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18/04/2024 | FRANCE | N°20/08065

France | France, Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 4-4, 18 avril 2024, 20/08065


COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-4



ARRÊT AU FOND

DU 18 AVRIL 2024



N° 2024/



SM/FP-D









Rôle N° RG 20/08065 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGGD7







[B] [D]





C/



[U] [G]

Association UNEDIC, DÉLÉGATION AGS, CGEA DE [Localité 4]























Copie exécutoire délivrée

le :

18 AVRIL 2024

à :

Me Joseph MAGNAN, a

vocat au barreau d'AIX-EN-

PROVENCE





Me Cécile SCHWAL, avocat au barreau de NICE





















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CANNES en date du 12 Mars 2020 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F17/00199.





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COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-4

ARRÊT AU FOND

DU 18 AVRIL 2024

N° 2024/

SM/FP-D

Rôle N° RG 20/08065 - N° Portalis DBVB-V-B7E-BGGD7

[B] [D]

C/

[U] [G]

Association UNEDIC, DÉLÉGATION AGS, CGEA DE [Localité 4]

Copie exécutoire délivrée

le :

18 AVRIL 2024

à :

Me Joseph MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-

PROVENCE

Me Cécile SCHWAL, avocat au barreau de NICE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CANNES en date du 12 Mars 2020 enregistré(e) au répertoire général sous le n° F17/00199.

APPELANTE

Madame [B] [D], demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Joseph MAGNAN, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE,

et par Me David MASSON, avocat au barreau de GRASSE

INTIMES

Maître [U] [G] liquidateur judiciaire de la SARL FOR RENT RIVIERA, demeurant [Adresse 1]

non représenté

Association UNEDIC, DÉLÉGATION AGS, CGEA DE [Localité 4], demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Cécile SCHWAL, avocat au barreau de NICE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Février 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Stéphanie MOLIES, Conseillère, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Natacha LAVILLE, Présidente

Mme Emmanuelle CASINI, Conseillère

Madame Stéphanie MOLIES, Conseillère

Greffier lors des débats : Madame Françoise PARADIS-DEISS.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Avril 2024.

ARRÊT

réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 18 Avril 2024

Signé par Madame Natacha LAVILLE, Présidente et Madame Françoise PARADIS-DEISS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

Suivant contrat verbal prenant effet le 26 avril 2016, la S.A.R.L. For rent riviera (l'employeur) a engagé Mme [B] [D] (la salariée) en qualité d'assistante administrative.

La relation de travail a été soumise à la convention collective nationale des services de l'automobile.

Suivant acte d'huissier délivré le 29 juillet 2016 à personne morale, Mme [B] [D] a fait signifier à la S.A.R.L. For rent riviera une lettre datée du 20 juillet 2016 ayant pour objet : 'notification de prise d'acte de la rupture du contrat de travail'.

Suivant requête enregistrée au greffe le 18 octobre 2016, la salariée a saisi le conseil des prud'hommes de Cannes à l'encontre de la S.A.R.L. For rent riviera aux fins de voir :

-Relever l'existence d'un contrat de travail verbal

-S'entendre qualifier ledit contrat comme étant un CDI réputé conclu à temps plein

-Relever le salaire brut de la concluante au SMIC égale à : 1.446.64 €

-Relever l'accomplissement d'heures supplémentaires par la salariée au cours du mois de Mai 2015.

-Relever que celles-ci ainsi que l'entier salaire pourtant dus, n'ont pas été payés à la salariée

-Relever que la salariée n'a pas été entièrement payée pour le mois de Juin et Juillet 2016

-Constater que l'employeur n'a pas déclaré les entiers salaires de la salariée et a intentionnellement omis de déclarer ses entiers salaires aux organismes sociaux

- Relever la dissimulation partielle d'emploi salariée par l'employeur au préjudice de Madame [D]

-S'entendre juger que le comportement de l'employeur doit s'analyser en manquement grave à ses obligations essentielles à l'égard de la salariée

