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22/07/2022 | BELGIQUE | N°101/2022

Belgique | Belgique, Cour constitutionnel, 22 juillet 2022, 101/2022


Cour constitutionnelle
Arrêt n° 101/2022
du 22 juillet 2022
Numéros du rôle : 7708, 7709, 7710, 7711, 7712, 7713, 7716, 7717, 7718 et 7719
En cause : les questions préjudicielles concernant le décret de la Communauté française du 17 juin 2021 « modifiant le décret du 13 juillet 2016 relatif aux études de sciences vétérinaires », posées par le Conseil d’État.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges T. Giet, M. Pâques, T. Detienne, D. Pieters et S. de Bethune, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, prÃ

©sidée par le président P. Nihoul,
après en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant :
I. ...

Cour constitutionnelle
Arrêt n° 101/2022
du 22 juillet 2022
Numéros du rôle : 7708, 7709, 7710, 7711, 7712, 7713, 7716, 7717, 7718 et 7719
En cause : les questions préjudicielles concernant le décret de la Communauté française du 17 juin 2021 « modifiant le décret du 13 juillet 2016 relatif aux études de sciences vétérinaires », posées par le Conseil d’État.
La Cour constitutionnelle,
composée des présidents P. Nihoul et L. Lavrysen, et des juges T. Giet, M. Pâques, T. Detienne, D. Pieters et S. de Bethune, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président P. Nihoul,
après en avoir délibéré, rend l’arrêt suivant :
I. Objet des questions préjudicielles et procédure
Par dix arrêts, nos 252.416, 252.417, 252.418, 252.419, 252.420, 252.421, 252.415, 252.412, 252.414 et 252.413, du 15 décembre 2021, dont les expéditions sont parvenues au greffe de la Cour les 21 et 30 décembre 2021, le Conseil d’État a posé les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Le décret du 17 juin 2021 modifiant le décret du 13 juillet 2016 relatif aux études de sciences vétérinaires viole-t-il les articles 10, 11 et 24 de la Constitution en ce qu’il traite de la même manière les étudiants qui, au terme de l’année académique 2019-2020, avaient acquis au moins 45 crédits et ne devaient pas obtenir une attestation de réussite à l’issue du concours de fin d’année et tous les autres étudiants qui n’ont pas été dispensés de cette obligation d’obtention de l’attestation pour l’accès au bloc 2 des études de sciences vétérinaires ?
2) Le décret du 17 juin 2021 modifiant le décret du 13 juillet 2016 relatif aux études de sciences vétérinaires viole-t-il les articles 10, 11 et 24, § 3, de la Constitution, combinés avec l’article 2 du Premier protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de 1’homme et des libertés fondamentales et l’article 13, § 2, c), du PIDESC, en ce qu’il instaure un nouveau filtre académique à partir de l’année 2021-2022 pour des étudiants qui pouvaient
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auparavant poursuivre leurs études sans filtre, et ce, sans aucune justification suffisante et raisonnablement proportionnée au but poursuivi ? ».
Ces affaires, inscrites sous les numéros 7708, 7709, 7710, 7711, 7712, 7713, 7716, 7717, 7718 et 7719 du rôle de la Cour, ont été jointes.
Des mémoires et mémoires en réponse ont été introduits par :
- Carina Ammoun-Bourdelas, Jonas Frere, Camille Moreau, Violette Simonetti, Carla Hersigny, Lisa Sytche, Olivier Duquenne, Othello Boudigues, Charlotte de Lame et Laurie Vanoverschelde, assistés et représentés par Me J. Bourtembourg et Me M. de Mûelenaere, avocats au barreau de Bruxelles;
- la Communauté française, représentée par son Gouvernement, assistée et représentée par Me P. Levert, Me A. Feyt et Me N. Mouraux, avocats au barreau de Bruxelles.
Par ordonnance du 8 juin 2022, la Cour a déclaré les affaires en état et fixé l’audience au 29 juin 2022.
À l’audience publique du 29 juin 2022 :
- ont comparu :
. Me J. Bourtembourg et Me M. de Mûelenaere, pour Carina Ammoun-Bourdelas, Jonas Frere, Camille Moreau, Violette Simonetti, Carla Hersigny, Lisa Sytche, Olivier Duquenne, Othello Boudigues, Charlotte de Lame et Laurie Vanoverschelde;
. Me P. Levert, qui comparaissait également loco Me A. Feyt, pour la Communauté française, représentée par son Gouvernement;
- les juges-rapporteurs T. Giet et S. de Bethune ont fait rapport;
- les avocats précités ont été entendus;
- les affaires ont été mises en délibéré.
Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives à la procédure et à l’emploi des langues ont été appliquées.
II. Les faits et les procédures antérieures
Dans les litiges pendants devant le juge a quo, plusieurs étudiants sollicitent, dans le cadre de la procédure d’extrême urgence, la suspension de l’exécution des décisions du délégué du Gouvernement auprès des Universités de Louvain, de Namur et de Liège déclarant non fondés leurs recours contre le refus de leur inscription en bloc 2
du bachelier en sciences vétérinaires pour l’année académique 2021-2022.
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Au cours de l’année académique 2019-2020, ces étudiants étaient inscrits en bloc 1 du bachelier; ils avaient participé au concours organisé en vue de l’obtention d’une des « attestations d’accès à la suite du programme du cycle » exigées par le décret de la Communauté française du 13 juillet 2016 « relatif aux études de sciences vétérinaires » (ci-après : le décret du 13 juillet 2016), mais ils n’avaient pas été classés en ordre utile. À l’issue de cette année académique, ils avaient acquis 45 crédits du bloc 1 du programme du cycle d’études.
