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15/09/2022 | BELGIQUE | N°107/2022

Belgique | Belgique, Cour constitutionnel, 15 septembre 2022, 107/2022


Cour constitutionnelle
Arrêt n° 107/2022
du 15 septembre 2022
Numéro du rôle : 7649
En cause : les questions préjudicielles concernant l’article 65/1 de la loi du 16 mars 1968
« relative à la police de la circulation routière », posées par le Tribunal de police de Flandre orientale, division de Saint-Nicolas.
La Cour constitutionnelle,
composée de la juge J. Moerman, faisant fonction de présidente, du président P. Nihoul, des juges T. Giet, D. Pieters, E. Bribosia et W. Verrijdt, et, conformément à l’article 60bis de la loi spéciale du 6 janvier

1989 sur la Cour constitutionnelle, du juge émérite J.-P. Moerman, assistée du greffier ...

Cour constitutionnelle
Arrêt n° 107/2022
du 15 septembre 2022
Numéro du rôle : 7649
En cause : les questions préjudicielles concernant l’article 65/1 de la loi du 16 mars 1968
« relative à la police de la circulation routière », posées par le Tribunal de police de Flandre orientale, division de Saint-Nicolas.
La Cour constitutionnelle,
composée de la juge J. Moerman, faisant fonction de présidente, du président P. Nihoul, des juges T. Giet, D. Pieters, E. Bribosia et W. Verrijdt, et, conformément à l’article 60bis de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, du juge émérite J.-P. Moerman, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par la juge J. Moerman,
après en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant :
I. Objet des questions préjudicielles et procédure
Par jugement du 4 octobre 2021, dont l’expédition est parvenue au greffe de la Cour le 12 octobre 2021, le Tribunal de police de Flandre orientale, division de Saint-Nicolas, a posé les questions préjudicielles suivantes :
« 1. L’article 65/1 de la loi du 16 mars 1968 relative à la police de la circulation routière viole-t-il les dispositions consacrant les droits et libertés fondamentaux, garantis par le titre II
de la Constitution (notamment les articles 10, 11 et 13 de la Constitution) et l’article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l’homme, dans l’interprétation selon laquelle, dans le cadre d’une procédure de recours contre un ordre de paiement, cette disposition ne permet pas au juge d’examiner si le délai raisonnable en matière pénale a été respecté ou de remédier à un éventuel dépassement du délai raisonnable conformément à l’article 21ter du titre préliminaire du Code de procédure pénale ?
2. L’article 65/1 de la loi du 16 mars 1968 relative à la police de la circulation routière viole-t-il les dispositions consacrant les droits et libertés fondamentaux, garantis par le titre II
de la Constitution (notamment les articles 10, 11 et 13 de la Constitution) et l’article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l’homme, dans l’interprétation selon laquelle, dans le cadre d’un recours contre un ordre de paiement, cette disposition ne permet
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pas au juge d’individualiser la sanction en fonction des circonstances concrètes dans lesquelles les faits ont été commis ou en fonction des circonstances personnelles du contrevenant ? ».
Le Conseil des ministres, assisté et représenté par Me E. Jacubowitz, avocat au barreau de Bruxelles, a introduit un mémoire.
Par ordonnance du 18 mai 2022, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteurs J. Moerman et J.-P. Moerman, a décidé que l’affaire était en état, qu’aucune audience ne serait tenue, à moins que le Conseil des ministres n’ait demandé, dans le délai de sept jours suivant la réception de la notification de cette ordonnance, à être entendu, et qu’en l’absence d’une telle demande, les débats seraient clos le 8 juin 2022 et l’affaire mise en délibéré.
Aucune demande d’audience n’ayant été introduite, l’affaire a été mise en délibéré le 8 juin 2022.
Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives à la procédure et à l’emploi des langues ont été appliquées.