- S'entendre juger que la prise d'acte signifiée le 29 Juillet 2016 à l'employeur doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse

-Condamner l'employeur à verser à Madame [D] :

1.466,64 euros d'indemnité de requalification du CDD déclaré en CDI

1.031,34 euros au titre du rappel de salaire du mois de Mai 20016, avec la prise en compte de 33.33 heures supplémentaires effectuées

103,13 euros au titre des congés payés afférents

2.115,02 euros au titre du rappel de salaire pour les mois de Juin et Juillet 2016

211,50 euros au titre des congés payés afférents

8.799,84 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé

4.399,92 euros au titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse réparant la perte injustifiée de son emploi par la requérante comme les préjudices financiers ayant été subis du fait de la précarité ayant résulté de la rupture du contrat de travail, imputable à l'employeur 2.000,00 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC

La somme au titre des frais et dépens de l'instance.

****

La S.A.R.L. For rent riviera a été placée sous sauvegarde judiciaire aux termes d'un jugement du tribunal de commerce du 09 novembre 2016, la mesure ayant été convertie en plan de sauvegarde le 14 septembre 2017.

Par jugement du 4 décembre 2018, le tribunal de commerce a prononcé la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. For rent riviera et a désigné Me [G] en qualité de liquidateur judiciaire.

****

Suivant jugement du 12 mars 2020, le conseil des prud'hommes de Cannes a :

- débouté Mme [B] [D] de l'ensemble de ses demandes,

- dit et jugé que la date de rupture du contrat de travail de Mme [B] [D] est intervenue le 26 juin 2016,

- dit et jugé que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail de Mme [B] [D] du 20 juillet 2016 (signifié par voie d'huissier de justice le 29 juillet 2016) est tardive et ne saurait produire effet,

- dit et jugé que Mme [B] [D] a été remplie de ses droits au titre des heures travaillées,

- dit et jugé que la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens n'entrent pas dans la garantie du CGEA,

- laissé les dépens à la charge du demandeur.

****

La cour est saisie de l'appel formé le 21 août 2020 par la salariée.

Par ses dernières conclusions régulièrement remises au greffe le 19 mai 2021 et auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile, Mme [B] [D] demande à la cour de :

S'entendre juger que l'appel et les demandes de Mme [D] sont recevables et bien fondées,

- infirmer en totalité le jugement du conseil de prud'hommes de Cannes rendu le 12 mars 2020,

- s'entendre juger que l'arrêt sera opposable au mandataire et au CGEA. Ordonner au mandataire judiciaire de fixer la créance salariale suivant relevé de créance aux fins de permettre à Mme [D] de recevoir la garantie AGS par le CGEA.

En conséquence,

- relever l'existence d'un contrat de travail verbal,

- s'entendre qualifier ledit contrat comme étant un CDI réputé conclu à temps plein,

- relever le salaire brut de la concluante au SMIC égal à : 1 466,64 €,

- relever l'accomplissement d'heures supplémentaires par la salariée au cours du mois de mai 2015,

- relever que celles-ci ainsi que l'entier salaire pourtant dus, n'ont pas été payé à la salariée,

- relever que la salariée n'a pas été entièrement payée pour les mois de juin et juillet 2016,

- constater que l'employeur n'a pas déclaré les entiers salaires de la salariée et a intentionnellement omis de déclarer ses entiers salaires aux organismes sociaux,

- relever la dissimulation partielle d'emploi salariée par l'employeur, au préjudice de Mme [D],

- s'entendre juger que le comportement de l'employeur doit s'analyser en manquement grave à ses obligations essentielles à l'égard de la salariée,

- s'entendre juger que la prise d'acte signifiée le 29 juillet 2016 à l'employeur doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamner l'employeur à verser à Mme [D] :

- 1 466,64 € d'indemnité de requalification du CDD déclaré en CDI,

- 1 031,34 euros, au titre du rappel de salaire du mois de mai 2016, avec la prise en compte des 33,33 heures supplémentaires effectuées,

- 103,13 euros, au titre des congés payés afférents,

- 2 115,02 euros, au titre du rappel de salaire pour les mois de juin et juillet 2016,

- 211,50 euros, au titre des congés payés afférents,

- 8 799,84 euros, au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

- 4 399,92 euros, au titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse réparant la perte injustifiée de son emploi par la requérante comme les préjudices financiers ayant été subis du fait de la précarité ayant résulté de la rupture du contrat de travail, imputable à l'employeur,

- 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 CPC,

- les sommes au titre des frais et dépens de l'instance.

