôt vocation à s’appliquer aux personnes qui présentent un comportement de « consommation sociale » d’alcool. Dès lors, le fait que le prévenu produit en l’espèce des analyses de sang rassurantes ne remet pas en cause la pertinence de la mesure. En outre, le fait que l’article 38, § 6, de la loi relative à la circulation routière prévoit la réussite d’examens en vue de réintégrer l’individu dans le droit de conduire à la suite d’une déchéance, ne permet pas non plus de remettre en cause la qualification de l’éthylotest antidémarrage comme une mesure de sûreté. Ces mesures s’appliquent cumulativement en cas de récidive.
Sixièmement, le règlement (UE) 2019/2144 dispose qu’à compter du 6 juillet 2022, tous les véhicules neufs doivent être équipés de diverses fonctionnalités de sécurité, dont une interface facilitant l’installation d’un éthylotest antidémarrage. Or, ce règlement n’a pas vocation à imposer des peines, mais des mesures de sûreté.
Septièmement, la circulaire n° 8/2012 du 21 juin 2012 du Collège des procureurs généraux confirme que l’éthylotest antidémarrage n’est pas une modalité d’exécution d’une peine mais une mesure de sûreté.
A.2.3.4. Le Conseil des ministres observe encore que le fait que la pose d’un éthylotest antidémarrage ne puisse pas faire l’objet de mesures de personnalisation de la peine résulte du champ d’application de la loi du 29 juin 1964 « concernant la suspension, le sursis et la probation ». Or, la Cour estime qu’une question préjudicielle n’appelle pas de réponse lorsque la différence de traitement qu’elle évoque ne trouve pas sa source dans les dispositions faisant l’objet de la question.
La troisième question préjudicielle n’appelle donc pas de réponse.
A.2.3.5. À titre infiniment subsidiaire, le Conseil des ministres note que la Cour a déjà jugé que la mesure de prolongation du retrait de permis de conduire constitue une mesure de sûreté et ne peut dès lors se voir appliquer les dispositions de la loi du 29 juin 1964 « concernant la suspension, le sursis et la probation ». La mesure de sûreté pourrait en effet manquer son objectif si de telles dispositions étaient applicables. Le même raisonnement doit être suivi en l’espèce. Enfin, la loi prévoit la possibilité pour le juge de moduler la mesure de l’éthylotest antidémarrage, ce qui renforce le caractère proportionné de la mesure.
La troisième question préjudicielle appelle une réponse négative.
-B-
B.1.1. L’article 37/1 de la loi « relative à la police de la circulation routière », coordonnée le 16 mars 1968, (ci-après : la loi du 16 mars 1968), tel qu’il a été remplacé par la loi du 6 mars 2018 « relative à l’amélioration de la sécurité routière » (ci-après : la loi du 6 mars 2018), dispose :
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« § 1er. En cas de condamnation du chef d’une infraction à l’article 34, § 2, à l’article 35
en cas d’ivresse ou à l’article 36, le juge peut, s’il ne prononce pas la déchéance définitive du droit de conduire un véhicule à moteur ou s’il ne fait pas application de l’article 42, limiter la validité du permis de conduire du contrevenant, pour une période d’au moins un an à trois ans au plus ou à titre définitif, à tous les véhicules à moteur équipés d’un éthylotest antidémarrage, à condition que celui-ci remplisse, en tant que conducteur, les conditions du programme d’encadrement visé à l’article 61quinquies, § 3.
En cas de condamnation du chef d’une infraction à l’article 34, § 2, si l’analyse de l’haleine mesure une concentration d’alcool d’au moins 0,78 milligramme par litre d’air alvéolaire expiré ou si l’analyse sanguine révèle une concentration d’alcool par litre de sang d’au moins 1,8 gramme, le juge limite la validité du permis de conduire du contrevenant aux véhicules à moteur équipés d’un éthylotest antidémarrage selon les mêmes modalités que celles visées à l’alinéa 1er. Toutefois, si le juge choisit de ne pas recourir à cette sanction, il le motive expressément.