L’article 12 du décret du 13 juillet 2016 prévoyait que ce décret produirait ses effets jusqu’à l’année académique 2019-2020 incluse, et qu’il ferait l’objet d’une évaluation, par le Gouvernement, au plus tard durant cette année académique.
Toutefois, le décret de la Communauté française du 22 octobre 2020 a modifié l’article 12 du décret du 13 juillet 2016 pour prolonger les effets du décret du 13 juillet 2016 jusqu’à l’année académique 2020-2021
incluse, de sorte qu’en application de ce décret, les étudiants requérants n’ont pas été autorisés à accéder au bloc 2
lors de l’année académique 2020-2021, faute d’une attestation d’accès à la suite du programme du cycle.
Alors qu’elle était saisie à titre préjudiciel par le Conseil d’État, la Cour, par son arrêt n° 82/2021 du 3 juin 2021, a dit pour droit que les articles 1er et 2 du décret du 22 octobre 2020 violaient les articles 10, 11, et 24, § 3, première phrase, de la Constitution, lus en combinaison avec le principe général de la non-rétroactivité des lois, en ce qu’ils conféraient un effet rétroactif à la prolongation des effets de l’article 4 du décret du 13 juillet 2016 au-
delà de l’année académique 2019-2020. Alors qu’elle était saisie en application de l’article 4, alinéa 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989, la Cour, par son arrêt n° 150/2021 du 21 octobre 2021, a annulé les articles 1er et 2 du décret du 22 octobre 2020 précité.
La Communauté française a une nouvelle fois modifié le décret du 13 juillet 2016, par un décret du 17 juin 2021, qui est entré en vigueur à partir de l’année académique 2021-2022, sauf en ce qui concerne, notamment, son article 9, lequel abroge la deuxième phrase de l’article 12 du décret du 13 juillet 2016, qui est entré en vigueur le 15 juin 2021.
En octobre 2021, les étudiants requérants ont demandé de pouvoir accéder au bloc 2 des études de sciences vétérinaires au cours de l’année académique 2021-2022, ce qui leur a été refusé, par les universités concernées, à défaut pour eux de pouvoir produire l’attestation d’accès à la suite du programme du cycle d’études requise par l’article 4 du décret du 13 juillet 2016, tel qu’il s’applique en vertu du décret du 17 juin 2021 précité.
Considérant que le recours à la procédure d’extrême urgence était recevable, le juge a quo a estimé que, du fait de l’annulation du décret du 22 octobre 2020, aucune attestation d’accès à la suite du programme du cycle d’études n’était requise pour l’année académique 2020-2021. Par le décret du 17 juin 2021, le législateur a voulu réinstaurer cette obligation d’attestation dès l’année académique 2021-2022, sans toutefois opérer de distinction entre les étudiants qui n’ont pas été dispensés de l’obligation d’obtention de l’attestation et ceux qui, comme les étudiants requérants, en ont été dispensés lors de l’année académique 2020-2021 et auraient déjà dû pouvoir accéder à ce bloc sans posséder l’attestation précitée, s’ils n’en avaient pas été empêchés illégalement. Estimant que cette identité de traitement soulevait un doute sérieux quant à la compatibilité du décret du 17 juin 2021 avec les articles 10, 11 et 24 de la Constitution, le juge a quo a décidé d’interroger la Cour et, dans l’attente de la réponse qui serait apportée par la Cour, de suspendre provisoirement l’exécution des actes attaqués.
III. En droit
–A–
A.1. Le Gouvernement de la Communauté française expose que le décret du 17 juin 2021 a pour effet de confirmer et de pérenniser le mécanisme de concours et d’attestation d’accès applicable, pour le futur et dès l’année
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académique 2021-2022, à l’égard de tous les étudiants qui souhaitent s’inscrire en deuxième année des études vétérinaires. Il invite la Cour à répondre aux deux questions préjudicielles par la négative.
A.2. La critique que sous-tend la première question préjudicielle équivaut à reprocher au législateur de ne pas avoir prévu une disposition transitoire qui aurait permis aux étudiants « reçus-collés » de l’année académique 2019-2020, lesquels n’étaient pas soumis à un filtre lors de l’année académique 2020-2021, de s’inscrire sans aucun filtre pour l’année académique 2021-2022. Or, il est justifié et raisonnable que le décret du 17 juin 2021 ne contienne pas une telle disposition transitoire.
Ainsi, le décret du 22 octobre 2020 prévoyait une évaluation à la fin de l’année académique 2019-2020, mais celle-ci n’a pu avoir lieu pour diverses raisons, parmi lesquelles la crise du Covid-19. Dans ses arrêts nos 82/2021
et 150/2021, la Cour ne s’est prononcée que sur l’effet rétroactif du décret du 22 octobre 2020 et elle n’a pas considéré que, pour la période postérieure à l’entrée en vigueur de ce décret, le régime du concours et de l’attestation d’accès serait invalide. Au contraire, ce régime n’a jamais été remis en cause, de sorte que les requérants devant le juge a quo ne pouvaient légitimement pas croire que ce système serait abandonné lors de l’année académique 2021-2022. Enfin, le fait que les requérants aient été illégalement privés de la possibilité de s’inscrire pour l’année académique 2020-2021 est sans incidence, dès lors qu’il faut présentement examiner la discrimination dénoncée au regard d’une inscription pour l’année académique 2021-2022.
Il serait inconcevable, eu égard à la ratio legis du filtre d’accès, d’adopter une disposition transitoire qui aurait permis de créer une deuxième cohorte d’étudiants, soit les 148 « reçus-collés » de l’année académique 2019-
2020, lesquels seraient venus s’ajouter aux étudiants de la cohorte 2020-2021 qui, sur la base de leur attestation obtenue en septembre 2021, étaient en droit de s’inscrire en deuxième année du baccalauréat des études en sciences vétérinaires pour l’année académique 2020-2021.