Par ses dernières conclusions régulièrement remises au greffe le 19 février 2021 et auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé de ses moyens et prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile, l'Unedic A.G.S. C.G.E.A. de [Localité 4], représentée, demande à la cour de :

CONFIRMER le jugement du Conseil des prud'hommes de Cannes en date du 12 mars 2020 en toutes ses dispositions

En conséquence,

' DIRE ET JUGER que la date de rupture des relations contractuelles est intervenue le 26 juin 2016;

' DIRE ET JUGER que la prise d'acte de la rupture par Madame [D] en date du 20 juillet 2016, sot postérieurement à la rupture du contrat de travail, est tardive et ne saurait produire d'effet ;

' DIRE ET JUGER que Madame [D] a été remplie de ses droits au titre des heures travaillées;

En conséquence,

' DEBOUTER Madame [D] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions tendant à la fixation au passif de la société ;

À titre subsidiaire

' LIMITER la demande de rappel de salaire de Madame [D] aux seuls mois de mai et juin 2016, après déduction des sommes déjà versées ;

' LIMITER la demande d'indemnité au titre du travail dissimulé à la somme de 5.028,60 euros ;

' LA DEBOUTER pour le surplus ;

En tout état de cause

' DIRE ET JUGER que la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les dépens n'entrent pas dans la garantie du CGEA ;

' DIRE ET JUGER qu'aucune condamnation ne peut être prononcée à l'encontre du CGEA et que la décision à intervenir ne peut tendre qu'à la fixation d'une éventuelle créance en deniers ou quittances;

' DIRE ET JUGER que l'obligation du CGEA de faire l'avance de la somme à laquelle serait évalué le montant total des créances garanties, compte tenu du plafond applicable, ne pourra s'exécuter que sur présentation d'un relevé par mandataire judiciaire, et justification par celui-ci de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder au paiement ;

' DIRE ET JUGER que la décision à intervenir sera opposable au CGEA dans les limites de la garantie légale et réglementaire et que le CGEA ne devra procéder à l'avance des créances visées aux articles L 3253-6 et L 3253-8 du Code du Travail que dans les termes et conditions résultant des dispositions légales et réglementaires.

Bien que régulièrement avisé de la déclaration d'appel suivant acte signifié à personne morale le 5 octobre 2020 à Me [U] [G] en sa qualité de mandataire liquidateur de la S.A.R.L. For rent riviera qui mentionne que l'intimé est tenu de constituer avocat, n'a pas constitué avocat.

L'ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 22 janvier 2024.

MOTIFS :

Liminairement, la cour dit, en vertu de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile qu'elle n'a pas à statuer sur la demande de sommation de communiquer développée par l'Unedic délégation A.G.S. C.G.E.A. de [Localité 4] dans la partie discussion de ses conclusions, dès lors qu'elle n'est pas énoncée au dispositif.

1. Sur la nature du contrat de travail :

La salariée soutient qu'à défaut d'écrit, son contrat de travail s'analyse nécessairement en un contrat à durée indéterminée.

L'Unedic délégation A.G.S. C.G.E.A. de [Localité 4] relève que les bulletins de paie, le solde de tout compte et l'attestation Pôle emploi confirment une fin des relations contractuelles au 26 juin 2016, conformément aux déclarations de l'employeur rapportées dans les écritures de Mme [D].

L'article L. 1242-12 du code du travail dispose en son premier alinéa que le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. A défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée.

