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17/04/2024 | FRANCE | N°21/03565

France | France, Cour d'appel de Rennes, 9ème ch sécurité sociale, 17 avril 2024, 21/03565


9ème Ch Sécurité Sociale





ARRÊT N°



N° RG 21/03565 - N° Portalis DBVL-V-B7F-RXE3













S.A.S. [4]



C/



URSSAF BRETAGNE





















Copie exécutoire délivrée

le :



à :











Copie certifiée conforme délivrée

le:



à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE REN

NES

ARRÊT DU 17 AVRIL 2024





COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :



Président : Madame Cécile MORILLON-DEMAY, Présidente de chambre

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère



GREFFIER :



Monsieur Philippe LE BOUDEC lors des débats et...

9ème Ch Sécurité Sociale

ARRÊT N°

N° RG 21/03565 - N° Portalis DBVL-V-B7F-RXE3

S.A.S. [4]

C/

URSSAF BRETAGNE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Copie certifiée conforme délivrée

le:

à:

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 17 AVRIL 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Cécile MORILLON-DEMAY, Présidente de chambre

Assesseur : Madame Véronique PUJES, Conseillère

Assesseur : Madame Anne-Emmanuelle PRUAL, Conseillère

GREFFIER :

Monsieur Philippe LE BOUDEC lors des débats et Mme Adeline TIREL lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 14 Février 2024

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 17 Avril 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

DÉCISION DÉFÉRÉE A LA COUR:

Date de la décision attaquée : 25 Mars 2021

Décision attaquée : Jugement

Juridiction : Pole social du TJ de RENNES

Références : 17/00237

****

APPELANTE :

S.A.S. [4]

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Me Anne-gaëlle LECLAIR, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉE :

URSSAF BRETAGNE

[Adresse 5]

[Localité 2]

représentée par Mme [H] [G], en vertu d'un pouvoir spécial

EXPOSÉ DU LITIGE

A la suite d'un contrôle de l'application des législations de sécurité sociale, d'assurance chômage et de garantie des salaires 'AGS', réalisé par l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (l'URSSAF) Bretagne sur la période allant du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2015, la société [4] (la société) s'est vue notifier une lettre d'observations du 4 novembre 2016 portant sur quatre chefs de redressement, d'un montant total de 29 903 euros :

- frais professionnels non justifiés - restauration hors des locaux de l'entreprise (chef n°1) ;

- frais professionnels - déduction forfaitaire spécifique - conditions d'accès aux ouvriers du bâtiment (chef n°2) ;

- réduction générale des cotisations : absences - proratisation (chef n°3) ;

- gratifications versées à des stagiaires : stagiaires de la formation professionnelle continue (chef n°4).

Par courrier du 25 novembre 2016, la société a formulé des observations sur les trois premiers chefs de redressement.

En réponse, par courrier du 1er décembre 2016, l'inspecteur a maintenu les redressements tels que notifiés dans la lettre d'observations.

L'URSSAF a notifié à la société une mise en demeure du 20 décembre 2016 tendant au paiement des cotisations notifiées dans la lettre d'observations et des majorations de retard y afférentes, pour un montant de 33 337 euros (29 903 euros de cotisations et 3 434 euros de majorations).

Le 17 janvier 2017, la société a saisi la commission de recours amiable puis, en l'absence de décision dans les délais impartis, a porté le litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Rennes le 9 mars 2017.

Lors de sa séance du 15 juin 2017, la commission de recours amiable a maintenu les chefs de redressement contestés.

Par jugement du 25 mars 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Rennes, devenu compétent, a :

- rejeté la demande de nullité de la lettre d'observations du 4 novembre 2016 ;

- confirmé la décision de la commission de recours amiable en date du 15 juin 2017 ;

- validé l'ensemble des redressements notifiés à la société ;

- constaté que la société avait procédé au règlement intégral du redressement ;

- condamné la société à payer à l'URSSAF une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration adressée le 14 juin 2021 par communication électronique, la société a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 19 mai 2021.