II. Les faits et la procédure antérieure
Le 21 septembre 2019, J. V.H. dépasse, en tant que conducteur d’un véhicule, la vitesse maximale autorisée de 120 km/h en roulant à une vitesse corrigée de 125 km/h (vitesse constatée de 134 km/h). Le 1er octobre 2019, une proposition de perception immédiate d’un montant de 53 euros lui est envoyée. À défaut de paiement dans les délais, le procureur du Roi lui envoie, le 2 décembre 2019, une proposition de transaction au sens de l’article 216bis du Code d’instruction criminelle, lui demandant de verser au SPF Finances un montant de 66 euros avant le 22 décembre 2019. Le 22 décembre 2019, J. V.H. paie un montant de 53 euros. Le 20 avril 2021, le procureur du Roi établit un ordre de paiement d’un montant de 89,10 euros par application de l’article 65/1 de la loi du 16 mars 1968 « relative à la police de la circulation routière » (ci-après : la loi du 16 mars 1968). Le 23 avril 2021, J. V.H. introduit contre cet ordre de paiement un recours devant le Tribunal de police de Flandre orientale, division de Saint-Nicolas.
Selon le Tribunal de police, il découle de la jurisprudence de la Cour de cassation que le recours contre l’ordre de paiement ne met pas l’action publique en mouvement, que le tribunal chargé de statuer sur le recours ne peut pas se prononcer sur le point de savoir si le délai raisonnable en matière pénale a été respecté et que ce tribunal n’est pas en mesure d’individualiser la sanction en fonction des circonstances concrètes de la cause. Le Tribunal de police relève que si le procureur du Roi avait suivi la voie pénale classique, le Tribunal aurait pu contrôler le respect du délai raisonnable et aurait également pu individualiser la peine. Le Tribunal de police estime ensuite qu’il y a lieu de poser à la Cour les questions préjudicielles reproduites plus haut.
III. En droit
-A-
A.1.1. Le Conseil des ministres expose qu’avec l’article 65/1 de la loi du 16 mars 1968, le législateur a voulu donner au ministère public la possibilité, lorsque l’auteur d’une infraction de roulage ignore une proposition de perception immédiate ou de transaction, de créer, via l’ordre de paiement, un titre exécutoire sans que l’auteur de l’infraction de roulage doive être cité à comparaître devant le tribunal de police. Il souligne que le législateur a
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prévu un recours contre l’ordre de paiement et que le texte de la loi règle la recevabilité de ce recours, mais pas l’examen quant au fond. Pour cette raison, il estime qu’il est nécessaire d’examiner les intentions du législateur sur la base des travaux préparatoires.
A.1.2. Le Conseil des ministres déduit des travaux préparatoires que le législateur avait pour but de renforcer la sécurité routière et de diminuer le sentiment d’impunité des auteurs d’infractions de roulage. Pour cette raison, il a mis en place une procédure de perception simplifiée qui se distingue de la procédure pénale. Il déduit également des travaux préparatoires que le législateur a voulu que l’affaire soit traitée quant au fond par le tribunal de police lorsque le contrevenant introduit un recours contre l’ordre de paiement. Selon lui, il ressort également de ces travaux préparatoires que les amendes doivent être proportionnées à la gravité des infractions qui ont été commises.
A.2. Selon le Conseil des ministres, l’interprétation de la disposition en cause selon laquelle, lorsqu’un recours contre un ordre de paiement est déclaré recevable, le juge d’appel ne doit pas examiner le fond de l’affaire serait tout à fait contraire aux objectifs poursuivis par le législateur. Il se réfère à un arrêt de la Cour de cassation du 1er juin 2021 par lequel il a, selon lui, été jugé à juste titre que, lorsque le recours est déclaré recevable, le tribunal doit effectivement examiner le fond de l’affaire. Il relève que, par cet arrêt, la Cour de cassation a également jugé que l’ordre de paiement n’est pas une peine, mais crée simplement un titre exécutoire et que le recours contre l’ordre de paiement ne met pas l’action publique en mouvement.
A.3.1. Le Conseil des ministres se réfère ensuite aux arrêts de la Cour nos 8/2019 et 56/2020, qui portent sur les sanctions administratives communales. Il déduit de ces arrêts que le juge de police qui doit statuer sur un recours contre une sanction administrative doit avoir compétence pour diminuer la sanction s’il admet des circonstances atténuantes, et pour infliger une sanction avec sursis. Selon lui, il ressort de ces arrêts que, lorsque le contrevenant peut être puni d’une autre manière pour un même fait, il doit en principe y avoir un parallélisme entre les mesures d’individualisation de la sanction. Selon le Conseil des ministres, il ressort également de ces arrêts que la saisine du juge de police qui agit dans le cadre d’une procédure de recours contre une amende administrative ne se limite pas à la recevabilité.