En l'espèce, à défaut d'écrit, le contrat de travail conclu entre Mme [D] et la S.A.R.L. For rent riviera est présumé conclu à durée indéterminée.

Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

2. Sur la durée du temps de travail :

La salariée souligne que l'employeur ne rapporte aucunement la preuve de la durée qui aurait été convenue dans le cadre d'un temps partiel et du fait qu'elle n'était pas placée dans l'impossibilité de prévoir son rythme de travail.

Elle estime au contraire qu'elle devait demeurer à la disposition permanente de son employeur, ainsi que le démontrerait le nombre d'heures accomplies au cours du mois de mai 2016.

L'Unedic délégation A.G.S. C.G.E.A. de [Localité 4] observe que les conclusions de la salariée font référence aux pièces produites en première instance par l'employeur, dont un contrat à durée déterminée à temps partiel non signé par Mme [D]- qui manifesteraient l'intention de la société d'embaucher la salariée sur la base de 20 heures par semaine.

Il en déduit que la salariée n'a jamais été à la disposition permanente de la société, ni dans l'incapacité de prévoir son rythme de travail.

L'article L.3123-14 du code du travail, dans sa version applicable aux faits de l'espèce, dispose en son premier alinéa que le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit.

Il s'agit d'une présomption simple à laquelle l'employeur peut apporter la preuve contraire, en démontrant la réunion des conditions de fond du contrat à temps partiel, à savoir d'une part que la durée exacte de travail est inférieure à la durée légale, d'autre part, que cette durée est répartie entre les jours de la semaine ou les semaines du mois afin que le salarié ne soit pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il travaille et qu'il ne soit pas tenu de se tenir constamment à la disposition de l'employeur.

En l'espèce, la cour relève que la société ne produit aucun élément de nature à justifier de la durée de travail de la salariée, de la stabilité et de la régularité de son emploi du temps et de sa connaissance à l'avance des jours et horaires de travail.

Dans ces conditions il s'impose de requalifier le contrat en contrat à temps complet.

Le jugement querellé sera par conséquent infirmé de ce chef.

3. Sur l'indemnité de requalification :

Aux termes de l'article L.1245-2 alinéa 2 du code du travail, si le juge fait droit à la demande du salarié tendant à la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, il doit lui accorder une indemnité mise à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure à un mois de salaire, étant précisé que le salaire s'entend de tous les éléments de la rémunération perçue par le salarié.

En l'espèce, Mme [D] sollicite le paiement de la somme brute de 1 466,64 euros au titre de l'indemnité de requalification, soit 9,67 euros x 151,67 heures (le taux horaire figurant sur les bulletins de salaire x la durée mensuelle légale de travail).

Cette demande est justifiée en l'état des pièces versées au débat, et notamment des bulletins de salaire mentionnant un taux horaire à hauteur de 9,67 euros.

En conséquence, infirmant le jugement déféré, la cour fixe la créance de la salariée à la somme de 1 466,64 euros au titre de l'indemnité de requalification.

Cette créance sera inscrite au passif de la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. For rent riviera.

4. Sur la demande de rappel de salaire pour le mois de mai 2016 :

La cour observe que la demande de rappel de salaire présentée par Mme [D] pour le mois de mai 2016 se décompose en une demande au titre des heures normalement effectuées dans le cadre d'un temps complet, et une demande au titre des heures supplémentaires accomplies.

Ces demandes obéissant à deux régimes probatoires distincts, elles seront examinées successivement.

4.1 - Sur la demande au titre du temps complet :

En cas de requalification en contrat à temps complet, le salarié peut prétendre au paiement de rappels de salaire correspondant à ce temps complet, même si le salarié avait d'autres activités professionnelles.

En l'espèce, la salariée a droit à un rappel de salaire correspondant à la différence entre la rémunération pour un travail à temps complet qu'elle était en droit de percevoir et la rémunération qu'elle a effectivement perçue pour un travail à temps partiel.