En cas de condamnation du chef d’une infraction à l’article 36, s’il s’agit d’une peine après une condamnation en application de l’article 34, § 2, si l’analyse de l’haleine mesure à chaque fois une concentration d’alcool d’au moins 0,50 milligramme par litre d’air alvéolaire expiré ou si l’analyse sanguine révèle à chaque fois une concentration d’alcool par litre de sang d’au moins 1,2 gramme, le juge limite la validité du permis de conduire du contrevenant à tous les véhicules à moteur qui sont équipés d’un éthylotest antidémarrage selon les mêmes modalités que celles visées à l’alinéa 1er, sans préjudice de l’article 38, § 6.
§ 2. Toutefois, lorsqu’il motive sa décision, le juge peut indiquer une ou plusieurs catégories de véhicules qu’il indique conformément aux dispositions arrêtées par le Roi en vertu de l’article 26, pour lesquelles il ne limite pas la validité du permis de conduire conformément au § 1er. Cependant, la validité limitée doit s’appliquer au moins à la catégorie de véhicules avec laquelle l’infraction qui donne lieu à l’application du § 1er a été commise.
§ 3. Le juge peut diminuer l’amende de tout ou partie du coût de l’installation et de l’utilisation d’un éthylotest antidémarrage dans un véhicule, ainsi que du coût du programme d’encadrement, sans qu’elle ne puisse s’élever à moins d’un euro.
§ 4. Est puni d’un emprisonnement de quinze jours à deux ans et d’une amende de 500 euros à 2000 euros, ou d’une de ces peines seulement, et d’une déchéance du droit de conduire un véhicule à moteur d’une durée équivalente ou supérieure à la période pendant laquelle la validité du permis de conduire a été limitée, quiconque est condamné du chef d’une infraction à cet article et conduit un véhicule à moteur pour lequel un permis de conduire est exigé et qui n’est pas équipé de l’éthylotest antidémarrage imposé ou, en tant que conducteur, ne remplit pas les conditions du programme d’encadrement ».
B.1.2. L’éthylotest antidémarrage est un « dispositif qui empêche le démarrage du véhicule, à moins que le conducteur accomplisse un test d’haleine dont le résultat montre une concentration d’alcool inférieure au seuil établi » (article 2.1 de l’annexe 1 à l’arrêté royal du 26 novembre 2010 « relatif aux spécifications techniques des éthylotests antidémarrage visés à
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l’article 61sexies de la loi du 16 mars 1968 relative à la police de la circulation routière »). En vertu de l’article 61quinquies, § 2, de la loi du 16 mars 1968, ce seuil est actuellement établi à 0,09 milligramme par litre d’air alvéolaire expiré (ci-après : mg/l AAE).
B.1.3. La mesure de placement d’un éthylotest antidémarrage a été conçue comme une limitation de la validité du permis de conduire : le permis de conduire de la personne condamnée n’est valable que pour les véhicules qui sont équipés d’un éthylotest antidémarrage.
B.1.4. Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 6 mars 2018, le tribunal de police est tenu d’imposer le placement d’un éthylotest antidémarrage en cas d’imprégnation alcoolique très importante du conducteur (article 37/1, § 1er, alinéa 2) et en cas de récidive grave (article 37/1, § 1er, alinéa 3).
En vertu de l’article 37/1, § 1er, alinéa 2, de la loi du 16 mars 1968, le tribunal de police doit imposer au contrevenant un éthylotest antidémarrage si l’analyse de l’haleine mesure une concentration d’alcool d’au moins 0,78 mg/l AAE ou si l’analyse sanguine révèle une concentration d’alcool d’au moins 1,8 gramme par litre de sang (ci-après : pour mille), sauf s’il motive expressément pourquoi aucun éthylotest antidémarrage n’est imposé.
En vertu de l’article 37/1, § 1er, alinéa 3, de la loi du 16 mars 1968, le tribunal de police doit toujours imposer au contrevenant un éthylotest antidémarrage s’il se trouve en état de récidive au sens de l’article 36 de la même loi et si l’analyse de l’haleine mesure à chaque fois une concentration d’alcool d’au moins 0,50 mg/l AAE ou si l’analyse sanguine révèle à chaque fois une concentration d’alcool d’au moins 1,2 pour mille. Dans cette hypothèse, le tribunal de police n’a pas la possibilité de ne pas imposer d’éthylotest antidémarrage.