A.3.2. Le Conseil des ministres estime que, dans la procédure visée par la disposition en cause, la saisine du juge de police doit aussi être interprétée largement et que ce juge doit être réputé compétent pour statuer sur le bien-fondé et la légalité de l’ordre de paiement. Étant donné que, lorsqu’il inflige une amende pénale, le juge répressif peut prendre en compte des circonstances atténuantes ou accorder un sursis, le tribunal de police saisi d’un recours contre un ordre de paiement doit, selon lui, également disposer de ces possibilités. Le législateur entendait en outre permettre au tribunal de police de statuer sur le fond de l’affaire en ce qui concerne l’ordre de paiement et sur la proportionnalité et la légalité du montant qui doit être payé. Selon lui, toute autre interprétation viole la Constitution. Selon le Conseil des ministres, il découle de ce qui précède que la disposition en cause n’est pas contraire aux normes de référence mentionnées dans les questions préjudicielles.
-B-
B.1. Le juge a quo demande à la Cour si l’article 65/1, § 2, de la loi du 16 mars 1968
« relative à la police de la circulation routière » (ci-après : la loi du 16 mars 1968) viole les articles 10, 11 et 13 de la Constitution et l’article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne des droits de l’homme, dans l’interprétation selon laquelle cette disposition ne permet pas au juge qui doit statuer sur un recours contre un ordre de paiement, d’une part, d’examiner si le délai raisonnable en matière pénale a été respecté et, en cas de dépassement de ce délai, d’appliquer l’article 21ter du titre préliminaire du Code de procédure pénale (première question
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préjudicielle) et, d’autre part, d’individualiser la sanction en fonction des circonstances concrètes de la cause (seconde question préjudicielle).
B.2.1. Avant son remplacement par l’article 29, 2°, de la loi du 28 novembre 2021 « visant à rendre la justice plus humaine, plus rapide et plus ferme » (ci-après : la loi du 28 novembre 2021), l’article 65/1, § 2, de la loi relative à la police de la circulation routière disposait :
« Le contrevenant ou son avocat peut, dans les trente jours suivant le jour de la réception de l’ordre de paiement, introduire un recours contre l’ordre de paiement auprès du tribunal de police compétent. Le recours est introduit par requête déposée au greffe du tribunal de police compétent ou par envoi recommandé ou par courrier électronique, adressés au greffe. Dans ces derniers cas, la date d’envoi de l’envoi recommandé ou du courrier électronique a valeur de date d’introduction de la requête. L’envoi recommandé est réputé avoir été envoyé le troisième jour ouvrable précédant sa réception au greffe.
Cette requête est motivée et contient élection de domicile en Belgique, si le requérant n’y a pas son domicile. La requête mentionne, à peine d’irrecevabilité, le numéro du procès-verbal ou le numéro de système.
La requête est inscrite dans le registre prévu à cet effet.
La prescription de l’action publique est suspendue à partir de la date de l’introduction de la requête jusqu’au jour du jugement définitif.
Le contrevenant est convoqué par le greffier, par pli judiciaire ou par envoi recommandé, dans les trente jours de l’inscription de la requête au registre, à comparaître à l’audience fixée par le juge. Le greffier adresse au ministère public la copie de la requête et lui indique la date d’audience.
Le greffier communique sans délai au procureur du Roi la décision définitive statuant sur la recevabilité du recours.
Si le recours est déclaré recevable, l’ordre de paiement est réputé non avenu ».
B.2.2. Depuis son remplacement par l’article 29, 2°, de la loi du 28 novembre 2021, l’article 65/1, § 2, de la loi du 16 mars 1968 dispose :
« Celui qui a reçu l’ordre de paiement ou son avocat peut, dans les trente jours suivant le jour de la réception de celui-ci, introduire un recours contre l’ordre de paiement auprès du tribunal de police compétent selon le lieu de l’infraction. Le recours est introduit par requête
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déposée au greffe du tribunal de police compétent ou par envoi recommandé ou par courrier électronique, adressés au greffe. Dans ces derniers cas, la date d’envoi de l’envoi recommandé ou du courrier électronique a valeur de date d’introduction de la requête. L’envoi recommandé est réputé avoir été envoyé le troisième jour ouvrable précédant sa réception au greffe.