Il ressort ainsi du bulletin de salaire du mois de mai 2016 que Mme [D] a perçu la somme brute de 838,10 euros alors qu'elle aurait dû percevoir la somme brute totale de 1 466,64 euros (soit 9,67 x 151,67).

Infirmant le jugement déféré, la cour fixe dès lors la créance de la salariée au titre du rappel de salaire dû sur le fondement de la requalification à temps complet pour le mois de mai 2016 à la somme brute de 628,54 euros correspondant à la différence, outre une créance de 62,85 euros au titre des congés payés afférents.

La cour ordonne par ailleurs l'inscription de ces créances au passif de la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. For rent riviera.

4.2 - Sur la demande au titre des heures supplémentaires :

La salariée affirme produire un décompte précis des horaires effectués au cours du mois de mai 2016.

En réponse, l'Unedic délégation AG.S. C.G.E.A. de [Localité 4] observe qu'à l'appui de sa demande, la salariée produit exclusivement un agenda ne correspondant pas à ses dates de travail.

Il ajoute à ce propos que les échanges de SMS versés au débat ne permettent pas de conclure à une réalisation d'heures complémentaires ou supplémentaires.

Il s'étonne de la mention d'heures de travail postérieurement au 3 juin 2016 alors que la salariée précise aux termes de ses écritures avoir reçu instruction de ne plus se présenter à son poste à compter du 3 juin 2016.

Aux termes de l'article L.3171-2 alinéa 1er du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Selon l'article L.3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

Enfin, selon l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par la salarié. Au vu de ces éléments et ce ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.

Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

La cour rappelle enfin que la durée légale du travail effectif des salariés est fixée à 35 heures par semaine soit 151,67 heures par mois, et que les heures effectuées au-delà sont des heures supplémentaires qui donnent lieu à une majoration de salaire de 25% pour chacune des 8 premières heures (de la 36ème à la 43ème incluse) et de 50% à partir de la 44ème heure.

En l'espèce, la salariée verse aux débats :

- le récapitulatif des horaires effectués, jour par jour, entre les mois d'avril 2016 et juin 2016, faisant apparaître :

- 28h32 travaillées au cours du mois d'avril 2016,

- 186h15 travaillées au cours du mois de mai 2016,

- 13h45 travaillées au cours du mois de juin 2016.

Ces éléments sont suffisamment précis quant aux heures non rémunérées que la salariée prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur d'y répondre.

L'employeur, non constitué, ne justifie d'aucun élément contraire à ceux apportés par la salariée.

Dans ces conditions, après analyse des pièces versées au débat, et en infirmant le jugement déféré, la cour fixe la créance de la salariée à la somme de 402,80 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires outre celle de 40,28 euros au titre des congés payés afférents.

Ces créances seront inscrites au passif de la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. For rent riviera.

5. Sur la rupture du contrat de travail :

A l'appui de sa demande de prise d'acte de la rupture du contrat de travail, la salariée se prévaut des manquements suivants de l'employeur :

- l'absence de paiement intégral des 185 heures accomplies durant le mois de mai 2016 du fait de l'accroissement d'activité lors du festival du film,

- le refus de fourniture du travail à compter du 3 juin 2016 et l'absence de versement des salaires convenus,

- l'absence de déclaration aux organismes sociaux de l'intégralité des heures effectuées par la salariée.

En réponse, l'Unedic délégation A.G.S. C.G.E.A. délégation de [Localité 4] relève que la salariée ne produit pas le courrier de prise d'acte allégué.

Il ajoute qu'elle a perçu le revenu de solidarité active dès le mois de juillet 2016, ce qui conforterait l'existence d'une rupture du contrat de travail au 26 juin 2016. Il déduit de ces éléments que la salariée n'avait pas la possibilité de prendre acte de la rupture du contrat de travail qui était d'ores et déjà rompu, et ce quelle que soit la légitimité de la rupture du contrat de travail intervenue le 26 juin 2016.

