La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/01/2019 | ANDORRE | N°318-2018

Andorre | Andorre, Tribunal supérieur de justice, Chambre civile, 29 janvier 2019, 318-2018


JUGEMENT

Au nom du peuple andorran.

Dans la ville d'Andorre-la-Vieille, le 29 janvier 2019.

La Chambre civile du Tribunal Supérieur de Justice d'Andorre s'étant réunie, sous la présidence du magistrat M. Joan Manel ABRIL CAMPOY et les magistrats MM. Vincent ANIÈRE et Carles CRUZ MORATONES, la résolution suivante a été adoptée :

EXPOSÉ DES FAITS

I. Que lors de l'audience qui s’est tenue le 17 juin 2016, l'avoué M. A. C. R., agissant au nom et pour le compte de MM. X. B. A. et M. T. G. A. a déposé une plainte contre XXX, S.A., déclarant la nulli

té de l'ordre de vente du produit « Crèdit Link note Caja Madrid II Sub 3,25% » émis par M. B...

JUGEMENT

Au nom du peuple andorran.

Dans la ville d'Andorre-la-Vieille, le 29 janvier 2019.

La Chambre civile du Tribunal Supérieur de Justice d'Andorre s'étant réunie, sous la présidence du magistrat M. Joan Manel ABRIL CAMPOY et les magistrats MM. Vincent ANIÈRE et Carles CRUZ MORATONES, la résolution suivante a été adoptée :

EXPOSÉ DES FAITS

I. Que lors de l'audience qui s’est tenue le 17 juin 2016, l'avoué M. A. C. R., agissant au nom et pour le compte de MM. X. B. A. et M. T. G. A. a déposé une plainte contre XXX, S.A., déclarant la nullité de l'ordre de vente du produit « Crèdit Link note Caja Madrid II Sub 3,25% » émis par M. B., pour erreur de vice du consentement et la restitution du préjudice qu’a entraîné le produit faisant l’objet du contrat, les intérêts et les dépens, et après avoir invoqué les fondements de la loi qu’il considérait d'application au cas, il a demandé de dicter un jugement déclarant :

« 1. LA NULLITÉ DE L'ORDRE D'ACHAT DU PRODUIT « Credit Link note Caja Madrid II Sub 2.25% » émis par M. XBA en raison d'une erreur de vice du consentement, avec la restitution de la somme de SOIXANTE-DEUX MILLE DEUX CENT DEUX EUROS ET SOIXANTE-SEIZE CENTIMES (62 202,76.- €) soit le montant de la perte du produit faisant l’objet du contrat, devra être majoré des paiements des intérêts légaux générés jusqu'à la date du paiement effectif de la somme susvisée.

2. Qu'il soit déclaré que la banque XXX a fait preuve de négligence dans l'accomplissement de ses obligations en tant que commissaire fournissant des services d'investissement et dépositaire de valeur et qu’elle soit condamnée au paiement de la restitution de la perte du capital évalué en SOIXANTE-DEUX MILLE DEUX CENT DEUX EUROS ET SOIXANTE-SEIZE CENTIMES (62 202,76 €) à titre de dommages et intérêts pour violation des droits des consommateurs, majorés des intérêts légaux générés jusqu'à la date de paiement effectif de la somme susvisée, avec le paiement express des dépens, des honoraires de l’avoué et des avocats de la partie défenderesse.»

II. Le 22 juillet 2016, l’avoué M. C. P. S., agissant au nom et pour le compte de la XXX, S.A., a répondu à la demande en s'y opposant et en formulant, préalablement au fond, une exception de prescription de l'action.

III. Les parties ont présenté en temps utile leur réplique et duplique écrites, puis leurs conclusions, en réitérant leurs arguments et en s'opposant à ceux de la partie adverse.

IV. Le Tribunal des juges a rendu un jugement le 09-07-2018 et a décidé :

« PREMIÈREMENT. De rejeter l'exception de prescription de l'action.

DEUXIÈMEMENT. De recevoir pleinement la procédure engagée par MM. X.B.A. et M.T. GÉORGIE. contre XXX, S.A.