La requête mentionne, à peine de nullité :
1° le nom, le prénom et le domicile de la partie qui introduit le recours;
2° le numéro du procès-verbal ou le numéro de système, mentionné sur l’ordre de paiement;
3° qu’il s’agit d’un recours contre un ordre de paiement;
4° les motifs du recours.
Cette requête contient élection de domicile en Belgique, si le requérant n’y a pas son domicile.
La requête est inscrite dans le registre prévu à cet effet.
La prescription de l’action publique est suspendue à partir de la date de l’introduction de la requête jusqu’au jour du jugement définitif.
Le requérant est convoqué par le greffier, par pli judiciaire, par envoi recommandé ou conformément à l’article 32ter du Code judiciaire, dans les trente jours de l’inscription de la requête au registre, à comparaître à l’audience fixée par le juge. Le greffier adresse au ministère public la copie de la requête et lui indique la date d’audience.
Par le recours, la chambre pénale du Tribunal de police est saisie de l’intégralité de la cause et examine préalablement la recevabilité du recours.
Si le recours est déclaré recevable, l’ordre de paiement est réputé non avenu. Le tribunal examine au fond les infractions qui fondent l’ordre de paiement et, si celles-ci s’avèrent établies, fait application de la loi pénale.
La personne condamnée par défaut peut former opposition au jugement conformément à la procédure visée à l’article 187 du Code d’instruction criminelle.
Le jugement rendu par le tribunal de la police est susceptible d’appel selon des dispositions prévues par le Code d’instruction criminelle ».
B.3.1. À l’origine, l’ordre de paiement a été instauré par la loi du 22 avril 2012 « visant à instaurer l’ordre de paiement pour les infractions à la législation sur la circulation routière » (ci-
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après : la loi du 22 avril 2012) et visait à « éviter que des amendes restent impayées et à soulager les parquets de police » (Doc. parl, Chambre, 2011-2012, DOC 53-2074/002, p. 3) :
« L’ordre de paiement est intercalé après la perception immédiate et éventuellement la transaction et avant la citation devant le tribunal de police, sans que le contrevenant ne perde le moindre droit ni que les compétences du tribunal soient réduites » (ibid.).
Les travaux préparatoires de la loi-programme du 25 décembre 2016, qui a remplacé l’article 65/1, inséré par la loi du 22 avril 2012, exposent :
« [C’]est la dernière étape dans la procédure de l’extinction éventuelle de l’action publique moyennant le paiement d’une somme » (Doc. parl., Chambre, 2016-2017, DOC 54-2208/001, p. 28).
B.3.2. L’économie de procédure constituait donc l’une des raisons de l’introduction de l’ordre de paiement dans la loi du 16 mars 1968. Le contrevenant qui ne paie pas et qui n’accepte pas une proposition de transaction reçoit un ordre de paiement exécutoire de plein droit, ce qui signifie que le procureur du Roi ne doit pas s’adresser au juge pénal pour contraindre le contrevenant au paiement effectif.
L’ordre de paiement constitue en principe le cinquième rappel pour payer. Ainsi, « le contrevenant reçoit une perception immédiate, un rappel, une proposition de transaction et de nouveau un rappel avant que l’ordre de paiement soit promulgué » (Doc. parl., Chambre, 2016-
2017, DOC 54-2208/001, p. 29). Le requérant a donc déjà eu, à plusieurs reprises, la possibilité de mettre un terme à l’action publique en payant l’amende routière.
B.4.1. L’ordre de paiement peut faire l’objet d’un recours devant le tribunal de police. En cas de recours, tant le contrevenant que le procureur du Roi sont informés de la date d’audience.
B.4.2. En ce qui concerne le pouvoir d’appréciation du tribunal de police, le juge a quo constate que l’article 65/1, § 2, de la loi du 16 mars 1968 - dans la version antérieure à son
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remplacement par la loi du 28 novembre 2021 - dispose uniquement que « si le recours est déclaré recevable, l’ordre de paiement est réputé non avenu » (article 65/1, § 2, dernier alinéa).