B.2. Il ressort de la décision de renvoi que le prévenu devant le juge a quo se trouve en état de récidive du chef d’avoir conduit un véhicule à moteur, dans un lieu public, en état d’imprégnation alcoolique importante. Les premiers faits ont été commis le 16 mars 2015 et ont donné lieu à une condamnation par un jugement du 20 janvier 2016 du Tribunal de police du Hainaut, division de Charleroi. Les seconds faits, qui constituent des faits de récidive, ont été commis le 24 novembre 2018.
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En raison de l’état de récidive, le ministère public estime que le juge a quo est tenu, en vertu de l’article 37/1, § 1er, alinéa 3, de la loi du 16 mars 1968, de limiter la validité du permis de conduire du prévenu aux véhicules à moteur équipés d’un éthylotest antidémarrage.
B.3. L’entrée en vigueur de l’article 37/1 de la loi du 16 mars 1968, tel qu’il a été remplacé par la loi du 6 mars 2018, a été fixée au 1er juillet 2018 (article 26, alinéa 1er, de la loi du 6 mars 2018).
L’article 26, alinéa 2, de la loi du 6 mars 2018 dispose :
« L’article 37/1, § 1er, de la loi relative à la police de la circulation routière, coordonnée le 16 mars 1968, tel que remplacé par l’article 10, ne s’applique qu’aux faits commis après son entrée en vigueur ».
L’exposé des motifs mentionne :
« Pour garantir la sécurité juridique, il est de plus spécifié que les nouvelles dispositions relatives à l’éthylotest antidémarrage (article 37/1, § 1er) s’appliquent uniquement aux faits commis après l’entrée en vigueur de la loi. En cas de récidive, les faits doivent être tous les deux commis après l’entrée en vigueur de la loi » (Doc. parl., Chambre, 2017-2018, DOC 54-2868/001, p. 32).
B.4.1. Comme la Cour l’a relevé dans son arrêt n° 16/2022 du 3 février 2022, la Cour de cassation a déjà jugé à plusieurs reprises que, pour respecter le principe de la non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère, la loi qui détermine une peine plus lourde en cas de récidive doit être d’application au moment où la nouvelle infraction est commise, mais il n’est pas requis que l’infraction précédente, qui constitue le fondement de la récidive, ait, elle aussi, été commise après l’entrée en vigueur de la loi (Cass., 10 janvier 2018, P.17.0661.F; 27 mars 2018, P.17.1061.N).
B.4.2. Selon une jurisprudence récente, postérieure à la date de la décision de renvoi, la Cour de cassation a toutefois jugé que, compte tenu de la volonté du législateur, l’article 37/1, § 1er, alinéa 3, de la loi du 16 mars 1968 ne peut être appliqué que si les faits qui ont donné lieu à un jugement servant de base à la récidive ont aussi été commis après l’entrée en vigueur de la loi.
10
Après la date du prononcé de la décision de renvoi, la Cour de cassation a jugé par des arrêts du 13 avril 2021 (P.21.0025.N ) et du 8 juin 2021 (P.21.0371.N) :
« 5. Il résulte au contraire de la genèse législative de ces dispositions que, selon la volonté du législateur, l’article 37/1, § 1er, alinéa 3, de la loi relative à la circulation routière ne peut être appliqué que si tant les faits faisant l’objet des nouvelles poursuites que les faits qui ont donné lieu à un jugement servant de base à la récidive, visée à l’article 36 de la loi relative à la circulation routière, ont été commis après le 30 juin 2018. Concernant ce choix, le législateur s’est référé à l’exigence de sécurité juridique et au temps nécessaire à l’organisme d’encadrement, aux centres de services et à la magistrature pour se préparer à ce changement profond de la législation relative à l’éthylotest antidémarrage. » (traduction libre) (Cass., 13 avril 2021, P.21.0025.N)
Dans le droit fil de cette jurisprudence, la Cour de cassation a jugé par un arrêt du 23 février 2022 (P.21.1638.F) :
« En vertu de l’article 26 de la loi du 6 mars 2018, la disposition précitée [lire :
l’article 37/1, § 1er, alinéa 3, de la loi du 16 mars 1968] est entrée en vigueur le 1er juillet 2018
et ne s’applique qu’aux faits commis après cette date.