DEUXIÈMEMENT. De déclarer l'annulation du contrat de vente du produit Credit link note Caja Madrid II Sub 3.25% formalisé le 27 août 2010 (folio 33), condamnant la société XXX, S.A. à restituer à MM. B. et M. la somme de 62 202,76 €, majorée des intérêts légaux accumulés par elle depuis le 22 juillet 2016 et, au paiement des frais de procédure engagés, y compris les honoraires d'avocat et d'avoué. »


V. La représentation procédurale de la société XXX SA fait appel de la résolution précitée et, en vertu des arguments exposés dans ses conclusions, demande sa révocation, en imposant à l'opposant les frais de la procédure.

M. Carles CRUZ MORATONES a agi en tant que juge rapporteur.

FONDEMENTS JURIDIQUES

PREMIÈREMENT. Dans la présente procédure, les demandeurs MM. X. B. A. et M. T.G.A. effectuent une réclamation contre la partie défenderesse XXX, SA (XXX) dans le cadre d'une action en justice dans laquelle elle fait valoir une demande d'annulation du contrat d'achat de dette subordonnée de Caja Madrid en date du 27.8.10 pour un montant nominal de 100 000 € et la condamnation de la partie défenderesse à rembourser la somme de 62 202,76 € majorée des intérêts légaux à compter du 22/07/16, plus les dépens.

Le jugement du tribunal examine pleinement la demande avec l'imposition des frais encourus dans la procédure au défendeur.

La partie vaincue s'insurge contre une telle décision.

DEUXIÈMEMENT. Considérations préliminaires

Comme nous l'avons dit à plusieurs reprises, il est nécessaire de faire quelques considérations préliminaires qui placent le litige dans notre réalité actuelle.

I) Tout d'abord, il faut se référer à l'approche de la réglementation applicable aux contrats de cette nature. Certains secteurs doctrinaux sont enclins à appliquer les règles classiques de passation des marchés civils, en particulier, en traitant de la délicate question de l'erreur dans le consentement, qui, logiquement, a toujours été abordée avec prudence puisque la sécurité juridique du trafic civil ou commercial peut être affectée. Cette perspective juridique repose sur un point de départ qui a toujours été le plus commun historiquement, qui est l'égalité précontractuelle des parties contractantes (égalité formelle) et qui a certainement été intégrée avec succès dans notre culture juridique. En droit andorran, l'égalité formelle des droits libéraux du XIXᵉ siècle a également prévalu jusqu'à ce que les corrections des droits nationaux et communautaires en faveur de l'égalité matérielle soient appliquées.

Un autre point de vue – coïncidant avec la doctrine de la Chambre – comprend que ces conflits avec les produits financiers doivent être abordés du point de vue le plus actuel, qui part de l'inégalité réelle des parties contractantes dans le secteur bancaire et des grandes entreprises non seulement devant le consommateur individuel, mais aussi devant d'autres entreprises. Dans l'ère mouvementée et changeante d'aujourd'hui, où la mondialisation des mouvements économiques et financiers les place à l'échelle mondiale (ou européenne), l'accès aux sources d'information et de décision et aux ressources financières communautaires n'est à la portée que de quelques entreprises ou secteurs et est très éloigné des consommateurs et des petites et moyennes entreprises qui, en raison de leur taille, ne sont pas présentes sur les différents marchés mondiaux comme l’être les grandes entreprises multinationales.
Il s’agit là de l'environnement dans lequel, pour ce secteur doctrinal et jurisprudentiel, la résolution de ces conflits juridiques massifs qui surgissent dans notre société doit être encadrée. En fin de compte, il s'agit de délimiter l'environnement dans lequel nous évoluons avec la réalité sociale de l'époque dans laquelle elles doivent être appliquées.

Dans cette ligne, notre environnement international a également statué, comme c'est le cas en Espagne. Le jugement prononcé par la chambre civile de la Cour Suprême du 06/05/13 et du 20/01/14 et dans le cadre de l’Union européenne la CJCE, dans les jugements du 27 juin 2000, Océano Grupo Editorial et Salvat Editores, C-240/98 à C-244/98 section 25 ; du 26 octobre 2006, Mostaza Claro, C-168/05 art. 25 ; du 4 juin 2009, Pannon GSM C-243/08 section 22 ; du 6 octobre 2009, Asturcom Telecomunicaciones, C40/08 article 29 ; du 3 juin 2010, Caja de Ahorros et Monte de Piedad de Madrid, C-484/08 section 27 ; du 9 novembre 2010, VB Pénzügyi Lízing, C-137/08 art. 46 ; du 15 mars 2012, Perenièová et Pereniè, C-453/10 article 27 ; du 26 avril 2012, Invitel, C-472/10 art. 33 ; du 14 juin 2012, Banco Español de Crédito, C-618/10 article 39 ; du 21 février 2013, Banif Plus Bank Zrt, C-472/11 section 19 ; du 14 mars 2013, Aziz vs Caja de Ahorros de Catalunya, C-415/11 section 44, et du 21 mars 2013, RWE Vertrieb AG, C 92/11, section 41).