B.4.3. Le juge a quo constate également que le texte de la loi a donné lieu à des interprétations divergentes dans la jurisprudence des tribunaux de police et des tribunaux correctionnels et que la Cour de cassation a jugé par la suite, par un arrêt du 1er juin 2021 :
« 3. Bien que le système de l’ordre de paiement entende contribuer à l’application de la législation sur la circulation routière, il ne tend pas à infliger une peine au sens de l’article 1er du Code pénal, mais uniquement à créer un titre exécutoire. La décision d’imposer un ordre de paiement et de suivre la procédure y relative ne met pas l’action publique en mouvement et la procédure de réclamation contenue dans l’article 65/1, § 2, de la loi du 16 mars 1968 ne saurait dès lors avoir pour conséquence que le tribunal de police ou, en degré d’appel, le tribunal correctionnel prenne connaissance de l’action publique pour les faits pour lesquels l’ordre de paiement a été imposé. La circonstance qu’un ordre de paiement exécutoire peut constituer une peine au sens de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme ou que, si le SPF Finances ne peut pas procéder dans les trois ans au recouvrement de l’ordre de paiement déclaré exécutoire, le ministère public peut, conformément à l’article 65/1, § 10, de la loi du 16 mars 1968, suspendre le droit de conduire du contrevenant n’y change rien.
4. Il découle des objectifs du système élaboré par l’article 65/1 de la loi du 16 mars 1968
et des travaux préparatoires de cette disposition, qui font apparaître que le tribunal de police examine le recours quant au fond, qu’indépendamment de ce que prévoient les alinéas 6 et 7 de l’article 65/1, § 2, de la loi du 16 mars 1968, le tribunal de police et, en degré d’appel, le tribunal correctionnel doivent, dans le cadre d’un recours introduit sur la base de l’article 65, § 2, de la loi du 16 mars 1968, examiner :
- si le recours introduit par voie de requête satisfait aux conditions de délai et de forme contenues dans l’article 65, § 1er, alinéas 1er et 2, de la loi du 16 mars 1968;
- si les conditions contenues dans l’article 65/1, § 1er, de la loi du 16 mars 1968 concernant l’imposition de l’ordre de paiement et sa notification sont réunies;
- s’il est établi que la personne à laquelle l’ordre de paiement a été imposé a commis les faits sur la base desquels l’ordre a été imposé, ce qui suppose qu’il convient d’examiner si les éléments constitutifs de l’infraction sont réunis, si ces faits peuvent être imputés à la personne considérée comme le contrevenant et si la somme pour laquelle le ministère public a imposé l’ordre de paiement est légale.
5. Il appartient au juge de décider, à la lumière de cet examen, si le recours de la personne à laquelle l’ordre de paiement a été imposé :
- est irrecevable, ce qui a pour effet que, dès que la décision du juge est définitive, l’ordre de paiement devient exécutoire;
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- est recevable mais non fondé, ce qui a également pour effet que, dès que la décision du juge est définitive, l’ordre de paiement devient exécutoire;
- est recevable et fondé, ce qui a pour effet que l’ordre de paiement doit être réputé non avenu. Il appartient dans ce cas au ministère public d’examiner si, pour les faits pour lesquels l’ordre de paiement a été imposé, à la lumière de la décision du juge, l’action publique peut encore être enclenchée et il appartient ensuite au juge pénal saisi le cas échéant de cette action publique de statuer à cet égard.
6. Le fait d’admettre, sur la base d’une lecture littérale de l’article 65/1, § 2, alinéas 6 et 7, de la loi du 16 mars 1968, que le juge doit limiter son examen du recours visé par l’article 65/1, § 2, alinéas 1er et 2, de la loi du 16 mars 1968 à l’examen de la recevabilité de ce recours et que toute déclaration de recevabilité d’un tel recours a automatiquement pour effet que l’ordre de paiement est non avenu est non seulement contraire à la genèse de ce système, mais le priverait en outre de sens. Un recours recevable qui, selon la volonté du législateur, doit être motivé suffirait, indépendamment des motifs sur lesquels il repose, pour priver l’ordre de paiement de tout effet. Telle ne saurait avoir été l’intention du législateur » (traduction libre) (Cass., 1er juin 2021, P.21.0325.N. Dans un sens similaire : Cass., 22 juin 2021, P.21.0478.N).