Par ses écritures parvenues au greffe le 9 février 2024, auxquelles s'est référé et qu'a développées son conseil à l'audience, la société demande à la cour :

- d'infirmer le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Rennes ;

- d'annuler le redressement afférent aux frais professionnels non justifiés à hauteur de 9 747 euros, à la déduction forfaitaire spécifique à hauteur de 8 998 euros et à la déduction générale des cotisations à hauteur de 10 895 euros, ainsi que les majorations de retard afférentes ;

- d'ordonner le remboursement par l'URSSAF des redressements ainsi notifiés et contestés outre les majorations de retard afférentes ;

- de condamner l'URSSAF au paiement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de débouter l'URSSAF de sa demande fondée sur ce texte ;

- de condamner l'URSSAF aux dépens.

Par ses écritures parvenues au greffe le 4 mai 2022, auxquelles s'est référée et qu'a développées sa représentante à l'audience, l'URSSAF demande à la cour de :

Sur la forme,

- confirmer l'absence de nullité de la lettre d'observations ;

- juger de la parfaite information de la société tant par la lettre d'observations que par la réponse à contestations du 1er décembre 2016 ;

- confirmer la régularité de la procédure de contrôle ;

Sur le fond,

- déclarer le recours de la société recevable mais non fondé ;

- confirmer la décision de la commission de recours amiable du 15 juin 2017 ;

- valider les chefs de redressement :

* 'frais professionnels non justifiés - restauration hors des locaux de l'entreprise' à hauteur de 9 747 euros ;

*'frais professionnels - déduction forfaitaire spécifique - conditions d'accès aux ouvriers du bâtiment' à hauteur de 8 998 euros ;

* 'réduction générale des cotisations - absences - proratisation' à hauteur de 10 895 euros ;

- constater que la société a procédé au règlement intégral du redressement ;

- condamner la société à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouter la société de l'ensemble de ses demandes et prétentions ;

- délivrer un jugement revêtu de la formule exécutoire.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la validité de la lettre d'observations

La société fait valoir, s'agissant des trois chefs de redressement en litige, qu'elle n'a pas été en mesure de connaître, à la lecture de la lettre d'observations, les erreurs commises ni de vérifier la réalité de ces erreurs, ni de contester éventuellement le bien-fondé desdits chefs ; qu'aucune information circonstanciée sur les salariés concernés, leurs conditions de travail, les jours, semaines et mois concernés, les erreurs commises n'est contenue dans la lettre d'observations ; qu'aucune annexe n'a par ailleurs été communiquée contrairement à ce qu'indique la lettre d'observations ; que l'URSSAF ne peut pas pallier les lacunes de la lettre d'observations en s'appuyant sur des documents ou courriers annexes adressés postérieurement à ladite lettre ; que le principe du contradictoire n'a donc pas été respecté par l'URSSAF, de sorte que la lettre d'observations doit être annulée.

L'URSSAF réplique que la lettre d'observations en litige respecte pleinement les prescriptions posées par l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale et permet à l'employeur de connaître la nature, la cause et l'étendue de son obligation ; que ce texte n'impose pas à l'inspecteur de détailler les calculs salarié par salarié ; que la réponse de l'inspecteur aux observations présentées par la personne contrôlée fait par ailleurs partie intégrante de la procédure de contrôle et concourt au même titre que la lettre d'observations à la parfaite information du cotisant ; qu'au demeurant, la société a répondu de manière détaillée le 25 novembre 2016, ce qui démontre en tant que de besoin sa parfaite compréhension des chefs de redressement ;

que les annexes étaient bien jointes à la lettre d'observations contrairement à ce que soutient la société, notamment une annexe sous forme de tableaux sur la question de la réduction Fillon ; qu'en tout état de cause, l'article R. 243-59 n'impose pas que les annexes soient jointes à la lettre d'observations;

Sur ce :

L'article R.243-59 alinéa 4 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, dispose :

'A l'issue du contrôle, les inspecteurs du recouvrement communiquent à l'employeur ou au travailleur indépendant un document daté et signé par eux mentionnant l'objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la date de la fin du contrôle. Ce document mentionne, s'il y a lieu, les observations faites au cours du contrôle, assorties de l'indication de la nature, du mode de calcul et du montant des redressements envisagés.'