La prise d'acte est un mode de rupture du contrat de travail à l'initiative du salarié visant à sanctionner les manquements suffisamment graves de l'employeur empêchant la poursuite du contrat de travail ; elle suppose par conséquent que le contrat de travail soit toujours en vigueur.

En l'espèce, la salariée verse au débat différents justificatifs mentionnant une rupture du contrat de travail au 26 juin 2016.

Ainsi, le reçu pour solde de tout compte, l'attestation employeur destinée à Pôle emploi et le bordereau individuel d'accès à la formation datés du 30 juin 2016 font état d'une sortie de la salariée des effectifs de la société au 26 juin 2016.

L'effectivité de la rupture du contrat de travail de la salariée au 26 juin 2016 est confortée par la perception par Mme [D] du revenu de solidarité active à hauteur de 475,35 euros dès le mois de juillet 2016.

Il s'ensuit que lors de la signification du courrier de prise d'acte de la rupture du contrat de travail par Mme [D], intervenue le 29 juillet 2016, le contrat de travail était d'ores et déjà rompu depuis le 26 juin 2016 et que la prise d'acte ne pouvait recevoir un quelconque effet.

Le jugement entrepris sera dès lors confirmé en ce qu'il a débouté Mme [D] de sa demande de prise d'acte de la rupture du contrat de travail pour manquement de l'employeur.

6. Sur la demande de rappel de salaire pour les mois de juin et juillet 2016 :

L'Unedic délégation A.G.S. C.G.E.A. de [Localité 4] soutient qu'aucun rappel de salaire ne saurait être mis à la charge de l'employeur dès lors que le contrat a été rompu le 26 juin 2016.

En l'espèce, il a été jugé ci-dessus que le contrat de travail de Mme [D] avait pris fin le 26 juin 2016.

La salariée sera dès lors déboutée de sa demande de rappel de salaire pour la période postérieure au 26 juin 2016.

S'agissant du mois de juin 2016, il résulte du bulletin de salaire du mois de juin 2016 versé au débat qu'elle a perçu la somme brute de 696,24 euros à titre de salaire alors qu'elle aurait dû percevoir la somme de 1 271,09 euros (soit 151,67 / 30 x 26 x 9,67).

Infirmant le jugement déféré, la cour dit en conséquence que la créance de Mme [D] au titre du rappel de salaire du mois de juin 2026 sera fixée à la somme de 574,85 euros, outre 57,48 euros au titre des congés payés afférents.

Ces créances seront inscrites au passif de la liquidation judiciaire de la SA.R.L. For rent riviera.

7. Sur le travail dissimulé :

Il résulte de l'article L.8221-1 du code du travail qu'est prohibé le travail totalement ou partiellement dissimulé par dissimulation d'emploi salarié.

Aux termes des dispositions de l'article L.8221-5 du code du travail dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur notamment de mentionner sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.

Il résulte de l'article L.8223-1 du code du travail qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel l'employeur a recours en commettant les faits prévus à l'article L.8221-5 du code du travail a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Il revient au salarié de rapporter la preuve de l'élément intentionnel du travail dissimulé.

En l'espèce, la salariée soutient que la volonté de l'employeur de se soustraire aux dispositions des articles L.8221-5 et suivants du code du travail ne fait aucun doute.

En réponse, l'Unedic délégation A.G.S. C.G.E.A. de [Localité 4] estime que la salariée ne démontre aucunement la réalité de ses allégations.

La cour rappelle en premier lieu que le défaut de déclaration de l'intégralité des heures de travail de la salariée pour les mois d'avril et juin 2016 résulte de la requalification du temps de travail en temps complet en l'absence de contrat écrit et ne peut dès lors caractériser l'élément intentionnel du travail dissimulé ; la cour relève au surplus que Mme [D] ne prétend pas avoir effectivement travaillé à temps complet au cours des mois d'avril et juin 2016.

En revanche, le bulletin de salaire du mois de mai 2016 mentionne une durée de travail mensuelle rémunérée à hauteur de 86,67 heures alors qu'il a été jugé que la salariée avait accompli 186h15 au cours de ce mois.