De cette position jurisprudentielle on peut extraire les notes suivantes :

a) « l'asymétrie d'information » existant entre l'Entité qui vend des produits financiers et le client de détail ;
b) que le champ d'application de la réglementation MIFID (Directive 2004/39, relative aux marchés d'instruments financiers) trouve ses racines dans le droit andorran dans la nécessité d'agir conformément aux exigences de bonne foi ou d'équité ;
c) que le client de détail doit être soumis à un test de convenance (lorsque la directive MIFID s'applique) lorsque le contrat n'a pas été précédé d'un service de conseil par l'établissement financier, mais que c’est le client lui-même qui, connaissant le produit à l'avance, a choisi de souscrire un produit financier ;
d) que le test doit être adapté (en application de ladite Directive) lorsqu'il y a eu au préalable un conseil personnalisé (pas par des canaux de distribution ou destinés au grand public) sur l'investissement qui a convaincu le client que ce produit lui convenait ;
e) que l'information personnalisée au client doit être compréhensible et adéquate concernant le produit en question et doit comporter un avertissement clair des risques qu'il devait assumer et que, compte tenu de sa situation financière et de ses objectifs d'investissement, ce produit était ce qui lui convient le mieux ;
f) le vice de consentement doit concerner un point important (tel que le caractère aléatoire du contrat et surtout les risques assumés) ;
g) ce vice doit survenir au moment de la genèse ou de la perfection du contrat (pas plus tard) car il en résulte une représentation erronée par le client qui le pousse à contracter ce qu'il ne connaît pas dans son intégralité ; et enfin h) le vice de consentement doit toujours être excusable et ce n'est pas le cas si avec la diligence raisonnable au client de détail celui-ci pouvait connaître la portée réelle de ce qu'il envisageait de contracter.

II) Conformément à ce dernier raisonnement, nous devons également inclure une autre considération préliminaire. Elle consiste à examiner le cadre dans lequel s'inscrivent ces contrats entre citoyens ou entreprises commerciales. Ainsi, lorsqu'il s'agit de la diligence requise d'un commerçant, nous devons introduire quelques nuances qui sont transcendantes. Ni les conditions ou les qualifications des particuliers ni le volume des sociétés commerciales ne suffisent en soi à exiger d'eux une diligence qui surmonte les difficultés de compréhension de ce type de contrats, en eux-mêmes complexes et surtout techniques.

Ils sont complexes, car ils prévoient de nombreux événements que le contractant ne connaît pas à l'avance vu qu’ils ne font pas partie de son activité quotidienne et leur véritable ampleur.

Ils sont techniques, car ils comportent une série de mots et de formules typiques des professionnels de l'économie. Cela affecte également – exigence d’équanimité – la forme et la profondeur de l'information que les institutions bancaires et financières doivent proposer. Les temps actuels exigent de la rapidité dans la formalisation des opérations et il n'est souvent pas possible d'avoir le temps nécessaire pour expliquer aux non-initiés (clients particuliers ou de détail) le sens de chacune des clauses contractuelles et surtout leurs conséquences pratiques.

III) Enfin, il est nécessaire de refléter un autre aspect consubstantiel dans la relation des clients avec les banques. Le principe de confiance est l'axe sur lequel se déroulent toutes les relations entre le client et l'Entité. C'est le noyau dur de la relation qui s'établit entre les deux. Avec le secteur de la santé, l'économie financière est probablement le secteur qui se base le plus sur une relation de confiance. Nos propres ressources financières sont déposées, non auprès de qui que ce soit, mais auprès de la partie qui a mérité notre confiance de par sa gestion prudente des ressources extérieures qui lui ont été confiées. Cela a toujours été le cas dans le secteur bancaire, et il faut donc comprendre que les décisions de disposition se basent parfois uniquement sur la confiance de l’offrant, qui a généralement gagné la confiance du client grâce sa prestation de services rendus avec une loyauté et une honnêteté irréprochables. Il n'était pas rare dans la pratique quotidienne que la parole donnée dans ce secteur (entre client et employé de l’établissement bancaire) suffise pour engager une disposition de fonds en faveur de l'autre partie, sans préjudice d'une formalisation écrite ultérieure.