La jurisprudence constante de la Cour de cassation n'exige pas que la lettre d'observations fournisse des indications détaillées sur chacun des chefs de redressement ou sur leur mode de calcul (2e Civ., 20 juin 2007, pourvoi n°06-16.227 ; 2e Civ., 12 juillet 2018, pourvoi n° 17-10.327) ; il n'y a pas lieu davantage d'indiquer le nombre de salariés concernés par chaque chef de redressement (2e Civ., 15 septembre 2016, pourvoi n°15-22.146).

Comme exactement indiqué par l'URSSAF dans ses écritures, la lettre d'observations du 4 novembre 2016 comporte :

- l'objet du contrôle (application des législations de sécurité sociale, d'assurance chômage et de garantie des salaires AGS) ;

- l'indication de l'établissement contrôlé avec ses références (compte, SIRET et adresse) ;

- la date de fin de contrôle (4 novembre 2016) ;

- la liste des documents contrôlés ;

- la période contrôlée (1er janvier 2014 au 31 décembre 2015) ;

- la nature des chefs de redressement ;

- le montant du redressement, par chef de redressement, et le montant global ;

- un tableau de cotisations détaillé par chef de redressement et par année ;

- l'annonce d'un avis de recouvrement correspondant au montant global dû outre l'application de majorations de retard en application de l'article R. 243-18 du code de la sécurité sociale ;

- l'indication de la possibilité de faire valoir des observations dans le délai de 30 jours et, pour cela, de se faire assister d'un conseil de son choix.

S'agissant plus précisément des mentions pour chaque chef pris isolément, il sera noté ce qui suit :

' sur le chef relatif aux frais professionnels

Dans la lettre d'observations, l'inspecteur indique avoir constaté que :

'Quelques salariés sédentaires perçoivent une prime de panier en partie exonérée de cotisations. La situation de déplacement n'étant pas établie au moment du repas pour ces salariés, l'indemnité de panier allouée ne peut être exonérée de cotisations.'.

Suit le tableau des régularisations pour chaque année concernée ( 2014 et 2015) précisant les bases de calcul avec les taux appliqués et les montants desdites régularisations.

C'est en vain que la société reproche à l'inspecteur de ne pas avoir fourni d'indication, dans la lettre d'observations, quant aux salariés concernés, leur nombre et les jours, semaines et mois concernés, la cour rappelant en effet que la lettre d'observations n'a pas à énoncer une liste nominative des salariés concernés ni à préciser le détail des calculs opérés.

La société fait en outre valoir que contrairement à ce qui est mentionné dans la lettre d'observations, aucun 'détail en annexe' n'y a été joint, caractérisant là encore selon elle une atteinte au principe du contradictoire.

S'il est effectivement fait référence dans la lettre d'observations à un 'détail en annexe', force est toutefois de constater que la société n'a jamais émis la moindre observation sur l'absence d'annexe à la lettre d'observations, que ce soit dans sa lettre du 25 novembre 2015 ou dans son courrier de saisine devant la commission de recours amiable ; le jugement entrepris ne mentionne pas davantage l'existence d'une contestation sur ce point. Ce n'est qu'en cause d'appel, aux termes de ses conclusions n°2, que l'appelante en fait grief à l'URSSAF.

La cour rappelle par ailleurs que l'inspecteur n'est pas tenu de préciser le détail des calculs effectués pour chaque chef de redressement.

La société ayant été parfaitement informée de la nature, du mode de calcul et du montant du redressement au sens de l'article R. 243-59 précité, aucune nullité n'est par conséquent encourue de ce chef.

' sur le chef relatif à la déduction forfaitaire spécifique

Dans la lettre d'observations, l'inspecteur indique avoir constaté que :

'La déduction forfaitaire spécifique de 10% a été appliquée pour les conducteurs de travaux. La présence effective, permanente et exclusive de ces salariés sur les chantiers n'a pas été établie. La déduction forfaitaire spécifique est donc remise en cause pour ces salariés (...)'.