Pour que l’article 37/1, § 1er, alinéa 3, puisse, dans sa nouvelle version, trouver à s’appliquer, il faut donc, non seulement que les faits d’imprégnation alcoolique à juger aient été commis après le 1er juillet 2018, mais aussi que les faits visés dans le jugement servant de base à la récidive soient postérieurs à cette date.
Les faits visés dans le jugement rendu le 9 novembre 2018 servant de base à la circonstance de récidive définie à l’article 36, alinéa 1er, de la loi précitée, ont été commis le 22 mars 2017.
Partant, les juges d’appel n’ont pas légalement justifié leur décision d’appliquer la mesure de sûreté visée à l’article 37/1, § 1er, alinéa 3, de la loi du 16 mars 1968 relative à la police de la circulation routière ».
B.5. Dans sa version antérieure à son remplacement par la loi du 6 mars 2018, l’article 37/1 de la loi du 16 mars 1968, inséré par la loi du 12 juillet 2009 « modifiant la loi relative à la police de la circulation routière, coordonnée le 16 mars 1968 » et tel qu’il a été modifié par la loi du 9 mars 2014 « modifiant la loi relative à la police de la circulation routière, coordonnée le 16 mars 1968, la loi du 29 juin 1964 concernant la suspension, le sursis et la probation, la loi du 21 juin 1985 relative aux conditions techniques auxquelles doivent répondre tout véhicule de transport par terre, ses éléments ainsi que les accessoires de sécurité et la loi du 21 novembre 1989 relative à l’assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs », n’oblige pas le juge à imposer un éthylotest antidémarrage.
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Dans cette version, l’article 37/1 de la loi du 16 mars 1968 disposait :
« En cas de condamnation du chef d’une infraction aux articles 34, § 2, 35 ou 36, le juge peut, s’il ne prononce pas la déchéance définitive du droit de conduire un véhicule à moteur, limiter la validité du permis de conduire du contrevenant, pour une période d’au moins un an à cinq ans au plus ou à titre définitif, aux véhicules à moteur équipés d’un éthylotest antidémarrage à condition que celui-ci remplisse, en tant que conducteur, les conditions du programme d’encadrement visé à l’article 61quinquies, § 3. Le juge peut diminuer l’amende de tout ou partie du coût de l’installation et de l’utilisation d’un éthylotest antidémarrage dans un véhicule, ainsi que du coût du programme d’encadrement, sans qu’elle ne puisse s’élever à moins d’un euro.
Est puni d’un emprisonnement d’un mois à cinq ans et d’une déchéance du droit de conduire un véhicule à moteur d’une durée d’un an à cinq ans au plus ou à titre définitif, quiconque est condamné du chef d’une infraction à l’alinéa 1er et conduit un véhicule à moteur qui n’est pas équipé d’un éthylotest antidémarrage ou, en tant que conducteur, ne remplit pas les conditions du programme d’encadrement ».
B.6. Compte tenu de la jurisprudence récente de la Cour de cassation et de ce que les premiers faits commis par le prévenu dans le litige pendant devant le juge a quo se sont déroulés avant l’entrée en vigueur de l’article 37/1 de la loi du 16 mars 1968, tel qu’il a été remplacé par la loi du 6 mars 2018 de sorte que cette disposition n’est pas applicable au litige dont est saisi le juge a quo, il appartient au juge a quo d’apprécier si une réponse aux questions préjudicielles est encore nécessaire à la solution du litige.
Il y a donc lieu de renvoyer l’affaire au juge a quo.
12
Par ces motifs,
la Cour
renvoie l’affaire au juge a quo.
Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l’article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 10 novembre 2022.
Le greffier, Le président,
P.-Y. Dutilleux P. Nihoul


Synthèse
Numéro d'arrêt : 143/2022
Date de la décision : 10/11/2022
Type d'affaire : Droit constitutionnel

Origine de la décision
Date de l'import : 30/05/2023
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.constitutionnel;arret;2022-11-10;143.2022 ?

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