A.3. Concernant la seconde question préjudicielle, le Gouvernement de la Communauté française rappelle que le filtre d’accès aux études vétérinaires date de 2016 et qu’il se justifie pleinement au regard des contraintes liées à l’organisation de l’enseignement en sciences vétérinaires et à la qualité de l’enseignement face à un afflux important d’étudiants. Le débat parlementaire qui a conduit à l’adoption du décret du 17 juin 2021 portait sur l’aménagement d’une situation provisoire, dans l’attente de la discussion au fond qui serait menée par le Gouvernement après l’évaluation du décret du 13 juillet 2016, et un amendement a prévu que cette évaluation aurait lieu durant l’année académique 2025-2026.
Les articles 8 et 9 du décret du 17 juin 2021 s’inscrivent dès lors dans la continuité du décret du 13 juillet 2016, avec pour garde-fou une nouvelle évaluation en 2025-2026, mais le filtre établi en 2016 a toujours reposé sur des justifications suffisantes et raisonnablement proportionnées au but poursuivi, notamment à l’objectif de protection de la santé publique, que la Cour a admis dans son arrêt n° 89/2011 du 31 mai 2011.
A.4. Les dix étudiants requérants devant le juge a quo invitent la Cour à répondre à la première question préjudicielle par l’affirmative. Ils constatent que le décret du 17 juin 2021 traite de la même manière, sans qu’existe une justification à cet égard, deux catégories d’étudiants qui se trouvent dans des situations différentes, à savoir, d’une part, les étudiants « reçus-collés » de l’année académique 2019-2020 qui, eux seuls, n’étaient plus soumis à un filtre lors de l’année académique 2020-2021 et auraient donc tout à fait pu s’inscrire valablement en bloc 2 de sciences vétérinaires et, d’autre part, tous les autres étudiants qui ont toujours été soumis à l’obligation d’obtention de l’attestation d’accès au bloc 2 des études de sciences vétérinaires.
Le Conseil d’État a d’ailleurs considéré à juste titre que la critique de constitutionnalité était sérieuse. La Cour aussi, par l’arrêt n° 142/2017 du 30 novembre 2017, a censuré un décret instaurant un nouveau filtre académique pour les études de médecine et de dentisterie, en ce que ce décret ne tenait pas compte de la situation d’étudiants qui, contrairement à tous les autres, n’étaient pas tenus de présenter le concours au moment de son entrée en vigueur.
A.5. En ce qui concerne la seconde question préjudicielle, les parties requérantes devant le juge a quo rappellent que le droit à l’enseignement supérieur est consacré par l’article 24, § 3, de la Constitution, mais également par l’article 2 du Premier Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme et par l’article 13, paragraphe 2, c), du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Pour
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être admissible au regard de ces dispositions, l’instauration de filtres académiques doit satisfaire à trois critères :
respecter le principe d’égalité, être suffisamment justifiée et ne pas constituer un recul au regard de l’obligation de standstill déduite de l’article 13 du Pacte précité.
En l’espèce, le législateur a instauré, sans qu’existe la moindre justification, un filtre pour l’année académique 2021-2022 à l’égard d’étudiants qui n’étaient soumis à aucun filtre lors de l’année académique 2020-
2021, ce qui, sans qu’existe une justification, rompt ainsi l’égalité entre étudiants et entraîne un recul dans la protection du droit de ces étudiants à accéder à l’enseignement supérieur.
A.6. Dans son mémoire en réponse, le Gouvernement de la Communauté française constate que l’arrêt n° 142/2017 n’est nullement transposable en l’espèce, puisque la Cour y censurait le caractère discriminatoire du régime transitoire instauré, ce qui n’est pas du tout le grief visé en l’espèce.
A.7. Dans leur mémoire en réponse, les parties requérantes devant le juge a quo soulignent, en ce qui concerne la première question préjudicielle, que s’il existe une continuité dans l’obligation de réussite du concours, celle-ci ne vaut pas pour les « reçus-collés » de l’année académique 2019-2020, pour lesquels l’instauration d’un filtre par le décret du 17 juin 2021 constitue une réglementation nouvelle. C’est d’ailleurs ainsi que le Gouvernement de la Communauté française a compris la critique qu’il identifie dans l’absence d’une disposition transitoire.
Les parties requérantes devant le juge a quo répondent qu’à la suite de l’annulation du décret du 22 octobre 2020 par l’arrêt n° 150/2021, rien ne les empêchait légalement de poursuivre leur cursus à l’entame de l’année académique 2020-2021, de sorte qu’elles pouvaient légitimement espérer pouvoir poursuivre leur cursus, à la différence de tous les autres étudiants qui, depuis l’entrée en vigueur du décret du 13 juillet 2016, ont été soumis à un filtre, sans discontinuité. Il y a donc eu une atteinte excessive au principe de confiance légitime des parties requérantes devant le juge a quo.
Contrairement à ce que soutient le Gouvernement de la Communauté française, le nombre d’étudiants « reçus-collés » qui viendraient s’ajouter à la cohorte 2021-2022 n’est pas de 148, mais de nettement moins d’une cinquantaine, puisqu’une grande partie de ces étudiants « reçus-collés » ont présenté à nouveau et réussi le concours organisé en juin 2021, ou se sont réorientés vers d’autres études à l’entame de l’année académique 2021-
2022. Pour le surplus, il n’existe aucune justification raisonnable qui, dans un rapport de proportionnalité au but poursuivi, expliquerait que la situation particulière des « reçus-collés » de 2019-2020 ne retienne pas l’attention du législateur.