B.4.4. Le juge a quo déduit de la jurisprudence précitée de la Cour de cassation qu’un recours dirigé contre un ordre de paiement ne met pas l’action publique en mouvement et que le juge qui doit statuer sur ce recours n’est pas compétent pour examiner si le délai raisonnable en matière pénale a été respecté, pour remédier à un éventuel dépassement de ce délai, conformément à l’article 21ter du titre préliminaire du Code de procédure pénale, et pour individualiser la « sanction » en fonction des circonstances concrètes de la cause.
B.5.1. Comme il est dit en B.2.2, l’article 65/1, § 2, de la loi du 16 mars 1968 a été remplacé par l’article 29, 2°, de la loi du 28 novembre 2021.
Les travaux préparatoires de cette loi mentionnent :
« Les modifications apportées à l’article 65/1 de la loi du 16 mars 1968 relative à la police de la circulation routière, visent principalement à rationaliser la procédure de recours contre l’ordre de paiement et à clarifier un certain nombre de points.
Avec l’utilisation croissante de l’ordre de paiement, et par conséquent des recours contre celle-ci, il est apparu en pratique que certaines dispositions de la loi n’étaient pas aussi claires et ça conduit à des controverses dans la jurisprudence et à l’insécurité juridique.
[…]
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Il est maintenant explicitement prévu que la chambre pénale du Tribunal de police est compétente afin d’éviter toute confusion avec la compétence du Tribunal de police en tant que juridiction civile en ce qui concerne les recours contre les sanctions administratives communales.
Dans le § 2, alinéa 7, la phrase ‘ si le recours est déclaré recevable, l’ordre de paiement est considéré comme inexistant ’ est interprétée par de nombreux juges comme leur imposant de ne juger que sur la recevabilité et non sur le fond de l’affaire. Si le recours est recevable, le dossier est alors renvoyé au ministère public afin qu’il prenne une décision (citation ou classement sans suite). Toutefois, il est prévu que le même jugement statue à la fois sur la recevabilité et sur le fond. Il convient donc de prévoir explicitement que le juge est également compétent pour statuer directement sur le fond de l’affaire » (Doc. parl., Chambre, 2020-2021, DOC 55-2175/001, pp. 31-32).
B.5.2. En vertu de l’article 65/1, § 2, alinéa 7, de la loi du 16 mars 1968, tel qu’il a été remplacé par l’article 29, 2°, de la loi du 28 novembre 2021, par le recours dirigé contre l’ordre de paiement, « la chambre pénale du Tribunal de police est saisie de l’intégralité de la cause et examine préalablement la recevabilité du recours ».
Selon l’alinéa 8 de cette disposition, l’ordre de paiement est réputé non avenu si le recours est déclaré recevable et le tribunal « examine au fond les infractions qui fondent l’ordre de paiement et, si celles-ci s’avèrent établies, fait application de la loi pénale ».
B.6.1. L’article 29, 2°, de la loi du 28 novembre 2021, qui remplace l’article 65/1, § 2, de la loi du 16 mars 1968 est, à défaut de dispositions contraires, entré en vigueur le 10 décembre 2021, soit le dixième jour suivant la publication de la loi du 28 novembre 2021 au Moniteur belge.
B.6.2. Conformément à l’article 3 du Code judiciaire, les lois d’organisation judiciaire, de compétence et de procédure sont applicables aux procès en cours sans dessaisissement cependant de la juridiction qui, à son degré, en avait été valablement saisie et sauf les exceptions prévues par la loi.
B.7. Étant donné que le jugement par lequel le juge a quo a posé les actuelles questions préjudicielles date du 4 octobre 2021, ce juge n’a pas pu tenir compte de la modification précitée de la disposition en cause.
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Pour cette raison, il y a lieu de renvoyer l’affaire au juge a quo pour qu’il décide, compte tenu de ce qui précède, si les questions préjudicielles appellent encore une réponse.
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Par ces motifs,
la Cour
renvoie l’affaire au juge a quo.
Ainsi rendu en langue néerlandaise et en langue française, conformément à l’article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 15 septembre 2022.
Le greffier, La présidente f.f.,
P.-Y. Dutilleux J. Moerman


Synthèse
Numéro d'arrêt : 107/2022
Date de la décision : 15/09/2022
Type d'affaire : Droit constitutionnel

Origine de la décision
Date de l'import : 30/05/2023
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.constitutionnel;arret;2022-09-15;107.2022 ?

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