Néanmoins, en l'état des éléments versés au débat et au regard de la période limitée concernée, la cour dit que la salariée ne démontre pas que la société était informée que le nombre d'heures de travail porté sur les bulletins de salaire était inférieur à celui réellement accompli pour le mois en question.

Il s'ensuit que la salariée ne rapporte pas la preuve de l'élément intentionnel du travail dissimulé.

Le jugement entrepris sera dès lors confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande sur ce fondement.

8. Sur la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse:

La salariée fonde sa demande sur les effets de la prise d'acte de la rupture du contrat de travail pour manquement de l'employeur à ses obligations.

La cour rappelle que la salariée a été déboutée de sa demande de prise d'acte de la rupture du contrat de travail pour manquement de l'employeur dès lors que le contrat était déjà rompu lors de l'envoi du courrier de prise d'acte.

Il s'ensuit que la salariée ne peut se fonder sur les effets de la prise d'acte pour solliciter des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

A défaut de tout autre moyen développé pour remettre en cause le bien-fondé de la rupture du contrat de travail survenue le 26 juin 2016, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [D] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

9. Sur la garantie de l'association Unedic délégation A.G.S. C.G.E.A. de [Localité 4] :

Il convient de rappeler que l'A.G.S. n'est redevable de sa garantie que dans les limites précises des dispositions légales des articles L.3253-8 et suivants du code du travail ; elle ne garantit pas à ce titre les montants alloués au titre l'article 700 du code de procédure civile.

En outre, au regard du principe de subsidiarité, elle ne doit sa garantie qu'autant qu'il n'existe pas de fonds disponibles dans la procédure collective.

Il y a également lieu de rappeler qu'en application de l'article L. 622-28 du code de commerce, les intérêts cessent de courir à compter du jour de l'ouverture de la procédure collective.

10. Sur les autres demandes :

Eu égard à la nature de la présente décision, chaque partie conservera la charge de ses dépens.

Par ailleurs, il n'est pas inéquitable de laisser à Mme [D] ses frais irrépétibles non compris dans les dépens ; elle sera par conséquent déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

INFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a :

- dit et jugé que la date de rupture du contrat de travail de Mme [B] [D] est intervenue le 26 juin 2016,

- débouté Mme [D] de sa demande de prise d'acte de la rupture du contrat de travail pour manquement de l'employeur,

- débouté Mme [D] de sa demande de rappel de salaire pour la période postérieure au 26 juin 2016,

- débouté Mme [D] de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

REQUALIFIE le contrat de travail en contrat à durée indéterminée à temps complet,

FIXE la créance de Mme [B] [D] à l'encontre de la S.A.R.L. For rent riviera aux sommes de :

- 1 466,64 euros au titre de l'indemnité de requalification,

- 628,54 euros au titre du rappel de salaire pour le mois de mai 2016,

- 62,85 euros au titre des congés payés afférents,

- 402,80 euros au titre des heures supplémentaires,

- 40,28 euros au titre des congés payés afférents,

- 574,85 euros au titre du rappel de salaire pour le mois de juin 2016,

- 57,48 euros au titre des congés payés afférents,

DIT que les sommes allouées sont exprimées en brut,

ORDONNE l'inscription de ces créances au passif de la liquidation judiciaire de la S.A.R.L. For rent riviera,

RAPPELLE que les intérêts cessent de courir à compter du jour de l'ouverture de la procédure collective,

RAPPELLE que l'A.G.S., qui ne garantit pas les montants alloués au titre l'article 700 du code de procédure civile, n'est redevable de sa garantie que dans les limites précises des dispositions légales des articles L. 3253-8 et suivants du code du travail, et qu'autant qu'il n'existe pas de fonds disponibles dans la procédure collective,

DIT que chacune des parties conservera la charge de ses dépens,

DEBOUTE Mme [B] [D] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Formation : Chambre 4-4
Numéro d'arrêt : 20/08065
Date de la décision : 18/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-18;20.08065 ?
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