A.8. En ce qui concerne la seconde question préjudicielle, les parties requérantes devant le juge a quo répondent que c’est uniquement le décret du 17 juin 2021 et ses motifs qu’il convient d’apprécier en l’espèce.
L’argumentation du Gouvernement de la Communauté française selon laquelle la mesure en cause ne créerait pas un nouveau filtre à l’égard de ces étudiants est d’ailleurs en contradiction avec ce qu’il dit en ce qui concerne la première question préjudicielle et l’absence d’une disposition transitoire; cette argumentation ne peut être suivie, dès lors qu’elle reviendrait à considérer que les parties requérantes étaient soumises à un filtre en 2020-2021, ce qui n’est pas le cas, en raison de l’annulation décidée par l’arrêt n° 150/2021.
Enfin, l’arrêt n° 89/2011, évoqué par le Gouvernement de la Communauté française, concernait la limitation du nombre d’étudiants non-résidents au regard de leur liberté de circulation, ce qui ne constitue nullement la problématique d’espèce.
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-B-
Quant au décret en cause et à son contexte
B.1. Le programme du premier cycle des études universitaires de sciences vétérinaires, dont la réussite est sanctionnée par l’obtention du grade de bachelier, est divisé en trois « blocs annuels de 60 crédits » (article 15, § 1er, 10°, 26°, 41° et 58°, du décret de la Communauté française du 7 novembre 2013 « définissant le paysage de l’enseignement supérieur et l’organisation académique des études »; article 83, § 1er, 12°, et article 124, alinéa 3, du même décret).
L’article 100, § 2, du décret du 7 novembre 2013, tel qu’il a été remplacé par l’article 16
du décret du 3 mai 2019 « portant diverses mesures relatives à l’Enseignement supérieur et à la Recherche », dispose :
« Au-delà des 60 premiers crédits du programme d’études de premier cycle, le programme annuel d’un étudiant comprend :
1° les unités d’enseignement du programme d’études auxquelles il avait déjà été inscrit et dont il n’aurait pas encore acquis les crédits correspondants, à l’exception des unités optionnelles du programme qui avaient été choisies par l’étudiant qu’il peut délaisser;
2° des unités d’enseignement de la suite du programme du cycle, pour lesquelles il remplit les conditions prérequises ».
B.2.1. L’article 4 du décret du 13 juillet 2016 « relatif aux études de sciences vétérinaires » (ci-après : le décret du 13 juillet 2016) dispose :
« Pour l’application de l’article 100, § 2 du décret du 7 novembre 2013, au-delà des 60 premiers crédits du programme d’études de premier cycle, seuls les étudiants porteurs d’une attestation d’accès à la suite du programme du cycle peuvent inscrire dans leur programme d’études les unités d’enseignement de la suite du programme du premier cycle en sciences vétérinaires ».
Le nombre global des « attestations d’accès à la suite du programme du cycle » qui sont délivrées chaque année en Communauté française est fixé à 276 pour l’ensemble des universités organisant la filière de sciences vétérinaires, sauf dérogation par le Gouvernement de la Communauté française sur proposition motivée de l’Académie de Recherche et
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d’Enseignement supérieur. Le Gouvernement de la Communauté française arrête annuellement le nombre d’attestations que chaque université qui organise des études de sciences vétérinaires pourra délivrer (article 5 du décret du 13 juillet 2016).
Pour pouvoir obtenir une des attestations disponibles dans l’université au sein de laquelle il a suivi ses études, l’étudiant doit avoir « acquis au moins 45 des 60 premiers crédits du programme d’études de premier cycle » et avoir été classé en ordre utile à l’issue d’un concours organisé par son université à la fin du deuxième quadrimestre de l’année académique (article 6
du décret du 13 juillet 2016). Un étudiant ne peut représenter ce concours qu’une seule fois, en règle lors de l’année académique suivante (article 8 du même décret). Les attestations sont délivrées par chaque université au plus tard le 13 septembre (article 6, § 2, alinéa 2, du même décret).
B.2.2. À l’origine, l’article 12 du décret du 13 juillet 2016 disposait :
« Le présent décret entre en vigueur pour l’année académique 2016-2017, à l’exception des articles 2 et 4 qui entrent en vigueur pour l’année académique 2017-2018. Le présent décret produit ses effets jusqu’à l’année académique 2019-2020 incluse. Il fera l’objet d’une évaluation, par le Gouvernement, au plus tard durant l’année académique 2019-2020 ».
Il résulte de ce texte que l’article 4 du décret du 13 juillet 2016, cité en B.2.1, ne produisait pas d’effets pour l’année académique 2020-2021. Dès lors qu’une année académique « commence le 14 septembre » (article 15, § 1er, 6°, du décret du 7 novembre 2013), un étudiant pouvait donc, le 14 septembre 2020 et les semaines suivantes, s’inscrire au deuxième « bloc annuel de 60 crédits » du programme du premier cycle des études universitaires de sciences vétérinaires, même s’il n’était pas porteur de l’« attestation d’accès à la suite du programme du cycle » visée à l’article 4 du décret du 13 juillet 2016.
B.3.1. L’article 1er du décret du 22 octobre 2020 « modifiant le décret du 13 juillet 2016
relatif aux études de sciences vétérinaires » (ci-après : le décret du 22 octobre 2020) a modifié l’article 12 du décret du 13 juillet 2016, cité en B.2.2, en remplaçant, dans sa deuxième phrase, les termes « 2019-2020 » par les termes « 2020-2021 ».
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L’article 2 du décret du 22 octobre 2020 disposait :
« Le présent décret produit ses effets le 1er juillet 2020 ».
B.3.2. Le décret du 22 octobre 2020 a été publié au Moniteur belge du 29 octobre 2020.