Cette réalité (période très mouvementée du point de vue économique, très grande complexité des relations d'affaires fondées sur le principe de confiance) ne peut être ignorée lorsqu'on aborde à la fois l'appréciation de la preuve et l'interprétation des règles applicables aux conflits comme celui que nous allons résoudre ici.

TROISIÈMEMENT. Faits prouvés

Plusieurs questions factuelles ont été pleinement étayées :
1) que les clients demandeurs n'étaient pas des clients professionnels, mais peuvent être qualifiés de « clients de détail », comme l'entité l'a conclu en 2011 (folio 38) ;
2) que nous ne savons pas quelles informations ils ont reçu de l’établissement, car aucun témoin de celui-ci ayant effectué les tâches de conseil concernant les investissements des agents n’a été proposé. Si nous nous en référons au document 2 de la demande (l'original n'a pas été fourni par la partie défenderesse) nous observons qu'il s'agit d'une seule feuille recto dans laquelle il est uniquement fait mention de a) la rentabilité de l'investisseur; b) événements ISDA ; c) amortissement anticipé par événement de crédit ; d) paiement des intérêts et e) ordre d’achat et conditions générales. À la fin du document et après la signature et en plus petits caractères, une « Note au souscripteur » est incluse, qui dit textuellement : « *l'investisseur assume directement le risque de l'émetteur et les risques inhérents aux opérations avec des instruments financiers dérivés et des produits structurés en dehors des marchés réglementés (OTC) et qui, dans certaines circonstances de marché, pourraient perdre une partie de son investissement initial (sic) ; * L'évaluation que la Banque peut fournir ne peut à aucun moment être interprétée comme un engagement ou une garantie de réalisation ; * L'investisseur déclare que sa souscription est inférieure à 25 % de son actif financier total et que le poids de l’ensemble des produits XXX est inférieur à 40 % ; * Ce produit n'est pas remboursable tant qu'il n'a pas expiré » (le texte a été mis en caractères gras par nos soins, folio 33) ;
3) le 15.5.13 (l'échéance des 3 ans convenus a eu lieu le 26.4.13) la liquidation du produit "CRÉDIT LINK LINK CAJA MADRID II sub 3.25 %" a été effectuée et les agents ont reçu la somme de € 30 059,75 (sur les 100 000 € investis) et il ne lui a pas été expliqué par courrier (folio 35) qu'il s'agissait de l’évaluation que l'agent de calcul BBVA avait communiquée à XXX.

QUATRIÈMEMENT. Produit acquis : Dette subordonnée

Bien que XXX dans sa réponse se réfère à plusieurs reprises aux actions privilégiées de Caja Madrid en tant que produit acquis par les agents, la vérité est qu'au vu du document 2 de la demande du contrat susmentionné dans la description du produit, il est indiqué qu’il s’agit d’une dette subordonnée de Caja Madrid. Ceci constitue déjà une indication du fait que les caractéristiques du produit acheté ne sont pas clairement établies, car on dirait qu'elles prêtent déjà à une certaine confusion.

Les dettes subordonnées sont également des titres à revenu fixe à rendement explicite, généralement émis par des établissements de crédit et de grandes entreprises, dans lesquels l’encaissement des intérêts peut être conditionné à l'existence d'un certain niveau de bénéfices. La structure économique des obligations subordonnées est identique à celle des obligations simples ; la différence réside dans son statut juridique en cas de faillite ou de procédure collective de l'émetteur. Bien que les titres soient des titres négociables autres que des actions privilégiées, leurs caractéristiques sont identiques sous plusieurs aspects, ainsi dans le cas des institutions financières qui sont des émetteurs réguliers de cette dette subordonnée, ce type de dette compte comme capitaux propres de l'entité émettrice, pour cette raison et aussi parce qu'elle répond à certaines exigences qui la rapprochent partiellement du capital social des établissements de crédit, la dette subordonnée est considérée, avec les actions privilégiées, comme un capital hybride.