Suite, là encore le tableau des régularisations pour chaque année concernée (2014 et 2015) précisant les bases de calcul avec les taux appliqués et les montants desdites régularisations.

C'est en vain là encore que la société reproche à l'inspecteur de ne pas avoir fourni d'indication, dans la lettre d'observations, quant aux salariés concernés et aux conditions de travail des conducteurs de travaux ayant conduit à les exclure du bénéfice de cette déduction, la cour rappelant en effet que la lettre d'observations n'a pas à énoncer une liste nominative des salariés concernés ni à préciser le détail des calculs opérés.

Comme le fait de plus valoir l'URSSAF, la société ne pouvait que savoir que le constat et le redressement concernaient tous les conducteurs de travaux ; elle-même, dans sa réponse du 25 novembre 2016, argumente sans distinction entre les conducteurs de travaux en faisant valoir qu'ils sont responsables des chantiers qu'ils coordonnent et dirigent et sont donc présents de façon constante sur les chantiers.

La société était par ailleurs parfaitement informée des raisons pour lesquelles l'inspecteur a opéré le redressement, clairement indiquées dans la lettre d'observations (pas de justification d'une présence effective, permanente et exclusive sur les chantiers) et dans la réponse de l'inspecteur ajoutant que c'est le taux 'bureau' et non le taux 'chantier' qui est appliqué à cette catégorie de salariés.

La société ayant là encore été parfaitement informée au sens de l'article R. 243-59 précité, aucune nullité n'est par conséquent encourue de ce chef.

' sur le chef relatif à la réduction générale des cotisations

Dans la lettre d'observations, l'inspecteur indique avoir 'constaté des anomalies dans le calcul de la réduction Fillon, notamment dans le cas d'absences, ainsi que dans le cas de paiement ou de retenue d'heures de RTT.'

Suit, là encore, dans cette lettre, le tableau des régularisations pour chaque année concernée (2014 et 2015) précisant les bases de calcul avec les taux appliqués et les montants desdites régularisations.

C'est tout aussi vainement que la société reproche à l'inspecteur de ne pas avoir fourni d'indication, dans la lettre d'observations, quant aux salariés et aux mois concernés, la cour rappelant en effet que la lettre d'observations n'a pas à énoncer une liste nominative des salariés concernés ni à préciser le détail des calculs opérés.

S'il est fait référence dans la lettre d'observations à un 'détail joint en annexe', c'est en vain là encore, pour les motifs précités, que la société se prévaut de l'absence de détail en annexe. Il sera au surplus observé que l'URSSAF communique (sa pièce n° 8) un tableau dont elle dit qu'il s'agit précisément du document visé dans la lettre d'observations.

La société ayant été informée au sens de l'article R. 243-59 précité, aucune nullité n'est par conséquent encourue de ce chef.

L'URSSAF ayant satisfait aux prescriptions de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale et assuré le respect du principe de la contradiction, la procédure de redressement est régulière, le jugement entrepris étant confirmé sur ce point.

Sur le bien-fondé du redressement

' sur le chef relatif aux frais professionnels

Selon l'article 1 de l'arrêté du 20 décembre 2002, les frais professionnels s'entendent des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l'emploi du travailleur salarié ou assimilé que celui-ci supporte au titre de l'accomplissement de ses missions.

Les sommes à déduire de l'assiette des cotisations de sécurité sociale au titre des frais professionnels, tels que prévus à l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, sont celles qui sont versées aux travailleurs salariés ou assimilés, à l'exception des allocations forfaitaires prévues au 2° de l'article 2 ci-dessous perçues par les personnes visées aux 11°, 12° et 23° de l'article L. 311-3 du dit code pour l'exercice de leur fonction de dirigeant.

L'article 2 dispose que l'indemnisation des frais professionnels s'effectue :

1° Soit sous la forme du remboursement des dépenses réellement engagées par le travailleur salarié ou assimilé ; l'employeur est tenu de produire les justificatifs y afférents. Ces remboursements peuvent notamment porter sur les frais prévus aux articles 6, 7 et 8 (3°, 4° et 5°) ;

2° Soit sur la base d'allocations forfaitaires ; l'employeur est autorisé à déduire leurs montants dans les limites fixées par le présent arrêté, sous réserve de l'utilisation effective de ces allocations forfaitaires conformément à leur objet. Cette condition est réputée remplie lorsque les allocations sont inférieures ou égales aux montants fixés par le présent arrêté aux articles 3, 4, 5, 8 et 9.