En vertu de l’article 56 de la loi spéciale du 8 août 1980 de réformes institutionnelles, ce décret est donc entré en vigueur le dixième jour après cette publication, soit le 8 novembre 2020.
B.4.1. Comme il est dit en B.2.2, une année académique « commence le 14 septembre ».
L’année académique 2020-2021 a donc commencé le 14 septembre 2020.
Avant sa modification par l’article 1er du décret du 22 octobre 2020, l’article 12 du décret du 13 juillet 2016 ne permettait pas l’application de l’article 4 du même décret, reproduit en B.2.1, durant l’année académique 2020-2021. L’un des effets de la modification de l’article 12
du décret du 13 juillet 2016 par le décret du 22 octobre 2020 est de permettre l’application de cet article 4 durant cette année académique.
Vu que, comme il est dit en B.3.2, l’article 1er du décret du 22 octobre 2020 n’est entré en vigueur que le 8 novembre 2020, c’est-à-dire lorsque l’année académique 2020-2021 était déjà entamée, il avait un effet rétroactif en ce qu’il permettait l’application de l’article 4 du décret du 13 juillet 2016 durant la partie de cette année académique qui était antérieure à l’entrée en vigueur du décret du 22 octobre 2020.
B.4.2. En disposant que l’article 1er du décret du 22 octobre 2020 produisait ses effets dès le 1er juillet 2020, l’article 2 de ce décret indiquait qu’il y avait lieu de considérer qu’à partir de ce jour-là, il n’était pas possible d’inscrire un étudiant qui n’était pas porteur de l’« attestation d’accès à la suite du programme du cycle » visée à l’article 4 du décret du 13 juillet 2016 au deuxième « bloc annuel de 60 crédits » du programme du premier cycle des études universitaires de sciences vétérinaires.
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B.5.1. Par l’arrêt n° 82/2021 du 3 juin 2021, la Cour a dit pour droit, en réponse à une question préjudicielle du Conseil d’État, que les articles 1er et 2 du décret du 22 octobre 2020
violaient les articles 10, 11 et 24, § 3, première phrase, de la Constitution, lus en combinaison avec le principe général de la non-rétroactivité des lois, en ce qu’ils conféraient un effet rétroactif à la prolongation des effets de l’article 4 du décret du 13 juillet 2016 au-delà de l’année académique 2019-2020.
B.5.2. Par cet arrêt, la Cour a jugé :
« B.6. La non-rétroactivité des lois est une garantie ayant pour but de prévenir l’insécurité juridique. Cette garantie exige que le contenu du droit soit prévisible et accessible, de sorte que le justiciable puisse prévoir, dans une mesure raisonnable, les conséquences d’un acte déterminé au moment où cet acte est accompli. La rétroactivité ne se justifie que si elle est indispensable à la réalisation d’un objectif d’intérêt général.
[…]
B.7. Une règle doit être qualifiée de rétroactive si elle s’applique à des faits, actes et situations qui étaient définitivement accomplis au moment où elle est entrée en vigueur.
[…]
B.9. Saisie le 22 juillet 2020 d’une demande d’avis sur un avant-projet de décret contenant des dispositions identiques à ces deux articles du décret du 22 octobre 2020, la section de législation du Conseil d’État rappelle, dans l’avis 67.831/2 du 21 septembre 2020, que la non-
rétroactivité des lois a pour but de prévenir l’insécurité juridique et que la rétroactivité d’une disposition législative ne se justifie que si elle est indispensable à la réalisation d’un objectif d’intérêt général. Dans cet avis, la section de législation du Conseil d’État invite l’auteur des dispositions visées à exposer la justification de l’effet rétroactif des mesures envisagées (Doc.
parl., Parlement de la Communauté française, 2020-2021, n° 127/1, pp. 34- 35, 38 et 47).
B.10. Les auteurs du décret du 22 octobre 2020 justifient la rétroactivité attachée à la prolongation des effets de l’article 4 du décret du 13 juillet 2016 au-delà de l’année académique 2019-2020 par ‘ la nécessité de donner une base légale ’, par le ‘ souci de sécurité juridique ’ et par la nécessité de disposer de l’évaluation prévue par l’article 12 du même décret (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2020-2021, n° 129/1, pp. 3-4; CRI, Parlement de la Communauté française, n° 5, 21 octobre 2020, pp. 30-31).
B.11. De telles justifications ne suffisent pas pour qu’il soit établi que l’effet rétroactif qui résulte des deux dispositions en cause est indispensable à la réalisation d’un objectif d’intérêt général ».
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B.6.1. Alors qu’elle était saisie en application de l’article 4, alinéa 2, de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, la Cour, par son arrêt n° 150/2021 du 21 octobre 2021, a annulé les articles 1er et 2 du décret du 22 octobre 2020, en ce qu’ils conféraient un effet rétroactif à la prolongation des effets de l’article 4 du décret du 13 juillet 2016 au-delà de l’année académique 2019-2020.
Dès lors que les recours en annulation de ces mêmes dispositions, introduits respectivement par l’ASBL « Fédération des Étudiant(e)s Francophones » et par 31 étudiants qui, au terme de l’année académique 2019-2020, avaient acquis au moins 45 crédits mais n’étaient pas classés en ordre utile pour obtenir l’une des « attestations d’accès à la suite du programme du cycle », ont perdu leur objet à la suite de cet arrêt d’annulation, ils ont été rejetés par les arrêts nos 152/2021 du 21 octobre 2021 et 191/2021 du 23 décembre 2021.
B.6.2. Il découle de cette annulation que les effets de l’article 4 du décret du 13 juillet 2016
ne pouvaient pas être prolongés, par un décret ayant un effet rétroactif, au-delà de l’année académique 2019-2020.