Par conséquent, compte tenu de la nature et des caractéristiques à la fois des actions privilégiées (nous l'avons fait dans la STJC 436/16 et suivants) et de la dette subordonnée (STJC 174/18), il ne peut pas simplement dire qu'il s'agit de titres abstraits, que leur détenteur est le propriétaire de ceux-ci et qu’ils lui apportent uniquement un dividende supérieur ou inférieur au titre des bénéfices, mais qu’il existe un lien juridique continu entre le titulaire et l'émetteur, qui ne prend fin que lorsque le titulaire procède à la vente ou l'émetteur les amortit, de même qu'un actionnaire lorsqu'il acquiert une ou plusieurs actions, n'est pas seulement propriétaire d'un titre, mais participe continuellement à la société, et cesse de l'être lorsqu'il transmet l'action ou que la société est dissoute.

Ainsi, l'achat d'actions privilégiées ou de dette subordonnée d'une entité commerciale qui est autorisée à les émettre entraîne une série de droits et d’obligations à l'égard de cette entité qui ne prennent fin que lorsque ces titres sont vendus, les titres sont amortis ou la société est liquidée de sorte que le contrat n'est consommé qu’en présence d'une de ces hypothèses. Et ceci notamment lorsque le vendeur est l'entité émettrice elle-même ou que l'intermédiaire dans la vente est une autre société, comme en l'espèce (XXX).

CINQUIÈMEMENT. Obligation d'information des institutions financières et bancaires dans le cadre européen et andorran

Les obligations de transparence de l'information des banques andorranes existent déjà après l'entrée en vigueur de la loi 14/2010 du 13 mai sur le régime juridique des banques et le régime administratif de base des entités opérationnelles du système financier qui transpose la directive du de l’UE 2004/39/CEE) du Conseil du 21.4.04 dite MIFID (MARKETS IN FINANCIAL INSTRUMENTS DIRECTIVE) qui avait déjà été mise en œuvre pour l'essentiel en Principauté par les communiqués de l'INAF (notamment 163/05).
Gardons à l'esprit que dans ce Communiqué 163/05 elle prévoyait avant le règlement spécifique de son contenu que « En ce sens, l'INAF souhaite donner un cadre à la discipline professionnelle du secteur, à travers des règles visant à renforcer la bonne réputation et le prestige de l'activité financière andorrane et à éviter toute pratique pouvant porter atteinte aux bonnes pratiques et coutumes. Ainsi, ces règles définissent explicitement les obligations qui doivent être remplies par les entités du système financier afin de maintenir et de renforcer les principes éthiques et déontologiques, et établissent l'interdiction de certaines pratiques qui sont activement combattues au niveau international et que la finance andorrane ne souhaite pas abriter.
Il convient de rappeler que ces règles définissent les règles d'éthique et de conduite que les établissements financiers autorisés à opérer en Principauté doivent respecter à tout moment dans le développement de leurs activités. Elles constituent donc un outil de référence dans lequel toutes les actions potentiellement répréhensibles ne sont pas décrites, mais comportent une ligne à suivre dans tous les cas. En fait, elles représentent une norme minimale pour toutes les entités du système financier, et donc chaque entité peut prévoir des règles supplémentaires plus concrètes ou plus précises au niveau interne ».

Et dans la section 5 « Informations relatives aux clients » on peut lire que « Les entités doivent s'assurer de l'information correcte des clients afin de leur permettre de prendre leurs décisions en toute connaissance de cause en raison des risques et des coûts auxquels ils sont exposés. De cette façon:
- Les informations aux clients doivent être claires, correctes, précises, suffisantes et livrées à temps (c'est-à-dire qu'elles puissent encore être utiles) pour éviter les erreurs d'interprétation et insister sur les risques inhérents à chaque opération, notamment dans les produits financiers à haut risque, et dans le les coûts qu'elle représente (directement ou indirectement) afin que le client connaisse précisément les effets de l'opération qu'il contracte. Un langage compréhensible sera utilisé, fournissant les explications complémentaires nécessaires.

Toute estimation doit être raisonnablement justifiée et accompagnée des explications nécessaires pour éviter les malentendus. »

Ensuite, la Loi 14/2010 déjà mentionnée dans son Exposé des Motifs indique « Ainsi, le premier chapitre établit les exigences requises de toutes les entités visées, en soulignant comme nouveautés les exigences relatives aux obligations de transparence avec la clientèle, dont certaines sont actuellement réglementées par des communiqués contraignants de l'INAF, et, surtout, l'application des exigences requises aux établissements financiers d'investissement ainsi qu'aux établissements bancaires et aux sociétés de gestion des organismes d'investissement collectifs.