L'article 3 prévoit que les indemnités liées à des circonstances de fait qui entraînent des dépenses supplémentaires de nourriture sont réputées utilisées conformément à leur objet pour la fraction qui n'excède pas une somme forfaitaire, dont le montant varie selon que le salarié est contraint de prendre une restauration sur son lieu effectif de travail, en raison de conditions particulières d'organisation ou d'horaires de travail, ou est en déplacement professionnel et empêché de regagner sa résidence ou son lieu habituel de travail.

Comme indiqué ci-dessus, l'inspecteur a constaté que la société avait, au cours de la période contrôlée, versé des primes de panier à des salariés sédentaires dont la situation de déplacement n'était pas établie au moment du repas.

Force est de constater que la société, qui avait indiqué dans sa lettre de contestation du 25 novembre 2016 que 'seuls les salariés amenés à effectuer des déplacements ont perçu une prime de panier' sans autre précision, se borne, dans ses conclusions, à soutenir qu'elle ignore quels sont les salariés concernés alors même que cette information, comme indiqué ci-dessus, figure dans la réponse apportée par l'inspecteur le 1er décembre 2016.

Faute pour la cotisante de rapporter la preuve des circonstances de fait établissant un déplacement professionnel, elle est mal fondée à contester ce chef de redressement.

Exactement informée de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation, la société n'a pas, au cours de la période contradictoire, fourni les justificatifs lui permettant de soustraire les sommes versées aux salariés de l'assiette des cotisations de sécurité sociale et ne remet pas en cause utilement les constatations des inspecteurs qui font foi jusqu'à preuve contraire.

Il s'ensuit que le jugement qui a validé sur ce point le redressement sera confirmé.

' sur le chef relatif à la déduction forfaitaire spécifique

La lettre d'observations rappelle exactement le principe d'assujetissement des rémunérations défini à l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et l'exclusion portant sur les sommes représentatives de frais professionnels lorsqu'elles respectent les conditions et limites fixées par arrêt interministériel.

Seules les professions listées à l'article 5 de l'annexe IV du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur au 31 décembre 2000, peuvent bénéficier d'une déduction forfaitaire spécifique, dans la limite de 7 600 euros, par application des dispositions de l'article 9 de l'arrêté du 20 décembre 2002 modifié par l'arrêté du 25 juillet 2005.

Le bénéfice de la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels est lié à l'activité professionnelle du salarié et non à l'activité générale de l'entreprise.

Les salariés dont l'activité correspond précisément à la définition de l'article 5 de l'annexe IV du code précité bénéficient de plein droit de l'abattement. En cas de doute, l'employeur doit être à même de justifier d'une décision explicite de l'administration fiscale.

La circulaire du 4 août 2005 modifiant la circulaire interministérielle du 7 janvier 2003 précise que 'le champ des professions concernées est celui qui avait été déterminé, sur la base des interprétations ayant fait l'objet d'une décision spéciale de la direction de la législation fiscale ou de la direction de la sécurité sociale avant le 1er janvier 2001.'

L'article 5 de l'annexe IV du code général des impôts prévoit une déduction forfaitaire spécifique de 10 % pour les 'ouvriers du bâtiment visés au paragraphe 1er et 2 de l'article 1er du décret du 17 novembre 1936, à l'exclusion de ceux qui travaillent en usine ou en atelier'.

Il résulte de l'article 5 de l'annexe IV précité et de la doctrine fiscale qu'ouvrent également droit à cet abattement, dans la mesure où ils ne travaillent pas en usine ou en atelier et où ils n'ont la qualité ni de fonctionnaires ni d'agents de collectivités publiques, notamment :

- les agents de maîtrise ou cadres travaillant sur les chantiers,

- les agents de maîtrise et cadres du secteur privé travaillant de façon constante sur les chantiers : chefs de chantier, conducteurs de travaux, commis de ville, ingénieurs.