B.7.1. Le décret de la Communauté française du 17 juin 2021 « modifiant le décret du 13 juillet 2016 relatif aux études de sciences vétérinaires » (ci-après : le décret du 17 juin 2021)
modifie une nouvelle fois les effets dans le temps de l’article 4 du décret du 13 juillet 2016.
L’article 9 du décret du 17 juin 2021 abroge la deuxième phrase de l’article 12 du décret du 13 juillet 2016, laquelle limitait dans le temps les effets du décret du 13 juillet 2016 « jusqu’à l’année académique 2019-2020 incluse ». Cette disposition « vise à supprimer la limitation dans le temps des effets du décret jusqu’à l’année académique 2020-2021, et donc à stabiliser le dispositif dans le temps » (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2020-2021, n° 241/1, p. 7), en partant du constat que « l’établissement d’un filtre à la fin de la première année en sciences vétérinaires [apparaît] l’option la plus adaptée à la situation en Fédération Wallonie-Bruxelles » (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2020-2021, n° 241/3, p. 3).
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L’article 8 du décret du 17 juin 2021 complète l’article 12 du décret du 13 juillet 2016 par une phrase rédigée comme suit :
« Une seconde évaluation sera réalisée par le Gouvernement au plus tard durant l’année académique 2025-2026 ».
L’article 12 du décret du 17 juin 2021 prévoit que ce décret entre en vigueur à partir de l’année académique 2021-2022, sauf en ce qui concerne les articles 1er, 8 et 9, qui, eux, entrent en vigueur le 15 juin 2021.
B.7.2. Tel qu’il a été modifié par les articles 8 et 9 du décret du 17 juin 2021, l’article 12
du décret du 13 juillet 2016 dispose :
« Le présent décret entre en vigueur pour l’année académique 2016-2017, à l’exception des articles 2 et 4 qui entrent en vigueur pour l’année académique 2017-2018. Il fera l’objet d’une évaluation, par le Gouvernement, au plus tard durant l’année académique 2019-2020. Une seconde évaluation sera réalisée par le Gouvernement au plus tard durant l’année académique 2025-2026 ».
B.7.3. L’abrogation de la deuxième phrase de l’article 12 du décret du 13 juillet 2016, conformément à l’article 9 du décret du 17 juin 2021, en vigueur le 15 juin 2021, a pour conséquence que l’article 4 du décret du 13 juillet 2016 peut à nouveau, à partir de l’année académique 2021-2022, sortir ses effets. Une telle disposition n’a pas de caractère rétroactif.
Il découle de ce régime, lu en combinaison avec les arrêts de la Cour nos 82/2021 et 150/2021, que l’article 4 du décret du 13 juillet 2016 a pu sortir ses effets à partir de l’année académique 2016-2017 et pourra sortir ses effets pour le futur. En revanche, il n’a pas pu sortir ses effets pour l’année académique 2020-2021, mais uniquement dans la mesure du caractère rétroactif, censuré, du décret du 22 octobre 2020.
Quant au fond
B.8. Dans les litiges pendants devant le juge a quo, des étudiants qui, au terme de l’année académique 2019-2020, avaient acquis au moins 45 crédits sans être classés en ordre utile pour l’obtention de l’« attestation d’accès à la suite du programme du cycle » requise par l’article 4
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du décret du 13 juillet 2016, ont introduit un recours contre le refus de leur inscription au bloc 2
de bachelier en sciences vétérinaires pour l’année académique 2021-2022.
B.9.1. La première question préjudicielle invite la Cour à se prononcer sur la compatibilité du décret du 17 juin 2021 avec les articles 10, 11 et 24 de la Constitution, en ce qu’il traite de la même manière les étudiants qui, au terme de l’année académique 2019-2020, avaient acquis au moins 45 crédits et ne devaient pas obtenir une attestation de réussite à l’issue du concours de fin d’année et tous les autres étudiants qui n’ont pas été dispensés de cette obligation d’obtention de l’attestation pour l’accès au bloc 2 des études de sciences vétérinaires.
La seconde question préjudicielle invite la Cour à se prononcer sur la compatibilité du décret du 17 juin 2021 avec les articles 10, 11 et 24, § 3, de la Constitution, combinés avec l’article 2 du Premier protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme et avec l’article 13, paragraphe 2, c), du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, en ce qu’il instaure un nouveau filtre académique à partir de l’année 2021-2022 pour des étudiants qui pouvaient auparavant poursuivre leurs études sans filtre, et ce, sans aucune justification suffisante et raisonnablement proportionnée au but poursuivi.
B.9.2. Les questions préjudicielles invitent la Cour à se prononcer sur la compatibilité du décret du 17 juin 2021 avec les articles 10, 11 et 24 de la Constitution, en ce qu’il rétablit, à partir de l’année académique 2021-2022, le filtre académique qui était prévu par l’article 4 du décret du 13 juillet 2016, sans créer de régime spécifique, par rapport aux autres étudiants, pour « les étudiants qui, au terme de l’année académique 2019-2020, avaient acquis au moins 45 crédits et ne devaient pas obtenir une attestation de réussite à l’issue du concours de fin d’année ».
Ces questions préjudicielles portent dès lors, en substance, sur la compatibilité du décret du 17 juin 2021 avec les articles 10, 11 et 24 de la Constitution, en ce qu’il traite de la même manière deux catégories d’étudiants qui se trouveraient dans des situations essentiellement différentes, et plus précisément en ce qu’il ne prévoit pas de régime transitoire à l’égard des étudiants relevant de la catégorie précitée, dont la situation serait à ce point essentiellement différente de celle des autres étudiants qu’il se justifierait de ne pas leur appliquer l’exigence
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de l’« attestation d’accès à la suite du programme du cycle » requise par l’article 4 du décret du 13 juillet 2016, pour l’année académique 2021-2022.