L'article 37.1 prévoit déjà que « 1. Toute information que les entités opérationnelles du système financier adressent à leurs clients, actuels ou potentiels, ou diffusent de telle manière qu'elle est susceptible d'être reçue par les clients eux-mêmes doit être transparente, impartiale, claire et non trompeuse et doit être compréhensible pour tout membre moyen du groupe auquel il s'adresse ou pour les destinataires probables. »

Enfin, l'article 39 de la même loi prévoit « Article 39 Règles de conduite. 1. Les entités opérationnelles du système financier doivent assurer le bon fonctionnement et la stabilité du système financier et, à cette fin, sont tenues d'éviter toute pratique susceptible d'enfreindre les bonnes pratiques et habitudes susceptibles de remettre en cause les principes éthiques et de conduite acceptés au niveau international. 2. L'INAF rédige les communiqués spécifiques visant à définir les règles d'éthique et de conduite applicables aux entités opérationnelles du système financier andorran conformément aux principes établis par les régulateurs internationaux.

Cela signifie que les banques andorranes connaissaient les règles MIFID depuis avril 2004 et le communiqué INAF précité n° 163/05 du 23.2.06 en vigueur depuis le 31 mars suivant. Dans ce cas, M. ., mais pas à Mme. G. a été soumis aux tests de pertinence et d'aptitude du 11.5.11. En conclusion, notre législateur et avant le régulateur (INAF) insistent sur la nécessité pour les établissements bancaires et d'investissement de notre pays d'être parfaitement homologables à l'international et qu'en matière d'information aux clients, il convient que celle-ci soit transparente, claire, impartiale, non trompeuse et compréhensible.

SIXIÈMEMENT. Évaluation du test effectué

Nous commencerons par rappeler que cette Chambre a établi une doctrine, contenue, entre autres, dans les jugements du 15-11-2012 et 29-10-2013 (rôles 155/12, 125/13 et 175/13) et plus récemment dans le jugement 436/16 du 30.5.17 et 174/18 dans un cas pratiquement identique), selon lequel le devoir d'information et de communication qui correspond aux établissements envers leurs clients, même si cela n'est pas expressément prévu dans le contrat, se justifie par le devoir de bonne foi ou d'équité, comme le reconnaît déjà l’appelant dans son recours. C'est-à-dire que dans tout contrat – qu'il soit bancaire ou non – les parties doivent agir de bonne foi et cela se produit lorsqu'un client qui n'a pas de connaissances financières particulières est pleinement et complètement informé sur un produit financier. Cela signifie qu'il fallait indiquer les risques des dettes subordonnées, qui sont d'autant plus élevées qu'elles mettent en danger le capital investi, ce qui éloigne tout investisseur conservateur. Et si ce conseil avait été pleinement fourni, il convenait de laisser une trace écrite pour ne pas rencontrer de difficultés à le prouver par la suite.

Deuxièmement, dans le cas présent, nous devons souligner qu’à la date du contrat d'achat (27.8.10) une législation exigeante était déjà consolidée concernant la protection du consommateur (loi du 31.7.85) et le risque des conditions générales du contrat qui sont prédisposés par la partie adverse.

Malgré ces exigences générales d'information précise, claire et compréhensible pour le consommateur en général (Loi 31.7.85) et pour la clientèle des établissements financiers (INAF) en particulier, il s'avère qu'elle est proposée aux clients requérants, sans aucune expérience dans le domaine financier ou connaissance particulière et que face à un produit présentant autant de risques (et nouveau à ce moment-là), toutes les précautions déjà requises par la législation susmentionnée pour s'assurer que la complexité du produit et surtout les risques sur le capital investi étaient compris, ne sont pas prises. Rappelons que dans le test d'aptitude M. B. exprime qu'il est prêt à « un peu de risque » qui s'est alors matérialisé dans - 5% du capital (il en a perdu de 70%). L’argument avancé par l'entité prétendant qu'il disposait déjà d'autres produits similaires d'autres entités espagnoles pour connaître le risque n’est pas recevable.
En fait, nous ne connaissions pas les conditions de cet autre produit financier pour arriver à la conclusion à laquelle est parvenue la partie appelante. Il n’est nullement fait mention qu'elle a reçu une simulation de scénarios possibles ou prévisibles et qu’on s’est adressée à elle dans un langage familier pour lui expliquer ce qu'elle devrait assumer si, finalement, les pires prévisions se produisaient. De plus, dans les documents signés par M. B., les exigences de la « Note au Souscripteur » n'étaient déjà pas remplies, car a) sa souscription dépassait déjà 25 % de ses actifs financiers totaux (il s'agissait de 66 % de la bande basse indiquée qui s'élevait à 150 000 €) et le poids des produits acquis via XXX n'était pas inférieur à 40 %, mais à 100 %. Et cela n’est pas tout, lorsqu’on lui rembourse le capital, il s'avère que sur 100 000 € investis, seuls 30 000 € environ sont remboursés. D’autre part, on ne lui fournit aucune explication écrite quant à laquelle des « événements ISDA » ou une autre cause de la « Note au Souscripteur » expliquerait cette réduction de 70 % du capital investi.