Il peut être admis que peuvent prétendre à la déduction forfaitaire supplémentaire les ouvriers occupés dans l'entreprise que leur service appelle d'une façon régulière sur les chantiers et qui ont à supporter de ce fait des dépenses professionnelles sensiblement aussi élevées que celles des ouvriers travaillant exclusivement au dehors.

S'agissant des conducteurs de travaux, cette catégorie d'emplois figure bien sur la liste ouvrant droit à la déduction forfaitaire spécifique mais à la condition qu'il soit établi qu'ils travaillent de façon constante sur les chantiers.

C'est à l'employeur qui entend bénéficier de cette déduction de rapporter la preuve que les conditions en sont réunies.

Au cas particulier, au cours de ses opérations, l'inspecteur a constaté que la présence effective, permanente et exclusive sur les chantiers des conducteurs de travaux n'a pas pu être justifiée par l'employeur.

Si la société a contesté ce chef de redressement pendant la phase contradictoire c'est en affirmant que 'les conducteurs de travaux sont responsables des chantiers confiés à la société, ayant pour mission de coordonner et diriger l'ensemble des activités du chantier. Les conducteurs de travaux sont donc présents de façon constante au sein des chantiers sur lesquels ils coordonnent l'activité des salariés notamment.'

De la réponse de l'inspecteur du 1er décembre 2016 il résulte qu'aucun document justificatif n'avait été joint à cette contestation, en sorte que la contestation n'a été soutenue par aucune offre de preuve.

Comme en première instance, la société verse aux débats (ses pièces ° 6 et 7) les attestations établies le 1er décembre 2016 par deux de ses salariés (M.[E] et M. [R]) se déclarant conducteurs de travaux, rédigées sur un modèle unique, aux termes desquelles ils déclarent que leur activité professionnelle se déroule quasiment exclusivement sur les chantiers ; que leur présence sur les chantiers est identique à celle des compagnons qu'ils encadrent ; qu'ils sont en effet amenés à effectuer le suivi des chantiers, le pointage des factures, la coordination et la réception des travaux, la direction des équipes, ainsi que la participation aux réunions de travaux ; que ces missions, qui nécessitent leur présence sur les chantiers, ne peuvent pas être exercées depuis le siège de l'entreprise ;qu'il leur arrive de se rendre au siège de façon occasionnelle en fin de journée pour effectuer quelques tâches administratives (classement, commandes).

Elle verse également, comme en première instance, trois autres attestations (ses pièces 8 à 10) établies le 6 janvier 2017 par trois salariés se déclarant menuisiers (M. [C], M. [M], M. [S]), elles aussi rédigées de manière identique, aux termes desquelles ils indiquent que MM. [E] et [R] sont présents toute la journée sur les chantiers qu'ils gèrent ; qu'il en est de même pour les autres conducteurs de travaux de l'entreprise ; que leur présence est indispensable ; qu'il s'agit en effet de leur référent et ils doivent s'entretenir avec eux à chaque instant, ce qui explique qu'ils ont les mêmes horaires qu'eux.

Les premiers juges doivent être approuvés en ce qu'ils ont énoncé que ces attestations n'avaient pas été produites lors des opérations de contrôle.

Dès lors que la cotisante n'a pas produit, lors de ces opérations, les éléments nécessaires à la vérification de l'application de l'exclusion de l'assiette de cotisations, c'est à bon droit que l'inspecteur a procédé au redressement s'agissant des conducteurs de travaux. (2e Civ., 7 janvier 2021, pourvoi n° 19-20.035 et n°19-19.395).

Il s'ensuit que le jugement entrepris sera confirmé s'agissant de ce chef de redressement.

' sur le chef relatif à la réduction générale des cotisations

Après avoir rappelé les textes applicables, l'inspecteur du recouvrement indique avoir 'constaté des anomalies dans le calcul de la réduction Fillon, notamment dans le cas d'absences, ainsi que dans le cas de paiement ou de retenue d'heures de RTT.'. Il a en conséquence procédé à une régularisation de 10 895 euros.