B.9.3. Eu égard à leur connexité, la Cour examine les questions préjudicielles conjointement.
B.9.4. Il ressort par ailleurs de la formulation des questions préjudicielles et des décisions de renvoi que les questions préjudicielles portent uniquement sur l’article 9 du décret du 17 juin 2021.
La Cour limite dès lors son examen à cette disposition.
B.10.1. Le principe d’égalité et de non-discrimination n’exclut pas qu’une différence de traitement soit établie entre des catégories de personnes, pour autant qu’elle repose sur un critère objectif et qu’elle soit raisonnablement justifiée. Ce principe s’oppose, par ailleurs, à ce que soient traitées de manière identique, sans qu’apparaisse une justification raisonnable, des catégories de personnes se trouvant dans des situations qui, au regard de la mesure critiquée, sont essentiellement différentes.
L’existence d’une telle justification doit s’apprécier en tenant compte du but et des effets de la mesure critiquée ainsi que de la nature des principes en cause; le principe d’égalité et de non-discrimination est violé lorsqu’il est établi qu’il n’existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé.
B.10.2. Il appartient en principe au législateur, lorsqu’il décide d’introduire une nouvelle réglementation, d’estimer s’il est nécessaire ou opportun d’assortir celle-ci de dispositions transitoires. Le principe d’égalité et de non-discrimination n’est violé que si le régime transitoire ou son absence entraîne une différence de traitement dénuée de justification raisonnable ou s’il est porté une atteinte excessive au principe de la confiance légitime.
B.10.3. La Cour doit dès lors examiner si les étudiants qui relèvent de la catégorie visée en B.9.2 se trouvent, au regard de la mesure en cause, dans une situation qui diffère
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essentiellement de celle des autres étudiants, en ce qui concerne leur inscription aux activités d’apprentissage de la deuxième année du cycle d’études en sciences vétérinaires pour l’année académique 2021-2022.
B.11.1. Comme il est dit en B.2, le régime initial de l’« attestation d’accès à la suite du programme du cycle » exigée par l’article 4 du décret du 13 juillet 2016 ne devait en principe plus produire d’effets au-delà de l’année académique 2019-2020. Cependant, l’article 12 du décret du 13 juillet 2016 prévoyait également, dans sa version initiale, que ce régime ferait l’objet d’une évaluation, par le Gouvernement, au plus tard durant l’année académique 2019-
2020.
Une éventuelle prolongation de cette mesure nécessitait par conséquent une modification du décret, sans toutefois que le décret du 13 juillet 2016 crée des droits acquis ou des espérances légitimes quant au fait que le régime d’« attestation d’accès à la suite du programme du cycle »
ne puisse être prolongé par le législateur décrétal au-delà de l’année académique 2019-2020.
B.11.2. Au vu de ce qui précède, la disposition en cause, en prolongeant dans le temps, à partir de l’année académique 2021-2022, les effets du régime d’« attestation d’accès à la suite du programme du cycle » instauré par l’article 4 du décret du 13 juillet 2016, ne crée pas un « nouveau » filtre académique.
B.11.3. Comme il est dit en B.5 et en B.6, le constat d’inconstitutionnalité établi par l’arrêt n° 82/2021, suivi de l’arrêt d’annulation n° 150/2021, ne portait que sur le caractère rétroactif du décret du 22 octobre 2020, en ce que celui-ci empêchait, de manière rétroactive, un étudiant ayant acquis au moins 45 crédits au cours de l’année académique 2019-2020 de pouvoir s’inscrire, pour l’année académique 2020-2021, au deuxième « bloc annuel de 60 crédits » du programme du premier cycle des études universitaires de sciences vétérinaires, même s’il n’était pas porteur de l’« attestation d’accès à la suite du programme du cycle » visée à l’article 4 du décret du 13 juillet 2016.
L’inconstitutionnalité censurée par les arrêts nos 82/2021 et 150/2021 portait uniquement sur le fait que l’entrée en vigueur, le 8 novembre 2020, des articles 1er et 2 du décret du 22 octobre 2020 avait eu pour effet de remettre en cause la validité de ce type d’inscription,
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telle que celle qui était en cause dans l’affaire qui a donné lieu à ces arrêts. Au-delà de ce caractère rétroactif, la Cour n’a pas remis en cause la prolongation des effets de l’article 4
précité au-delà de l’année académique 2019-2020.
B.12.1. Au regard de la portée des arrêts nos 82/2021 et 150/2021, la catégorie des étudiants visés en B.9.2, à savoir « les étudiants qui, au terme de l’année académique 2019-2020, avaient acquis au moins 45 crédits et ne devaient pas obtenir une attestation de réussite à l’issue du concours de fin d’année », englobe des étudiants qui ne se trouvent pas, au regard de la mesure en cause, dans une situation essentiellement différente de celle des autres étudiants en ce qui concerne leur inscription aux activités d’apprentissage de la deuxième année du cycle d’études année du cycle d’études en sciences vétérinaires pour l’année académique 2021-2022 et l’exigence selon laquelle ils doivent être porteurs de l’« attestation d’accès à la suite du programme du cycle » visée à l’article 4 du décret du 13 juillet 2016.