En conclusion, face à des clients au profil conservateur et non habitués aux connaissances financières, XXX devait s'assurer que le produit était adapté et pratique pour eux et qu'ils comprenaient et acceptaient le risque élevé de leur investissement, notamment en faisant confiance à la solvabilité de XXX (et non d'une entité étrangère qu'ils n’étaient pas censés connaître) et cela n’a été fait que de façon formelle, à travers des clauses prédisposées en leur faveur et en portant atteinte aux droits d’information de leurs clients. Les normes indiquées dans la deuxième base légale, section II, lettre e) ou du communiqué de l'INAF, section 5, n'ont pas été respectées.

Cela confirme l'erreur-vice du consentement qu'ils ont donné le 27.8.10 de sorte que l'action en annulation ou en nullité relative du contrat doit prospérer avec l'obligation de remboursement réciproque des prestations perçues par les deux parties avec plus d'intérêts légaux que requis.

SEPTIÈMEMENT. Prescription

L'appelant insiste sur la levée de la prescription à titre d'exception impérative et sur le fait que le jugement d'instance a correctement résolu en application de la doctrine déjà réitérée de la Chambre à cet effet. L’établissement bancaire XXX n'avance aucun nouvel argument pour réfuter que les dies a quo du délai de prescription de trois ans doit être fixé au moment où on lui communique clairement le règlement correspond à l'échéance du produit. Cela s'est produit le 15.5.13 – date de la communication, car nous ne connaissons pas la date de sa notification – et lorsque l'action en justice a été engagée le 13.5.16 les trois ans ne s'étaient pas écoulés. Nous avons appliqué ce critère dans le STJC 297/17, 195/18 et 506/16, entre autres.

Le motif ne peut pas non plus prospérer.

HUITIÈMEMENT. Coûts de l'instance

À titre subsidiaire, le requérant demande que les frais de procédure ne lui soient pas imposés parce qu'il y avait une iusta causa litigandi. Nous ne pouvons accepter ce grief, car les questions soulevées dans son appel ont déjà été résolues de manière très motivée dans le jugement de l'instance et sur la base d'une jurisprudence répétée de la Chambre, jurisprudence que connaît parfaitement l'appelant puisqu’elle a été partie intervenante dans plusieurs décisions, en particulier dans le rouleau 174/18.

Par conséquent, il convient d'appliquer la règle générale d’échéance objective qui trouve ses racines dans le Code 7.51,5.

Ce motif doit également être rejeté.

NEUVIÈMEMENT. Le recours étant rejeté, les frais encourus doivent être imposés à l'appelant, conformément aux dispositions du code 7.51,5.

Vu la législation en vigueur et les us et coutumes applicables en l'espèce,

La Chambre civile du Tribunal Supérieur de Justice d'Andorre,

A DÉCIDÉ

DE REJETER le recours formé par la représentation procédurale de XXX, SA contre le jugement rendu par le tribunal des juges le 9 juillet 2018, ce que nous confirmons pleinement

D’imposer les frais de ce recours à l'appelant.

Cette décision est ferme et exécutoire.

Ainsi, par notre jugement, établi définitivement, nous l’ordonnons et le signons.


Synthèse
Formation : Chambre civile
Numéro d'arrêt : 318-2018
Date de la décision : 29/01/2019
Type d'affaire : Arrêt

Analyses

Contrat d’achat de dette subordonnée – obligation d’information des institutions financières – prescription


Origine de la décision
Date de l'import : 20/09/2021
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ad;tribunal.superieur.justice;arret;2019-01-29;318.2018 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award