Dans sa réponse aux observations de la société le 1er décembre 2016, l'inspecteur indique 'vous sollicitez l'annulation de ce point au motif que la société a déterminé pour chaque salarié le montant de la rémunération devant être prise en compte. La formule de calcul appliquée pour la réduction générale n'en demeure pas moins erronée. Le redressement est maintenu'.

Force est de constater que l'URSSAF ne justifie aucunement, dans la lettre d'observations ou dans la réponse de l'inspecteur, des anomalies constatées, dont elle se borne à dire, sans autre précision, qu'elles se rapportent notamment aux absences et RTT.

L'URSSAF se contente d'un exposé théorique sur les modalités de calcul de la réduction Fillon, d'un tableau indiquant la base globale de calcul des régularisations et d'un tableau nominatif en annexe qui ne fait qu'énoncer, pour chaque salarié mentionné, le montant de la réduction appliquée, celui qui aurait dû être retenu et, enfin, la différence entre ces deux montants.

La seule indication du résultat des calculs opérés par l'inspecteur, que ce soit dans la lettre d'observations ou dans le tableau nominatif annexé (pièce n°8 précitée), ne permet pas de reconstituer et de comprendre la base du redressement.

L'employeur, et la cour à sa suite, ne sont pas en mesure de contrôler la rectification opérée de la base de calcul, restant dans l'ignorance du nombre d'heures écartées et des raisons de leur exclusion (absences, RTT ou autres).

Ce chef de redressement sera par conséquent annulé.

La société, qui s'est acquittée le 22 décembre 2016 de la somme totale de 29 903 euros correspondant aux cotisations visées dans la mise en demeure, est par conséquent bien fondée à réclamer le remboursement de la somme de 10 895 euros au titre du chef annulé. Il n'apparaît pas en revanche que la société ait réglé quelque somme que ce soit au titre des majorations de retard, de sorte qu'elle est mal fondée à en réclamer le remboursement.

Sur les frais irrépétibles et les dépens

Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de l'URSSAF, qui succombe partiellement, ses frais irrépétibles d'appel, si bien qu'elle sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

S'agissant des dépens, l'article R.144-10 du code de la sécurité sociale disposant que la procédure est gratuite et sans frais en matière de sécurité sociale est abrogé depuis le 1er janvier 2019.

Il s'ensuit que l'article R.144-10 précité reste applicable aux procédures en cours jusqu'à la date du 31 décembre 2018 et qu'à partir du 1er janvier 2019 s'appliquent les dispositions des articles 695 et 696 du code de procédure civile relatives à la charge des dépens.

En conséquence, les dépens de la présente procédure exposés postérieurement au 31 décembre 2018 seront laissés à la charge de la société qui succombe pour l'essentiel à l'instance.

PAR CES MOTIFS :

La COUR, statuant publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement en ce qu'il :

- rejette la demande en nullité de la lettre d'observations ;

- valide le redressement au titre des chefs suivants :

* 'frais professionnels non justifiés - restauration hors des locaux de l'entreprise' (chef n°1) ;

* 'frais professionnels - déduction forfaitaire spécifique - conditions d'accès aux ouvriers du bâtiment' (chef n°2) ;

- constate que la société [4] a procédé au règlement intégral du redressement ;

- condamne la société [4] à payer à l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Bretagne une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Infirme ledit jugement en ce qu'il confirme la décision de la commission de recours amiable du 15 juin 2017 et valide le redressement au titre du chef 'réduction générale des cotisations : absences - proratisation' (chef n°3) ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

Annule le chef de redressement 'réduction générale des cotisations : absences - proratisation' (chef n°3) ;

Condamne l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Bretagne à restituer à la société [4] la somme de 10 895 euros ;

Déboute la société [4] du surplus de sa demande de remboursement ;

Déboute l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Bretagne de sa demande d'indemnité en cause d'appel fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société [4] aux dépens, pour ceux exposés postérieurement au 31 décembre 2018.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Rennes
Formation : 9ème ch sécurité sociale
Numéro d'arrêt : 21/03565
Date de la décision : 17/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-17;21.03565 ?
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