Ainsi, les étudiants qui, au terme de l’année académique 2019-2020, avaient acquis au moins 45 crédits sans être porteurs de l’attestation précitée mais qui ont sollicité leur inscription après le 8 novembre 2020, ou qui ne l’ont pas sollicitée, pour l’année académique 2020-2021, ne peuvent pas être considérés comme ayant été empêchés, par l’effet rétroactif du décret du 22 octobre 2020, de s’inscrire aux activités d’apprentissage de la deuxième année du cycle d’études entamé lors de l’année académique 2019-2020. Ces étudiants ne pouvaient donc pas légitimement espérer pouvoir s’inscrire, au cours de leur cursus, pour cette année académique sans être porteurs de l’« attestation d’accès à la suite du programme du cycle » visée à l’article 4
du décret du 13 juillet 2016.
Par ailleurs, les étudiants qui, au terme de l’année académique 2019-2020, avaient acquis au moins 45 crédits sans être porteurs de l’attestation précitée, mais qui auraient obtenu, avant le 8 novembre 2020, leur inscription, le cas échéant provisoire, pour l’année académique 2020-
2021, aux activités d’apprentissage de la deuxième année du cycle d’études entamé lors de l’année académique 2019-2020 peuvent bénéficier de l’effet erga omnes de l’arrêt d’annulation n° 150/2021. Les étudiants qui ont été inscrits, pour l’année académique 2020-2021, aux activités d’apprentissage de la deuxième année du cycle d’études alors qu’ils avaient acquis au
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moins 45 crédits au terme de l’année académique 2019-2020 mais qui n’avaient pas obtenu d’« attestation d’accès à la suite du programme du cycle » ont de facto été dispensés de cette exigence d’« attestation d’accès à la suite du programme du cycle ».
Enfin, les étudiants qui, au terme de l’année académique 2019-2020, avaient acquis au moins 45 crédits mais qui n’avaient pas été classés en ordre utile au concours en vue de l’obtention d’une des « attestations d’accès à la suite du programme du cycle » ont pu se réinscrire, pour l’année académique 2020-2021, dans le programme des 60 premiers crédits du cycle d’études en sciences vétérinaires en vue de représenter le concours, ou se réorienter en valorisant les crédits acquis tout en gardant l’opportunité de représenter le concours (articles 7
et 8 du décret du 13 juillet 2016; voy. aussi Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2015-2016, n° 311/2, pp. 6-7).
B.12.2. Compte tenu de ce qui précède, l’article 9 du décret du 17 juin 2021, en ce qu’il s’applique de la même manière aux étudiants qui s’inscrivent aux activités d’apprentissage de la deuxième année du cycle d’études en sciences vétérinaires pour l’année académique 2021-
2022, en ce compris aux étudiants qui, au terme de l’année académique 2019-2020, avaient acquis au moins 45 crédits sans être porteurs d’une « attestation d’accès à la suite du programme du cycle », n’est pas incompatible avec les articles 10, 11 et 24 de la Constitution.
B.13. La Cour observe toutefois que, au sein de la catégorie globale d’étudiants visée en B.9.2, des étudiants qui, au terme de l’année académique 2019-2020, avaient acquis au moins 45 crédits sans être porteurs de l’attestation précitée et qui démontreraient avoir demandé, avant le 8 novembre 2020, leur inscription aux activités d’apprentissage de la deuxième année du cycle d’études entamé lors de l’année académique 2019-2020, mais qui en auraient été empêchés en vertu du caractère rétroactif du décret du 22 octobre 2020, pourraient avoir légitimement espéré pouvoir s’inscrire pour cette année académique 2020-2021 sans être porteurs de l’« attestation d’accès à la suite du programme du cycle » visée à l’article 4 du décret du 13 juillet 2016.
À supposer que certains des étudiants impliqués dans les litiges pendants devant le juge a quo relèvent de cette catégorie spécifique - ce qu’il appartient au juge a quo de vérifier -,
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ceux-ci se trouveraient alors dans une situation qui diffère essentiellement de celle des autres étudiants au regard de l’espérance légitime, qu’ils ont pu nourrir temporairement, de pouvoir accéder à ces activités d’apprentissage sans être porteurs de l’« attestation d’accès à la suite du programme du cycle » visée à l’article 4 du décret du 13 juillet 2016.
L’article 9 du décret du 17 juin 2021, en ce qu’il s’appliquerait à cette catégorie très limitée d’étudiants quant à leur inscription, pour l’année académique 2021-2022, aux activités d’apprentissage de la deuxième année du cycle d’études en sciences vétérinaires entamé lors de l’année académique 2019-2020, ne serait alors pas compatible avec les articles 10, 11 et 24 de la Constitution.
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Par ces motifs,
la Cour
dit pour droit :
Sous réserve de ce qui est dit en B.13, l’article 9 du décret de la Communauté française du 17 juin 2021 « modifiant le décret du 13 juillet 2016 relatif aux études de sciences vétérinaires »
ne viole pas les articles 10, 11 et 24 de la Constitution.
Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l’article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 22 juillet 2022.
Le greffier, Le président,
P.-Y. Dutilleux P. Nihoul


Synthèse
Numéro d'arrêt : 101/2022
Date de la décision : 22/07/2022
Type d'affaire : Droit constitutionnel

Analyses

Non-violation (art. 9 du décret de la Communauté française du 17 juin 2021, sous réserve de ce qui est dit en B.13)

COUR CONSTITUTIONNELLE - DROIT PUBLIC ET ADMINISTRATIF - COUR CONSTITUTIONNELLE - les questions préjudicielles concernant le décret de la Communauté française du 17 juin 2021 « modifiant le décret du 13 juillet 2016 relatif aux études de sciences vétérinaires », posées par le Conseil d'État. Communauté française - Enseignement supérieur - Études de sciences vétérinaires - Conditions d'accès au bloc 2 du programme du premier cycle - Modification des conditions - Effet immédiat


Origine de la décision
Date de l'import : 30/05/2023
Fonds documentaire ?: juportal.be
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.constitutionnel;arret;2022-07-22;101.2022 ?

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